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L’ EFFONDREMENT DE LA FONCTION D ONDE par Miles Mathis Je commencerai cet article par une petite parabole. Il était une fois un homme, et cet homme fut engagé par la compagnie Coca-Cola afin d’étudier comment les pièces de monnaie tombent dans leurs machines. Ces machines ont, dans leur fond, un bac qui collecte les pièces empilées. Le président de Coca-Cola, ayant un peu trop de temps à perdre, était curieux de comprendre pourquoi les pièces s’empilaient de cette façon. Ce président était un homme très pharisaïque et il désirait que toutes les pièces s’empilent face vers le haut. Il engagea donc l’homme afin qu’il construisît un mécanisme complexe qui garantirait que, quelque soit la manière dont les pièces seraient introduites dans la machine, elles s’empileraient face vers le haut dans le bac. L’homme étudia le problème durant un certain temps et décida que la meilleure chose à faire était de développer un algorithme qui expliquerait pourquoi les pièces

L'effondrement de la fonction d'onde

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Miles Mathis

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L’EFFONDREMENT DE LA FONCTION

D’ONDE

par Miles Mathis

Je commencerai cet article par une petite parabole. Il était une fois un homme,et cet homme fut engagé par la compagnie Coca-Cola afin d’étudier comment lespièces de monnaie tombent dans leurs machines. Ces machines ont, dans leurfond, un bac qui collecte les pièces empilées. Le président de Coca-Cola, ayantun peu trop de temps à perdre, était curieux de comprendre pourquoi les piècess’empilaient de cette façon. Ce président était un homme très pharisaïque et ildésirait que toutes les pièces s’empilent face vers le haut. Il engagea donc l’hommeafin qu’il construisît un mécanisme complexe qui garantirait que, quelque soit lamanière dont les pièces seraient introduites dans la machine, elles s’empileraientface vers le haut dans le bac.

L’homme étudia le problème durant un certain temps et décida que la meilleurechose à faire était de développer un algorithme qui expliquerait pourquoi les pièces

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tombent de la façon dont elles tombent, avec le mécanisme actuel. Il espéraitque cela lui permettrait de comprendre comment procéder à partir de là. Aprèsplusieurs années, il arriva à développer un ensemble complexe d’équations qui luidonnaient finalement des probabilités. Dans ces équations, il exprimait les chancessous la forme d’une combinaison de deux facteurs : le facteur de base pile/faceet le facteur additionnel de l’effet du mécanisme. Finalement, il alla trouver leprésident et lui fit son rapport :

— « Monsieur, j’ai trouvé que ces deux facteurs se superposent d’une manière trèsétrange qui n’est pas exprimable dans un langage normal. Mais mes maths sontd’une telle extrême importance et d’une telle beauté, comme vous le voyez, que jesuis sûr que tout le monde va m’adorer pour cela. De plus, j’ai passé quasiment unedécennie à développer ces maths et votre compagnie a investi plusieurs milliardsde dollars pour découvrir pourquoi les pièces tombent comme elles le font. On nepeut plus retourner en arrière, maintenant, monsieur ».

Le président perçut la logique de ce discours et lui demanda de bien vouloir conti-nuer.

— « Monsieur, je ne vais pas vous embêter avec les détails de mes maths, qui com-prennent beaucoup de termes et de procédures que j’ai inventés juste pour l’occa-sion, comme par exemple les vecteurs propres et les opérateurs hermitiens (ne lestrouvez-vous pas délicieux, monsieur ?). Mais, comme vous pouvez le constater,j’ai ici une équation finale qui nous donne ce que nous recherchions. Les chancesde tomber face vers le haut sont de 1/

√2 ».

Le président étudia les graphiques pendant un moment, assez perplexe (ce qui sa-tisfit grandement l’homme engagé). Mais il nota bientôt un graphique où l’hommeavait compté les pièces dans la machine et où il trouvait que la moitié d’entre ellesavaient leur face vers le haut. Il demanda donc à l’homme ce que cela signifiait.

— « Eh bien, monsieur, c’est là une des choses stupéfiantes avec ces maths. Lesmaths me donnent des nombres absolument parfaits, des nombres que personnene pourrait mettre en doute, excepté les personnes les plus naïves mathématique-ment parlant, et je pense que nous savons tous que mes équations seront vuespar l’Histoire comme le travail le plus important de ce siècle. Mais, monsieur, lapartie la plus merveilleuse de ces maths est la dernière partie, que j’appelle l’ef-fondrement de la fonction de pièce. Une fois les pièces réellement comptées dansle mécanisme, mes équations s’effondrent au nombre 1/2. Et de plus mes équa-tions s’effondrent de cette façon comme un mouvement d’horloge. Monsieur, jepeux vous garantir que 100% du temps mes équations s’effondreront au pourcen-tage indiqué par les pièces – en supposant que quelqu’un compte effectivement lespièces ».

Le président regarda pendant quelques moments l’homme d’un air stupide puis luidit :

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— « Ne serait-il pas plus facile de tout simplement compter les pièces, dès le dé-but ? ».

— « Monsieur, monsieur ! », répondit l’homme, « Compter des pièces est une opéra-tion tellement convenue ! Je suis un physicien et un mathématicien. J’ai développél’ensemble d’équations le plus grandiose qui soit connu de l’humanité et vous par-lez de compter des pièces ? ».

— « Je ne comprends toujours pas », répondit le président. « La bonne réponseest-elle 1/2 ou 1/

√2 ? ».

L’homme regarda le président avec exaspération pendant quelques secondes, avantde continuer :

— « Jusqu’au moment de mesurer, 1/√2 est la bonne réponse. Je peux absolument

vous garantir que jusqu’à ce que quelqu’un examine les pièces, les chances detrouver une pièce la face vers le haut est de 1/

√2. J’ai mis tout ce que je sais dans

ces équations, et elles ne peuvent tout simplement pas être fausses. Est-ce que jevous ai déjà montré l’opérateur hermitien ? Regardez donc cette matrice ! ».

— « Hmmm », dit le président, « Il semble qu’il y ait un manque d’agrément entrele calcul et la mesure. Je ne sais pas en lequel des deux faire confiance ».

— « Oui, j’appelle ça la “décohérence”. Les deux ne sont pas consistants à cause dufait que jusqu’à ce que la mesure soit effectuée, le nombre est juste une probabilité.En fait, les pièces elles-mêmes n’existent pas jusqu’à ce qu’elles soient examinéespar le gars qui les compte. Le nombre 1/

√2 décrit parfaitement l’état dans lequel

les pièces sont quand elles tombent dans la machine. Le nombre 1/2 décrit lespièces dans l’esprit du gars qui les compte. Vous voyez donc, monsieur, que nousne pouvons pas vraiment directement comparer les deux ».

— « Les pièces n’existent pas avant d’être comptées ? Mais qu’en est-il de la per-sonne qui introduit une pièce dans la machine ? La pièce n’existe-t-elle pas pourcette personne ? ».

— « Monsieur, tout cela est très ésotérique. Voulez-vous réellement discuter phi-losophie ou métaphysique ? Moi, je ne fais que calculer. Mes maths montrent lesfaits et vous ne pouvez pas disputer les faits ».

— « Mais vous dites que les pièces existent comme des choses réelles jusqu’à cequ’elles disparaissent dans la machine, puis qu’elles sont des probabilités à l’inté-rieur de la machine, et ensuite, quand elles sont comptées, elles redeviennent desobjets physiques ? ».

— « Eh bien, monsieur, puisque vous insistez, la vérité est qu’il existe “beaucoupd’esprits” et “beaucoup de mondes”. La personne achetant la boisson et la per-sonne comptant les pièces sont des personnes différentes, possédant des cerveaux,

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des désirs et des passions très différents. Nous ne pouvons pas savoir ce qu’ellespensent ou croient, et nous ne voulons sans doute pas le savoir. En dehors ducerveau d’une telle personne, une pièce est une infinité de choses, un objet indé-finissable et inconnaissable. Tous les plus grands philosophes de l’Histoire nousont affirmé cela – Kant, Hume, Timothy Leary. Elle existe simultanément dans uneinfinité de dimensions et de mondes, et seules mes maths peuvent commencer àmettre un nombre sur ces infinis et sur ces mondes. Ce nombre est une probabilité,et cette probabilité représente la connaissance la plus sûre possible pour un êtrehumain, en supposant qu’il existe une chose telle qu’un être humain. Quand lespièces sont comptées à la fin, cette probabilité s’effondre en une forme beaucoupplus basse de connaissance, que les profanes appellent “donnée”. Cette donnée estaussi fugitive et illusoire qu’un nuage qui passe, un rêve ou un baiser. Elle dépendde l’objet le moins fiable et le moins quantifiable de l’univers : l’esprit humain,tandis que mes probabilités ne dépendent que de mes maths qui sont, comme jevous l’ai déjà assuré, parfaites. Vous pouvez vous disputer avec des gens mais vousne pouvez pas vous disputer avec des vecteurs, monsieur ».

— « Alors, les pièces n’existent pas pendant qu’elles tombent ? ».

— « Eh bien, monsieur, je vous pose une simple question : pouvez-vous les voir ?Si vous ne pouvez pas les voir, elles ne peuvent exister ».

— « Se pourrait-il qu’elles soient cachées par la porte métallique de la machine ? ».

— « Exactement, monsieur. Cachées dans l’obscurité. Intouchables et inconnais-sables. Tout et rien ».

G G G

Bon, d’accord, ce n’était pas vraiment une parabole. C’était une satire plutôt trans-parente. La triste réalité est que c’est maintenant le nec plus ultra de la physique.La majorité des physiciens ne verront même pas l’humour de la situation. Ils ontaccepté la farce ou la tromperie comme un évangile et ils ne sauront même pasreconnaître le problème ni ses implications. Ils prétendront que le problème estdans ma tête. Je m’attends à ce que les choses aient du sens. La physique ne doitpas faire sens. La Nature n’a aucun sens. Je dois accepter cet état des choses oubien aller voir ailleurs.

Ma première réponse à cette déclaration est que j’irai où je veux sans avoir àleur demander la permission. Ma seconde réponse est qu’une fois que la physiquecommence à accepter des réponses paranormales, la physique est fichue. Hawkingavait tort : la physique ne sera pas terminée dans une décennie parce que toutsera connu ; la physique sera terminée parce qu’elle sera indistinguable de l’as-trologie, du tarot ou de la lecture des entrailles. En vérité, la physique est mortedepuis le saut quantique de Bohr. Le fait qu’un domaine tout entier de la science

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a accepté qu’un électron voyage du point A au point B sans traverser l’espace setrouvant entre les deux était un signe sûr que le domaine était déjà complète-ment corrompu. Ces physiciens étaient déjà tellement mal entraînés à la penséelogique qu’ils pouvaient accepter des maths ou des postulats qui leur fournissaientles résultats qu’ils désiraient. Ils voulaient une réponse à tout prix, même si ce prixétait la raison. Qui se soucie de la raison quand vous avez un Prix Nobel entre lesmains ?

Ce problème tout entier est basé sur une ignorance absolue de ce que sont lesmathématiques et ce qu’elles représentent. La fonction d’onde est un morceau demathématiques. Elle est une probabilité. Elle n’a pas à « s’effondrer » en la réalitéou en données, car aucune mathématique ne fait cela. Les maths sont une chose,la réalité en est une autre. Les maths représentent la réalité, elles ne sont pas laréalité elle-même, exactement comme la lettre « A » représente un certain son maisn’est pas ce son lui-même. Nous ne nous attendons pas à ce que la lettre « A » s’ef-fondre en un son, parce que nous comprenons ce que signifie « représentation ».La fonction d’onde nous donne une fourchette pour une valeur, et ensuite seule-ment l’expérimentation nous donne un nombre ferme. Où est le mystère ? Où est legrand problème philosophique devant être résolu ? L’effondrement de la fonctiond’onde ne décrit pas le moindre problème mathématique ou physique : ce qu’ildécrit est l’arriération conceptuelle des physiciens modernes enterrés dans leurséquations, absolument incapables de voir au-delà de leurs maths. Lorsque Pauliet Gell-Mann parlent de Mars comme d’une probabilité, nous n’assistons pas à ladiffusion d’un problème ésotérique : nous assistons à la diffusion d’une stupiditéfondamentale.

Chaque fois que je lis que l’électrodynamique quantique constitue la théorie phy-sique la plus prospère de l’Histoire, je ne peux m’empêcher de rigoler. Si elle réussitsi bien à faire des prédictions, pourquoi exige-t-elle un effondrement de la fonctiond’onde ? L’effondrement est nécessaire précisément parce que l’électrodynamiquequantique ne peut pas prédire la réalité. Non seulement elle ne peut pas prédire desrésultats individuels mais elle ne peut même pas prédire des probabilités, commeje l’ai montré ci-dessus. Si les probabilités des équations d’onde s’accordaient avecles probabilités des expérimentations, il n’y aurait nul besoin d’un effondrementde la fonction d’onde, même telle qu’il est défini actuellement.

L’effondrement de la fonction d’onde est une tentative incroyablement effrontéede maintenir l’échec de la théorie à l’intérieur de la théorie. L’ÉDQ, avec un mé-pris infini pour l’intelligence des lecteurs, essaie de prendre le fait que les mathséchouent et d’incorporer ce fait dans les maths. L’ÉDQ masque tout à l’intérieurd’une terminologie très astucieuse. Elle n’appelle pas l’impossibilité de s’accorderavec les mesures « l’effondrement des mathématiques », ce qui est pourtant le cas.Au lieu de cela, elle l’appelle « l’effondrement de la fonction d’onde », comme siles équations elles-mêmes se transformaient en réalité par la magie d’une quel-conque opération mathématique mystérieuse. Mais les équations ne s’effondrent

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pas en quoi que ce soit. La réponse finale des équations d’onde ne devient pas laréponse réelle des expérimentations par une quelconque opération. Nous avonsjuste donné un joli nom à un trou béant. « La mauvaise réponse est rouée de coupsjusqu’à ce qu’elle soit transformée en la bonne réponse » : voilà qui serait un nomhonnête pour l’effondrement de la fonction d’onde.

Une personne logique peut voir aisément de quels terribles traumatismes intellec-tuels un physicien doit avoir souffert pour ne pas comprendre cela. J’ai montrédans mes articles sur la théorie des cordes que celle-ci fut inventée parce que lesphysiciens s’ennuyaient avec l’ÉDQ. Elle était finie. Elle était tellement proche dela perfection qu’il ne restait rien à faire. Ceci en dépit du fait qu’aucune personnevivante ne pourrait expliquer rationnellement la superposition, l’intrication, l’ex-périence des deux fentes, la force surnaturelle, l’origine de l’interaction forte, larenormalisation, le mécanisme du champ E/M au niveau quantique, la gravitationau niveau quantique, le saut quantique, la cause de la quantification, l’effondre-ment de la fonction d’onde ou du paquet d’ondes, la dualité onde/particule, lapropagation de la lumière, la diffraction, l’interférence, les limites de masse dansles accélérateurs, et ainsi de suite. Pour sûr, nous avons des réponses partielleset habituellement irrationnelles pour toutes ces choses. Si vous croyez aux gobe-lins et à la magie noire, alors la physique a des réponses qui vous conviendront àmerveille.

Ce qui est le plus stupéfiant est le fait que les physiciens se satisfont de tout ceci.Nous pourrions nous attendre à ce que le public donne beaucoup d’argent pour dumysticisme, mais les scientifiques, eux, professent souvent un respect passionnépour la vérité, la rigueur et la raison. On nous rappelle sans arrêt la méthodescientifique qui, supposément, doit séparer le scientifique du naïf et du crédule, ducroyant et de l’ignorant, du facile et du bâclé. Et pourtant les physiciens se satisfontde la magie dans leurs « plus grands exploits ». Ils se satisfont d’exhortations àla foi et d’un endoctrinement patent. Mais le plus terrible est qu’ils se satisfontde réponses non scientifiques. Ils ont amené l’ÉDQ à un état très incomplet, unétat dans lequel ils possèdent certaines équations qui commencent à fonctionnerdans certaines situations, et ils sont prêts à passer à autre chose. Ils peuvent faires’entrechoquer quelques particules dans des accélérateurs et ne pas être choquéspar ce qui arrive à chaque fois, et ainsi ils sont des dieux. Pour eux, il est temps depasser à un autre sujet.

La vraie raison pour laquelle les physiciens sont passés à autre chose est qu’il estgénéralement cru que tous les Prix Nobel en ÉDQ ont déjà été distribués. Le futurdes Prix Nobel en ÉDQ est uniquement un futur de maths appliquées, commenous l’avons vu cette année avec le prix attribué en technologie laser. Expliquer lasuperposition rationnellement plutôt qu’irrationnellement ne méritera plus aucunprix, et tout le monde le sait. Il n’existe pas de Prix Nobel de métaphysique ou delogique. Vous serez remarqué pour de grosses équations ou pour de la technologie,pas pour expliquer les choses de façon sensée.

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Il fut un temps où la physique « expliquait les choses de façon sensée ». Durantdes milliers d’années, la physique, par définition, c’était rendre moins étrangesdes choses étranges, rendre normales des choses paranormales. Aujourd’hui, ladéfinition de la physique est exactement l’inverse. L’ÉDQ et la CDQ 1 ont créé despetits mondes où tout est devenu de plus en plus bizarre. La théorie des cordesessaie de les suivre en créant un monde qui est l’étrangeté elle-même, l’irrationalitéfaite dieu. Il se pourrait que dans un futur proche le Comité Nobel puisse épargnerpas mal d’argent en combinant la physique et la fiction. Lorsque le fils d’ArnoldSchwartzenegger deviendra président, les scénaristes de Star Trek : Generation Zobtiendront le Prix Nobel de la « physiction ».

Nous le voyons sur la couverture de tous les livres : « Apprenez tout sur l’étrangethéorie de l’ÉDQ ! ». Découvrez l’univers où toutes nos idées s’effondrent, où rienn’a de sens et où rien ne peut être compris par nos esprits. La même chose peutbien entendu être dite d’un livre sur les chakras du chien, sur les gens vivant aucentre de la Terre ou sur la guérison du cancer grâce à une boîte à rythmes.

La science en tant qu’explication logique et consistante a été remplacée par lascience de l’hypnose et de l’intimidation. Heisenberg et Bohr furent les maîtresoriginels de cette néo-science et Feynman en était le dernier gourou en date. Lesthéoriciens des cordes espéraient hériter du sceptre et ils possèdent sans douteles bons matériaux pour bâtir un dogme irrationnel de première classe. Malheu-reusement, ils ne possèdent pas le charme. Une religion exige un représentant,et la théorie des cordes n’a jamais trouvé l’homme magnifique adéquat – quel-qu’un capable de forcer des coffre-forts ou de se taper une serveuse de bar entredeux prouesses au tableau noir. En fait, ils auraient en tout premier lieu besoin dequelqu’un sachant se coiffer convenablement.

Nous lisons maintenant constamment des articles demandant pourquoi, de nosjours, nous ne voyons plus de génie en physique. J’ai une réponse très simplepour vous, bien que vous ne l’aimerez pas. Il n’y a plus de génie en physiqueparce que les génies possèdent un taux de tolérance très bas pour la mystification,l’hypnose, l’intimidation, les arguments basés sur la foi ou sur le prestige, et ainside suite. En quoi un génie serait-il utile dans la physique d’aujourd’hui ? Les géniesne suivent pas le statu quo au garde-à-vous. Les génies ne sont pas des moutons.Les génies n’acceptent pas ce que vous leur dites simplement parce que c’est plusfacile de cette manière. Les génies sont des gens fichtrement difficiles, et un géniene resterait pas un seul jour dans une université. C’est pourquoi ils s’en vont voirailleurs, dans d’autres domaines.

Si vous montrez à un génie une équation ou une phrase qui n’a aucun sens, il estsuffisamment intelligent pour s’en rendre compte. Encore mieux, il s’en préoccupe.S’il est un vrai génie, il préfèrera aller vivre dans la rue et manger des patates

1. Chromodynamique quantique.

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froides à l’Armée du Salut plutôt qu’être pris à régurgiter une fausse équation ouune phrase inexacte.

Inversement, si vous désirez faire votre chemin en physique, la voie est grandeouverte pour vous. Vous acceptez la superposition, la renormalisation et tous lesautres processus, maths et idées de dingue, car si vous ne les acceptez pas vousne serez rien d’autre qu’un paria. Vous pourriez tout aussi bien vous assoir dansun coin et réciter Les Questions de Milinda ou rester sous une table à manger vospropres godasses afin de faire savoir, de la façon la moins offensante possible, queHeisenberg était sans doute un charlatan.

Afin de vous prouver que la physique est devenue un domaine étrange et cor-rompu, je vous parlerai du livre d’Alan Lightman, Great Ideas in Physics. Ce livren’est rien d’autre qu’un exemplaire supplémentaire de présentation de théoriesfumeuses, exactement comme le livre de Feynman, Six Not-so-Easy Pieces ou quequelques centaines d’autres livres. Lightman, comme tous les autres maîtres deconférences en physique au MIT, à Cal Tech et ainsi de suite, n’a rien à ajouter àl’histoire de la physique. Tout à l’air bon pour lui. Brillant, élogieux et parfait ; laseule chose qui manque, ce sont les applaudissements des gradins et les pom-pomgirls.

Bien que Lightman soit âgé d’environ 60 ans, on voit une photo de lui au dosde la couverture du livre où il paraît avoir la trentaine, peut-être même moins.Pourquoi ? Eh bien, j’offre une possibilité. Allez au chapitre IV, le chapitre sur laMécanique Quantique, le chapitre le plus long du livre. Lightman commence parune photo et une courte biographie de Heisenberg. La bio contient quatre petitsparagraphes dont le dernier est limité à un seul sujet : le Prix Nobel. Heisenbergremporta le Prix Nobel à l’âge de 31 ans, et Lightman trouve ce fait très important.Il continue en nous faisant savoir que le plus jeune Prix Nobel de Physique étaitW. L. Bragg, alors âgé de 25 ans. Les suivants étaient tous âgés de 31 ans, commeHeisenberg. Ensuite il nous donne l’âge moyen, à savoir la quarantaine bien tassée.

En quoi cela cela concerne-t-il la physique ou l’ÉDQ ? En rien, bien sûr. Seul unmalotru ou une arriviste (ou quelqu’un faisant sa crise de la quarantaine) pourraitpeut-être s’intéresser à l’âge des gens quand ils gagnent des prix. Mais le restant dulivre est du même tonneau. Nous avons droit à tous les produits dérivés culturelsde ces théories, comme par exemple la mention de la Seconde Loi de la Thermo-dynamique par Thomas Pynchon ou Annie Dillard. Nous avons droit à RichardSerra, Robert Morris et Athena Tacha parlant de la Relativité. Nous avons droit àla Seconde Loi reliée à l’évolution, etc.

Lightman pourrait nous rétorquer que c’est le marché qui l’exige. Il écrit de lascience populaire et c’est ça que les gens veulent. Il doit rivaliser avec Paul Davieset les autres, et il ne peut faire cela en posant de vraies questions ou en insinuantque la physique est loin d’être pratiquement parfaite. Les profanes achètent ce

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genre de livre parce qu’ils ont des étoiles dans les yeux, et vous ne gagnez pas desprix littéraires en détruisant les idées préconçues des gens.

C’est possible, mais il me semble, moi, que les idées préconçues sont surtout dansla tête des physiciens eux-mêmes. Pour eux, la physique consiste à apprendre leséquations et les idées dans des livres. Si vous parvenez à apprendre très rapide-ment et complètement ces choses, vous pouvez espérer être le premier de la classeet gagner le droit de faire des conférences et d’écrire des bestsellers. Il ne leurpasse jamais par la tête d’analyser vraiment une des équations ou des idées qu’ilsont apprises. Il ne leur est jamais passé par la tête que peut-être les idées pré-sentées dans les livres pourraient être fausses. S’ils ne font pas cela, alors ils nepeuvent pas vraiment les comprendre. Je sais qu’ils n’ont pas fait cela, car s’ilsl’avaient fait ils seraient obligés d’être plus honnêtes concernant les défauts detoutes leurs équations et idées. Quelqu’un qui aurait démonté toute cette connais-sance et l’aurait rassemblée à nouveau réaliserait à quel point cette connaissanceest fragmentaire. Il serait pleinement conscient de tout ce qui reste à faire. Il seraitfier des prouesses des physiciens du passé mais il ne les idolâtrerait pas de façonirrationnelle. Il serait fier de ses propres prouesses en tant qu’étudiant en scienceet étudiant du monde, mais il se sentirait finalement très humble devant tout ceque ce domaine a encore à apprendre.

Les physiciens contemporains ne semblent pas conscients du tout de cela. Ilspensent qu’ils ont une réponse pour tout et ils acceptent les questions de mau-vaise grâce. C’est probablement encore plus vrai en Mécanique Quantique. LaMécanique Quantique est le domaine le plus fortifié, à l’exception peut-être dela Relativité. La Relativité est tout simplement fermée. Elle est terminée. C’étaitle bébé d’Einstein, et de lui seul. Il l’a créée et il était le seul à la comprendre.Laissons-les en paix tous les deux. Mais la Mécanique Quantique a été le grandprojet de la physique du 20e siècle. La renommée et la carrière de pratiquementtout le monde en dépend. Elle doit dès lors être protégée par les mesures sécuri-taires les plus strictes. La moindre menace contre l’ÉDQ ferait hurler des alarmes àtravers tout le pays et les physiciens iraient immédiatement se réfugier dans leurstranchées. Mais un tel évènement est très improbable. La possibilité en a été depuislongtemps éliminée, alors que les jeunes physiciens étaient encore à l’école. Toutepossibilité de révolution a été supprimée à cette époque, tout signe de discorde,tout mécontentement, toute divergence. En dehors des universités, tout le mondea été défini comme excentrique, et il suffit aux projecteurs de balayer l’intérieurdes murs. On ne craint pas de voir quelqu’un entrer, on craint uniquement de voirquelqu’un s’échapper.

Mais où pourrait-il s’échapper ? Qui pourrait-il rejoindre ? Et qui le publierait, quile lirait ? La science est notre sauveur : personne ne veut entendre que la phy-sique, le dernier refuge du puriste, est exactement aussi corrompue que le restedu monde. Personne ne désire voir les idoles tomber. Dieu est peut-être mort, maisnous ne pouvons pas assister au trépas de Heisenberg et de Bohr. Les statues de

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Newton et d’Aristote sont ternies ; nous ne pouvons pas laisser la même chosearriver à Einstein et à Feynman. En qui pourrions-nous avoir confiance ?

Je n’ai pas mentionné ceci simplement pour évacuer ma colère (c’est-à-dire : passeulement pour cela). Je l’ai mentionné parce que la physique proclame vouloirrésoudre certains des problèmes les plus épineux sensés rester sans solution. Lathéorie des cordes est à l’avant-garde de cette prétention. Mais je prétends queles quelques problèmes qui, selon la physique, restent à résoudre, ne peuvent êtrerésolus sans creuser et résoudre beaucoup, beaucoup de problèmes dont la phy-sique n’admet pas l’existence. La physique ne peut pas continuer à garder ses se-crets plus longtemps. Elle ne peut pas continuer à recouvrir d’un voile pudique legouffre béant, comme elle l’a fait jusqu’ici. C’est uniquement en étayant les fonda-tions que la physique pourra espérer grimper encore plus haut. Le coffrage actuelne peut plus soutenir de poids supplémentaire.

Maintenant que je me suis permis cette longue diversion, j’ai l’intention de meconcentrer sur certains problèmes spécifiques. Lightman commence son chapitresur l’ÉDQ en déclarant : « Comme avec la relativité du temps, la dualité onde–particule de la nature viole le sens commun ». Il admet que l’ÉDQ viole le senscommun avec encore plus d’enthousiasme que la Relativité, mais c’est encore pireque cela. Les difficultés de la Relativité et de l’ÉDQ ne sont pas seulement diffé-rentes en taille, elles sont différentes en espèce. Strictement parlant, la relativitédu temps ne viole pas le sens commun. Ce qu’elle viole, c’est les anciennes fa-çons de penser. La Relativité n’est pas irrationnelle ni inexplicable en termes lo-giques. Elle est révolutionnaire, sans doute, mais tout ce qui est révolutionnairen’est pas irrationnel. Il est possible d’expliquer la relativité du temps de telle ma-nière qu’une personne normale puisse la comprendre. Même alors, elle pourra nepas l’accepter, mais elle comprendra le concept. La même chose ne peut pas êtredite de l’ÉDQ. Le saut quantique, les forces surnaturelles et toutes ces choses quej’ai listées plus haut ne peuvent être expliquées rationnellement. Elles peuventêtre expliquées uniquement si vous acceptez l’inconsistance dans les définitions etla terminologie. Peu importe votre intelligence : pour accepter l’ÉDQ vous devezaccepter une contradiction. L’ÉDQ utilise tous les anciens mots, qui possèdent cer-taines définitions, des mots comme « point », « mouvement », « temps », « futur »,« passé », « existe », et ainsi de suite, puis elle fait des déclarations qui contredisentces mêmes définitions.

La Relativité ne fait jamais cela. Elle vous demande d’accepter quelque choseque vous n’acceptiez pas auparavant, mais elle ne vous demande pas d’accepterquelque chose d’inacceptable en termes de logique.

Vous pouvez lire ici mon article sur la superposition.

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Traduction : Bahrmanou

© 15 juillet 2014