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Le tourisme est-il devenu la legitimite de l’architecture ? Le tourisme est-il devenu la legitimité de l’architecture ? tourisme - ville - architecture Ludovic Legrand 2012

Le tourisme est-il devenu la légitimité de l'architecture ?

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Le tourisme est-il devenu la legitimite de l’architecture ?

Le tourisme est-il devenu la legitimité de l’architecture ?

tourisme - ville - architecture

Ludovic Legrand2012

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ÉCOLE NATIONALE SUPÉRIEURED’ARCHITECTURE

DE PARISLA VILLETTE

Ludovic legrandétudiant en master 2

Séminaire Art Architecture Philosophieannée 2011 / 2012

PROFESSEURS ENCADRANTChris Younès

Catherine ZahariaAnne Tüscher

Photographie de couverture : Martin Parr, Eiffel tower

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TABLE DES MATIERES

Introduction

I] QU’EST CE QUE LE TOURISME ?

1. Le rôle et les motivations du touriste Le Grand Tour et le thermalisme Changement de regard

2. Le tourisme non occidental Rencontre Authenticité et modernité

II] LE TOURISME ET LA VILLE

1. Typologie du tourisme urbain Tourisme culturel Tourisme événementiel Tourisme d’affaires Tourisme commercial

2. Typologies de villes touristiques Les peites villes Les villes moyennes Les grandes villes touristiques

3. Culture métropolitaine 4. Le tourisme, un booster urbain 5. La ville désirable

6. La « mise en tourisme » La communication urbaine Equiper l’espace urbain

7. Urbanité touristique ? Shopping La nuit en ville

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TABLE DES MATIERES

III] L’ARCHITECTURE DU TOURISME

1. Le Louvre Application de la thèse «Tourist Gaze» «Souvenirs»

2. Le bâtiment-touriste 3. L’exposition Universelle de Shanghai 2010 Typologie des pavillons présentés Le pavillon français Le pavillon danois

4. Le tourisme comme programme architectural

CONCLUSION

BIBLIOGRAPHIE

REMERCIEMENTS

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Introduction

Le tourisme est une pratique qui consiste à « voyager et visiter un site pour son plaisir » (Dictionnaire Larousse)

Cette description plutôt neutre nous donne la possibilité

de re-partir, sans a priori, d’oublier toutes les frictions

occasionnées par le tourisme de masse, toutes les valises

maladroites dans le métro et tous ces idiots encombrants et

nonchalants entre lesquels il faut slalomer pour ne pas être

en retard. Cette courte définition du dictionnaire nous donne

donc la possibilité d’oublier tout cela, et de voir ces touristes

non plus comme une simple nuisance urbaine au même titre

que les pigeons mais comme celui qui se déplace par envie

de contempler, d’apprendre ou de comprendre.

Le touriste est alors susceptible de devenir un public

particulier, une sorte de nouveau canon de l’architecte. Celui

qui vient pour aimer, qui est attentif, suffisamment lent pour

voir les choses, pas forcément correctement mais, au moins,

les voir. Le touriste peut alors être vu comme une personne

plus ouverte, en tout cas, curieuse. Il vient avec un a priori

favorable, suffisamment pour avoir dépensé de l’argent et fait

le voyage jusqu’ici. Tout ce qu’il espère c’est repartir sans

regrets et il fera tout ce qu’il peut pour faire un bon voyage.

Certes, cela semble idyllique mais il s’agit néanmoins d’une

problématique tout à fait sérieuse que l’on peut considérer

sous plusieurs angles, économiquement, sociologiquement,

anthropologiquement, urbanistiquement et, ce sera l’objet de

ce mémoire; architecturalement.

Les autres disciplines ont bien contribué à éclairer en quoi le

tourisme de masse constituait une problématique territoriale

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de premier ordre, il ne s’agit pas juste d’accueillir plus de

personnes dans des hôtels mais de voir que la motivation

du tourisme pose des questions complexes sur les liens

entre espace et sociétés et le plonge dans des dynamiques

paradoxales.

Dean Mac Cannell, par exemple, expose dans The Tourist que

dans sa recherche d’authenticité, le touriste qui désire par le

voyage, fuir l’aliénation de la vie moderne se met en fait dans

une situation qui fait disparaître l’authenticité compte tenu la

nature même de la pratique touristique. Voyager en touriste,

c’est entrer dans un paradoxe qui révèle, par exemple, que

le voyage au lieu d’exprimer un désir d’ailleurs est peut être

révélateur d’un désir de retrouver son chez soi, selon Dieter De

Clercq dans l’ouvrage collectif Tourism revisited. Il pourrait y

avoir un phénomène selon lequel un voyage réussi serait non

pas le plus, mais le moins dépaysant possible. A ces analyses

sociologiques, s’ajoutent des constats spatiaux évidents. En

effet dans certains lieux le tourisme de masse à radicalement

changé la substance de l’espace. Il modifie le paysage par

sa présence. D‘une part, son caractère ostentatoire le rend

particulièrement voyant, la masse humaine et l’attitude que

représentent les dizaines, centaines ou milliers de touristes en

un même endroit constitue automatiquement une expérience

en elle même qui dénature momentanément les sites et les

rends difficilement perceptibles en dehors de leur réalité

touristique.

Cette submersion de l’authenticité par ses «adorateurs» est

particulièrement explicite dans les photographies que Martin

Parr présente dans le livre Small world.

En plus d’être hyper-visible, le tourisme change la destination

des lieux. C’est ainsi que des parties entières de villes qui

ont constituées une image grâce à une activité particulière,

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ou une société, comme Montmartre à Paris, se transforment

en version édulcorées, disponible et prêtes à consommer ;

et c’est ainsi, que des caricaturistes-portraitistes deviennent

les représentations modernes de l’avant garde artistique du

début du XX ème siècle. Ce changement peut être considéré

comme touchant plus à la question du quantitatif que du

qualitatif mais la présence de ces touristes nécessite une

adaptation des lieux qui va dans le sens d’un développement

des équipements d’accueil (hôtels, restaurants, bars, musées)

qui recompose le quartier de l’intérieur. Cette dynamique

transforme la nature du lieu par l’effort même qui consiste à

le rendre visible.

Enfin, le tourisme implique un autre changement plus subtil,

il induit une modification du regard du non-touriste sur son

milieu de vie. En effet ces masses de visiteurs intensifs

induisent chez les populations locales un certain trouble.

Puis-je me sentir chez moi dans l’endroit où je vis ? Mais

ce frottement de deux motivations distinctes ne peut pas

être envisagé sans évoquer une influence réciproque : le

regard touristique se transmettant à l’habitant et, le touriste

recherchant les traces d’une quotidienneté afin d’augmenter

son dépaysement. Sachant que, dans tous les cas le touriste

est aussi l’habitant d’un ailleurs et que, l’habitant est bien

souvent un touriste potentiel.

Compte tenu des enjeux économiques du tourisme,

l’approche sociologique est prépondérante autant dans le

rapport à l’espace que dans les significations sociales des

voyages touristiques. Les études sociologiques sont souvent

les supports d’études économiques. L’économie se servant

en permanence des analyses sociologiques pour mieux

connaître les consommateurs et élaborer ses diagnostics et

stratégies marketing. L’anthropologie s’est également emparé

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du sujet par affinité disciplinaire; en vertu du lien fondamental

entre la pratique de l’anthropologie et la nécéssité d’un voyage

initial qui fonde le sujet d’une recherche. Claude Lévi Strauss,

en introduction de Tristes tropiques, faisait déjà une référence

implicite au tourisme avec sa phrase « je hais les voyages et

les explorateurs » dénonçant une pratique de l’anthropologie

qui se contentait plus du récit de voyage que de l’analyse

conduisant à la théorisation scientifique.

L’anthropologue Marc Augé reprend à contre-sens cette

déclaration provocatrice et s’en sert d’engagement pour son

travail sur l’anthropologie du proche. Dans le livre L’impossible

voyage, il tentera au travers de plusieurs expériences parfois

plus littéraires que scientifiques, de comprendre, de subvertir

le tourisme et d’en faire autre chose par une mise en situation

qui tient presque du jeu de rôle.

Marc Augé confirme ainsi la pertinence du tourisme en tant

qu’objet d’étude anthropologique car il pose un problème

spécifique : Comment continuer à travailler sur l’Autre alors

qu’il est aujourd’hui, en constante interférence avec de

multiples touristes et ne peut plus être considéré dans le

cadre de l’authenticité qu’on lui prêtait autrefois ?

Il y a également de nombreuses publications et études sur la

pression touristique sur les lieux de visite. Produites autant de

la part du domaine de l’urbanisme et des acteurs municipaux,

que de la part des sociologues qui ne peuvent isoler l’un

ou l’autre des acteurs de la problématique touristique.

En revanche, les études concernant les relations entre

l’architecture et le tourisme sont beaucoup plus rares. Elles

considèrent souvent le tourisme comme une conséquence

évidente de la globalisation et n’y voient pas un objet d’étude

à distinguer. Les propos relatifs à l’architecture sont alors

plutôt négatifs et expriment le rejet d’une certaine vulgarité

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plus que l’envie d’y porter un regard neutre et analytique. Ils

oscillent entre les qualificatifs consumériste, spectaculaire,

star-architecture ou encore bling bling.

Certains auteurs mentionnent pourtant l’importance d’un

phénomène ayant une sérieuse influence sur l’architecture.

Ainsi Hans Ibelings dans Supermodernisme, l’architecture à

l’ère de la globalisation fait l’effort d’une analyse neutre sur

l’architecture produite par la globalisation en essayant de rendre

compréhensible un jeu indirect des théories architecturales

avec le monde social. Il montre ainsi le modernisme sous

un jour singulier. Non pas simplement comme une doctrine

produisant une architecture mais comme une croyance

sociale d’un destin humain commun dont l’architecture, qui

s’uniformisait, était à la fois la preuve la plus évidente et le

protagoniste le plus actif. Son essai sur le Supermodernisme

tend à appliquer ce modèle à l’architecture contemporaine

qu’il explore comme un tissu de relation avec le réel toujours

à double sens ; l’architecture est une conséquence de la

conscience contemporaine mais aussi une cause. Il invite à

considérer dans les dernières pages du livre que l’influence

du tourisme, bien que partie prenante des phénomènes de

globalisation devrait néanmoins, bénéficier d’un traitement à

part.

Ainsi, je souhaite par ce mémoire, esquisser une distinction

entre l’architecture spectaculaire qui a accompli une

fusion entre la fonction muséale et celle du divertissement

dont le musée Guggenheim de Bilbao ne cesse d’être

le meilleur représentant. Et, une architecture récente qui

fait régulièrement l’actualité qui trouverait sa source dans

l’expérience touristique. Une architecture qui ne mobilise

plus les référents plastiques, symboliques ou constructives

mais l’expérience ludique et festive du tourisme de masse.

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Afin d’identifier cette expérience, en l’analysant et en tentant

de la décrypter, je reviendrai sur les origines du tourisme,

avec ses fondements théoriques, ses pratiques anciennes et

actuelles. Cette partie tentera de synthétiser les différentes

composantes théoriques sur le tourisme à l’aide d’ouvrages

de sociologie.

Nous nous attacherons ensuite à identifier ce que le regard

touristique possède de particulier : comment procède t-il

d’une expérience singulière formatée par des objets distincts

(guides, plans, circuits, hôtels, discours, récits, lieux,

souvenirs, etc.) pour générer un regard, une attitude nouvelle

face à l’espace urbain et architectural ?

Mon hypothèse se développera donc dans une troisième et

dernière partie, où je soutiendrai que ce regard a «contaminé»

une génération d’architectes qui ne s’est pas contentée

d’adapter ; mais a revisité ses modes de production et ses

critères d’élaboration des projets.

Je développerai enfin l’hypothèse du tourisme comme outil

du projet urbain et architectural, faisant ainsi du tourisme une

logique de révélation de la complexité urbaine.

Cette question s’illustrera notamment avec le travail de la

relation entre les populations locales et les populations en

visite.

L’objet de mon intérêt (l’architecture) dans ce mémoire, dédié

au tourisme en milieu urbain me semble posséder plus de

potentiel que le tourisme en sites naturels. En effet, je partirai

du postulat selon lequel la croissance des villes et le passage

récent à une population essentiellement urbaine continuant

d’appuyer une certaine domination culturelle de la ville et

d’un imaginaire urbain qui devient la principale référence.

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QU’EST cE QUE LE TOURISME ?Le Grand Robert définit le tourisme comme suit ;

«Le fait de voyager, de parcourir pour son plaisir (pour se distraire, se cultiver, etc.) un lieu autre que celui où l’on vit habituellement (même s’il s’agit d’un petit déplacement ou si le but principal du voyage est autre : profiter d’un voyage d’affaires pour faire du tourisme).»

On y remarque que l’emploi de la notion de plaisir est

instantanément élargie. Ce qui suppose une certaine

imprécision de cette définition dans le contexte du tourisme.

Mais à quelle réalité ce mot fait-il référence ? Quelles sont les

différentes motivations du touriste ? S’agit-il d’une curiosité

culturelle, d’un intérêt superficiel, d’un appel à la détente,

d’un désir de changement, d’une soupape de l’aliénation à la

société productiviste ou bien d’un besoin fondamental ?

Si le tourisme est devenu en 150 ans un élément essentiel

de la vie contemporaine occidentale au point de l’élever à

une des premières industries du monde, c’est qu’il possède

probablement un ancrage avec des éléments fondamentaux

de l’Homme. Aussi fondamental que son besoin de sécurité

qui a conduit au regroupement en villes ou bien à la nécessité

de s’abriter le menant à l’architecture.

Le tourisme manifeste t-il un besoin d’ailleurs guidé par

une quête intérieure ? Un désir d’authenticité ? Ou bien

simplement d’un besoin d’exotisme et d’altérité ?

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Exotisme :

lat. exoticus, grec exôtikos« étranger »; rac. exô « en dehors ». Qui n’appartient pas à la civilisation de référence (celle du locuteur), et, notamment, aux civilisations de l’Occident; qui est apporté de pays lointains. Le Grand Robert

Une définition trop stricte

Saskia Cousin et Bertrand Réau dans Sociologie du

tourisme [La Découverte, 2009] mettent en exergue une

contradiction entre la définition par les dictionnaires et la

définition statistique. En effet, celle de l’WTO (World Tourism

Organisation) définit le tourisme comme « toute personne

effectuant un voyage comprenant au moins une nuit passée

hors de son environnement habituel, quel que soit le motif

de ce voyage » Cette définition montre bien la nécessité de

mesurer et chiffrer un phénomène économique. Or, la définition

du dictionnaire note simplement l’idée d’un déplacement

associé à un plaisir. Faire du tourisme peut donc être le fait

d’aller faire une promenade à une heure de chez soi ou d’aller

passer la journée dans un centre commercial où l’on a pas

l’habitude d’aller.

Alors que toutes les définitions statistiques insistent sur le

principe comptable qu’il s’agit d’au moins une nuit en dehors

de son environnement habituel, une telle définition est plus

commode car elle permet de savoir ce qui va être compté.

Mais ne parvient pas non plus à couvrir une réalité très

précise du tourisme. En effet, en amalgamant tous types de

déplacements et toutes les motivations : visites familiales, les

séjours en hôpitaux, voyages d’affaires, etc. Cette définition

ne parvient pas à dépasser le compte rendu des mouvements

migratoires temporaires. S.Cousin et B.Réau se demandent

alors si une telle façon de compter ne servirait pas à gonfler

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les chiffres au service d’une idéologie dominante qui veut

que, circulation et déplacement, soient les signes de bonne

santé sociale et économique.

Une pratiqUe protéiforme

Si l’ampleur du tourisme est difficile à mesurer par le biais

de la statistique, c’est parce qu’il est un comportement et

une pratique protéiforme qui repose sur le déplacement

volontaire et sur les contingences de ce déplacement. Et si

l’on se plaît à considérer le tourisme comme une industrie

qui fonctionne en réalité sur un mode bien particulier, à la

différence de l’industrie qui, transforme des matériaux pour

en faire des produits avec une valeur ajoutée, l’objet central

de l’attention du touriste qui l’amène à se déplacer est une

chose immatérielle. Et fait du tourisme, une activité dont le

profit vient essentiellement des services associés : transport,

hébergement, restauration etc.

Le tourisme tire l’essentiel de ses recettes des contingences

du tourisme plus que de l’objet lui même (même si certains

sites demandent des droits d’entrées). Cela implique d’une

part, un sentiment de gratuité et d’accessibilité. Si tout le

monde ne peut pas se payer une Rolex, beaucoup plus de

monde peut profiter pendant une heure du Taj Mahal ou des

pyramides d’Égypte. Alors que l’ensemble du voyage sera

relativement onéreux, l’objet du voyage -quelques visites et

l’exotisme ressentit- ne coûteront presque rien.

La seconde implication du tourisme comme industrie

indirecte, et c’est également ce qui contribue à sa croissance

et à son potentiel, c’est la dimension inépuisable de la

marchandisation du lieu. Car le lieu est une ressource

économique renouvelable. Même si les marches de la

cathédrale Notre Dame de Paris sont érodées, elle n’en reste

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pas moins un haut lieu de visite dont la présence physique ne

s’altère que très lentement, ce qui permet de penser que ce

lieu est un bien de consommation inaltérable, et donc, une

ressource économique renouvelable.

Ce que nous venons d’évoquer nous permet d’envisager

le potentiel illimité du tourisme, qui semble capable de

fonctionner pour l’éternité, à condition d’être capable de le

maintenir à jour des pratiques touristiques. Cette condition

va plus loin que l’on ne le pense car elle induit aussi qu’un

lieu «as found» ne peut pas fonctionner touristiquement s’il

n’a pas été revu et corrigé.

John Urry dans The tourist Gaze 3.0 appelle cela la métaphore

du château de sable :

« A particular physical environment does not in itself produce a tourist place. A pile of appropiately textured sand is nothing until it is turned into a sandcastle. It has to be designed into buildings, sociabilities, family life, friendship and memories. »

Tous les lieux qui présentent des intérêts paysagers,

historiques, culturels ou esthétiques ne deviennent donc pas

instantanément des destinations touristiques. Ils ont besoin

d’être mis en tourisme. C’est-à-dire de souffrir d’une préparation

en termes d’accessibilité, de planification des commodités

mais aussi et surtout, du récit qui l’accompagne.

Après ces considérations sur le tourisme contemporain et ce

qui en fait une activité économique complexe à explorer. Nous

allons nous intéresser à comment et pourquoi le tourisme

a été inventé, quels ont été les facteurs qui ont fondé son

émergeance, à quel point est-il figé dans ses formes.

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MOTIVATIONS ET RÔLE DU TOURISTE

Le grand toUr et Le thermaLisme

S.Cousin et B.Réau font remonter le tourisme au XVI ème

siècle à travers la pratique d’humanistes accompagnant

des pèlerins à Rome ou à Saint Jacques de Compostelle où

leur voyage est une expérience humaniste faite dans le but

d’apprendre de l’autre. Cette fonction d’apprentissage sera

ré-exploitée et il sera proposé aux jeunes nobles anglais de

faire un voyage en Europe continentale afin de visiter l’Italie et

de parfaire leur éducation par la reconnaisance des vestiges

antiques.

Ce Grand Tour bien que destiné à finaliser leur éducation

classique est en fait un moyen de vivre une expérience

forte et prolongée de sociabilisation auprès de leurs pairs.

Ce fonctionnement est encore accentué lorsque les pays

du continent copient le Grand Tour anglais. L’expérience du

voyage les sort de leur confort habituel et les met au contact

de personnes de même rang social, loin du contexte familial.

[Cousin et Réau, 2009] Ils vivent à cette occasion un véritable

décentrement et constatent ainsi l’existence d’autres univers

que les leurs (pas seulement grâce aux lieux traversés et visités

mais aussi grâce à leurs rencontres avec les autres jeunes

aristocrates) Les auteurs ajoutent même que dans leurs récit

la plupart de ces jeunes voyageurs ignorent le paysage et

favorisent la conversation et la vie mondaine. Le déroulement

de ces Grand Tour amorce une série d’ambiguïtés qui reste

constante dans la pratique sociale qu’est le tourisme. C’est-à

-dire que ce qu’on associe au voyage (vie sociale, construction

d’un réseau, mise en pratique de son éducation, etc.) est plus

important que ce qui constitue l’essence du voyage.

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Parallèlement au Grand Tour, la seconde invention importante

du tourisme est en train de se faire sur la côte Est anglaise

dans laquelle la classe aristocratique joue encore un rôle

moteur. John Urry fait remonter l’invention de la première

station thermale à 1626 à Scarborough, ville côtière. Une

station y est créée en relation avec les recommandations

des médecins et hygiènistes qui préconisent les bienfaits de

l’immersion dans l’eau de mer ainsi que son ingestion, cela

permettrait de lutter contre les maladies, tout en fournissant

un remède à l’angoisse. [Cousin et Réau, 2009] Cette

croyance s’ancrant peu à peu dans les esprits où l’Angleterre

vit une croissance rapide de ce type de station associant spa

et station de rivage. La pratique de l’immersion n’était alors

associée à aucun plaisir, la fréquentation des stations était

plutôt exclusive car elle nécessitait également la location

d’appartements au sein de la station ou de la ville. Ainsi les

stations limitaient naturellement le nombre de personnes

profitant de la côte mais leur popularité croissante amena les

classes inférieures à vouloir fréquenter également ces lieux.

Il devint dur aux aristocrates d’en contrôler l’accès et cela

conduisit à une rupture entre station thermale (spa) et station

de rivage. Il devint évident que la vastitude des plages était

seule à même d’absorber une grande quantité de personnes

avec très peu de moyens tandis que les stations thermales

pouvaient assumer leur caractère sélectif.

Ce sera le début du tourisme de masse qui conduira à ce

qu’en 1911, 55% des anglais aient fait au moins un voyage

sur la côte. Cela est dû à un ensemble de conditions liées

à l’avènement de la société industrielle : expansion d’une

classe bourgeoise, exode rural, augmentation de la population

urbaine, augmentation des revenus par habitant, invention

de la machine à vapeur et extension du réseau ferré... Ces

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facteurs ont été déterminants dans l’émergence du tourisme

de masse et permettent de saisir à quel point il a été le

théâtre de l’affirmation de l’embourgeoisement de la société

industrielle.

changement de regard

Mais deux autres éléments ont été également déterminant

dans l’émergence du tourisme de masse en Angleterre et,

sont les indices des conditions encore valables aujourd’hui.

Il s’agit d’une part, d’un changement dans le rapport à

la mer et d’autre part, d’un changement dans le rapport

qu’entretient l’homme avec son environnement. Comme

l’expriment S.Cousin et B.Réau dans Sociologie du tourisme,

le développement des stations thermales a été rendu possible

en grande partie grâce à une croyance médicale hygiéniste

qui a transformé le rapport qu’avaient les individus avec la

mer.

« Il faut que s’opère un changement de regard sur la mer : on passe de la peur à l’attrait. Ce renversement s’effectue entre 1750 et 1840. La répulsion reposait sur les représentations de la mer comme lieu énigmatique par excellence - « grand abîme » décrit dans la bible - du Léviathan et des monstres marins et la mythologie grecque.» [Cousin et Réau, 2009]

Plus tard, un autre glissement se produira consolidant

définitivement un nouveau regard sur la mer. « La présence

attentive du prince, du régent, puis du roi va transformer une

station thermale [Brighton] en un lieu de villégiature et de

plaisirs […] en bref, pour la première fois s’opère le basculement

du thérapeutique vers l’hédonique, qui caractérisera au

cours du XIXe siècle toutes les grandes stations du continent

» [Corbin, 1988, p 307] Cette évolution du rapport à la mer

aboutissant à la voir comme un élément de plaisir, synthétise

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l’idée principale de John Urry selon laquelle le tourisme est

avant tout une activité de transformation de l’espace par le

regard. Celui que l’on porte sur les lieux en les voyant tels

que nous souhaitons les consommer et non pas tels qu’ils

sont. Pour exprimer cette idée, il utilise le verbe « to gaze »

comme action centrale de l’acte touristique que l’on traduit

par « regarder » à la différence que le terme anglais exprime

la dimension active ; c’est un regard qui transforme ce qu’il

regarde alors que le verbe « to look » décrit l’aspect neutre

d’un regard passif.

Ainsi nous le verrons, chaque lieu que l’on souhaite rendre

visitable dans une dimension autre que celle de l’exploration

ou de l’immersion va être transformé, accommodé, même

dans la recherche d’une expression authentique, où chaque

objet touché par ce tourist gaze y sera dénaturé.

Quant au changement du rapport entre l’homme et son

environnement il est à cette époque porté par le romantisme

qui se développe entre le XVIII et le XIX ème siècle :

« Emphasis was placed upon the intensity of emotion and sensation, on poetic mystery rather than intellectual clarity and on individual hedonistic expression » [Feifer, 1985 : ch 5 sur le romantic tourist dans The Tourist Gaze]

Ainsi, l’individu commence à être situé au centre de son

monde, non plus concernant «la raison» comme au siècle des

Lumières mais se focalise sur ses émotions. Ces nouvelles

considérations esthétiques sur le rapport entre l’homme et

son environnement trouvera dans la mer, un sujet majeur

d’expérimentation des tourments humains face aux tourments

de la nature : « La mer est particulièrement propice à la quête

de soi : elle autorise la méditation et le défi aux éléments. »

[Cousin et Réau, 2009]

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Voyageur contemplant une mer de nuages.Caspar David Friedrich

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Ce changement de rapport entre l’individualité et

l’environnement est tout à fait crucial dans le développement

du tourisme, puisqu’il fonde une croyance, une idée selon

laquelle les sentiments humains étant d’une grande

complexité. Ils doivent faire l’objet d’une attention particulière

et même, si possible de tenter leur exploration en se mettant

dans des conditions expérimentales.

« Les romantiques conçoivent leurs voyages comme un travail sur l’imaginaire et non plus seulement comme un pèlerinage culturel. Il s’agit pour eux de se retrouver. » [Cousin et Réau, 2009]

Nous verrons plus tard, que le tourisme repose toujours sur

ce genre de justifications / légitimations par des notions

artistiques, théories philosophiques ou économiques

déformées et intégrées par fragments par le public. Ces

théories sont mises en cohabitation ou bien successivement

et implicitement invoquées afin de justifier des pratiques

plurielles et relativement pulsionnelles.

TOURISME NON-OccIDENTAL

rencontre

Alors que c’est en occident que le tourisme moderne s’est

développé, l’Asie et particulièrement la Chine étaient déjà

témoins depuis quatre mille ans de pèlerinages. [Cousin et

Réau, 2009] Les deux guerres mondiales du début du XXème

siècle ainsi que les régimes politiques qui ont suivi dans

cette région du monde ont conduit à un développement

plus tardif du tourisme. Aujourd’hui, ces pays profitent tous

de l’incroyable développement de la Chine et le secteur

du tourisme y est en pleine croissance. Ces phénomènes

récents ont conduit les acteurs de l’industrie à s’intéresser

aux spécificités des pratiques des touristes non-occidentaux.

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On remarque ainsi que de la même manière que les touristes

européens, les touristes asiatiques visitent d’abord leur

continent. En 2005, le Vietnam et la Thaïlande totalisent 1

550 000 de visiteurs Chinois alors que l’année précédente, ils

n’étaient que 900 000 répartis sur toute l’Europe. [Cousin et

Réau, 2009] Olivier Evrard rapporte néanmoins, d’importantes

divergences notamment sur les conditions de rencontre des

touristes occidentaux et des touristes thaïlandais sur des sites

touristiques au Cambodge où ils sont amenés à se côtoyer

dans certains sites mais sans véritables échanges. « Les

occidentaux prennent des bains de mer et de soleil, méditent

devant la mer, tandis que les thaïlandais se retrouvent en

groupe pour manger et boire sous des bâches colorées à

l’abri du soleil. Touristes occidentaux et touristes thaïlandais

ne fréquentent pas les mêmes hôtels mais se croisent dans

quelques sites, comme le temple d’Angkor au Cambodge. »

[Evrard, 2006]

Ces indications nous intéressent car elles mettent en abîme

le tourisme, en confrontant des touristes d’horizons opposés,

on remarque qu’il s’opère une sorte de répulsion alors que

c’était justement sur la rencontre que reposait l’attrait et

l’efficacité sociale du Grand Tour ; « Plus un site est fréquenté

par le tourisme intérieur ou asiatique, moins il est apprécié

par les guides et les touristes occidentaux. » [Evrard, 2006]

Saskia Cousin et Bertrand Réau émettent l’hypothèse d’un

désenchantement vécu par les touristes occidentaux en

voyant les pratiques des touristes asiatiques qui leur projettent

l’image du tourisme auquel ils veulent échapper. [Cousin et

Réau, 2009]

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Goa, Indephoto : Martin Parr

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Ocean dome, Miyazaki, Japonphoto : Martin Parr

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32

aUthenticité et modernité

« Le tourisme détruit le lieu touristique du seul fait qu’il y attire des foules et que le lieu (ville, paysage, musée) n’a plus d’autre intérêt que celui d’une rencontre qui pourrait se passer ailleurs, n’importe où. » Henri Lefebvre, la Vie quotidienne dans le monde moderne, p. 196.

Si les touristes occidentaux ressentent un certain

désenchantement par la présence des touristes asiatiques

, c’est que ces deux provenances de touristes ne sont pas

à la recherche des mêmes choses. Alors que le touriste

occidental recherche des émotions pures avec la possibilité

de se ressourcer au contact de peuplades vivant simplement

et en communion avec la nature; le touriste asiatique est lui,

dans une recherche frénétique des traces de la modernité.

Par exemple, le touriste chinois recherchera des modes

d’hébergements et des visites qui incarnent la modernité,

comme les gratte-ciels, les parcs d’attractions, des centres-

commerciaux mais aussi, les sites naturels ou culturels

reconstruits et mis en scène. [Cousin et Réau, 2009] Alors

que le touriste français essayera de trouver des hébergements

qui ressemblent à des habitats traditionnels et privilégiera

les pratiques distinctives où il se retrouvera seul ou en petit

groupe, fuyant vainement les autres touristes tout en essayant

de se rapprocher d’une authenticité supposée. L’un comme

l’autre viennent chercher des choses qui n’existent pas

réellement, ou bien qui sont dramatiquement recadrées par le

récit qui a formaté la destination en fonction des attentes des

visiteurs. En effet, dans le cas du tourisme chinois, l’image

de modernité des pays européens visités est alimentée par

le récit de certains migrants devenus touropérators. Ainsi, le

touriste asiatique sera à la recherche des signes du présent

tandis que le touriste occidental associera l’authenticité aux

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33

LE TOURISME ET LA VILLE.

« Les urbains sont des touristes et les touristes sont essentiellement des urbains et les lieux qu’ils fréquentent - de la métropole à la station - ont tous des formes urbaines : à partir de ce constat, il est évident que le rapport à la ville est modelée par les mobilités des urbains - et pas seulement par les navettes pendulaires que nombre de spécialistes de la ville se contentent de prendre en compte, la routine des uns contaminant les autres - : la mobilité sur des distances très variables et sur de rythmes non moins divers modèlent notre approche comme notre pratique de la ville, de la ville du quotidien comme de la ville de l’extra-quotidien entre lesquelles, nous sommes amenés à établir, consciemment ou non, d’incessantes comparaisons qui constituent l’un des fondements de l’urbanité contemporaine. » Rémy Knafou, Avertissement, Ceci n’est pas un énième livre sur le « tourisme urbain » (p8)

Dans cette citation, Rémy Knafou insiste sur le caractère urbain

du tourisme, en notant bien que, même lorsqu’il s’opère en

contexte non-urbain ,le tourisme est urbain, car il est pratiqué

par des citadins et selon des modalités de citadin. Plus que

cela, il semble considérer le tourisme comme l’infiltration de

la modernité urbaine. Le tourisme est donc selon lui, une

force d’urbanisation sous-estimée par les urbanistes et partie

prenante des phénomènes de métropolisation.

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TYPOLOGIE DU TOURISME URBAINMalgré son apparente uniformité, on peut tout de même

diviser le tourisme urbain en plusieurs catégories, ainsi peut-

on y distinguer : le tourisme culturel, le tourisme d’affaires, le

tourisme commercial, tourisme religieux, le tourisme médical

etc.

Cette diversité pose une difficulté, comme le tourisme

classique où le tourisme urbain est difficile à définir et à

circonscrire car il pose alors cette difficulté d’une manière

encore plus aiguë car la statistique qui comptabilise les

nuitées pour définir le tourisme ne permet pas de considérer

les séjours plus courts et les visites occasionnelles. Or, le

tourisme urbain regorge de possibilités n’incluant pas la nuitée.

De plus, la variété de ses pratiques se définit plus par

l’intentionnalité que par l’activité. Ces facteurs accentuent

l’incapacité qu’a la statistique à approcher les réalités du

tourisme urbain.

Roland Hochstrasser, dans son mémoire sur le tourisme

urbain distingue trois formes de tourisme urbain dans

plusieurs types de villes.

Tourisme Culturel.

Le tourisme culturel est la pratique la plus courante. Cette

catégorie regroupe aussi bien un tourisme motivé par les

visites de musées que par le folklore, la gastronomie, la

religion ou l’architecture. Bien que le tourisme urbain soit

généralement relativement indépendant de la saisonnalité,

celui ci y est tout de même assez sensible car il se fait pour

une part non négligeable à pied, même si l’essentiel du

temps sera à l’intérieur de musées, restaurants, commerces,

etc. Cette façon de visiter la ville aura un rapport récurent à

Page 35: Le tourisme est-il devenu la légitimité de l'architecture ?

35

l’extérieur.

toUrisme événementieL.

Le tourisme événementiel fait partie des catégories difficiles

à saisir, car il ne comporte pas nécessairement de nuitées et

peut prendre des proportions relativement importantes. Par

exemple, dans le cas du concert d’un groupe de musique

étranger de passage à Paris il est probable qu’une partie du

public vienne d’autres départements, voire même d’autres

régions. Il en va de même pour d’importantes rencontres

sportives qui déplacent toujours un certain nombre de

supporters dans la ville d’accueil du match.

Le toUrisme d’affaires.

Il comprend tous types de voyages pour lesquels l’entreprise

est l’initiateur ou l’organisateur, cela recoupe les voyages de

stimulation offerts aux employés, les séminaires, congrès, foires,

déplacements chez le clients, etc. Bien que relativement peu

visible par rapport au tourisme « classique », ils représentent

un volume d’affaire très important car un congressiste dépense

environ cinq fois plus d’argent par jours qu’un « touriste

classique » [R.Hochtrasser, Le tourisme urbain, 2002]. Ce

type de tourisme est particulièrement lié à l’importance de la

ville en tant que centre politique et économique, ainsi sur les

7000 congrès annuels internationaux, Paris en regroupe 400,

Londres, 300 et Genève 200.

Le toUrisme commerciaL.

Le tourisme commercial est motivé par le shopping, il est une

forme ayant beaucoup d’importance non seulement parce

qu’elle représente beaucoup d’argent mais surtout parce

qu’elle est présente en différentes proportions dans toutes

les autres catégories de tourisme. De plus, cette catégorie

Page 36: Le tourisme est-il devenu la légitimité de l'architecture ?

36

appartient à ces formes de tourisme qui sont très difficiles

à évaluer car comme pour le tourisme événementiel elle

n’est pas nécessairement liée à des nuitée. De plus, les

touristes de cette catégorie se fondent littéralement parmi

les consommateurs quotidiens ce qui permet difficilement

d’étudier cette pratique en tant que tourisme. Enfin, nous y

reviendrons, le lien entre tourisme et commerce tend à se

renforcer, d’une part en intégrant toutes les autres formes de

tourisme et, d’autre part, en accentuant son autonomie, et sa

raison d’être en tant que destination touristique.

À travers la description de chacune des catégories de tourisme

urbain, nous avons vu que celui ci, au-delà de seulement se

situer en contexte urbain; semble s’intensifier à mesure que

la ville est un pouvoir économique et politique concentrant

une importante population. Seul le tourisme culturel parvient

à équilibrer l’intérêt comparé que pourraient présenter une

métropole et une petite agglomération. Les trois autres

catégories semblent fondamentalement toujours liés à la

masse de la ville. Plus la ville est grosse, plus les événements

y seront prestigieux et rayonnants, plus les musées seront

bien dotés, plus l’offre commerciale sera complète, plus le

visiteur aura des raisons de se rendre dans cette ville.

tYpoLogies de viLLes toUristiqUes

Selon les classifications du livre «Le tourisme urbain» aux

éditions «Que sais-je ?» ; en plus de pouvoir diviser le

tourisme urbain en catégorie, on peut distinguer plusieurs

types de « villes touristiques » : les petites villes touristiques,

les villes moyennes et les grandes villes touristiques que l’on

pourrait également nommer des métropoles touristiques.

Page 37: Le tourisme est-il devenu la légitimité de l'architecture ?

37

Les petites viLLes.

Elles présentent souvent un intérêt lié au patrimoine ou à une

situation géographique stratégique : rivage, montagne, source

(thermale), etc. Ces villes sont très fortement influencées

par le tourisme car ce dernier devient une ressource

économique très importante. Par ailleurs, on observe l’action

transformatrice du tourisme sur le tissu social ; nombre de ces

villages passent par exemple d’une population permanente

travaillant principalement dans l’agriculture à une population

travaillant essentiellement dans le secteur hôtelier, de

restauration, d’immobiliers, etc. Ce type de tourisme instaure

une dépendance de la commune à l’apport économique que

constituent les visiteurs. Cette dépendance a pour effet de

transformer profondément la structure sociale mais aussi ses

rythmes urbains et ses aménagements urbains.

Les viLLes moYennes.

Elles sont à considérer comme des étapes touristiques

importantes, elles possèdent souvent des quartiers

historiques, des monuments et une structure sociale qui est

capable d’absorber des flux touristiques raisonnables, ces

villes sont très nombreuses en Europe.

Les métropoLes toUristiqUes.

Le même livre, le tourisme urbain (Cazes G., Potier F.,

Paris, 1996) dégage trois sous-catégories de grandes villes

touristiques.

Les villes d’art, désigne ce que l’on nomme aussi des villes-

musées car elles présentent une histoire très riche et se

définissent spatialement par les traces de cette histoire. Elle

génèrent un flux touristique et des revenus considérables,

mais le tourisme y est une activité dominante et l’économie

Page 38: Le tourisme est-il devenu la légitimité de l'architecture ?

38

de la ville en est dépendante.

Les villes d’affaires sont des centres dont les fonctions

économiques et politiques sont d’importance mondiale. Ces

villes sont en relation intense avec l’étranger car elles sont

perpétuellement le théâtre de manifestations professionnelles.

Ainsi elles disposent de capacités d’hébergement importantes

et d’un bon niveau d’équipement commercial.

Les centres polyvalent comportent une structure économique

et des fonctions diversifiées, leur fréquentation est équilibrée

entre les différents types de tourisme qui y trouvent des capacités

d’accueil suffisantes ainsi qu’une grande accessibilité.

Ces villes combinent plusieurs types de tourisme urbain.

A ce titre, elles semblent supérieures aux autres et la plupart

de ces villes font parties des villes les plus visitées au monde,

il s’agit de Paris, Londres, New York...

C’est cette dernière forme de tourisme urbain que nous allons

prendre pour référence avec l’exemple de Paris, qui a pour

avantage de se trouver sous nos pieds et d’être aujourd’hui

encore la ville la plus visitée au monde.

Au regard de ces définitions, une certaine confusion apparaît

entre la notion de grande ville touristique polyvalente et le

fait métropolitain. Comme si, à partir d’une certaine taille

une ville deviendrait forcément un objet de tourisme. Ce

qui diffère serait alors, la conscience du phénomène. Ainsi,

la métropole semble avoir tous les atouts pour être lieu de

tourisme, donc ce qui différencierait cette métropole d’une

métropole touristique serait de l’ordre de l’initiative de la ville

à mettre en place d’elle-même les conditions pour devenir

objet de tourisme.

Page 39: Le tourisme est-il devenu la légitimité de l'architecture ?

39

cULtUre metropoLitaine

La grande ville touristique (ou métropole) est donc le lieu de

la superposition de plusieurs types de tourisme, ce qui en fait

une richesse de potentialité du tourisme, plus riche que tout

autre. Tout y est possible car comme nous l’avons vu dans

la partie précédente le tourisme est d’abord une affaire de

regard. Ce regard, en tant que «regard construit» peut être

construit sur n’importe quelle base.

Si le tourisme de littoral ne permet pas de s’en apercevoir

avec autant d’évidence, le tourisme urbain, lui, repose sur des

territoires artificiels possédant de multiples sujets classiques

de tourisme comme de multiples sujets atypiques. C’est le

lieu idéal pour expérimenter ce regard. On voit d’ailleurs un

certain nombre de pratiques marginales qui entreprennent

de mettre en tourisme des choses qui n’ont aucune des

propriétés classiques n’ayant ni l’épaisseur culturelle, ni

l’aspect esthétique mais qui appartiennent à une volonté de

faire voyager son regard sans nécessairement déplacer son

corps.

Par exemple les journées du patrimoine permettent désormais

de visiter des sites techniques comme les coulisses de la

RATP, ou encore les égouts de Paris.

On peut relier cela au tourisme extrême aussi appelé le dark

tourism qui cherche avec impertinence des sujets qui sont

hors de la pratique touristique comme le fait de se mettre

en danger en allant visiter des régions en conflits, la zone

interdite de Tchernobyl, des anciennes prisons, etc.

Tous ces phénomènes sont éminemment urbains et hautement

reliés à une culture urbaine qui ne cesse d’orienter l’attention

de son public vers la complexité et les produits directs et

indirects de la ville. Ce tourisme, le Dark Tourism comme les

Page 40: Le tourisme est-il devenu la légitimité de l'architecture ?

40

formes les plus courantes de tourisme urbain fonctionnent

comme un recyclage permanent, et par le regard du monde

urbain et de ses implications scabreuses et vertueuses.

Le toUrisme, Un Booster UrBain

Dans le contexte de la dés-industrialisation des villes

occidentales, le tourisme a été en plus ou moins grande

proportion utilisé pour diversifier, stabiliser ou ré-orienter

l’économie des villes.

Mais il est aussi utilisé de manière plus brutale pour accélérer

l’urbanisation ou la modernisation d’une ville. On peut

citer en exemple les événements internationaux comme

les coupes du monde, les jeux olympiques ou encore les

expositions universelles, ces événements sont considérés

par les organismes d’attribution comme des « booster de

développement urbain ».

On se souvient par exemple de l’impact urbain des Jeux

olympiques de Pékin en 2008 et de l’exposition universelle de

Shanghai en 2010. Ces événements font un appel immense

aux touristes sur une période de quelques mois et nécessitent

une armature urbaine capable de recevoir ce surplus de

population pendant ce temps relativement long. Ce qui

nécessite hébergements, transports, distractions et, pour

que l’économie de la ville tire parti de tous ces visiteurs, un

parc commercial correctement dimensionné. En effet, nous

le verrons plus tard, le commerce entretient des relations

complexes et étroites avec le tourisme.

Le tourisme associé à ses événements vise une augmentation

de popularité de la ville, au niveau mondial, et donc, à une

valorisation de l’image ayant pour effet supposé d’augmenter

Page 41: Le tourisme est-il devenu la légitimité de l'architecture ?

41

la confiance dont on investit la ville (qui se traduit par des

investissements financiers) et d’augmenter l’attractivité de

la ville (qui se traduit par des flux touristiques) Mais ces

événements fonctionnent aussi comme accélérateurs de

développement en fournissant un défi urbain important

à relever à une échéance proche avec une multitude

d’investissements à effectuer, soit, un ensemble de disposition

créant des remous positifs d’optimisme dans la société qui

tient à la fois du « coup de bourre » et de la « dernière ligne

droite » supposant un « après » délectable.

Ces événements agissent ainsi à court, moyen et long terme.

Ils représentent le schéma idéal et concentré d’une mise en

tourisme réussie : une première séquence de préparation qui

est marquée par 1_Des investissements, des changement

importants et massifs. 2_Un pic de touristes correspondant

à l’effet immédiat de cette nouvelle stratégie. 3_Une

augmentation de l’attractivité générale par dilution dans le

monde d’une image améliorée et, augmentation progressive

du nombre de touristes.

Ces périodes d’intensité ont aussi pour effet d’amener sur

la scène de nouvelles icônes, c’est ainsi que le monument

le plus photographié au monde fut construit en 1889 pour

l’exposition universelle de Paris. Mais aujourd’hui encore,

un édifice comme le stade de France est devenu une icône,

suffisamment intéressante pour attirer 150 000 personnes

contre 130 000 pour la basilique de Saint-Denis.

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La muraille de chine près de Beijing pendant les Jeux Olympiques en 2008. photo : LinaSkoldmor

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La viLLe désiraBLe

Nous venons de voir que les villes utilisent le tourisme

comme le rouage essentiel d’une économie de l’image à

l’intérieur de laquelle elles doivent tenir leur place. Car, si les

touristes peuvent voyager d’un pays à l’autre de plus en plus

facilement, ils peuvent aussi décider potentiellement de venir

s’y installer ou, en tout cas, prendre part de manière plus

ou moins directe dans des mécanismes d’expatriation ou

d’immigration.

Les touristes prennent part via leur mobilité à une circulation

des images à grande échelle, ce phénomène est à situer

dans le cadre de la compétition entre métropoles pour capter

les élites professionnelles mobiles. Ainsi, la mise en tourisme

d’une ville a un objectif économique direct -profiter d’une

augmentation des revenus de la ville- mais aussi un objectif

indirect, rendre suffisamment désirable la ville pour attirer une

classe nouvelle d’habitants.

Cette classe d’habitant semble n’être qu’indirectement reliée

au tourisme mais il est important de l’envisager comme un

éclairage sur la nature des métropoles contemporaines. Un

état de liquidité dans lequel rien n’est d’ici. Une composition

unique dans laquelle le lieu n’est plus que le contenant d’un

flux comme le dit J.Urry :

« Because of these liquidities the relation between almost all societies across the globe are mediated by flows of tourists, as place after place is reconfigured as recipiet of such flows » [J.Urry, tourism revisited, Bruxelles, 2007, p20]

Ce contexte de mobilité importante a donné lieu à différentes

théories sur l’attractivité urbaine, l’une d’elle est développée

par l’économiste américain Richard Florida.

Page 45: Le tourisme est-il devenu la légitimité de l'architecture ?

45

Son livre « the rise of the creative class » (New York, 2002)

établit l’existence d’une nouvelle classe de travailleurs ; la

classe créative. Il fonde son existence sur le basculement de

l’économie du service vers une économie du savoir qui serait,

selon lui, la manière qui permettrait aux villes de rester des foyer

de développement socio-économiques. La classe créative

dont il parle fait référence à un ensemble de professions dont

il considère que les valeurs (esprit d’innovation, ouverture,

autonomie, etc.) et les niveaux élevés de compétences qui

leur sont associées (techniques, juridiques, informatique,

recherche, etc.) leur permettent une grande mobilité (y

comprit internationale) cela ayant pour effet d’augmenter leur

exigence vis-à-vis de la qualité des villes dans lesquelles ils

envisageraient d’y habiter.

Ainsi, la thèse de R.Florida prétend que pour rester

compétitives (économiquement) et stable (socialement) ; les

villes doivent réussir à attirer cette catégorie de population

qui recherche des lieux dont la tolérance, le caractère festif et

la culture en seraient les mots d’ordre.

Ce processus de renouvellement urbain orienté vers les «élites

internationales» est un phénomène désigné par la sociologie

comme «gentrification».

Ce phénomène correspond à une mécanique urbaine

d’augmentation de la valeur du foncier dans une partie de

l’espace urbain conduisant à une fuite des populations

pauvres.

L’augmentation du prix du foncier se fait au travers d’actions

concrètes comme la valorisation d’un édifice, la création d’un

équipement urbain et d’autres choses encore.

Le 104 est un centre artistique de la ville de Paris ouvert

en 2006 dans le 19ème arrondissement au 104 de la rue

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Le 104 : une manifestation au 104photo : Ludovic Legrand

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d’Aubervilliers, cet équipement atypique réhabilité par l’agence

Novembre a pour objectif d’être le lieu de résidence, de

création et d’exposition d’une dizaine d’artistes hébergés sur

place. En complément, ce lieu accueille une programmation

en exposition et en évènements très flexible.

Ainsi le lieu peut servir à des manifestations culturelles en

accord avec sa vocation (concert, exposition d’art, etc.) mais

peut aussi être loué le temps d’une soirée pour accueillir un

défilé de mode ou autre manifestation privée.

Le lieu en lui-même est un ancien bâtiment des pompes

funèbres de Paris, conçu autour d’une rue intérieure qui

servait à l’origine d’axe de préparation du convoi funéraire.

Cet édifice du XIXème siècle en pierre et en fonte connecte

donc deux rues ; celle d’Aubervilliers et la rue Curial. Les

architectes se sont servis de cet axe monumental pour créer

un vaste espace public couvert et protecteur.

L’enjeu consiste donc à faire de cette traversée une expérience

divertissante et unique dans laquelle on aura l’opportunité de

rester plus longtemps que le temps nécessaire au passage.

Le dispositif procède en installant sur l’axe un grand nombre

de possibilités spontanées ou instituées qui font un lieu

d’intensité événementielle, les jeux de niveaux, de scènes

et la distribution de ce sol public impliquent un mouvement

permanent et une grande richesse dans les appropriations de

l’espace. Si l’on va dans un musée, on passe au 104. Outre

sa position excentrée, il fonctionne comme le simulacre d’un

raccourci dans lequel on découvrirait la caverne d’Ali baba.

De chaque côté de la nef sont situés des bars, restaurants,

librairie, boutique de créateur de mode et un magasin

Emmaüs. Ces boutiques témoignent également d’une

programmation attentive au contexte social en créant des lieux

Page 49: Le tourisme est-il devenu la légitimité de l'architecture ?

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pouvant intéresser les riverains modestes et les «bourgeois-

bohèmes». Ces boutiques animent les bords alors que les

scènes animent le centre de la nef, sans connaître la vocation

du bâtiment car il est difficile de remarquer que le 104 est un

lieu dédié à la création artistique et semble plutôt être un lieu

récréatif, avec des tendances à la salle polyvalente.

Le dispositif du 104 repose sur une analogie entre son axe et

la rue. Par cette analogie, le 104 passe pour la rue telle qu’on

voudrait qu’elle soit mais qui ne peut pas advenir ailleurs.

Bien que le 104 se revendique en tant que centre d’art, il

est par l’expérience qu’il procure une vision d’un idéal urbain

dans lequel l’espace public serait entre le parc d’attraction

et le centre culturel, un «fourre-tout» hyper tolérant. Il place

ainsi l’évènement au sommet de ses objectifs. Par ce

caractère idéal, le 104 nous séduit en incarnant les attentes

d’un espace public extraordinaire. Ce bâtiment, ce lit à

la fois comme réponse à des besoins sociaux et comme

l’initiateur d’un nouveau «standard». Il s’illustre ainsi au

travers d’un programme de faible consistance mais dont

l’enjeu essentiel consiste à fabriquer une façon de profiter de

l’espace urbain. En cela, le 104 s’inscrit dans un processus

qui, par l’effacement des limites entre la vie urbaine et le loisir

contribue à changer le regard des urbains sur l’espace de

la ville. Ce changement consiste à apprendre dès l’origine

(c’est-à-dire le lieu de vie) aux citadins comment consommer

les lieux où ils se rendent.

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50

LA MISE EN TOURISME.La commUnication UrBaine

Pour devenir une ville désirable par le touriste, la ville doit

entrer dans un jeu. Ce jeu, s’appelle la mise en tourisme qui

consiste pour la ville à mettre en œuvre une série de dispositifs

qui vont augmenter les flux touristiques.

Cette augmentation peut être considérée comme principal

objectif comme ce fut le cas de la ville de Bilbao en construisant

le musée Guggenheim. Mais il peut également être l’effet

secondaire d’une politique urbaine ayant d’autres priorités.

Dans l’ouvrage collectif « mondes urbains du tourisme »

[Paris, 2007] Philippe Duhamel explique comment les travaux

de transformation et de modernisation de Paris au XIXème

siècle ont contribués à attirer de nombreux visiteurs sans que

cela n’en soit le but premier.

Le processus de mise en tourisme peut être de différentes

natures : il peut faire un large appel à la communication

publicitaire et lui fabriquer une véritable « image de marque »

qui, s’appuyant sur l’ensemble des atouts du territoire lui

façonnera un positionnement stratégique plus à même de

faire face à la concurrence des autres villes.

Ce type de stratégie s’accompagne de prescriptions visant

à améliorer la qualité de l’espace urbain et à doter la ville de

certains équipements clefs complétant sa mise en tourisme.

Ce type de mise en tourisme procède d’une décision venant

des politiques et vise à avoir des effets rapides. Elle peut

être l’apanage de villes récemment développées qui font

appel à des cabinets de communication pour développer

leur positionnement urbain dans un contexte compétitif

international. Le volet tourisme peut y être l’élément central ou

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51

bien un point parmi d’autres. Mais le recours à des agences

de communication est considéré comme incontournable

lorsqu’il s’agit de positionner la ville dans une compétition

restreinte comme l’obtention d’un événement international. Le

cas de Paris qui n’a pas réussi à obtenir les jeux olympiques

2012, nous montre à quel point, ce genre d’événements

déclenche un processus de mise en tourisme conduisant

au montage de plusieurs projets urbains. Il est d’autant plus

intéressant de voir que ces projets ne sont pas abandonnés

malgré le choix de la ville Londres comme organisateur des

jeux olympiques 2012. Ainsi le quartier Clichy-Batignolles en

cours de construction s’est développé sur le projet de cité

olympique.

Ces exemples nous montrent à quel point la condition

matérielle de la ville peut être, dans le cadre du tourisme

imbriquée dans les logiques de communication et de

concurrence internationale entre les villes.

Nous venons d’évoquer des processus de mise en tourisme

dans le cas de villes faisant appel à la communication

pour augmenter leur attractivité touristique, cela nous a

permis d’évoquer les interrelations entre mise en tourisme,

communication urbaine et aménagement urbain. Nous allons

maintenant évoquer les situations ou la mise en tourisme qui

est générée par un projet urbain ou architectural.

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52

éqUiper L’espace UrBain

« Le renouveau de l’attraction de la ville n’est pas seulement dû au réinvestissement en faveur du décor urbain, il est aussi le résultat de la mise en place d’une politique pour équiper et promouvoir l’espace urbain en tant que destination touristique. Le tourisme apparaît alors comme une opportunité de diversification de la structure économique de la ville, créateur de revenus, d’emplois et d’installations.» Roland Hochstrasser, Le tourisme urbain, 2002.

Pour comprendre ces phénomènes, il faut d’abord se

souvenir que les grandes villes évoluent en se regardant les

unes les autres ; que leurs décisions urbaines sont rarement

le fruit d’une réflexion sur elles mêmes mais témoignent

au contraire la volonté de se positionner par rapport aux

autres en comblant un déficit en consolidant une position de

« leader » ou en s’attaquant à un domaine dans lequel elles

voudraient faire référence. Qu’il s’agisse de la question des

tours à Paris, de grands musées à Dubai, de la construction

d’un aéroport à Pékin ou des espaces verts à New York, les

grandes métropoles se regardent, se comparent et agissent en

conséquence. Cette réalité est d’autant plus importante que

les gens peuvent se déplacer vite d’une ville à l’autre et qu’il

est question pour chacune d’entre elle d’attirer les populations

qui vont faire rayonner la ville et surtout l’enrichir.

On peut ainsi observer que la question du Grand Paris

ne sort pas de nulle part et qu’elle est à mettre en regard

avec les autres villes internationales. Les débats avec les

équipes d’architectes avaient d’ailleurs commencé à la Cité

de l’architecture et du patrimoine par des présentations

des capitales mondiales comme Londres, New York, Tokyo,

Berlin, Madrid, etc. On peut même sentir qu’une partie des

enjeux sont dictés par la volonté de ne pas être en retard sur

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les autres villes. Les équipes d’architectes étaient, elles aussi

pour moitié d’origine étrangère.

Ainsi, la mise en tourisme n’est pas toujours un acte conscient

émanant des politiques qui vont communiquer sur les

richesses de leur ville mais la conséquence de l’observation

mutuelle qu’exercent toutes les villes sur leurs « concurrentes »

au travers de la presse, des personnalités publiques, des

touristes, etc. On peut donc dire que dans un système de

villes ayant déjà intégré le tourisme, chaque ville à travers sa

société met en tourisme les autres et, réciproquement, que

chaque ville est mise en tourisme par toutes les autres.

Dans un article du Marie-claire de Décembre 2005 :

« Le MoMa rouvre, et c’est un événement culturel mon dial. Nouveaux murs pour nouvelles acquisitions. La surface d’exposition est passée de 8 000m² à 12 000. Sans entrer dans le détail, le nouveau musée d’Art moderne et contemporain de New York fête avec munificence son 75e anniversaire et vaut à lui seul un séjour dans la Grosse Pomme »

Cette forme de mise en tourisme est donc étroitement liée

aux grands projets d’une ville et à leur répercussion chez les

observateurs.

Paris Plages nous fournit un exemple très intéressant de mise

en tourisme de la ville par un important événement urbain.

A l’origine, c’est l’idée de permettre aux gens ne pouvant

pas partir en vacances de profiter d’activités habituellement

réservées aux plages littorales. Ainsi, 3,5 km de voies sur

berges sont coupées à la circulation et sont investies de

sable, jeux, bassins, transat et palmiers en pots afin de créer

une « ambiance de vacances » durant un mois et demi en

plein cœur de Paris.

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Paris Plages : L’aménagement type des voies sur berges.photo : Choblet & associés

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Ce processus, s’il paraît emprunt d’une conscience sociale

très forte relève également du pur procédé de mise en

tourisme. Rappelons la métaphore du château de sable :

« A particular physical environment does not in itself produce a tourist place. A pile of appropiately textured sand is nothing until it is turned into a sandcastle. It has to be designed into buildings, sociabilities, family life, friendship and memories. » J.Urry, The tourist Gaze, Londres, 2011.

La mise en tourisme de la Seine procède d’une manipulation

du regard. Il s’agit de changer le regard que l’on porte sur le

fleuve pour ne plus le consiérer comme le cours d’eau pollué

qu’il est mais comme une étendue positivement assimilée à

la mer.

Le mécanisme qui intervient alors est purement artificiel,

il consiste à invoquer un lieu qui appartient à l’imaginaire

collectif (la mer) par une métonimie spatiale : en posant des

accessoires ordinairement associés à la mer. Ce dispositif

compte sur l’imagination des visiteurs qui feront «vivre»

l’illusion.

Si le dispositif de Paris Plages n’est pas objectivement

orienté vers le tourisme, de par sa situation (le coeur de

Paris) il capte largement la curiosité des touristes nationaux

et internationaux. En effet, l’aménagement des berges

prévoit une zone égale pour les activités de plagisme et pour

le déplacement. Cette configuartion appartient strictement

à cette situation spécifique -la faible largeur des voies sur

berges- et pour cette raison, inverse le dispositif spatial

classique de la plage (circulations diffuses et activités de

plagisme dispercées). Cette configuration qui sépare les allées

de circulation (contre le rivage) et les plagistes (contre le mur

de soutènement) permet aux personnes qui «visitent» Paris

plages de regarder de près les personnes qui se détendent

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au soleil, et, inversement aux personnes allongées de rester

«connecté» à la foule qui déambule sour leurs yeux.

Loin d’être une faiblesse dans le dispositif, cette proximité

constitue l’attraction principale de Paris plages pour les

visiteurs. Le lieu devient même exemplaire de la mixité

des populations que l’on peut trouver à Paris, un étrange

condensateur de riverains, parisiens, franciliens, touristes

étrangers et français. A l’instar du Grand Tour, la curiosité

du rapprochement avec l’autre devient l’objet même de

l’expèrience.

Le succès de Paris Plages montre l’efficacité de la mécanique

du tourisme qui repose sur le re-façonnage du regard porté

sur un environnement et sur la construction d’un «dispositif

social» singulier.

Le cas de Paris Plages montre la capacité de la métropole à

générer de nouvelles formes de tourisme, issus d’hybridations

entre ce qu’elle est et ce qu’elle voudrait être. On constate

l’entrelacement croissant entre la pratique de l’espace urbain

quotidien et la pratique touristique de l’espace urbain. Ainsi

grâce à une volonté politique, la touristification de la ville

s’enracine à la fois dans les pratiques de l’espace et dans

l’espace lui même. Ce processus de réconciliation du quotidien

et de l’exeptionnel via l’importation des vacances à la plage

dans l’espace urbain comporte le risque de faire évoluer le

statut du citoyen de la ville au statut de consommateur de la

ville.

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58

UrBanité toUristiqUe

shopping

L’urbanité touristique ne se définit pas uniquement par ce que

l’on peut visiter en baignant dans une ambiance récréative. Le

tourisme, si on le considère de manière triviale c’est, comme

le dit Thierry Paquot dans l’ouvrage collectif Tourism revisited,

Bruxelles, 2007, p 68.

« […] tandis que le premier visite un site, guide en mains, ou plus précisément « fait le Maroc » après avoir « fait la Thaïlande », « fait le Louvre », après avoir « fait la tour de Pise ». Disons le une fois pour toutes, le voyageur dispose de son temps pour se mettre au diapason de la culture qu’il découvre et le touriste veut en avoir pour son argent »

Ainsi, le touriste, qui « désire en avoir pour son argent », trouvera

satisfaction grâce au shopping. L’activité commerciale est

une des pierre angulaire du tourisme, il est ce qui donne

l’impression au touriste d’emporter une partie du lieu avec

lui, et, ce qui lui permettra de s’en souvenir.

Comme le suggère la citation de T.Paquot le tourisme, en tant

que pratique inscrite dans une société de consommation, est

un sous produit de consommation. Ce rapport marchand

à la destination que l’on visite, bien que recouvert par

l’enchantement dont on entoure le tourisme (mythe du voyage,

de la rencontre, etc.) ressurgit une fois sur place et investit

le comportement d’achat lors du séjour. Postérieurement,

le voyage s’assimile à une transaction qui nous a, ou pas,

satisfaite. Mais l’insatisfaction ou l’impression de «ne pas

avoir été assez touriste », de ne pas avoir assez consommé

le lieu, nous est insupportable, cette perspective justifie donc

la propension importante à consommer pendant un séjour,

davantage même qu’on le ferait chez soi.

Page 59: Le tourisme est-il devenu la légitimité de l'architecture ?

59

Ce touriste est un anxieux du voyage, il redoute tout ce qui peut

contrarier ses plans tout en espérant que cela lui permettra de

vivre une expérience inoubliable. Cette attitude exigeante et

anxieuse combinée à la fatigue physique et nerveuse qu’inflige

la visite intensive d’une ville augmente la vulnérabilité du

touriste et sa réceptivité à l’offre commerciale.

Le commerce lui vendra « du lieu » facilement et aussi la

garantie sécurisante d’un contact encadré avec l’autochtone,

celui que permet l’argent en tant que langue universelle.

Le touriste apprend vite qu’il peut compter sur le commerce

pour lui fournir du confort immédiat ou de la satisfaction

touristique.

C’est ainsi que le commerce trouve dans le touriste, un client

faible et peu exigeant; et que le touriste est toujours rassuré

par la présence de commerces. Cette relation instaure une

situation d’interdépendance urbaine entre les lieux touristiques

et les espaces commerciaux. L’espace touristique devient

alors un espace toujours accompagné de commerces sans

lesquels, nous ne serions plus capables de consommer le

lieu. Ce couple a également pour effet de dévier de leur nature

des quartiers entiers, aboutissant ainsi à des contradictions

profondes entre l’atmosphère dont souhaitent s’imprègner

les touristes et l’atmosphère trouvée sur place.

Le quartier de la butte Montmartre à Paris montre bien l’ironie

du paradoxe. La célébrité de ce quartier a été acquise entre

la fin du XIXème siècle et la première moitiée du XXème

siècle alors que s’y côtoyaient des artistes comme Picasso,

Toulouse-Lautrec, Modigliani dans un décor de commune

médiévale épargnée par l’Haussmanisation. La butte

représente ainsi pour les visiteurs étrangers, à la fois l’image

du village médiéval construit sur un relief important (ce qui

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60

accentue son caractère archétypal - presque cartoonesque)

mais aussi l’image du génie artistique et de l’avant-garde

vivant dans des conditions précaires. Ces deux éléments

s’associent ensuite pour former une des représentation du

«romantisme français».

Depuis que ce lieu est devenu un des plus visité de Paris, le

commerce s’est installé sous trois formes.

D’abord, le service qui correspond aux «premières nécessités»

du tourisme (restaurants, bars et hôtels) qui tentent de mettre

en scène la dimension pittoresque ou romantique tout en ne

parvenant qu’à mieux masquer le vrai quartier en y substituant

un ersatz d’authenticité.

L’autre forme commerciale ne transfigure pas le lieu mais

parodie sa mémoire. Il s’agit des peintres, portraitistes,

caricaturistes qui, par leurs prestations et leur spectacle

technique continu représentent un simulacre de «mémoire

vivante». Leur présence ne fait que gommer toutes les aspérités

de l’âge d’or de Montmartre (la pauvreté, les prostituées,

l’absinthe, la mort, etc.) pour ne retenir qu’une légende

propre et sympathique de l’artiste bohême et romantique.

Cette activité conforte également une discontinuité radicale

avec les artistes du début du XXème siècle où les peintres

du Montmartre d’aujourd’hui sont consensuels et populaires

alors que les autres étaient hors du goût de l’époque et

rejetés.

Le nombre de visiteurs à Montmartre suppose une clientèle de

tous les horizons et donc de tous les goûts. Les boutiques de

souvenirs sont ainsi amenées à proposer un nombre important

de produits dérivés diffusant «l’âme» de Montmartre au

travers de gadgets, Tee-shirts, cartes postales, reproductions

d’oeuvres...

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Le succès de Montmartre en tant que «landmark» touristique

génère une situation paradoxale dans laquelle le commerce

outrancier envahit l’espace public. Sa présence ne conduit

pas seulement à rendre le passé du lieu invisible, il contribue

à transfigurer l’objet même de l’intérêt touristique en une

version creuse et extrapolée. Même si cela ressemble à un

effet mécanique lié au grand nombre de visiteurs , on pourrait

le voir comme une nécessaire adaptation des codes locaux

à une «clientèle» internationale aux références culturelles

multiples.

Nous venons de voir de quelle manière le couple « commerce-

tourisme » construit une perception spécifique de l’espace

urbain et tend à l’affirmer comme un standard de l’espace

touristique urbain tout en le vidant de son authenticité. Plus

que ça, nous avons vu que ce processus de formatage de

l’espace touristique tend à adapter l’espace convoité à des

critères de «consommabilité» internationaux.

La nUit en viLLe.Regardons maintenant comment les politiques

événementielles, et, particulièrement celles qui touchent à la nuit

prennent part dans le mécanisme de la mise en tourisme des villes.

Au cours de la période récente, les grandes villes ont souvent

appuyé leur mise en tourisme par la reconquête de territoires

considérés comme des « frontières ». La requalification de ces

territoires en friches, zones industrielles et zones portuaires,

s’est souvent faite à l’aide de la dimension festive. Celle-ci,

en faisant appel à la population lors de grands événements

organisés par les autorités politiques permettent à la fois de

consacrer la ré-appropriation d’un territoire qui était considéré

comme « perdu » et de célébrer cette reconquête dans un

moment de plaisir et de liberté.

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Ainsi, la ville semble être à la recherche perpétuelle de

nouveaux territoires sur lesquels s’inventer et développer

ses pratiques. La nuit devient notamment un espace-temps

domestiqué et investi d’urbanité.

Cette action permet de faire reculer la frontière temporelle

qu’est la nuit, et élargit les temps de consommation de la ville

en donnant aux citadins en mal de sensation de liberté, la

possibilité de consommer la fête urbaine au lieu de dormir.

L’investissement du potentiel de la nuit se base sur le fait que

la nuit à toujours été enveloppée de mystère et de sensation

de liberté.

Derrière cela, il y a une stratégie de communication destinée

aux habitants qui consiste à leur présenter la ville non plus

comme un lieu de répétitivité et de l’ennui du quotidien mais

comme un lieu où l’on exulte, qui favorise les rencontres et

permet d’affirmer sa liberté.

« le caractère festif devient ainsi une composante essentielle de la manière de faire et de vivre la ville contemporaine : on assiste en effet à un glissement progressif vers la cité du loisir, vers la ville qui devient divertissement » Maria Gravari-Barbas « A la conquête du temps urbain : la ville festive des 24 heures sur 24 » Les mondes urbains du tourisme

M.Gravari-Barbas soutient dans le même texte qu’il s’agit

dans le fond également de tactiques destinées à séduire les

classes créatives dont parle R.Florida.

L’abolition de la limite constituée par la nuit doit avoir une

certaine visibilité afin de servir d’élément de communication.

Ainsi, ces fêtes urbaines prennent souvent l’apparence de

fêtes lumineuses au cours desquelles la vision de la lumière

est le principal objet de célébration. C’est dans ces logiques

Page 63: Le tourisme est-il devenu la légitimité de l'architecture ?

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que s’inscrivent des événements tels que « la Fête des

Lumières » à Lyon ou encore les « Nuits blanches » à Paris,

qui célèbrent implicitement la conquête de la nuit par la fête.

« Aujourd’hui , les « concepteurs lumières » – nouveau métier, mais aussi nouvelle compétence artistique – mettent de plus en plus l’accent sur le caractère durable de leur mise en lumière. S’émancipant des contraintes naturelles, les villes s’animent sous l’influence de modes de vie de plus en plus désynchronisés grâce aux nouvelles technologies d’éclairage et de communication. La lumière tend ainsi à prendre progressivement possession de l’espace urbain, gommant l’obscurité de la nuit, permettant la poursuite d’activités diurnes » Maria Gravari-Barbas « A la conquête du temps urbain : la ville festive des 24 heures sur 24 » Les mondes urbains du tourisme.

Selon Maria Gravari-Barbas la lumière est donc à considérer

au delà de la dimension temporaire de la fête comme une

action urbanistique pérenne. Cela permet de crédibiliser

encore les rapports qu’entretiennent ces événements festifs

lumineux avec la mise en tourisme des villes.

« La sophistication avec laquelle les plans sont conçus témoigne de préoccupations qui dépassent largement les objectifs utilitaires, pour s’inscrire plutôt dans des logiques de conquête ludique et festive de la nuit. Leurs buts sont multiples, et l’objectif sécuritaire n’est jamais absent. Mais ils visent également à permettre de nouvelles appropriations nocturnes de la ville, à la fois par les locaux et par les touristes. En ce sens, même si les enjeux de la mise en lumière d’une ville ne sont pas touristiques stricto sensu, on peut difficilement imaginer aujourd’hui une grande ville ayant des prétentions touristiques sans plan lumière. La mise en lumière nocturne devient à la fois l’un des symptômes et l’une des conditions nécessaires de la mise en tourisme des villes. » Maria Gravari-Barbas « A la conquête du temps

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urbain : la ville festive des 24 heures sur 24 » Les mondes urbains du tourisme

Il apparaît d’ailleurs que les Nuits Blanches parisiennes ont su

inspirer de nombreuses autres villes de niveau international

comme Bruxelles, Rome, Montréal, Toronto, Séoul, Varsovie et

Barcelone.

M. Gravari-Barbas souligne que les « Nuits Blanches » semblent

peu à peu s’imposer comme un standard des politiques

d’animation des métropoles internationales. Il semble donc, à la

vue de ces éléments, que les Nuits Blanches ou encore La Fêtes

des Lumières se conçoivent bien au-delà de la simple animation

urbaine et s’inscrivent dans des logiques marketing urbain.

Enfin, M.Gravari-Barbas relève que l’aspect nocturne d’une

ville fait partie des caractéristiques largement mises en exergue

dans les guides touristiques. Il semble même que l’intérêt de la

ville nocturne parvienne à égaler les charmes de la ville diurne.

Ainsi, « la ville 24/7 » semble porteuse d’une image positive liée

à celle de la « World City ».

« La meilleure sanction de la Nuit Blanche, c’est de voir que Berlin

qui faisait la « Nuit des Musées », et donc, du patrimoine, fait

maintenant une « Nuit Blanche », de même que Rome, Montréal

en février et bientôt San Francisco et Toronto. » Interview de

C.Girard dans Paris.art.com, 27 octobre 2004 Cité dans l’article

de Maria Gravari-Barbas

Ainsi, la conquête de la nuit urbaine contribue largement

à désynchroniser les rythmes urbains avec la légitimité de

l’agrément. L’altération du synchronisme urbain permet aux

villes de prétendre au statut de World City et implicitement

d’encourager un tourisme perpétuel à travers la disparition

de l’élément peut-être anecdotique mais emblématique du

décalage horaire ?

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65

Page 66: Le tourisme est-il devenu la légitimité de l'architecture ?

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L’ARcHITEcTURE DU TOURISME !Le LoUvre, appLication de La thÈse dU « toUrist gaZe »

Certains projets architecturaux sont étroitement imbriqués

avec les processus de mise en tourisme urbains. C’est le

cas du projet de réaménagement du Louvre 1989, dont la

décision fut prise après le double constat d’une mauvaise

mise en valeur des collections et d’un manque d’intégration

dans la ville. En effet, la ville de Paris faisait du Louvre un

« monument-musée » dont le potentiel touristique était sous-

exploité au regard des richesses culturelles qu’il contenait.

Ainsi, le musée du Louvre affichait 3 millions de visiteurs

annuels contre 4,5 et 7,2 pour la Tour Eiffel et le centre

Georges Pompidou [Le grand Louvre, 1989].

La comparaison avec d’autres musées a aussi permis de

se rendre compte d’un problème qualitatif dans la visite

du Louvre ; ainsi le Metropolitan Museum de New York et

la National Gallery de Washington affichent des temps de

visite moyens de 3h30, deux fois plus que pour le Louvre.

Ces derniers chiffres explique que la pratique du Louvre qui

se faisait au pas de course, sans recherche des oeuvres

majeures sans réellement profiter de la visite.

Trois enjeux avaient donc étés déterminés : le premier était

l’adaptation de l’Ancien Palais à sa fonction de musée en le

dotant de coulisses techniques, le second était d’améliorer

le confort des visiteurs par l’agrandissement des espaces

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67

d’accueil, la création d’espaces de restauration et de

commerces et enfin, l’amélioration de l’accessibilité du musée

en améliorant la visibilité de l’entrée et l’instauration de liens

forts avec le centre de Paris.

Cette opération sera aussi le prétexte au déménagement

du ministère des finances à Bercy qui libérera ainsi l’aile

Richelieu.

Ieoh Ming Pei est désigné pour la reconnaissance qu’il a su

s’attirer dans la réalisation de grands musées notamment,

la National gallery de Washington implicitement prise pour

référence car elle présentait une situation similaire : un grand

musée national nécessitant une extension à partir d’un

bâtiment ancien.

Pour le Louvre, le parti architectural de I.M.Pei est clair et

pragmatique. Afin de diminuer les distances d’une aile à

l’autre du bâtiment il décide d’enfouir l’entrée sous la cour

centrale, ce qui permettra une desserte égale de toutes les

parties du musée mais aussi de fournir un espace suffisant

pour accueillir le grand hall, la billetterie, les espaces de

repos, les commerces associés, ainsi que toutes les autres

servitudes publiques du musée. L’entrée dans ce hall se fait

grâce à une pyramide qui sert à la fois d’éclairage pour le hall

souterrain et de signalisation de l’entrée depuis l’extérieur.

La proposition est si claire qu’elle séduit les conservateurs du

musée chargés d’évaluer la proposition.

« Dans le contexte du Grand Louvre, il est apparu aux conservateurs en chefs, responsables des divers départements, que la pyramide de I.M. Pei marquant l’entrée du musée, bien loin d’être (comme elle a été parfois présentée) un gadget moderniste, ou, au mieux, un « geste architectural » gratuit, est au contraire une proposition hardie peut-être, mais qui participe à

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Capture d’écran de la page de résultat de Google images en tapant : le louvre paris + pyramide

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un projet architectural d’ensemble unanimement apprécié et accepté pour sa cohérence et sa qualité. » [Extrait du communiqué des conservateurs en chefs suite à l’examen du projet, Le Grand Louvre , 1989]

Cette pyramide qui, comme le dit I.M. Pei ne « s’explique que

comme la partie émergée d’une architecture souterraine »

est l’élément qui crée la rupture avec une longue période

d’ambiguïté entre les trois fonctions d’occupation majeures

: le palais, le ministère et le musée.

La pyramide marque un changement, désormais, le Louvre

se conçoit comme un tout, c’est le Grand Louvre et c’est un

musée. Le plus grand musée du monde.

Avec 8 millions de visiteurs par an, le Louvre est devenu le

musée le plus visité du monde, son rayonnement actuel est

indissociable de son renouveau architectural et de son intégrité

récemment reconstituée et amplifiée. On peut considérer le

Louvre comme une œuvre exemplaire de bâtiment destiné à

la visite qui se transforme en bâtiment touristique et démontre

les propositions de J.Urry que nous avons vues au cour de la

première partie.

Le Louvre, bien qu’ouvert aux visiteurs depuis longtemps,

n’était pas encore un lieu touristique en ce sens qu’il n’était

pas encore adapté aux touristes. Attardons nous à considérer

quelques points qui distinguent un lieu touristique d’un lieu

simplement « ouvert » aux touristes.

Le sens commun du terme désigne un lieu fréquenté par des

touristes, je voudrais ici montrer, en prolongeant le travail de

J. Urry qu’un lieu touristique est bien plus qu’un espace qui

est accessible aux touristes : il est une chose « autre » car,

elle fait du « tourist gaze » un système de référence.

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image :

Tout lieu touristique repose sur sa capacité à générer son

attrait, et, pour qu’il y ait attrait, il faut qu’il y ait une image,

soit, une représentation capable d’agir à distance. Ainsi celle

du Louvre réside dans la radicalité de la Pyramide en verre

entourée par les façades en pierre du Louvre. Le contraste

de formes et de matériaux est tellement fort qu’il rend le

lieu unique et mémorable (en tous cas visuellement). De

plus, ce dispositif composé induit quelques points de vues

supérieurs aux autres, des points de vues optimaux d’où le

touriste qui se tient dans les axes de composition du Louvre

et de sa pyramide pourra profiter au mieux des effets de

symétrie et faire « l’image parfaite ». Cette image c’est celle

qui décrit le dispositif en l’englobant dans le cadre de l’image

tout en essayant de restituer son intelligence (les effets

de la composition symétrique). Cette image est celle que

feront un certain nombre de touristes et qui était présente

dans leurs esprits avant même de poser le pied à Paris. La

venue des touristes s’apparentera en certains points à une

vérification suivie d’un processus de fabrication de preuves.

Ils participeront ainsi à la circulation des images du lieu

contribuant ainsi en quelques sortes à la capacité du lieu à

voyager par l’image.

regard :

Un lieu touristique doit permettre une expérience du regard

que l’on porte sur l’objet que l’on veut « tourister », l’expérience

doit être différente de celle que l’on aurait dans le quotidien.

Cette condition doit être remplie afin de maintenir l’intérêt du

lieu que l’on visite, dans le cas contraire il n’apporte rien de

plus que son image ne sait véhiculer, ce qui discréditera la

nécessité de se rendre sur place.

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Les façades du Louvre vues à travers la pyramide.

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Les différents projets d’extension du Louvre de I.M Pei.

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I.M. Pei avait pensé à cet aspect des choses en dessinant

la pyramide. En effet, elle fut conçue non seulement comme

un monumental dispositif d’éclairage pour le hall enfoui mais

également comme un prisme permettant depuis le hall situé

à 9 mètres sous le sol de contempler les façades du Louvre

et ainsi de ne pas perdre le contact visuel avec le lieu comme

l’expliquait I.M. Pei.

La pyramide du Louvre est donc à considérer comme une

sorte de prisme dont la fonction serait à la fois d’éclairer et de

voir depuis l’intérieur ce qui nous entoure.

En d’autres termes, la pyramide permet alors que nous

sommes à l’intérieur du Louvre, d’en contempler l’extérieur.

Cette expérience qui relève du fantasme d’ubiquité additionne

les expériences : l’intérieur + l’extérieur. Le contemporain

+ le classique. Le vécu + la vision. La mémoire + l’action.

De cet aspect des choses est issu le caractère unique de

l’expérience, la primauté du « vous êtes ici » qui ne tient

pas juste à l’évidente supériorité du réel mais au maintien

d’une expérience inaccessible à l’image et pourtant relevant

uniquement du regard.

soUvenirs.

Nous en parlions dans la première partie, le tourisme si on

le considère comme une industrie, à ceci de spécifique

que les revenus qu’il génère ne correspondent pas à l’objet

même du tourisme mais à toutes ses contingences comme

l’acheminement, l’hébergement, les services associés et

aussi les produits dérivés appelé, les souvenirs.

C’est à cet aspect que je vais consacrer ce paragraphe car

si l’on ne consomme pas le lieu « objet » de notre tourisme ;

il semble que dans le cadre de la société de consommation,

nous ayons besoin d’en consommer des reproductions, ou

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des évocations. Parfois même ces objets sont parfaitement

génériques et que l’on peut se les procurer n’importe où dans

le monde.

Il semble que par nature les lieux touristiques engendrent une

frustration : celle de ne pas pouvoir réellement consommer

les lieux que l’on visite.

Les produits -même ceux qui sont présent partout dans le

monde- prennent une autre valeur selon que nous les trouvions

dans un centre commercial classique ou dans une boutique

du carrousel du Louvre. Ils deviennent ainsi potentiellement

des souvenirs. Le lieu d’achat s’il est revêtu d’une dimension

imaginaire forte, est capable d’enchanter la consommation la

plus triviale.

Ces espaces de consommation nécessitent donc une

place importante car ils font désormais partie intégrante du

fonctionnement des lieux touristiques.

Le Louvre présente donc la spécificité de posséder, non pas

une grande boutique comme tous les musées contemporains

mais une galerie marchande située sous le musée où la

consommation peut s’épanouir dans une absence de co-

visibilité avec ce qui n’est en réalité pas consommable.

L’espace souterrain et aveugle du Louvre se prête

particulièrement bien à l’activité du shopping, en l’absence

visuelle du Louvre le visiteur pense enfin l’avoir consommé

tout en éprouvant la frustration d’avoir les mains vides, à ce

moment là, le touriste est nerveusement préparé à arpenter les

rayons de marchandises à la recherche de ce qui condensera

sa mémoire du lieu tout en n’excédant pas la taille de son sac

de voyage.

Après l’image qui permet d’imaginer sans être présent,

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78

l’ubiquité du regard, qui consacre la primauté du « être là » et

l’objet acheté qui matérialise le souvenir ; le lieu touristique

est littéralement une manipulation des natures de regards

et, c’est en cela, qu’il contribue en grande partie à être

substantiellement différent des autres lieux publics.

LE BÂTIMENT-TOURISTELa différence entre le bâtiment touristique et le bâtiment public

«classique» n’a pas fait l’objet de beaucoup d’approches de

la part des architectes, le plus souvent elle se réduit pour les

théoriciens et les praticiens de l’architecture à des poncifs

sur la mondialisation qui semblent conduire, pour eux, de

manière univoque, à une architecture spectaculaire et une

débauche de moyens.

Le texte d’Olivier Mathieu et Li Mei Tsien ; « le bâtiment-

touriste » publié dans l’ouvrage collectif Tourism revisited

propose un retournement rhétorique visant à interroger le

caractère inoffensif du tourisme, et de ses objets. Constatant

que l’impact du tourisme sur l’architecture peut être résumé

à la perturbation simultanée des notions de voyage et de

proximité ; ils proposent de considérer le bâtiment, non pas

comme objet mais comme acteur du voyage. Ainsi au travers

de ce renversement, le texte entend nous montrer en quoi le

bâtiment touriste suit et construit un modèle touristique.

« Dans notre hypothèse, le touriste qui voyage, celui qui, d’un pays à l’autre, tente d’adopter les coutumes locales mais demeure le loup blanc, ce n’est pas l’homme, mais le bâtiment : supermarché, hôtel, banque, restaurant, musée. D’une ville à l’autre, d’un pays à l’autre, nous le retrouvons et le reconnaissons malgré son déguisement local. »

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79

Olivier Mathieu et Li Mei Tsien, Le bâtiment touriste, Tourism revisited, Bruxelles, 2007.

Ainsi, dans une première partie, le texte identifie une série

de caractéristiques qui se retrouvent d’un musée à l’autre ;

hall lumineux communiquant avec la boutique, restaurant

« ludique, distingué et lucratif », livres d’art, de design et

d’architecture, etc. Ces observations lui permettent d’affirmer

que le bâtiment se ressemble suffisamment dans tous les lieux

où on le rencontre pour le crédibiliser comme l’équivalent de

l’homme touriste, c’est-à-dire un seul et même être qui se

déplace pour visiter, comme le touriste.

La seconde partie du texte nous montre en quoi le bâtiment-

touriste est également un « objet touristique modèle », en

d’autres termes, une attraction touristique que l’on viendra

visiter de loin. À ce titre, le « bâtiment objet de tourisme »

cherche à plaire en manifestant une certaine intégration à

l’aide de divers dispositifs architecturaux anecdotiques ou

essentiels prouvant son adaptation au contexte local.

« Le Kiasma de Steven Holl, par exemple, s’incurve et s’incline en réponse à la course du soleil caractéristique du 60e parallèle Nord d’Helsinki. La géométrie générale de son corps de bâtiment forme une courbe inverse de celle-ci tandis que sa façade arrière est découpée en réponse aux lignes de force du site. À Bilbao, le Guggenheim développe ses formes chaotiques en référence au caractère désordonné de l’ancienne zone industrielle où il s’implante. Il déploie ses structures en acier de type industriel jusqu’à toucher le pont autoroutier et à y présenter un accrochage de pierres. Selon le même processus, le musée de Meier à Francfort intègre le décalage de direction de 3,5° entre le bord de la rivière et les bâtiments de la rive, et intègre un bâtiment préexistant du site pour en faire le modèle de sa propre composition : quatre éléments carrés dont le bâtiment existant, disposés en carré pour former le complexe du

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musée, perturbé par la géométrie du décalage de 3,5°. Chaque bâtiment-touriste trouve ainsi sur place une histoire, une particularité, un chemin, une direction qui lui serviront de règles de conduite, de règles de composition, afin de s’intégrer dans le site qui l’accueille et de devenir lui-même objet potentiel de visite et de tourisme.»

Olivier Mathieu et Li Mei Tsien, Le bâtiment touriste, Tourism revisited.

Les auteurs présentent ensuite le troisième volet de leur

développement sur le bâtiment-touriste ; « Le bâtiment

– modèle de la manière de visiter ». Ainsi, à travers sa

collection reflétant toujours la même catégorie d’art élitiste

et international et n’accordant à l’art régional qu’un statut

auxiliaire mais symbolique, par sa manière d’organiser les

collections thématiquement ou chronologiquement selon

les modes muséographiques et enfin par sa narration – via

audioguide – le musée impose un mode de visite, il est donc

l’instructeur du tourisme tout en étant, comme démontré

dans les deux précédents paragraphes l’objet et l’acteur du

tourisme.

Au-delà d’un argumentaire tentant de prouver le rôle actif du

bâtiment sur l’homme, ce texte montre que la complexité du

tourisme vient de la réciprocité des influences qu’exercent

bâtiments, touristes et villes les uns sur les autres.

Il s’agit d’un jeu dans lequel les choses possèdent aussi une

narration et donc, d’une certaine manière une intentionnalité.

Pour appuyer leur propos les auteurs rappellent que le

touriste, loin d’être uniquement le sujet est lui-même souvent

l’objet de curiosité pour les résidents qui voient chez lui une

manifestation de l’altérité. Dans ce jeu chacun est à la fois

observateur et observé, visiteur et visité, sujet et objet.

Le texte montre d’autre part un grand relativisme à l’égard

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81

des architectes qui semblent complètement dépassés

par leur obstination à jouer le «jeu de l’architecte». Sans

pour autant discréditer l’architecture en tant qu’art de

construire, les auteurs n’accordent aux manipulations

formelles des architectes qu’une importance très relative en

signifiant le caractère secondaire et artificiel de ses «effets

d’architecture».

La lecture que font les auteurs du bâtiment-touriste suggère,

la nécessité d’une prise en compte critique par l’architecte du

tourisme. Ainsi que la nécessité de considérer le pratique, le

programmatique et l’idéologique à égalité.

L’EXPOSITION UNIVERSELLE DE SHANGHAIL’Exposition Universelle est le lieu où bâtiment et visiteurs se

mettent inévitablement en abyme sous le signe du tourisme.

L’édition de 2010 qui se tenait à Shanghai en République

populaire de Chine avait pour thème « Better city, better life ».

Cette thématique était pour le moins d’actualité puisque trois

ans auparavant l’humanité venait de devenir majoritairement

urbaine. Ce fait historique a été largement perçu comme le

déclencheur de la conscience collective permettant enfin à

l’urbain d’être médiatisé en tant que problématique essentielle

de l’humanité.

Le fait que l’organisation de l’exposition soit confié à une

ville d’un pays en voie de développement était également un

élément important. Ainsi ce thème croisé avec la croissance

urbaine chinoise permettait d’espérer une exposition

universelle dense et riche en contenu. On était même en

droit d’attendre (avec un peu de naïveté) une exposition

d’urbanisme géante tentant de résoudre tous les problèmes

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de la vie urbaine d’un seul coup !

D’autant plus que l’exposition confirmait après les J.O de

Beijing 2008, l’arrivée de la Chine dans les grands événements

internationaux et aussi peut-être la revendication de ses

responsabilités en tant que « futur modèle ».

Très vite, les visiteurs pouvaient s’apercevoir que ce sujet

n’était qu’un prétexte et que les personnes qui étaient venues

visiter une exposition sur l’urbanisme universel du III millénaire

n’étaient pas du tout le public ciblé.

Bien au contraire, les pavillons étaient très facile d’accès.

Les propos étaient simples et ne s’ouvraient jamais sur des

questions de spécialistes. Les pavillons portaient un message

général sur la qualité de vie des territoires, les spécificités des

états représentés, leurs spécialités folkloriques, industrielles

ou culinaires, etc. Le rôle de ces pavillons était de mettre en

scène ces éléments.

Les pavillons relevaient du «stand touristique» par leur

facture et du bâtiment par leurs dimensions. Le résultat de

cette association était d’autant plus étrange que les pavillons

souffraient d’une relative inconsistance de matière à exposer,

au regard du volume qu’ils occupaient sur le site.

Cette inconsistance du contenu et du contenant était

révélatrice d’un enjeu qui ne portait ni sur l’un ni sur l’autre mais

sur la reconnaissance par les visiteurs chinois (majoritaires

dans l’exposition) des États participants.

En effet, l’exposition est réputée aujourd’hui pour avoir le

record historique en nombre de visiteurs (73 Millions) pour une

exposition universelle. Deux facteurs la prédisposaient à être

de nature différente. D’une part, sa situation dans la capitale

économique du pays le plus peuplé au monde supposait déjà

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un réservoir de visiteurs potentiels bien supérieur à toutes

les expositions précédentes. d’autre part, la Chine en tant

que pays en voie de développement est dans une phase de

croissance exceptionnelle qui correspond à une élévation

globale du niveau de vie des chinois et donc à un changement

d’habitudes de consommation.

Les Etats exposants étaient donc dans une logique de

marketing territorial où il s’agissait pour les pays peu connu

du public chinois, d’établir un premier contact et de «faire

bonne impression» et, pour les pays bénéficiant déjà d’une

bonne réputation en Chine de la consolider.

A ce titre, deux pavillons européens qui présentent une certaine

qualité permettent de singulariser les deux attitudes.

Le paviLLon français

Situé dans la zone des pavillons européens entre celui de

la Suisse et du Royaume-Uni et face au pavillon allemand;

conçu par l’agence de Jacques Ferrier, il se présente

comme un volume définit par une élégante résille de béton.

Cette résille enveloppe des volumes opaques et se soulève

pour laisser entrer la file de visiteurs.

De là, les visiteurs passent devant un prototype automobile

de Citroën et se dirigent vers un double escalier mécanique

maintenu entre la résille et les volumes opaques. Arrivé au

sommet du bâtiment, la visite de ce dernier commence par

une rampe en spirale descendante visant à uniformiser le

rythme des visites en évitant la stagnation des visiteurs.

L’exposition qui se tenait à l’intérieur se contentait de créer

des scènettes de vie urbaine axées sur le romantisme de

la vie parisienne. L’exposition se déroulait en assistant à

un exposé romantique sur les cinq sens qui étaient censés

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Le pavillon français à l’exposition universelle de Shanghai en 2010.photo : Ludovic Legrand

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Dans le pavillon français à l’exposition universelle de Shanghai en 2010.photo : Ludovic Legrand

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restituer l’idée de « ville sensuelle».

À la fin de la rampe, la visite s’achève par des œuvres du

musée d’Orsay et par les boutiques revendiquant le «made in

France» ainsi que le guichet pour tamponner les passeports.

Le pavillon est un édifice qui présente la mise en scène d’une

«identité». Celle-ci n’est qu’une version édulcorée et dirigée

vers la confirmation de ce que les chinois connaissent de la

France.

L’optimisation du flux va donc dans le sens d’un objectif

déterminé. C’est une mise en tourisme de la France

satisfaisante pour le public chinois (car conforme à ses

attentes) et efficace en durée de visite.

La rampe comporte une dimension plus profonde et plus

proche de l’impact réel du bâtiment. Elle représente ce que

O.Matthieu et L.Mei Tsien désignent comme «un modèle

de la manière de visiter» dans leur article sur le «bâtiment

touriste».

En effet, son utilisation à des fins de contrôle de la durée

de séjour a un impact sur la manière de visiter c’est-à-dire

le temps que l’on accorde à chaque partie, la démarche, la

liberté que l’on a ou pas à revenir en arrière et tenter de mettre

en relation.

Le pavillon français a été conçu pour être une machine à faire

visiter, c’est grâce à ce dispositif ingénieux que le pavillon

a pu affiché le reccord du pavillon étranger le plus visité de

l’exposition (10 Millions).

Cet objectif s’est accompli au dépend de la liberté de choisir

la manière de visiter. Et derrière la gestion de la vitesse, c’est

de l’intérêt du visiteur que le pavillon régule, lui inculquant

qu’il n’y a pas de comportement différent à avoir qu’il passe

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devant un mur présentant des bétons expérimentaux Lafarge

ou l’Angélus de Jean-François Millet du musée d’Orsay.

Ce dispositif de visite et de présentation nous permet ainsi de

voir que loin d’être ce dont il a l’air ; une économie basée sur

la mise en valeur du patrimoine naturel et culturel qui tend à

désincarner les choses de leur valeur en conservant leur statut

et à les intégrer dans un dispositif, à des fins uniquement

économiques.

Le paviLLon danois

Le pavillon danois conçu par l’agence danoise BIG (Bjarke

Ingels Group) fait partie des bâtiments qui relèvent d’une

grande intelligence dans la gestion du flux, mais d’une manière

à la fois plus explicite et plus efficace dans la diffusion du

message.

Il est conçu comme une double spirale dont on aurait raccordé

les extrémités. Cette figure improbable qui n’est composée

que de pentes laisse un grand vide au centre dont elle fait le

tour deux fois.

Ainsi le bâtiment ne possède qu’une seule et même façade

continue ce qui ôte l’impression d’entrer dans un bâtiment

car on passe d’abord « sous » pour découvrir un bassin d’eau

bleutée avec au centre la célèbre sculpture de la petite sirène

assise sur son rocher. Pour ce pavillon, l’objectif est différent,

le pays est moins connu des chinois et la première des choses

est de se faire connaître.

Les présentations

L’exposition commence par un tableau comparatif de la Chine

et du Danemark qui met en scène l’évident antagonisme des

deux États de taille, de population, de niveau d’urbanisation,

etc. Ce court comparatif les amène à comparer l’attraction

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touristique la plus visitée de Chine (la grande muraille) à celle

du Danemark (la sculpture de la petite sirène) la première est

visible de l’espace et la seconde à peine peut-on la distinguer

depuis la visite guidée du port. Les présentations sont faites,

le Danemark enverra donc son attraction touristique la plus

connue en Chine comme on offre un bouquet de fleurs à son

hôte lorsque l’on est invité. La visite continue avec un film

montrant l’emballage de la statue et son périple depuis le

rocher où elle demeure jusqu’à son embarquement pour la

Chine.

«La propagande imagée»La suite de l’exposition déroule la présentation du pays telle

qu’elle se déroulerait lors d’une conversation. Ainsi le pavillon

présente ce qu’aiment les danois à travers une série de

grands photomontages montrant des scènes de vie urbaine,

domestique ou rurales. Ces images dues au photographe

Peter Funch sont en elles-même un condensé de l’ensemble

du propos du pavillon. Elles présentent des scènes gaies,

pleines de mouvement, constituées de multiples détails qui

adviennent tous simultanément. Elles convergent toutes vers

la même idée ; le Danemark est un pays riche en diversité

où tout le monde peut trouver son bonheur et faire ce qu’il

aime. Elles prennent également tous les attributs de la vitalité

en montrant beaucoup d’enfants, d’animaux, de nature et de

mouvement.

Ainsi tout en se donnant l’air de se présenter simplement, le

pavillon danois se met en tourisme, présente sa vitalité et sa

diversité comme l’objet même de ce qui peut donner envie à

quelqu’un d’aller là bas.

Par ailleurs, le visiteur peut choisir dès l’entrée de pratiquer

le pavillon à vélo où il empruntera un parcours parallèle à

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celui du piéton et gravira puis descendra la double spirale. Ce

parcours cyclable est séparé du parcours piéton par un banc

linéaire, ainsi le cycliste peut profiter de l’ambiance piétonne

et de l’exposition tout en faisant du vélo.

Son approche est ludique, la pente est utilisée comme

élement de jeu qui met notre corps en tension avec l’espace.

La pente, déforme notre perception visuelle en inclinant

l’horizon qui nous permet d’aller plus vite lorsqu’on va dans

le sens de la descente et nous met à l’épreuve quand on

cherche à la gravir.

Cette dimension ludique tient aussi à la présence de la piste

cyclable qui introduit un mouvement et le rapport insolite de

voir un bâtiment mais l’élément séparateur ( le banc ) contient

également son lot de fantaisies.

Au-delà du marketing territorial brillant que met en oeuvre le

pavillon, son architecture elle-même est la mise en pratique

de l’imagerie du Danemark exprimée dans les photos de

Peter Funch.

En effet, la succession de plans crée par : la juxtaposition du

mur d’exposition, allée de circulation et de visite, du banc

fantaisiste et de la piste cyclable ponctué des multiples

événements qui jalonnent le parcours suggère une multiplicité

d’usages et d’appropriation qui restitue la richesse et la

diversité des photographies du Danemark.

Ce pavillon parvient ainsi à mettre en tourisme le Danemark

en créant une image du pays qui s’intègrera dans un discours

cohérent et concis. Cela s’incarne au travers de la mise en

scène d’un récit et d’une transcription spatiale au service de

ce récit.

Si le visiteur ne sait pas quoi penser du Danemark en entrant,

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Le pavillon danois à l’exposition universelle de Shanghai en 2010.photo : site de l’agence BIG

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Le mode de vie Danois tel que présenté dans le pavillon de l’état.photomontages : Peter Funch

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Le pavillon danois à l’exposition universelle de Shanghai en 2010.photo : Ludovic Legrand

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Le pavillon danois à l’exposition universelle de Shanghai en 2010.photo : Ludovic Legrand

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il en ressort avec une expérience positive capable déclencher

une envie d’aller découvrir ce pays.

Ainsi, à la différence du Pavillon français qui met l’intelligence

architecturale au service de l’efficacité dans la gestion du

flux avec des propos scolaires; le Pavillon danois s’emploie

à inscrire un récit cohérent dont l’architecture est le dispositif

narratif principal.

Les deux pavillons rejoignent le même but : activer ou

réactiver les envies de voyage et de tourisme des visiteurs.

Ils participent ainsi à triple mise en tourisme si spécifique à

ce genre d’événements. Celle de Shanghai qui trouve là une

occasion de s’adapter massivement pour la venue de 70

millions de visiteurs sur 6 mois; celle des pays exposés qui

viennent se présenter en tant que destinations à consommer

et enfin, celle des touristes chinois qui viennent à Shanghai

pour apprendre à avoir envie de voyager.

LE TOURISME cOMME PROGRAMME ARcHITEcTURALAprès avoir observé et tenté de comprendre à quel point

l’architecture pouvait se détacher de la notion de lieu et

de la notion d’authenticité et, littéralement se vendre au

service d’un message.

Essayons, en regardant la production de l’agence BIG

mais dans un contexte qui est moins ostentatoire que

celui de l’exposition universelle de voir jusqu’à quel point

cette agence sans complexe est capable de pousser ses

logiques de mise en consommation du bâtiment.

Le bâtiment nommé « The mountain » par l’agence est

construit en périphérie de Copenhague dans un nouveau

quartier qui s’appelle ørestad. Il est issu de la commande

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d’un promoteur désirant construire deux bâtiments, l’un

comportant 10 000m² de logements et l’autre 20 000m²

de parkings. Pour répondre à cette commande, l’agence

big décide de réunir les deux programmes pour en faire

un seul et même bâtiment en le disposant de telle sorte

à créer une complémentarité programmatique. Leur

proposition est donc de construire un bâtiment de base

carrée dans lequel le rez-de-chaussée est occupé par les

aires de stationnement s’élevant vers la pointe Nord du

carré d’inscription, sur ce qu’ils nomment un « podium »,

une « couche » de maisons avec cour est déposée et

crée la couverture du parking en venant bénéficier d’une

orientation plein Sud.

Le schéma d’organisation ainsi proposé tient sa force à

ce qu’il propose une relation inédite entre deux espaces

qui ne sont ordinairement pas associés. Chacun des deux

apportant une qualité nouvelle à l’autre. Ainsi, le parking-

podium permet à chaque appartement de bénéficier d’une

cour et d’une orientation plein Sud. Les appartements eux,

ont pour fonction vis à vis du Parking de le protéger des

intempéries en créant un espace de co-visibilité entre les

coursives de desserte des appartements et les espaces de

stationnements.

Arrivé au pied de cet édifice énigmatique, il est possible

d’emprunter une coursive périphérique qui longe la

façade métallique perforé et donne à voir des espaces de

stationnements très généreusement dimensionnées par

cette même promenade, on pourra apercevoir les couloirs

d’accès aux appartements suspendus au-dessus du

stationnement toujours actif. On retrouve ainsi la figure du

«tour» présent dans l’idée du tourisme, la figure de la boucle

qui, théoriquement recèle la promesse d’une expérience

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linéaire mais sans répétition jusqu’à la fin du «tour» évite la

tristesse de voir deux fois les mêmes choses mais sous un

angle différent.

Parmi les attributs du bâtiment on note aussi la grande

« fresque » en tôle perforée représentant le mont Everest

censé masquer les flancs du parking là où il est le plus haut

et permettre de le ventiler tout en protégeant les voiture.

Cette représentation qui, est la façade principale du

bâtiment a pour dernière fonction de raconter une histoire

présentée comme évidente mais qui relève du récit. Ainsi la

montagne, assumée comme un lieu de fiction voire même

de fantasme comme l’exprime assez bien la phrase que

B.Ingels se prête dans la bande dessinée – manifeste « Yes

is more » « Le Danemark, c’est plat comme une crêpe. Si

tu veux vivre sur une montagne, il faut que tu la construise

toi-même ! » p 76-77

Le bâtiment « Mountain » est bien plus qu’un bâtiment-

touriste qui se serait alors contenté d’une mise en tourisme

de son environnement ou, d’un environnement.

Ici, le bâtiment participe à la consommation d’un fantasme

en imposant le sien sur un site auquel il est insensible.

Derrière son aspect sympathique et ludique le bâtiment ne

cherche aucun engagement avec le site, vêtu de sa façade

métallique et réfléchissante il ne cherche aucun dialogue,

pas même à profiter de son environnement, il attend qu’on

entre dans sa logique.

Le bâtiment par sa virtuosité architecturale et l’habileté

d’expression de son idée tend à un statut de monument

autoproclamé. L’inscription dans le site est certes, un

critère qu’il faudrait évaluer séparément de même que la

prise en compte de l’habileté.

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Ce bâtiment construit dans une périphérie propre mais

fade de Copenhague montre un pouvoir de l’architecture

retrouvé. Celui de créer des histoires et des univers

singuliers propres à activer des territoires urbains en perte

d’identité.

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Le projet «the montain» de l’agence BIGphoto : site internet de l’agence BIG

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Une des façade du bâtiment «the montain»photo : Ludovic Legrand

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cONcLUSIONCette étude nous a permis de définir le tourisme comme

une pratique sociale fondée sur la manipulation du regard.

La confrontation de la pratique touristique occidentale et

non occidentale nous a permis de voir que l’authenticité -

que l’on pouvait croire être la vraie quête du tourisme - est

parfaitement illusoire et qu’il fallait observer une nouvelle

authenticité dans la situation étrange certes, mais devenue

banale de personnes étrangères les unes aux autres qui se

rencontrent dans un lieu qui leur est lui aussi, étranger.

Nous avons également développé l’imbrication entre le

développement urbain et le touriste pour voir qu’il s’agit

d’une population qui peut en amener d’autres - les élites

internationales et/ou les classes créatives - prenant ainsi part

à la compétition internationale.

À ce titre, les villes orientent actuellement l’aménagement

urbain et les politiques événementielles vers les loisirs urbains

qui témoignent d’un changement dans le regard porté sur la

ville. Un effet indirect de ces politiques est la modification

des exigences des citadins et le développement d’une

nouvelle façon d’habiter la ville que l’on pourrait appeller

«habiter touristiquement la ville» qui repose sur un rapport de

consommation du territoire qui interfère de plus en plus avec

le rapport citoyen.

Les mutations du regard ici observées ont également des

répercussions sur la façon dont les architectes voient l’espace.

La notion du bâtiment-touriste exprime que le bâtiment est

en lui-même un touriste porteur d’une «idéologie» qui tend à

formater le visiteur.

L’exposition universelle de Shanghai s’est révélée ne pas être

un évènement célébrant la partage universel de la conaissance

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mais une opération destinée à ancrer le public chinois dans la

société de consommation.

Les États participants s’y présentent eux-même comme des

produits de consommation. Dans cette démarche, le bâtiment

devient entièrement orienté vers un but unique celui de raconter

une histoire à un «client» pour lui «vendre» un «produit». Le

bâtiment devient alors un format de communication dans une

position clef de la mise en consommation de l’espace.

Ce mémoire aura démontré que le tourisme a déjà investi

l’espace des villes et les comportements des citadins. Il est

maintenant une réalité active qui transforme l’espace. Il est

donc urgent de l’articuler avec l’ensemble des enjeux de la

quotidienneté.

Par ailleurs, nous avons vu que le tourisme permettait à

l’architecture de retrouver une fonction sociale associée

à une certaine «puissance». Cette nouvelle dimension de

l’architecture pourrait notamment être le moyen d’une

relecture de l’environnement urbain. Une architecture créative

et insolente serait à même de changer le regard que l’on porte

sur certains territoires.

En définitive, j’espère que la présente étude aura permis de

saisir que le tourisme est littéralement une transcription du

regard que portent les sociétés sur leur environnement.

Pourtant, plusieurs exemples nous ont montré la malléabilité

de ce regard et qu’il était suceptible d’être renversé avec très

peu de choses. (thermalisme, Paris plages)

Il y a donc une réelle opportunité pour les architectes à faire

valoir leur capacité à construire des récits afin de contribuer

à re-construire le regard sur notre environnement et à ne pas

le laisser dans le carcan du tourisme actuel.

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ANNEXEL’articLe dU Bâtiment toUriste

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articLesHOCHSTRASSER, Roland sous la direction de RACINE, Jean-Bernard, Le tourisme urbain, [Mémoire] 2002http://www.rhpositive.ch/index.php?option=com_content&view=article&id=29:le-tourisme-urbain&catid=1:articoli-e-testi&Itemid=21

Article la tribune : Le pavillon France le plus visité de l’Expo universelle de Shanghaihttp://www.latribune.fr/actualites/economie/international/20101101trib000568147/le-pavillon-france-le-plus-visite-de-l-expo-universelle-de-shanghai.html

Article Libération : L’exposition universelle de Shanghai ferme ses porteshttp://www.liberation.fr/culture/01012299582-l-exposition-universelle-de-shanghai-ferme-ses-portes *

Observing the Changes of City Image of Shanghai before and after 2010 World Expo, http://uscpublicdiplomacy.org/media/City%20Image%20of%20Shanghai%20before%20and%20after%202010%20World%20Expo.pdf

TERRIER, Christophe, Mobilité touristique et population présente, Paris, Direction du tourisme, 2007

sites internetDEGOUTIN, Stéphane, NOGO VOYAGES : http://www.nogovoyages.com/

MINISTÈRE DE L’ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE / SECTION TOURISME :http://www.tourisme.gouv.fr/

INSEE / TOURISME :http://www.insee.fr/fr/themes/theme.asp?theme=13&sous_theme=5&nivgeo=0&type=2

ORGANISATION MONDIALE DU TOURISME OMT / WTO : http://unwto.org/fr

VIDÉO DE COMMUNICATION DU PRINCIPE DU PAVILLONS DANOIS DE L’EXPOSITION UNIVERSELLE.http://www.youtube.com/watch?v=CxUet-JUELY&feature=BFa&list=PL56834EA3F4A4E356&lf=results_main

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REMERcIEMENTS

Je voudrais d’abord remercier l’école d’architecture de Paris

la Villette qui a su créer les convergences d’étudiants, de

professeurs et de réflexions qui m’ont donné envie de croire

en ce sujet.

Je voudrais ensuite remercier Chris Younès, Catherine Zaharia

et Anne Tüscher du séminaire art architecture et philosophie

qui ont largement contribué à la dynamique que je décrivais

plus tôt.

Enfin de manière plus ponctuelle je tiens à remercier

les personnes qui m’entourent au quotidien et qui ont,

parfois sans le savoir contribué à stimuler ma réflexion

dont Sylvie Ly, Maria Delamare, Jean-Baptiste Pettier, Julie

Checconi, Yu Liu et Adrian Galeazzi.

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