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L’enfant précoce : signes particuliers The gifted child: particular signs O. Revol a, *, J. Louis b , P. Fourneret a,c a Service de neuropsychiatrie de l’enfant, hôpital neurologique, 59, boulevard Pinel, 69003 Lyon, France b Inserm unité 380, Lyon, France c Institut des sciences cognitives, Lyon, France Reçu le 17 septembre 2003 ; accepté le 28 octobre 2003 Résumé Identifier la précocité permet de donner du sens à certains comportements apparemment inadaptés et de prévenir ainsi la survenue d’éventuelles difficultés affectives ou cognitives... Une meilleure sensibilisation à leur profil spécifique devrait faciliter l’intégration de ces enfants très intelligents mais atypiques, encore trop souvent considérés comme porteurs de troubles psychologiques. © 2004 Publié par Elsevier SAS. Abstract Identifying giftedness makes some of children’s apparently malajusted behaviours understandable. It thus precludes affective and cognitive disorders. A better awareness of their specific profile should help those clever but atypical children integrate as they are too often considered psychologically disturbed. © 2004 Publié par Elsevier SAS. Mots clés : Enfants précoces ; Signes particuliers Keywords: Gifted children; Distinctive features Le repérage de la précocité est utile à tout instant du développement. Très tôt, il permet d’anticiper la survenue de troubles du comportement en proposant aux parents de cer- tains nourrissons difficiles des stratégies éducatives simples et efficaces. Plus tard, la révélation de la précocité apporte une explication rationnelle aux troubles d’adaptation rencon- trés par les enfants intellectuellement précoces (EIP) en ma- ternelle. Enfin, dès les classes primaires, l’identification des profils spécifiques des EIP permet aux enseignants et aux familles de s’adapter à leurs particularités affectives et cogni- tives. Ce regard expert revêt de plus une fonction thérapeutique, car l’identification de la précocité est rapidement apaisante pour l’enfant et son environnement. (« enfin, on a le mode d’emploi... », « il a retrouvé le sourire depuis qu’il a été testé...) ». Il exige de l’éducateur une bonne connaissance des caractéristiques développementales qui distinguent un enfant précoce d’un enfant standard. Le diagnostic de précocité repose moins sur la présence de l’un ou l’autre de ces signes, d’allure bien banale lorsqu’ils sont présents isolément, que sur leur co-existence et leur chronologie d’apparition, qu’une anamnèse bien conduite permet de reconstituer aisément. On peut classer ces signes distinctifs en quatre catégories : les particularités du développement, les troubles du com- portement, les troubles de la régulation émotionnelle et les spécificités du traitement de l’information. 1. Les particularités du développement Elles vont être rapidement évidentes dans le milieu fami- lial devant la précocité de certaines acquisitions. On décrit * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (O. Revol). Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 52 (2004) 148–153 www.elsevier.com/locate/neuado © 2004 Publié par Elsevier SAS. doi:10.1016/j.neurenf.2003.10.004

L'enfant précoce : signes particuliers

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L’enfant précoce : signes particuliers

The gifted child: particular signs

O. Revol a,*, J. Louis b, P. Fourneret a,c

a Service de neuropsychiatrie de l’enfant, hôpital neurologique, 59, boulevard Pinel, 69003 Lyon, Franceb Inserm unité 380, Lyon, France

c Institut des sciences cognitives, Lyon, France

Reçu le 17 septembre 2003 ; accepté le 28 octobre 2003

Résumé

Identifier la précocité permet de donner du sens à certains comportements apparemment inadaptés et de prévenir ainsi la survenued’éventuelles difficultés affectives ou cognitives... Une meilleure sensibilisation à leur profil spécifique devrait faciliter l’intégration de cesenfants très intelligents mais atypiques, encore trop souvent considérés comme porteurs de troubles psychologiques.© 2004 Publié par Elsevier SAS.

Abstract

Identifying giftedness makes some of children’s apparently malajusted behaviours understandable. It thus precludes affective and cognitivedisorders. A better awareness of their specific profile should help those clever but atypical children integrate as they are too often consideredpsychologically disturbed.© 2004 Publié par Elsevier SAS.

Mots clés : Enfants précoces ; Signes particuliers

Keywords: Gifted children; Distinctive features

Le repérage de la précocité est utile à tout instant dudéveloppement. Très tôt, il permet d’anticiper la survenue detroubles du comportement en proposant aux parents de cer-tains nourrissons difficiles des stratégies éducatives simpleset efficaces. Plus tard, la révélation de la précocité apporteune explication rationnelle aux troubles d’adaptation rencon-trés par les enfants intellectuellement précoces (EIP) en ma-ternelle. Enfin, dès les classes primaires, l’identification desprofils spécifiques des EIP permet aux enseignants et auxfamilles de s’adapter à leurs particularités affectives et cogni-tives.

Ce regard expert revêt de plus une fonction thérapeutique,car l’identification de la précocité est rapidement apaisantepour l’enfant et son environnement. (« enfin, on a le mode

d’emploi... », « il a retrouvé le sourire depuis qu’il a ététesté...) ». Il exige de l’éducateur une bonne connaissance descaractéristiques développementales qui distinguent un enfantprécoce d’un enfant standard. Le diagnostic de précocitérepose moins sur la présence de l’un ou l’autre de ces signes,d’allure bien banale lorsqu’ils sont présents isolément, quesur leur co-existence et leur chronologie d’apparition, qu’uneanamnèse bien conduite permet de reconstituer aisément.

On peut classer ces signes distinctifs en quatre catégories :les particularités du développement, les troubles du com-portement, les troubles de la régulation émotionnelle et lesspécificités du traitement de l’information.

1. Les particularités du développement

Elles vont être rapidement évidentes dans le milieu fami-lial devant la précocité de certaines acquisitions. On décrit

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (O. Revol).

Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 52 (2004) 148–153

www.elsevier.com/locate/neuado

© 2004 Publié par Elsevier SAS.doi:10.1016/j.neurenf.2003.10.004

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des nourrissons surinvestissant dès trois mois le contact avecleur mère, sollicitant sans cesse l’entourage pour être remar-qués, recherchant la position debout à six mois en poussantsur leurs membres inférieurs et vocalisant pour être entendus.Leur compétence en matière d’empathie sont déjà remarqua-bles ; elles vont être illustrées, et facilitées, par une acquisi-tion rapide du langage oral. Certains parents notent la préco-cité des premiers mots (12 mois), puis des premières phrases(18 mois au lieu de 24 mois, repère classique du premieraccolement de 2 mots). D’autres signalent une absence d’ac-quisition des premiers mots jusqu’à deux ans, puis l’appari-tion brutale de phrases parfaites sur le plan syntaxique(« comme s’il attendait de savoir parler correctement avantde nous le montrer... »).

Cette aisance langagière va logiquement s’accompagnerd’un intérêt prématuré pour l’environnement, avec un ques-tionnement incessant (« pourquoi ...?, est-ce que... ? ») ettoujours pertinent. Ce harcèlement plonge l’adulte dansl’embarras car il concerne des sujets complexes et existen-tiels (origine de la planète, construction de l’univers, exis-tence de Dieu, notion de vie après la vie...).

L’association de l’avance verbale et de l’empathie créeune situation idéale pour développer une forme d’humour quiachève de fasciner l’entourage. Dès trois ans, l’EIP cherche àfaire rire par des mimiques ou des jeux de mots qui parvien-nent spontanément à son esprit. Ce phénomène est volontiersentretenu par un entourage fasciné et stimulant.

L’accès à la lecture est généralement accéléré ; dans sondésir de tout maîtriser, l’enfant recherche très vite à compren-dre les règles de la correspondance phonème–graphème. Ilapprend le plus souvent seul, à l’aide de jeux éducatifs(ordinateurs), télévisés (« Des chiffres et des lettres », « Pyra-mide »...) et en décryptant les publicités ou les gros titres desjournaux. Son appétence « épistémologique » sera en revan-che, nettement moins vive en matière de graphisme pourlequel il est souvent moins compétent ; il est probable qu’ilsoit rebuté par la lenteur de ses réalisations picturales, dont savivacité s’accommode mal. De fait, il va rapidement négligertoutes les tâches écrites, ce qui achève de dérouter les ensei-gnants.

Sur le plan social, il est spontanément attiré par des cama-rades plus âgés, voire des adultes. Dans le même sens, ilpréfère les jeux compliqués, et délaisse ceux de son âge. Il estaidé dans cette entreprise par des compétences mnésiquesétonnantes, qu’il s’agisse de la mémoire de travail (qui impli-que l’attention), ou de la mémoire à long terme.

Enfin, un dernier trait est largement décrit par les familles,à la limite entre physiologie et pathologie ; il s’agit d’uneextrême sensibilité qui donne une fausse impression d’imma-turité affective. Cette hypersensibilité n’est que la consé-quence du fonctionnement empathique d’un enfant qui per-çoit rapidement les états d’âme de son entourage. Sesréactions sont généralement caricaturales car la précocité estresponsable d’un effet loupe [19], qui amplifie toutes lesémotions et les sensations.

Ainsi, les EIP apparaissent très tôt comme des enfantsvifs, hypersensibles, opposants et...dérangeants ; ils ont pour-tant besoin de règles éducatives strictes et bienveillantes,seules susceptibles de les rassurer.

Les principaux signes d’appels de la précocité doivent êtrerapidement reconnus pour permettre une adaptation de l’en-tourage (Fig. 1).

2. Troubles du comportement

Si ces particularités ne représentent en fait qu’une avancedans certains domaines, elles s’accompagnent souvent detroubles du comportement, qui peuvent être les premierssymptômes visibles de la précocité [16]. Secondaires à la« dyssynchronie » [19], qui affecte l’enfant dans ses relationsaux autres mais aussi dans son fonctionnement interne [5], ilsméritent d’être rapidement identifiés comme l’expressiond’une avance intellectuelle, ce qui évite de les relier à untrouble de la personnalité ou encore d’incriminer des fauteséducatives.

2.1. Les troubles du sommeil

Ils sont quasi-constants; leur signification diffère selonl’âge. Chez le nourrisson, l’insomnie d’endormissement estliée à l’anxiété de séparation, logiquement amplifiée par laprécocité.Après deux ans, l’opposition au coucher illustre lesdifficultés à renoncer au plaisir de jouer ou d’apprendre ;l’anxiété vespérale est aggravée en période œdipienne par lacrainte de la résurgence des fantasmes au cours du rêve.

Sur le plan qualitatif, tous les types de troubles ont étésignalés comme le confirme une étude récente [10] ; onretrouve des insomnies (difficultés au coucher, éveils noctur-nes), des parasomnies (cauchemars) et surtout l’impressionparentale, subjective, d’un sommeil de mauvaise qualité(Fig. 2).

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La fréquence des troubles du sommeil chez les EIP inciteà rechercher d’autres signes évocateurs de précocité cheztout enfant consultant pour un refus d’endormissement.

2.2. L’opposition

Elle est certainement le symptôme le plus fréquent (« sonpremier mot a été « non », avant « papa, maman »...). Elles’exprime de façon comportementale avant l’apparition dulangage, avec des crises de colère paroxystiques en cas defrustration (hurlements, coups de tête sur le sol...). Plus tard,l’aisance verbale risque d’entraîner l’enfant dans une argu-mentation aussi structurée qu’insupportable. Le rattache-ment de ces excès au diagnostic de précocité va être rapide-ment apaisant en dédouanant les parents de toutes fauteséducatives. Quelques conseils simples (fermeté bien-veillante, proposition rapide de nouveaux centres d’inté-rêt ...) achèveront de ramener le calme ; à l’inverse, l’absenced’identification du problème risque de maintenir un climatdélétère et de créer une situation délicate pour l’avenir.

Ces comportements sont surtout rencontrés chez le gar-çon. La rareté des manifestations d’opposition chez les fillet-tes, volontiers « hyperconformes », est sans doute à l’originede la sous-évaluation de la précocité féminine et du retard à ladiagnostiquer.

2.3. L’instabilité psychomotrice

C’est une plainte de plus en plus rencontrée en consulta-tions ; l’hypermédiatisation de ce symptôme conduit à desdemandes injustifiées de soins psychothérapiques, voire detraitement médicamenteux [14]. Un entretien clinique sim-ple, avec reconstitution de l’histoire de l’enfant, précisant lachronologie d’apparition de l’hyperactivité est souvent suffi-sant pour évoquer la précocité [17]. On la discutera devant un

enfant calme à la maison et signalé comme instable à l’entréeen maternelle, avec une aggravation au cours préparatoire,surtout s’il existe parallèlement des troubles spécifiquesd’apprentissage [4,11]. La variabilité du comportement enfonction des moments et des enseignants confirme rapide-ment l’hypothèse d’un enfant qui bouge car il s’ennuie avecses pairs. On sait par ailleurs que l’insuffisance de stimula-tions laisse l’enfant bien désemparé face à la résurgence depréoccupations anxieuses qui aggravent son instabilité.

L’aspect sélectif de l’hyperactivité est facilement objec-tivé par les échelles de Conners [2,8], dont les scores paren-taux subnormaux contrastent avec ceux de l’école, franche-ment pathologiques (Fig. 3). Des conseils d’approfon-dissement, d’enrichissement, voire d’accélération scolairesont suffisants pour limiter les débordements.

3. Les troubles de la régulation émotionnelle

Ils sont retrouvés chez la plupart des enfants précoces, etpeuvent être les premiers révélateurs d’une avance intellec-tuelle jusque là méconnue. On distingue l’anxiété et lestroubles de l’humeur.

3.1. L’anxiété

Elle est constante chez les enfants surdoués. L’intelli-gence est logiquement anxiogène lorsqu’elle donne accès àdes questionnements existentiels que le jeune enfant ne peutassumer. On est alerté dès trois ans par des préoccupationsexcessives concernant l’univers ou la vie après la vie ; lanotion prématurée de la pérennité de la mort est forcémentinquiétante à l’âge ou l’enfant en a normalement une notiontrès abstraite ou ludique, comme dans les dessins animés oules jeux vidéo (« je sais bien que je n’ai pas plusieurs

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Fig. 2.

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vies... »). Plus tard, les peurs concernent les maladies (peurdu sida, de la maladie de la vache-folle...), la survenue decatastrophes au niveau planétaire (guerre, météorites, inon-dations...) ou familiales (maladies des parents, sépara-tions....). Ces craintes sont parfois abordées spontanément,mais le plus souvent elles restent secrètement gardées par unenfant qui n’ose en parler à ses camarades de peur d’êtreridicule, ni à ses parents pour ne pas les inquiéter. Ellesrisquent alors d’évoluer en véritables obsessions, inquiétan-tes, responsables de rituels nécessaires à leur apaisement.Cette organisation en troubles obsessionnels et compulsifs(TOC) est tellement fréquente dans notre expérience qu’ellejustifie d’interroger tous les enfants intelligents sur l’exis-tence d’éventuels « soucis » ou de gestes absurdes qu’ils nepeuvent éviter. La (première) révélation de ce qu’ils considè-rent souvent à tort comme une maladie mentale est extrême-ment thérapeutique [15].

3.2. Les troubles de l’humeur

Ils sont fréquents chez les EIP, mais particulièrement malrepérés. Les adultes hésitent en effet à évoquer la dépressionchez l’enfant, et préfèrent longtemps feindre de croire quel’enfance est toujours une période joyeuse ; l’enfant surdouéest pourtant surexposé au risque dépressif du fait de sa grandeperméabilité aux émotions de l’entourage, avant d’avoir puconstruire les moyens de défense adaptés [20]. Il est doncfondamental de bien connaître les signes de dépression infan-tile, d’expression variable en fonction de l’âge (Fig. 4), et depenser le cas échéant à les relier à l’avance intellectuelle.Cette identification permet alors de décontaminer la relationentre l’enfant et ses parents ; une des particularités de ladépression infantile est de s’auto-entretenir, quand l’irritabi-lité et l’agitation favorisent le rejet. Elle permet également demettre en place des stratégies psychologiques adaptées

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(consultations de soutien au cours desquelles sont abordéesles causes de la tristesse), voire un traitement médicamen-teux transitoire [13].

4. Les spécificités du traitement de l’information

Le quatrième domaine qui permet de distinguer l’enfantprécoce concerne ses spécificités de traitement de l’informa-tion. Les enseignants connaissent bien ces profils cognitifsrapidement défavorables sur le plan scolaire, malgré descompétences satisfaisantes [3,4,6]. On sait en effet que l’en-fant précoce privilégie une vision globale, simultanée, desproblèmes, au détriment d’une démarche séquentielle, analy-tique, plus longue et coûteuse en énergie. De fait, un despremiers signes qui alerte l’institutrice est le contraste entrela fulgurance de certaines réponses et l’impossibilité d’enexpliquer le cheminement. On pense que l’enfant précocetraite l’information de façon analogique et intuitive [12,18],faisant à son insu des liens entre le problème posé et dessituations semblables déjà vécues ; la solution s’impose alorsà lui, sans qu’il puisse en expliquer l’origine. Les conséquen-ces sur les carnets de note peuvent être le premier clignotantd’une précocité jusque là méconnue. Les enseignants fontétat du « manque de méthode », de la « difficulté face àl’effort », et décrivent « l’effet Everest », défini comme unepréférence pour ce qui est compliqué, et un manque d’atten-tion dans les matières moins intéressantes. Une fois encore,la compréhension rapide de l’origine de ce fonctionnementpermet d’éviter l’enlisement et surtout la phobie de l’école.Des conseils méthodologiques, voire une prise en charge àvisée pédagogique sont alors rapidement efficaces sur lesrésultats scolaires [11].

En somme, un certain nombre de traits distinguent l’en-fant précoce des enfants de son âge. Leur mise en évidencerapide permet d’anticiper la survenue de conséquences po-tentiellement délétères [1]. La confirmation du « surdon » parun test de quotient intellectuel (QI) n’est pas nécessaire sil’enfant va bien ; elle devient indispensable en cas d’échecscolaire injustifié ou de détresse affective, et doit alors s’ac-compagner de modifications des contre-attitudes parentalesou d’adaptations éducatives et ou pédagogiques.

C’est donc avant tout la méconnaissance de la précocitéqui représente un risque pour l’enfant. À l’inverse, son iden-tification et surtout sa reconnaissance [9] sont rapidementbénéfiques et permettent à l’EIP d’exploiter au mieux sescompétences.

D’ailleurs, dans la plupart des cas, la précocité est plus unatout qu’un handicap, et il ne faut certainement pas en faireune maladie ! [7].

Références

[1] Adda A. Enfants doués non reconnus, non identifiés. Colloque AFEP,Paris-Sorbonne; 1996.

[2] Conners CK. Rating scale for use in drug studies with children.Psychopharmacol Bull 1973:24–84.

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[4] Ferri BA, Gregg N. Profiles of college students demonstrating learn-ing disabilities with and without giftedness. Journal of LearningDisabilities 1997;30(5):552–9.

[5] Gamon AM. Le paradoxe de la précocité. Lyon: Mémoire Sciences del’Éducation; 1997.

[6] Gibello B. Les échecs scolaires des enfants surdoués. Journal PédiatrPuériculture 1997;10(4):234–6.

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Fig. 4.

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[9] Leurquin. L’identification des enfants surdoués. NeuropsychiatrEnfance Adolesc 1996;44(1-2):59–66.

[10] Louis J, et al. Le sommeil de l’enfant précoce. ANAE 2004 (souspresse).

[11] Piat-Brosse C. L’échec scolaire chez l’enfant surdoué. Lyon: Thèsemédecine; 2002.

[12] Planche P. Le fonctionnement et le développement cognitif de l’enfantintellectuellement précoce. L’Année psychologique 2000;100:503–25.

[13] Revol O. La dépression de l’enfant. Archives Péd 1994;1(6):602–10.

[14] Revol O. THADA, aspects cliniques et thérapeutiques. ANAE 1999;53-54:123–9.

[15] Revol O, Fourneret P. La pensée de l’enfant précoce. Paris: AFEP,actes du congrès; 2002.

[16] Revol O, Louis J, Fourneret P. Les troubles du comportement del’enfant précoce. ANAE 2002;67:1–4.

[17] Revol O, Fourneret P. L’instabilité psychomotrice, aspects cliniques.2002 La revue du Praticien.

[18] Tassin JP. Neurobiologie de la précocité. Paris: Actes du congrès,AFEP; 2002.

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