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Cercle CULTURE DE DEFENSE Académie de Montpellier Journée du 29/11/2013 L’espace saharien en géographie sous l’angle de l’éducation à la défense - Terminale ES-L C.Delage 1 Le Sahara, enjeu de recherche, espace de défense culturelle pour la France ? Il va de soi que l’espace saharien et sub-saharien est pour la France aujourd’hui un espace de défense militaire et de défense économique. Des élèves de Terminale ne peuvent totalement l’ignorer à la lumière de l’actualité malienne pour l’aspect militaire, et ils ne sont pas sans savoir, au vu des prises d’otage récentes effectuées sur des sites industriels en plein espace saharien comme Arlit, qu’il y existe des ressources en minerais et en hydrocarbures, qui excitent toutes les convoitises. En quoi consistent les différentes entrées possibles par la culture de défense sur ce sujet, étude de cas de 3 heures initiant le thème de géographie de Terminale, « Dynamiques des grandes aires continentales » et son sous-chapitre « L’Afrique : les défis du développement » ? Entrer par la défense militaire ? L’histoire de notre présence coloniale pourrait y inviter, en replaçant cette présence militaire sur une longue durée. C’est là poser la question de nos intérêts stratégiques en Afrique, qui se renouvèlent aujourd’hui par rapport à ce qu’ils ont été il y a plusieurs décennies. Néanmoins, voilà qui pourrait nous entraîner un peu trop au loin vu le peu de temps à consacrer à cette étude de cas. La complexité des enjeux de l’interventionnisme français en Afrique saharienne pendant et après la guerre froide sera de toute façon à aborder, mais il s’agit d’un chapitre de géographie, et prendre comme fil rouge l’histoire passée comme l’histoire immédiate (sur laquelle nous manquons d’ailleurs de recul) peuvent rendre confuse l’étude spatiale de cet espace. Entrer par la défense économique ? Les exemples concrets ne manquent pas : la présence d’ingénieurs, d’entreprises comme Aréva, de chefs d’entreprises lors des déplacements du chef de l’Etat en visite officielle… permettraient de poser la question de la place de la France dans le contexte de concurrence internationale sévère qui implique le continent africain. Mais présenter le Sahara comme espace exploitable tout au long de l’étude de cas peut poser problème car le sujet ne laisse pas d’être particulièrement polémique, et les élèves seront en droit de suspecter là une forme d’impérialisme désabusée et cynique maintenant encore et toujours l’Afrique dans la dépendance des grandes puissances. Le choix de l’entrée par la défense culturelle Il est beaucoup moins évident pour les élèves de Terminale de concevoir cet espace et ses marges comme un enjeu de défense culturelle, c'est-à-dire un enjeu de promotion de la culture, de la langue française, et de valeurs républicaines, langue et culture qui peuvent être un éventuel outil également pour ces Etats de promotion sur la scène internationale. Le français est la première langue parlée en Afrique, et le Sahara est depuis le XIXe siècle un enjeu de connaissance et de recherche en plus d’être un espace à contrôler. L’est-il encore aujourd’hui ? Peut-on considérer cet espace comme un lieu où peut s’exercer, à travers la langue, la culture, et la recherche en particulier géographique - françaises, l’influence de la France comme vecteur de valeurs humanistes fondamentales ?

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Le Sahara, enjeu de recherche, espace de

défense culturelle pour la France ?

Il va de soi que l’espace saharien et sub-saharien est pour la France aujourd’hui un espace de défense

militaire et de défense économique. Des élèves de Terminale ne peuvent totalement l’ignorer à la lumière de

l’actualité malienne pour l’aspect militaire, et ils ne sont pas sans savoir, au vu des prises d’otage récentes

effectuées sur des sites industriels en plein espace saharien comme Arlit, qu’il y existe des ressources en

minerais et en hydrocarbures, qui excitent toutes les convoitises.

En quoi consistent les différentes entrées possibles par la culture de défense sur ce sujet, étude de cas

de 3 heures initiant le thème de géographie de Terminale, « Dynamiques des grandes aires continentales » et son

sous-chapitre « L’Afrique : les défis du développement » ?

Entrer par la défense militaire ?

L’histoire de notre présence coloniale pourrait y inviter, en replaçant cette présence militaire sur une longue

durée. C’est là poser la question de nos intérêts stratégiques en Afrique, qui se renouvèlent aujourd’hui par rapport

à ce qu’ils ont été il y a plusieurs décennies. Néanmoins, voilà qui pourrait nous entraîner un peu trop au loin vu le

peu de temps à consacrer à cette étude de cas. La complexité des enjeux de l’interventionnisme français en Afrique

saharienne pendant et après la guerre froide sera de toute façon à aborder, mais il s’agit d’un chapitre de

géographie, et prendre comme fil rouge l’histoire passée comme l’histoire immédiate (sur laquelle nous manquons

d’ailleurs de recul) peuvent rendre confuse l’étude spatiale de cet espace.

Entrer par la défense économique ?

Les exemples concrets ne manquent pas : la présence d’ingénieurs, d’entreprises comme Aréva, de chefs

d’entreprises lors des déplacements du chef de l’Etat en visite officielle… permettraient de poser la question de la

place de la France dans le contexte de concurrence internationale sévère qui implique le continent africain. Mais

présenter le Sahara comme espace exploitable tout au long de l’étude de cas peut poser problème car le sujet ne

laisse pas d’être particulièrement polémique, et les élèves seront en droit de suspecter là une forme d’impérialisme

désabusée et cynique maintenant encore et toujours l’Afrique dans la dépendance des grandes puissances.

Le choix de l’entrée par la défense culturelle

Il est beaucoup moins évident pour les élèves de Terminale de concevoir cet espace et ses marges

comme un enjeu de défense culturelle, c'est-à-dire un enjeu de promotion de la culture, de la langue française,

et de valeurs républicaines, langue et culture qui peuvent être un éventuel outil également pour ces Etats de

promotion sur la scène internationale. Le français est la première langue parlée en Afrique, et le Sahara est

depuis le XIXe siècle un enjeu de connaissance et de recherche en plus d’être un espace à contrôler. L’est-il

encore aujourd’hui ? Peut-on considérer cet espace comme un lieu où peut s’exercer, à travers la langue, la

culture, et la recherche – en particulier géographique - françaises, l’influence de la France comme vecteur de

valeurs humanistes fondamentales ?

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Il existe toute une histoire des « africanistes » sahariens français (souvent en concurrence avec les Anglais puis

les Allemands), depuis l’aventurier René Caillé en 1827-28 découvrant Tombouctou, en passant par le rôle joué

par la Société de Géographie, qui est la plus ancienne au monde (1821) et qui tire dès l’origine sa légitimité de

ces expéditions qu’elle subventionne, jusqu’à Théodore Monod, Françoise Claustre et les chercheurs actuels de

la Maison des Sciences de l’homme de Montpellier ou de l’unité de recherche bordelaise « les Afriques dans le

monde ».

En 1927, Théodore Monod est choisi pour participer à une expédition scientifique à travers le Sahara,

d’Alger à Dakar via Tombouctou. Affecté dans une unité saharienne (chamelier de deuxième classe

dans la Compagnie saharienne), il en profite pour poursuivre ses recherches. Théodore Monod

devient directeur de l'Institut français d'Afrique noire, créé à Dakar en 1936 et qu'il a rejoint en 1938,

faisant de cet organisme le plus grand centre scientifique de l’Afrique-Occidentale française.

1974 : Françoise Claustre, archéologue, est

enlevée au Tchad par Hissène Habré, alors en

dissidence. Elle est le premier otage du Sahara

médiatisée (la « prisonnière du désert » de R.

Depardon) qui fera intervenir de nombreux

acteurs internationaux : les Libyens de Kadhafi, le

président Giscard d’Estaing qui envoie Jacques

Chirac sur le terrain pour verser une contrepartie.

Actuellement, la présence des archéologues

français est importante en Afrique (on compte plus

de trente programmes de fouilles en cours, en

partie dans l’espace saharien).

Paul Pandolfi est ethnologue et étudie les sociétés touarègues. Il dirige la Maison des

Sciences de l’Homme à Montpellier et de nombreux travaux de recherches portant sur

l’espace saharien. Ses travaux permettent entre autre de revisiter le « mythe touarègue » qui

s’est constitué au cours de l’époque coloniale et qui visait à valoriser ces derniers par

opposition aux populations arabes. Ces clichés imprègnent encore notre façon de considérer

le Sahara et ce que l’on croit être ses seuls habitants.

« Les Afriques dans le monde » est une unité mixte de recherche fondé par le CNRS et

Sciences-Po Bordeaux. Elle met en réseau de nombreux chercheurs travaillant sur le

continent, en continuité avec la tradition française de recherches en Afrique.

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Se poser la question de la défense culturelle dans un tel espace qui fut – en partie – sous contrôle français à une

époque donnée, c’est se poser la question des intérêts humains et culturels qui nous lient aujourd’hui à cet

espace : qu’a-t-on à y faire exactement ? Qu’a-t-on à y apporter et à en recevoir ? S’il n’est pas évident que là

soit l’une des priorités de la politique de défense française, que reste-t-il pourtant de cette présence culturelle ?

Vers où va-t-elle aujourd’hui ? Les recherches géographiques actuelles nous permettent-elles de mieux

connaître ces espaces, leurs ressources, leurs cultures, leurs langues, leurs habitants, et en quoi cela sert-il les

intérêts culturels de la France ?

On peut ainsi à travers les acteurs de cette défense culturelle (ses diplomates, ses chercheurs,) et leurs

sujets actuels d’étude :

revenir brièvement sur notre présence passée dans ces espaces (une histoire

d’explorations, de compétition internationale, de représentations culturelles) ;

comprendre ce que les chercheurs français y font aujourd’hui (l’Afrique est un

terrain de recherche privilégié pour eux) ne serait-ce qu’en sciences humaines : « Ces

programmes reflètent à la fois l'intérêt historique des Français pour le continent mais également leur

capacité à exporter nos méthodes universitaires en Afrique, vecteur d'un mode de pensée français. »

(Rapport d’information du Sénat, 29 octobre 2013). Les élèves de Terminale sont ainsi mis en contact

avec la recherche universitaire et ses enjeux (étudier par exemple les populations touarègues

n’est en rien déconnecté de l’actualité géopolitique) ;

faire comprendre la grande particularité voire l’étrangeté – pour un non-Français

par exemple - de ce qu’est la défense culturelle française (la francophonie, l’Alliance Française,

l’Institut français…) au sein d’une politique de défense qui se veut globale ;

et par ce biais présenter aux élèves de Terminale les « enjeux actuels du

développement et de l’insertion de l’espace saharien dans la mondialisation » comme le veut le

programme de Terminale :

Objectifs du programme : fiche EDUSCOL

thème 3 : Dynamiques des grandes aires continentales (environ 30 heures)

o « L’Afrique : les défis du développement »

1. Le Sahara : ressources, conflits (étude de cas)

2. Le continent africain face au développement et à la mondialisation

3. L’Afrique du Sud : un pays émergent

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1. « Un espace contraignant mais aux ressources

importantes »

Les Français entre recherche scientifique, défense

économique, et géographie des « saharatowns »

Documents d’appui :

o la carte « Enjeux et richesses du Sahel », publié dans le magazine Diplomatie n°38 (mai-juin 2009)

o Un groupe d’extraits courts de plusieurs articles :

Armelle Choplin et Olivier Pliez, « De la difficulté de cartographier l’espace saharo-

sahélien », et « (Re)construire l’image des territoires du Sahara et du Sahel », Mappemonde,

n° 103 (2011)

Pierre Deschamps, « L’eau sous le Sahara : pas si fossile que ça », Fiches d’actualité

scientifique, Institut de Recherche pour le Développement, mai 2013.

Michel Foucher, « Le Sahara n’est plus une frontière », L’Histoire les collections, mars 2013 o Paysages de Nouakchott, Mauritanie

La recherche française aujourd’hui porte sur :

o les difficultés de cartographier cet

espace, ses limites, ses mutations :

Des limites physiques ? Une

fois la végétation disparue sous l’effet de l’aridité

(olivier au Nord, cram cram au sud – graminées

épineuses – qui sert d’indicateur naturel pour

délimiter Sahel et Sahara) s’étendent ergs et regs et

plusieurs chaînes volcaniques.

Mais il y a plus complexe à

cartographier selon les géographes (comme Olivier

Pliez) aujourd’hui : ce sont les mutations actuelles qui

concernent cet espace, comme les migrations

transsahariennes, et la montée de l’insécurité et du

terrorisme. Les productions cartographiques sur ces

Difficulté à cartographier

Recherches sur l’eau, le sous-sol

Impact de cette exploitation sur la stabilité de l’espace et impact sur les mouvements de population (urbanisation du Sahara)

Les employés d’Areva ; les « régions déconseillées » aux voyageurs

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deux phénomène sont particulièrement sujettes à caution, et font l’objet de débats et de

critiques, car elles peuvent véhiculer certains messages, entretenir certains clichés.

= le Sahara vu d’Europe : un espace migratoire incontrôlable, une inflation de flux non

hiérarchisés, une simplification qui font se confondre « itinéraire » et « flux » et qui donnent

souvent l’impression inquiétante d’une invasion de l’Europe par les migrants affluant vers le

Nord (or d’autres flux non moins importants dirigés vers le golfe de Guinée n’apparaissent

que rarement). La carte ci-dessous issue du centre de crise du Ministère des Affaires

Etrangères (un peu périmée car de 2011) s’adresse aux éventuels voyageurs français, et

stigmatise une zone dite du « Sahel » couvrant pourtant une large zone saharienne, comme

étant une « région formellement déconseillée » de la Mauritanie au Niger.

« À l’évidence, représenter en surface une menace ne s’accorde pas avec la réalité d’AQMI,

groupe qui opère toujours par des attaques ciblées et ponctuelles et selon une stratégie «fondée

sur le mouvement et les réseaux» (Retaillé, Walther, 2011). Une carte réticulaire qui

présenterait ses bases terrestres (le terme d’al Qaïda signifie justement base en arabe) et

les lieux d’actes terroristes serait bien plus juste. Devant l’impossibilité à réaliser cette

carte, c’est toute la zone qui est montrée du doigt pour le «risque terroriste» qu’elle représente

et, par conséquent, délaissée par les touristes, les chercheurs, les ONG et les investisseurs.

Seules les grandes firmes multinationales continuent à tirer bénéfice des ressources que la zone

renferme et sont prêtes à investir beaucoup d’argent pour assurer la sécurité des enclaves

extractives. » Armelle Choplin et Olivier Pliez, « De la difficulté de cartographier l’espace saharo-

sahélien », Mappemonde, n° 103 (2011)

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o La présence de l’eau, l’histoire climatique, l’étude des sous-sols

De récentes recherches utilisant des données satellites ont permis de découvrir que les

d’importantes quantités d’eau sont stockées dans le sous-sol saharien et que, loin d’être

seulement fossiles, ces nappes voient leur volume augmenter. Malgré leur taille ces

réservoirs sont surexploités, mais le fait de savoir qu’ils peuvent se réalimenter permet d’en

envisager un usage raisonné plus durable. Ces recherches n’ont pas été menées par les seuls

Français (Pierre Deschamps est géochimiste) mais grâce à des données collectées par un

satellite de la Nasa et le centre aérospatial allemand. Ce qui nous intéresse surtout ici c’est

l’organisme qui coordonne ces recherches :

L’IRD comme acteur de la défense culturelle : Cet Institut de Recherche pour le

Développement, français, est un organisme s’intéressant aux relations entre l’homme et son

environnement, qui a pour objectif de contribuer au développement des pays du Sud

(tutelle du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, et du ministère des

affaires étrangères). Son lien à l’histoire coloniale est net puisqu’un premier comité

scientifique apparaît en 1937 afin de coordonner ce qu’on qualifie alors de « science

coloniale ». Au cours de la décolonisation, l’organisme (qui ne s’appelle pas encore iRD mais

ORSTOM, Office de la recherche scientifique et technique d’outre-mer) s’oriente vers l’idée

d’aide au développement par le biais de la coopération scientifique et technique avec les

pays du Sud. L’Afrique joue évidemment un rôle majeur pour l’IRD (nom pris en 1998). Ses

départements scientifiques sont au nombre de cinq : milieux et environnement, ressources

vivantes, société et santé, expertise et valorisation, soutient et formation des communautés

scientifiques du Sud.

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Les PMA figurent aujourd’hui comme priorité de l’IRD, et tout particulièrement l’Afrique

subsaharienne, avec des thématiques de recherche comme les ressources en eau, les aléas

et risques naturels…

L’un des programmes de recherche porte sur l’étude de la géodynamique des ressources

minérales en Afrique de l’ouest :

Les chercheurs français impliqués ici, s’ils représentent une certaine excellence en matière

de recherche en géosciences, et ont pour objectif de partager ces connaissances, n’en sont

pas moins des acteurs de la défense économique en compétition avec d’autres pays (les

géologues de terrain sont aussi algériens, chinois, etc.).

En rapport avec les ressources saharienne, se distinguent ainsi l’Algérie avec le pétrole, et

également la Mauritanie avec le fer (le train qui l’achemine emprunte la seule voie ferrée du

pays, sur 704 km, est le plus long, le plus lourd et le plus lent au monde). Quant au Niger, il

dspose de plusieurs sites d’extraction d’uranium, comme celui d’Arlit qui est la plus grande

mine d’uranium du monde. Le gisement a été découvert par les ingénieurs du Commissariat

à l’énergie atomique à la fin des années 1950 (un autre acteur de la recherche

scientifique français, premier actionnaire d’Areva), d’où la présence d’Areva qui,

malgré l’insécurité qui a touché de plein fouet ses employés, ne souhaite pas

laisser la place à d’autres (il y produit 37 % de son uranium). La compétition fait

rage dans ce domaine à l’échelle mondiale et le Niger est tout à fait stratégique.

La recherche scientifique rejoint ici la défense économique des intérêts des

grands groupes français. (article Les Echos.fr : « Areva en terrain miné au Niger » - Entre

défense économique et défense culturelle).

Intégration de l’epace saharien et sahélien à la mondialisation

o l’urbanisation actuelle du Sahara et les mobilités sous l’effet de l’exploitation de certaines

ressources : un habitant sur deux du Sahara vit en ville et les géographes urbanistes étudient ces

mutations. Nouakchott, en Mauritanie, ville saharienne mais littorale, compte 800 000 habitants, et

Tamanrasset, en Algérie, a 120 000 habitants.

Le cas de Nouakchott : paysage urbain

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Prises de vue par cerf-volant.

A gauche le quartier Saada, périphérie populaire du Sud de Nouakchott, dont on observe

l’habitat qui suit les quelques axes goudronnés. A droite, des quartiers résidentiels au nord de la

ville composés de villas au milieu du sable des dunes.

On est passé de la quasi absence d’espace urbain au Sahara dans la première moitié du XXe s à

une extension sans précédent à partir des années 1960 : les nouveaux Etats indépendants

aménagent l’espace, l’urbanise. Deux types de ville s’y côtoient : les villes anciennes (en cours

de disparition ou réanimées par le commerce et que l’on étudie sur la longue durée) et les villes

modernes construites ex-nihilo. Nouakchott en fait partie.

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Des géographes comme Olivier Pliez, directeur de recherche au Cnrs, travaillent sur les routes

sahariennes et les réseaux qui en découlent, leurs liens aux frontières, aux activités à la fois

locales et liées à la mondialisation. O. Pliez appelle « routes globales » celles qui relient les villes

du Maghreb et du Golfe et les comptoirs d’approvisionnement chinois.

Il observe au Sahara des bouleversements depuis une vingtaine d’années : le passage et

l’installation des migrants les transforment, ainsi que le lien de ces espaces urbains avec le reste

du monde. Il utilise le terme de « saharatown » pour désigner des villes nodales, carrefours

marchand et migratoire dont certaines parties sont éminemment connectées avec l’extérieur de

l’Etat dont elles font parties (réseau des touaregs, des extrémismes aussi…).

BILAN : Ces recherches, qui combinent la géologie, la cartographie, la géographie urbaniste, permettent de

contrer les idées reçues que l’on se fait du Sahara. C’est un désert certes peu peuplé (environ 6 millions

d’habitants, dont 70 % ont moins de 35 ans), mais en train de s’urbaniser à grande vitesse (on parle d’un

« désert de villes », d’un Sahara urbain), et loin d’être pauvre et figé. C’est aussi une espace dont certaines

mutations actuelles échappent à la cartographie : les flux (de marchandises et d’hommes) illégaux, entre

autre. Enfin, les chercheurs français sont dans le domaine des ressources du sous-sol largement

concurrencés par ceux de pays pas moins intéressés par la rente saharienne, comme la Chine, ce qui fait de

l’espace saharien un espace ouvert à la mondialisation, tant par ses espaces urbains connectés que par ses

ressources exploitées.

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Michel FOUCHER, géographe des frontières :

« La Sahara est ainsi un espace de passages, de circulation, de transit, aujourd’hui comme hier, entre plusieurs mondes mis en relation, avides d’or, de sel, de dattes. Le désert est un lien, non une barrière, entre des écosystèmes et des climats opposés. Toutefois, de tout temps, ce lien ne peut se faire que si la question du transport et des communications est résolue : chameau, camion, routes, voies ferrées, aéroports, oléoduc, satellite. Depuis les années 1990, les Etats ont ainsi développé des équipements modernes qui ont permis d’ouvrir leur territoire saharien aux échanges. Fermé pendant la période coloniale, le désert redevient ainsi un lien entre le Maghreb et le Sahel, aussi bien pour la contrebande que pour les flux de marchandises légaux. » L’Histoire les collections, mars 2013, p.80

Emmanuel GREGOIRE, André BOURGEOT, « Le Sahara des rentes »

« Parallèlement à l’accélération des flux de marchandises sous l’effet de la mondialisation, les ressources naturelles de la planète deviennent l’objet de multiples convoitises comme en témoignent les recherches pétrolières et minières désormais effectuées dans des zones autrefois négligées pour des raisons de coût. Les cours élevés des matières premières ont modifié en profondeur la géographie des zones d’exploration dans le monde et en particulier dans la zone saharienne de l’Afrique. Les pays sahélo-sahariens (Mauritanie, Mali, Niger, Tchad et Soudan) deviennent stratégiques dans la compétition à laquelle se livrent les sociétés nationales d’Afrique du Nord pour des raisons de contrôle géopolitique de leur arrière-pays, des sociétés asiatiques à commencer par la CNPC (China National Petroleum Corporation) et des multinationales. (…) L’exploitation de l’uranium au Niger montre comment les élites politiques, (…) ont mis en place un dispositif pour accaparer la rente issue de la délivrance de permis d’exploration. De manière analogue au pétrole, l’uranium qui est aussi une source d’énergie indispensable à l’économie mondiale, favorise la corruption et influe fortement sur la vie politique intérieure et étrangère des États, comme l’illustre l’exemple du Niger. Ces rentes issues de l’exploitation pétrolière ou uranifère ont aussi donné naissance à des conflits régionaux, notamment la rébellion touarègue nigérienne qui a dénoncé le faible bénéfice tiré par cette communauté de l’exploitation des gisements miniers d’Arlit qui, selon elle, profitaient à des populations haoussas et djermas originaires du sud du pays davantage qu’aux populations locales. (…) À quelque échelle que ce soit, du plus simple contrebandier au trafiquant de drogue, la corruption est omniprésente dans la zone sahélo-saharienne et permet aux affaires de se concrétiser. On la retrouve dans le domaine de la migration où les agents de l’État (policiers et douaniers) chargés du contrôle de la mobilité en tirent profit. (…) Que ce soit donc pour le commerce saharien et transsaharien illicite, les trafics liés à l’économie criminelle, les mouvements

migratoires ou l’exploitation des richesses minières et pétrolières, l’enjeu est identique : l’appropriation de la rente même si celle-ci n’implique pas les mêmes moyens.

Hérodote 142 — Géopolitique du Sahara (troisième trimestre 2011), « Désordre, pouvoirs et recompositions territoriales au Sahara »,

Le Sahara et le Sahel sont désormais de plus en plus urbains

Pendant longtemps, le Sahara et le Sahel ont été présentés comme des espaces clos, renfermés sur eux-mêmes, peu urbanisés et dominés par un monde rural immuable. Dans cette représentation, l’oasis ou le village sahéliens apparaissaient comme des entités hors du monde et du temps. (…) Il serait bien malaisé d’appréhender de la sorte l’oasis d’aujourd’hui. Celle-ci est souvent une ville de bonne taille, aux connexions parfois endormies — le commerce transsaharien, les flux des déplacés de générations précédentes — qui peuvent être structurantes mais difficilement visibles. Autour d’elle, le monde change. Et l’oasis, comme le désert qui l’environne, en fait bien partie. Les oasis finement ciselées par les jardiniers sédentaires laissent place à des villes habitées et signifiées par des néo-citadins. Loin d’être un isolat à l’écart des dynamiques mondiales, l’oasis contemporaine serait bien plutôt l’émanation de logiques territoriales extérieures, celle sélective des réseaux de transport de marchandises et de migrants comme à Dirkou ou Tamanrasset par exemple, ou celle plus puissamment uniformisante des États comme dans le cas des oasis du Sahara égyptien (…).

L’émergence du fait urbain au Sahara et au Sahel constitue une question centrale des travaux menés durant ces dernières années. Si cette urbanisation a été dans la plupart des cas spontanée, du moins dans une phase initiale, l’État s’est ensuite souvent investi au point de devenir l’un des principaux acteurs de l’aménagement. Mais son implication est inégale selon les régions, très prégnante du Maroc à l’Égypte, plus modeste sur le versant sahélien. Dans nombre de pays de la zone, l’État s’est même mué en créateur de villes, redessinant ainsi les hiérarchies urbaines. Pour certains pays saharo-sahéliens, tels que la Mauritanie ou le Soudan, la construction de la capitale se situe au cœur du projet national(iste). En dépit des choix politiques qui peuvent dessiner d’autres horizons (arabité, etc.), tous les pôles urbains de la zone assurent la rencontre entre populations sahariennes et sahéliennes. Et, quand bien même la nature des échanges, qu’ils soient marchands et/ou culturels, a changé, la ville conserve sa fonction première de carrefour grâce à sa localisation sur les principaux axes de communication. Il en va ainsi depuis sa création: nombre de forts construits aux croisements des pistes par les puissances coloniales sont devenus des villes de premier plan.

Armelle Choplin et Olivier Pliez, « (Re)construire l’image des territoires du Sahara et du Sahel », Mappemonde, n° 103 (2011)

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Publié dans le magazine DIPLOMATIE n°38 (mai-juin 2009).

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2. « Un ensemble politiquement fractionné »

De l’(h)odologie touarègue aux frontières dites « invisibles »,

l’enjeu de l’étude des déplacements et des marges

Documents d’appui :

o Cartes ci-après

o Benjamin Acloque, EHESS, « L’idée de frontière en milieu nomade : héritages, appropriation et

implications politiques actuelles (Mauritanie et Sahara occidental) », Colonisations et héritages

actuels au Sahara et au Sahel : problèmes conceptuels, état des lieux et nouvelles perspectives de

recherche, XVIIIe-XIXe s, dir. Mariella Villasante Cervello et Christophe de Beauvais, L’Harmattan,

2007

o Ali Bensaâd, « Dans les marges du monde, des tribus sahariennes mondialisées. Réseaux

commerciaux, réseaux tribaux et connexions politiques mondialisés depuis l’Ouest saharien »,

L’année du Maghreb, Dossier : Sahara en mouvement, VII – 2011

o Julien Brachet, « Le Sahara n’est pas une zone grise », Mediapart, 14 février 2013. Extraits de

l’entretien avec le chercheur de l’IRD, Julien Brachet.

o Armelle Choplin et Olivier Pliez, « (Re)construire l’image des territoires du Sahara et du Sahel »,

Mappemonde, n° 103 (2011)

Des chercheurs travaillent sur les thématiques suivantes :

o Les populations sahariennes :

Qui sont les Touaregs ? Entre idées reçues et identité non pas territoriale (car leur

occupation des territoires se fonde ancestralement sur l’odologie ou science des

cheminements) mais culturelle (la langue partagée). Ces recherches relèvent à la fois de

l’ethnologie et de l’histoire. On les évalue à environ 1,5 million. Berbère nomades du Sahara

central et des marges du Sahel, ils sont répartis sur cinq pays : le Niger (ils y seraient

700 000), le Mali (500 000) puis l’Algérie (40 000), le Burkina Faso, la Libye. On se dispute

politiquement ces évaluations car elles représentent un enjeu politique (certains

revendiquent un chiffre de 3 millions). Leur particularité est entre autre de se définir par leur

langue et donc leur culture (ils se nomment entre eux « celui qui parle la langue touarègue »

en plus de « celui qui porte le voile ») : ils se caractérisent donc par « leur sentiment

d’appartenance qui ne se fonde ni sur une résidence territoriale ni sur une religion mais

Des formes de sociétés dont la caractéristique est le rapport entre ancrage et mobilité

Le cas des Touaregs face aux frontières : décalage entre sociétés mobiles et tracé des frontières ?

l’incontrôlabilité des zones-frontières en question

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Carte issue du diaporama de Denis Rétaillé, « Sahara-Sahel »

sur une langue et une culture commune » (P. Pandolfi, « Les Touaregs : enquête sur un

peuple mythique », Les collections de l’Histoire n° 58, mars 2013). Leur activité ancestrale

fondée sur le commerce – à la fois interne au Sahara et transsaharien – est aujourd’hui

moribonde. Ils sont actuellement nombreux à être citadins, en Algérie et en Libye (mais

moins au Niger et au Mali, où les revendications d’autonomie sont fortes).

Leur histoire avec la France : une histoire militaire et une histoire des représentations. Ils

ont fasciné des découvreurs français (le précurseur Henri Duveyrier reste sept mois parmi

eux en 1964) et ont été combattus par la France de 1894 (prise de Tombouctou) aux années

1920 (dernier acte de soumission de leur part) car les Français voulaient contrôler le désert

afin de faire la jonction entre les parties nord et ouest de leur empire colonial africain. Cette

histoire est aussi marquée une histoire de représentation : l’image assez positive de la

culture et des sociétés touarègues est une construction de l’époque coloniale (permettant de

déprécier les populations arabes, par comparaison), qui persiste encore aujourd’hui.

Leur rapport aux frontières ? L’idée de frontière est une sorte d’importation européenne au

Sahara, où les populations nomades comme les Touaregs se déplaçaient selon des logiques

transfrontalières voire « a-frontalières », sur des espaces comportant des pôles urbains (cf

les croix touarègues se référant à des villes). Cet

ensemble a été écartelé entre différentes

puissances politiques avant même l’arrivée des

Occidentaux, qui ont entériné ces découpages

souvent pré existants (sauf peut être pour

l’Algérie, où s’est posée la question de la création

d’une organisation commune des régions

sahariennes). Ces entités n’ont pas tenu compte

des espaces-tampons, zones floues entre ces

pôles politiques où s’étaient développé (ou bien

où survivaient) des groupes périphériques comme

les Touaregs. La question de l’exclusion des

périphéries par ces Etats qui sont en difficulté

pour gérer l’ensemble de leurs populations se

pose. Ceci amène aussi les chercheurs à la fois

ethnologues et surtout géographes, à se poser la

question de la conception de l’espace par les

sociétés vivant au Sahara. Les Touaregs sont-ils

destinés à être intégrés (sédentarisés ?) ou

marginalisés ? Et le monde touareg, réparti en

« confédérations », est-il si uni, ou morcelé en

ensembles concurrents voire opposés ? Enfin, mais

faut-il le préciser, les Touaregs ne sont pas les seuls

habitants du Sahara, même si ils sont majoritaires

(Maures, Toubous…), ce qui témoigne encore de

représentations faussées souvent diffusées d’un Sahara

éminemment touarègue.

Leur rapport au terrorisme djihadiste

actuel ? Il est complexe mais là encore les médias ont

du mal à faire saisir cette complexité et il est vite fait

d’associer des groupes touarègues aux revendications

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assez diverses (entre revendication d’une représentation démocratique et revendication séparatiste

de l’Azawad au Nord-Mali, espace regroupant au passage des groupes ethniques bien divers en plus

des Touaregs : Maures, Peuls, Songhaï…) au groupes djihadistes. De nombreux observateurs essaient

de clarifier les mutations actuelles et les acteurs, entre rebelles touaregs (et tous les touaregs ne

sont pas dans cette mouvance) et combattants d’Aqmi, eux-mêmes divisés au gré des rivalités entre

leaders. Les groupes se superposent à certains moments, unissent leurs forces, et puis se

combattent…

o Géographie des mobilités :

La façon dont les populations pastorales semi-nomades ou nomades conçoivent l’espace

dans lequel elles vivent : elles n’ont pas la même conception de la territorialité que les

Européens. L’espace est conçu comme dynamique (et non mesurable), en redéfinition

permanente selon les forces en présence, et les itinéraires qu’on emprunte. L’idée de

l’espace n’est pas liée à l’idée de propriété foncière. Mais là encore les choses sont en

mutation car la distinction nomadisme-sédentarité est re-questionner : les réalités du soi-

disant « nomadisme » n’ont plus rien à voir avec ce qu’elles étaient il y a quelques

décennies, car ce mode de vie est devenu, dans un Sahara qui s’urbanise, très minoritaire.

Les débats entre chercheurs portent justement sur cette vision de la territorialité : pour

certains le Sahara est ainsi un territoire en quelques sortes déterritorialisé, où règnent les

« nomades » touaregs, ce qui relève de plus en plus du cliché, car pour d’autres il ne l’est en

rien : les frontières existent bel et bien dans les têtes, et même dans la réalité (ceux qui s’y

déplacent savent qu’ils passent d’un Etat à un autre, de la tutelle d’une police à une autre,

etc.).

Les migrations de travailleurs, qui créent des villes sahariennes comme plaques tournantes

des migrations africaines (Tamanrasset, Agadez, Sahba), villes cosmopolites et économie de

transit. On retrouve là l’enjeu géographique des espaces urbains.

Cartes ci-dessus : herodote.net

Carte ci-contre : arte-tv

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Un fractionnement politique qui n’empêche pas l’intégration à des réseaux mondialisés : l’exemple des

commerçants mauritaniens

« Le paysage social de la Mauritanie semble être aux antipodes des espaces peu ou prou investis par les effets

supposés modernisateurs et uniformisants de la mondialisation » : le géographe Ali Bensaâd décrit la Mauritanie, pays

pauvre et espace marginal, comme « paradoxal acteur » de la mondialisation. En effet, cette société aux structures

tribales s’est inscrite dans un processus d’ouverture à l’international étonnant. C’est un pays qui attire les migrants (il a

des ressources en fer et sa capitale Nouakchott est en pleine expansion), mais qui voit en même temps émigrer ses

propres habitants (vers l’Afrique de l’Ouest et centrale), essentiellement des commerçants entreprenants. Cette diffusion

« quasi diasporique » permet la constitution d’un réseau boutiquier capable de tenir tête aux Libanais et aux Chinois

dans toute une partie du continent. Leurs activités se sont développée « à échelle capillaire » et sont devenues une

grande source de revenus pour la Mauritanie. Les expatriés peuvent parfois devenir d’importants hommes d’affaire et se

déployer vers le marché extra-africain en utilisant toujours le même réseau de la diaspora mauritanienne. Le territoire

mauritanien devient lui-même un pôle de transit qui « submerge les pays sahéliens de produits » venus d’ailleurs (des

cigarettes au crédit bancaire), venus d’Asie en passant les émirats du Golfe. On retrouve à de hauts postes politiques

certains membres de cette diaspora maure commerçante (certains sont même des intermédiaires recherchés pour les

libérations d’otage auprès d’Aqmi).

« Dans les marges du monde, des tribus sahariennes mondialisées. Réseaux commerciaux, réseaux tribaux et

connexions politiques mondialisés depuis l’Ouest saharien », Ali Bensaâd, L’Année du Maghreb, 2011

Julien Brachet, chercheur à l’ID, anthropologue et géographe : Le Sahara zone grise et incontrôlable ?

Une zone grise, c’est une zone sans présence de l’État. Dans ces régions, les États sont présents et contrôlent en partie les espaces (…), les douaniers, les policiers et les militaires sont bien visibles. Il est toutefois exact que certains espaces circonscrits peuvent échapper aux autorités publiques. (…) Ce qui est sidérant, c’est qu’en dépit de décennies de connaissances accumulées sur le Sahara, en dépit de toutes les infrastructures que les États ont développées sur ce territoire, on nous ressort encore une image du Sahara comme un espace incontrôlé et incontrôlable, peuplé d’individus qui seraient plus libres et plus fiers que les autres : ce qui est évidemment faux (…). Le Sahara n’est pas un espace déterritorialisé. Au contraire, on peut y distinguer différents niveaux de territoires. Il existe d’abord un territoire national. (…) Les frontières des États ne sont pas physiquement visibles, mais elles sont

bien présentes dans la tête des gens au-delà des seuls agents chargés de leur surveillance. (…) Dire que ce désert constitue un espace sans frontière revient à épouser un discours exotique. (…) D’une part, la majorité des habitants du Sahara – un espace d’environ 8 millions de km

2 – sont sédentaires et vivent dans des agglomérations. De l’autre, les

Touaregs partagent cet espace avec de nombreuses autres populations, y compris au Sahara central où ils sont majoritaires et où l’on retrouve par exemple des Arabes, des Peuls, des Songhaïs ou encore des Haoussas. (…) il existe aussi des formes de territorialisation, qui ne sont pas liées aux limites étatiques, mais reposent davantage sur l’organisation pastorale et les ressources naturelles. (…) Enfin, il existe une dernière forme de territorialisation, qui est

celle que l’on a pu voir au Nord-Mali, où des bandes armées s’emparent de territoires qu’elles ne faisaient jusqu’alors que traverser (…).Les circulations des hommes sont-elles de plus en plus contrôlées ou, au contraire, de plus en plus anarchiques ? Globalement, elles sont plus contrôlées qu’auparavant.

« Le Sahara n’est pas une zone grise », Mediapart, 14 février 2013. Extraits de l’entretien avec le chercheur de l’IRD, Julien Brachet.

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Parmi ces mythes véhiculés et entretenus par les discours politiques, les médias ou les imaginaires, il en est un en

particulier sur lequel nous souhaitons revenir : celui d’un espace qui échapperait à toute forme d’organisation

spatiale, (..) de logiques territoriales bien identifiables, de figures spatiales structurantes, d’ancrages profonds aux

espaces. (…) Après avoir été le Sahara des nomades et des jardiniers d’oasis, il est devenu, un temps, le

Sahara des touristes en quête d’authenticité, puis le Sahara des migrants avant d’être identifié comme celui

des terroristes. Tandis que le Sahara a été mythifié, le Sahel a, quant à lui, été présenté comme une terre de

malédiction. On l’a dit trop densément peuplé, pour des ressources fragiles et faibles, écrasé par le soleil et battu

par de trop rares pluies d’une violence extrême. Pour beaucoup, le Sahel est resté l’espace de l’attente, le

principal foyer de la migration vers l’Europe, le lieu de prédilection de l’interventionnisme «développementaliste»,

et désormais, une zone condamnée par le réchauffement de la planète. Notre objectif est de nous démarquer des

approches qui tendent à verser dans la diabolisation et/ou le misérabilisme acritique face à cet espace en pleine

mutation. Si le Sahara et le Sahel sont généralement présentés comme deux entités distinctes, à l’origine pour des

raisons climatiques, nous entendons considérer davantage ce qui les rapproche. Au-delà d’oppositions souvent

réductrices (opposition nomade/sédentaire, par exemple), le Sahara et le Sahel sont marqués par la continuité.

Cela n’empêche pas que le Sahara présente deux visages, résultat de son partage politique au lendemain des

indépendances. (…) Les réseaux d’échange ont été un puissant ciment de l’espace saharo-sahélien avant et au

lendemain des indépendances. Ils ont continué à s’étoffer durant les années 1980. Mais, ces dernières années,

les médias et les politiques semblent oublier ces liens anciens pour ne retenir que les migrations de «clandestins»

en partance vers l’Europe et qui transitent par le Sahara et le Sahel. Les gouvernements des États donnent

l’impression de ne pas être en mesure de gérer cette intense mobilité, entretenant l’idée qu’ils ne parviennent pas

à contrôler l’intégralité de leurs territoires.

Armelle Choplin et Olivier Pliez, « (Re)construire l’image des territoires du Sahara et du Sahel », Mappemonde, n° 103 (2011)

Benjamin Acloque, EHESS, « L’idée de frontière en milieu nomade : héritages, appropriation et implications politiques actuelles (Mauritanie et

Sahara occidental) », Colonisations et héritages actuels au Sahara et au Sahel : problèmes conceptuels, état des lieux et nouvelles perspectives

de recherche, XVIIIe-XIXe s, dir. Mariella Villasante Cervello et Christophe de Beauvais, L’Harmattan, 2007

Bilan : A partir du cas des Touaregs, bon nombre d’interrogations peuvent être soulevées avec les élèves.

Elles concernent souvent nos représentations des hommes et de l’espace saharien. Un espace uniquement

contrôlé par des nomades et des terroristes ? Des frontières inexistantes ? Un espace « déterritorialisé » ?

Cet espace est politiquement fractionné mais les marges frontalières sont loin d’être des espaces

« inconnus » et « incontrôlables, et c’est un espace qui a ses structures. Les géographes, encore ici, ont des

outils d’analyse qui permettent de renouveler notre compréhension des hommes et des territoires.

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A l’invitation des autorités maliennes, Abdou Diouf, Secrétaire général de la Francophonie, a décidé de dépêcher une mission d’information et de contacts pour le premier tour des élections législatives fixé au 24 novembre 2013 au Mali. Cette mission s’inscrit dans le prolongement des actions de soutien que l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) déploie en faveur du processus électoral malien, et qui, outre les appuis techniques, se sont traduites par l’envoi de deux missions d’observation lors des premier et deuxième tours de l’élection présidentielle de juillet et août derniers. Conduite par Son Excellence Monsieur Mohamed Auajjar, ancien ministre marocain des droits de l’Homme, cette mission est composée d’une vingtaine de membres, dont des chefs d’institutions électorales, des experts électoraux et d’un parlementaire, originaires de 13 pays de l’espace francophone. (…)

Abdou Diouf, ancien président du Sénégal et actuel secrétaire général de l’OIF, et Boutros Boutros-Ghali, qui l’a précédé à

ces fonctions, ancien premier ministre égyptien et secrétaire général de l’ONU www.francophonie.org

3. « Un espace convoité » : Que reste-t-il de l’influence française

au Sahara ? Le savoir scientifique français et la langue

française comme outils/armes de notre défense culturelle ?

Documents d’appui possibles :

- le site de l’Organisation Internationale de la Francophonie

- le site de l’Agence universitaire de la Francophonie

- le site de l’Alliance Française : http://www.fondation-alliancefr.org ;

Le discours pour les 130 ans de l’Alliance Française par président F. Hollande le 16 juillet 2013 :

http://www.dailymotion.com/video/x11ykqo_discours-a-l-occasion-du-130e-anniversaire-de-l-alliance-

francaise_news

- le site de l’Institut Français

- Site du Sénat présentant un rapport intitulé « L’Afrique est notre avenir – Chapitre 3 : Une présence en

recul dans un continent en plein essor » : http://www.senat.fr/rap/r13-104/r13-10460.html

La présence culturelle dans l’espace saharien-sahélien : quels en sont les acteurs ?

Les convoitises économiques ont été évoquées ; voir ici l’influence culturelle… et ses limites

La Francophonie comme outil pour combattre la mal-gouvernance ? (en plus du rôle de la France comme soutien aux armées de l’Union Africaine)

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- Deux hommes d’Etat africain pour présider l’Organisation Internationale de la Francophonie entre 1997 et

aujourd’hui : mais l’idée puis l’institutionnalisation de ce que l’on appelle « francophonie » (terme utilisé pour la

première fois par un géographe dans les années 1880) est plus ancienne, remontant surtout à l’après deuxième

guerre mondiale. L’histoire coloniale n’est évidemment pas étrangère à l’émergence de cette prise de conscience

d’une « idée francophone » comme espace de partage d’une langue et d’une culture. Avec la décolonisation apparaît

l’idée qu’il faut pérenniser par le biais d’une institution internationale cet espace d’échange, qui ajoute à ses

préoccupations désormais la défense de valeurs humanistes républicaines (d’où l’aide à l’organisation des élections

au Mali ce mois-ci) à partager, dans une communauté d’intérêt, entre tous ses membres. Cette notion (avec un « f »

minuscule) et cette organisation née en 1970 (avec une majuscule) est soutenue et même promue par des auteurs

africains comme Léopold Sédar Senghor et des hommes d’Etat africains et cambodgien, comme possible lieu

d’expression d’une culture métissée, partagée, l’OIF pouvant intervenir sur la scène des grandes instances

internationale. C’est un type

d’organisation unique au monde.

L’OIF s’appuie sur un constat : on

apprécie à 220 millions environ le nombre

de locuteurs du français dans le monde,

dont bon nombre en Afrique. Cette carte

fait apparaître la zone saharo-sahélienne,

et ne montre pas les espaces où le

français est utilisé, même sans être

langue officielle (Maghreb).

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Ce dispositif de défense culturelle que constitue l’OIF compte 77 membres dont 31 sont africains. Il est complété par

une chaîne d’information francophone, TV5 monde, ainsi que par l’Agence universitaire de la Francophonie qui est

une des plus grandes associations d'universités au monde, avec 776 établissements membres dans 98 pays.

Elle rassemble des institutions d'enseignement supérieur et de recherche des cinq continents utilisant le français

comme langue d'enseignement et de recherche (et l’on retrouve là nos chercheurs géographes). Fondée en 1961

pour instituer entre les universités de langue française un lien de coopération permettant d'intensifier leurs

échanges, elle a intégré la Francophonie institutionnelle en 1989 en devenant son opérateur pour l'enseignement

supérieur et la recherche. La charte de la Francophonie de 2005 définit l'AUF comme une institution de la

Francophonie, et les nombreux accords de siège que l'AUF a signés avec les États où elle est implantée lui

permettent de bénéficier d'un statut juridique d'organisation internationale, dotée de privilèges et d'immunités lui

facilitant la réalisation de ses missions.

Celles-ci consistent à développer un espace scientifique en français dans le respect de la diversité des cultures et

des langues, et à renforcer la présence de la communauté scientifique francophone sur la scène internationale.

Seuls trois Etats sahariens n’en

font pas partie : l’Algérie, la Libye

et le Soudan.

L’Algérie est le deuxième pays

francophone après la France (21

millions de locuteurs) : après une

période d’éloignement (au cours

de laquelle a été mise en place

une arabisation majeure), l’Algérie

a entamé un rapprochement vers

l’OIF (elle y a un statut d’invité).

- Les autres acteurs de la défense culturelle :

Présence de l’Alliance Française en Afrique : Fondation indépendante qui travaille en partenariat avec l’Etat

français. Histoire liée au passé colonial. 130 ans. Géographe parmi les fondateurs.

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Présence de l’Institut Français : Dépend du Ministère des Affaires Etrangères. En réseau avec les établissements

culturels français à l’étranger, composé des Instituts français et des alliances françaises. Président actuel : Xavier

Darcos. 101 dans le monde avec 125 annexes. Promotion des échanges culturels par le soutien des productions

artistiques locales et la diffusion de la culture française.

Evidemment les

ambassades et consulats du Ministère des Affaires Etrangères, qui peuvent avoir leur propre centre de recherche

(Centre de Sciences Humaines : sciences politiques au service du MAE)

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Que peuvent faire ces organismes pour l’influence française dans l’espace saharien en particulier et l’Afrique en

général ?

Pour certains, il s’agirait d’une langue d’échange de connaissance, et aussi d’un outil possible de promotion

des Etats africains sur la scène internationale, le français agissant comme une sorte de soutien géopolitique aux pays

membres : la francophonie permettrait ainsi de renouveler les relations franco-africaines et de surmonter un passé

colonial toujours encombrant. Les pays francophones de l’espace saharo-sahéliens sont bien représentés.

Pour d’autres, la politique extérieure de la France compte peu sur la défense culturelle, considérée comme

en recul, et les priorités sont bien plus économiques et politiques que culturelles sur l’axe de risques de la bande

sahélienne, de l’Atlantique à la Somalie. D’ailleurs les populations sahariennes ne sont-elles pas les « oubliées » de

l’école coloniale ? Cette présence culturelle devient d’ailleurs une source de danger pour ses acteurs, aujourd’hui

dans cette zone : quel chercheur est encore autorisé à s’y rendre pour mener des études de terrain ? Sans l’action

militaire, pas d’échange culturel possible.

Pour d’autres enfin, celle présence culturelle doit être contestée : les lycées français ont-ils encore une

raison d’être en dehors du fait de scolariser les enfants des ressortissants français ? La francophonie n’a-t-elle pas

simplement servi à compenser la perte de l’empire colonial français et n’est-elle pas qu’une notion imaginaire sans

réalité, rappelant une mission « civilisatrice » révolue « à enterrer dans le caveau de l’histoire coloniale » (M. Kacimi,

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journaliste et écrivain algérien, dans « Pourquoi il faut enterrer la francophonie », 8 décembre 2012,

http://lavoixdelalibye.com) ? On peut percevoir le ressentiment encore très présent envers la France colonisatrice

que l’on suspecte de vouloir maintenir une forme de néo-colonialisme, à travers de tels discours. Emanant d’une

Algérie toujours sur la défensive, la compétition est aussi économique entre les deux pays.

Néanmoins, cette violence dans les mots peut aussi suggérer que ce combat culturel n’est en rien anodin…

Un Rapport a été émis par le Sénat récemment : « L’Afrique est notre avenir ».

Quelle place pour la défense culturelle ? Quelle place pour l’espace saharien ?

L'Afrique est notre avenir, rapport du Sénat :

Rapport d'information n° 104 (2013-2014) du 29 octobre 2013 - par MM. Jeanny LORGEOUX et Jean-Marie BOCKEL, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Les 10 priorités du rapport du Sénat :

1 – « Tenir un autre discours sur l’Afrique et définir une stratégie ambitieuse et cohérente : il s’agit de quitter le « vieux récit » sur une Afrique du passé, comprendre et mettre en valeur les mutations économiques en cours, développer un narratif plus juste des liens unissant la France à des pays africains qui ne sont pas seulement partie prenante de notre histoire, mais aussi des éléments clés de notre avenir . Créer un programme de soutien « pour une écriture franco‐africaine d’une histoire partagée » afin de promouvoir le travail d’équipes mixtes franco-africaines sur l’étude de notre histoire commune. Poursuivre l’ouverture des archives sur la période coloniale. » = Ce passé freine la France dans ses ambitions africaines. L’Algérie reste une épine qui conteste toute forme de présence française. Toutes nos institutions culturelles sont immanquablement des survivances de cette époque, mais doivent trouver une nouvelle légitimité. 2 – « Deuxième priorité : Améliorer le pilotage de la politique africaine et la cohérence des actions menées sur le terrain », avec « un ministère de la coopération internationale et du développement », une meilleure « structuration régionale de notre dispositif diplomatique », « mutualiser notre dispositif diplomatique avec certains partenaires européens afin de constituer des ambassades communes », et « mettre en place une cellule de haut niveau en charge de la gestion civilo‐militaire des situations de crise ». = L’accent est mis sur l’association avec l’UE et le civilo-militaire, qualité française d’approche d’un terrain en crise. 3 – « Renforcer nos liens économiques avec l’Afrique qui décolle. » » » 13 mesures = Cet aspect arrive très vite parmi les priorités car la compétition mondiale avec la Chine et les Etats-Unis dans l’espace africain (et en particulier saharien) est très vive et il y a urgence à être réactif. 4 - « Contribuer à la stabilité et la sécurité du continent. » « Le groupe de travail demande le maintien, en accord avec les États concernés, des points d’appui existants en Afrique pour les forces déployées dans la bande sahélo-saharienne et sur les façades est et ouest africaines afin de contribuer activement à la sécurité de ce continent. Il souhaite que des actions de coopération structurelle et opérationnelle permettent la consolidation des capacités militaires et des architectures de sécurité sous‐régionales africaines dans le cadre de l’Union africaine et, le cas échéant, la mise en œuvre des résolutions des Nations unies et

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la protection des ressortissants français. Il propose que ces déploiements soient adaptés afin de disposer de capacités réactives et flexibles en fonction de l’évolution des besoins. Il préconise que soit dédiés de façon visible quatre pôles à la coopération avec les quatre organisations régionales, à Libreville avec la brigade centre de la CEEAC, à Dakar avec la brigade de l’ouest de la CEDEAO, à la Réunion avec la brigade sud de la SADC et à Djibouti face l’IGAD afin d’afficher aux yeux des opinions publiques africaine et française le sens africain de la présence militaire française sur ce continent. » = La zone du Sahara et du Sahel est un élément clé pour la stabilisation de l’ensemble du continent et dans la stratégie géopolitique de la France. 5 – « Promouvoir le pluralisme politique. » « Tout en conservant à l’esprit les exigences de stabilité du continent, le groupe de travail estime que, sur le long terme, la démocratie, les droits de l’homme, le pluralisme, et l’éthique sont des facteurs d’épanouissement des populations et de cohésion sociale et politique. C’est pourquoi il propose dans le prolongement du discours de la Baule de renouveler le discours français sur la démocratie en centrant ce discours non sur la procédure formelle d’élections, mais sur la notion de pluralisme et de contre‐pouvoirs. Il souhaite également tirer les leçons pour notre diplomatie des printemps arabes et d’un dialogue trop exclusivement centré sur l’Etat. Pour cela il propose de renforcer le dialogue avec les sociétés civiles, notamment à travers les ONG et les collectivités territoriales françaises. Ces deux derniers acteurs ont tissé des liens sans équivalent avec les populations et les territoires africains. » = Il n’est pas ici fait mention du maillage des institutions culturelles pourtant aptes à diffuser ce type de valeurs (Institut Français, Alliance…). 6 – « Moderniser notre coopération au développement. » 7 – « Promouvoir l’expertise technique française. » 8 – « Renforcement de notre action en faveur de la francophonie. » « Le groupe de travail constate qu’il n’y aura pas de dividendes démographiques automatiques si nous ne formons pas des maîtres d’école dans les pays francophones. C’est pourquoi il estime qu’il faut absolument établir un véritable diagnostic sur l’état de la Francophonie en Afrique et renforcer notre participation au partenariat mondial pour l’éducation, et promouvoir des partenariats public‐privé en faveur du développement de systèmes de formation professionnelle francophone qui répondent directement aux besoins des pays africains. Cette priorité se traduit par 5 propositions : 55) Renforcer sa participation au Partenariat Mondial pour l’Education. 56) Promouvoir des partenariats public‐privé en faveur du développement de système de formation professionnelle en Afrique. 57) Créer une université francophone pilote à l’image de l’université Paris‐Sorbonne‐Abou Dhabi. 58) Encourager le développement de thèses en cotutelle franco‐africaine. 59) Développer des universités numériques en coordination avec les partenaires francophones. »

9 - rétablir une cohérence entre notre politique d’influence et notre politique migratoire 10 - Définir une stratégie africaine de la France dans les instances multilatérales et européennes. A VOIR EGALEMENT : L’article « La France peut-elle encore rayonner à l’étranger ? », Télérama 3333, 27/11/2013

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Conclusion

Le choix de la défense culturelle pour aborder le cas du Sahara n’est pas à priori le plus incontestable. En

effet, les enjeux économiques et politiques semblent être des axes stratégiques pour la France et les pays qui lui font

concurrence bien plus évidents. Cette survivance culturelle de l’ancienne présence française en Afrique, dont des

pays sahariens secoués par les crises actuelles, vaut-elle la peine qu’on s’y arrête ?

Il se trouve que le savoir géographique qui se construit actuellement sur cette zone est en grande partie le

fruit de travaux français. CNRS, IRD, et AUF entre autre sont loin d’être des acteurs négligeables dans l’élaboration

de ce savoir et ils permettent à la France de se positionner en pays connaisseur de cet espace particulier.

Mais quel usage faire de ces connaissances, dans un contexte où l’espace saharien et sahélien représente

surtout une zone à sécuriser militairement et à stabiliser politiquement bien plus qu’une zone où pourrait se

déployer une coopération culturelle réelle ? Même si la géographie peut « servir à faire la guerre », et même si avec

l’histoire elles représentent un savoir « détournable » idéologiquement, il faut relativiser évidemment leur rôle à

l’échelle des enjeux d’aujourd’hui, et considérer que ces connaissances valent aussi par la langue qui les porte et les

valeurs qu’elles véhiculent : rigueur du raisonnement, étude du terrain, ouverture au débat sont autant de valeurs

émancipatrices que la France souhaite avoir la capacité de véhiculer en Afrique et plus particulièrement dans ses

zones les plus troublées.

Alors, l’influence culturelle française est-elle un combat d’arrière-garde ? Son recul est-il inéluctable ? Le

tournant que l’Afrique est en train de prendre, et que la France n’a aucun intérêt à manquer, permet de se poser la

question de ce « soft power » à la française dans la mesure où les millions de locuteurs français s’y trouvent, même

si le Sahara est surtout un marché à prendre, et que entre le beau discours des 130 ans de l’Alliance Française en

juillet dernier à l’Elysée, et la réalité des intérêts français immédiats, il semble y avoir un petit gouffre.

Ainsi, sur le terrain de cette politique d’influence, la France semble abandonner peu à peu le terrain à

d’autres, Chinois, Allemands ou Britanniques… Alors oui, cette défense culturelle a un prix, mais aussi un sens, et

dans un espace sahélo-saharien bouleversé par les crises et dont les Etats connaissent un très net déficit

démocratique, n’en aurait-elle pas plus qu’ailleurs ?

Michel Foucher:

«Ceux qui, diplomates ou

chercheurs, lisent la production

de ces centres de haut niveau

ou participent à leurs colloques

savent qu'ils représentent un

outil unique d'analyse et

d'influence. »

(Slate.fr, « Le soft power à la

française », 09/02/2012)