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MAIJUIN 2019 • n° 110 LE SYNDICAT DE L’ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL PUBLIC LE JOURNAL POUR L’ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL PUBLIC RÉFORMES MISES EN CAUSE P.6 PARCOURS DES PLP LE TEMPS DES RÉGRESSIONS DOSSIER P.8 DROITS ET LIBERTÉS COMBATTRE LES ATTAQUES ENTRETIEN P.14 FONCTION PUBLIQUE © M.-C. Guérin PRÉSYNDICALISATION C’est parti !

LEJOURNA LPOU RL’ENSEIGNEMEN TPROFE SSIONNE L PUBLIC

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MAI-JUIN 2019 • n° 110

LE SYNDICATDE L’ENSEIGNEMENTPROFESSIONNELPUBLIC

L E J O U R N A L P O U R L ’ E N S E I G N E M E N T P R O F E S S I O N N E L P U B L I C

RÉFORMES MISES EN CAUSEP.6

PARCOURS DES PLPLE TEMPS DES RÉGRESSIONSDOSSIER P.8

DROITS ET LIBERTÉSCOMBATTRE LES ATTAQUESENTRETIEN P.14

FONCTION PUBLIQUE

© M

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PRÉSYNDICALISATION

C’est parti !

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Alors que la contestation de sa politique éducative s’amplifie,le ministre J-M. Blanquer s’obstine et préfère communiquerqu’entendre les personnels. Pas une semaine sans une inter-view papier, une présence sur les ondes ou le petit écran. S’ilest toujours aussi présent dans les médias, son cabinet, laDGESCO et la DGRH participent désormais à l’offensive com-municationnelle. Mais les personnels ne sont pas dupes dela supercherie, les médias prenant bien soin de ne jamaisopposer de contradicteurs au ministre. Il est donc parfaitement

à l’aise pour asséner ses bobards – son attitude et ses propos révélant son mépris –dénigrant les enseignant·es et leurs représentant·es tout en ayant l’air de les en-censer.

Le passage au Sénat du projet de loi Pour une école de la confiance confirme desdispositions néfastes voire en ajoute de plus conservatrices. L’article 1 a été voté. Ilimpose une mise au pas des enseignant·es. L’article 8 permettrait, en l’état, de trans-former l’arlésienne de l’annualisation des services en réalité, mais aussi d’augmen-ter le temps de travail.

Contrer cette machine infernale est le leitmotivdes personnels et des parents d’élèves mobilisésdans les grèves et manifestations syndicales,nuits des écoles, blocages… Les PLP sont nom-breuses et nombreux à exprimer leur ras-le-bollors des formations de mise en œuvre de la ré-forme de la voie professionnelle. Elles et ils sontnombreux aussi à boycotter la tenue de ces jour-

nées de transmission de la bonne parole. Le ministre ne peut rester sourd à l’expres-sion des personnels, qui exigent une autre ambition pour l’enseignementprofessionnel, une amélioration de leurs conditions de travail et de leur salaire.

Le SNUEP-FSU est toujours déterminé avec les collègues, dans les mobilisations,les établissements et dans les instances pour stopper partout cet engrenage in-fernal. L’objectif d’amélioration de la formation des élèves, du quotidien dans lesétablissements et du bas de la fiche de paie guide notre action syndicale. En mai,le SNUEP-FSU a obtenu la levée de la contrainte de détention d’un diplôme bac + 3pour les reconversions dans d’autres corps comme celui de professeur·e des écoles.C’est une avancée non négligeable pour les collègues concerné·es, notamment dansle cadre du plan GA. En juin, le SNUEP-FSU déposera une alerte au CHSCT ministérielconcernant les impacts de la réforme de la voie professionnelle sur les conditions detravail des PLP. Une action de plus pour obtenir le retrait de cette réforme qui permetdéjà la suppression de plus de 600 postes de PLP à la prochaine rentrée.

L’action du SNUEP-FSU est possible grâce à l’investissement au quotidien de sesmilitant·es et grâce à ses adhérent·es toujours plus nombreuses et nombreux. Lacampagne de présyndicalisation 2019-2020 est lancée. Alors pour notre métier, pourl’avenir des élèves, adhérez, réadhérez et faites adhérer !

STÉPHANE LEROYCo-secrétaire national

VIE SYNDICALE ............ P4Limoges : SEGPA / Caen-Rouen : Fusion

ACTUALITÉS ............... P5Annonces Macron / FGR-FP

MÉTIERS ................ P6 À 7Parcours des PLP / Concours / 2e HSA / AESH /Classe exceptionnelle / Liste d’aptitude

DOSSIER ............... P8 À 11Droits et libertés : le temps des régressions

POLITIQUES ÉDUCATIVES ......... P12 À 13Certification / Insertion des apprenti·es / Poursuited’études / PFMP /Suppression du BEP

ENTRETIEN ........ P14 À 15Didier Bourgoin : Projet de loi Fonctionpublique

ÉDITO

SOMMAIRE

38 rue Eugène Oudiné75013 PARIS

Tél. : 01 45 65 02 [email protected]

www.snuep.frDirecteur de la publication :

Axel BenoistCollaboratif : Frédéric Allègre,

Patrick Bernard,Marie-Caroline Guérin,Isabelle Lauffenburger,

Thierry Monnaye.Crédits photo : A. Benoist,

F. Feras, D. Granger, M.-C. Guérin, I. Lauffenburger,

Pellicam SN, Photothèque Rouge

PAO : Studio SevillanesN° CP : 1223 S 05844

ISSN : 1762-2808 - 1 €Régie publicitaire :

Com D’Habitude Publicité,Tél. : 05 55 24 14 03 - clotilde.

[email protected] :

Compedit BeauregardZI Beauregard BP3961600 La Ferté Macé

Encarts : suppléments N°1 et N°2au n° 110 et bulletin d’adhésion.

LE SYNDICATDE L’ENSEIGNEMENTPROFESSIONNELPUBLIC

« L’OBJECTIF D’AMÉLIORATIONDE LA FORMATION DES ÉLÈVES,

DU QUOTIDIEN DANS LESÉTABLISSEMENTS ET DU BASDE LA FICHE DE PAIE GUIDENOTRE ACTION SYNDICALE. »

ATTAQUES RADICALES ET DANGEREUSES

TRANSFORMATION DE L’ÉCOLE ET DE LA FONCTION PUBLIQUE

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La décision de la rectrice était à reboursdes besoins des élèves et des investisse-ments réalisés par les conseils départe-mentaux pour réhabiliter des ateliersavec 8 postes de travail. En s’attaquantaux heures de groupe pour des raisonscomptables, la rectrice jette le discréditsur l’enseignement professionnel et letravail de fond effectué en atelier auprèsdes élèves en grande difficulté scolairepersistante. Ces élèves ont besoin de pra-tiquer pour apprendre et reprendreconfiance en eux, en leur propre capacitéà réussir afin d’envisager une orientationpost 3ème diplômante.Suite à l’annonce de la rectrice, les person-nels exerçant en Segpa se sont réunis lorsd’une assemblée générale organisée parles syndicats de la FSU. Ils ont lancé un

appel pour la défense et le développementdu service d’éducation d’enseignementadapté sur tout le territoire, transformé enpétition. Cette AG a permis de coordonnerla mobilisation : lettre aux parents, inter-pellations d’élu·es, tracts, communiqués,motion en CA, blocage des DHG…Le SNUEP et les syndicats de la FSU sontintervenus dans toutes les instances,obligeant le rectorat à entendre les per-sonnels des établissements en audience.Un stage syndical a été mis en placepour construire d’autres actions avec lescollègues.Collèges morts, rassemblement, participa-tions aux grèves et cortèges Segpa dansles manifestations, cortège de cercueils detoutes les Segpa le 15 mai…, ces mobilisa-tions des collègues de Segpa ont permis larestitution de la moitié des moyens sup-primés. Mais il manque toujours un quartdu temps d’atelier. Les actions syndicalescontinuent. ❚

Christophe TRISTAN

LIMOGES

MOBILISATION POUR DÉFENDRE LE TRAVAIL EN SEGPAEn janvier, la rectrice annonçait une réduction considérable desmoyens alloués à chaque Segpa de l’académie, remettant en causeles temps en atelier. La mobilisation est à la hauteur de l’attaque.

ACTIONS CONTRE LA FUSIONSi le ministre renonce à la créationde 13 régions académiques, il aannoncé en janvier dernier vouloirmaintenir la fusion des académiesde Caen et Rouen. La mobilisationdes personnels s’est amplifiée.Soutenus par le SNASUB-FSU très actif, les personnels desrectorats multiplient les actionsquotidiennes : blocage de l’entrée,banderoles, affichages « Non à la

fusion » sur toutes les fenêtres des bâtiments (régulièrementdécrochés et remis le lendemain),assemblées générales pourorganiser la lutte, conférences de presse, pique-niques devant le rectorat, etc. Les enseignant·es se sont aussimobilisé·es le 4 avril et étaientdevant les rectorats pour soutenirles collègues sorti·es des bureaux.Une nouvelle rectrice a été nomméepour « renouer le dialogue ». Grâceà leurs actions médiatisées, lespersonnels ont obtenu le retrait duprojet de réorganisation desservices alors que celui-ci avait reçul’aval du ministère. Néanmoins, la rectrice a réaffirmé l’objectif de la fusion avec un calendrier retardéà septembre 2020 pour lespremières transformations etmutualisations de services.Personne ne comprendl’intransigeance du ministre alors que les premiersdysfonctionnements apparaissent.La rectrice se dit « convaincue » de la « plus-value » d’unemutualisation des services autourdes régions académiques, maisn’apporte aucun argument.Ne lâchons rien ! ❚

Muriel BILLAUX (Rouen) et Benoit LECARDONNEL (Caen)

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VIE SYNDICALE

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CAEN-ROUEN

TémoignageCorinne TAYSSE,PLP Biotechnologie, académie de Limoges

« Je ne peux pas admettre que l’ondétruise encore une fois une pédagogie qui profite aux élèves les plus fragiles.Supprimer les heures de dédoublemententraîne de facto la suppression d’heuresde pratique puisqu’en classe entière, lasécurité ne serait pas assurée dans lesateliers. Le rectorat nous impose donc de faire del’enseignement professionnel théoriquealors que la circulaire du 28 octobre 2015nous demande de préparer les élèves àune formation professionnelle diplômante.La pratique, comme les stages enentreprises aident ces élèves à cheminerdans leur choix. Rendre l’enseignementplus théorique, c’est perdre en efficienceet prendre le risque d’augmenter le décrochage scolaire de ces élèves qui s’épanouissent en pratique. Leséconomies pour l’État calculées à courtterme coûteront cher à long terme. » ❚

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ACTUALITÉS

La réforme du lycée professionnel commecelle du bac général n’ont même pas étéévoquées, tout comme les nombreusesmanifestations et grèves des enseignant·escontre celles-ci. Le projet de transfor-mation de la Fonction publique, avecentre autres l’augmentation du nombrede contractuel·les, la suppression duparitarisme et les salaires au mérite, estconfirmé.Le président est resté assez flou sur lasuppression des 120 000 postes defonctionnaires. Contrairement à ce quecertain·es· ont pu comprendre, l’idée n’estpas abandonnée. Il a seulement préciséque cette mesure pourrait être suspenduesi elle s’avérait intenable. Les suppres-sions de postes liées à la réforme du lycéepro et aux économies budgétaires ne sontde fait toujours pas abandonnées. Laquestion salariale dans la Fonction pu-blique a été elle aussi complètement oc-cultée : aucune inflexion, ni dans le gel dupoint d’indice, ni dans le rattrapage dupouvoir d’achat des fonctionnaires. Il fautrappeler que les enseignant·es ont subiune baisse importante du salaire net aucours de ces 20 dernières années. Sur la question des retraites, le présidenta poussé le cynisme jusqu’à affirmer qu’ilne toucherait pas à l’âge légal de départ à

la retraite à 62 ans. Derrière cet effetd’annonce, se cache une tout autre réalité.En effet, il y aura un allongement de ladurée de cotisation et une décote dissua-sive obligeant ainsi les collègues à retar-der leur départ à la retraite s’ils souhaitentpartir avec une pension décente.Les enseignant·es seront doublementpénalisé·es avec le cumul du projet de re-traite par points et de l’allongement de ladurée de cotisation programmée. Elles etils subiront massivement la décote du faitde leur entrée tardive dans la professionà l’issue de leurs études.Le SNUEP-FSU exige toujours le départ àla retraite à 60 ans avec 37,5 annuitéspour une pension à taux plein ainsi qu’unretour à la CPA (cessation progressived’activité) pour faciliter les fins de car-rière. ❚

Pascal MICHELON

ANNONCES MACRON

CAP MAINTENU CONTRE LES FONCTIONNAIRESEmmanuel Macron a conclu le pseudo Grand débat national par uneconférence de presse le 25 avril. Une fois de plus, le président restesourd aux demandes des agent·es. Il garde le cap et ne modifie enrien sa politique libérale.

AVENIR DE LA FSU DANS LA FGR-FPEn avril dernier s’est tenu lecongrès de la Fédérationgénérale des retraité·es Fonctionpublique. Avec plus de 30 000adhérent·es, cette structure à lafois syndicale et associativerassemble des retraité·es de laFonction publique d’État depuis80 ans. La FSU y est aujourd’huimajoritaire.Seule organisation unitaire etpluraliste des trois fonctionspubliques, la FGR-FP contribue à orienter le positionnement dupôle des retraité·es du côtérevendicatif. FGR-FP et FSU sontun instrument dans le rapport deforce avec le pouvoir qui doittenir compte de leurreprésentativité à travers leurparticipation à de nombreusesinstances.Mais les retraité·es de la FSUsont aussi organisé·es à l’échellelocale dans des sectionsdépartementales de retraité·eset le sentiment de redondance ne favorise pas le militantisme.L’enjeu du renforcement de lalégitimité de la FSU dans legroupe des 9 et la perspective de pouvoir rejoindre l’inter-UCRrestent d’actualité. C’est donclégitimement que la question du maintien de la FSU dans laFGR-FP se pose aujourd’hui.Cette question sera à l’ordre dujour du prochain congrès de laFSU. Elle doit être réfléchie dansune logique de renforcement de l’efficacité et d’arrêt del’éparpillement du syndicalismedes retraité·es. ❚

Jacques FOURGEAUD

CoiffureLE MINISTÈRE VIENT ENFIN DE CRÉER LE BAC PROCOIFFURE, PLUSIEURS ANNÉES APRÈS LA CRÉATION DUBREVET PROFESSIONNEL, DIPLÔME DE NIVEAU IVSURTOUT DÉLIVRÉ POST-APPRENTISSAGE. RESTE MAINTENANT À DÉVELOPPER CETTE FORMATIONSOUS STATUT SCOLAIRE DANS NOS LP !

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6 • ACTU’ • MA I-JU IN 2019 N°110

Une journée d’étude proposée par le laboratoire ECP (Éducation Cultures Politiques, Lyon II) sur les parcours des PLP de plus de 50 ans s’est déroulée au lycée Louise Labé de Lyon le 8 avril dernier. Il s’agissait de présenter les premiers éléments d’un travail de recherche soutenu par le SNUEP-FSU.

« MA MOTIVATION VIENTTOUJOURS DES ÉLÈVES

ET DE LEURS RÉACTIONS. S’ILS PEUVENT ÊTRE

“SOÛLANTS”, PAS UN JOURSANS UNE REMARQUE

POSITIVE OU UNEDÉCOUVERTE. MAIS

CONDITIONS DE TRAVAIL ET CONTRE-RÉFORMES ME QUESTIONNENT : AI-JE BIEN TRAVAILLÉ POUR FORMER NOS ÉLÈVES PENDANT

TOUTES CES ANNÉES ? »

Sous la direction de Françoise Lan-theaume et Thierry Bouchetal, une équipede chercheurs et chercheuses s’est atte-lée à déterminer les facteurs de réussiteet de satisfaction des PLP de plus de 50ans se jugeant heureuses et heureuxdans l’exercice de leur métier. L’objectifest de comprendre les difficultés maisaussi de dégager des pistes permettantd’améliorer les conditions de travail.L’étude s’appuie sur des entretienscollectifs menés auprès de PLP deplus de 50 ans d’établissements et dedisciplines différentes et sur uneétude ethnographique dans un lycéeprofessionnel lyonnais. Parallèlement,un questionnaire diffusé nationalement

a permis de recueillir plus de 400 ré-ponses exploitables reflétant la sociolo-gie de la profession avec 51,5 % defemmes et 30 % de syndiqué·es.

ATTACHEMENT AUX ÉLÈVESLa première motivation du métier est l’in-térêt pour la discipline (32,1 %), suivie deprès par l’aide aux élèves fragilisé·es(28,2 %). Arrivent ensuite la reconversionprofessionnelle (24,3 %) et la transmis-sion du métier (23,8 %), le statut de fonc-tionnaire n’étant cité que par 17,5 % descollègues.Si les élèves sont un moteur pour lamoitié des répondant·es, plus d’un tiersles perçoivent comme un frein pour des

CONCOURS EN FIN DE MASTER 2 : QUEL IMPACT ?Des discussions se mènent actuellement sur la place du concours. La volonté duministre est claire : le décaler entièrement en M2. Même si des adaptations desconditions d’accès à l’examen existent déjà pour certaines disciplines, notammentprofessionnelles, cette proposition fait planer une menace sur le CAPLP. Cedécalage d’un an réduira un peu plus le vivier de candidat·es, ce qui aggravera lacrise de recrutement. Cette pénurie pourrait servir de prétexte à la suppressiondes concours, laissant place à un recrutement par contrat. CQFD.Pour le SNUEP-FSU, le déplacement du concours en M2 ne peut se faire qu’àcondition de mettre en place des parcours proposant une entrée progressive dansle métier sous un statut d’élèves-professeurs.

PARCOURS DES PLP EN FIN DE CARRIÈRE

RÉFORMES ET HIÉRARCHIE MISES EN CAUSE

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PLP Maths-sciences de plusde 50 ans, Lyon

François CLÉMENT

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MÉTIERS

questions de maturité, d’orientationtrop souvent par défaut, de comporte-ment difficile. L’année de seconde estressentie comme étant particulière-ment difficile.

INSTITUTION ABSENTEL’organisation du travail a aussi son im-portance pour pouvoir durer dans lemétier. 40,9 % des interrogé·es ont dé-signé leur équipe de direction commeune difficulté et seuls 11,8 % les consi-dèrent comme une ressource poten-tielle. Le soutien par la hiérarchie et lavie scolaire est très fortement attendumais indéniablement insuffisant. Si lescollègues et le travail en équipe sontplutôt présentés comme une ressource,les projets peuvent devenir une sourcede désengagement.Les corps d’inspection sont quant à euxconsidérés comme des freins. Seul·es3 % les citent comme une éventuelleressource. Et la formation continueest la grande oubliée, jamais citée parles collègues. Quant aux réformes, loind’être un moteur, elles sont consi-dérées par 43,6 % des PLP interrogé·escomme une difficulté pour rester en-seignant·e sur la durée. Les réformessont même qualifiées de brutales.

CONTOURNEMENTSPour persister dans le métier, troisstratégies principales se dégagent : lareconfiguration de son activité (parti-cipation volontaire à des projets parexemple), l’alternance de phases d’en-gagement et de désengagement et lerepositionnement de l’activité via uneprise de distance en cherchant unépanouissement en dehors de l’éta-blissement ou par l’accomplissementd’autres tâches.

Ces premiers résultats constituentune alerte quant aux rapports de plusen plus difficiles avec la hiérarchie etau manque de soutien et de consi-dération. Ils soulignent aussi les effetsnégatifs des réformes successives surla motivation des PLP et recoupentceux de l’enquête du SNUEP-FSU(cf. n° 106 et 109). Les résultats défi-nitifs seront un outil syndical vis-à-visdu ministère pour défendre les PLP,leurs conditions de travail et leur ré-munération. ❚

Bérénice COURTIN

Le décret portantsur la 2e heuresupplémentairepouvant êtreimposée est paruau JO le 13 avril2019. Le ministreavait annoncécette mesure en

même temps que la suppression de 2 400 postesdans le 2d degré. Objectif : compenser lessuppressions de postes à venir en réalisant deséconomies. Cette mesure alourdit la tâche des PLPdéjà confronté·es aux nouveaux programmes etdispositifs à mettre en place à la rentrée.Le SNUEP-FSU réclame un service de 15 h en face-à-face élèves et 3 h de concertation en équipespluriprofessionnelles, une vraie revalorisationsalariale et le dégel du point d’indice. ❚

CLASSEEXCEPTIONNELLE :DES CHANGEMENTSLes conditions derecevabilité pour le vivier 1évoluent. Les affectationsen STS, diplôme supérieurd’arts appliqués ou diplômedes métiers d’art ne sontplus prises en compte, saufpour les collègues dont lacandidature avait été jugéerecevable en 2018. Pour les formateurs·tricesacadémiques, les annéesde fonction auprès desécoles de formationd’enseignant·es (ESPE,IUFM), antérieures audécret 2015, sontdésormais prises encompte. Enfin, les servicesde tutorat de stagiairessont comptabilisés.Le SNUEP-FSU exige que tous les personnelspuissent dérouler unecarrière complète aumeilleur rythme etatteindre les indicesmaximaux correspondantaux indices de la classeexceptionnelle.

VERS LA FIN DES LISTESD’APTITUDE ?Le ministère envisage de mettre fin à l’accès aux corps des certifié·espar liste d’aptitude,prétextant que cela fait doublon avec lapossibilité d’accéder à ces corps par voie de détachement. Le ministre vient en faitde contourner lescommissions paritairesqui peuvent davantagecontrôler les listesd’aptitude que lesdétachements. Cettesuppression est dans ladroite ligne du projet deloi de transformation de la Fonction publique. ❚

HEURES SUPPLÉMENTAIRESNON À UNE 2e OBLIGATOIRE

Après le 6 février, les AESHse sont de nouveaumobilisé·es le 15 mai. Lesenjeux sont forts pour cespersonnels indispensablesdans les classes pouraccompagner des élèves en inclusion. Leursconditions d’emploi et de rémunération actuellesne sont pas acceptables. Si une circulaireministérielle est en cours de rédaction au sujetde leur cadre de gestion, la mise en place desPIAL (pôles inclusifs d’accompagnementlocalisés) risque de rendre l’exercice de cemétier encore plus complexe. Le SNUEP et laFSU exigent qu’un corps de fonctionnaire soitcréé pour les AESH. ❚

AESHMOBILISÉ·ESPOUR LE MÉTIER

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40 %DANS L’ENSEIGNEMENTPUBLIC SECONDAIRE, LES PLP SONT LES PLUS ÂGÉ·ES. 40 % ONT 50 ANSOU PLUS (30 % CHEZ LES CERTIFIÉ·ES) ET LAMOYENNE D’ÂGE EST DE 46,6ANS (CERTIFIÉ·ES 43,6 ANS).

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8 • ACTU’ • MA I-JU IN 2019 N°110

DROITS ET LIBERTÉS

LE TEMPS DES RÉGRESSIONS

« LE DÉFENSEUR DES DROITS ET DES LIBERTÉS,

JACQUES TOUBON, CONSTATELE “RECUL DES LIBERTÉS

FONDAMENTALES” ET ALERTESUR LA “RÉPRESSION

EN HAUSSE” »

Dossier réalisé par :

O. Baudouin, S. Bernard, M-C. Guérin,

I. Lauffenburger, P. Lebouc,

E. Sainson

Loi Blanquer remettant en cause notre droit àl’expression, loi anticasseurs qui restreint notre droit à manifester, rétablissement des sinistres policiers« voltigeurs », enseignant·es interpellé·es brutalement et gardé·es à vue, fin de l’anonymat sur le net, mensongesau plus haut niveau de l’État… Le gouvernement faitpeser sur le pays un risque lourd pour la démocratie.Sidéré·es, nous observons nos libertés fondamentalesentamées chaque jour davantage. Jusqu’où ?

© Photothedque Rouge-CC Martin Noda

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DOSSIER

énophobie, violences policières,violences institutionnelles, déniet casse de la Fonction publique

ou encore repli identitaire dans la repré-sentation politique et dans les esprits…Les divers processus de régression sem-blent être nourris par les effets catastro-phiques de l’ultralibéralisme. Alors…sommes-nous réellement les témoinsd’un immense retour en arrière avec lapeur comme seul point de mire ?En 2001 déjà, le philosophe américainRichard Rorty dans L’Amérique, un projetinachevé, mettait en garde et listait uncertain nombre de régressions : « aggra-vations des inégalités sociales et écono-miques, émergence d’un monde orwellien,explosion du ressentiment et des mani-festations de dénigrement visant lesfemmes comme les membres des mino-rités ». Ce processus délétère sembleaujourd’hui s’accélérer : repli sur soi,développement des partis nationalisteset des démagogies dans le monde,omniprésence des « fake news » et d’unmonde barricadé, accélération descrises sociales…

RÉGRESSION DES DROITS DES PERSONNESEn France, le Défenseur des droits etdes libertés, Jacques Toubon, dans sonrapport annuel d’activités (publié le 12mars dernier), constate le « recul deslibertés fondamentales » et alerte sur la« répression en hausse ». La peur est unressort dont le gouvernement usepour imposer des lois particulièrementinquiétantes : loi dite « anti-casseurs »,loi sur l’immigration – qui a confirméle délit de solidarité – ou encore les dis-positions de l’état d’urgence entréesdans la loi.

RÉGRESSION SOCIALEQuant aux mesures sociales prises auprintemps dernier par notre gouverne-ment, elles semblent placées égalementsous le sceau de la régression. La réduc-tion drastique des dispositifs d’aide auxménages et aux personnes démuniessigne là encore la baisse de la solidaritéqui fait pourtant, depuis la fin de laSeconde Guerre mondiale, la force et lasingularité de notre pays. Autre exem-ple : la destruction à petit feu de l’écoleet de l’hôpital publics avec les coupessombres dans les budgets et des milliersde postes d’enseignant·es, d’infirmièr·eset d’aides soignant·es supprimés dans

des secteurs où la gestion de la rentabi-lité prend nettement le pas sur les mé-tiers et le service public.

VERROUILLAGE DU SYSTÈME ÉLECTORALEn mai 2017, la représentation démo-cratique est mise à mal… L’extrême-droite atteint 25 % dans notre pays etpermet à E. Macron d’être élu grâce à ceque l’on appelle « le vote utile » au se-cond tour. Mais ce vote « contre » ver-rouille aussi le système électoral. Auniveau européen, l’une des dernières en-quêtes du World Values Survey montreque « moins de la moitié des jeunes Euro-péens considèrent comme essentiel devivre dans une démocratie ».Mais cette période de régressions ap-pelle une volonté d’espérer salutaire.Dans l’excellent ouvrage collectif L’âgede la régression, une quinzaine d’univer-sitaires et d’intellectuel·les du mondeentier écrivent aussi la nécessité d’ensortir par la mise en commun des ré-flexions. Ce qu’il nous reste, c’est peut-être alors d’envisager d’autres scénariospossibles : « mettre fin à la droitisation dumonde, intégrer les mutations écolo-giques, faire de la vie sociale un art, vivreavec les migrants et les migrations, débu-reaucratiser, produire des biens et desservices sans but lucratif ». Bref, unetransformation sans régression ! ❚

ALLÔ PLACE BEAUVAU ?David Dufresne a reçu en mars le grand prix du jury des Assises dujournalisme de Tours, pour son travaild’investigation sur les violencespolicières lors des manifestations deGilets jaunes. Au 17 mai il dénombre1 :un décès à Marseille, 287 blessures à latête (dont 24 éborgné·es), 15 blessuresà la main dont 5 mains arrachées,26 blessures au dos, 70 blessures auxmembres supérieurs, 121 auxmembres inférieurs, 6 blessures auxparties génitales, 113 autres types deblessures, 157 intimidations, insultes,entraves à la liberté de la presse. Parmi les victimes, 41 sont mineur·esou lycéen·nes, 105 sont journalistes,32 sont des « medics », 27 de simplespassant·es. ❚

1 - www.davduf.net

X LOI ANTI-CASSEURS,SYMBOLE D’UNGOUVERNEMENT DE CASSEURSOn croyait avoir atteint le pire avecl’entrée de l’état d’urgence dans le droit commun, mais cegouvernement est prêt à toutcasser. Il reprend en fait uneproposition de loi de B. Retailleau(LR) adoptée au Sénat en octobre2018 et visant à « prévenir lesviolences lors des manifestations et àsanctionner leurs auteurs ». Afin demater les Gilets jaunes et montrersa poigne, le 1er ministre a doncdécidé en janvier 2019, dansl’urgence, de reprendre les vieillesidées de la droite la plusréactionnaire. Il s’agit de larésurgence de la loi anticasseurs de 1970, abrogée en 1981. Ellecontinue cependant de soulever lacontestation, tant il est évidentqu’elle est une menace pour le droitde manifester. Un·e préfet·e pourrainterdire à une personne demanifester, ce qui était l’affaire dujuge depuis que les dispositions del’état d’urgence étaient entréesdans le droit commun. Toutedissimulation de visage dans undéfilé sera passible d’un an deprison et de 15 000 euros d’amende.Les fouilles aux abords des cortègesseront étendues et facilitées. 53organisations, dont le Syndicat desavocats de France, le Syndicat de lamagistrature, Amnestyinternational, la LDH, ont appelé le7 mars le gouvernement et leParlement « à abandonner cesmesures qui violent les principes lesplus fondamentaux de l’État et dudroit ». Le Conseil constitutionnel acertes censuré la disposition pharede la loi anti-casseurs (art. 3) maispour les éborgné·es, les mutilé·esdes manifestations des Giletsjaunes, les lycéen·nes, lessyndicalistes, cette nouvelle étaperépressive ne changera rien puisquela police ou les gendarmes mobilesdémontrent à chaque manifestationqu’ils sont déjà capables d’user etd’abuser d’une violence tout à faitconstitutionnelle. ❚

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Le 11 mars dernier, France 2 révélait lesliens entre la multinationale Bayer et l’Al-liance des démocrates et des libéraux pourl’Europe, le groupe politique que lesdéputé·es LREM s’apprêtent à rejoindre.Cette révélation n’est qu’un épiphénomènedans le niveau et la complexité des liensentre les industriels et le pouvoir. Cesaccointances ont des conséquences réelleset néfastes pour l’ensemble des citoyen·nes.Elles empêchent tout changement dusystème économico-politique, mais aussila mise en place de lois nécessaires à latransition climatique et plus globalementà la survie de l’humanité : non-respect desAccords de Paris sur le climat, interdictiondes semences paysannes, autorisationd’usage de pesticides qui détruisent lesabeilles alors que celles-ci assurent 80 %de la pollinisation des plantes à fleurs,

réduction des aides aux agriculteurs·tricespour passer en bio, report à 2040 de la findes voitures thermiques, fiscalité avanta-geuse pour les pollueurs… La liste estlongue et effrayante, et traduit la vision àcourt terme des politiques et industriels,alors que les scientifiques nous alertentsur la possibilité de notre extinction. ❚

Tout pouvoir surveille, sanctionne, ré-prime, pour contrôler. La carte d’iden-tité est une base de données portative,à contenu minimaliste, permettantd’associer de façon exacte, identité etreprésentation faciale.Par « intelligence » artificielle et biomé-trie, le contrôle s’est accru. La reconnais-sance faciale est devenue un outilpolitique puissant et une arme de guerrecontre la démocratie.Rien de vos gestes, dans l’espace public,dans de nombreuses entreprises privées

ou entités publiques, ne peut se fairedans la discrétion. Vous voilà en perma-nence symboliquement porteur·eused’une gigantesque carte d’identité. C’estl’autre fin de l’anonymat (cf. p.11).Dans la grande traque des lanceursd’alertes, des opposant·es, la reconnais-sance faciale assure sa part. Voilà laglasnost version Poutine, une véritableintrusion de tous les instants. Faute defaire face aux besoins sociaux, de ré-pondre à la demande de bien-être descitoyen·nes, le pouvoir choisit, dès que lesévénements s’y prêtent, des mécanismesde défense nationale, vite mutés en dé-fense d’un pouvoir personnel.Un pouvoir malade et amoindri, unchef d’État moins légitime, au fur et àmesure de la dégradation jusqu’àl’inexistant des missions premières,peut faire du renseignement et de lasurveillance des activités principales

de l’État. Caméras et reconnaissancefaciale deviennent les « yeux duprince », dans une société de délationet de chantage permanents.Dans cette perversion, ce dévoiement,nous sommes tous classé·es « gens à sur-veiller ». À défaut d’être tatoués d’un codebarre, d’avoir une puce RFID sous la peau,nous voilà tracés par la reconnaissancefaciale. La déshumanisation, la réificationinhérentes à ce procédé, ne suffisent paset s’accompagnent de pressions, de ré-pressions.L’autorité est omniprésente, menaçanteet nous épie dans notre liberté surveillée.Dans un amalgame sournois et inavoué,malfrats, espions, terroristes ou oppo-sants et citoyen·nes considéré·escomme loin de la morale d’État, sontobservé·es. La Chine est « en avance »dans ce domaine. Des policier·eséquipé·es de lunettes à reconnaissancefaciale vous surveillent. En traversantau rouge, vous serez rappelé∙es à l’ordredans la rue... et au travers d’une formede permis à points, on vous interdira lafréquentation de la société. Commentéchapper à 200 millions de caméras (ledouble en 2020) ? ❚

Le 1er mai, le cortège de la FSUétait attaqué par les forces del’ordre, blessant un militant. Lejeudi 9 mai, Olivier Sillam,militant SNES-FSU étaitviolemment arrêté et gardé àvue. Le 11 mai, une responsabledu SNFOLC était placée engarde à vue pour avoir porté unepancarte, considérée commeune « insulte à président de laRépublique ». Intimidations,rappels à l’ordre et sanctions,interpellations, gardes à vue etviolences policières, les moyensne manquent pas pour fairetaire la contestation chez lesenseignant·es. ❚

INTÉRÊTS FINANCIERS AVANT CEUX DES CITOYEN·NES

Le poids des lobbies dans l’action politique

LES CAMÉRAS DU POUVOIR,LE POUVOIR DES CAMÉRAS

CONTRE LABRUTALITÉ DEL’ÉTAT ET LACRIMINALISATIONDU MOUVEMENTSOCIAL

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DOSSIER

PRESSE ET DROIT À L’INFORMATION EN DANGER

Information sous contrôleLe 1er mai, plus de 300 journalistes si-gnaient une tribune dénonçant les vio-lences policières et la « volonté délibéréede (les) empêcher de travailler, de docu-menter, de témoigner de ce qui se passependant les manifestations ». Certain·esont aussi été victimes de violence de lapart de manifestants (ce que nous dénon-çons) tant la défiance à l’égard de ces me-dias est réelle. Aux mains de milliardaireset de grands groupes financiers, la presse,par le biais de ses éditorialistes, distillepartout les mêmes « éléments de lan-gage » au service de l’idéologie néolibé-rale, agissant comme une force politique.Le soir du 1ermai, les médias audiovisuelsprésentaient le repli de manifestant·esface aux forces de l’ordre à la Pitié-Salpê-trière comme une attaque de l’hôpital, re-prenant en boucle les propos desministres de l’Intérieur et de la Santé.Cette adhésion immédiate à la communi-cation gouvernementale et le mépris de la

parole des manifestant·es ou du person-nel de l’hôpital qui cherchaient à faireémerger la vérité piétinent la déontologiejournalistique la plus élémentaire. Ne laconsidérant pas encore suffisamment as-servie, le président Macron dit réfléchir àun Conseil de déontologie de la pressetandis que ses ministres fonctionnent àcoups de bluffs, de faux-semblants et demensonges complaisamment relayés.Refaire des médias une question poli-tique est urgent. ❚

LE CONSEILCONSTITUTIONNELVALIDE LES TESTSOSSEUX ! Une dizaine d’organisations acritiqué l’utilisation d’examensmédicaux. Elles sont rejointes parles hautes instances scientifiques etmédicales qui ne valident pas lafiabilité de tels tests, ainsi que par le Défenseur des droits. C’est undétournement de l’utilisation de ces examens en-dehors de touteconsidération de santé.Ils représentent aussi un obstaclemajeur à l’accès aux droits et auxsoins de ces jeunes isolé·es etrenforcent considérablement leurfragilité. Les mineur·es isolé·es se retrouvent alors à la rue, sansscolarisation et exposés auxviolences d’un environnementprécaire et dangereux. Cela va àl’encontre de l’intérêt des jeunesmais aussi de nos engagementsinternationaux. ❚

LE FICHAGEBIOMÉTRIQUE1Ce dispositif national fichant desmigrant·es mineur·es isolé·es(identité, empreintes) seracentralisé par l’État. Le ministèrede l’Intérieur dit vouloir éviter lesfraudes. Les associations,emmenées par l’Unicef, redoutentune dérive vers la lutte contrel’immigration irrégulière. LeDéfenseur des droits a aussidemandé le retrait du fichiernational biométrique. Selon lui, cedispositif « porte atteinte au respectde la vie privée » des mineur·es,estimant « qu’ils sont considérésd’abord comme des étrangersfraudeurs plutôt que comme depotentiels enfants en danger ».Aucune prise en charge du jeune par l’Aide sociale à l’enfance sanspassage à la préfecture pourdéposer les empreintes. En cas derefus, le jeune sera alors considérécomme majeur devant intégrer ledispositif des demandeurs d’asile. ❚1 - créé par décret le 31 janvier 2019, nommé AEM (Appui à l’évaluation de la minorité)

Le triste dessein de la fin de l’anonymat en ligneEmmanuel Macron veut en finir avecl’anonymat sur internet. Il le justifiepar sa volonté de mettre en place une« hygiène démocratique du statut del’information » (sic), de freiner les affairesde harcèlement en ligne et stopper la pro-pagation de « fake news ». La formulationhygiéniste consterne et le lien avec lalutte contre le harcèlement et les fakenews n’est qu’une diversion, ces affairesn’émanant que rarement d’utilisateursanonymes. Le gouvernement entretient leflou sur la portée exacte du projet et lesresponsables de la majorité se contredi-sent lors de leurs différentes allocutions.

La vigilance est donc plus que jamais demise. L’anonymat en ligne garantit uneprotection salutaire pour de nombreuxinternautes. Il a pu protéger des lan-ceurs d’alerte, activistes et militant·essyndicaux menacés sur leur lieu de tra-vail. A fortiori, à l’heure de la mise enplace de l’article 1 de la loi Pour uneécole de la confiance où l’activité enligne des enseignant·es pourrait êtremotif de sanction. La fin de l’anonymatsera surtout un moyen d’empêcher lacontestation de s’exprimer en touteliberté et sans représailles hiérar-chiques.

Connaissez-vous les mots entréscette année dans Le Petit Robert ?PARMI LES NOUVEAUX MOTS DE L’ACTU TELS QUE LE VERBEBOBOÏSER, LE COWORKING OU LA VIDÉOVERBALISATION, LE « LANCEUR DE BALLE DE DÉFENSE » FAIT SA TRISTEAPPARITION DANS L’ÉDITION 2019.

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La réforme du bac pro en 3 ans a faitmonter les CCF en puissance. Or, laDgesco constate qu’ils sont organisés defaçon très différenteselon les disciplinesconcernées. Elle consi-dère qu’un recadrage deleurs modalités, effectuépar une note de serviceet un suivi de forma-tions, est nécessairepour les harmoniser.Pour le SNUEP-FSU, recadrer les mo-dalités de CCF permettrait d’aller versplus d’équité entre les matières, certes,mais surtout entre les établissements,les classes et les élèves. Pourtant, il nefaudrait pas que ce recadrage ait desconséquences négatives sur les condi-tions de travail des personnels ni qu’il ac-centue toutes les formes d’évaluationpermanente déjà en place. Le SNUEP-FSU surveillera donc de près la note deservice quand elle sera produite.

MOINS DE CCFPar ailleurs, avouant le caractère chro-nophage des CCF et convenant de l’ac-croissement de la charge de travailqu’ils génèrent chez les enseignant⋅es,la Dgesco propose d’aller plus loin dansle rééquilibrage entre épreuves en CCF

et épreuves ponctuelles. Elle souhaitetoutefois laisser les enseignements pro-fessionnels majoritairement en CCF,

sans les y étendre, etles enseignements gé-néraux partagés entreponctuel et CCF. Seshypothèses de travailsont actuellement lessuivantes :· En bac pro, rebasculerles Maths-Sciences et

laisser l’Éco-Droit et la PSE en épreuvesponctuelles. · En CAP, rebasculer soit le bloc Maths-Sciences, soit le bloc Français-HG-EMCen épreuve ponctuelle, mais pas les 2blocs simultanément, sachant que les

nouvelles grilles horaires et les nou-veaux programmes nécessiteront uneredéfinition des épreuves de Français-HG-EMC.Suivant ses mandats historiques, leSNUEP-FSU ne peut qu’acter favorable-ment la volonté de la Dgesco de réduirele nombre de CCF au profit d’un retour àdes épreuves ponctuelles.

FLOU DU CHEF D’ŒUVREPour le Chef d’œuvre introduit par l’ac-tuelle réforme, la Dgesco souhaite défi-nir des modalités d’évaluation, maissans fixer un règlement trop précis. Cedernier risquerait, selon elle, de « figerles projets » et ne laisserait plus assezde place à la créativité. Le SNUEP-FSU,déjà très critique à l’égard de ce gadgetpédagogique à la dénomination désuète,considère que les propositions faitespour son évaluation sont particulière-ment floues et laissent place à beaucoupd’interprétations pouvant générer desiniquités entre les candidat⋅es et du sur-croît de travail pour les enseignant⋅es.Aussi il sera très vigilant dans l’examendes textes réglementaires quand ils se-ront présentés au CSE.Les premiers projets de textes concernantles CAP devraient être présentés dans lesinstances avant l’été, puis à la rentréescolaire 2019 viendront les projetsconcernant les bacs pro. Le SNUEP-FSUy sera présent et attentif. ❚

Franck FERAS

ÉVOLUTION DES MODALITÉS DE CERTIFICATION

MÉFIANCE ET VIGILANCEDans un contexte de méfiance et de contestation de ses réformes, le ministère entame un nouveauchantier dans la voie professionnelle : les modalités de certification. Malgré le flou actuel sur ceprojet, le SNUEP-FSU vous en présente les grands axes et ses premières analyses.

SUPPRESSION DU BEPLa nouvelle législation sur l’enregistrement des diplômes impose la disparition duBEP. Ainsi, le ministère veut intégrer le diplôme intermédiaire (DI) au bac pro, lesCAP « autonomes » n’étant pas concernés.Un nouveau DI, constitué d’épreuves partielles du bac pro, devrait voir le jour. À cestade, ni les disciplines concernées, ni la part de ces épreuves dans les résultats dubac pro ne sont fixées. Rien n’indique que la matière professionnelle dominante dubac pro y sera évaluée. Et ce diplôme ne pourra pas être enregistré au RNCP1.Dans ces conditions, le SNUEP-FSU, pourtant attaché aux diplômes de niveau V,s’interroge sur la pertinence de la création de ce « super DNB » sans valeur. ❚

1 - Répertoire national des certifications professionnelles

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« POUR LE SNUEP-FSU,RECADRER LES MODALITÉS

DE CCF PERMETTRAITD’ALLER VERS PLUS

D’ÉQUITÉ. »

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POLITIQUES ÉDUCATIVES

Le gouvernement assure actuellement leservice après-vente de la loi Pour la libertéde choisir son avenir professionnel enmartelant le chiffre de 72 % d’insertionprofessionnelle pour lesapprenti·es 7 mois aprèsleur sortie du CFA. LaDEPP1 confirme ce tauxpour les sortants de forma-tion en 2017, ainsi que ledifférentiel de 21 pointsavec les jeunes de lycéeprofessionnel dans lesdeux notes qu’elle vient depublier sur le sujet.Mais « l’avantage » pour les apprenti·esest contestable :· Ce taux de 72 % est une moyenne allantdu CAP au BTS. Or l’insertion profession-nelle des élèves de BTS est bien meilleureque celle des titulaires d’un CAP ou d’unbac pro.· Le taux de rupture des contrats d’appren-tissage n’est pas pris en compte. Or, pour lesmoins de 18 ans, la Dares2 l’estime à 39 %.Avec 61 % des apprenti·es qui vont au boutde leur formation, ce sont en réalité 44 %des mineur·es ayant commencé une for-

mation par apprentissage qui sont en em-ploi 7 mois après la fin de leur formation.· Si l’on compare le taux de jeunes diplô-més professionnels qui ont trouvé un

emploi ailleurs que chezle maître d’apprentissageou un lieu de PFMP,l’avantage est aux sco-laires (32 % contre 28 %).Le gouvernement a déli-bérément choisi pour sacommunication un chiffrequi ne relève pas d’uneanalyse rigoureuse et sin-

cère de cohortes de jeunes sur un cursus.La réalité est que les chances d’insertiondes élèves qui s’inscrivent en LP sontmeilleures, à terme, que celles desapprenti·es. Plus de la moitié des élèvesde lycée professionnel trouvent un emploien 7 mois, alors qu’au moins 28 % desapprenti·es perdent le leur ! ❚

Frédéric LALANNE,Fabien MÉLANIE

1 - Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance2 - Direction de l’animation, des recherches, des étudeset des statistiques du ministère du travail

INSERTION DES APPRENTI·ES

LE GOUVERNEMENT JOUE L’INTOX SUR LES CHIFFRESPour faire la promotion de l’apprentissage, le gouvernement mettoujours en avant l’insertion professionnelle qui serait meilleureque celle des lycéen·nes professionnels. Mais est-ce la réalité ?

QUEL TUTORAT ? Une étude du Cereq1, publiée enavril, s’intéresse aux modalités demise en place et d’exercice desactions de tutorat dont elle pointe lesdifficultés. Le terme tutorat désignel’accueil et l’encadrement d’un jeunedans tout type d’organisation pourune PFMP.La difficulté est grande pour trouverdes structures dont les activitéscorrespondent aux compétencesvisées par le diplôme. Elles n’offrentpas toujours la possibilité de réaliserdes tâches permettant de valider lescompétences attendues dans leréférentiel de formation. Lesenseignant·es n’ont pas de tempsspécifique pour ce travailchronophage qu’est la recherche de terrains de stage (explication duréférentiel, négociation desmodalités de mise en place desPFMP). Les difficultés liées au jeuneâge des élèves, à leur faible mobilité,à leur genre et leur origine, à unesituation de handicap, ou à la criseéconomique sont autant de freins àl’accès au stage. Les pôles de stagecréés en 2015 par le ministère quidevaient remédier à ces difficultésn’ont pas atteint leur objectif.Pour le Cereq, l’absence dereconnaissance d’un temps dédiéau tutorat dans la plupart desstructures explique que certainstuteurs et tutrices se limitent àmettre les jeunes en positiond’observateurs plutôt qu’en situationde faire. Absorbé·es par leurprincipale fonction, les tuteurs·trices,qui jugent souvent illisibles lesréférentiels, n’ont alors pas assez detemps pour former et accompagnerau mieux des jeunes ni pourrencontrer les enseignant⋅es.Cette étude rejoint les analyses duSNUEP-FSU : nombre de PFMP nesont pas formatrices et les difficultésévoquées par le Cereq vonts’accentuer avec la réforme actuelle.Le SNUEP-FSU continue derevendiquer une baisse de la duréedes PFMP. ❚

Rafikha BETTAYEB

1 - Centre de recherches et d’études sur les qualifications

« LA RÉALITÉ EST QUE LESCHANCES D’INSERTION DESÉLÈVES QUI S’INSCRIVENTEN LP SONT MEILLEURES, À TERME, QUE CELLES DES

APPRENTI·ES. »

POURSUITE D’ÉTUDESDES PLACES À HAUTEUR DESBESOINS !Depuis la rentrée 2018, le ministre se félicite de l’aug-mentation du nombre de bachelier·es pro inscrit·esen BTS. Il est vrai que 4000 places supplémentaires yont été ouvertes. Mais il est vrai aussi que ParcourSup

a organisé un véritable tri social avec des quotas et des attendus qui orientent priori-tairement les bachelier·es pro vers les BTS et limitent leur accès à d’autres filières.Pire, cette augmentation n’a pas empêché de nombreux bachelier·es pro de restersans solution, malgré la création en urgence de « classes passerelles » inefficaces,sortes d’obscures antichambres du BTS.Pour satisfaire toutes les demandes y compris celles des bachelier·es généraux ettechnologiques, le SNUEP-FSU demande une augmentation massive des places en BTSet refuse le tri social organisé par ParcourSup. ❚

Fabien MÉLANIE

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QUELLE ANALYSE FAIT LE SNUTER-FSU DU PROJET DE LOI ?Avant de faire l’analyse de cette loi detransformation de la Fonction publiqueque la FSU a justement rebaptisée « Loide destruction de la Fonction publique »quelques éléments de contexte sont àprendre en compte pour mieux com-prendre la situation en particulier pourle versant territorial de la Fonction pu-blique. En effet, des articles ou des pro-positions de ce projet de loi concernentexclusivement la Fonction publique ter-ritoriale (FPT) et sont directement diri-gés contre les agent·es territoriaux.Depuis plusieurs années, et en particu-lier ces derniers mois, les services pu-blics territoriaux et les agent·es publicsfont l’objet de mesures régressives etd’attaques non dissimulées dont l’objec-tif est de remettre en cause un des pi-liers de notre modèle social solidaire : laFonction publique.Avec une vision purement budgétaireportée par le dogme austéritaire de labaisse des coûts de fonctionnement, legouvernement tente d’appliquer à la FPTune « RGPP à la sauce territoriale » dans

le but d’atteindre son objectif de réduireles déficits publics : les 70 000 suppres-sions d’emplois dans le versant territo-rial en sont un des aspects, mais pas leseul. Ce gouvernement ne fait que pour-suivre des politiques menées depuis denombreuses années de remise en causedes services publics et dont les agent·esont aussi fait les frais au travers du fa-meux « fonctionnaire bashing ».

COMMENT LE GOUVERNEMENT S’Y PREND-IL ?En demandant dans un premier temps(été 2018) aux collectivités locales de si-gner des contrats d’engagements finan-ciers limitant à 1,2 % leurs dépenses depersonnel (ce n’est même pas le niveaudes mesures gouvernementales doncc’est un objectif inatteignable sans« tailler » dans les effectifs : c’est le butrecherché) contre l’assurance de percevoirles dotations financières de l’État qui leurpermettent d’assurer « la bonne marche »de leurs services. Ensuite en créant lesconditions « statu-taires » pour atteindreces objectifs : c’est leprojet de loi Fonctionpublique. Les agent·es,mais aussi les services,vont alors servir de va-riables d’ajustement.Il est aussi, à ce stade,nécessaire de s’interro-ger sur le rôle (la stra-tégie ?) parfois peuclair de certains em-ployeurs territoriaux, en tout cas de leursreprésentant·es, dans l’élaboration desmesures les plus négatives de ce projetde loi. En effet, certaines d’entre elles nepeuvent se comprendre qu’en étant pro-posées avec leur accord voire à leur de-mande. Les employeurs territoriaux,souvent prompts à revendiquer l’article72 de la Constitution et la libre adminis-tration des collectivités, vont-ils devenirle bras armé de l’État, suivant en cela laformule d’Odilon Barbot au XIXe siècle :

« c’est toujours le même marteau quifrappe, on en a juste raccourci le manche ».C’est l’un des axes du projet de loi detransformation de la FP qui contient desmesures dont les employeurs territoriauxvont se servir pour réduire leur massesalariale, un autre étant d’externalisercertaines missions dans le cadre de dé-légations de services publics : c’est le vé-ritable projet du gouvernement !

CONCRÈTEMENT, QUELLES SONT LESCONSÉQUENCES POUR LES AGENT·ESTERRITORIAUX ET LES SERVICES PUBLICSLOCAUX ?Ce projet de loi contient des mesures :· Qui risquent de restreindre le périmè-tre d’intervention des services publicslocaux en confiant au secteur privé desmissions assurées aujourd’hui par lesservices publics : en clair des privatisa-tions.· Qui actent de la remise en cause d’ac-quis sociaux pour les agent·es de la FPT.

· Qui accentuent laprécarité des emplois.· Qui remettent encause les fondementsdu dialogue social.· Qui préfigurent uneFonction publiqued’emplois au détri-ment de la Fonctionpublique de carrièreque nous connaissonsaujourd’hui.Le service public local

n’est pas simplement prestataire de bienset de services mais aussi producteur delien social et de citoyenneté. C’est ce quiexplique l’attachement des citoyen·nes àla notion d’un service public territorial quiremplit ses missions d’égalité et de soli-darité : c’est une demande forte expriméelors du Grand débat. Déjà, par le passé, lesdifférentes vagues de réforme ont étésouvent l’occasion rêvée par certain·esd’externaliser missions ou activités, c’est-à-dire : privatiser. Les partisans de ces

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PROJET DE LOI DE TRANSFORMATION DE LA FONCTION PUBLIQUE

COMBATTRE LES ATTAQUESDIDIER BOURGOIN est co-secrétaire général du SNUTER-FSU, syndicat national unitaire de laterritoriale dans la FSU. Il décrypte le projet de loi de transformation de la Fonction publique et sesconséquences pour les services rendus au public et les agent·es, faisant écho aux impacts sur laFonction publique d’État.

« CE GOUVERNEMENT NE FAITQUE POURSUIVRE DES

POLITIQUES MENÉES DEPUIS DE NOMBREUSES ANNÉES DE

REMISE EN CAUSE DESSERVICES PUBLICS ET DONT LESAGENT·ES ONT AUSSI FAIT LESFRAIS À TRAVERS DU FAMEUX“FONCTIONNAIRE BASHING”. »

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ENTRETIEN

privatisations avancent les arguments dumoindre coût, d’une meilleure efficacitéet d’une plus grande « motivation » desagent·es. Cette vision des choses est pu-rement idéologique et quantité d’exem-ples de privatisation d’entreprisespubliques ou de services publics locauxnous démontrent le contraire : distribu-tion de l’eau, transport, collecte des dé-chets, gestion des bâtiments, entretien,énergie, restauration, espaces verts, loge-ment social, etc. Les privatisations n’ontamené aucune amélioration de qualité deservice, mais plutôt une restriction de lacouverture du territoire, l’augmentationdes coûts et l’exclusion d’une partie desusager·es par un phénomène sociolo-gique : la gentrification. Pourtant des col-lectivités réintègrent certaines missionsdans le secteur public après les avoirconfiées au secteur privé.

PEUX-TU NOUS DONNER DES EXEMPLES ?1/ À Vierzon où la commune a remunici-palisé la restauration scolaire pour uncoût inférieur à l’ancien prestataire privé.2/ Après sa décision de changer de modede gestion de l’eau en optant pour unerégie municipale, la ville d’Annonay(Ardèche, commune dont l’actuel secré-taire d’État à la FP a été le maire) achangé les tarifs : le prix du mètre cubed’eau a baissé de 23 %. Pour la part fixecorrespondant à l’abonnement eau et àl’assainissement, la tarification a baisséde 36,8 % !Le SNUTER-FSU est opposé à la logiquedu projet de loi qui introduit de nom-breuses ruptures, avec la conception ré-publicaine de la FP. Car d’un côté, l’Étatse retire peu à peu de la conduite et del’animation d’un certain nombre de po-litiques publiques, et de l’autre les col-lectivités territoriales voient leursmarges de manœuvre restreintes alorsqu’elles s’étaient, pour certaines, enga-gées dans des projets nécessitant desinvestissements lourds à long terme :c’est pour elles une fragilisation de leurpouvoir politique, fiscal et financier.

QUELLES SONT LES DISPOSITIONS LES PLUSPROBLÉMATIQUES ?Compliqué d’en sortir 2 ou 3 tant l’en-semble du dispositif pose problème(sauf le chapitre 5 sur l’égalité profes-sionnelle bien sûr !) mais s’il faut fairedes choix, des questions sont révéla-trices des projets du gouvernement.

Tout d’abord l’article 18 qui concernel’harmonisation de la durée du travaildans la FPT. Il prévoit, ni plus ni moins,de mettre fin aux régimes de temps detravail dans les collectivités territorialeset leurs établissements publics à partir de2021 pour le bloc com-munal et 2022 pour lesdépartements et régions.Cela signifie une remiseen cause à terme des ac-cords locaux négociésdans les collectivités ter-ritoriales et validés par lePréfet dans le cadre desa mission de contrôlede la légalité des actesadministratifs. Une véri-table remise en cause de15 ans de dialogue socialbalayés d’un simple revers de main ! L’article 27 est un dispositif d’accompa-gnement des restructurations de ser-vices. Pour la territoriale, cela veut dire laporte ouverte aux privatisations que lesecteur marchand attend avec impa-tience. Car avec les possibilités ouvertespar l’article 28 qui rend possible le déta-chement d’office des fonctionnairestouché·es par une externalisation, ils’agit d’une véritable machine de guerrepour privatiser des services entiers etpréparer des suppressions d’emplois.En effet, lorsque l’activité d’une personnemorale de droit public employant desfonctionnaires sera reprise par une per-sonne morale de droit privé ou par unepersonne morale de droit public gérantun service public industriel et commer-

cial, les fonctionnaires exerçant cette ac-tivité seront détaché·es d’office sansdroit d’option, pendant la durée ducontrat liant la personne morale de droitpublic à l’organisme d’accueil, sur uncontrat de travail de droit privé conclu à

durée indéterminéeauprès de l’organismed’accueil. Si l’agent·erefuse, là aussi la ruptureconventionnelle (RC)pourra s’appliquer. C’estf o n d a m e n t a l e m e n tcontraire à la notion destatut puisque par défi-nition le fonctionnaire,n’étant pas dans unerelation contractuelle,n’a aucun contrat àrompre.

Il y a aussi l’article 10 : dans la FPT, lesemplois permanents pourraient être oc-cupés de manière permanente… par desagent·es contractuel·les. Ce recours seraitpossible dans les communes de moinsde 1 000 habitant·es et les groupementscomposés de communes dont la popula-tion moyenne est inférieure à ce seuil,pour tous les emplois et dans les autrescollectivités, pour tous les emplois àtemps non complet lorsque la quotité detemps de travail est inférieure à 50 %.

La mobilisation massive de toutes ettous est donc nécessaire si nous voulonsencore faire reculer le gouvernement etobtenir le retrait de ce projet de loi. ❚

Propos recueillis par Sigrid GÉRARDIN

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« LES PRIVATISATIONS N’ONT AMENÉ AUCUNE

AMÉLIORATION DE QUALITÉ DE SERVICE, MAIS PLUTÔT UNE RESTRICTION DE LA

COUVERTURE DU TERRITOIRE,L’AUGMENTATION DES COÛTS

ET L’EXCLUSION D’UNEPARTIE DES USAGER·ES »

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