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ABDOU' -.L - KARIM JOSSOT Le Sentier d'Allah 2 em Edition 1990 DL: 2/88 Imprimerie Alaouia Mostaganem Le Sentier d'Allah 1

Le Sentier d'Allah

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ABDOU' -.L - KARIM JOSSOT

Le Sentier d'Allah 2em Edition 1990

DL: 2/88

Imprimerie Alaouia Mostaganem

Le Sentier d'Allah 1

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LE SENTI ER D'ALLAH

INTRODUCTION

Au Nom d'ALLAH, le clément, le Miséricordieux Louange à ALLAH, Seigneur des Mondes. Salut aux

Prophètes.

Sidi Abdelkrim JOSSOT, auteur de cet opuscule, a fait allusion dans le choix de son pseudonyme de Musulman, à la générosité Divine qui l'a fait sortir des ténèbres d'une foi périmée à la lumière de la Religion Véridique, Ténebres d'une foi banale, une foi mesquine anémiée héritée de ses ancêtres,

La lumière? c'est sa nouvelle Religion: l'ISLAM. C'est la comprehension profonde des vérités spiri­tuelles qui sont la base de tout un monde à la fois cosmique et humain.

Venant de quitter le sol naœl qui est la France, en 1912 où il ft passé une trentaine d'années, en l'oc­curence Paris, écœuré par les «mille et lm déboi­res» de sa vie d'artiste, fatigué par les bruits fracas­sants des grandes villes occidentales, il vint cher-

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cher sur cette terre d'Afrique du Nord, la plénitude, la sobriété et la sérénité qu'il rêvait trouver dans le pays où le Soleil rutille au ciel avec toute sa clarté et son influence majestueuse.

Chrétiens, Catholique par excellence, son pre­mier dimanche à Tunis, il alla à la cathédrale pour assister à la célébration de la messe dominicale.

Mais ce n'etait pas avec ferveur qu'il s'y rendit; il en avait l'habitude dans son pays d'origine, Il ne fai­sait que suivre un monde sans foi, dans son com­portement et ses gestes. Il remarquait que dans cette assistance étaient très peu qui désiraient accomplir un devoir reHgieux ou animés d'un ideal spirituel. Ils étaient plutôt dominés par un instinct machinal qui produisait aucun effet sur son âme.

Dans sa nouvelle résidence, il abondonna la pein­ture. Il s'orienta vers la lecture «Les livres Idoines» arrivèrent d'eux-mêmes.

Il fut interéssé par les ouvrages des grands Saints du mond.e Chrétien, pensant découvrir le remède à son mal, celui du manque de foi.

Il se confiait à ceux qui lui paraissaient être des

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fervents croyants. Il leur posait des questions qui touchaient aux secrets de la C hrétienté.11 s'aperçut que ses investigations génaient son monde et finit par avoir la conviction que sa soif de connaitre ne sera jamais désaltérée au milieu de cette commu­nauté. Il lui faudrait s'orienter ailleurs. à l'ISLAM, Religion qui lui paraissait sans mystére, sans clergé, estimant que c'est la Religion idéale, Rationnelle, qui devrait-être adoptée par tout le monde.

Il se fit Musulman. Il prononça les deux attesta­tion: «Je temoigne qu'il n'y a pas de Divinité hormis

ALLAH, et je témoigne que MOHAMMAD est l'en­voyé d'ALLAH. »Ce témoignage domine tout. Il con­sume toute erreur, toute illusion, toute fausse cro­yance à l'instar d'un feu purificateur. L'ISLAM est la religion Universelle, celle préchée par tous les Pro­phétes et Envoyés d'allah (paix et prière sur eux). Religion d'Abraham, de Moïse, de Jésus et de Mohammad, exempte de toute particularisation. Le Musulman à la vie centrée sur l'U nité.

Cependant dès que fut connue sa conversion, un cri d'alarme sonna dans toute la presse Francotuni­soise, lui reprochant sa hardiesse d'avoir aban­donné le spectre de la croix pour la clarté du crois-

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sant Ce fut un acte scandaleux qui mérite châti­ment. Heureusement pour lui le code n'a pas pré'iu pareil cas. 0 n finit par se resigner, il s'agit d' u ne con­versio n d'artiste.

Evidemment, artiste dans l'âme, il cherchait la beauté, la Beauté Divine. Elle est l'aspect de la réali­té, de la vérité rattachée à l'origine de la Création, sans elle, le monde ne serait que futilité. La beauté qui l'avait séduite, il l'a trouvé dans l'Islam, sa nou­velle Religion. Elle lui était apparente dans tout l'U ni­vers. Elle revêt toute les créatures et les belles cho­ses. Elle est le symbole de l'Etre pur. Sidna Moham­mad (salut et prière sur lui) a dit: "ALLAH est beau, et il aime la beauté ».

En fait, l'Islam n'est-il pas la religion du millieu? celle d'ABRAHAM, le père des Prophètes Judaiques, d'Ismaël et de Mohammad (salut et prière sur luO.

Il ne vous imposé aucune gêne dans la Religion, Doctrine de votre pèreAbraham, c'est lui qui vous a nommés« Mouslimines », autrefois déja ... Coran. Il est l'apôtre de la religion monothéiste que l'ISLAM a renové.

La vie du Musulman est axée sur l'Unité<< le Taw-

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hid » qui symbolisée par la Kaâba à la quelle sont axées et convergent toutes les mosquées du globe, c'est à dire vers un centre unique, à l'inverse des églises chrétiennes qui sont orientées vers l'orient et ont des axes parallèles.

ALLAH a priviligié ma nation en lui donnant toute la surface de terre comme sanctuaire a dit l'Envoyé d'ALLAH (sur lui la prière et le salut). Le centre de ce sanctuaire, c'est la Kaâba, Unité convaincante qui se maintiendra a travers les siècles. Quel miracle, cette force persuasive du message Divin: Il n'y a pas de Divinité hormis ALLAH. Pour cette rai­son, on évite de representé les envoyés d'ALLAH, les Prophétes, les Saints, non seulement parce que leurs images pourraient devenir l'objet d'un culte idolâtre, mais aussi par respect de ce '1u'il y'a en eux l'esprit sanctificateur inimitable. Ils sont les· représentants d'ALLAH sur terre, ils prêchent pour ALLAH en toute clairvoyance.

L'auteur a constaté qu'en Islam, les formes du culte sont fixées généralement par le Coran et par l'exemple de l'Envoyé d'ALLAH (prière et salut sur lui) jusque dans leurs moindres détails, c'est pour cette raison qu'il n'existe pratiquement pas de marge pour un clergé.

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Maitenant qu'il fut bien initié, il voulut aller plus loin dans sa conversion. Il chercha à approfondir sa connaissance par l'ésotérisme de l'Islam « Le Ta­çaouf » ... Cependant, il fut handicapé par la mécon­naissance de la langue Arabe pour s'adonner à la lecture des livres çoufis. Un an après sa conversion, il reçut une lettre: Je voudrais v'ous voir plus Musulman, vous goutterez alors la joie de l'être d'une façon complete. Il n'avait pas voulu répondre par crainte que ce ne soit un piè­ge.

Ses recherches furent couronnées de succés. Il fit connaissance d'un disciple du Taçaouf qui lui donna quelques enseignements sur cette science. C elà a contribué dans une large mesure à la recher­che du Maitre 1 nitiateur qui constitue une condition primordiale dans cette voie. Il netarda pas à rencon­trer deux adeptes d'un Maitre défunt, qui eux aussi étaient des Chrétiens convertis à l'Islam. La provi­dence Divine 1 es a mis tous trois en contact d'un dis­ciple du CHeikh EL ALAOUI (bénédiction Divine sur son âme). Il s'agit de si di Mohammad El-Aïd, d'origi­ne Tunisienne, Mokadem du Cheikh en voyage de vi­site aux frères ALAOUIAS de Tunisie.

Ils savaient dèjà quels étaient les signes et le rôle

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du vrai Cheikh. Le guide spirituel qu'il leur fallait. Ces signes, Sidi Mohammad EI-Ald, les a convain­cus qu'ils éxistaient en la personnede son Cheikh. Ence qui les concernait, les conditions que le dis­ciple doit réaliser, ils les avaient depuis longtemps (15 années depuis leur conversion déjà passées) telles que la sincérité, l'amour, l'abnégation, le mépris des biens de ce monde. Leur joie fut débor­dante d'avoir à connaitre le Maitre incontesté de l'Epoque. Il leur fallait partir sans tarder à Mostaga­nem et solliciter leur attachement à la Confrérie Allaouia.

Le premier contact avec le cheikh a été impres­sionnant, la Stature du maitre rappelle celle du Christ, telle qu'il se l'imaginaient dans leur intellect depuis leur jeune âge, il est à la fois majestueux et complaisant. Les deux compagnons de l'auteur pro­fondément émus éoJatèrent en sanglots, tandis que lui, quoique troublé, resta impassible.

Leur arrivée à Mostaganem coincida avec la.date . du congrès annuel de la Confrérie Alaouia.Un·

nombre trés important de frères sont déjà là. D'au­tres sont attendus; ils devaient venir de tous les

. coins d'Algérie, de Tunisie, du Maroc et d'ailleurs.

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La première nuit du congrès fut pour tous une nuit de grace et de bènèdiction. Nos nouveaux adeptes se sentaiènt très fièrs et pleins de joie d'appartenir à l'ISLAM. Leur grande satisfaction fut d'être partie intégrante de cette assemblée consti­tuée par des miliers d'êtres épris d'amour fraternel, de piété, de foi bien développée, soumis à-ALLAH, respectueux de leur devoir deMusulmans tel que le recommande la tradition Prophétique. Quelle dou­ceur qui se dégage de ce forum sous l'égide du Maitre. U ne ambiance qui rappelle ces versets Co rani qu es: "Vous êtes le meilleur peuple qui soit envoyé aux hommes, vous ordonnez le bien, vous repoussez le mal et vous croyer en ALLAH" et le sentiment qui circulait dans les coeurs qui dictait à chacun "Atta­chez vous tous ensemble par le lien d'ALLAH et ne vous séparez plus". Les nouveaux convertis admi­raient ces croyants illuminés, purifiés par les prati­ques saines du Taçaouf paraissaient calmes et forts de cette paix intérieure qu'ils ont reçue du Très-Haut = M éditez ce Hadith Kodoçi =

"J'aime que mon serviteur s'approche de Moi en accomplissant ce que je lui ai prescrit; qu'il continu d'avancer par des actions agréables jusqu'à ce que je l'aime; si je l'aime Je serais son ouie par laquelle il entend, Sa vue par laquelle il voit, ect...".

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Les jours suivants, la Zaouia et ses alentours avaient connu une animation particulière. Trois jours consécutifs de fête exceptionnellement reli­gieuse, on avait l'impression qu'on ètait à Mina lors du grand pélérinage à la Mecque. Tout le temps est consacré à l'adoration du Très Haut, on s'en emplo­yait avec tout son être, corps et conscience. Le rôle de chacun, loin des rivalités, des jalousies, qui dominent les humains, est de s'employer à la purifi­cation de son coeur, à la clarification de son âme afin que le Divin s'y mire. Ce fut bien à leurs sem­blables que ce verset s'adresse: "Est-ce celui qui sait que ce qui t'est révélé de la part de ton Seigneur est bien la Vérité soit comme celui qui est atteint de cécité. Certes ne peuvent être persuadés que ceux qui ont des coeurs; ceux qui observent fidèlement l'alliance d'ALLAH et ne violent pas Son pacte; ceux qui font le bien à ceux qu'ALLAH a ordonné de le leur faire et craignent leur Seigneur et redoutent un compte funeste; ceux qui sont résignés dans l'amour pour la face de leur Seigneur; ceux qui accomplissent les oraisons prescrites et distribuent de ce qu'ils reçoivent de Nous, secrètement ou en publique et lorsqu'ils font une mauvaise action ils la font suivre d'une bonne; ceux-là auront la demeure finale, celle des jardins d'Eden qu'ils occuperont avec les bons de leurs

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parents, leurs épouses et leurs enfants. Les anges pénètreront chez eux par toutes les portes: Salut à vous, quelle heureuse fin méritée par votre réSigna­tion." (coran)

Sidi Abdelkrim, sur l'invitation du Cheikh, pro­nonça une brève allocution. Il a fait l'historique de sa vie avant sa conversion et pendant ses quinze ans de Musulman, ayant pratiquè parfaitement les prescriptions des deux piliers de la Religion: L'Iman et l'Islam. Il lui restait le troisième pilier qui est l'Ih­sane. Il savait que pour s'initier dans ce dernier, il lui fallait un Maitre Initiateur, le Guide Spirituel, héritier des Prophètes, qui soigne, fortifie les coeurs en l'amour d'ALLAH. C'est exclusivement son rôle, sa vie, sa raison d'être, de faire réaliser l'âme de la Religion. Voilà les motifs de sa venue à Mostaganem, à la recherche du Maitre, en l'occu­rence, le Cheikh Sidi Ahmed Ben Alioua pour sollici­ter l'enseignement çoufi introuvable ailleurs.

Le congrès terminè, les frères pèlerins regagnè­rent en majeur partie leurs pays d'origine. Le Maitre disposa, maintenant d'un peu de temps pour s'oc­cuper de nos trois visiteurs. Dans un bref récit, il leur avait dréssé le tableau de cette science qui est enseignée par l'école Soufie depuis l'Envoyé d'AL-

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LAH (paix sur lui) en passant par l'Imam Ali qua­trième Khalifa, la chaine solidement tenue par ses anneaux passa de Maitre en Maitre jusqu'au Cheikh Ech-Chadeli, puis plus loin au Cheikh Darkaoui, enfin au Cheikh EI-Alaoui par le Cheikh EI-Bouzidi (Bénédiction Divine sur leur âmes).

Elle consiste en l'invocation du Non Suprême "ALLAH" dans un lieu où l'on se confine à l'égard des humains: "Les croyalfts sont ceux qui ont des coeurs puri­fiés par l'invocation d'ALLAH. Les coeurs ne peu­vent se purifier que par l'invocation d'ALLAH" (Coran). Après quelques jours le récipiendaire armé d'une ténacité exemplaire arrive à réaliser la grande connaissance, celle du Seigneur telle qu'elle est précisée dans ce Hadith: "Celui qui arrive à se connaitre connait Son Dieu". L'auteur et ses compagnons avec d'autre disciples, s'y étaient appliqués dans une retraite. Au bout d'un certain temps, leur tâche fut couronnée de succés. Dorénavant rien ne pourra les dévier de la voie droite, celle que chaque Musulman implore à chacune de ses prières: "C'est Toi que nous adorons, c'est de Toi que nous implorons l'aide; dirige-nous vers lavoie droite, voie de ceux queTu as comblé de Ta grace, non pas

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celle de ceux qui sont maudits ni des égarés". AMEN!

Il ne resta pluS. à Sidi Abdelkrim qu'à prendre congé du Maitre, pour rejoindre sa résidence à Tunis, maintenant son âme restera attachée à l'es­prit du Cheikh, liée à lui pour l'éternité - Qu'ALLAH déverse sur son âme des torrents de Sa M iséri­corde, ainsi que sur les âmes de tous ses frères Musulmans. Que la grâce et la Bénédiction Divines soient sur les âmes de nos Maitres. AMEN!

A. M, Sa'id

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Nous sommes à Tunis, en 1912: c'est un dimanche matin. Je quitte l'avenue de France et je m'arrête sous les I;'almiers, devant la cathédrale; machinalement je lève les yeux sur le père Eternel qui, dans un geste bénisseur, semble chauffer ses mains de pierre au-dessus du portail-salamandre; puis, poussé par un désir pervers de découvrir, en cette église, d'infâmes bondieuseries qui me met­tront hors de moi, je suis les Tunisois qui se rendent à la messe: je gravis les marches et j'entre.

o la laideur de ce temple où la lumière pénètre crùment, chassant le mystère! Il est vrai que les fidèles ne paraissent pas venir là pour s'épandre en Dieu: ils sont, pour la plupart affligés d'une foi banale, d'une foi mesquine qui se contente de menues pratiques et de petites dévotions, d'une foi anémiée, chlorotique.

Sitôt le seuil franchi, ils trempent le bout de leurs doigts dans le bénitier, esquissent un signe de croix expéditif, un peu honteux, presque imperceptible; ils attirent à eux une chaise sur laquelle ils appuient les genoux et les coudes; pendant quelques secon­des ils inclinent la tête avec une componction simu­lée, puis se redressant, ils jettent des regards circu­laires, adressent des sourires, des signes, des

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saluts discrets à leurs connaissances. C'est la foi bourgeoise, la foi machinale, hérédi­

taire. Combien peu, parmi ces pratiquants, parais­sent rongés du désir de Dieu! Qu'ils sont rares ceux qui clament à l'Idéal, les embrasés qui voudraient ravir le Ciel! (violenti rapiunt illud).

Soudain les orgues se mettent à jouer: de leurs tuyaux s'échappent des accords tonitruants qui se prolongent en ondes rythmiques dans les hauteurs de la nef. Des nappes d'hamonie montent, s'éten­dent, s'étirent, s'allongent, serpentent dans le vide, planent sur l'assistance endimanchée et lentement s'abaissent sur elle; mais cette musique trop allègre n'enveloppe pas les fidèles dans une pieuse suavité; elle ne les magnétise point par la douceur des sons, ne les amollit pas en une langueur mysti­que.

Bientôt l'autel s'estompe derrière un nuage d'en­cens; des chants s'élèvent et leur arabesque, qui s'enchevêtre dans les volutes de fumée odorifé­rante, monté en tournoyant vers les voûtes sacrées, se mêle aux notes qu'exhalent les orgues, puis avec elles se perd là-haut, tout-là-haut, dans le bariolage hurleur des verrières multicolores.

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Durant ce tapage musical j'avais regardé autour de moi et j'avais été surpris de reconnaître plu­sieurs personges dont les opinions matérialistes étaient avérées, QDe venaient-ils chercher en ce lieu? Le plaisir qu'ils pouvaient prendre à l'audition du prédicateur dominical, dont le cabotinage était fort apprécié à Tunis, ne suffisait pas à m'expliquer leur présence; j'avais une intime persuasion qu'ils étaient là pour autre chose: pour s'assurer, par exemple, que toutes les lumiéres étaient réellement éteintes dans le grand ciel vide,

Et voilà que, du haut de la chaire, tombaient des paroi es dont se délectait en moi le paresseux, le rêveur, l'artiste; elles proclamaient que la science n'a jamais pu fournir une explication plausible du besoin de croire, latent en chacun de nous; que le seul progrés est l'évolution psychique; que notre raison est bien peu de chose puisqu'elle ne peut s'identifier avec l'Absolu,

Le prédicateur parlait de la " lumière du cœur »;

-Toutes nos facultés s'équipollent, énonçait-il, et quand le cœur affirme, l'esprit ne peut nier,

Il dévoilait l'indigence des intellectuels chez qui le cœur n'est pas en équilibre avec le cerveau,

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Autour de moi flottaient des fluides de piété; des prières rôdeuses me frôlaient, cherchaient à me pénétrer. Je leur avais fermé au nez les portes de. mon âme; mais elles se faufilaient insidieusement par les interstices et réveillaient les vieux souvenirs endormis de mon enfance mystique: le charme des chants liturgiques, la griserie de l'encens, toute la fascination de la magie cérémonielle.

L'ambiance influait sur moi; je me pris à regretter la foi perdue, mais en me rendant bien compte que jamais plus, peut-être, je ne ressaisirais le levier à l'aide duquel on soulève les montagnes.

J'habitais Tunis depuis quelques semaines seule­ment: j'avais quitté Paris, écœuré par les mille et un déboires de la vie d'artiste, fatigué par le tohu-bohu occidental, en proie à un commencement de neu­rasthénie, et j'étais venu demander ma guérison à Notre père le Soleil qui rutile au ciel d'Afrique.

Ayant renoncé a peindre, je lisais beaucoup. 0 r il est à remarquer que si nous nous trouvons dans une certaine disposition d'esprit, les livres idoines à la renforcer viennent d'eux-mêmes se placer sous nos yeux. comme s'ils étaient apportés par d'invisi­bles mains.

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Le souvenir du sermon que j'avais entendu m'in­citait à philosopher, à méditer sur le sens de la vie, à rechercher la C,!use de toutes causes qui, Elle Seule Est sans cause. Alors, comme par enchante­ment, s'accumulèrent sur ma table de travail les ouvrages des grands mystiques: Saint Jean de la Croix, Molinos, Madame Guyon, Sainte Thérèse, Jacob Bœhme, d'autres encore.

J'eus bientôt la pensée farcie de leurs élucubra­tions et, naturellement, le laissai transparaître dans mes entretiens. Un fervent catholique, Et qui je me confiai, me proposa de me faire connaître un re!i­

gieux capable de m'éclairer. J'acceptai: il me con­duisit à Carthage, chez les Pères Blancs.

J'eus une longue discussion avec le moine à qu'il me présenta: je demandai à celui-ci de me fournir l'explication des mystères; il me répondit que je devais me contenter de croire sans comprendre .

.. Mais, lui objectai-je dans j'ancien et dans ie nouveau Tesiament abondent les fictions, les allé­

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Aprés avoir conSidéré avec stupeur cet incom­préhensif, je lui tirai ma révérence et... me fis musulman.

C'est que l'Islam sans mystères, sans dogme, sans clergé, presque sans culte, m'apparaissait comme la plus rationnelle de toutes les religions:.je l'adoptait. estimant que la créature n'a pas besoin de passer par l'intermédiaire des prêtre pour adorer son Créateur.

Dès que fut connue ma conversion la presse ara­bophobe fulmina contre moi, non pas que l'on s'in­dignât réelement de me voir abandonner l'ombre de la Croix pour pènétrer dans la clartè du Croissant; mais je m'évadais avec ostentation de mon époque et. de ma race, je flanquais un coup de pied dans tout ce que l'Occident révère, cela c'était inadmis­sible.

Piètres psychologues, les acéphales coloniaux ne devinaient pas les causes profondes qui m'avaient poussé à embrasser l'Islamisme: l'impudent qui venait de les scandaliser eut volontiers déambulé dans la vie sans arborer d'étiquette: ils m'en impo­sèrent une: ils me traitèrent d'original.

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Cette qualification dont s'honore tout indiscipliné est, pour la tourbe des ilotes, représentative de la pire ignominie: ne pas agir comme tout le monde, n'être pas conforl]1e, se singulariser d'une façon quelconque, se séparer du troupeau, mépriser la majorité, est un forfait tellement exorbitant que le législateur dérouté s'est abstenu de le mentionner dans le code, évitant ainsi de lui infliger une péna­lité,

On, finit Jiar classer l'affaire en décrétant que la conversion' d'Abdou-'I-Karim était une "conversion d'artiste»,

Je relève l'expression: - Eh bien! Soit, messieurs! Seulement il faudrait

nous entendre: vos préjugés de provinciaux tardi­grades me sont connus: je sais que vous êtes res­tés à la conception dix-huit cent-trentarde de Henry mürger et que, pour vous, l'artiste est un abracadabrant personnage, un bohême tout mâchuré de romantisme, En votre jargon simpliste "conversion d'artiste» signifie que la puérile envie de porter un bernous m'incita seule à changer de religion. Vous jaugez ma mentalité avec vos mesu­res, Remisez vos faux poids pour ne point vous leur­rer: je préfère vous renseigner moi-même.

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<<Conversion d'artiste!» Vous ricanez et vous ne comprenez pas que c'est précisément cela le miracle.

Pour pêcher une âme d'esthète. Allah ne pouvait employer qu'un appât: le Beau. Il m'a donc saisi par mon côté faible: Il m'a montré la pauvreté sainte des nomades; Il m'a fait entendre les cantilènes que modulent les bèdouines quand la "guerba" sur l'épaule, elle vont puiser l'eau à la source; dans le calme des soirs Il a fait lentement défiler devant moi des caravanes; Il m'a offert le repos sous les palmiers ... Pour me charmer le Généreux a com­posé des jeux de lumière et des harmonies de cou­leurs adorables qui m'ont plongé dans l'extase; durant le jour Son soleil a flamboyé sur moi; pen­dant la nuit ses étoiles ont illuminé mes songes. Puis, du fond du Sahara, il a fait accourir une puis­sance mystérieuse, une force enveloppante, irrésis­tible: le souffle de l'Islam m'a prosterné, pantelant, sur le sable des dunes; alors j'ai clamé l'attestation millènaire des croyants: «Allah est le plus grand ».

cette exaltation apaisée, j'ai repris mon existence cou­tumière; mais bientôt des beautés nouvelles ravivaient mon enthousiasme tandis que les laideurs européennes m'acheminaient vers le «Grand Dégoût».

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Un des principaux facteurs de mon abjuration fut la fatigue que me cause la trémulation ponantaise. Regardez-vous roumis! Considérez votre démence! Vous courez à vos affaires, absorbés par l'espoir du lucre, sans cesse agités, fiévreux, inquiets. Vos visages sont contractés par les soucis d'argent ou dilatés par des satisfactions basses. Si vos traits n'apparaissent pas anxieux et crispés, ils sont dis­tendus par une hilarité bruyante, enluminés par les ripailles et les beuveries. Jamais de calme sur vos masques de chair, jamais trace d'impassibilité ou de quiétude; il est rare de rencontrer parmi vous une tête grave et majestueuse comme on en voit tant chez les arabes. Rien n'éclaire vos faces de damnés; aucune idée calme et reposante ne s'est incrustée en vos cerveaux surmenés. Innombrables types sans caractère vous vous groupez en trou­peaux et grouillez dans les cafés, les cinémas, les dancings, les beuglants, les bureaux, les usines et les casernes. Vous vivez une existence frénétique, hallucinatoire et démoniaque, une vie hors nature qui vous rend horriblement malheureux, mais dont vous vous enorgueillissez pourtant et que vous appelez «Civilisation».

Voulant m'arracher à votre enfer et m'attirer à Lui, Allah me fit prendre un chemin que nul ne

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parcourut. Quand je songe aux étranges étapes où je bivouaquai, il me faut faire appel au peu d'humi­lité dont je dispose pour ne point me considérer comme un élu.

C'est que je me revois, perplexe, plantant un point d'interrogation devant l'obscure racine du mal; essayant de stigmatiser les vices de mes con­temporains par la déformation de leurs traits; cher­chant partout les tares; poussant la Vérité toute nue contre les bourgeois pudibonds; démasquant l'improbité des honnêtes gens; fustigeant la lubri­cité des hommes vertueux; faisant descendre de leurs piédestaux les hautes Crapules; emberlifico­tant mes bons hommes dans le tarabiscotage de tirebouchonnantes arabesques pour amplifier les expressions abjectes ou cyniques de leurs visages; imprégnant ma rétine d'effroi et d'écœurement; emmagasinant en ma vision interne, une abondante provision de cauchemars.

Pendant trente ans je n'eus d'yeux que pour les laideurs qui posaient devant moi, et quand, à bout de forces, exténué, saturé jusqu'à la vomiturition, je jetai mon crayon, alors le clément, le Miséricor­dieux me suggéra l'idée de passer la mer pour venir mouiller dans le hâvre islamique.

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Vous avez ra!son; c'est bien une convertion d'ar­tiste que la mienne; c'est le P.P.C. de quelqu'un qui a toujours trouvé que les enthousiasmes des «sau­vages blancs» étaient injustifiés et qui ne s'est pas adapté à leur agi!ation, à leurs laideurs, à leurs mensonges.

Un an après ma conversion, les peuples, en état complet d'ivresse patriotique, vomissaient du sang. La démence occidentale avait atteint son paroxysme.

Loin du carnage, j'abandonnais peu à peu le plan exotérique sur lequel je m'étais tout d'abord réfu­gié; je m'elançais par-delà les formes extérieures et scrutais l'hermétisme islamique.

J'avançais peu dans mes cherches, mon igno­rance de la langue arabe ne me permettant pas de consulter les livres qui traitent du çoufisme et aucune tradition de ces ouvrages n'ayant été faite en français.

Or, un jour, je reçus la lettre que voici:

Monsieur Je suis Arabe et mon intention première a été de

vous écrire en ma langue; j'apprends que, malgré

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vos efforts, vous la balbutiez à peine. Je rédige donc ma lettre en français.

Le monde musulman discuta longtemps la valeur de votre conversion. Le premier j'ai compris que vous étiez sincére; mais peut-être vous trompez­vous vous-même; peut-être pour vous comme pour le philosophe du doute Guyau:

« Cesser de se tromper ce ne serait plus vivre ».

Vous ne pouvez pas étre tout-à-fait religieux: vous êtes Français, par conséquent inapte à embrasser une religion quelconque. Et cependant je voudrais vous voir plus musulman; vous goûteriez alors la joie de l'être d'une façon compléte. Quand mes loisirs me le permettront, j'éclairerai votre reli­gion sur ma religion tant ignorée par ceux-là même qui ont la prétention de vous l'enseigner.

A vous voir vêtu de l'archaïque et noble costume oriental, on s'imaginerait que vous n'en avez jamais porté d'autre: il n'est pas jusqu'à votre physionomie qui ne soit devenue idéalement arabe, mais votre démarche parfois vous trahit un rien attire votre attention et vous fait hâter le pas; on recconnait alors le Français frivole.

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Les vètements arabes vous siéent parce que vous les portez en artiste!. Les paroles de l'Anglais dans la Faustin de Goncourt, me reviennent à la mémoire et, sans nulle intention de vous blesser, je vous le jure, je me prends à murmurer: "vous n'êtes qu'artiste, vous n'êtes que cela!".

Vous avez renoncé à peindre pour écrire: cela s'appelle aller d'un mal à un autre. Cette activité cérébrale ne pourra jamais vous procurer ce que vous cherchez: la paix. Qand on embrasse la reli­gion musulmane on ne joue plus avec le FEU. Faites comme moi: ne croyez pas à votre intelligence; ne pensez jamais. Je sais que je vous demande l'im­possible.

Je suis pour l'impersonnalité; je suis pour le sacri­fice des sentiments personnels. Le «Je» si cher aux Latins, caractérise bien cette race appelée à dispa­raître: son agitation causera sa perte. L'Islam est immobile; à le constater tel, Renan s'imaginait l'avi­lir. L'immobilité c'est l'Eternité, le Progrès tue; la civilisation a une fin.

J'ai honte, monsieur, de paraître raisonner: je suis ennemi de la pensée; je méprise mes connaissan­ces profanes; je ne veux jamais avoir confiance en

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elles. Ainsi je jouis d'un bonheur immense. Et, comme je ne suis pas égoTste, je désire le partager avec vous.

Ecrivez-moi donc poste-restante au nom de Gha­zali et posez-moi toutes questions qu'il vous plaira.

Je vous prie de m'excuser si je signe d'un pseu­donyme; j'ai pour cela de très sérieux motifs.

GHAZALI

J'avais des motifs non moins sérieux pour ne pas répondre à un inconnu: ma conversion m'avait

signalé à la vigilance des autorités, en cette période belliqueuse ma correspondance était minu­tieusement examinée par la Censure. L'anonyme .scripteur était peut-être un policier qui me tendrait des pièges, me poserait des questions aux-quelles ma brutale franchise me ferait répondre d'une façon compromettante.

Néanmoins j'étais intrigué: par certains passages que j'ai jugé bon de supprimer, cette lettre décelait chez son auteur une large connaissance des théo­ries hermétiques. Il n'y avait à Tunis qu'un seul Arabe qui pouvait l'avoir redigée. C'était un nommé Kh ...

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J'allai le trouver: il me donna sa parole qu'il ne m'avait pas écrit, et nous cherchâmes vainement ensemble qui pouv:ait être le pseudo Ghazali.

Je profitai de mon entrevue avec Kh ... pour le questionner sur le mysticisme musulman, lui demandant de m'indiquer le processus qu'il me fal­lait suivre pour recevoir l'initiation "çoufi».

- Je n'ai pas qualité pour vous la conférer, me répondit-il; mais quand vous serez mûr, vous ren­contrerez infailliblement le maître qui fera éclater en vous la germination des graines mystiques et vous gratifiera de l'illumination.

- Qui est ce maître? -II se dérobe, sans doute, sous une forme des plus humbles: il peut être le marchand de gâteaux que vous frôlez dans la rue, ou bien le négre qui vous masse au bain maure, ou même le mendiant qui vous demande l'aumône. Il suffira que son regard rencontre le vôtre pour que s'ètablisse entre lui et vous la communication télépathique.

Mais vous êtes déjà sur la voie; vous connaissez certaines pratiques: les méthodes respiratoires et l'entraînement de "centration mentale" en usage

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chez tous les occultistes. Bien qu'il ne m'appar­tienne pas de vous initier au çoufisme, je vais, du moins, tenter de vous éveiller. Prêtez-moi votre attention.

Alors le mystagogue me conseilla de la sorte: - Vous ne connaîtrez Allah que par la médiation de Mohammed. Cela revient à dire que l'on ne saurait atteindre l'Absolu sans une préalable immersion dans la Conscience Universelle. Mais pour contem­pler un abstraction il faut la concréter. Matérialisez donc celle-ci en lui faisant revêtir la forme du Pro­phéte, puisque de tous les hommes ce fut lui qui

manifesta l'âme du Monde avec le plus d'intensité. Travaillez activement à dessiner en vous son icône; efforcez'vous de sentir sa présence; persuadez' vous qu'il vous voit qu'il vous entend, qu'il cannait vos pensées. Entretenez'vous avec lui; interrogez' le; écoutez ses réponses: au début elles seront for­mulées par votre inconscient; peu a peu elles vous arriveront d'ailleurs.

A vivre en perpétuel commerce avec l'Envoyé d'Allah, vous finirez par le rencontrer dans vos rêves; un beau jour il vous rendra visite en pleine veille: durant le "dhikr" il surgira devant vous, dans la même p.osture que la vôtre, ses genoux touchant

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vos genoux, il vous regardera en souriant et vous le contemplerez sans frayeur. Alors, devant cette apparition qui reproduira vos moindres gestes, vous comprendrez que Mohammed c'est vous-même ..

Une fois résorbé en la Conscience Universelle, votre Ego devra encore ascendre: il lui faudra mon­ter, monter toujours jusqu'à l'ultime degré initiati­que où Mohammed, se transfigurant pour la seconde fois, devient Ahmed.

Telle est la voie étroite qui mène à la Connais­sance. Bien que la plupart des musulmans ne soup­çonnent même pas l'existence de ce chemin secret, vous pouvez le suivre sans crainte: c'est la Tarika, le sentier d'Allah.

J'eus avec kh .. d'autre entretiens au cours des­quels il s'efforça de dessiller ma vue intérieure:

Il ne suffit pas, m'apprenait-il, de savoir que l'Ame Suprême habite en vous; il faut encore que vous en ayez la conviction, et cette certitude que l'on appelle la foi vous ne l'acquerrez que par l'expé­rience.

Vous pouvez fort bien co naître théEn'iquement la

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natation sans pour cela savoir nager: C'est seule­ment en vous jetant à l'eau que vous apprendrez à vous maintenir à la surface. De même vous ignorez ce qu'est l'ivrognerie si vous n'avez jamais bu jus­qu'à tituber.

Il est donc indispensable que vous viviez Dieu, que vous le découvriez en toutes choses; mais auparavant il vous faut Le chercher en vous-même. C'est vous que vous trouverez. Se sentir Dieu! Quel meilleur expédient pour échapper à l'horreur d'être un homme?

Introduisez l'idée de Dieu dans chacune de vos pensées, dans chacun de vos mouvements, dans

'chacune de vos actions: si vous parlez ou si vous écoutez, si vous êtes assis ou si vous marchez, si vous buvez ou si vous mangez, si vous riez ou si vous pleurez, pensez à Lui.

Persuadez-vous bien que Allah est en vous. Que Sa Présence devienne pour vous une inexpugnable obsession!

C'est de l'auto-suggestion? Qui prétend le Con­traire? Les idées que nous créons sont des ETRES VIVANTS. Créez Dieu en vous-même.

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Pour arriver à ce résultat il existe un nombre infini de voies: Ghazali, le plus célèbre des çoufis pré­tend qu'on en compte autant que de souffles. Autrement dit: les directives spirituelles varient selon les individus.

La religion catholique n'offre que les deux sen­tiers préconisés par son Chrit: l'amour et la souf­france. Ils existent aussi dans l'Islam ésotérique, mais en compagnie d'une multitude d'autres.

La voie la plus facile, celle que suivent la plupart des adeptes, c'est l'abandon. Rien d'étonnant à cela puisque le mot Islam est le nom d'action du verbe aslama qui signifie: s'abandonner.

Abandonnez-vous; ne faites plus votre volonté propre; obéissez à la volonté d'Allah: si vous avan­cez la main pour tremper votre plume dans l'encre, dites-vous que ce n'est pas votre vouloir qui dirige vos doigts vers l'encrier, mais qu'ils y sont poussés par une volonté plus puissante que la vôtre.

Votre corps est l'outil d'Allah: Il le manie à sa guise reposez-vous et laissez opérer votre maître.

Quand un musulman avance sur le Sentier, sa

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première· ètape est le détachement: Il se détache de tout, renonce à tout. Il lui reste ensuite à s'éva­der de soi-même: nul ne peut naître a nouveau s'il ne meurt préalablement.

La tâche est ardue: elle réclame un sacrifice de tous les instants; le temps que l'on passe dans l'agi­tation est du temps perdu, du temps volé à Dieu, et les heures de passivité réceptive, les heures au cours desquelle on laisse Allah œuvrer en soi, sont les seules qui soient bien employées. Comment pourrait-il s'envoler celui qui s'obstine à s'échiner en remuant le fumier du monde?

J'entends les protestations indignées des incré­dules: « C'est de la folie! » s'écrient-ils.

Eh oui! Gens de bon sens: c'est de la folie, de la folie mystique; mais récapitulez ce que vous a rap­porté, jusqu'à ce jour votre raison. L'ensemble de ce que vous lui devez se résorbe dans les deux mots: civilisation. progrès. C'est précisément cette sentine que les mystiques cherchent à fuir en édi­fiant le Ciel en eux.

Les religions leur offrent une aide puissante: elles sont des tremplins qui les lancent très-haut; le rite

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est Ur] appui; les prières verbales, toujours les mêmes, murmurées pendant des siècles par des millions de croyants, sont imprégnées d'une formi­dable magie dont profite celui qui les récite; l'am­biance des mosquées, des synagogues, des tem­ples et des églises influe sur le fidèle en oraison, l'apaise et le plonge dans le recueillement: les ablu­tions, les prosternations, tous les gestes rituels sont des symboles dont la compréhension lui four­nit un efficace adjuvant.

Encore une fois c'est de l'auto-suggestion, pour­quoi le nier? Mais qu'est-ce que l'auto-suggestion?

Et qu'importe! L'essentiel est d'implanter dans son cœur l'idée de Dieu.

Les exercices de piété deviennent évidemment de la superfétation pour celui dont les regards se fixent En Haut sans discontinuité: « Tout ce que vous faites, disait notre Prophète à des bigots qui marmottaient des prières, tous ce que vous faites est inutile si vous n'avez pas Allah pour but et s'il n'est pas enfermé dans votre cœur ".

Quand le mystique a créé Dieu en soi, il s'eprend pour Lui d'un ardent amour et. comme l'Ame Suprême est tout, il ta voit partout: il la découvre

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dans chacun de ses semblables. dans les animaux, dans les plantes, jusque dans les cailloux. Il aime tout.

Peu importe alors qu'il soit Juif, Chrétien ou Musulman: sa religion est l'Amour.

Kh ... est mort. S'il m'a simplement« éveillé », sans me pousser davantage, c'est que sa mission se bor­nait là. A cette époque je n'étais pas prêt: je n'avais pas atteint l'état de conscience qui devait me per­mettre d'aller plus loin; il était écrit qu'un autre viendrait me prendre où lui m'avait laissé, car le Maitre se présente toujours au moment opportun.

Des maîtres, il en existe partout, sur toute la sur­face du globe, dans toutes les religions et même en

. dehors des religions: que ce soient les gourous du Brahmanisme, les Mahatmas du Bouddhisme, les directeurs du catholicisme, 1 es Pôles de l'Islam, ou des philosophes ignorés, partout se trouvent des évolués qui ont reçu la charge de faire avancer leurs frères sur le Sentier.

On peut, à la rigueur, s'y aventurer seul. sans guide, en ne faisant partie d'aucune secte, mais combien plus pénible est la marche! Que le dangers

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nous guettent qui ne sont pas à redouter sous la protection du Maitre!

La Mort de Kh ... laissa désemparés deux de ses disciples. Je ne les fréquentais pas; ils éprouvèrent le besoin de se rapprocher de moi pour s'entretenir des choses spirituelles. Très vivement attachés au défunt, ils avaient vécudans son intimité, et sa perte les plongeait dans le désarroi.

C'étaient un Français et une Française convertis comme moi à la religion du Prophète. Je ne les désignerai que par leurs prénoms musulmans: Myriam et Djaffar.

Je les vis fréquemment: ils s'étaient lancés à cœur perdu dans l'Islam et en observaient avec une grande ferveur toutes les obligations. Très bon ara­bisant, Djaffar possédait des manuscrits anciens traitant du Coufisme: il les étudiait et découvrait parfois dans ces parchemins quelques luminosités qu'il projetait dans mes ténèbres. Quand à saïda Myriam, véritable sainte, elle me communiquait un peu de sa foi ardente; elle me réconfortait quand je tombais dans la sécheresse.

Tous deux se rendaient compte de leur impuis-

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sance à avancer sur la "Tarika" sans le secours d'un guide quand ils firent la connaissance du secrétaire d'un cheikh Algérien. Si Mohammed Laid leur parla de ·son maître et ce qu'il leur en dit leur donna la conviction que le Cheikh était un haut initié. Ils for­mèrent le projet d'aller le trouver et me décidèrent à les accompagner.

La mentalité occidentale est réfractaire à la con­ception du «Maitre": Barrès a fait, sur ce sujet, une étude impartiale mais erronée.

La « Tarika " n'est pas, à proprement parler, une «voie» plus ou moins longue et pénible; c'est une succession d'états de conscience de plus en plus élevés. Le Maitre, lui, est parvenu au summum de cette série d'états: il fait participer ses disciples à ses acquisitions spirituelles.

Mais pour cela le disciple doit se livrer à lui sans restriction: le Maitre ne peut donner qu'au prorata de la façon dont on se donne à lui; il est indispen­sable que le cœur du disciple se mette au diapason du cœur du Maître, que ces deux cœurs vibrent à l'unisson; alors la fusion qui s'opère est telle que le disciple voit le Maitre en lui-même, que le Maître se mire en son disciple. Plus tard le disciple découvrira

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en son maître le Prophéte, plus tard encore Allah.

Nous partîmes Myriam, Djaffar et moi, pour aller passer quelque temps auprés du Cheikh Ahmed ben Mostpha ben Alioua.

Le mokaddem de la zaouia vint nous cueillir à la descente du train et marcha devant nous pour nous montrer la route. A pied nous traversâmes Mosta­ganem.

Quand nous fûmes à cinquante métres de la demeure du Cheikh située à l'extrémité de la ville arabe, le mokadem se mit à chanter d'une voix forte et à plusieurs reprises: «La ilaha illaAllah.» C'est la façon dont les Allaouias annoncent la venue des visiteurs de marque. Il ouvrit la porte d'un jardin au fond duquel nous attendait le salon de réception. Nous nous déchaussâmes et nous accroupîmes sur des tapis.

Quelques instants après Si Ahmed entrait. très grand, très droit; il nous salua.

Cédant à leur émotion Djaffar et Myriam éclatè' rent en sanglots. Moins ému, et surtout moins démonstratif, je restai impassible.

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Le Cheikh prit place; d'un geste il nous invita à l'imiter; un serviteur apporta du thé et des gâteaux.

Après s'être tamponné les paupières, Djaffar nous servit d'interprète.

Mes deux compagnons semblaient prendre un prodigieux intérêt aux dessins du tapis, car ils ne les quittaient pas des yeux; mais, moi, j'examinais le Maitre; lui aussi me devisagea; nos regards se croi­sèrent.

Si Ahmed ben Alioua est âgé de cinquante six ans: il a une belle tête de Christ douloureux et tendre. Sa longue barbe offre cette particularité que, noire sur le menton, elle est blanche sur les joues. Le visage maigre, ascétique, a une expres­sion hautaine et fermée. Dès que les paupières se lèvent, elles découvrent des yeux rieurs; les lèvres charnues s'entrouvrent en un sourire très doux; l'homme qui parle est tout différent de celui qui se taisait; les mots s'échappent de sa bouche avec volubi!ité; de temps en temps les phrases sont cou­pées d'un « ia akka sidi? » quêteur d'approbation.

Puis, quand la parole s'arrête, le sourire se fige brusquement; le visage se ferme en même temps

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que s'abaissent les paupiéres; le masque reprend sa rigidité hiératique.

Sentant que nous étions éreintés par notre long voyage, le Cheikh abrégea l'entrevue: « Cette chambre nous dit-il, est celle que je vous ai réser­vée; vous voici chez vous. "

Il nous salua de nouveau et sortit.

J'examinai le local: un plafond, des'murs, des nat­tes, des matelas, des coussins; Myriam et Djaffar, encore sidérés, regardaient toujours la porte par où était sorti le Maitre. Je les secouai et les engageai à procéder à notre installation.

On apportait nos valises: nous les ouvrîmes et nous en tirâmes des costumes arabes. Un quart d'heure plus tard nous étions transformés.

Nous tombions en pleine fête annuelle des Allaouias: de toutes parts accouraient les «foka­ras". Il en venait de tous les coins de l'Algérie; il en arrivait même de Tunisie et l'on attendait un grand nombre de Rif tains. Nous allions être environ six mille, car cette année les compagnies de chemin de fer avaient consenti à tous les Allaouias une réduc­tion de cinquante pour cent sur le tarif.

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Mais voici le Cheikh qui entre chez nous, tout troublé; il tend à Djaffar des lettres et des télégram­mes: interdiction a été faite aux gens du Rift de passer la frontière; dans la province de Constantine les habitants des communes mixtes des Bibans et de Lafayette sont consignés par les khalifats qui ont ordre de ne pas les laisser partir sous peine de destitution. Quelques fokaras, ayant voulu enfreindre cette défense illégale, ont été jetés en prison; l'un d'eux se plaint d'être exposé en plein soleil du matin au soir; un autre est privé de nourri­ture et on l'empêche de faire ses prières.

Nous sommes consternés; mais bientôt nous nous révoltons et l'un de nous propose de partir à Alger pour protester auprès du Gouverneur Général.

Le Cheikh approuve et part avec nous. Nous pas­sons une nouvelle nuit en chemin de fer; le lende­main matin nous nous présentons au bureau du Gouverneur. Celui-ci étant en congé, nous sommes reçus par un quelconque rond-de-cuir. Après avoir écouté nos doléances ce fonctionnaire veut bien nous apprendre que, la famine étant imminente, le Gouvernement a cru devoir interdire l'exode des Kabyles pour les empêCher de dépenser futilement leurs économies.

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En entendant cela, je bondis et je demande si le Gouvernement oserait employer pareil procédé vis" à"vis des Français. Je m'attire cette réplique: «En l'occurrence il ne s'agit pas de Français, mais d'Arabes."

- Vous établissez donc une différence entre eux? Les balles allemandes n'en faisaient pas.

Le remplaçant du Gouverneur me décoche un regard mauvais et ne répond rien. Il daigne cepen" dant nous faire remarquer que le Gouvernement ne saurait être rendu responsable des sévices exercés sur nos frères et qu'il faut en accuser les autorités locales. Sur nos instances il nous promet d'ouvrir une enquête.

Le lendemain nous étions de retour à Mostaga" nem.

Pendant notre absence d'autres pélerins étaient arrivés. On en complait tout de même trois mille. Dans Un immense terrain, qui fait face à la zaouia, on avait dressé des tentes sous lesquelles ils s'en­tassaient en sections: ici les gens de Tlemcen et de Bône; là ceux d'Oran; plus loin ceux de Philippe" ville ... Toutes les viles et tous les douars étaient représentés. Beaucoup avaient apporté de grands samovars en cuivre et faisaient le thé en plein air.

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Escorté par Djaffar et par moi, le Cheikh passait au milieu des groupes, s'arrêtait ici et là, trouvant pour chacun une bonne parole. Tous les yeux étaient braqués sur le Maitre et sur les deux con­vertis qu'il traitait ouvertement en amis; sur nous rejaillissait l'amour que les fokaras allaouias lui ont voué.

On a souvent et abondamment écrit sur les con­fréries musulmanes: on l'a toujours fait en se pla­çant à l'extérieur alors qu'elles auraient dû être examinées de l'intérieur; peu nombreux sont les Européens qui ont pu, comme moi, pénétrer dans une zaoulya en auaHté d'hôte a qui rien n'est caché.

Si l'on veut étudier sérieusement les confréries, il est indispensable de connaïtre leur origine, de

. remonter au début de l'Islam. Le Prophéte ensei­gnait à la foule i'exotérisme islamique; mais il avait une doctrine secrète, prolongement de la premiére, et dont son gendre Aii était le dépositaire: «Je suis la ville de la Science, se plaisait il à répéter; c'est Ali qui en est la porte. " Ceux qui voulaient entrer s'adressaient donc à Ali.

f\U commencement de l'Hegire tous les savants,

tous les docteurs, tous les ou lamas des mosquées prat;'· "-~!snt et enseignaient la doctrine ésotérique;

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l'Islam était à son apogée spirituelle. Mais sous l'in­fluence du luxe effréné des Abassides, les mœurs se relâchèrent, les croyances aussi. Les oulamas ne reconnurent plus l'ésotérisme et se mirent à persé­cuter les initiés. Ceux-ci quittèrent Bagdad et se réfugièrent dans les montagnes; il se vêtirent de laine blanche; on les désigna dès lors sous le nom de «Çoûfis", le mot «çoûf» signifiant: laine.

Un musulman demandait-il à entrer parmi eux? Ils commençaient par l'arracher à son milieu; lui cou­paient barbe et moustaches; lui rasaient la tête; le revêtaient d'un déguisement burlesque; lui conseil­

laient de se livrer à mille excentricités. Alors, S'il lui arrivait de laisser échapper quelquer bribes des enseignements qu'il avait reçus, personne n'atta­chait d'importance à ses paroles que l'on considé­rait comme sortant de la bouche d'un fou. Il évitait ainsi la persécution.

Bientôt les çoufis devinrent très nombreux; des confréries se fondèrent. Chacune de ces associa­tions pieuses avait à sa tête un maitre-initiateur.

Quand un de ces maitres mourait, il arrivait fréquem­ment que son successeur se montrait inapte à propager la Doctrine dans son intégralité; la Vérité s'émiettait, se perdait, et peu à peu cessait d'être promulguée.

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Beaucoup de chefs de confréries en arrivèrent à ne plus considérer leurs fonctions que comme un moyen de vivre grassement des « ziara " offertes par leurs adeptes.

De nos jours la plupart des confréries sont diri­gées par des jouisseurs qui ne songent qu'à se pro­curer facilement le bien-être matériel. Recherchant les faveurs gouvernementales, ils fournissent en échange certains renseignements, « rendent des services ". Ces tristes personnages ont des intérêt communs avec les oulamas des mosquées. Jaloux de leurs prérogatives, ces derniers prétendent que l'ésotérisme ne repose sur aucune base sérieuse; ils le déclarent contraire à la religion et décrétent que seule l'orthodoxie fait foi.

Aussi quand, par extraordinaire, surgit un maître initiateur tel que le Cheikh actuel des Allaouias, tout le monde crie « haro» sur lui et sur ses disci­ples; on met tout en œuvre pour le dénigrer et le combattre: c'est un gàte-métier.

Si Ahmed ben Mostpha ben Alioua, en effet, ne s'occupe pas de politique; il ne recherche pas les honneurs et reste indépendant; il n'exige de ses adeptes aucune cotisation annuelle et refuse leurs

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offrandes, C'est un Coûfi hautement initié qui se contente de préparer les âmes de ses fokaras à leurs destinées futures, à ce retour signalé par le Koran: « d'Allah vous êtes partis; à Lui vous retournez ",

L'intelligence la plus lucide serait impuissante à découvrir le chemin qui conduit aux régions supé­rieures; le cœur seul peut en trouver l'accès et c'est sur lui que notre Cheikh bien aimé impose ses mains pleines de bénédictions,

De nombreuses attestations prouvent que, grâce à ses exhortations, des contrées entières, vérita­

bles repaires de bandits, sont maintenant pacifiées et que leurs habitants on tous été transformés en honnêtes gens incapables de commettre la plus légère peccadille.

Il ne faut pas confondre la confrérie des Allaouias avec les autres sectes religieuses dont les ensei­gnements n'ont rien d'ésotérique: elle se rattache directement à celle des Darkaouas par une filiation spirituelle comportant seulement trois transmis­sions de maitres à disciples devenus maîtres à leur tour.

Quand à la confrérie bien connue des Darkaouas, elle remonte, par ses préceptes et ses méthodes

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d'entraînement, au grand Maître-initiateur Sidi bel Hassen Ech chadly qui, à Tunis, vers la fin du qua­trième siécle de l'Hégire, guidait ses disciples sur le sentier de la sai nteté.

Ainsi, de Maître, nous est parvenu le dépôt occulte et sacré dont Sidi Ali ben Taleb, gendre du Prophéte, fut le premier gardien.

Le surlendemain de mon arrivée, le Cheikh me demanda de préparer un discours en français et de le prononcer devant les fokaras assemblés. J'eus beau me récuser en lui affirmant que je ne possép­dais pas le don oratoire, il tenait à son idée et n'en voulut pas démordre. Je me mis au travail.

. Quand j'eus terminé, j'allai, en compagnie de mon maître et ami, flàner parmi mes coreligionnaires: tous savaient que j'étais l'hôte de leur chef: tous voulaient m'embrasser. Mes bons frères m'étouffaient; jamais mes lèvres ne s'étaient posées sur tant de barbes rudes; jamais mes joues n'avaient été baisées par tant de bouches masculines. Mais ces étreintes étaient telle­ment sincéres, je me sentais entouré de tant d'amour que je n'éprouvais aucun dégoût à serrer contre moi le bérnous loqueteux d'un bédouin famélique, à rendre à celui qui le portait ses fraternelles accolades.

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Vint la nuit: des lumières s'allumèrent; les fokaras se groupèrent en une seule assemblèe et entonnè­rent leurs chants dont la plupart des refrains rame­naient le message du Prophète: «La ilaha illa Allah» (Rien n'existe: Dieu Seul Est).

A la suite du Cheikh nous fîmes une trouée dans leur compacité: il nous fallut enjamber des person­nages accroupis, nous appuyez sur un genou ou sur une épaule; on en profitait pour nous saisir et nous embrasser la main. Nous primes place à terre, en pleine foule. Tous les yeux étaient _ braqués sur nous: il y avait là d'étranges têtes de «mejdoubs» désorbités, mais aussi de beaux et calmes visages reflétant la sérénité de l'illuminé.

Cette nuit-là j'ai laissé volontairement sombrer ma personnalité dans l'âme collective; j'ai balancé le torse de gauche à droite et de droite à gauche pour suivre le rythme de la « Kaçida » que, sur un , mode aigu, criait un gosse d'une dizaine d'années et je me suis surpris à chantonner le refrain clamé par trois mille gosiers ..

Ah! que j'étais loin de Paris, de ses cénacles, de ses coteries! Quinze ans déjà se sont écoulés depuis que, pour la première fois, j'ai prononcé la

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«Chahada»; mais jamais je n'ai aussi profondément ressenti l'orgueil et la joie d'appartenir à l'Islam.

Et cela je ne l'aurais pas éprouvé si je ne m'étais affilié à la confrérie des Aliaouias.

D'un signe de la main le Cheikh fit taire les chan­teurs; il se pencha vers moi et me pria de prononcer mon allocution.

Bien que je fusse en proie au trac du débutant, je . me levai et ce fut néanmoins d'une voix forte et assurée que je débitai ce qui suit:

Elhamdoulilah! « Maitre! Frères»

Ce soir je prends la parole enpublic pour la pre­mière fois et comme tout ce qui m'arrive revêt une apparence paradoxale, il est divertissant de consta­ter que je m'exprime en français devant plusieurs milliers d'auditeurs dont la plupart ignorent ma lan­gue. Mais je suis bien tranquille: mes frères Aliaouias me comprendront; ils prêteront peu d'at­tention aux vocables que ma bouche profère; par contre, ils constateront que leurs cœurs et le mien vibrent à l'unisson. Peu leur importeront, dès lors, les paroles, qui s'envolent.

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On vous a dit que je viens de Tunis; je viens de bien plus loin: j'arrive de la région ténébreuse où les âmes errent, désemparées, à la recherche de l'Idéal. Je suis un évadé de l'enfer occidental: durant de longues années je fus balloté par les remous de. l'agitation moderne; j'eus des transports d'espoir fou suivis de crises angOissées; je crus et je doutai; je lus, je méditai, je priai; puis je retombai dans l'agnosticisme.

Cependant Allah n'abandonnait pas son élu: pour m'amener à Lui, il me poussa dans des chemins détournés: devant mon âme d'artiste, deva nt mon âme éblouie, il fit miroiter les splendeurs orientales; à l'assoiffé de Justice que je suis il dévoila les ini­qUités qui se commettent sur la terre africaine; à l'éperdu d'infini, il montra les minarets des mosquées.

Il Plaça sur ma route un Çoûfi qui m'éveilla. Cet initié m'avait appris que le Maitre accourt toujours quand on l'appelle. Je m'en suis souvenu à l'heure de la désespérance et j'ai tendu dans le vide mes bras suppliants. Quelques jours aprés je recevais la visite de sidi Mohammed et Aïd Ech Cherif. Nous nous assîmes dans mon jardin, au bord de cette admirable baie carthaginoise qu'encadrent des col­lines violacées. Durant toute une après-midi si

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Mohammed el Aïd me parla de son Maître en ter' mes tellement enthousiastes que je lui de mandai si ce Maitre consentirait à m'accepter pour disciple.

Si Mohammed me conseilla de m'adresser directe­ment au Cheikh; je me mis en route pour venir le trouver et voilà comment il se fait que je suis ce soir parmi vous.

Maintenant que vais-je faire? Que suis-je venu chercher ici? Tout simplement la méthode d'entraî­nement qui me mettra en état d'Ihsan.

On distingue, vous le savez, trois degrés dans la religion: l'Islam, l'Iman, Ihsan. Celui qui se tient au premier degré est le croyant non pratiquant, le moumen; au deuxième degré il observe les obliga­

·tions cultuelles et devient meslem; enfin, au troi­sième degré il avance dans la réalisation de l'unité: c'est unçoufi.

Parvenu à ce stade, l'aide d'un maître lui devi,ent indis­pensable, Où le dècouvrir ce Maitre? Certes pas dans la camarilla des mosquées, car les gens qui la Composent ignorent le premier mot de l'ésotérisme islamique. Quand je cherchais le Maitre je ne le trouvais pas; lors­que je l'ai appelé il m'a envoyè son disciple prèférè et lui a c6~""; 1<> mission de me conduire auprès de lui.

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Me voici à ses pieds, parmi vous, fokaras mes frè­res, et jamais je n'ai éprouvé d'aussi intenses sen­sations; jamais je ne me suis senti immergé dans tant de bonté, dans tant d'amour. Il me sera désor­mais difficile de vivre ailleurs. Je vais bientôt retourner en mon bordj de Sidi Bou Said; j'espère ne pas y rester longtemps et revenir ici terminer mes jours en paix, en vivant l'ardente vie intérieure du mystique, en rèpétant inlassablement le nom divin: Allah! Allah!

Ayant fini, je m'accroupis de nouveau aux côtés du Cheikh; les chants reprirent et continuèrent jusqu'à ce . que sur un nouveau signe de si Ahmed ben Alioua, tous les fokaras se turent brusquement et se mirent debout.

Beaucoup d'entre eux se débarrassaient de leurs bernous et les jetaient autour de nous. Bientôt nous fûmes isolés par une muraille de vêtements. Pres­sés les uns contre les autres, chacun tenant dans sa main la main du voisin, fléchissant légèrement les genoux, les fokaras commencèrent le « dhikr ».

De milliers de poitrines s'exhalaient des sons farou­ches, terrifiants. Une sorte d'aspiration, qui sem­blait tirée des ventres, était suivie d'un renvoi rau­que, et cela recommençait sur un rythme à deux temps, s'accélérait, s'accélérait... Parfois un cri jail-

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lissait de la foule haletante; c'était un « mejdoub »

qui tombait, terrassé, ne pouvant supporter la puissance de la syllabe qu'il proférait, le « hou» final de Allahou.

Et c'était hallucinant de se trouver en pleine nuit, emprisonné comme je l'étais, dans un espace étroit de quelques mètres, entouré d'une masse com­pacte de plusieurs milliers de bédouins éxallés qui poussaient toujours, avec une frénésie de plus en plus véhémente, leur terrifiant « Hou, oûh! »

Le Cheikh leva la main. Comme par magie, l'incantation s'arrêta net; il eut un

silence de quelques secondes. Après quoi, sur une nou­velle cadence et très doucement, très lentement, repar­

. tirent les exclamations simultanées: « Hou! Hou! Hou! Hou!... » Bientôt elles se ralentirent, s'affaiblirent de plus en plus, s'éteignirent...

La foule se disjoignit; des mains prestes s'empa­rèrent des bernous qui nous entouraient, démoli­rent la muraille de vêtements.

Enfin délivrés nous nous levâmes et traversâmes le campement. Les fokaras regagnaient leurs tentes. Il me fallut encore me laisser baiser les mains, les joues, les épaules, répondre aux salutations et· aux accolades.

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Durant les trois jours que dura la fête, le Cheikh fut fort accaparé; mais quand eût disparu le dernier des pélerins il put nous consacrer la plus grande partie de son temps.

Nous allions quotidiennement le rejoindre au bord de mer, au pied d'une falaise, à un endroit où il faisait construire une maisonnette qui devait lui servir de résidence estivale.

Les ouvriers qui travaillaient à cette construction étaient tous des fokaras attachés à la zaouia; tous por­taient au cou le chapelet des Allaouias. Quand nous descendions le sentier menant à la mer, il s'en trouvait toujours un pour nous apercevoir de loin et pour annon-

. cer notre arrivée par un retentissant: «La ilaha iIIa Allah!". Le Cheikh venait à notre rencontre, nous con­duisait sous une tente qu'il s'etait fait dresser à proxi­mité du chantier. nous nous accroupissions sur des tapis; on nous servait du thé parfumé à la menthe et ron nous apportait aussi de rouges tranches de pastèques.

Si Ahmed ben Alioua nous parlait de son maître Bou Zidi, nous contajt comment il l'avait connu. Lui était tout jeune et déjà affilié aux Aissaouias. Ayant cessé de s'y adonner, il continuait cependant, pour se distraire, à channer des serpents.

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Un jour Bou Zidi se trouva devant lui et lui parla ainsi «On m'a dit que tu fascines et que tu domptes tous les reptiles; je serais curieux d'admirer ton talent».

-Rien de plus simple, répondit le jeune Ahmed; demain j'irai chercher un serpent dans la montagne et lui ferai exécuter des tours devant toi.

Il vint en effet le lendemain avec une petite vipère et la fit travailler devant Bou Zidi.

C'est fort bien, concéda celui-ci; mais ta vipère est petite. Pourrais-tu dompter un serpent plut gros?

- La taille n'y fait rien: je me charge de dresser tous 1 es serpents, si gros qu'ils soient.

- Pourant, reprit Bou Zidi, il en est un, véritable monstre, dont tu aurais moins facilement raison. Veux-tu que je te le nomme? C'est ton « nafs », ta nature inférieure. C'est elle qu'il faut dompter, ce sont tes passion que tu dois vaincre. Tu sais qu'il ya deux sortes de guerre sainte; la petite et la grande.

La première est le combat qu'on livre aux infidèles: la seconde est la lutte contre soi-même.

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- A partir de 'ce jour, continuait le Cheikh, Bou Zidi me prit comme disciple et voici ce qu'il m'enseigna:

«L'Infini ou monde de l'Absolu, que nous conce­vons extérieur à nous, est au contraire universel et existe tel aussi bien en, nous-mêmes qu'au dehors. Il n'y a qu'un monde: c'est celui-là. Ce que nous considérons comme le monde sensible, le monde du fini ou temporel, n'est qu'un ensemble de voiles cachant le monde réel. Ces voiles sont nos propres sens qui ne nous donnent pas la vision exacte des choses, mais qui, au contraire, en empêchent et limitent la pleine perception: nos yeux sont les voi­les de la vraie vue; nos oreilles un voile de l'ouie véritable et ainsi des autres sens. Pour rendre compte de l'existence du monde réel, il faut faire tomber ces voiles que sont les sens; il faut en sup­primer tout fonctionnement, fermer les yeux, se boucher les oreilles, s'abstraire du goût, de l'odorat, du toucher. Que reste-HI alors de l'homme? Il reste une légère lueur qui lui apparaît comme la lucidité de sa conscience. Cette lueur est très faible à cause des voiles qui l'entourent; mais il y a conti­nuité parfaite entre elle et la grande lumière du Monde Infini. C'est dans cette lueur que se con­centre alors la perception du cœur, de l'âme, de l'esprit, de la pensée, Le « dhikr » du non divin, du

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nom de 1'1 nfini « ALLAH» est comme le va-et-vient qui affirme la communication de plus en plus com­plète jusqu'à l'identité les lueurs de la conscience et les éblouissantes fulgurations de l'Infini. Cette continuité étant constatée, notre conscience «peut, par le « dhikr », couler en quelque sorte, se rèpandre dans l'Infini et fusionner avec lui au point que l'Homme arrive à se rendre compte que seul l'Infini est, et que lui, l'Homme conscient, n'existe que comme voile. U ne fois cet état réalisé, toutes les lumiéres de la Vie Infinie peuvent pénétrer l'âme du Çoufi et le faire participer à la Vie Divine; il est en droit de s'écrier: «Je suis Allah! ». L'opération qu'il lui reste à poursuivre est si subtile, tellement délicate, qu'il est nécessaire que l'esprit soit dégagé des préoccupations de tous genres et que le cœur reste vide.

Ainsi palabrait notre Cheikh jusqu'à l'heure du Moghreb. Quand le disque rouge du Soleil s'enfon­çait dans la mer, un fakir lançait l'appel à la piére. Tous les ouvriers abandonnaient leur travait et nous allions nous mêler à eux; nous nous alignions sur des nattes grossiéres, derrière le Cheikh qui fai­sait fonctions d'imam.

La prière terminée nous remontions en compa-

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gnie des fokaras-maçons, le sentier abrupt qui escalade la falaise et tous nous rentrions à la zaouia.

Le Cheikh me déclara: - Vous êtes suffisamment avancé sur le chemin

de la Connaissance: il ne vous reste plus qu'à obte­nir l'Ilumination, c'est-à-dire l'élargissement de conscience qui vous permettra de réaliser par le cœur ce que vous avez cérébralement acquis. Pour cela résinez-vous a entrer en "Khaloua".

- Qu'est-ce que la « Khaloua »? lui demandai-je. C'est une cellule dans laquelle je place le réci­

piendaire après qu'il m'a juré de ne pas en sortir, s'il le faut, avant quarante jours. Dans cet oratoire, son unique occupation est de répéter, sans arrêt, jour et nuit, le nom divin, en prolongeant chaque fois la dernière syllabe jusqu'a épuisement du souffle. Auparavant, il doit réciter soixante quinze mille fois la formule de la « Chahada ». Durant la journée il observe un jeûne rigoureux qu'il rompt seulement le soir.

- Combien de temps reste-t-il enfermé? - Certains fokaras obtiennent l'illumination sou-

daine, au bout de quelques minutes; il en est d'au­tres pour qui cela nécessite plusieurs jours; d'au­tres plusieurs semaines. Je connais un fakir qui l'at­tendit huit mois. Chaque matin il réintégrait la Kha­loua en me disant: «Mon cœur est encore trop dur.»

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Finalement ses efforts furent récompensés. Mon départ eut lieu quelques jours après. Quand

on vint me prévenir que l'heure était arrillée, je me levai pour prendre congé du Cheikh avec qui je conversais. Lui aussi se mit debout et me dit: «Nous ne nous quittons pas encore: je vais vous accompa­gner un peu pour ne. pas fatiguer le cheval· nous marcherons jusqu'à ce que la voiture sorte du sable et arrive su r la route.»

Dehors, dans la nuit, les fokaras attaches à la zaouia, au nombre d'une trentaine, nous atten­daient. Un cortège se forma dont je pris la tête aux côtés du Che.ikh;· immédiatement derrière nous s'étaient placés Mohammed el ATd, Myriam et Djaf­far qui, eux, restaient encore quelques temps auprès du maître. Venaient ensuite le mokaddem de Tlemcen et celui de Mostaganem; puis, en un groupe compact, suivaient les trente fokaras; le break qui devait me conduire à la gare, fermait la marche et ses deux lanternes allumées éclairaient fantastiquement notre petite troupe.

Nous avancions en silence. Soudain le mokaddem de Tlemcen lança dans la

nuit les premières notes d'un chant dont les paroles sont d'un poète très connu. Après chaque couplet son confrére de la zaouia reprenait le refrain que

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D jaffar me traduisit: Allah! C'est à Toi que nous allons! Nous allons à Toi Allah! Cette marche nocturne faisait sourdre en nous

une poignante tristesse; derrière moi j'entendais sangloter mes trop sensibles compagnons.

Quand on fut hors du sable, on fit halte. Le Cheikh me tendit la main; puis je me tournai vers les fokaras. Tous voulurent m'étreindre et m'embrasser une dernière fois. La lueur des lanternes me permit de constater que beaucoup d'entre eux avaient les yeux humides. Mohammed Laid, Djaffar et Myriam montèrent avec moi dans le break pour m'accom­pagner jusqu'à la gare; le cocher toucha le cheval de son fouet; j'aperçus encore, dans la zone lumi­neuse, des mains éclairées quis s'agitaient; puis tout rentra dans la nuit.

M aitenant que je ressasse, à distance, la retraite que je fis à Mostaganem, je constate que l'ensei­gnement du Cheikh est le plus simple, mais aussi le plus sûr, de ceux qui me furent donnés; pour aller au père les chrétiens passent par le Fils, les théoso­phes par le Logos; Kh ... lui-même, me conseillait de m'attacher à Mohammed pour qu'il me conduise à Allah.

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Le Cheikh des Allaouias, lui ne propose aucun intermédiaire; par sa méthode chacun a la faculté d'ascendre l'ultime sommet et cette méthode con­siste simplement à répéter: « Allah! Allah! ".

Tous les mystiques pratiquent la « centration mentale" c'est un exercice qui exige une grande persévérance; beaucoup renoncent à s'y adonner parce que la tenacité nécessaire leur fait défaut. Avec la méthode Allaoui, l'esprit se concentre sans effort sur le mot que les lèvres prononcent: c'est en clamant le nom divin, en l'ayant constamment à la bouche, en le dessinant en lettres gigantesques dans son cœur, que le pérégrin de 1'1 nfini avance sur le « Sentier d'Allah ".

ABDOU-'L-KARIM JOSSOT Fakir Allaoui