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Revue internationale du Travail, vol. 139 (2000), n o 3 Copyright © Organisation internationale du Travail 2000 L’économie du travail des enfants: un cadre de mesure Richard ANKER* L es images d’enfants astreints au travail, souffrant de malnutrition et en guenilles, hantent bien souvent les écrans de télévision comme la presse écrite. A l’aube du nouveau millénaire, le travail effectué par ces malheureux enfants représente un aspect inacceptable de la vie dans bien trop de pays. Cette condamnation du travail des enfants par la société s’accompagne d’autres comportements apparemment contradictoires. En premier lieu, il est vrai que de nombreux enfants travaillent volontairement avec le soutien de leurs parents. Si le travail des enfants est si néfaste pour eux, il convient de se demander pourquoi autant de parents l’autorisent ou l’encouragent et pour- quoi autant d’enfants travaillent de leur propre gré. Dans le cas des pays en développement, l’explication et la justification habituellement données à ce comportement apparemment irrationnel est que les familles pauvres ont besoin d’un revenu supplémentaire pour survivre. Cependant, quel qu’en soit l’intérêt, cet argument n’explique pas pourquoi l’incidence du travail des enfants varie d’une famille pauvre à une autre au sein d’une communauté, d’une communauté pauvre à une autre dans un même pays et d’un pays pau- vre à un autre dans le monde. En deuxième lieu, le travail des enfants peut leur être bénéfique lorsqu’il s’effectue dans de bonnes conditions. Il est géné- ralement admis, par exemple, qu’un travail non dangereux peut donner aux enfants le sens de l’autonomie et de la responsabilité . De fait, il est fréquent que les enfants des pays à revenu élevé travaillent (en général pour gagner leur argent de poche). Ils font du baby-sitting, livrent des journaux ou tra- vaillent dans l’entreprise ou l’exploitation familiale; ils peuvent aussi tra- vailler après l’école et pendant les vacances scolaires dans des restaurants ou des magasins. Le présent article définit un cadre conceptuel pour l’économie du travail des enfants, son objet étant d’analyser les aspects apparemment contradictoi- res de ce travail, notamment ceux indiqués précédemment. A partir de ce cadre conceptuel, nous tirerons des conclusions pour la mesure du travail des * BIT, Genève.

L‘économie du travail des enfants: un cadre de mesure

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Page 1: L‘économie du travail des enfants: un cadre de mesure

Revue internationale du Travail, vol. 139 (2000), no 3

Copyright © Organisation internationale du Travail 2000

L’économie du travail des enfants:un cadre de mesure

Richard ANKER*

Les images d’enfants astreints au travail, souffrant de malnutrition et enguenilles, hantent bien souvent les écrans de télévision comme la presse

écrite. A l’aube du nouveau millénaire, le travail effectué par ces malheureuxenfants représente un aspect inacceptable de la vie dans bien trop de pays.

Cette condamnation du travail des enfants par la société s’accompagned’autres comportements apparemment contradictoires. En premier lieu, il estvrai que de nombreux enfants travaillent volontairement avec le soutien deleurs parents. Si le travail des enfants est si néfaste pour eux, il convient de sedemander pourquoi autant de parents l’autorisent ou l’encouragent et pour-quoi autant d’enfants travaillent de leur propre gré. Dans le cas des pays endéveloppement, l’explication et la justification habituellement données à cecomportement apparemment irrationnel est que les familles pauvres ontbesoin d’un revenu supplémentaire pour survivre. Cependant, quel qu’en soitl’intérêt, cet argument n’explique pas pourquoi l’incidence du travail desenfants varie d’une famille pauvre à une autre au sein d’une communauté,d’une communauté pauvre à une autre dans un même pays et d’un pays pau-vre à un autre dans le monde. En deuxième lieu, le travail des enfants peutleur être bénéfique lorsqu’il s’effectue dans de bonnes conditions. Il est géné-ralement admis, par exemple, qu’un travail non dangereux peut donner auxenfants le sens de l’autonomie et de la responsabilité . De fait, il est fréquentque les enfants des pays à revenu élevé travaillent (en général pour gagnerleur argent de poche). Ils font du baby-sitting, livrent des journaux ou tra-vaillent dans l’entreprise ou l’exploitation familiale; ils peuvent aussi tra-vailler après l’école et pendant les vacances scolaires dans des restaurants oudes magasins.

Le présent article définit un cadre conceptuel pour l’économie du travaildes enfants, son objet étant d’analyser les aspects apparemment contradictoi-res de ce travail, notamment ceux indiqués précédemment. A partir de cecadre conceptuel, nous tirerons des conclusions pour la mesure du travail des

* BIT, Genève.

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290 Revue internationale du Travail

enfants ainsi que des enseignements pour les orientations générales des poli-tiques et les programmes qui ont trait au travail et au bien-être des enfants.Les questions suivantes sont abordées ici:

En quoi consiste le travail des enfants? Pourquoi faut-il s’en préoccu-per?Comment le travail des enfants est-il actuellement mesuré et défini, etcomment devrait-il l’être?Quelles sont les incidences d’une analyse économique du travail desenfants fondée sur le cadre conceptuel défini dans le présent article?

Selon la thèse développée dans le présent article, la politique, les pro-grammes et les études ayant trait au travail des enfants ont généralement ététrop simplistes et n’ont guère tenu compte de la complexité de la question.Ainsi, ce n’est que tardivement que l’on a déterminé les mesures et méthodesadéquates et efficaces susceptibles de conduire à l’élimination des formesinacceptables du travail des enfants. Le cadre conceptuel défini ici prend enconsidération le fait que les avantages économiques et les coûts liés au travaildes enfants dépendent des trois facteurs suivants: i) le travail des enfantsexiste sous diverses formes; ii) l’élimination du travail des enfants peut sejustifier de plusieurs manières; et iii) toute une série d’intervenants et d’insti-tutions seraient affectés par l’élimination du travail des enfants.

Le présent article commence par expliquer pourquoi le travail desenfants doit être un sujet de préoccupation. Puis il traite des questions rela-tives à la mesure de ce phénomène et de la nécessité de disposer de différentesévaluations pour en distinguer les diverses formes 1. Enfin, il tire des ensei-gnements pour les orientations de la politique générale et des programmes àmettre en œuvre à l’intention de ceux qui sont soucieux d’éliminer le travaildes enfants.

Les raisons de se préoccuper du travail des enfants

Avant de décider comment définir et mesurer le travail des enfants, ilconvient tout d’abord, au niveau conceptuel, d’identifier les aspects de laquestion qui constituent des sujets de préoccupation majeurs:— la protection des enfants;— le développement des enfants;— l’incidence du travail des enfants sur l’économie et le marché du travail.

1 On trouvera dans Anker (2000) un examen détaillé de la manière dont une série d’interve-nants et d’institutions (enfants, parents, communautés, employeurs, marché du travail, économienationale et commerce international) seraient affectés par l’élimination des différentes formes dutravail des enfants et de la façon dont les programmes et politiques consacrés au travail des enfantsdevraient en tenir compte.

Page 3: L‘économie du travail des enfants: un cadre de mesure

L’économie du travail des enfants: un cadre de mesure 291

Le tableau 1 présente trois principales raisons de préoccupation, lesindicateurs susceptibles de les mesurer et un certain nombre d’observations.

Protection des enfantsC’est essentiellement pour protéger les enfants que tant de personnes et

d’organisations se préoccupent du travail des enfants. Les enfants sont vulné-rables à bien des égards et l’enfance est une période de la vie qui doit être spé-cialement protégée. Les enfants qui travaillent sont souvent exposés à desabus et à l’exploitation, ce qui explique le consensus international qui s’estdégagé contre les formes particulièrement inacceptables du travail desenfants. La convention (no 182) de l’OIT sur les pires formes de travail desenfants, 1999, témoigne de ces préoccupations et du consensus internationalqui s’est établi en vue de l’élimination du travail des enfants.

Certes, les inquiétudes concernant le bien-être des enfants sont princi-palement d’ordre humanitaire mais elles s’accompagnent aussi de préoccupa-tions économiques telles que l’incidence sur la santé et les coûts liés auxformes dangereuses et aux «pires formes de travail des enfants« 2. Le souci leplus fréquemment exprimé est la nécessité de protéger les enfants contre lespires formes de travail dont les dangereuses et contre toutes les formesd’exploitation.

Les indicateurs proposés dans le tableau 1 pour représenter la protectiondes enfants contre les travaux dangereux et l’exploitation sont difficiles àmesurer, d’où la rareté des données quantitatives disponibles pour ces indica-teurs. Il n’y a là rien d’étonnant. L’exploitation, en particulier, est un termechargé de valeur qu’il est difficile, dès lors, de définir de manière objective.Les pires formes de travail des enfants y compris les dangereuses peuvent êtreplus facilement définies de manière objective, bien que ces expressions soientégalement chargées de valeur puisque leur signification varie selon la cultureet le niveau de développement ou de revenu. La communauté internationalevenant de faire de l’action contre les pires formes de travail des enfants ycompris les dangereuses l’une de ses priorités, comme il est dit dans la con-vention no 182, il est primordial d’intensifier les efforts pour élaborer des sys-tèmes de mesure de ces formes particulières de travail des enfants.

2 Aux fins de la convention no 182 de l’OIT, l’expression «les pires formes de travail desenfants« comprend:a) toutes les formes d’esclavage ou pratiques analogues, telles que la vente et la traite des

enfants, la servitude pour dettes et le servage ainsi que le travail forcé ou obligatoire, y com-pris le recrutement forcé ou obligatoire des enfants en vue de leur utilisation dans des con-flits armés;

b) l’utilisation, le recrutement ou l’offre d’un enfant à des fins de prostitution, de production dematériel pornographique ou de spectacles pornographiques;

c) l’utilisation, le recrutement ou l’offre d’un enfant aux fins d’activités illicites, notammentpour la production et le trafic de stupéfiants, tels que les définissent les conventions interna-tionales pertinentes;

d) les travaux qui, par leur nature ou les conditions dans lesquelles ils s’exercent, sont suscepti-bles de nuire à la santé, à la sécurité ou à la moralité de l’enfant.

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Page 6: L‘économie du travail des enfants: un cadre de mesure

294 Revue internationale du Travail

Développement des enfantsLes enfants se développent rapidement et acquièrent des compétences et

des connaissances en vue de devenir des adultes et des citoyens productifs. Lesconnaissances et les compétences s’acquièrent grâce aux formes institution-nelles d’éducation (par exemple, la lecture, l’écriture et l’arithmétique), ainsique grâce à l’expérience professionnelle et pratique (par exemple, l’autono-mie, la responsabilité , les qualifications et les connaissances traditionnelles).

Une préoccupation majeure suscitée par le travail des enfants tient aufait que celui-ci est un obstacle à la fréquentation et aux bons résultatsscolaires. Cependant, il convient d’être prudent et de ne pas présumer quetoutes les formes du travail des enfants affectent systématiquement la fré-quentation et les résultats scolaires. Il est évident que le travail à temps plein(qu’il soit dangereux ou non) est incompatible avec la scolarité et les résultatsscolaires, mais cela n’est pas forcément le cas du travail à temps partiellorsqu’il a lieu pendant les vacances solaires et qu’il dure quelques heures parsemaine pendant la période scolaire. Certes, on ne peut dire avec certitude àpartir de quel nombre d’heures de travail effectuées en période scolaire lesrésultats scolaires seraient affectés, mais il est probable que cette duréedevrait être d’au moins 2 à 3 heures par jour ou de 15 heures environ parsemaine 3. Il importe également de garder à l’esprit que l’enseignement reçuest en grande partie fonction de la qualité des établissements scolaires.

Des qualifications et des connaissances précieuses peuvent égalementêtre acquises dans le cadre du travail (Boyden et coll., 1998) bien que, d’unemanière générale, les programmes et les mesures visant à éliminer le travaildes enfants n’en tiennent pas compte. Il importe, en outre, de reconnaître quel’école elle-même peut parfois être la cause du travail des enfants – soit parceque ceux-ci ont besoin d’argent pour payer leurs études soit parce qu’ils ontune vision négative de l’école, peut-être en raison de la violence dont ils ysont victimes (Boyden et coll., 1998).

Les indicateurs qui représentent le développement des enfants et leurinstruction dans le tableau 1 sont mal mesurés à l’heure actuelle. Des indica-teurs supplétifs sont généralement utilisés. Pour l’instruction acquise àl’école, on part presque toujours du principe qu’elle correspond au nombre deniveaux atteints par un enfant. Cela est regrettable. Premièrement, parce queles écoles sont de si mauvaise qualité dans certains pays que nombred’enfants n’y apprennent pas grand-chose. Deuxièmement, parce que cetteapproche ne tient aucunement compte du fait que les travaux légers et non

3 Selon une étude réalisée au Ghana, la scolarité est affectée lorsque le temps de travaildépasse 10 heures (Addison et coll., 1997). Il ressort d’une étude effectuée aux Etats-Unis que lesrésultats scolaires des enfants âgés de 12 à 17 ans sont affectés par 15 heures ou plus de travail heb-domadaire (Steinberg et Dornbush, 1991, cités dans un rapport du Gouvernement des Pays-Bas,1997). Des résultats quelque peu différents sont donnés pour les Etats-Unis par D’Amico (1984),qui a constaté qu’une durée du travail supérieure à 20 heures par semaine augmentait le taux d’aban-don tandis qu’il existait un lien entre une durée de travail moindre et des diplômes de niveaux supé-rieurs.

Page 7: L‘économie du travail des enfants: un cadre de mesure

L’économie du travail des enfants: un cadre de mesure 295

dangereux peuvent contribuer à l’acquisition de connaissances pratiques. Enfait, face au choix entre un travail non dangereux et une école médiocre oul’oisiveté, les familles et les enfants pourraient logiquement conclure que letravail non dangereux est plus utile aux enfants que l’école ou l’oisiveté. Troi-sièmement, parce qu’il est rare que le nombre total d’heures de travail soitmesuré. En outre, les travaux domestiques et la garde d’enfants ne sont pasconsidérés comme des activités économiques selon la définition internatio-nale du travail et ne relèvent donc pas, par définition, du travail des enfants.Pourtant, de nombreuses petites filles consacrent de longues heures aux tra-vaux domestiques et à la garde d’enfants et, de ce fait, ne vont pas à l’école.Elles sont aussi désavantagées quant à la capacité de fréquenter l’école et d’yobtenir de bons résultats que le sont les garçons qui travaillent à plein temps.Quatrièmement, parce que le travail accompli en période scolaire est rare-ment pris en compte. Pourtant, le nombre total d’heures de travail ainsi effec-tuées est l’élément important qui permet de déterminer si la fréquentation etles résultats scolaires sont affectés. Certaines de ces questions relatives à lamesure du travail des enfants sont abordées plus loin.

Incidence du travail des enfants sur l’économie et le marché du travail

Le travail des enfants produit sur l’économie et le marché du travail uncertain nombre d’effets importants dont les responsables politiques devraientse soucier. Ces questions comprennent celles qui concernent le niveau micro-économique (famille) et celles qui concernent le niveau macroéconomique etmésoéconomique et le marché du travail (voir le tableau 1).

niveau microéconomique (famille):— revenus et survie de la famille.niveau macroéconomique et marché du travail:— marchés du travail (par exemple taux de rémunération et chômage

des adultes);— croissance et développement économiques.

Le travail des enfants constitue une importante source de revenu pourles familles pauvres. Selon l’opinion la plus répandue, la pauvreté est la prin-cipale (mais pas la seule) cause du travail des enfants dans les pays pauvreset la survie de nombreuses familles pauvres dépend du revenu en espèces eten nature produit par la main-d’œuvre enfantine.

Au niveau microéconomique (famille), les difficultés auxquelles lesfamilles et les enfants pauvres seraient confrontés si, à court terme, le travaildes enfants devait être supprimé constituent une source de préoccupation. Parconséquent, les programmes visant le travail des enfants devraient prendre encompte le besoin de revenus des familles pauvres, ainsi que les conséquencesqu’entraînerait pour la survie de ces familles un arrêt total du travail desenfants. Il serait par exemple utile d’instituer des transferts de revenus ciblés

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296 Revue internationale du Travail

et/ou des aides en faveur des familles pauvres dont les enfants sont à l’école;d’adapter le calendrier scolaire pour permettre aux enfants de travailler enpleine saison et à temps partiel si nécessaire; d’offrir aux adultes, hommes etfemmes, en remplacement du travail des enfants, la possibilité de produiredes revenus. Cela implique également qu’il faut des écoles de qualité pourencourager et justifier les sacrifices que doivent consentir les familles pouréliminer le travail des enfants. Il faudrait étudier et analyser davantage lesdéterminants des travaux dangereux et non dangereux, y compris les pointssuivants: rôle de la pauvreté et recensement des situations dans lesquelles lapauvreté n’est pas un obstacle à l’élimination du travail des enfants; rôle desemployeurs et demande de main-d’œuvre enfantine; rôle joué par la manièredont les enfants et les parents perçoivent la qualité des écoles et les possibili-tés du marché du travail.

Abordons maintenant les questions d’ordre macroéconomique et liéesau marché du travail. De l’avis général, le travail des enfants supplante celuides adultes et, en conséquence, réduit les taux salariaux et/ou accroît le tauxde chômage des adultes – c’est-à-dire qu’il influe négativement sur les con-ditions de travail des travailleurs adultes (Cour suprême des Etats-Unis,1972). On constate que le travail des enfants produit incontestablement, àl’heure actuelle, les mêmes effets négatifs sur le marché du travail dans lespays en développement, en particulier pour les salariés les moins instruits etles moins qualifiés, car ce type de travail est presque exclusivement de naturenon spécialisée.

Toutefois, ces hypothèses appellent quelques réserves importantes. Lestravaux dangereux et les travaux non dangereux devraient en principe avoirdes effets analogues sur le marché du travail. Par contre, l’incidence du travailrémunéré des enfants sur le marché du travail devrait différer substantielle-ment de celle des travaux familiaux ou domestiques non rémunérés puisqueseule la première catégorie de travail vise directement le marché du travail.De fait, il se peut que certaines tâches familiales non rémunérées effectuéespar des enfants n’aient pas de lourdes conséquences sur le marché du travail.Les réserves susmentionnées signifient qu’il existe de toute évidence unerelation négative entre le travail des enfants et les conditions de travail desadultes, mais que cette relation n’est pas nécessairement importante pour tou-tes les formes du travail des enfants; de même, un enfant astreint au travail demoins n’équivaudra pas forcément à un travailleur adulte de plus, commecela a souvent été affirmé.

Un deuxième ensemble important d’effets macroéconomiques liés àl’élimination des pires formes de travail des enfants dont les dangereusesainsi que du type de travail qui affecte les résultats scolaires se rapporte à lacroissance et au développement économiques accrus qui en découleraient àlong terme (Basu et coll., 1998). Les économies qui reposent sur une main-d’œuvre enfantine non scolarisée se placent dans un cycle vicieux où la pau-vreté se perpétue de génération en génération. Par contre, l’élimination du tra-vail des enfants conjuguée à une amélioration de l’enseignement pourrait

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L’économie du travail des enfants: un cadre de mesure 297

contribuer à l’établissement d’un cycle vertueux d’accroissement des revenuset de développement économique, avec les mutations probables suivantes:

— renforcement de la productivité de la main-d’œuvre et croissance éco-nomique à long terme en raison de l’augmentation des ressourceshumaines et de la diminution des coûts de santé;

— recul de la pauvreté et plus grande égalité dans la distribution des reve-nus en raison de la progression des salaires relatifs de la main-d’œuvrenon qualifiée, par suite de la réduction de l’offre de main-d’œuvreenfantine non qualifiée;

— augmentation des dépenses d’équipement et évolution technique, étantdonné que les capitalistes tiennent compte de l’accroissement des tauxsalariaux;

— intensification de la croissance économique grâce au «dividende démo-graphique« obtenu du fait de la baisse du taux de fécondité et du taux decroissance démographique découlant d’une amélioration du niveaud’instruction et d’une compression de la main-d’œuvre enfantine;

— développement de la démocratie et plus grande prise de conscience desdroits grâce à une amélioration du niveau d’instruction. Il s’agit là d’unpoint non négligeable, la démocratie étant aujourd’hui reconnue commeun important facteur contribuant à la compétitivité internationale.

Un grand nombre des affirmations ci-dessus concernant les effets dutravail des enfants au niveau macroéconomique et sur le marché du travailsont dictées par le bon sens; cependant, pour obtenir ces effets macroécono-miques positifs, la réduction de la main-d’œuvre enfantine doit s’accompa-gner d’une amélioration de la fréquentation et des résultats scolaires, ce quiimplique que les enfants devraient recevoir un enseignement de qualité et quede nombreuses familles pauvres devraient disposer d’autres sources de reve-nus durables. Il est nécessaire de procéder à une étude et à une analyse empi-riques de diverses situations concrètes dans le monde. Beaucoup plus deconnaissances sont nécessaires sur l’importance (et l’orientation dans le casde certaines formes de travail des enfants) de ces effets, à court et à longterme, pour les différentes formes de travail des enfants dans diverses confi-gurations macroéconomiques.

RésuméUn certain nombre de conclusions importantes peuvent être tirées de ce

qui précède.En premier lieu, les préoccupations suscitées par le travail des enfants

ne s’arrêtent pas au bien-être et au développement des enfants, elles s’éten-dent aussi aux effets que ce type de travail a, au niveau macroéconomique etsur le marché du travail, pour une série d’institutions et d’intervenants.

En deuxième lieu, comme pour plusieurs raisons le travail des enfantsest une source de préoccupation, son élimination peut se justifier de trois

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298 Revue internationale du Travail

manières: pour des motifs économiques, par souci du développement desenfants, et pour des raisons humanitaires et morales.

En troisième lieu, il arrive que les trois justifications susmentionnéessoient mutuellement incompatibles. Par exemple, la suppression, dans lesusines, des formes non dangereuses du travail des enfants devrait accroître lenombre des emplois occupés par les adultes et faire monter les taux de rému-nération, mais elle pourrait en même temps affecter le bien-être des enfants sil’on empêche ces derniers de travailler dans le secteur structuré alors qu’iln’existe pas d’écoles ou que l’enseignement est de mauvaise qualité; une tellesuppression pourrait forcer les enfants pauvres à accepter un travail plus dan-gereux dans le secteur non structuré afin de contribuer à assurer la survie dela famille.

En quatrième lieu, les différentes formes du travail des enfants entraî-nent diverses conséquences pour chacun des trois sujets de préoccupationmentionnés ci-dessus. Certaines formes de travail des enfants (par exempleles pires formes y compris les dangereuses) ont des effets négatifs dans lestrois cas, sauf éventuellement en ce qui concerne les questions microécono-miques liées aux familles pauvres et à leur besoin de revenus. D’autres for-mes de travail des enfants (par exemple le travail rémunéré non dangereux quiaffecte les résultats scolaires) sont préjudiciables au développement desenfants et aux deux préoccupations d’ordre économique, mais pas forcémentà la protection des enfants. Toutefois, d’autres formes de travail sont accep-tables au regard des trois sujets de préoccupation mentionnés dans letableau 1. Par exemple, les tâches familiales non dangereuses et non rémuné-rées pourraient contribuer à accroître le revenu de la famille, avoir peu ou pasd’incidence négative sur le marché du travail ou sur la croissance économi-que, ne pas affecter l’apprentissage et ne pas représenter une exploitation ounuire physiquement ou moralement aux enfants.

En cinquième lieu, les trois sujets de préoccupation indiqués ci-dessuset dans le tableau 1 sont autant d’arguments qui militent en faveur d’une poli-tique gouvernementale renforçant les transferts de revenus vers les familleset les familles et des enfants pauvres. Autrement dit, l’élimination des formesinacceptables du travail des enfants devrait figurer au cœur de la politique dedéveloppement – dans le cadre d’une stratégie de développement axée sur lalutte contre la pauvreté et mettant l’accent sur l’instruction et la formation decapital humain, l’atténuation de la pauvreté et l’égalité entre les sexes.

Mesure du travail des enfants

Nombre d’enfants astreints au travail et nécessité d’adopter de nombreuses mesures

S’agissant du nombre d’enfants astreints au travail dans le monde, oncite le plus souvent le chiffre estimatif de 250 millions donné par le BIT (BIT,1996; Ashagrie, 1997). Il s’agit d’une estimation approximative, car l’on nedispose pas de données de bonne qualité concernant le travail des enfants

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L’économie du travail des enfants: un cadre de mesure 299

dans le cas de nombreux pays en développement. La difficulté de donner uneestimation du marché du travail est illustrée par le fait que le BIT a estiméqu’il y avait, en 1995, 73 millions d’enfants astreints au travail âgés de 10 à14 ans (selon des «informations statistiques très limitées obtenues d’une cen-taine de pays« (BIT, 1996, p. 7) et qui présentent de nombreuses failles sur leplan des concepts) 4. Par comparaison, le BIT a estimé, en 1996, qu’il y avait250 millions d’enfants âgés de 5 à 14 ans qui travaillaient, se fondant engrande partie sur des «enquêtes expérimentales réalisées par le Bureau de sta-tistique du BIT dans un certain nombre [4] de pays« (ibid, p. 7). Ces deux esti-mations du travail des enfants (73 ou 250 millions) montrent qu’il s’agit làd’un problème d’une importance majeure 5.

Une estimation globale de la main-d’œuvre enfantine répond certes audésir des décideurs politiques, des médias et du public d’avoir affaire à deschiffres simples, mais elle est incompatible avec la complexité du problèmeet avec la nécessité de disposer de plusieurs estimations du travail des enfantspour traiter des divers sujets abordés précédemment dans le présent article.

Il est nécessaire de disposer d’estimations particulières des différentstypes de travail des enfants en vue notamment de faire la distinctionentre les formes non dangereuses et les pires formes de travail desenfants dont les dangereuses.Des estimations assez précises du travail des enfants sont indispensablespour contrôler les progrès et évaluer les programmes. Des estimationsapproximatives sont peut-être utiles pour la défense de la cause 6, maisne sont pas suffisamment précises pour le contrôle et l’évaluation.Les dirigeants politiques et les responsables de programmes ont souventbesoin d’estimations assez précises de différents types de travail desenfants selon certaines caractéristiques (notamment zone géographique,branche d’activité, emploi, type de famille et revenu familial) afin defixer les priorités, d’attribuer les ressources, de contrôler les progrès etd’évaluer les programmes.

4 Ces estimations sont fondées en grande partie sur le travail des enfants dont il est renducompte dans les enquêtes et recensements nationaux portant sur la main-d’œuvre. Autrement dit, letravail des enfants âgés de 5 à 9 ans et également, dans de nombreux cas, des enfants âgés de 10 à11 ans est exclu des estimations, étant donné que, dans bon nombre d’enquêtes et de recensements,aucun renseignement n’est recueilli à propos des enfants de moins de 12 ans. Par ailleurs, les enquê-tes et recensements types ne cherchent pas spécialement, comme il le faudrait, à mesurer le travaildes enfants.

5 Depuis 1994, le BIT a collaboré avec des autorités nationales pour réaliser plus d’une dou-zaine d’enquêtes nationales spécialement consacrées à la main-d’œuvre enfantine. Les résultats deces enquêtes sont généralement cohérents avec les estimations plus élevées datant de 1996 (BIT/IPEC, 1996; Ashagrie, 2000).

6 Il convient de garder à l’esprit que les «statistiques destinées à la défense de la cause«, quidramatisent intentionnellement l’ampleur du travail des enfants, peuvent avoir une incidence défa-vorable inattendue sur la détermination des pouvoirs publics à éliminer ce type de travail. Une sures-timation de ce phénomène peut en effet donner l’impression que le problème est trop important pourque l’on puisse le résoudre.

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300 Revue internationale du Travail

Une seule estimation du travail des enfants, de par sa nature, peutinduire en erreur, du fait que différents types de travail sont représentés parun seul chiffre – d’où un mélange «de torchons et de serviettes«. Une seuleestimation devrait en principe englober tous les enfants qui travaillent, àsavoir: les enfants qui font un travail dangereux aussi bien que ceux qui fontun travail non dangereux; les enfants qui travaillent à plein temps ainsi queceux qui travaillent à temps partiel; les enfants rémunérés comme ceux quieffectuent des tâches familiales non rémunérées; les enfants scolarisés et ceuxqui ne le sont pas. A vrai dire, une meilleure qualité des données concernantle travail des enfants donnera probablement une mesure plus complète decelui-ci et il sera plus facile d’identifier le problème de mélange «de torchonset de serviettes«, puisque des études mieux conçues et réalisées permettraientd’identifier davantage de formes marginales et moins flagrantes du travail desenfants.

Les chercheurs se sont interrogés sur la nécessité de disposer de plu-sieurs mesures du travail des enfants et beaucoup estiment qu’il faut faire ladifférence entre le travail des enfants dans des conditions d’exploitation,«child labour«, et les autres formes de travail des enfants, «child work« (parexemple Boyden et coll., 1998; Myers, 1999; Anker, 1995). Dans cette opti-que, la première forme de travail est jugée mauvaise pour les enfants tandisque la seconde est considérée comme étant neutre ou bonne pour eux. Cer-tains auteurs (par exemple, White, 1996) vont même plus loin en plaidantpour l’application d’une série de mesures englobant l’éventail complet desformes de travail des enfants, des bonnes aux mauvaises.

Les conventions et recommandations de l’OIT reconnaissent que certai-nes formes de travail des enfants sont pires que d’autres et autorisent des dif-férences d’âge minimum d’admission à l’emploi selon le type de travail. Laconvention no 138 autorise un âge minimum plus bas dans les pays moinsdéveloppés (par exemple 14 ans) et pour les travaux légers et non dangereux(par exemple 12 ans) 7. La convention no 182 adoptée en 1999 demande quel’on redouble d’efforts pour supprimer les formes intolérables du travail desenfants (de moins de 18 ans). La législation nationale exclut souvent certainstypes de travaux légers de la prescription concernant l’âge minimum; environ60 pays excluent les entreprises familiales; la législation de quelque 135 paysstipule que des exceptions aux règles générales peuvent être accordées parl’autorité compétente (BIT, 1996).

7 L’article 7, paragraphe 1, de la convention no 138 de l’OIT stipule que les travaux légerssont ceux qui ne sont pas «a) susceptibles de porter préjudice à [la] santé ou [au] développement«des enfants; et b) ne sont pas de nature à porter préjudice à leur assiduité scolaire, à leur participationà des programmes d’orientation ou de formation professionnelles approuvés par l’autorité compé-tente ou à leur aptitude à bénéficier de l’instruction reçue« (BIT, 1985, p. 858). Les travaux nedoivent pas dépasser les horaires expressément prévus. La législation nationale dispose fréquem-ment que, pour être autorisés, les travaux en question doivent être effectués dans une exploitationfamiliale ou sous la surveillance des parents (BIT, 1996, p. 39).

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L’économie du travail des enfants: un cadre de mesure 301

Aspects de la mesure du travail des enfantsLa présente section porte sur certains aspects de la mesure du travail des

enfants. Comme il faut davantage de connaissances pour mesurer les aspectsdu travail des enfants mentionnés dans la section précédente et dans letableau 1, il y a lieu d’approfondir la réflexion et la recherche d’informations.La première sous-section qui suit traite de la définition du travail adoptée surle plan international et de ce que cela entraîne pour la mesure du travail desenfants. Les informations données devraient être utiles aux lecteurs non fami-liarisés avec la complexité des statistiques du travail, les estimations officiel-les du travail des enfants étant fondées, du moins en théorie, sur cettedéfinition. La deuxième sous-section décrit les pires formes de travail desenfants dont les dangereuses (sujet essentiel de la convention no 182 de l’OIT)ainsi que les difficultés que pose leur mesure. La troisième sous-section portesur la fréquentation et l’apprentissage scolaires et explique comment ces deuxexpressions ne sont pas forcément synonymes. La quatrième sous-sectionanalyse la possibilité de combiner école et travail et montre comment ce phé-nomène est en fait courant. La cinquième sous-section explique en quoi il estutile de mesurer les différents types de situation en matière d’emploi, dans lamesure où ils ont des effets très différents sur le marché du travail. On trou-vera dans Anker (2000) une analyse d’autres aspects de la mesure du travaildes enfants tels que exploitation, durée du travail et période de référence.

Travail et activité économiqueSelon la définition adoptée au niveau international, la population active

comprend les chômeurs et

toutes les personnes des deux sexes qui fournissent la main-d’œuvre disponiblepour la production de biens et services, comme définis par les systèmes de comp-tabilité et bilans nationaux des Nations Unies (BIT, 1983, p. I/2).

Cette définition de l’activité «économique« est très large car elle s’ins-pire de la définition des biens et services «économiques« donnée par les sys-tèmes de comptabilité et bilans nationaux des Nations Unies, à savoir:

Selon ces systèmes [de comptabilité nationale], la production de biens et servi-ces comprend toute la production et la transformation des produits primaires,que ceux-ci soient destinés au marché, au troc ou à l’autoconsommation. (Ibid, p. I/2).

Outre l’emploi salarié, l’activité économique comprend l’emploi nonsalarié et le travail familial non rémunéré effectué sur l’exploitation ou dansune entreprise familiale, ainsi que le travail familial non rémunéré se caracté-risant par une autoconsommation des produits et services primaires produits.En d’autres termes, l’agriculture de subsistance, les soins donnés aux animauxà des fins de subsistance, la construction et l’amélioration du logement et latransformation de produits alimentaires en vue de l’autoconsommation sontdes activités économiques selon la définition adoptée au niveau international.Comme beaucoup d’enfants contribuent à la marche des entreprises et des

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302 Revue internationale du Travail

exploitations familiales et aux soins apportés aux animaux, le taux d’activitééconomique des enfants devrait être relativement élevé dans les pays dotésd’un important secteur rural ou non structuré. C’est aussi pour cette raison quel’on observe parfois que le taux de participation de la main-d’œuvre enfantineest plus élevé dans les foyers ruraux possédant des terres que dans les foyersruraux plus pauvres sans terres (Addison et coll., 1997; Levison, 1991).

Il existe une abondante documentation sur les difficultés théoriques etpratiques que pose la mesure de la participation des femmes à la main-d’œuvre (par exemple Anker et coll., 1988; Dixon-Mueller et Anker, 1988).Cette documentation souligne le suivi insuffisant et l’invisibilité de l’activitééconomique des femmes, l’absence d’une évaluation de leur contribution àl’économie et au marché du travail, ainsi que les raisons de cette situation. Onest en droit de penser que les problèmes sont identiques, qu’il s’agisse demesurer la main-d’œuvre enfantine ou la main-d’œuvre féminine (voir Levi-son, 1991 et Knaul, 1995). En fait, il est probable que, dans les enquêtes surl’activité économique, la communication de renseignements concernant lamain-d’œuvre enfantine est encore plus insuffisante que pour la main-d’œuvre féminine. Premièrement, il y a de fortes chances pour que le pour-centage des enquêteurs et personnes interrogées qui pensent que les élèves etles enfants ne travaillent pas soit supérieur à celui de ceux qui pensent quetoutes les femmes adultes ne travaillent pas. Deuxièmement, l’activité écono-mique des enfants est intrinsèquement plus difficile à mesurer que celle desfemmes car la probabilité est plus grande que les enfants travaillent à tempspartiel ou assument des tâches familiales non rémunérées 8.

Si l’on met provisoirement de côté les difficultés pratiques que pose lacollecte de données concernant les travailleurs, il est évident que le fait desavoir si un enfant a une activité économique ou non ne nous apprend pasgrand-chose sur les questions relatives au travail des enfants indiquées dans

8 On trouvera des indications utiles sur la façon de mieux mesurer le travail des enfants dansles enquêtes expérimentales menées par le BIT en 1992-93 dans certaines régions du Ghana, del’Inde, de l’Indonésie et du Sénégal (BIT/IPEC, 1996) et dans les études méthodologiques, telles quecelles qui ont été effectuées dans les zones rurales de l’Egypte et de l’Inde par l’auteur (Anker etcoll., 1988; Anker, 1990 et 1995) pour mieux mesurer l’activité économique de la main-d’œuvreféminine adulte. Dans le cadre de ces études méthodologiques, on a analysé comment les réponsesapportées concernant cette activité étaient influencées par la conception du questionnaire et les ques-tions spécifiques posées; le sexe de l’enquêteur; le type de la personne interrogée; la définition de lapopulation active. On a relevé que les questions comportant des mots-clés (par exemple: quelle estvotre principale activité? Avez-vous travaillé? Avez-vous travaillé contre rémunération ou pour réa-liser un profit?) donnaient lieu à des réponses qui sous-estimaient la main-d’œuvre féminine. Lesréponses à un questionnaire portant sur une liste d’activités précises ont suscité des réponses beau-coup plus complètes de la part des personnes interrogées sur l’activité de la main-d’œuvre féminine.En outre, les questions comportant des mots-clés ont permis de mieux mesurer l’emploi fémininrémunéré et le travail à plein temps effectué sur les exploitations ou dans les entreprises familialesque le travail non rémunéré effectué par les femmes au sein de la famille, le travail à temps partielet le travail saisonnier. Par ailleurs, la main-d’œuvre féminine rémunérée était sous-estimée dans lesréponses données dans les zones rurales de l’Egypte (mais pas dans les zones rurales de l’Inde) parles hommes, peut-être parce que ces derniers avaient honte d’indiquer que les femmes dans leursménages étaient des salariées.

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L’économie du travail des enfants: un cadre de mesure 303

le tableau 1 – par exemple, la question de savoir si le travail est dangereux,quel est le nombre d’heures de travail effectif, si le travail affecte la scolaritéet s’il a une incidence directe sur l’emploi des adultes. Des questionnaires etprogrammes de suivi sont nécessaires pour en apprendre davantage sur cesaspects du travail des enfants. Certains aspects pertinents de la mesure du tra-vail des enfants sont analysés dans le reste de la présente section.

Travaux dangereux 9

Il est devenu encore plus urgent de mesurer les pires formes de travaildes enfants dont les dangereuses avec l’adoption en 1999 de la conventionno 182 de l’OIT axée sur les «pires formes de travail des enfants«, et quienglobe dans celles-ci:a) toutes les formes d’esclavage ou pratiques analogues, telles que la

vente et la traite des enfants, la servitude pour dettes et le servage ainsique le travail forcé ou obligatoire, y compris le recrutement forcé ouobligatoire des enfants en vue de leur utilisation dans des conflitsarmés;

b) l’utilisation, le recrutement ou l’offre d’un enfant à des fins de prostitu-tion, de production de matériel pornographique ou de spectacles porno-graphiques;

c) l’utilisation, le recrutement ou l’offre d’un enfant aux fins d’activitésillicites, notamment pour la production et le trafic de stupéfiants, telsque les définissent les conventions internationales pertinentes;

d) les travaux qui, par leur nature ou les conditions dans lesquelles ilss’exercent, sont susceptibles de nuire à la santé, à la sécurité ou à lamoralité de l’enfant (BIT, 1999a, article 3).

Les pires formes de travail des enfants mentionnées aux alinéas a), b) etc) sont clairement définies mais il est très difficile de les mesurer en raison deleur caractère illicite et immoral (et par conséquent souvent clandestin).L’alinéa d) («les travaux qui [...] sont susceptibles de nuire à la santé, à lasécurité ou à la moralité de l’enfant «) est moins clair. Sans aucun doute, il estplus facile de «reconnaître le phénomène lorsque vous le voyez« que de le

9 Il convient de noter que des formes dangereuses de travail des enfants existent égalementdans une certaine mesure dans les pays développés. Par exemple, la deuxième chaîne de vente audétail des Etats-Unis a dû payer récemment une amende de 325 000 dollars E.-U. (sans reconnaîtresa responsabilité ) pour mettre fin à des allégations selon lesquelles des jeunes de 16 et 17 ans mani-pulaient des machines telles qu’élévateurs à fourche, monte-charge, barres presse-papier, en viola-tion de la législation fédérale (Wall Street Journal Europe, 1999). Aux Etats-Unis, des enfants de lacommunauté des Amish (Old Amish Order) âgés de 15 à 17 ans, qui sont légalement exemptés descolarité dans le cadre de la protection des libertés religieuses (Cour suprême des Etats-Unis, 1972),ont été récemment exemptés de l’application de la loi qui interdit les travaux dangereux aux enfants(par exemple le travail dans les ateliers de menuiserie et les scieries généralement exploités par lafamille mais pouvant être dangereux) par un vote par acclamation de la Chambre des représentantsle 2 mars 1999 (International Herald Tribune, 1998; BNA, 1999).

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Page 18: L‘économie du travail des enfants: un cadre de mesure

306 Revue internationale du Travail

définir et de recueillir des renseignements en vue de le mesurer. La conven-tion no 182 renvoie à la législation nationale pour la détermination de ce tra-vail: «Les types de travail visés à l’article 3 d) [de la convention no 182]doivent être déterminés par la législation nationale ou l’autorité compétente[...] en prenant en considération les normes internationales pertinentes, et enparticulier les paragraphes 3 et 4 de la recommandation sur les pires formesde travail des enfants, 1999.« (BIT, 1999a, article 4, paragr. 1). Selon cetterecommandation (no 190, dont les dispositions complètent celles de la con-vention no 182), en déterminant les types de travail dangereux, il faudraitprendre en considération:a) les travaux qui exposent les enfants à des sévices physiques, psycholo-

giques ou sexuels;b) les travaux qui s’effectuent sous terre, sous l’eau, à des hauteurs dange-

reuses ou dans des espaces confinés;c) les travaux qui s’effectuent avec des machines, du matériel ou des

outils dangereux, ou qui impliquent de manipuler ou porter de lourdescharges;

d) les travaux qui s’effectuent dans un milieu malsain pouvant, par exem-ple, exposer des enfants à des substances, des agents ou des procédésdangereux, ou à des conditions de température, de bruit ou de vibra-tions préjudiciables à leur santé;

e) les travaux qui s’effectuent dans des conditions particulièrement diffi-ciles, par exemple pendant de longues heures, ou la nuit, ou pour les-quels l’enfant est retenu de manière injustifiée dans les locaux del’employeur (BIT, 1999b, paragr. 3).Le tableau 2 présente une synthèse utile de la manière dont les formes

dangereuses et interdites du travail des enfants sont définies dans la législa-tion nationale. Quatre critères généraux sont appliqués: i) interdiction géné-rale; ii) interdiction dans certaines branches d’activité ou professions;iii) environnement physique interdit; iv) interdiction de certains agents ouproduits. Le plus généralement, la législation nationale définit quelles profes-sions ou quelles branches d’activité sont dangereuses pour les enfants.

Mesurer les travaux dangereux pose un certain nombre de problèmes. Ilest urgent d’effectuer des travaux méthodologiques et pratiques sur le terrainpour faire progresser le point des connaissances. Il faudrait appliquer un cer-tain nombre de méthodes pour voir laquelle est la plus efficace dans différen-tes situations. Par exemple, on pourrait recourir à des techniques rapidesd’évaluation et à des déclarants sérieux (comme indiqué dans Rahmann(1996)) pour identifier les branches d’activité et les professions dangereusesqui occupent un nombre important d’enfants. Des données pourraient alorsêtre collectées auprès d’échantillons représentatifs de travailleurs dans lesbranches d’activité et les professions ainsi identifiées. Une deuxièmeméthode consisterait à enquêter sur l’utilisation d’agents ou de produits dan-gereux par les enfants au travail ou sur l’exposition de ces derniers. Des

Page 19: L‘économie du travail des enfants: un cadre de mesure

L’économie du travail des enfants: un cadre de mesure 307

questions sans objectif bien défini ou des questions orientées pourraient êtreposées. Une troisième méthode consisterait à demander si des enfants ontsouffert de blessures ou de maladies causées par leur travail. Selon une qua-trième méthode, l’on pourrait demander aux personnes interrogées si, d’aprèselles, le travail effectué par un enfant a nui «à [sa] santé, à [sa] sécurité ou à[sa] moralité«. Bien que, comme c’est le cas pour toute question subjective,les réponses ne correspondent pas forcément à la réalité, des questions de cetype donneraient un aperçu utile de ce que les gens considèrent comme dan-gereux et seraient précieuses pour les responsables politiques.

Un autre problème important lié à la mesure des pires formes de travaildes enfants dont les dangereuses dans le cadre d’enquêtes nationales est dû aufait que l’incidence de ces formes de travail est souvent fortement concentréedans des zones géographiques et branches d’activité particulières. Il s’ensuitque leur mesure dans le cadre d’enquêtes nationales peut varier considérable-ment en fonction des échantillons. Par exemple, il serait fort peu probablequ’une étude nationale représentative effectuée en Inde prenne commeéchantillon la ville de Firozabad, qui produit la totalité des bracelets en verreindiens, souvent grâce à une main-d’œuvre enfantine (voir Anker et coll.,1998), en raison de sa population relativement faible; par conséquent, il yaurait peu de chances pour qu’une telle enquête nationale détermine l’exis-tence d’enfants travaillant dans le secteur dangereux des bracelets en verre. Ilen découle que, pour obtenir des estimations assez précises du nombred’enfants travaillant dans des branches d’activité et des professions particu-lières, il est nécessaire de disposer d’échantillons significatifs et de réaliserdes études qualitatives et quantitatives dans les localités où ces industries sontconcentrées.

Ecole, apprentissage et travailL’école est la principale alternative au travail des enfants (Weiner,

1991), l’instruction et des compétences en mathématiques étant de plus enplus importantes dans l’environnement technique en rapide mutationd’aujourd’hui et compte tenu de l’actuelle mondialisation de l’économie. Del’avis général, la suppression du travail des enfants doit aller de pair avec uneamélioration de l’enseignement scolaire. Il convient de noter deux aspects decette relation, remis en question dans ce paragraphe: i) fréquentation scolaireet apprentissage ne sont pas synonymes comme on le croit généralement; etii) la rentabilité de l’instruction pour les enfants pauvres est relativement fai-ble en grande partie à cause de la médiocrité et de la rareté des écoles, ce quiréduit considérablement l’intérêt de l’école pour bon nombre de ces enfants.

Bien que le nombre d’années de scolarisation (et même bien plus, lenombre de niveaux atteints) soient souvent de bons indicateurs supplétifs del’apprentissage et des connaissances acquises, bien trop souvent les enfantsscolarisés n’apprennent pas grand-chose. Il en est ainsi dans tous les pays,qu’ils soient développés ou en développement, comme en témoigne une

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308 Revue internationale du Travail

récente étude du PNUD portant sur 12 pays développés, qui a constaté, parexemple, que 21 pour cent des adultes aux Etats-Unis et 22 pour cent desadultes au Royaume-Uni étaient illettrés en ce sens qu’ils étaient incapablesde lire une facture de gaz ou un journal, ou d’effectuer des opérations arith-métiques simples (Clarity, 1999). Dans certains pays en développement, il estmalheureusement vrai que les écoles sont si mauvaises qu’on pourrait lesconsidérer comme dangereuses pour les enfants, qui y sont victimes d’abus.Dans un trop grand nombre d’écoles, les enfants doivent rester assis dans unecertaine position pendant très longtemps; ils sont entassés dans de petites sal-les, d’où un environnement propice à la transmission de maladies; ils sontvictimes de violences morales, étant souvent critiqués et humiliés; ils sontvictimes d’abus physiques lorsque des punitions corporelles sont appliquées.

En règle générale, les économistes analysent la valeur de l’école en esti-mant la rentabilité de l’enseignement à partir de ce que gagnent les adultes àdes niveaux d’instruction différents bien que l’utilité d’une telle approche soitde plus en plus remise en question par les économistes du travail (par exempleBloom et Williamson, 1997). L’un des problèmes majeurs soulevés par cetteapproche – qui n’est généralement pas prise en compte mais qui mérite unecertaine attention dans le contexte du travail des enfants – tient au fait que,pour les foyers pauvres, la rentabilité moyenne de l’enseignement sera proba-blement plus faible en raison de la médiocrité des écoles et de la discrimina-tion pratiquée sur le marché du travail. Sur ce point, les différences entrehommes et femmes sont également importantes.

Pour faciliter l’élaboration de la politique relative au travail des enfants,des renseignements devraient être régulièrement collectés concernant lespoints forts et les points faibles de l’enseignement et de la scolarité. De telsrenseignements viendraient compléter de manière particulièrement utile lesétudes portant sur la main-d’œuvre enfantine. Il serait intéressant d’incluredans ces études de courts tests destinés à évaluer les connaissances de base desenfants en matière de lecture et d’écriture, étant donné qu’il est important desavoir quel volume de connaissances ils acquièrent effectivement à l’école. Ilserait également utile de mieux comprendre comment les familles et lesenfants pauvres considèrent l’école et comment ils perçoivent la rentabilité del’enseignement. Que pensent-ils de la qualité de l’école, de l’engagement desenseignants, de la pertinence du cursus pour l’acquisition de qualifications,des chances d’acquérir une instruction et un diplôme, des possibilité s quis’offrent sur le marché du travail des adultes, de la possibilité pour les enfantsd’acquérir des qualifications par le travail, du coût de la scolarité, et de l’éven-tuelle discrimination à l’école et sur le marché du travail? De tels renseigne-ments permettraient de mieux comprendre la situation telle qu’elle est perçuepar les enfants et les foyers pauvres. Il se peut que, dans certaines circonstan-ces, la logique veuille que les familles pauvres fassent travailler leurs enfantsplutôt que de les envoyer à l’école, compte tenu de la faible rentabilité quereprésente l’enseignement pour eux. Dans d’autres situations, la perception deces familles pourrait être due à une information erronée ou inadéquate.

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L’économie du travail des enfants: un cadre de mesure 309

Combiner école et travailGénéralement, la scolarisation et le travail des enfants passent pour

s’exclure mutuellement. En d’autres termes, la fréquentation scolaire empê-cherait de travailler. Toutefois, les faits montrent qu’il n’en n’est rien.

Selon des données d’études provenant de divers pays (tableau 3), bonnombre d’enfants fréquentent l’école tout en travaillant et beaucoup d’enfantsqui travaillent vont à l’école. Dans les zones rurales du Ghana et de la Côted’Ivoire et selon des données d’études de la Banque mondiale, par exemple,environ 50 pour cent des enfants scolarisés âgés de 7 à 14 ans travaillent etenviron 70 pour cent des enfants qui travaillent vont à l’école (Bhalotra etHeady, 1998; Grootaert, 1998). Selon une étude de Rädda Barnen portant sur200 enfants astreints au travail dans cinq pays en développement, la plupartdes enfants attachaient de la valeur à l’instruction, mais 72 pour cent préfé-raient combiner école et travail (Boyden et coll., 1998). De fait, on devraits’attendre à ce qu’un pourcentage élevé d’enfants scolarisés travaillent, enparticulier dans les pays en développement où les enfants passent relative-ment peu de temps à l’école (au Bangladesh, par exemple, la journée scolairene dure que deux heures et l’année scolaire ne compte que 120 jours)10 et oùil existe un important secteur de propriétaires-exploitants dans lequel lesenfants aident aux travaux des exploitations familiales.

Dans les pays à revenu élevé, il est également courant que les enfantsscolarisés travaillent. Au Royaume-Uni notamment, la majorité des enfantsavait occupé un type quelconque d’emploi rémunéré vers 14 ou 15 ans (Lave-lette et coll., 1995). Aux Etats-Unis, plus de la moitié des enfants de 14 ansfont un travail ou un autre pendant l’année selon le Bureau américain des sta-tistiques du travail (Wall Street Journal Europe, 1999).

Les responsables des politiques et des programmes ayant trait au travaildes enfants, ainsi que les éducateurs et les planificateurs du développementdans les pays en développement, peuvent tirer un enseignement important decette situation, à savoir que les enfants scolarisés effectuent fréquemment destravaux non dangereux et que ceux-ci sont souvent indispensables à la surviede la famille. Il en découle que les calendriers scolaires devraient être syn-chronisés avec les périodes où les enfants sont le plus nécessaires pour les tra-vaux familiaux, par exemple les saisons agricoles en milieu rural; que lesméthodes d’enseignement devraient tenir compte du fait que de nombreuxélèves ont déjà une certaine expérience pour leur âge; et que le cursus devraitcomprendre des aspects extrêmement pratiques compte tenu du fait que denombreux élèves commenceront à travailler à plein temps en tant que jeunesou jeunes adultes.

10 Les données recueillies dans le monde montrent que l’école n’occupe pas les enfants àtemps plein. Dans les pays en développement comme dans les pays développés, l’année scolairemoyenne s’étend approximativement sur 200 jours et 1 000 heures (Lee et Barro, 1998).

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310 Revue internationale du Travail

Autre conséquence pour l’action des pouvoirs publics, l’école pourraitêtre un point de départ utile pour réduire les formes dangereuses du travail desenfants et l’exploitation de ces derniers car elle les informerait de leurs droitsainsi que de la manière dont les travaux dangereux pourraient être éliminés.De tels renseignements pourraient s’avérer particulièrement utiles pour lesenfants qui accomplissent des travaux dangereux sur l’exploitation ou dansune entreprise familiale. L’exploitation des enfants salariés pourrait êtreréduite si l’école donnait des armes aux enfants en les informant de leursdroits.

Au vu de ces considérations, les enquêtes portant sur les ménagesdevraient tenir compte du calendrier scolaire dans les renseignements concer-

Tableau 3. Combinaison de la scolarité et du travail dans certains pays en développement, d’après une sélection de données d’enquŒtes

Pays Année Source des données

Groupe d’âge

Pourcentage d’enfants scolarisés et qui travaillent aussia

Pourcentage d’enfants qui travaillent et qui sont aussi scolarisésa

Garçons Filles Garçons Filles

Bolivie(zones urbaines) 1993

Enquête nationaleb 7-17 4,1c 56,3 62,0c

Cambodge 1996 SIMPOC 5-14 ... ... 53,9 45,8

Côte d’ Ivoire 1988 LSMS 7-14 52,6c 63,4c

Ghana (zones rurales) 1991-1992 LSMS 7-14 46,0 44,9 72,1 68,3Inde 1992-1993 BITd 5-14 2,9

(zonesurbaines)d12,0(zonesrurales)d

3,0(zonesurbaines)d13,0(zonesrurales)d

... ...

Indonésie 1992-1993 BITe 10-14 ... ... 28,9 11,5

Népal 1996 SIMPOC 5-14 ... ... 73,7 50,9Pakistan(zones rurales) 1991 LSMS 10-14 15,5 8,1 39,3 9,7Pakistan 1996 SIMPOC f 5-14 40,4 11,0 35,4 8,2Turquie 1994 SIMPOC 6-14 4,6 3,2 43,1 37,4

Notes: LSMS: The World Bank’s Lining Standards and Measurement Survey. SIMPOC: Programme d’information statistique et de suivi sur le travail des enfants.a Les résultats diffèrent selon les pays en raison des différences qui existent dans la définition du travail desenfants, le groupe d’âge considéré, la questionnaire utilisé pour l’enquête, et la couverture de l’enquête (zonesrurales, zones urbaines ou ensemble des zones). b Dix grandes zones métropolitaines considérées. c Populationtotale masculine et féminine. d Moyenne non pondérée des districts de Surat et de Surendranagar dans l’Etat deGujarat. e Municipalité de Bandung et Bandung Regency. f L’échantillon a été limité aux ménages qui, selon leurréponse à un questionnaire, étaient concernés par le travail des enfants.

Sources: Bhalotra et Heady (1998) pour le Ghana et pour le Pakistan 1991; Grootaert (1998) pour la Côted’Ivoire; Cartwright et Patrinos (1998) pour la Bolivie; Gouvernement du Pakistan (1996) pour le Pakistan 1996;BIT/IPEC (1995) pour le Népal; BIT/IPEC (1996) pour l’Inde et l’Indonésie; Institut national de statistique du Cam-bodge (1997) pour le Cambodge; Gouvernement de la Turquie (1997) pour la Turquie.

Page 23: L‘économie du travail des enfants: un cadre de mesure

L’économie du travail des enfants: un cadre de mesure 311

nant le travail des enfants. Les questions devraient porter sur le travail desenfants pendant la période scolaire pour déterminer s’il peut y avoir incom-patibilité avec l’école. Les autres questions devraient porter sur le travail desenfants pendant les vacances scolaires. Autre enseignement, il faudraitenquêter sur la durée des études et la régularité de la fréquentation scolaire.

Situation au regard de l’emploi et travaux domestiques

Il est nécessaire de collecter des données statistiques distinctes concer-nant la situation des enfants au regard de l’emploi. On peut également fairevaloir qu’il y a lieu de collecter des renseignements sur le sujet du temps con-sacré aux travaux domestiques et à la garde d’enfants.

Les emplois rémunérés, les activités non salariées et les travaux fami-liaux non rémunérés constituent les différentes catégories de travail. Il estnécessaire de les différencier car ils ont des effets très différents sur le marchédu travail, l’économie et la famille. Ainsi, les emplois salariés (par rapportaux travaux familiaux non rémunérés) ont une incidence bien plus considéra-ble sur la situation du marché du travail et sont probablement plus dangereux.

Les travaux domestiques et la garde d’enfants ne constituent pas uneactivité économique selon la définition du travail adoptée sur le plan interna-tional et ne devraient donc pas en principe être considérés comme relevant dutravail des enfants. Toutefois, ces tâches pèsent lourdement sur le développe-ment des enfants (et plus particulièrement sur celui des filles), étant donnéque les longues heures consacrées aux travaux domestiques et à la garded’enfants perturbent souvent la fréquentation et les résultats scolaires. Cettesituation constitue un aspect majeur de l’inégalité entre les sexes pour ce quiest du travail des enfants.

ConclusionsQu’implique le cadre décrit dans cet article pour les gouvernements

des pays en développement? Qu’implique-t-il pour les organisations inter-nationales qui mettent en œuvre des programmes se rapportant au travail desenfants, notamment l’OIT, l’UNICEF et la Banque mondiale? Quellesdevraient être les priorités des programmes de lutte contre le travail desenfants? Les questions relatives au travail des enfants devraient-elles êtretraitées dans un programme spécifique distinct ou intégrées aux activités deprogrammes réguliers?

Le cadre décrit et les questions examinées dans le présent article don-nent à penser qu’une approche à deux volets est justifiée en ce qui concernele travail des enfants. L’élimination des pires formes de travail des enfantsdont les dangereuses devrait être traitée dans un programme séparé consacréau travail des enfants, tandis que les activités visant à supprimer les formesnon dangereuses mais inacceptables du travail des enfants devraient être en

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312 Revue internationale du Travail

grande partie intégrées dans l’action régulière des programmes, des organisa-tions internationales et des ministères du travail.

Un programme spécifique tendant essentiellement à éliminer les piresformes de travail des enfants dont les dangereuses serait clairement ciblé(protection des enfants) et bénéficierait d’un large soutien. Il existe déjà à cetégard un consensus international comme en témoigne l’adoption de laconvention no 182 de l’OIT. L’objectif d’un tel programme serait réalisable,étant donné que les enfants qui sont impliqués dans les pires formes de travaildes enfants dont les dangereuses dans les pays à faible revenu constituent uneminorité distincte des enfants astreints au travail dans le monde (Somavia,1999).

Même si la protection des enfants est le principal objectif d’un pro-gramme visant spécifiquement à éliminer les pires formes de travail desenfants dont les dangereuses, les activités entreprises ne peuvent être effica-ces que si elles prennent en compte le coût économique et les avantages dutravail des enfants, comme il a en été discuté dans le présent article, et notam-ment les points suivants:

La pauvreté et le besoin de revenus des enfants pauvres devraient êtrepris en considération. Si de nombreux enfants pauvres travaillent dansle cadre d’une stratégie de survie de leur famille, comme il est généra-lement admis, éliminer les travaux dangereux effectués par des enfantsdans une entreprise, une profession ou une branche d’activité, ou mêmedans toutes les grandes usines, n’entraînerait pas la disparition des for-mes dangereuses du travail des enfants. Bon nombre d’enfants pauvresiraient travailler dans des secteurs moins visibles de l’économie, commepar exemple dans le secteur non structuré où les conditions de travailsont souvent dangereuses. Cela signifie que les programmes devraientcomprendre des incitations économiques en faveur des familles et desenfants pour les aider à abandonner le travail des enfants, notamment:transferts de revenus aux foyers pauvres pour remplacer la part derevenu perdue par suite de la suppression du travail des enfants; offred’un travail non dangereux aux membres adultes de la famille; et encou-ragement de la fréquentation scolaire au moyen d’aides et d’allocations.L’accent devrait être mis sur la disponibilité d’écoles de qualité. Outrele fait qu’elle est pour les enfants la meilleure alternative au travail, lascolarisation est nécessaire si l’on veut éliminer les pires formes de tra-vail des enfants dont les dangereuses et ce, à long terme. Premièrement,les pays pauvres ne disposent pas des ressources nécessaires pour pou-voir identifier tous les enfants qui accomplissent ces types de travaux,les contrôler et les aider financièrement à fréquenter l’école (bien queles pays à niveau de revenu intermédiaire puissent disposer des ressour-ces nécessaires). Deuxièmement, même si les enfants «réadaptés« fré-quentent l’école au lieu de passer à un autre travail dangereux, le travaildes enfants ne disparaîtra pas nécessairement des familles et des com-

Page 25: L‘économie du travail des enfants: un cadre de mesure

L’économie du travail des enfants: un cadre de mesure 313

munautés pauvres dans le futur car il y aura de nouvelles cohortesd’enfants grandissants enclins autant qu’auparavant à accepter un tra-vail dangereux dans des parties moins visibles du secteur non structuré.Troisièmement, des écoles de qualité devront être disponibles à grandeéchelle pour que cette alternative soit attrayante et valable pour lesenfants pauvres et leurs familles, qui doivent consentir des sacrificesfinanciers pour permettre à leurs enfants d’aller à l’école. Enfin, à longterme, un relèvement du niveau de l’instruction stimulerait le dévelop-pement économique et l’accroissement du niveau de revenu contribueraà faire reculer les formes dangereuses du travail des enfants.Des efforts doivent être déployés pour réduire la demande en ce quiconcerne les pires formes de travail des enfants dont les dangereuses .Le niveau et l’étendue de ces formes de travail des enfants dans un payssont déterminés dans une grande mesure par les employeurs et les tradi-tions, puisque ce sont eux qui établissent les conditions de travail et leuracceptabilité. Il s’ensuit que les programmes relatifs au travail desenfants et visant les pires formes de travail dont les dangereusesdevraient être mis en œuvre en collaboration avec les employeurs, lesorganisations patronales et les notables des communautés pour éliminerces types de conditions de travail. Pour ce faire, il convient de mieuxcomprendre le coût et les avantages du travail des enfants, ainsi que lesraisons sous-jacentes aux conditions de travail dangereuses, du point devue des différents intervenants et institutions. Ce type de renseigne-ments devrait permettre de concevoir des activités efficaces qui sensibi-liseraient les employeurs, les notables des communautés et lestravailleurs aux conditions de travail dangereuses, de proposer une amé-lioration des conditions de travail pour supprimer les risques, de s’assu-rer le soutien des employeurs progressistes et de renforcer la pressionsur ceux qui tirent profit des formes dangereuses du travail des enfants.Les responsables des programmes relatifs à la main-d’œuvre enfantinedevraient se préoccuper de tous les aspects des travaux dangereux, ycompris ceux qui sont effectués au sein des familles, ce qui est souventdû à l’ignorance ou aux traditions. Enfin, il faudrait que ceux qui sontchargés de tels programmes collaborent étroitement avec leurs homolo-gues dans les programmes consacrés à la santé et à la sécurité au travail,étant donné que les conditions de travail dangereuses sont inacceptablespour tous les travailleurs, qu’ils soient adultes ou enfants.Il est nécessaire d’améliorer l’information sur les pires formes de tra-vail des enfants dont les dangereuses. Il est indispensable de disposerd’estimations assez précises sur les pires formes de travail des enfantsdont les dangereuses pour le ciblage et le contrôle des progrès réalisés.Certes, il est évident que des travaux méthodologiques et des analysesempiriques sont nécessaires pour savoir comment recueillir des infor-mations sur les travaux dangereux à partir d’études portant sur le travail

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314 Revue internationale du Travail

des enfants, mais il importe également de reconnaître que l’utilité desenquêtes nationales est limitée pour ce qui est de mesurer et de com-prendre les pires formes de travail des enfants dont les dangereuses. Lecaractère illicite et immoral de ces formes de travail des enfants expli-que que ces activités ne sont généralement pas signalées lorsqu’un ques-tionnaire structuré type est utilisé. En outre, les travaux dangereux étantsouvent circonscrits géographiquement (dans des branches d’activité,des professions ou des zones particulières), les enquêtes nationales parsondage sont sujettes à d’importantes erreurs d’échantillonnage pour cequi est de la mesure des pires formes de travail des enfants dont les dan-gereuses. Il s’ensuit qu’il faut procéder à des études et à des estimationsciblées de ces formes de travail des enfants dans les professions et lesbranches d’activité où l’on sait y avoir une forte concentration de main-d’œuvre enfantine.

Quant à la question des conséquences pour les programmes et les poli-tiques visant à éliminer les formes non dangereuses mais inacceptables du tra-vail des enfants, il y a lieu de dire que les activités menées à cette findevraient, en grande partie, être intégrées dans les programmes réguliersmenés par les gouvernements et les organisations internationales.

L’ampleur du phénomène est trop importante pour qu’un programmedistinct consacré au travail des enfants puisse résoudre efficacement laquestion. Le nombre d’enfants dans le monde assurant un travail nondangereux étant estimé à des centaines de millions, il est évident qu’unprogramme séparé ne peut pas mobiliser les immenses ressources indis-pensables pour résoudre le problème. Cela plaide en faveur de l’intégra-tion qui permettrait de s’occuper des formes non dangereuses et moinsflagrantes du travail des enfants.Les formes non dangereuses du travail des enfants peuvent parfois êtreutiles aux enfants et à leur développement sans affecter leurs résultatsscolaires. C’est un fait certain que l’école et le travail peuvent être com-patibles et que de nombreux enfants scolarisés exécutent un travail nondangereux tant dans les pays industrialisés que dans les pays dévelop-pés. Il est important que les programmes relatifs au travail des enfantset axés sur les pires formes de travail dont les dangereuses indiquentclairement qu’ils excluent une grande partie des travaux non dangereuxeffectués par les enfants dans le monde. Cela devrait contribuer à éviterla pratique courante qui consiste à gonfler les estimations concernant lamain-d’œuvre enfantine en y incluant toutes les formes de travail desenfants.La constitution de ressources humaines et la scolarisation sont primor-diales pour promouvoir le développement économique et la démocratieet pour faire reculer la pauvreté et l’exclusion sociale. L’éliminationdes formes non dangereuses du travail des enfants qui affectent lesrésultats scolaires et/ou pèsent sur la situation du marché du travail

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devrait être au cœur de la politique de développement et de la politiquesociale et ne pas être cantonnée dans un programme spécifiquementconsacré au travail des enfants. Les familles pauvres des pays pauvressont disposées à consentir des sacrifices pour permettre à leurs enfantsde fréquenter l’école lorsqu’il existe des écoles et qu’elles dispensent unenseignement de qualité.L’élimination des formes non dangereuses du travail des enfantsdevrait être abordée compte tenu du cadre de vie et constituer un élé-ment central d’une approche du développement axée sur l’éradicationde la pauvreté afin de protéger les intérêts essentiels des enfants. Lestravaux non dangereux soulèvent des problèmes lorsqu’ils empêchentles enfants d’acquérir des connaissances à l’école. Une telle possibilitédevrait être traitée dans une perspective holistique du cadre de vie, étantdonné que le fait que les travaux non dangereux sont mauvais ou nonpour les enfants dépend du contexte dans lequel ils se trouvent et desoptions disponibles (par exemple, besoin de revenus et pauvreté de lafamille; nature du travail effectué par les enfants et possibilité de lecombiner avec un enseignement scolaire; existence et intérêt d’uneoption scolaire pour les familles pauvres). Par ailleurs, une augmenta-tion de la scolarisation réduirait à long terme le taux de pauvreté etl’exclusion sociale, et contribuerait à renforcer la croissance économi-que et à améliorer la situation du marché du travail, en particulier pourles travailleurs non qualifiés. En d’autres termes, les responsables poli-tiques devraient donner la priorité aux programmes d’enseignement etd’éradication de la pauvreté axés sur les familles ayant des enfants d’âgescolaire.

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