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ECOLE NATIONALE DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE UFR SCIENCES DE L'EDUCATION - UNIVERSITE LILLE 3 L’ENTRETIEN D’ACCUEIL EN MILIEU OUVERT à la PROTECTION JUDICIAIRE de la JEUNESSE : Les prémices de la relation éducative ? Mémoire de validation professionnelle de la formation d’éducateur de la Protection Judiciaire de la Jeunesse Et De validation du Master I Sciences et Métiers de l’Enseignement, de l’Education et de la Formation, parcours « Travail Educatif et Social ». Sous la direction de Monsieur Pierre DELCAMBRE, professeur émérite de sciences de l'information et de la communication DE DEUS Nadine Formation Statutaire des Educateurs Promotion 2012-2014

L’ENTRETIEN D’ACCUEIL EN MILIEU OUVERT à la … · évoquées lors de l‘entretien d‘embauche était qu‘il fallait soigner l‘accueil du client : sourire, politesse, réponse

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ECOLE NATIONALE DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

UFR SCIENCES DE L'EDUCATION - UNIVERSITE LILLE 3

L’ENTRETIEN D’ACCUEIL EN MILIEU

OUVERT à la PROTECTION

JUDICIAIRE de la JEUNESSE :

Les prémices de la relation éducative ?

Mémoire de validation professionnelle de la formation d’éducateur de la Protection Judiciaire

de la Jeunesse

Et

De validation du Master I – Sciences et Métiers de l’Enseignement, de l’Education et de la

Formation, parcours « Travail Educatif et Social ».

Sous la direction de Monsieur Pierre DELCAMBRE, professeur émérite de sciences de

l'information et de la communication

DE DEUS Nadine

Formation Statutaire des Educateurs

Promotion 2012-2014

REMERCIEMENTS

Je tenais à exprimer ma gratitude à toutes les personnes qui ont permis que ce

mémoire soit finalisé. Merci à ma famille et mes amis d’avoir eu la patience de me soutenir

pendant ce travail.

Je remercie mon directeur de mémoire, Monsieur Pierre DELCAMBRE, pour sa

disponibilité, ses conseils et pour les discussions que nous avons pu avoir. Tous ces échanges

ont permis de nourrir mon étude, ainsi que d’approfondir mes connaissances.

Je remercie également toute l’équipe de l’UEMO des Mureaux. Tous ont toujours

accepté de me répondre et de dégager du temps, malgré leurs emplois du temps chargés. Et

tous se sont toujours portés volontaires pour m’aider si j’en ressentais le besoin.

Je tenais à remercier spécialement ma tutrice de stage, Myriam DARGENT, qui a su

me remobiliser à chaque fois que je pensais ne pas réussir. Par son humour, ses conseils, ses

anecdotes, ses savoirs (savoirs faire et savoirs être) elle a su guider mon stage tout en portant

un réel intérêt à mon travail de mémoire.

Je remercie également les familles qui ont accepté de répondre à mes questions.

« Je suis fortement convaincu que l’une des raisons importantes de la professionnalisation

dans tous les domaines est qu’elle aide à maintenir une distance. »

Carl ROGERS,

Le développement de la personne, 1966

Sommaire

INTRODUCTION .............................................................................................................................1

I) LES CADRES DES PREMIERS CONTACTS ENTRE LES SERVICES PJJ ET LES « USAGERS » .............7

1. Convoquer/accueillir : le cadre réglementaire et l’organisation locale répondant à la

prescription et aux référentiels ....................................................................................................7

1.1. Les exigences institutionnelles de l’accueil des mineurs et de leurs représentants

légaux sous mesure de justice et la loi de 2002 ........................................................................... 7

1.2. La mise en place et l’organisation locale de l’accueil des mineurs et de leurs parents :

l’accueil ou « premier entretien » ...............................................................................................14

2. Le premier entretien : caractéristiques des entretiens, particularités du « premier entretien »

en Milieu Ouvert ...................................................................................................................... 19

2.1. Qu’est-ce qu’un « entretien » comme situation ? Une approche généraliste ....................19

2.2. En UEMO le « premier entretien » : schéma type pour les professionnels PJJ .................24

2.3. La mesure éducative (investiguer, accompagner, contrôler) : une aide contrainte à

mettre en route ? ........................................................................................................................28

3. Le « Premier entretien » comme première rencontre enclenchant la relation éducative

propre à la mesure ? ................................................................................................................. 29

3.1. Le travail d’un éducateur selon les mesures ....................................................................29

3.2. Une première approche de la visée éducative .................................................................33

3.3. La spécificité de « l’éducatif » et sa place dans les entretiens d’accueil ...........................35

II) OBSERVATION ET ANALYSE .................................................................................................. 37

1. Méthodologie : choix des situations .................................................................................. 37

2. Analyse des entretiens d’accueil ....................................................................................... 38

3. Quelques difficultés observées et rencontrées dans la conduite des entretiens d’accueil ..... 49

III) PHASE D’EXPERIMENTATION : QUAND LES MODES DE FONCTIONNEMENT DOIVENT ETRE

AJUSTES A UN NOUVEAU SYSTEME D’ORGANISATION ................................................................. 52

1. La prise en charge à cinq jours : pourquoi, et quelle organisation du tribunal aux services . 52

2. Comment est-elle pensée à l’UEMO des Mureaux ?............................................................53

3. Réflexions sur la prise en charge à cinq jours .................................................................... 55

CONCLUSION : ............................................................................................................................. 59

BIBLIOGRAPHIE : .......................................................................................................................... 61

ANNEXES ..................................................................................................................................... 63

1

INTRODUCTION

Lors de ma première année de formation, différents stages m’ont permis de faire la

découverte d’un territoire, celui du Poitou Charentes. Ils avaient pour but de nous

sensibiliser sur l’organisation d’un territoire ainsi que de nous permettre d’appréhender le

travail d’un éducateur de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) à travers différentes

unités. J’ai donc effectué des stages courts en Unité Educative de Milieu Ouvert (UEMO),

en Unité Educative d’Hébergement Diversifié Renforcé (UEHDR), en Quartier Mineur

(QM) et en Unité Educative d’Activités de Jour (UEAJ). Cette année je suis pré affectée à

l’UEMO des Mureaux qui, avec l’UEMO de Mantes la Jolie, forment le Service Territorial

Educatif de Milieu Ouvert (STEMO) Val de Seine. Mon sujet de mémoire a pour thème

l’entretien d’accueil. Mon intérêt pour celui-ci est né de plusieurs situations que je vais

tenter d’expliciter.

Alors que je me trouvais en stage à l’UEMO de Poitiers (stage court de première

année), j’ai été interpellée par une Visite à Domicile (VAD), pour laquelle l’éducatrice a

dû « enquêter » pour trouver l’adresse. Il s’agissait d’une Mesure Judiciaire d’Investigation

Educative (MJIE), qui, au vu de la suractivité du service et de plusieurs circonstances allait

être le seul entretien possible. Le dossier concernait un jeune père de 23ans, célibataire, qui

avait la garde de son petit garçon de deux ans et demi. Le magistrat demandait de vérifier

les conditions de vie de l’enfant. Devant le silence de monsieur, et au vu d’un temps plus

que restreint, la VAD paraissait être le seul entretien possible. Lorsque le temps de

réalisation d’une mesure est très restreint, l’éducateur peut prioriser la visite à domicile qui

permet d’avoir un maximum d’informations sur le jeune et son environnement (famille,

habitat...). Cela permet d’obtenir plus d’éléments qu’un entretien au service. Nous nous

sommes donc rendues à l’adresse de Monsieur, située à environ une heure de l’UEMO.

Une fois sur place, personne n’ouvrira la porte. L’éducatrice décida donc d’interroger les

voisins. Elle contacta la Responsable d’Unité Educative (RUE) par téléphone qui lui

conseilla aussi de se rendre à la mairie. Je me suis dès lors interrogée sur le respect du droit

des usagers. La circulaire d’orientation relative à la MJIE stipule que « la conduite de la

MJIE répond aux différentes exigences liées au secret professionnel, à l’information

partagée et au droit des usagers ». Le droit des usagers (loi du 2 janvier 2002) reprend les

droits individuels fondamentaux : droit au respect de la dignité, au respect de la vie privée,

2

à la confidentialité des informations le concernant et à la non-discrimination. Je me pose la

question : ce droit n’est-il pas touché lorsque nous énonçons notre profession : éducateur à

la protection judiciaire de la jeunesse ? Il s’agit là pour moi d’un vaste sujet au centre du

travail d’un éducateur. Par la suite je me suis donc penchée sur la loi du 2 janvier 2002, en

portant un intérêt particulier aux différents respects que cette dernière met en avant. Tout

en lisant cette loi, et en m’accordant une réflexion sur celle-ci, j’ai élargi mes

interrogations. Au vu des différents outils inhérents à cette loi, je me suis interrogée sur

l’entretien d’accueil. D’après la définition du Larousse, l’accueil est l’action et la manière

d'accueillir, de recevoir en bien ou en mal quelqu'un ou quelque chose.

Dans la vie de tous les jours, et sans forcément s’en rendre compte, cette notion

d’accueil est présente tout autour de nous. Dans notre vie personnelle, nous attachons une

importance à cette notion. Lorsque nous recevons des invités, nous soignons l’accueil que

nous leur ferons. Nous soignons notre présentation physique, ainsi que le lieu où nous les

recevons. Au-delà de la sphère privée à chaque entrée d’une administration nous

retrouvons un lieu dédié à l’accueil, où nous pouvons nous adresser pour nous faciliter les

tâches ou les déplacements, un lieu où nous pouvons ainsi nous renseigner pour éviter de

nous sentir perdus. Lors de déplacements à l’étranger, chacun s’efforce de s’adapter aux

rites de la culture du nouveau pays, et un travail de recherches peut alors s’effectuer sur les

us et coutumes, en commençant par l’accueil : comment dire bonjour ? Doit-on saluer ou

serrer la main ? Devons-nous embrasser la personne qui nous accueillera ? Autant de

questions qui se posent implicitement, et auxquelles nous cherchons une réponse pour

permettre une première rencontre satisfaisante mais surtout respectueuse.

Cette notion m’avait déjà fait écho dans ma vie professionnelle. Parallèlement à

mes études, j’ai été hôtesse de caisse dans un supermarché. Une des premières choses

évoquées lors de l’entretien d’embauche était qu’il fallait soigner l’accueil du client :

sourire, politesse, réponse adaptée, tenue correcte, pour permettre aux clients de passer un

moment dit « sympathique », et ainsi avoir l’envie de revenir.

Lorsque quelques années plus tard j’ai exercé en tant qu’assistante d’éducation puis

faisant fonction de Conseillère Principale d’Education (CPE) au sein d’un collège, la

question se posait à chaque début d’année, aussi bien pour les professionnels que pour les

collégiens et leurs familles.

3

Lors de la réunion de pré rentrée, chaque nouveau membre de l’équipe éducative

recevait un dossier de bienvenue. Les présentations se faisaient officiellement lors d’un

discours animé par la chef d’établissement, puis un verre de l’amitié clôturait celles-ci.

Cela avait pour but d’instaurer un climat de bienveillance et de confiance entre chaque

membre de l’établissement, tous corps de métiers confondus.

Lors de la rentrée scolaire, nous avions pour mission d’accueillir les élèves et leurs

familles dès leur arrivée sur le parking, de façon à pouvoir les renseigner au besoin. Une

réunion était alors prévue en vue d’expliquer le déroulement de la journée, et faire les

présentations générales de la direction, du professeur principal et de l’équipe vie scolaire.

J’appréciais tout particulièrement ces jours de rentrée, car nous découvrions de nouvelles

personnes, de nouveaux visages. D’une année sur l’autre, nous faisions table rase de

l’année écoulée et nous écrivions une nouvelle page de la vie de l’établissement.

Lors de mon stage de première année au Tribunal Pour Enfants de Poitiers je me

souviens d’une conversation que j’avais notée sur mon cahier de bord. Cette conversation

avec une magistrate m’avait fait écho avec les souvenirs évoqués précédemment, et j’avais

grâce à elle, pris conscience que cette notion d’accueil est omni présente. La magistrate

m’avait fait part d’une difficulté qui était, pour elle, de rencontrer des familles pour la

première fois, de pénétrer dans leurs sphères privées, pour statuer sur une aide. Pourtant

ces derniers ne le souhaitaient pas forcément. Elle avait utilisé une métaphore qui m’avait

alors marquée : « Imaginez si des gens s’invitaient à diner chez vous et vous donnaient la

recette sans savoir ce que vous projetiez de cuisiner, et sans que vous n’ayez demandé quoi

que ce soit. Ces familles on les rencontre à un moment donné de leur vie, sans qu’elles ne

nous aient choisis, et mon travail est de faire en sorte de les aider au mieux, sans les

connaître personnellement, et sans forcément qu’elles ne le veuillent. C’est tout de même

violent. » La magistrate m’a alors indiqué que lors de la première rencontre, de la première

audience dans son cabinet, elle tentait de mettre les familles à l’aise tout en assurant son

rôle de magistrat. Elle faisait toujours attention à sa façon d’accueillir les personnes dans

son bureau. Tandis que la greffière faisait entrer les personnes dans son bureau, elle restait

debout, ce qui pour elle était une marque de respect à laquelle les personnes en face d’elle

avaient le droit. De plus, malgré le bureau qui la séparait des usagers, elle tendait toujours

le bras pour leur serrer la main. Pour elle, et malgré son statut et la situation qui amenait la

famille dans son bureau, elle ne pouvait faire autrement. Car il s’agissait d’une rencontre

4

humaine avant tout, et qu’elle tenait à la soigner. J’avais été étonnée de ce discours car

j’avais une représentation du magistrat dur, fermé, caricaturant un peu son personnage pour

marquer l’aspect décisionnaire de la fonction.

A travers ces différents exemples, je peux donc dire que l’accueil est un moment

durant lequel nous recherchons une certaine forme d’adhésion, tout en donnant un cadre

sécurisant à la personne que nous avons face à nous, et quel que soit le contexte qui a

engendré cet instant d’accueil.

Mais comment accueillir lorsque la rencontre n’est pas désirée ? Lorsqu’elle est

contrainte ? Ces questions me sont apparues lors de mes différents stages au sein de la PJJ.

En effet, les services de la PJJ, prennent en charge des usagers sous main de justice. Ici,

l’accueil se fait donc de façon forcée. Pourtant, ces personnes, mineurs sous main de

justice, familles soumises à investigations sont, surtout avant jugement, mais encore après,

des citoyens pour lesquels des droits existent, droits consacrés par la loi du 2 janvier 2002.

Celle-ci a amené à repenser l’accueil des personnes lors de la prise en charge par un

service PJJ. Ce moment est à la fois un moment institutionnel et le premier contact avec

l’éducateur chargé de l’exécution de la mesure, un moment de démarrage de la mesure.

Si nous revenons aux outils mis en place par la loi du 2 janvier 2002, la clarté et la

transparence dues à la famille et au jeune sont notamment mises en exergue par la création

du Document Individuel de Prise en Charge (DIPC). La loi prévoit la remise du livret

d’accueil, de la charte des droits et libertés, et le remplissage du DIPC qui s’apparenterait à

un contrat, ce qui pose un problème sous-jacent : par définition, un contrat est signé

volontairement par deux parties, ici, la contrainte m’apparaît comme problématique.

L’entretien d’accueil est un temps institutionnalisé qui permet le rappel du cadre de

l’intervention judiciaire, la présentation de la PJJ, du service et des mesures à travers la

remise de divers documents, ce qui peut être vu comme un premier temps de l’entretien

d’accueil. L’institutionnel n’est alors pas qu’un temps administratif mais plutôt centré sur

l’usager au travers de la loi de 2002. Et parallèlement, l’entretien d’accueil reste également

la première prise de contact, l’amorce de la relation éducative, tant avec les familles

qu’avec les jeunes. Ce qui peut s’apparenter à un second temps de l’entretien. L’accueil est

synonyme de première rencontre. Le but de ce premier entretien, au-delà de présenter un

service, est également de tisser un début de relation de confiance, de permettre à des

5

usagers de s’exprimer, de questionner. Avant toute chose, cet entretien a pour but de faire

comprendre une intervention dans un cadre judiciaire, et donc de rassurer les usagers face à

celle-ci. Je me suis donc demandé comment réussir à conjuguer ces deux états de fait.

De là est née ma problématique :

Comment mener au mieux un entretien qui a une double nature :

institutionnelle, obligée et utile, mais qui est également le premier contact d’une

nouvelle relation ?

J’avais alors trois hypothèses de départ :

L’entretien d’accueil est toujours construit de la même façon quelle que soit la

mesure.

Il s’agit d’un lieu d’échanges, et donc d’un premier lien éducatif.

Le cadre pénal rend compliqué cet entretien d’accueil.

Pour réfléchir à cette question de double dynamique, il m’a fallu questionner et

observer. J’ai alors pensé à une méthodologie qui me permettrait également de vérifier ou

non mes hypothèses. Cette dernière a été faite en plusieurs temps :

J’ai effectué des entretiens exploratoires1 sur mon unité : j’ai alors posé dix questions

autour de l’entretien d’accueil. J’ai enregistré ces entretiens, dont j’ai retranscris le fond.

Ces derniers m’ont permis de récolter des informations et de confronter mes

représentations de stagiaire aux savoirs et vécus de professionnels.

Parallèlement, j’ai commencé la lecture d’ouvrages, de lois, de notes, de textes pour me

permettre d’enrichir ma réflexion d’un point de vue théorique. J’ai également cherché à

avoir accès au projet de service et au projet de l’unité. Tout cela dans le but de situer et

d’élargir mes idées de l’entretien d’accueil.

J’ai établi une phase préalable d’enquête quantitative sur les différents types de

situations traitées sur un mois. J’ai ainsi crée un tableau quantitatif concernant le mois de

décembre pour connaitre le nombre d’entretiens d’accueil. Ce tableau m’a permis de

visualiser le délai de prise en charge effectif par rapport à l’ordonnance, de savoir qui a

1 Annexe 2, p.68

6

convoqué et qui était présent à l’entretien et pour quels types de mesures. De plus, cela

m’a également permis de constater les reports de l’entretien d’accueil lorsque les usagers

ne se présentaient pas. Cet outil m’est d’une grande utilité quant à ma phase

d’expérimentation.

Puis, j’ai réfléchi à la collecte d’informations autour de l’entretien d’accueil. Il m’est

alors apparu pertinent d’observer des entretiens d’accueil. J’ai délibérément choisi d’en

observer un nombre restreint, du fait du temps imparti pour l’analyse des données. J’ai

ainsi créé une grille d’observation me permettant de compléter mes notes. Cette grille m’a

permis de repérer s’il y avait bien deux moments, institutionnel et éducatif et de vérifier

par l’analyse si dans le temps institutionnel il n’y avait pas des éléments éducatifs et vice-

versa. Celle-ci permet également de savoir qui parle et quand, lors de l’entretien. La

dynamique des échanges de l’entretien sera donc un élément d’analyse également.

Après l’observation des deux cas observés, j’ai mis en place des entretiens « d’après

coup » avec l’éducateur concerné ainsi que les mineurs et parents qui ont vécu l’entretien.

Il m’apparaissait important de vérifier les « contre coups » relationnels ressentis à la suite

de ce premier entretien.

Pour présenter mon étude, j’aborderai dans une première partie le cadre, tant

institutionnel que local, des premiers contacts entre les services PJJ et les usagers, en

définissant l’entretien d’une part et la relation éducative d’autre part.

En m’appuyant sur des situations observées, j’analyserai dans une seconde partie le

déroulé de trois entretiens d’accueil, exercés pour trois mesures différentes, en abordant

des difficultés inhérentes à des situations qui peuvent parfois rendre compliqué le déroulé

de l’entretien d’accueil.

Mes questionnements sont mis en exergue par la note du délai de prise en charge à

cinq jours. C’est pourquoi dans une troisième partie je m’interrogerai sur cette note, qui me

permet de penser à une expérimentation liée à celle-ci.

7

I) LES CADRES DES PREMIERS CONTACTS ENTRE LES SERVICES

PJJ ET LES « USAGERS »

Pour travailler sur les cadres des premiers contacts, je vais travailler en trois temps : le

premier me permettra de travailler sur le cadre réglementaire qui est le contexte de la

rencontre. Dans un second temps, je passerai à une partie plus théorique pour comprendre

ce qu’est un entretien. L’entretien d’accueil étant un entretien éducatif, je développerai ce

point, dans un dernier temps.

1. Convoquer/accueillir : le cadre réglementaire et l’organisation locale répondant à

la prescription et aux référentiels

La loi du 2 janvier 2002 et la note du 16 mars 2007 sont des éléments de prescription.

Le service doit « inventer » par la suite les formes actualisées de la mise en œuvre de ses

dernières, notamment dans le projet de service, élément même de la loi. Ce seront les deux

prochains points abordés.

1.1. Les exigences institutionnelles de l’accueil des mineurs et de leurs

représentants légaux sous mesure de justice et la loi de 2002

La protection judiciaire de la jeunesse repose principalement sur 2 textes fondamentaux

: l’Ordonnance de 1945 relative à l’enfance délinquante et également sur la loi du 5 mars

2007 relative à la prévention de la délinquance. Elle intervient et se recentre donc, dans un

cadre pénal, sur une prise en charge des jeunes en privilégiant l’éducatif.

De plus, la PJJ intervient dans le cadre de la protection de l’enfance en danger de par les

articles 375 et suivants du code civil et la loi du 5 mars 2007 qui repose sur deux notions

essentielles : le danger et la maltraitance.

La loi de 2002 : relations entre service et usagers ; droit des usagers

La participation des usagers dans un cadre judiciaire est un élément primordial au

bon déroulé de la ou des mesures judiciaires ordonnées par un magistrat. L’une des cinq

orientations de la loi n°2-2002 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-

sociale, est de recentrer la place de l’usager en vue de l’améliorer. Il existe douze

institutions sociales ou médico-sociales, ce qui élargit le panel du champ d’intervention. Il

s’agit aussi bien d’institutions spécialisées dans le domaine du handicap, que de celui de la

petite enfance… Les usagers pris en charge sont donc très différents. La PJJ n’est qu’un

élément dans un ensemble. Il est le quatrième point cité dans la loi :

8

Sont des institutions sociales ou médico-sociales au sens du présent code, les établissements et les

services, dotés ou non d’une personnalité morale propre, énumérés ci-après :

(…) 4° Les établissements ou services mettant en œuvre les mesures éducatives ordonnées

par l’autorité judiciaire en application de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à

l’enfance délinquante ou des articles 375 à 375-8 du code civil ou concernant des majeurs de moins

de vingt et un ans ;(…)2

Par définition, l’usager est une personne qui a recours à un service public. Ici, il

s’agirait de parler de la « personne accueillie » par un service de la PJJ. Cette loi énumère

les différents respects que l’action sociale ou médico-sociale se doit de garantir. L’Etat

montre ainsi son engagement à vouloir faire respecter l’usager. L’article L.311-3 reprend

les différentes orientations appartenant à ce qu’il convient d’appeler « le droit des

usagers » : « La section « Droits des usagers » s’ouvre par un article déterminant qui a lui

seul, constitue un véritable code de déontologie »3 Sept principes fondamentaux sont alors

explicités :

le respect de dignité, d’intégrité, de la vie privée et de l’intimité et de la sécurité.

le libre choix entre les prestations adaptées qui lui sont offertes (à domicile ou dans

un établissement spécialisé).

la prise en charge ou accompagnement individualisé et de qualité respectant un

consentement éclairé

la confidentialité des données concernant l’usager

l’accès à l’information

l’information sur les droits fondamentaux et voies de recours

la participation directe au projet d’accueil et d’accompagnement

Pour permettre aux services de l’action sociale et médico-sociale d’honorer ces

principes, plusieurs outils ont été imaginés et rendus obligatoires :

le livret d’accueil,

la charte des droits et des libertés,

le contrat de séjour,

l’existence d’un médiateur/conciliateur,

2 Loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale. 2002, art 15 3 JEANVIER Roland ; MATHO Yves. Comprendre la participation des usagers dans les organisations sociales

et médico-sociales. 2011, p.98

9

le règlement de fonctionnement,

le projet d’établissement ou de service,

le conseil à la vie sociale.

Ces outils ont été pensés pour l’ensemble des douze institutions. Donc certains n’ont

pas été mis en place dans les services de la PJJ : Le contrat de séjour, l’existence d’un

médiateur/conciliateur ainsi que le conseil à la vie sociale. La note du 16 mars 2007

recadrera d’ailleurs les outils dans les services de la PJJ.

Certains de ces documents ont une place prédominante lors de l’entretien d’accueil. En

effet, lors de celui-ci, la loi du 2 janvier 2002 est expliquée aux usagers. Puis leur sont

distribués le livret d’accueil de la structure4 (reprenant ses différentes missions ainsi que

les coordonnées de l’établissement), la charte des droits et des libertés5 et leur est expliqué

le Document de Prise en Charge Individuel6 (DIPC) qui permet de fixer des objectifs

propres à la situation du jeune. Ce document est alors signé par celui-ci, ses représentants

légaux et l’éducateur référent. Il permet ainsi une individualisation de la prise en charge de

la mesure et permet à chaque personne présente d’exprimer ses attendus. Ce document peut

être complété au fur et à mesure du déroulé de la mesure, des avenants pouvant alors

s’ajouter au document initial. De plus, si certaines difficultés se présentent, elles peuvent

alors être indiquées, et travaillées ultérieurement. Si dans un hébergement, le DIPC doit

être réalisé dans les quinze premiers jours de prise en charge, en UEMO celui-ci peut être

complété initialement durant l’entretien d’accueil.

A la PJJ : la note du 16 mars 2007 et sa définition de l’usager

La note du 16 mars 2007 écrite cinq ans après la loi du 2 janvier 2002 permet des

recommandations propres à la PJJ. Elle renforce la définition de l’usager :

En reconnaissant au mineur ou au jeune majeur un rôle d’acteur à part entière de l’action mise en œuvre

à son égard, la loi n’autorise plus à intervenir et à « vouloir le bien des jeunes sans eux », sous couvert

d’une décision judiciaire qui s’impose à eux. Elle oblige au contraire à ce que, au sein même d’un cadre

judiciaire non négociable, les avis contraires puissent s’exprimer ; ce qui suppose un exercice a priori

complexe : prendre en compte la participation de l’usager alors même que sa liberté de choix et son

pouvoir de décision sont encadrés et limités par l’intervention judiciaire, mais aussi par la mission

d’éducation et de protection dévolue à l’institution.

4 Annexe n°3. p.69-70

5 Annexe n°4. P.71-72

6 Annexe n°5. P.73-74

10

En réalité, sans remettre en cause le cadre judiciaire, la loi demande de mieux prendre en compte les

potentialités des mineurs et de leurs parents : l’usager a des ressources et le rôle des acteurs sociaux et

médico-sociaux est de les repérer avec lui pour mieux adapter l’intervention. (…)

Ce faisant, la loi implique l’adoption d’une posture éthique et des modalités nouvelles d’entrée en

relation : la participation de l’usager doit garantir le principe d’une intervention juste et proportionnée,

les professionnels ayant à questionner les limites de leur pouvoir de décision.

Les textes relatifs aux droits des usagers requièrent la participation de l’usager (le mineur ou le jeune

majeur), et le cas échéant, celle des représentants légaux. Pour les services et établissements de la

protection judiciaire de la jeunesse, les parents sont de droit associés en tant que titulaires de l’autorité

parentale à la prise en charge, dès lors que la décision judiciaire ne s’y oppose pas. Ce statut juridique

fait des parents des « usagers par ricochet » de la mission de protection judiciaire de la jeunesse. Il en va

de même pour le tuteur, le cas échéant. Par conséquent, la participation du jeune et de ses représentants

légaux doit être à chaque fois recherchée et les documents écrits prévus par la loi seront toujours remis à

ces derniers, quelle que soit leur participation effective.7

A la lecture de cette définition, on voit la complexité qu’elle sous-entend mais

également qu’elle se joue dès l’entrée en relation. La note permet également de définir les

outils écrits à mettre en place : projet de service, charte des droits et des libertés de la

personne accueillie, livret d’accueil, règlement de fonctionnement et DIPC. Elle explicite

le champs d’application des dispositions relatives aux droits des usagers selon les

différents services (Etablissements de placement éducatif, services territoriaux éducatifs

d’insertion, services éducatifs en établissement pénitentiaire pour mineurs, services

éducatifs auprès des tribunaux, services territoriaux éducatifs de milieu ouvert) s’ils

peuvent être considérés comme établissements sociaux ou médico sociaux et savoir si la loi

du 2 janvier 2002 peut alors s’appliquer ou non, tout en préconisant une marche à suivre.

En ce qui concerne les STEMO, la note indique la remise des outils selon le type de

mesures. Un tableau, pages 16 et 178, permet de voir selon les types de mesures quels

documents seront transmis aux usagers.

Cette note me permet d’enrichir ma réflexion autour des leviers éducatifs dans un cadre

institutionnel lors de l’entretien d’accueil. En effet, à travers elle, nous constatons que

l’usager est remis à une place centrale de la prise en charge. Elle pointe également un

7 Note du 16 mars 2007. Mise en œuvre des dispositions de la loi n°2002-02 du 2 janvier 2002, rénovant l’action sociale et médico-sociale, dans les services et établissements de la protection judiciaire de la jeunesse. p.4-5. 8 Annexe n°6. p.75-76

11

aspect, qui me semble primordial, de l’entretien d’accueil : « Bien accueillir un mineur ne

pourra jamais se résumer à la production et la remise des documents. Les outils seuls ne

peuvent suffire. Un formalisme excessif lors d’un premier contact pourrait amoindrir la

qualité de la rencontre avec le mineur et sa famille, auquel il importe d’offrir

bienveillance, écoute et considération. »9 A travers cette citation, il est important de

réfléchir à comment mener l’entretien d’accueil, tout en respectant la loi du 2 janvier 2002,

et en favorisant l’amorce de la relation éducative.

Dans un premier temps, la lecture de ces textes législatifs relatifs à la prise en charge

des mineurs suivis par la PJJ m’ont permis d’appréhender un aspect de l’entretien d’accueil

à travers un cadre institutionnel. Dans un second temps, je m’attarderai à définir

spécifiquement le travail éducatif en Milieu Ouvert, pour définir le cadre de mon étude.

En milieu ouvert quelles mesures ?

Il existe différentes structures PJJ de prise en charge des mineurs sous mains de

justice : Les Services Educatif Auprès du Tribunal (SEAT), les Unités Educatives Auprès

des Tribunaux (UEAT), ou Permanences Educatives Auprès des Tribunaux (PEAT), les

structures d’hébergement (Etablissement de Placement Educatif : EPE ; les Centres

Educatifs Fermés : CEF et les Centres Educatifs Renforcés : CER), les Unités Educatives

d’Activités de Jour (UEAJ) et les Unités Educatives de Milieu Ouvert.

Etant pré affectée dans un STEMO, je m’attarderai ici à expliciter les différentes

missions de ce style de service.

La principale mission d’un STEMO est l’accompagnement éducatif des mineurs dans

leurs environnements familial et social.

L’UEMO assure l’exécution des mesures ordonnées par les magistrats du Tribunal de

Grande Instance. Pour ce faire, elle propose un accompagnement éducatif, tout en veillant

à inclure les familles dans la prise en charge de leur enfant. Elle suit l’évolution du jeune,

en construisant avec lui un projet éducatif individualisé. Plusieurs axes de travail sont alors

possibles : accompagner le jeune ainsi que les détenteurs de l’Autorité Parentale, mais

également les personnes faisant partie de la vie familiale, à réfléchir sur les actes posés,

interroger l’environnement dans lequel évolue le jeune, l’aider à se réinsérer le cas échéant

(insertion sociale, scolaire ou professionnelle). Le suivi éducatif mené fera l’objet d’un

rapport au Magistrat. En effet, les éducateurs de la PJJ travaillent toujours sur ordonnance

de celui-ci. L’éducateur sera donc amené soit à être une aide à la décision judiciaire (suite

9 Ibid., p.5.

12

à des mesures d’investigation ou autres), soit à veiller à la bonne exécution des décisions

de justice (suite à des mesures ou des sanctions éducatives).

L’aide à la décision judiciaire se décline en deux mesures éducatives d’investigation.

- Le Recueil de Renseignements Socio-Educatifs (RRSE) : il s’agit pour l’éducateur de

collecter succinctement des informations sur le jeune, sa famille et son environnement

(social et scolaire) dans un temps réduit. Le but est d’éclairer le magistrat sur la situation

du mineur et sa personnalité. Le professionnel peut alors, le cas échéant, proposer des

orientations éducatives. Mon département possédant une UEAT chargée, entre autre, de

mener les RRSE, je les laisserai donc, de côté.

- MJIE : il s’agit d’une mesure d’évaluation de la situation d’un mineur (ou d’une fratrie)

qui permet au magistrat d’apprécier des éléments de danger, ou non. Cette mesure s’exerce

de manière pluridisciplinaire. Il s’agit de faire une « photographie » d’un fonctionnement

familial au cours d’un temps délimité par l’ordonnance.

Lorsqu’un jeune commet un acte délictueux, il est entendu par un juge (Juge pour

Enfants ou Juge d’Instruction) qui peut alors décider de mesures ou de sanctions

éducatives. Il existe 4 catégories de mesures10

:

- Les mesures éducatives de milieu ouvert.

- Les sanctions éducatives.

- Les mesures de probation et peines.

- Les aménagements de peine.

Il existe également une procédure alternative aux poursuites pilotée par le Procureur de la

République.

Le service de milieu ouvert devra alors attribuer la mesure à un éducateur référent, qui aura

la charge de veiller à son exécution auprès du mineur mais aussi en collaboration avec sa

famille. Pour ce faire, il peut s’appuyer sur un référentiel des mesures et des missions

confiées aux services de la Direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse.

Pour le référentiel : qu’est-ce que le premier entretien ?

« Lorsqu’un jeune est confié par le juge à un service de milieu ouvert, la procédure

de premier accueil est un moment symbolique important.»11

10

Services territoriaux éducatifs de milieu ouvert. Programme cadre fonctionnel. Missions et fonctionnement des services de milieu ouvert. avril 2010, p. 18 11 Ibid., p20.

13

Au vu de mon sujet de mémoire, j’ai décidé d’étudier le référentiel des mesures. Après

avoir indiqué la définition de la peine ou de la sanction, défini son cadre général ainsi que

ses objectifs, le référentiel indique la mise en œuvre de la mesure. Je ne m’attacherai ici

qu’à relever une différence d’appellation de l’entretien d’accueil. Je reviendrai plus en

détails sur les préconisations données pour l’entretien d’accueil plus en amont de mon

travail. Nous pouvons dans un premier temps relever que pour les quatre catégories de

mesures il est indiqué : « Le directeur de service attribue la mesure à un éducateur et

convoque le mineur et sa famille pour un premier entretien. » Si le terme premier entretien

est utilisé, nous pouvons tout de même remarquer, que parfois, le terme entretien d’accueil

le substitue, ce qui est le cas lors de la mesure de réparation pénale (mesure éducative pour

le mineur auteur ou présumé auteur, d’un délit ou d’un crime afin qu’il répare l’acte

commis envers la victime ou la société par une action concrète ; elle peut être prononcée

avant ou après jugement). En effet, il est alors indiqué : « Accueil du jeune et des titulaires

de l’autorité parentale.12

» Cela est également le cas pour la mesure de placement : « Que

l’arrivée soit préparée ou immédiate, une procédure d’accueil ritualisée est mise en place.

Elle comporte à minima : un entretien d’accueil par le directeur.13

»

Cette différence de noms m’a alors rappelé une discussion avec une collègue de l’UEMO.

Cette dernière me demandait quel allait être mon sujet de mémoire. Je lui ai alors répondu

que je comptais porter ma réflexion sur le premier entretien. Celle-ci m’a alors répondu

que le sujet était intéressant puisqu’il s’agissait du moment où l’éducateur se retrouvait

seul avec le jeune. Je lui ai alors fait remarquer que lors de cet entretien les parents étaient

forcément présents. Sa réponse fut alors : « Ton sujet est-il sur le premier entretien ou sur

l’entretien d’accueil ? Car pour moi ce n’est pas la même chose ». J’ai alors pris

conscience que selon les services, un nom différent pouvait lui être attribué. En effet, lors

de mon stage de première année dans l’UEMO de Poitiers, l’entretien d’accueil était appelé

« premier entretien ». Dans l’UEMO des Mureaux, l’entretien d’accueil est appelé

« GAC », ce qui signifie « groupe d’accueil ». Si le nom ne change pas le contenu de celui-

ci, il peut tout de même prêter à confusion. Confusion, que nous retrouvons également

dans le référentiel mesures.

12

Référentiel des mesures et des missions confiées aux services de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse. 2005, p.64 13 Ibid., p. 78

14

1.2. La mise en place et l’organisation locale de l’accueil des mineurs et de leurs

parents : l’accueil ou « premier entretien »

« Le premier accueil se fait toujours en présence du mineur, de ses parents ou

représentants légaux, et d’un ou plusieurs agents, en fonction du mode de fonctionnement

interne : directeur, RUE, éducateur référent, psychologue. »14

Le premier entretien se pense selon un mode de fonctionnement interne. Je

m’efforcerai ici, de présenter le service auquel appartient l’UEMO des Mureaux, avec ses

particularités, ainsi que l’organisation du premier entretien dans l’unité dans laquelle je

suis pré affectée, à travers notamment le projet de service, élément de la loi du 2 janvier

2002.

L’UEMO des Mureaux forme avec l’UEMO de Mantes la Jolie, le STEMO Val de

Seine15

. « Il s’inscrit dans une refonte territoriale qui a vu la création d’un seul territoire

d’intervention sur l’ensemble des communes de la Vallée de la Seine 16

». La Vallée de la

Seine est située au nord du département et s’étend sur l’ensemble des communes situées au

nord de la Seine et sur un certain nombre d’autres situées en deçà du fleuve. Les Yvelines

associent milieux ruraux et milieux urbains et les disparités sont nombreuses.

La carte ci-dessous permet de visualiser le Val de Seine, ainsi que les voies ferrées et

les grands axes routiers, éléments qui permettent une bonne compréhension du territoire de

l’UEMO des Mureaux.

14 Services territoriaux éducatifs de milieu ouvert. Programme cadre fonctionnel. Missions et fonctionnement des services de milieu ouvert. avril 2010, p.20 15

Annexe n°7. p.77 16 Ebauche de travail du projet de service. 2014, p.5

15

17

Jusqu’en 2009, il existait quatre Centres d’Action Educative (CAE) dans cette partie du

département. En 2009, le CAE de Poissy fut fermé, suivi du CAE de Houilles en 2011

(autrement dit les deux CAE situés à l’est du département). Suite à ces fermetures, le

découpage d’intervention des deux différentes UEMO a été repensé. La particularité de

l’UEMO des Mureaux est qu’elle ne prend plus en charge les jeunes de la ville, mais

reprend le secteur des deux anciens CAE soit 33 communes différentes. L’UEMO de

Mantes a donc repris le secteur d’intervention des Mureaux. Ce qui pose des problèmes

tant pour l’usager que pour le professionnel, au vu du territoire élargi et des conditions de

circulation dans un département comme celui des Yvelines, comme le stipule le projet

d’établissement : « On peut noter que les restructurations ont profondément modifié, outre

le périmètre d’intervention des unités éducatives ainsi créées, mais aussi les conditions

d’exercice du suivi en milieu ouvert pour les professionnels (distance, temps,

partenariat…) ; ce qui est valable pour les agents l’est également pour les usagers qui ont

vu une justice de proximité s’éloigner de leur champ social ». Cet état de fait rend difficile

la venue des usagers dans notre service, d’autant que la gare des Mureaux n’est pas sur un

axe ferroviaire principal. C’est pourquoi il nous est possible d’emprunter des locaux à

l’UEAJ de Poissy, sur des après-midis repérés par un planning convenu à l’avance ; un

accord est de plus en cours pour emprunter des locaux à St Germain en Laye, deux villes

17 http://www.detectimmobilier.com

16

principales de nos interventions, mais également centrales en transport en commun. De

plus, il est à noter que nous travaillons principalement avec le Tribunal Pour Enfants situé

à Versailles, ce qui ajoute des difficultés supplémentaires de déplacement. Cependant, la

convocation pour l’entretien d’accueil est toujours prévue dans la ville des Mureaux. Il est

important que les usagers voient et visualisent l’unité où a été attribuée la mesure.

A ce jour l’équipe de l’UEMO des Mureaux se compose ainsi :

Une Directrice de Service (DS), dont le bureau se situe à Mantes la Jolie ; Une RUE ; Une

psychologue contractuelle (nouvellement arrivée et remplaçant la psychologue titulaire

actuellement en congé maternité) ; Une Assistante Sociale (AS) ; Une adjointe

administrative ; Neuf éducateurs ; Un pédopsychiatre qui intervient tous les jeudis matin

lors des réunions de synthèse (réunion qui permet de faire le point sur le suivi des mesures,

en étudiant chaque situation, et permet une réflexion pluridisciplinaire).

Le projet de service et l’attribution de la mesure.

Dans une volonté de mieux appréhender le fonctionnement de l’unité, j’ai demandé à

lire le projet de service. Celui-ci est en cours d’écriture. Cependant, il m’a été transmis

l’ébauche de travail de ce dernier.

Un tableau reprend l’activité des mesures (tirée du logiciel Gestion Administrative des

Mesures Educatives « GAME »), durant les années 2011, 2012, 2013.

Années Jeunes suivis Mesures prises en charge

2011 269 401

2012 356 514

2013 322 503

Ce tableau permet de visualiser une moyenne sur le nombre de mesures par jeunes,

ainsi que le nombre de mesures prises en charge par un éducateur. La directrice m’a

indiqué qu’il y avait environ 90 nouveaux jeunes pris en charge annuellement à l’UEMO

des Mureaux.

Dans un premier temps, il est important de comprendre le cheminement d’une mesure

(ou d’un jugement) une fois ordonnée par le Magistrat. Cette gestion en amont entraîne

l’entretien d’accueil, et permet de comprendre ce que sous-entend d’un point de vue

institutionnel l’arrivée d’une mesure. Une fois arrivée sur le service, la secrétaire enregistre

la nouvelle mesure sur GAME et ouvre un dossier papier. Chaque lundi, lors de la réunion

de fonctionnement hebdomadaire, les mesures sont alors attribuées à un éducateur dit

17

« référent » de la mesure. Ce dernier aura alors la charge de mener la mesure. En revanche,

« les dossiers sont inscrits sur une liste d’attente dès leur arrivée si aucun éducateur ne

peut en assurer le suivi. Dans ce cas, un courrier est adressé conjointement à la famille et

au magistrat prescripteur pour les en informer. »18

Chaque éducateur travaillant à temps

plein s’occupe de 25 jeunes. Il s’agit d’un chiffre qui ne peut être dépassé, pour assurer un

suivi des mesures de qualité, et qui permet à l’éducateur de ne pas être « submergé » dans

son travail.

Convoquer : qui et combien de fois ?

L’attribution de la mesure est soumise à quelques particularités : « Les mesures sont

attribuées selon les critères de disponibilité des éducateurs, mais également en faisant

attention de ne pas attribuer à un même éducateur, auteur et victime, que ce soit de

l’investigation ou une mesure pénale ou bien si le jeune est connu dans la sphère privée

d’un éducateur.»19

Il en va de même pour les co-mis en examen ou co-auteurs, dans la

mesure du possible. Cela permet à l’usager de bien comprendre le cadre d’intervention de

chaque éducateur, et permet qu’il ne soit pas perdu entre une mesure dite d’investigation et

une mesure pénale. Malgré tout, des « ratés » peuvent parfois arriver. Lors d’une mesure

de réparation collective par exemple, il est arrivé que deux co-auteurs soient réunis, du fait

d’un manque d’anticipation.

Si dans la majorité des cas, une mesure est donc attribuée à un éducateur « référent »,

il peut selon la complexité du dossier être aidé par un second éducateur, qui sera alors un

« référent associé ». La MJIE par définition est une évaluation pluridisciplinaire. De ce fait

outre l’éducateur, la psychologue et l’assistante sociale sont alors sollicitées, « mais

également pour toute autre mesure dans laquelle leur intervention est nécessaire.»20

Lorsque la mesure est attribuée, l’éducateur envoie la première convocation, après avoir au

préalable consulté les disponibilités de la RUE qui sera présente lors de celui-ci, ainsi que

les disponibilités des professionnels qui interviendront. « Le cadre [RUE], c’est à lui

d’expliquer la mesure, qui il est, quel est son rôle, qu’il est garant de la prise en

charge. »21

Cette convocation est écrite au nom de la RUE, qui signe alors cette dernière.

Deux possibilités apparaissent alors :

En cas de non présentation des usagers à l’entretien d’accueil :

18 Ebauche de travail du projet de service.2014, p.12. 19

Ibid., p13. 20

Ibid., p12. 21 Extrait entretien exploratoire.

18

« En cas de non présentation lors du premier rendez-vous, une seconde convocation est

envoyée par voie postale. En cas d’absence aux deux premières convocations, une

convocation avec accusé de réception est envoyée en indiquant qu’il s’agit de la dernière

convocation avant envoi d’un rapport de carence au juge »22

Pour les MJIE, une VAD

peut être directement envoyé également.

En cas de présentation des usagers à l’entretien d’accueil :

« Le premier entretien est assuré par un groupe d’accueil dont la composition varie en

fonction du type de mesure. Le groupe d’accueil est généralement composé de la

responsable et de l’éducateur ʺréférentʺ. » Ici, l’intitulé « groupe d’accueil », surnommé

« GAC » par les professionnels du service, nomme le premier entretien. Quel que soit le

nom donné, celui-ci répond à une demande institutionnelle et institutionnalisée :

En conformité avec la loi 2002-2, un courrier et une plaquette de présentation du service sont

adressés aux personnes civilement responsables du jeune. De plus, lors du premier entretien, ils se

voient remettre la charte des droits et des libertés, ainsi que le document les informant de la loi

informatique et liberté.

Ce premier entretien est aussi l’occasion de vérifier leur compréhension de l’origine de

l’intervention judiciaire, le sens de la mesure, et de commencer à mettre en place une collaboration,

c’est-à-dire un travail avec la famille.

Il est basé sur une dynamique d’écoute active de chaque membre de la famille.23

De la convocation à l’accueil

Lorsque ces derniers se présentent, ils sont alors accueillis par la secrétaire qui les fait

patienter, pendant qu’elle prévient les professionnels concernés de leur arrivée. Les usagers

patientent dans le couloir, où sont installées trois chaises le long du mur. Les locaux de

l’UEMO24

ne permettent pas d’avoir de salle d’attente. Les professionnels passent donc

devant eux et les saluent dans ce même couloir. Conscients que cette attente dans le couloir

n’est pas l’idéale, la secrétaire peut également les faire patienter dans la salle d’entretien. Il

s’agit d’une salle exiguë. Une table ronde, encerclée de 6 chaises, se situe au centre de

cette petite pièce, dans laquelle nous trouvons deux plantes, et un bac contenant des bandes

dessinées, des jouets, des feutres et des feuilles, pour permettre à de jeunes enfants de

s’occuper pendant l’entretien d’accueil, qui parfois peut se prolonger dans le temps, et

22

Ebauche de travail du projet de service. 2014, p.13 23

Ebauche de travail du projet de service. 2014, p.13 24 Annexe n°8. p.78

19

rendre les jeunes enfants impatients. Les dessins confectionnés sont parfois gardés dans les

dossiers, car ces derniers peuvent donner des pistes de réflexion aux professionnels et être

repris plus tard. Selon les personnes présentes, si la salle d’entretien n’est pas suffisante, la

salle de réunion située à l’étage inférieur sert également de lieu pour l’entretien d’accueil.

Ce problème de locaux est souvent mis en avant « le mot accueil, c’est accueillir les gens,

famille et jeune. Ne pas pouvoir les installer ne serait-ce que convenablement, me gêne.

Parfois, je me demande ce qu’ils pensent lorsqu’ils se retrouvent assis dans le

couloir… »25

Le lieu d’un entretien tient une place importante, il est vrai. Dans une

démarche de réflexion autour de l’entretien d’accueil, il apparaît important d’effectuer un

travail autour de ce qu’est l’entretien.

2. Le premier entretien : caractéristiques des entretiens, particularités du « premier

entretien » en Milieu Ouvert

2.1. Qu’est-ce qu’un « entretien » comme situation ? Une approche généraliste

L’entretien est au cœur même du travail d’un éducateur de la PJJ. C’est

majoritairement à travers lui que le professionnel pourra recueillir des informations et créer

une relation dite « éducative ». Il apparaît donc essentiel de connaître cet outil. J’ai donc

cherché dans un premier temps de mes travaux de recherche, une définition : « L’entretien

est une situation provisoire d’interactions et d’inter-influences essentiellement verbales,

entre deux personnes en contact direct avec un objectif préalablement posé. »26

Lors de ma deuxième année de formation, deux journées ont été consacrées à la thématique

de l’entretien au Pôle Territorial de Formation de Pantin. Monsieur MOLLIARD Patrick

nous a alors transmis une définition qui complète cette définition de Jacques SALOME et

que je retiendrai ici :

L’entretien est une situation provisoire, d’interaction, d’inter-influence, essentiellement verbale,

entre deux ou plusieurs personnes en contact direct, avec un objectif préalablement posé, dans un

contexte spécifique. L’entretien est une relation de communication asymétrique. Ce n’est pas une

conversation. Il suppose un jeu de relations émotives et affectives un sens de l’écoute développé

ainsi qu’une maîtrise de certaines techniques de communication.27

25

Extrait d’entretien exploratoire 26

SALOME Jacques. Relation d’aide et formation à l’entretien. 2003, p14 27 MOLLIARD Patrick, extrait de l’intervention « L’entretien », PTF Pantin, 11 décembre 2013.

20

En partant de cette définition générale de l’entretien, il me semble pertinent de relever les

points qui restent essentiels au déroulement de ces derniers, pour permettre de les

appréhender au mieux.

« L’entretien est une situation provisoire (…) » :

Le temps est un facteur non négligeable de l’entretien, et ce sur trois aspects : le moment

où l’entretien est demandé, l’instant T où celui-ci se déroule et le temps réservé à son

déroulé. Chacun de ces instants a une importance. Quoiqu’il en soit, un entretien est limité

« dans » le temps et « par » le temps. La durée variera selon les objectifs, et selon les

informations données de part et d’autre. Cependant, pour garder la concentration

nécessaire, et la disponibilité des échanges, il est nécessaire de ne pas dépasser une certaine

durée. De même, il est important de situer cet entretien dans le temps, les fréquences de ce

dernier et sur quelle période pour permettre de visualiser et comprendre la démarche

entreprise. Si dans certains cas, il existe des entretiens uniques, dans d’autres cas, il est

nécessaire qu’il y ait plusieurs entretiens (psychologue-patient). En UEMO, il s’agit de

plusieurs entretiens, où le contenu du premier diffère des suivants. Il est à noter également

que nous ne savons pas si celui-ci sera suivi ou non d’un autre entretien. En effet, les

usagers peuvent ne pas revenir, auquel cas le magistrat est tenu informé par une note de

carence.

« (…) d’interaction, d’inter-influence, essentiellement verbale, entre deux ou

plusieurs personnes en contact direct (…) » :

En sciences sociales, les échanges interhumains sont des interactions. Il y a

interaction dès qu’une personne cesse de penser toute seule ou de parler toute seule pour

parler à quelqu’un et lui répondre. Tout comme l’idée développée dans le Theatrum mundi

de William SHAKESPEARE, « Je tiens ce monde pour ce qu'il est : un théâtre où chacun

doit jouer son rôle »28

, idée héritée de l’Antiquité, Erving GOFFMAN, sociologue et

linguiste du XXe siècle (1922-1982), part du postulat que la vie en société n’est rien

d’autre qu’un immense théâtre (le monde dans lequel nous vivons, la scène sociale), avec

ses personnages (nous êtres humains), ses scènes (les différents lieux où nous nous

rendons), ses rôles et ses histoires (que l’auteur nomme drame, fatalité..). L’entretien

deviendrait alors un lieu particulier à une représentation. « L’objet à étudier se laisse

28 SHAKESPEARE William. Le marchand de Venise. 2008, p.183

21

identifier : il s’agit de cette classe d’événements qui ont lieu lors d’une présence conjointes

et en vertu de cette présence conjointe »29

. Le terme inter-influence reprend le fait que dans

un entretien, selon ce que tel ou tel protagoniste amène, la personne en face doit recevoir

cela, et reprendre les propos dans sa réponse ou dans sa relance. En UEMO, il ne s’agit pas

d’un entretien dit de « face à face » puisque plusieurs personnes sont présentes, qu’elles

fassent partie des professionnels ou des usagers. Il y aura donc des interactions entre

chaque personne présente. Nous analyserons cela ultérieurement.

« L’entretien est une relation de communication asymétrique. Ce n’est pas une

conversation. »

Lors d’un entretien les rôles s’échangent. Chaque personne est amenée à délivrer

des informations à un moment donné de l’entretien. Chacun prend alors la parole de

manière alternée. On ne peut pas parler de conversation, puisqu’une personne mène

l’entretien dans le but d’atteindre un objectif. En psychologie sociale, la relation

complémentaire s’oppose à la relation symétrique : dans les entretiens de consultation, il

n’y aura pas de bon médecin, s’il n’y a pas de bon malade. Une relation complémentaire

peut avoir lieu si chacun fait son travail d’inter actant. L’analyse des entretiens me

permettra de vérifier si les rôles s’échangent, et comment.

« (…) avec un objectif préalablement posé, dans un contexte spécifique. »

Pour mener à bien un entretien il faut savoir en amont quel est l’objectif. On ne

mène pas un entretien de la même façon selon le type d’entretien. En effet, un journaliste

ne mènera pas son entretien comme un directeur lors d’un entretien d’embauche par

exemple. Il faut donc savoir dans quel type d’entretien nous nous situons, et ce que nous

voulons en apprendre. Il faut de plus que chaque personne présente ait connaissance de

cela: « Plus une personne est informée du pourquoi et du comment d’une démarche, du

chemin à parcourir, plus elle a de chance de coopérer »30

. Il est alors important que

l’objectif soit clairement explicité au début de l’entretien, ainsi que le lieu dans lequel ce

dernier se déroule et de clarifier qui sont les personnes présentes : « Toutes les

clarifications qui porteront sur le « qui est qui » le « qui fait quoi » seront toujours

bénéfiques à la progression de l’échange ».31

L’entretien d’accueil, comme dit dans

29

GOFFMAN Erving. Les rites d’interaction. 1974, p.7 30

GUITTET André. L’entretien : Techniques et pratiques. 2002, p.14 31 Ibid., p13.

22

l’introduction (page 4), est un moment où différents objectifs cherchent à être atteints, à

travers deux temps. Si dans un entretien je n’ai pas qu’un seul objectif préalablement posé,

mais plusieurs, ce qui me semble être le cas lors d’un entretien d’accueil, comment

pouvons-nous faire ? Les usagers peuvent également avoir des objectifs lors de celui-ci. Là

encore, l’analyse d’entretiens observés me permettra peut-être d’apporter une réponse à la

spécificité des objectifs d’un premier entretien en milieu ouvert.

« Il suppose un jeu de relations émotives et affectives, un sens de l’écoute

développé, ainsi qu’une maîtrise de certaines techniques de communication. »

La technique d’entretien ne s’apprend pas en lisant des ouvrages. En effet, comme dit

précédemment, il s’agit d’interaction. Face à l’humain chaque situation est donc différente.

Il est impossible de prévoir ce qui va se passer ou être dit au cours de ce moment. Chaque

personne mène un entretien de façon différente d’une autre, puisque nous le menons aussi

avec ce que nous sommes. Malgré tout, une certaine connaissance de techniques et de ce

qui peut se jouer lors de ce dernier, permet de tenter de le mener à bien.

TRANSFERT/CONTRE TRANSFERT

L’entretien est une rencontre. Nous sommes pleinement impliqués par notre présence.

Dès lors, il faut avoir conscience que nous allons projeter des choses sur la personne face à

nous et vice versa. Nous pouvons alors parler de transfert, notion développée par FREUD

« C’est le processus par lequel les désirs inconscients s’actualisent sur certains objets

dans le cadre d’un certain type de relation… » Personne n’est neutre, nous avons tous un

passé et une histoire de vie. Dès lors, un contre transfert peut s’opérer, « Pourtant les

professionnels de l’humain semblent souvent l’ignorer ou vouloir ignorer sa force et ses

pièges ».32

Il s’agira alors de le gérer de façon à ne pas « biaiser » la suite de l’entretien et

apprendre à le « simuler ».

L’ECOUTE

L’écoute est une condition primordiale lors d’une interaction. Elle permet l’échange. Elle

nécessite d’être disponible au moment de l’entretien, oublier ce qui s’est passé avant,

oublier ses représentations et accueillir la parole de l’autre, « L’écoute suppose une

décentralisation (sortir de soi) et une intentionnalité (se mettre à disposition). Elle suppose

32 CIFALI Mireille. Le lien éducatif : contre-jour psychanalytique. 1998, p.163

23

proximité et distance. »33

Il ne s’agit pas en écoutant d’acquiescer tout ce qui est dit, elle

permet de reprendre ce qui est dit.

LA REFORMULATION

La reformulation permet de savoir si nous comprenons bien ce qui est dit, de façon à

clarifier en reformulant des idées données par une personne, ou bien en répétant

simplement ce que nous venons d’entendre. Il s’agira de faire preuve d’empathie. Il s’agit

alors de ne pas faire de jugement, et de prendre la parole de l’autre sans « parti pris », tout

en ayant la capacité de se mettre à la place de l’Autre.

Le « jeu de relations émotives » peut se retrouver chez celui qui mène l’entretien, mais

également chez celui qui le « reçoit ». Si dans un entretien éducatif, l’échange verbal a une

place prédominante, la communication non verbale est elle aussi une richesse

d’informations qu’on ne peut ignorer. Il s’agit de « l’ensemble des moyens de

communication existant entre des êtres vivants n'usant pas du langage humain parlé. Elle

regroupe tous les moyens que les individus ont pour communiquer et qui ne relèvent pas de

la langue orale humaine34

». La communication permet à un émetteur de faire passer un

message à un récepteur. Lors d’un entretien, ces rôles s’entremêlent. Si nous utilisons

fréquemment la communication verbale (à travers les mots, les phrases), le non verbal est

omniprésent que nous en soyons conscients ou non. Il est important alors d’ « Entendre

chez l’autre divers langages. Les mots et leurs significations, mais aussi le langage

corporel : respiration-énergie-gestuelle-position du corps-regards, etc. »35

Si dans un

entretien une personne peut tenter de cacher la vérité ou apporter des réponses fausses,

souvent grâce à la communication non verbale certaines réactions peuvent être porteuses

de richesse d’analyse. De plus, comme le souligne le psychologue et sociologue,

WATZLAWICK « activité, parole ou silence, tout a valeur de message »36

.

Ces caractéristiques générales d’un entretien, sont pour moi primordiales pour

appréhender l’entretien en UEMO. Il est le principal outil de l’éducateur. S’il existe

différents types d’entretiens, il est important de souligner qu’un éducateur se trouve dans

une relation d’aide et d’accompagnement. Dès lors, la psychologie, et principalement les

travaux de Carl ROGERS peuvent permettre au professionnel de guider au mieux

33Jacques SALOME, op. cit., p.44. 34 Définition de la communication non verbale extraite du dictionnaire multimédia du mot de science. 35

Jacques SALOME, op.cit., p55. 36

WATZLAWICK Paul cité par Guy HARDY, S’il te plaît ne m’aide pas ! L’aide sous injonction administrative ou judiciaire. 2001, p. 181

24

l’entretien. « La relation d’aide est une relation professionnelle dans laquelle une

personne doit être assistée pour opérer son ajustement personnel à une situation à laquelle

elle ne s’adaptait pas normalement. »37

Il s’agit donc de guider une personne pour qu’elle

se serve de ses propres ressources pour avancer, et l’aider à prendre conscience de ses

ressources propres et personnelles. Pour se faire ROGERS développe une technique qu’il

nomme l’entretien non directif (ou entretien centré sur l’autre). A travers des questions

dites ouvertes, l’interviewé peut ainsi s’exprimer, et le travail débutera sur ce que ce

dernier amène. L’écoute active ainsi que l’empathie seront alors deux qualités principales

pour atteindre l’objectif défini. Pour se faire le professionnel utilise des questions larges

qui permettent de ne pas orienter les réponses. L’éducateur se doit d’être à l’écoute des

jeunes et des familles sans juger ce qu’il entend. Il se doit d’être neutre et objectif. Une

posture bienveillante permet aux usagers de réussir à « faire confiance » au travail éducatif.

Cette confiance est nécessaire, voire primordiale, pour mener à bien ce travail. C’est

pourquoi, je pense que l’entretien d’accueil est un moment clé de la prise en charge

éducative. Il s’agit de la première rencontre, et de ce fait elle a un impact sur la suite du

suivi, d’après moi. C’est pourquoi, je m’attacherai à décrire le déroulé de l’entretien

d’accueil en UEMO, en m’interrogeant dans un premier temps sur le terme « accueil ».

2.2. En UEMO le « premier entretien » : schéma type pour les professionnels PJJ

Il est important de rappeler à ce moment de mon étude que je ne m’intéresse pas à un

entretien entre un psychologue et un demandeur de conseil ou à un entretien entre un

directeur et un demandeur d’emploi, mais bien à un premier entretien entre un jeune et sa

famille convoqués et des professionnels et dans lequel il y a pour moi deux temps, et plus

de deux acteurs.

Le LAROUSSE définit l’accueil comme l’action, la manière de recevoir quelqu’un.

Dans le cadre d’un entretien en UEMO, cet accueil est forcé par une décision judiciaire. De

ce fait, les usagers peuvent déjà avoir des représentations de l’institution et des personnes

qu’ils vont rencontrer. Il est important que lors de ce temps, les préjugés puissent être

déconstruits. Au-delà de la première rencontre physique, il s’agit également de la première

rencontre humaine. Dès lors, ce temps prend une importance toute particulière.

GOFFMAN développe dans son second chapitre la déférence. Les rites de présentation

37 MUCCHIELLI Roger. L’entretien de face à face dans la relation d’aide. 2013, p17

25

sont une forme principale de déférence. Goffman nous donne une définition de ces rites :

«le terme les rites de présentation comprend tous les actes spécifiques par lesquels

l’individu fait savoir au bénéficiaire comment il le considère et comment il le traitera au

cours de l’interaction à venir ».38

C’est pourquoi, se présenter, et définir le rôle de chaque

professionnel est une étape importante. Pour se faire, un premier temps lors de cet entretien

est réservé à la présentation du service, de la mesure, des professionnels (identité et rôle).

Ce temps est principal. Les jeunes et leurs familles arrivent avec leurs angoisses, leurs

doutes, leurs craintes et leurs questions. Savoir qui, où et pourquoi nous sommes présents

permet de désacraliser certaines représentations. Le cadre judiciaire et le cheminement qui

a mené à cette rencontre doivent être expliqués.

Premier moment : temps institutionnel

A l’UEMO des Mureaux ce temps de présentation est effectué par la RUE. Le fait que

cela soit un cadre qui le mène permet d’officialiser cet instant. Elle représente ainsi

l’institution. Il ne faut pas oublier que la mesure est confiée au service et non pas à

l’éducateur référent, dès lors la RUE est garante de celle-ci, et s’il y a difficultés, les

usagers pourront se tourner vers elle. Si cette dernière est absente ou si elle ne peut

participer à l’entretien, un collègue éducateur reprendra alors ce rôle, tout en expliquant

son absence : « Je me présente je suis monsieur XX, je suis éducateur dans le service.

Habituellement c’est Mme XX, responsable d’unité qui présente le cadre de la mesure,

mme XX n’étant pas là, c’est moi qui vais rapidement vous présenter la structure. Je vais

déjà laisser les intervenants se présenter. »39

Cette phase institutionnelle représente donc

la première partie de l’entretien d’accueil. Mais comment définir la phase institutionnelle ?

Pour moi, il s’agit des informations valables pour tous les usagers, sans distinction. La

présentation du service sera toujours la même, ainsi que la présentation de la mesure pour

laquelle le jeune et sa famille ont été convoquée. La distribution de la plaquette du service

ainsi que de la charte des droits et des libertés, en fait également partie.

« Je vais vous remettre officiellement la plaquette des Mureaux. Je vous la donne aussi, à vous jeune

homme. Cela permet de voir ce que l’on fait au service (…) On est une équipe de 9 éducateurs,

1assistante sociale, 1psychologue, 1 pédopsychiatre… Beaucoup de monde.. Si vous avez besoin de les

solliciter sachez qu’ils sont là, tout comme moi, si vous avez besoin de moi, n’hésitez pas. »40

38

Erving GOFFMAN, op.cit.,p.63. 39

Extrait d’un entretien d’accueil observé 40 Extrait d’un entretien observé, paroles de la RUE

26

« Nous sommes ici à l’UEMO des Mureaux, service de la Protection Judiciaire de la Jeunesse.,

ministère de la justice. Au sein de ce service il y a euh… neuf éducateurs ? (…)Une assistante sociale

qui logiquement aurait dû être présente puisqu’elle interviendra dans le cadre de cette mesure mais qui

est absente, c’est mme XX, et une Responsable d’Unité Educative, mme XX, et une directrice pour cette

unité et l’autre à Mantes la Jolie. Voilà. Donc afin que vous aviez une vue d’ensemble je vous donne une

plaquette. » 41

Deuxième moment : approche éducative :

Une fois la présentation du service effectuée, la lecture de l’ordonnance faite, la mesure

expliquée et la distribution des documents terminée, l’éducateur référent prend alors la

parole pour mener la suite de l’entretien. Il s’agira alors pour lui de s’assurer que le jeune

et sa famille ont bien compris ce qui viendra d’être expliqué, et de recueillir les premiers

éléments sur le jeune : composition familiale, environnement familial et social, scolarité,

parcours institutionnel, santé ainsi que les premiers éléments de contexte sur les faits et ses

premiers ressentis face à cela. L’éducateur interrogera également les membres de la famille

présents. Ainsi, des premières pistes de travail éducatif se dessineront. L’éducateur ainsi

que les autres professionnels présents (Assistante sociale et/ou psychologue le cas échéant)

feront alors preuve d’écoute pour pouvoir répondre aux interrogations mais reprendront

aussi les paroles de chacun. La sensibilité des professionnels permettra ainsi de rassurer,

mais également de bien définir le cadre d’intervention, en faisant preuve de fermeté par

exemple devant un jeune ou une famille qui minimiserait leur présence. « Je n’ai rien fait-

Je ne suis pas inspecteur de police, ce n’est pas mon rôle de savoir si tu as fait ou non, en

revanche nous allons travailler ensemble pour comprendre pourquoi tu es là aujourd’hui

et mis en examen pour cette affaire, il est important que tu comprennes cela. »42

La

relation éducative est avant tout une relation de confiance. C’est pourquoi, d’après moi, il

est primordial que nous expliquions chaque point de notre travail. Nous voulons que le

jeune soit honnête et coopère dans ce travail éducatif, donc nous nous devons également

d’être « transparent » avec lui. Lui dire que nous écrirons au juge, que nous sommes une

aide à la décision pour ce dernier, et que le dernier entretien servira à la restitution du

rapport éducatif, et qu’il pourra alors nous dire s’il est d’accord avec ce que nous aurons

écrit. Lui expliquer également que s’il est en désaccord, nous le notifierons bien que nous

ne changerons pas notre écrit. Même si cet entretien est le premier, et qu’il s’agit d’un

41

Extrait d’un entretien observé, paroles d’un éducateur 42 Extrait d’un entretien observé

27

entretien d’accueil, il faut se projeter sur la suite du suivi. En effet, il y a un début et une

fin, et il est important de le notifier.

Si l’entretien semble se définir en deux temps, un temps de présentation institutionnelle

par la RUE puis un temps d’échanges entre l’éducateur et la famille, rien n’est figé. En

effet, l’éducateur peut intervenir s’il en ressent le besoin lorsque la RUE s’exprime et vice

versa. Tout cela est propre à l’entretien qui se déroule, ainsi qu’à la sensibilité des

personnes présentes. « RUE : Votre devoir le plus important dans votre mesure, est de

répondre présent aux convocations de Mr XX très, très régulièrement, après mr XX est

quand même souple ; Educateur : Pas trop (ton ironique et sourire de l’éducateur) RUE :

pas trop, juste ce qu’il faut. »43

A travers cet extrait, nous voyons que dans le temps

institutionnel, l’éducateur référent prend la parole pour faire passer un message sur le ton

de l’humour construisant ainsi un discours éducatif : Oui, le jeune peut être absent,

l’éducateur pourra le comprendre, mais cela ne devra pas se reproduire trop souvent.

Place du RUE et de l’éducateur dans la dynamique globale de l’entretien : des enjeux

de présence continue et d’absence du cadre et du référent

La présence de la RUE durant tout l’entretien m’a beaucoup questionnée. En effet, lors

de mon précédent stage à l’UEMO de Poitiers, la RUE présentait le service, la mesure, et

donnait les outils de la loi du 2janvier 2002, puis quittait la pièce. L’entretien d’accueil

étant déjà lourd de sens pour le jeune et sa famille, je me suis alors demandé, si la présence

d’un cadre ne rendait pas plus compliquée l’amorce de la relation éducative entre

l’éducateur référent et les usagers. « Je ne me verrais pas quitter la pièce, car cela

pourrait être vécu pour les usagers comme un désintérêt de ma part. De plus, ma présence

lors de l’entretien me permet d’entendre les premiers éléments éducatifs, et donc de

connaître à minima la situation, ce qui me facilite les points mi mesure. Il ne s’agit pas que

de noms sur une ordonnance comme ça »44

Après observation de plusieurs entretiens

d’accueil, et après en avoir mené moi-même, je me suis alors rendu compte que la présence

de la RUE ne gênait pas l’amorce éducative, cette dernière pouvant être également une

aide lors d’un entretien d’accueil.

La spécificité de cet entretien, est que ni les professionnels, ni les usagers n’ont

provoqué cette rencontre. En effet, elle a lieu suite à une ordonnance ou un jugement d’un

43

Extrait d’un entretien observé 44 Extrait d’un entretien avec la RUE

28

magistrat. Dès lors, il m’est apparu pertinent de m’interroger sur comment amorcer une

relation lorsque celle-ci est contrainte ?

2.3. La mesure éducative (investiguer, accompagner, contrôler) : une aide

contrainte à mettre en route ?

L’ordonnance judiciaire est le déclencheur de la relation éducative entre un éducateur

et un jeune et sa famille. Le magistrat décide d’une mesure ou d’une sanction éducative, à

travers différentes possibilités. Il s’agira alors du cadre d’intervention éducative. Quel que

soit ce dernier, qu’il s’agisse d’une mesure d’investigation, d’accompagnement ou de

contrôle, l’usager se verra contraint de s’y soumettre. Ici, nous pouvons dissocier la mesure

de « réparation parquet », où l’accord de l’usager est demandé. Pourtant, j’ai pu constater

que malgré cet accord, il arrive que le jeune ne veuille pas l’exécuter. Il s’agira alors de

reprendre avec lui pourquoi il a donné son accord, et lui expliquer ce qu’il adviendrait s’il

n’effectue pas sa mesure. Quoiqu’il en soit, l’intervention est contrainte : par la nature

même de la mesure mais également par le temps (soit la durée est énoncée dans

l’ordonnance, soit la mesure ira jusqu’au jugement, soit jusqu’à majorité du jeune).

Le magistrat décide de la mesure en prenant en compte les faits ainsi que la

personnalité du mineur. La mesure doit permettre une aide et un accompagnement éducatif.

Cette aide devient alors une aide contrainte, qu’elle soit d’ordre pénal ou d’ordre civil

(Mesure Judiciaire d’Investigation Educative), « Dès la contrainte d’aide émise, la

personne qui l’énonce, celle qui en fait l’objet et l’intervenant sont plongés dans un jeu

relationnel »45

et pourtant même si cette contrainte est à l’initiative de la relation

éducative, il est important de trouver l’adhésion des usagers.

Les travailleurs dont la pratique s’initie par une contrainte judiciaire, administrative ou médicale,

connaissent les résistances et contradictions qui découlent de cette situation triangulaire, apparemment

limpide sur le plan des rôles convenus de chacun, mais combien ardue et malaisée à jouer pour chacun

des protagonistes.46

Malgré la difficulté, l’éducateur devra donc trouver des leviers éducatifs pour permettre

au jeune de profiter de cette aide et ainsi se saisir de la mesure et y trouver un intérêt à sa

construction, pour entre autre éviter la récidive d’actes délictueux. Une difficulté est que,

45

HARDY Guy. S'il te plaît, ne m'aide pas ! : L'aide sous injonction administrative ou judiciaire. 2001, p.16 46 Ibid., p.16.

29

bien souvent, le jeune ne veut pas changer, car pour lui « tout va bien ». Souvent, il n’a pas

conscience de ses difficultés. Il en va de même pour les parents. Cette aide contrainte sous-

entend qu’il y a dysfonctionnement, et il est parfois compliqué pour une famille d’entendre

cela. L’évolution de cette pensée se fera tout au long du suivi, à travers le travail de

l’éducateur « Il ne s’agit plus d’apprendre à quiconque de nouvelles règles de jeu, mais de

s’utiliser soi afin d’expérimenter avec d’autres un autre jeu relationnel »47

Le suivi

éducatif s’engage lorsque les usagers participent à leur mesure malgré la contrainte. Il est

donc important de leur signifier. Une éducatrice de l’UEMO dans laquelle je suis pré

affectée utilise parfois cette phrase: « Je te tends une main, tu la saisis ou pas, ou un doigt,

ou 2, ou pas ».

La relation d’aide est donc primordiale et s’appuie sur une relation de confiance entre

l’usager et le professionnel. La bienveillance, l’écoute (savoir accueillir la parole) sont

autant de qualités pour réussir à créer l’amorce de cette aide. Dans un entretien d’accueil

nous sommes dans un premier temps que j’appellerai l’aide à la verbalisation, pour

atteindre la mise en place de l’aide éducative.

3. Le « Premier entretien » comme première rencontre enclenchant la relation

éducative propre à la mesure ?

Pour confronter mon hypothèse qu’un entretien d’accueil est construit de la même

façon quelle que soit la mesure (page 4 de mon introduction) le prochain point de mon

étude sera de m’interroger sur ces différentes mesures et sur le travail éducatif qui en

découle.

3.1. Le travail d’un éducateur selon les mesures

Afin de savoir si toutes les mesures sont une aide contrainte à mettre en route, il m’a

fallu étudier le référentiel mesures.

Le référentiel des mesures et des missions confiées aux services de la direction de la

protection judiciaire de la jeunesse est un outil dans lequel sont répertoriées les différentes

mesures : les textes sur lesquels sont fondées celles-ci, une définition de la mesure, les

objectifs, la mise en œuvre. Ici, je me concentrerai sur ce qui est dit du premier entretien,

47 Ibid., p.50.

30

en laissant volontairement de côté la mesure de placement (puisque l’entretien d’accueil

sera mené par le lieu de placement) et en prenant quelques exemples de mesures.

La Liberté Surveillée (LS) ou Liberté Surveillée Préjudicielle (LSP) : Ces mesures

de surveillance et d’action éducative (accompagnement et aide) peuvent être décidées soit

avant jugement soit au jugement. Pour la LS, le référentiel stipule :

Premier entretien qui est l’occasion de :

présenter le service ;

informer le mineur et sa famille de leurs droits : remise du livret d’accueil, de la charte des

droits et des libertés et du règlement de fonctionnement ;

explorer avec la famille et le mineur la façon dont ils se situent vis-à-vis de l’acte commis et

comprennent le jugement prononcé, en intégrant, le cas échéant, les dispositions relatives à

l’indemnisation de la victime.48

Pour la LSP si les deux premiers points sont identiques, le troisième est modifié et s’ajoute

un quatrième point :

explorer avec la famille et le mineur la façon dont ils se situent vis-à-vis de l’infraction

reprochée et comprennent la décision judiciaire ;

restituer la décision dans l’ensemble de la procédure judiciaire.49

Cette différence est liée à la phase procédurale. En effet, expliquer dans une LSP lors du

premier entretien qu’il s’agit d’une mesure avant jugement et que le rapport écrit sera une

aide à la décision pour le magistrat lors de l’audience est primordiale à la compréhension

de la mesure, et du schéma judiciaire.

La mesure de réparation pénale peut être à tous les stades de la procédure (avant ou

après jugement). Elle peut également être une mesure prononcée dans le cadre d’une

procédure alternative aux poursuites, décidée par le Procureur de la République, via le

Délégué du Procureur. Elle requiert alors l’autorisation du mineur et donc intervient

lorsque ce dernier reconnait les faits qui lui sont reprochés.

Accueil du jeune et des titulaires de l’autorité parentale, qui est l’occasion de :

- leur présenter le service éducatif (cadre d’intervention, missions et professionnels),

- les informer de leurs droits,

- leur remettre le livret d’accueil, la charte des droits et des libertés et le règlement de fonctionnement

du service,

- d’explorer avec eux la façon dont ils comprennent la décision judiciaire et se situent vis-à-vis de

l’infraction reprochée,

- restituer la décision dans l’ensemble de la procédure judiciaire et de rappeler les objectifs de la

mesure et ses principales caractéristiques.50

48

Référentiel des mesures et des missions confiées aux services de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse. 2005, p.48 49 Ibid., p.51.

31

La mise sous protection judiciaire a cette particularité que cette mesure d’aide et

d’accompagnement se poursuit après majorité.

Premier entretien qui est l’occasion de :

présenter le service ;

informer le mineur et sa famille de leurs droits : remise du livret d’accueil, de la charte des

droits et des libertés et du règlement de fonctionnement ;

explorer avec la famille et le mineur la façon dont ils se situent vis-à-vis de l’acte commis et

comprennent le jugement prononcé.51

Lorsque nous reprenons ce qui est dit pour les mesures de probation et peine, nous

constatons alors que ce qui est dit du premier entretien est beaucoup plus succinct. Pour le

CJ, il est indiqué : « Lors du premier entretien, l’éducateur auquel la mesure a été

attribuée, rappelle au mineur, en présence de ses parents, les obligations auxquelles il doit

se soumettre et qu’en cas de non-respect le magistrat pourra décider de le placer en

détention.»52

Pour ce qui concerne le sursis avec mise à l’épreuve : « Lors de ce premier

entretien, l’éducateur auquel le suivi de l’exécution de la peine a été attribué rappelle au

mineur, en présence de ses parents chaque fois que possible, la nature de la décision, les

mesures de contrôle et les obligations auxquelles elle l’astreint ainsi que les conséquences

que pourrait entraîner leur non-respect. »53

Il est étonnant que ne soit pas indiquée la présentation du service ainsi que la remise de

documents de la loi du 2 janvier 2002. Malgré l’aspect de contrôle, le jeune et sa famille

disposent tout de même de droits. De même, à la lecture du référentiel, nous voyons que

les parents semblent moins associés aux mesures de probation et de peines. Pourtant

associer les détenteurs de l’autorité parentale ou membres de l’environnement du jeune me

semble bénéfique. En effet, ces derniers peuvent être de bons partenaires à la prise en

compte du jeune des obligations auxquelles il doit se soumettre. De même, tout comme

pour les mesures citées précédemment il est important de savoir comment ils se situent vis-

à-vis de l’acte commis, pour qu’un travail commun puisse se mettre en place, au-delà de la

simple vérification du respect des obligations.

La MJIE est une mesure qui n’apparaît pas dans le référentiel. En effet, celui-ci datant

de 2005, il ne prend pas en compte cette mesure entrée en vigueur au 02 janvier 2011.

50 Ibid., p.64. 51

Ibid., p.57 52

Ibid., p.93. 53Ibid., p.100.

32

Cependant une circulaire reprend les attendus de cette mesure. Il est stipulé « Les projets

de service doivent clairement identifier l’ensemble de ces éléments, les méthodes et les

outils utilisés pour conduire la MJIE ». Le projet de service étant comme déjà indiqué en

cours d’écriture je ne sais ce qu’il contiendra quant au premier entretien pour la MJIE. A

l’UEMO de Poitiers, celui-ci stipulait :

Réalisation du premier entretien dans un délai de 15 jours suivant l’attribution par le référent qui

convoque le mineur et ses parents.

- Présentation du service, du cadre, du contenu et des objectifs de la mesure

- Information sur les droits du jeune et de la famille

- Exploration avec le mineur et la famille de la façon dont ils se situent et comprennent l’intervention

judiciaire

- Explicitation des modalités d’intervention des divers professionnels

- Premières observations autour de la notion de danger, du rapport à la Loi du jeune et de ses parents

- Dégager les premières hypothèses de travail

En revanche, une base de pratiques des MJIE, propre à l’UEMO des Mureaux a été

rédigée par la directrice de l’UEMO et distribuée aux différents personnels. Celle-ci pointe

quatre configurations de mise en œuvre de la mesure : Educateur/Assistante

Sociale/Psychologue ; Educateur/Psychologue ; AS/psychologue ; Educateur/Educateur.

« Dans tous les cas le GAC est avec RUE ou professionnel délégué pour présentation du

service et de la mesure ».

Pour chaque mesure, il est indiqué qu’un recueil d’informations préalable au premier

entretien doit se faire. Pourtant, dans mon service ainsi que sur mon lieu de stage en

première année à l’UEMO de Poitiers ce travail en amont n’est jamais fait. J’ai moi-même

réfléchi à cela. L’importance de l’accueil sous-entend de commencer le travail éducatif

avec ce que les familles et le jeune donnent sur le moment. Cela permet un accueil sans à

priori et sans idée préconçue. La consultation du dossier ou du RRSE pourrait amener des

préjugés. De plus, une réalité de terrain m’amène à dire qu’il est d’autant plus compliqué

de dégager du temps pour consulter des dossiers en amont. Dans la prochaine partie de

l’observation, nous pourrons repérer ce que sait ou non l’éducateur référent et la façon dont

cela construit les interactions.

Il est également noté que le DIPC doit être élaboré en association avec le mineur et les

titulaires de l’Autorité Parentale dans les 15 jours qui suivent la date du premier entretien.

Il n’est pas rare que celui-ci puisse être rempli lors du premier entretien, puis complété le

cas échéant le long du suivi. Le DIPC s’apparente à une sorte de contrat ce qui pose quand

même un problème sous-jacent. Par définition un contrat est signé volontairement par deux

33

parties, ici, la contrainte est une problématique. Il faudra donc trouver le moyen de

l’adhésion des usagers : le premier entretien peut donc sembler être trop tôt et/ou à

l’inverse le moment opportun pour mettre les usagers face à la mesure en vue de les

responsabiliser. Ce document au-delà de l’obligation légale de le remplir marque un point

symbolique dans l’éducatif. Le mineur se retrouve acteur de sa mesure, puisque les

objectifs sont fixés en association avec lui. Ce document peut donc être vu comme un

levier de l’action d’éducation malgré le caractère institutionnel de ce dernier. La manière

dont celui-ci est rempli, selon le type de mesures mais également selon l’éducateur est

compliquée à développer, et n’étant pas le sujet propre de mon étude, je ne développerai

pas plus ce point.

3.2. Une première approche de la visée éducative

Comme dit précédemment, le magistrat peut décider de différentes mesures. Il peut

s’agir de mesures d’investigations (MJIE), de mesures éducatives (liberté surveillée, liberté

surveillée préjudicielle, mise sous protection judiciaire, réparation pénale) ou de mesures

de probation et de peine (contrôle judiciaire, sursis avec mise à l’épreuve, travail d’intérêt

général, mesure d’aménagement de peine). Nous avons vu précédemment que le travail

éducatif ne sera pas le même. Il s’agit donc peut-être d’une erreur que de penser qu’un

éducateur mène chaque mesure de la même façon. Cela est d’ailleurs inscrit sur la fiche de

poste de l’éducateur, dans le répertoire des métiers et des compétences de la PJJ « Elaborer

des stratégies d’intervention en fonction des mesures, des situations des mineurs et des

attentes des magistrats en s’appuyant sur des méthodes, des techniques et des outils

structurés ». Je vérifierai cela plus en détail dans l’observation menée des entretiens, en

voyant si cela impacte l’entretien d’accueil. Lors de mes entretiens exploratoires, un

collègue me dira : « La dimension du type de mesure est importante, car on n’est pas dans

la même dimension entre MJIE intrusion et CJ dimension de probation. Tout ça ramène à

poser le cadre judiciaire et le cadre d’intervention entre ce qui va s’opérer entre

l’éducateur, le jeune et sa famille. C’est une sorte de contrat tacite. » En effet, au-delà de

l’explication même de la mesure, je me suis rendu compte que je n’appréhendais pas de la

même façon le premier entretien selon la mesure. J’ai tendance à faire preuve de plus de

fermeté lorsqu’il s’agit par exemple d’un contrôle judiciaire. Je vais m’attacher plus

longuement à reprendre chaque interdiction, tout en expliquant le terme contrôle. De

même, j’expliquerai que s’il va au-delà d’une interdiction, le jeune risque l’incarcération.

34

Je me suis rendu compte que j’utilisais un ton plus sévère par exemple. Il faut savoir faire

preuve d’autorité quand bien même nous nous situons dans un entretien d’accueil. La

bienveillance que nous avons pour les jeunes et leurs familles peut également passer par

l’autorité. Bien que ces deux termes puissent sembler paradoxaux, ils peuvent être

complémentaires. Le but n’étant pas de braquer le jeune mais de lui faire prendre

conscience de ce qui se joue à travers ce type de mesure. De plus, cette mesure n’est pas

une mesure éducative, mais une mesure de probation. Le rôle de l’éducateur sera de réussir

à engager dès l’entretien d’accueil une réflexion de la part du jeune, tout en insistant sur les

obligations. A l’inverse, pour une mesure de réparation, si le jeune ne veut pas l’exécuter,

l’éducateur peut lui laisser un temps de réflexion ; tout en lui expliquant ce que signifierait

son refus, et quelles pourraient être les conséquences judiciaires de la non réalisation de la

mesure de réparation. Lui laisser un temps entre l’entretien d’accueil et le prochain rendez-

vous peut parfois permettre un « déclic » chez le jeune. Ce dernier peut alors revenir sur

son refus, et la mise en place de la réparation sera alors plus propice aux échanges et

permettra un travail éducatif plus abouti. De même, nous pouvons lui laisser l’opportunité

de réfléchir au type de réparation que celui-ci souhaiterait mettre en place. Discuter de cela

lors de l’entretien d’accueil peut permettre de nouer un premier lien. Parfois le jeune n’a

pas confiance en l’adulte, et cette appréhension peut être accentuée par la représentation

qu’il a de notre fonction. Le rendre acteur de sa mesure, en lui laissant un certain libre

arbitre mais aussi en le responsabilisant, peut alors permettre de nouer des prémices à la

relation : « La responsabilité n’est plus seulement le résultat souhaité de l’action

éducative, elle en est également le moteur.»54

A travers ces deux exemples de mesures, force est de constater qu’il apparait que selon

les mesures, l’éducateur adapte une posture différente. Je chercherai donc à vérifier cela

lors de mon analyse ultérieure. « L’accueil doit s’inscrire dans un cadre, sinon il ne peut y

avoir de relation viable. Le cadre, une fois posé explicitement, permet une forme de liberté

et de sécurité dans la relation. » A travers les différentes mesures, il convient de souligner

l’importance de la présence des jeunes aux divers rendez-vous donnés par le service. Il en

va de même dans les MJIE. Celles-ci se déroulent dans des périodes n’excédant pas six

mois, il est donc primordial que les jeunes et les familles soient sensibilisés à l’importance

des entretiens, qu’ils soient au service ou à domicile. Il est également important de définir

54

SALLEE Nicolas. Les éducateurs de la Protection judiciaire de la jeunesse à l’épreuve de l’évolution du traitement pénal des jeunes délinquants. 2010, p.11

35

le cadre d’intervention. Une investigation n’est pas un contrôle. Il s’agit d’une évaluation,

et non d’un accompagnement. « Imaginez que nous prenons une photographie » : Cette

métaphore utilisée par les éducateurs de mon service, et que je reprends moi-même lors de

l’entretien d’accueil pour une MJIE, démontre que nous ne sommes pas là pour changer les

choses, mais pour relater une situation familiale dans le but d’éclairer le magistrat sur

celle-ci. Nous évaluons également l’impact de notre intervention : les familles ont elles des

ressources mobilisables ? S’en servent-elles ? Expliquer que cette mesure dans un cadre

civil intervient pour faire état, ou non, d’enfants en danger est également essentiel. Dès lors

l’entretien d’accueil permettra de rassurer des familles qui parfois pensent que nous

voulons changer leurs modes de vies, ou que nous sommes là pour juger leurs histoires ; «

Vous pensez que nous sommes de mauvais parents, vous voulez nous retirer la garde. »

De même, l’explication de la mesure passe également par la façon dont nous

l’expliquons. Nous ne nous adressons pas de la même façon à un jeune timide, dans la

dualité, dans la revendication, ou mutique. De même l’âge du jeune peut avoir une

influence sur notre façon de mener l’entretien. J’ai moi-même mené un entretien d’accueil

avec une jeune fille de 13ans, pour une mesure de réparation. Cette jeune fille pleurait dès

que j’abordais la bagarre initiatrice de la mesure. Il m’a fallu alors prendre un ton plus

sécurisant, et plus doux, pour que cette dernière puisse s’exprimer sur les faits. Sans les

minimiser, il m’a fallu faire preuve de ruse et d’humour pour rassurer la jeune fille. Cet

entretien a été l’un des premiers que j’ai menés. Et j’ai été déstabilisée par cela. Si j’avais

en tête ce que je devais aborder, je n’avais pas pensé aux difficultés éprouvées lorsque

nous nous trouvons face à une personne dont nous ne pouvons anticiper les réactions.

L’inconnu de la rencontre est un élément essentiel de cet entretien. Il en est de même avec

les parents. Parfois ces derniers monopolisent la parole. Dans un entretien où nous tentons

de créer un lien éducatif, remettre le jeune au centre de celui-ci, n’est pas chose aisée. En

effet, il est important de redonner la parole au jeune, sans offenser les parents. Guider un

entretien c’est également savoir recadrer les différentes personnes présentes. La dynamique

émotionnelle est donc un élément qu’il ne faut pas oublier lors de ces premiers entretiens et

ce, quelle que soit la mesure. Celle-ci permet de poser des jalons à la construction de la

relation, et la prendre en compte permet de faire avancer la relation.

3.3. La spécificité de « l’éducatif » et sa place dans les entretiens d’accueil

La relation éducative est difficile à définir. Il s’agirait d’une relation de proximité mais

également de distance.

36

Joseph ROUZEL la définit ainsi :

Si la relation engagée par un éducateur avec une personne en souffrance obéit aux aléas de toute relation

humaine, cette rencontre singulière prend, en revanche, une toute autre dimension qu’une relation

d’amitié ou de camaraderie. D’une part, elle prend en compte la demande singulière des personnes.

D’autre part, elle s’inscrit dans un projet, obéit à une mission, est garantie et contrôlée par une

institution, étant elle-même sous la tutelle d’un organisme d’état ou d’une collectivité locale […]. Du

coup, la relation éducative est au service de ces différents niveaux d’objectifs […]. La relation éducative

est le moyen d’agir dans le sens d’un changement des personnes en vue d’une meilleure insertion pour

elles dans la communauté des citoyens.55

Pour amorcer cette relation, il est important pour l’éducateur de déployer un panel de

leviers. A la question « quelles compétences le premier entretien requiert-il ? », un

éducateur m’a répondu cela : « Empathie, l’absence de jugements, ouverture d’esprit,

appréhension du cadre d’intervention, appréhension de la bonne distance,

compétence/qualité humaines et relationnelles. Etre à l’écoute. Dimension de

considération : dès que tu ouvres la porte, il faut les considérer. Les accueillir avec une

forme de déférence, sourire, dignité, respect, sans à priori. »

GOFFMAN développe dans une seconde partie de son œuvre56

la tenue et la déférence à

travers les règles de conduite (guide pour l’action recommandé parce qu’il est convenable

ou juste p44). L’individu est contraint de s’y soumettre et attend que les autres s’y

soumettent également. Goffman explique que chaque personne est en droit d’attendre du

respect d’autrui, respect qui se traduit à se conformer à la volonté et aux sentiments de

quelqu’un et ce, quel que soit le rôle social de la personne.

Dans un premier entretien où les personnes convoquées sont en proie à des doutes, à de

l’embarras, à des incertitudes sur ce qui va se passer, où sur les personnes rencontrées, la

déférence est un premier levier pour instaurer un climat dans lequel l’éducateur pourra

construire les bases de la relation éducative malgré le cadre contraint de la rencontre.

Ma seconde partie sera dévolue à l’analyse des entretiens. Je me suis attachée à montrer

l’importance des différentes interactions pour savoir si elles permettent les prémices de la

relation éducative, à travers deux temps distincts : celui dit de l’institutionnel et celui dit de

l’accroche éducative.

55

ROUZEL Joseph. Le Travail d’Educateur Spécialisé. 2004, p.10 56 Erving GOFFMAN, op. cit., p.43 à 85.

37

II) OBSERVATION ET ANALYSE

1. Méthodologie : choix des situations

J’ai décidé d’observer des entretiens sans pour autant avoir une participation active.

De par ma présence, j’ai bien entendu été participante du fait de l’influence implicite que

ma présence pouvait avoir. Par exemple les usagers me regardaient parfois, me souriaient,

et bien sur moi aussi je réagissais à ce qui se passait. Au début des entretiens mes collègues

m’introduisaient pour que je puisse me présenter aux familles, et leur demander leur accord

pour ma présence et pour un temps seul avec eux.

J’ai opté pour ce style d’observation pour pouvoir me concentrer sur les paroles, les

réactions verbales et non verbales, et donc pouvoir me concentrer sur la forme. Si j’avais

opté pour des entretiens d’accueil que j’aurai menés, j’aurai été concentrée sur le fond plus

que sur la forme. De plus, les interactions sont plus simples à relever lorsque nous sommes

en distance avec ce qui se passe. J’ai choisi de me mettre sur le côté, pour pouvoir regarder

chaque acteur de l’entretien. Consciemment, je me suis placée face à l’horloge pour avoir

également une notion du temps, de façon à remplir la grille d’entretien et voir quel temps

était réservé pour le temps institutionnel et pour l’action éducative.

Les entretiens ont été retranscrits à partir de mes notes, et de ma grille

d’observation57

. Je n’ai pas enregistré les entretiens car cela me paraissait être une atteinte

au droit de l’usager, en l’état le secret de leur dossier. Ce moment est un moment déjà très

délicat pour les familles, je ne voulais pas ajouter un stress supplémentaire aux familles qui

auraient dû faire un choix, et qui peut-être ce seraient senties obligées d’accepter. Et je ne

voulais pas avoir une influence supplémentaire sur l’entretien. L’enregistrement aurait pu

les freiner dans celui-ci ou exacerber leurs sentiments d’angoisse et d’appréhension. J’ai

donc pris le parti de ne même pas leur poser la question, et d’être la plus méticuleuse

possible quant à l’observation de l’entretien. Donc, les retranscriptions ont été réalisées à

partir des phrases prises en note et de souvenir (et parfois avec les souvenirs de mes

collègues). Certains passages ne sont donc pas totalement exhaustifs. De plus, j’ai

également pris le parti de ne pas retranscrire tous les fonds de l’entretien, ceux-là n’étant

pas l’essentiel de mes recherches.

57 Annexe 9. p.79

38

J’ai opté pour deux entretiens pour deux mesures différentes, menés par deux

éducateurs différents.

J’ai également demandé un temps d’échange avec le jeune et sa famille. Pour se

faire j’avais préparé une grille « post entretien ». J’ai opté pour des questions larges et peu

nombreuses, car faisant suite à leur entretien d’accueil je ne voulais pas les assaillir de

questions. J’ai favorisé des questions sur la forme de l’entretien puisque cela suivait ma

problématique, et ce que je cherchais à observer. Le fait qu’ils acceptent de me répondre

signifie déjà des choses. En effet, cela montre que l’entretien d’accueil s’est bien déroulé,

qu’une certaine « accroche » a eu lieu. Car je me pose souvent la question de savoir si

l’entretien s’était mal passé, les familles aurait elles accepté de prolonger avec un post

entretien ?

J’ai également interrogé mes collègues. Je tenais à prendre « à chaud » leurs

impressions, c’est pourquoi ces entretiens ont été faits « dans la foulée ». Avoir des

réactions « à chaud » permet de mettre en adéquation l’entretien d’accueil (ce qui s’y est

passé), le post entretien des familles (comment elles l’ont vécu) et le post entretien du

professionnel (comment lui l’a vécu). L’exercice d’interaction, (qui peut constituer l’une

des premières difficultés professionnelles pour un éducateur) se fait de façon intuitive et

l’observation ne pouvait donc suffire à analyser cela. Ici, il ne s’agit pas d’une démarche

scientifique quantitative, mais relève plus d’un relevé d’impressions. Travaillant avec

l’humain il me paraissait difficile d’entreprendre une démarche scientifique.

2. Analyse des entretiens d’accueil

Dans le but de reprendre ma problématique ainsi que de vérifier mes hypothèses, j’ai

donc observé deux entretiens d’accueil.58

Je tenterai de les analyser à travers les œuvres du

sociologue Erving GOFFMAN, puisque nous sommes au cœur d’interactions comme déjà

abordé plus tôt dans mon étude.

Le premier entretien a été mené pour une mesure de réparation pour le jeune Julien, âgé

de 14ans, et le second une MJIE civile pour monsieur et madame DUPOND59

, une fille

aînée Julie, et des jumeaux de 10ans : Pierre et Jean. Ces deux entretiens ont été menés

dans des contextes particuliers. Pour le premier, Madame a décalé deux fois l’entretien par

58

Annexes 11 et 12. p.81-103 59 Tous les noms et prénoms ont été modifiés par soucis d’anonymat.

39

téléphone. Une première fois, car elle ne pouvait pas se déplacer, une seconde parce qu’elle

ne se sentait pas bien. Lors de sa venue au service, l’entretien se fera avec Julien, sa mère

et la petite sœur de Julien, Océane, âgée de trois ans. La MJIE a été ordonnée en décembre

2012. Deux services ont été mandatés entre temps pour que finalement, la mesure n’arrive

sur le service que fin décembre 2013. Un entretien a été prévu pour le 14/01/14, personne

n’est venu. Une seconde convocation a été envoyée pour le 27 janvier. Madame a appelé

pour signifier qu’elle ne pouvait venir. Une nouvelle date a été fixée pour le 11/02, jour de

l’entretien. Monsieur a appelé le service le 8 février. Il était très agressif au téléphone et

expliquait qu’il ne pouvait pas venir du fait de l’existence d’une ordonnance du juge lui

interdisant de voir ses enfants. L’assistante sociale lui a dit ne pas être au courant et qu’il

devait parler plus calmement. Il l’a alors insultée, tout en se moquant d’elle. Elle a

raccroché lorsqu’elle a vu que rien de positif ne sortait de cet entretien téléphonique et que

monsieur n’écoutait pas ce qu’elle disait.

Ces deux contextes spécifiques créent des représentations, avant même la rencontre

humaine. Ce qui est déjà le cas, avant même les premiers contacts. En effet, à la lecture de

l’ordonnance, des représentations peuvent se faire chez l’éducateur, et comme vu

précédemment, le cadre judiciaire peut influer sur les représentations chez le jeune et sa

famille. Ici, les représentations sont mises en exergue par les rendez-vous manqués et/ou

reportés. En effet, pour la réparation, l’éducateur me dit avant la rencontre « je pense que

nous sommes devant une mère qui tente d’esquiver », et pour la seconde mesure, tous les

éducateurs présents étaient au fait de la situation et ont pu dire à l’éducatrice de ne surtout

pas hésiter à venir chercher de l’aide si l’entretien se passait mal. Dans un entretien

institutionnel, où l’éducateur va tenter de nouer les premiers liens d’une relation éducative,

je me demande dans quelle mesure ces représentations ont une place sur le discours ?

Un entretien convoqué : stigmatisation, embarras et excuse ?

Ces représentations peuvent être vues comme des stigmatisations, et l’éducateur se doit

de prendre un certain recul pour éviter de les renforcer. D’après GOFFMAN, « le stigmate

correspond à toute caractéristique propre à l’individu qui, si elle est connue, le discrédite

aux yeux des autres ou le fait passer pour une personne d’un statut moindre ».60

Dès lors

qu’un jeune pose un acte, de par celui-ci, ou de ce qu’il renvoie aux yeux des autres, il peut

devenir « discréditable ». Il en est de même pour la famille, qui aux yeux de certains

60 Erving GOFFMAN cité par Thierry ROGEL. La stigmatisation. 1997, p.54

40

peuvent être l’origine du passage à l’acte de l’enfant. Si le terme « délinquant » qualifiera

le jeune aux yeux de certains, ces derniers verront la famille comme « mauvaise famille ».

Eux-mêmes pourront alors se résumer à cela. La famille pourra vivre l’acte de leur enfant

comme conséquence d’un échec dans l’éducation : Thierry ROGEL s’interroge sur la

déviance tout en se rapportant à la stigmatisation : « la stigmatisation résulte d’abord d’un

phénomène d’étiquetage »61

, (même si ce dernier fonde son article sur les stigmates

visibles, certains propos peuvent être repris dans la situation que vivent le jeune et sa

famille). Il est important de souligner cela lors de l’entretien d’accueil pour rassurer le

jeune et sa famille, et leur expliquer qu’ils ne se résument pas qu’à ces étiquettes de

« délinquant » ou de « mauvaise éducation ». Cette stigmatisation peut alors entraîner un

sentiment d’embarras. GOFFMAN développe cette notion : « De l’avis général, celui que

la présence des autres met facilement dans l’embarras souffre d’un sentiment d’infériorité

ridicule et injustifié (…) »62

. Le non verbal a ici toute son importance, « Compte tenu de

son désir de dissimuler, de sa maîtrise de lui-même et du cadre, un individu peut paraître

assuré si l’on s’en tient aux signes évidents, et se révéler pourtant embarrassé à d’autres

signes moins visibles63

».

Mme : On arrive quand même à se rencontrer

Educ : Voilà, mais comme on dit la patience est la mère des vertus

Mme : c’est pas faute d’avoir essayé, mais bon… (rougit)

Educ : j’ai bien compris que vous aviez beaucoup d’autre rdv, d’autres intervenants

Mme : ouais

Educ : je ne peux pas vous en tenir rigueur (rire de l’éducateur)

Mme : Non mais j’essaie de faire au mieux, je vais avoir un mois bien chargé

Educ : En tous les cas sachez, que dans notre cadre, on va en reparler plus précisément, mais dans notre

cadre d’intervention, on fait le maximum pour pas mettre les parents et les enfants en difficultés.

Mme : non, non, mais bien sûr... Educ : c’est pour ça on essaie d’être assez souple…

Ici, nous pouvons voir que madame tend à se justifier sur ses premières absences. Si

dans un premier temps cela semble être une justification spontanée et assurée, à sa rougeur,

nous pouvons dire qu’elle se sent embarrassée de devoir se justifier. Le non verbal permet

dans une certaine mesure d’analyser le ressenti des protagonistes lors de l’interaction :

« l’extrême embarras chez les autres et chez soi-même se reconnaît à certains signes

objectifs du trouble émotionnel : rougeur, gaucherie, bredouillement, voix trop aigue ou

trop grave, chevrotements, parole qui se brise, sueurs, pâleur, cillement des yeux, mains

61

Ibid., p.54. 62

GOFFMAN Erving. Les rites d’interaction. 1974, p.87 63 Ibid., p.91.

41

qui tremblent, mouvements hésitants, distraction et incongruités ».64

Tout en répondant à

madame, l’éducateur permet d’instaurer un climat de confiance et rassurant, en passant ici,

par une forme d’humour tout en ayant une attitude ouverte (rire) en introduisant le fait que

l’éducateur essaie de tenir compte des emplois du temps des jeunes et des familles pour

éviter des absences répétées au travail, au collège ou au lycée.

Lors d’une interaction, la parole et l’écoute s’alternent. Quel que soit le moment dans

lequel nous nous trouvons (institutionnel ou éducatif), il n’y a pas qu’une seule personne

qui parle et pose les questions.

RUE : Vous aurez le droit de ne pas être d’accord ms il ne changera rien de ce qui sera écrit. Il rajoutera

juste si vous n’êtes pas d’accord…

Educ : Sauf si grosse erreur RUE : oui, ça peut arriver, mais sinon il restera tel quel, mais il écrira si vous n’êtes pas d’accord. Vous

avez donc le droit à la restitution.

Voilà, pour continuer un peu sur le côté administratif des choses, donc vous (au jeune) vous êtes bien

Julien XX, né le XX ?

Jeune : non le XX

RUE : ah bah là y ‘a une erreur !

Educ : Comme quoi…

RUE : Comme quoi c’est important, vous habitez XX ?

Mme : c’est ça

RUE : téléphone XX, jusque-là on est bon !

Educatrice: on le dira au juge, ça fait aussi parti de l’investigation. Pareil pour vous. En effet, trois mois

encore de plus dans votre vie mais il faut se dire que ce sera 3 mois où il y aura en tout cas des trucs

bénéfiques.

Educateur (office de RUE) : En tous les cas votre parole sera entendue par un magistrat, vous ne serez

plus seule…

Mme : oui, oui

Educateur : Et ça en soi c’est intéressant

Mme : ca tout à fait

Educateur : Après que Mr en fasse quelque chose ou pas tant pis, mais vous pourriez en sortir quelques

petits plus…

Mme : je sais bien mais comme je vous le dis au jour d’aujourd’hui, ça y’est… Non mais je vous le dis,

non, franchement non. Educatrice : C’est dommage de vous être déplacée jusqu’ici

Mme : pourquoi c’est dommage ?

Educatrice : Bah de pas vouloir poursuivre en fait.

A travers ces deux exemples nous voyons que l’éducateur peut intervenir dans le

discours de la RUE, et vice-versa (l’éducateur qui remplace la RUE prend également la

parole lorsque l’éducatrice tente d’instaurer un discours rassurant sur la temporalité.)

L’éducateur renvoie au magistrat puisqu’il ne faut pas oublier que la mesure a été ordonnée

par celui-ci. Il y a donc alternance de la parole de façon spontanée chez les professionnels.

Il en va de même chez les usagers. Ces derniers peuvent s’exprimer à tout moment. Il n’y a

64 Ibid., p.87.

42

pas de temps de parole professionnel, puis temps de parole usager : le temps s’alterne.

Même si parfois l’usager accepte ce qui est dit par le professionnel « oui ; mais bien sûr, je

comprends tout à fait ; oui j’ai compris », il peut également dire qu’il n’est pas en accord

avec la mesure « oui mais c’est un mois encore ; non mais je suis vraiment désolée ; j’ai

plus envie de continuer ; je suis blasée là ». Même s’ils sont contraints de se rendre au

rendez-vous, leur parole est entendue. On pourrait imaginer qu’étant contraints ils

accepteraient ce qui est dit, et ne rompraient donc pas l’interaction, mais il n’en est rien.

Parfois, l’usager peut vouloir prendre l’ascendant, et le travail du professionnel sera alors

d’apaiser la situation en reprenant les propos et en les clarifiants. Le jeune peut également

vouloir prendre l’ascendant sur sa famille lors d’un entretien :

Mme : non, on en a parlé à la police… au prochain problème on va porter plainte Educ : nous on ne saurait que trop vous conseiller d’y aller, de le faire, faut pas que ça dure cette

histoire.

Mme : Julien avait peur, m’a répondu qu’il l’emmènerait dans une forêt

Julien coupe sa mère, énervé : Non mais t’es drôle il me l’avait déjà fait. Ils m’ont attaché sur un arbre,

tu fais comment pour te détacher ? Non mais t’es forte toi ! T’es drôle ! Tu préfères qu’il m’enferme

dans une cave aussi !!

Educ : Julien, julien, si tu le veux bien, on parlera de tt ça quand on sera tous les 2, d’accord ?

Le professionnel laisse le jeune s’exprimer jusqu’au bout, mais diffère l’explication de

l’épisode de racket, sujet qui semble sensible, pour ne pas que le jeune entre encore plus en

conflit avec sa mère.

Une situation asymétrique mais un travail conjoint à minima sur « la face »

Il y a lors de l’échange une notion sous-jacente : la face qui est « la valeur sociale

positive qu’une personne revendique ».65

Nous tenons toujours à renvoyer une image

positive de nous-même, tout en tentant de faire « bonne figure ». L’entretien d’accueil, bien

qu’étant un moment spécifique, ne déroge pas à cela. En effet, chacun expose un point de

vue, puisqu’il s’agit d’un échange. Lors de l’entretien MJIE, madame refuse l’intervention.

Mais y’aura rien qui va changer (…)

je vous le dis franchement, je n’ai plus envie de continuer. Je me suis présentée car cela faisait deux fois

que je ratais le rendez-vous (…)

Je sais et même eux ils me le disent ils en ont marre, ils le disent. Ils veulent pas, ils en ont marre.(…)

oui mais justement je ne veux pas aller sur ces 3 mois. Aujourd’hui je suis là, je dis ce que j’ai à dire mais moi je veux mettre un terme à cette investigation (…)

Déjà monsieur devrait être là avec notre fille et tout mais il n’est pas là…(…)

je sais bien mais comme je vous le dis au jour d’aujourd’hui, ça y’est… Non mais je vous le dis, non,

franchement non.(…)

Voilà, mais moi ? Ça m’a servi à quoi ? A rien du tout ! (…)

oui mais j’entends (rire), mais je n’ai rien à cacher ou à me reprocher. Franchement, je suis fatiguée, je

suis épuisée (…)

65 Ibid., P.9.

43

Comme nous pouvons le constater, madame suit ici son idée. Elle refuse l’intervention

judiciaire. Elle n’hésite pas à exprimer ce qu’elle ressent et sa volonté de ne pas continuer.

On voit ici, qu’elle tente de garder la face : « Un individu garde la face lorsque la ligne

d’action qu’il suit manifeste une image de lui-même consistante (…) ».66

Tout le travail de l’éducateur sera de trouver l’adhésion de madame. Pour se faire, lui

aussi cherchera à sauver sa face en utilisant diverses techniques. Ici, l’éducatrice en

question, fera preuve d’empathie face au refus « On peut le comprendre, c’est pas évident

de devoir une fois de plus parler à d’autres personnes de son histoire familiale et

personnelle », en rappelant le cadre de la mesure « c’est vrai que le but de cette

investigation c’est de faire un état des lieux, une photographie si vous voulez de votre

situation actuelle », en faisant preuve de lucidité face au refus « Après vous avez le libre

choix de pas choisir, nous, dans tous les cas, on en réfèrera au magistrat que vous vous

êtes déplacée sur le premier rendez-vous mais que vous ne souhaitez pas… Moi je vous le

dis que c’est vraiment dommage, cela vous desservira dans tous les cas et vous pourrez

pas exprimer clairement ce que vous voulez et les enfants non plus », en faisant preuve

d’insistance « moi j’essaie de vous dissuader, c’est mon travail aussi », et en intégrant les

enfants à la discussion, en adaptant son langage à l’âge de ces derniers et en utilisant des

termes humoristiques pour chercher l’adhésion « les garçons vous en avez marre

apparemment de voir des éducateurs ? Je suis gentille, je ne mange pas les enfants

promis », et en proposant de différer la décision finale de madame « ce que je vous propose

c’est : on entend que vous ne souhaitez pas continuer, que vous ne souhaitez pas vous y

investir. On vous laisse y réfléchir. On vous rappelle la semaine prochaine ».

Sur l’ensemble de l’entretien, quelle part de l’institutionnel ?

Les échanges pour trouver l’adhésion ont ici pris une part majeure de l’entretien. Même

si la recherche de l’adhésion se fait, certes lors de l’entretien d’accueil, je reste convaincue

qu’elle peut également se travailler sur le temps avec certaines familles. Ici, de vraies

argumentations se sont construites. Si les 10 premières minutes ont été consacrées à la

présentation du service et à la lecture de l’ordonnance, et à prendre quelques éléments de la

situation de la famille, les 30 minutes suivantes ont été consacrées à cette recherche, où se

sont entremêlés le côté institutionnel et recherche de relation éducative.

(…) dans les rencontres, chacun tend à se conduire de façon à garder aussi bien sa propre face que celles

des autres participants. Cela signifie que chacun a généralement le droit de faire prévaloir la ligne d’action qu’il a adoptée, et le rôle qu’il s’est, semble-t-il, choisi. Il s’établit un état de fait où chacun

66 Ibid., p.10.

44

accepte temporairement la ligne d’action de tous les autres. Il semble que cette sorte d’acceptation

mutuelle soit un trait structurel fondamental de l’interaction, et particulièrement des interactions à

l’œuvre dans les conversations face à face.67

Différer le changement d’opinion semble alors la meilleure solution. Celle-ci permet de

ne faire perdre la face à aucune des personnes présentes. Ce qui permettra par la suite, si

madame adhère à la mesure, d’établir un travail éducatif qui ne sera pas biaisé par cela.

Lors de ma rencontre post entretien avec madame et les deux garçons, j’ai demandé ce que

chacun avait retenu de l’entretien. Madame me répondra « J’ai retenu : je sais qu’il y a des

personnes qu’elles sont là pour aider (…) c’est pour ça qu’elles insistent pour donner leur

aide, voilà ! Donc, là ça se peut j’ai dit non, mais c’est vrai ça se peut qu’en rentrant à la

maison, je dis oui, voilà. Leur démarche c’est pas pour m’embêter en fait. » Les garçons

me diront être d’accord pour revenir, au grand étonnement de madame « bah faudra pas

dire que vous en avez marre après ». Les garçons diront « l’éducatrice elle est gentille ».

L’entretien a permis à chacun de donner son point de vue et de le « défendre » en

quelque sorte. Les échanges ont été francs de part et d’autre. J’ai interrogé ma collègue sur

ses impressions et sur la réussite pour elle de l’entretien : « Faudrait définir ce qu’est la

réussite d’un entretien d’accueil ! Faudrait des points de critères, mais y’en a pas, chaque

entretien est différent. Il sera réussi si la mère finit par adhérer à la mesure et s’accapare

la mesure ainsi que les enfants ». Les jalons à la compréhension de l’importance de mener

à terme cette mesure ont été donnés à madame ainsi qu’aux enfants. L’entretien d’accueil

sert également ainsi. Même si la contrainte judiciaire existe, puisque la mesure est

mandatée par ordonnance par un magistrat, la MJIE nécessite une collaboration de la part

des parents et des enfants : « C’est au travers des relations discursives que les

interlocuteurs peuvent prendre en compte, redéfinir, négocier voire s’opposer plus ou

moins durablement au donnée de départ et aux conduites attendues »68

. Ici, le père et la

fille sont absents. Ce qui ajoute une difficulté pour l’adhésion de madame, même si

l’éducatrice reprend cela avec elle « S’il n’est pas là, après le travail c’est vous, c’est

différent. Dans tous les cas, monsieur sera re-convoqué, ce n’est pas un souci. S’il ne se

présente pas on le dira au juge, ça fait aussi partie de l’investigation ». Un sentiment

d’injustice peut rendre encore plus difficile le travail éducatif quant à l’absence d’un ou

plusieurs usagers pour celui qui est présent. Bien reprendre l’absence et expliquer ce que

cela entraîne permet d’atténuer ce sentiment.

67

Ibid., p.14. 68 HICKEL Françoise. Educateur(trice) à la Protection Judiciaire de la Jeunesse. Un métier complexe. p.4

45

Relation éducateur/usager : embarras et excuse pour l’usager

Lors de la reprise d’éléments de l’ordonnance, une erreur est faite sur l’ordonnance, en

effet, la date de naissance des garçons n’est pas bonne. La mère dira « encore » car elle

avait déjà signalé cela. L’éducatrice corrige alors la date de naissance, mais ne s’en

excusera pas, puisqu’il s’agit d’une erreur du greffier. Malgré tout, et d’un point de vue

« Goffmanien », on relève ici encore, une importance de la face : un usager s’excuse, le

service comprend et rectifie car il ne cherche pas à le mettre en difficulté. Il en va de même

lorsque madame croit que les professionnels ont lu en amont le dossier au tribunal. Si le

fait de ne pas le lire permet au professionnel de ne pas avoir d’idées préconçues, cela peut

engendrer une difficulté pour l’usager :

Educateur : Bon de toute façon on verra les éléments Mme : oui vous avez le dossier

Educatrice: Ah non, on n’a pas le dossier, c’est pour ça que c’est intéressant

Educateur : oui c’est pour ça que c’est intéressant. Comprenez notre démarche. Sinon, s’il suffisait

que de consulter le dossier ce serait trop simple.

Mme : oui mais remettre encore ça sur le tapis et en plus devant les enfants.

Je pense qu’effectivement la lecture du dossier en amont pourrait orienter mes idées et

de plus, d’un point de vue de réalité de terrain, il est compliqué d’aller lire chaque dossier

en amont en tribunal qui est situé à Versailles et donc loin géographiquement de l’UEMO.

Il m’apparaît alors important de reprendre cela avec l’usager et d’expliquer plus

longuement la démarche de ne pas lire leur dossier avant la rencontre, lorsque cela est

abordé par ce dernier, tout en expliquant qu’il sera consulté ultérieurement par un des

professionnels qui suit la mesure. En effet, même si je pense que la lecture avant la

première rencontre peut avoir des impacts sur celle-ci, il m’est cependant évident que la

consultation doit tout de même se faire pour avoir une meilleure compréhension de

l’histoire familiale.

L’éducateur peut installer sa propre relation d’autorité éducative

Dans l’entretien pour la mesure de réparation, là encore la notion de face est présente,

d’une manière différente. On assiste à un cadrage éducatif lorsqu’est abordé la présence

aux rendez-vous. Si la RUE dit que l’éducateur peut être souple, ce dernier reprend avec le

sourire : « pas trop. Non, mais avec moi tu viendras même avec 40 de fièvre tu seras là… »

Si ces propos sont tenus avec le sourire, ils ont pour impact que le jeune pose les yeux sur

l’éducateur pour la première fois depuis le début de l’entretien. L’autorité de l’éducateur

est ici normale pour reprendre l’autorité de justice, puisque le jeune a accepté au préalable

46

cette mesure. L’entretien d’accueil est ici un entretien de cadrage. La réparation est un

levier pour éviter la récidive, le cadrage est donc important.

Le jeune doit faire un travail sur lui-même pour que la mesure de réparation ait un sens.

L’éducateur met cela en exergue quand il lui propose de faire un effort de mémoire pour

retracer les faits, son parcours scolaire et familial. On est là face à une longue séquence

éducative (d’environ une vingtaine de minutes), puisque l’éducateur reprend chaque point

du parcours à travers les propos de Julien, ainsi que sa place dans sa famille.

Les objectifs de l’éducateur et les objectifs exprimés de l’usager

S’en suit ensuite une dizaine de minutes d’échanges entre la mère et l’éducateur sur les

différents intervenants. Elle évoquera la possibilité que le jeune parte à la campagne, en

lien avec l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE). L’éducateur recentrera le cadre d’intervention

de la mesure de réparation, refusant de s’attarder sur le travail de placement « si je vous ai

demandé tout cela, c’est aussi pour vous dire ce que l’on va faire, mais aussi ce que l’on

ne va pas faire dans le cadre de la mesure de réparation (…) je ne veux pas vous censurer,

mais c’est là où se trouve la limite de notre intervention à nous ici, c’est pas nous qui

mettrons ça en place ». Ce cadrage est essentiel pour que chaque rôle soit bien délimité et

compris par Julien et sa mère, même si le sujet est abordé par cette dernière.

L’agencement des deux moments : une complexité ?

A travers les deux entretiens, on voit que la phase institutionnelle liée à la loi de 2002,

occupe le début de celui-ci par la RUE, ou l’éducateur qui la remplace. Ce temps est plutôt

court par rapport au reste de l’entretien, puisqu’il n’excède pas une dizaine de minutes.

Mais l’institutionnel reste omni présent puisque les relations avec le magistrat sont remises

en avant, tout comme le cadre d’intervention de la mesure. Celui-ci permet de limiter

l’intervention, et de justifier la relation éducative. Si je pensais que le cadre institutionnel

rendait compliqué cette relation, je me rends compte au fur et à mesure des entretiens

observés et menés qu’il n’en est rien. En effet, celui-ci est une sécurité sur lequel nous

pouvons nous appuyer pour construire le lien de confiance nécessaire. De plus, le rôle du

RUE n’est pas seulement d’aborder la loi de 2002. En effet lors de l’entretien de la mesure

de réparation, la RUE dira au jeune : « Maintenant, on verra ce que Julien va pouvoir faire

de positif concernant sa mesure de réparation ». Il s’agit là d’une fin éducative, puisque

par cette phrase tout l’attendu d’une réparation est résumé.

Jeux d’interactions entre le mineur et un parent : avancées éducatives ?

La dynamique des échanges permet à l’éducateur de faire ressortir des choses sur ce

qui a pu se passer, et importantes à la compréhension de la situation. Chaque personne

47

présente a une influence. Dans le second entretien la mère participe à l’éducatif également

en reprenant son fils :

Mme : Y’a pas longtemps tu t’es encore bagarré, y’a eu une main courante

Jeune (agacé): c’est rien ça

Mme : si c’est grave.

(…)

Pourquoi, d’après vous ressent-il le besoin de se battre ? D’après vous en tant que maman ? Mme : Excuse-moi Julien c’est pour se donner une image de caïd, pour moi

Jeune : Pas du tout mon frère

Educ : Pas du tout mon frère ? Qui est ton frère ? Car là je te rappelle que c’est ta maman

Jeune : vous vous croyez que quand on dit ça c’est vraiment mon frère, mais ce n’est pas ça.

Mme : c’est ta façon de parler que monsieur reprend

Educ : tu sais Julien, là tu as devant toi un éducateur, une responsable d’une unité du ministère de la

justice, donc il y a un langage à avoir, d’accord ?

Ouverture de parole et d’échange imprévu pour l’éducateur qui prend appui sur des

tiers

Et c’est également cette dynamique d’échanges qui ne permet pas à un éducateur de

suivre une trame déjà toute faite. Celui-ci, doit à travers ses qualités d’écoute, et à travers

les divers protagonistes instaurer un discours éducatif, en se servant de « l’ici et

maintenant », et des personnes en présence. Océane, la petite sœur de Julien, de par sa

présence influera également sur les interactions. Et montrera comment celui-ci se comporte

avec elle, montrant là, la relation qu’il entretient avec sa petite sœur. Ce qui est une source

d’informations. De même, elle est l’initiatrice parfois d’un discours éducatif : Julien

dessine avec Océane ce qui permet à l’éducateur de lui poser des questions « c’est un joli

dessin, tu aimes dessiner ?; -je préfère lire ; -qu’est-ce que tu lis ? (…) » Ainsi, le

professionnel peut apprendre à connaître Julien, en le valorisant, tout en posant des

questions. La confiance éducative se gagne aussi ainsi. A la fin de l’entretien le jeune se

permet de poser des questions, et montre ainsi qu’il est acteur de la rencontre : « le

prochain rendez-vous c’est quand ? (…) Il y a des dames en haut ? J’entends des

talons... » Ce qui permet là encore à l’éducateur de valoriser le jeune « tu es observateur »

L’éducateur reste dans la civilité, car on est sur l’entretien d’accueil, nous ne pouvons

savoir si le jeune pose des questions qu’il se pose réellement où s’il veut faire « le malin ».

Moi-même je me suis demandé cela à la suite de mon échange post entretien lorsque le

jeune m’a signifié « moi je ne le connais pas trop, je n’ai pas de questions à lui poser ».

D’une mesure à une autre les mêmes interactions, la même manière de « mener »

l’entretien ?

Ces deux entretiens ont deux schémas différents, les objectifs n’étant pas les mêmes. Là

encore, je réalise que nous ne menons pas tous les entretiens d’accueil de la même façon

48

selon la mesure parce que le travail éducatif n’est pas le même. La posture éducative face

au jeune et à ses parents ne peut être la même puisque l’obligation et la visée éducative

sont différentes selon les mesures. Le référentiel mesures permet de cadrer

institutionnellement. Là encore l’institutionnel est le garant de l’éducatif qui se prolongera

tout au long du suivi. Même si nous sommes dans le temps de l’accueil, il faut que ce

temps s’achève par la remise d’un prochain rendez-vous, ce qui est le cas lors des deux

entretiens. Si dans l’entretien de MJIE, une nouvelle date n’est pas définie, un appel

téléphonique dans une durée d’une semaine est tout de même spécifié. Il est important pour

moi que l’usager parte avec un nouvel entretien. Cela montre la continuité du travail, et

l’accroche quant à la suite.

Educ : Vous habitez Poissy ? Car on peut se rencontrer là-bas, nous avons des bureaux à disposition. Julien a une carte navigo ?

Mme : oui, mais il l’a perdue, il a aussi perdu sa carte d’identité, faut que je la refasse.

Educ : le temps que le pass navigo se fasse, je te verrai à Poissy, d’accord Julien ? Ce serait bien

qu’on se revoit très rapidement, hein Julien ? Dans une semaine ?

Mme à son fils : Tu écoutes Julien (Julien joue à faire une pyramide avec les feutres).

Educ : Non mais je sais qu’il m’écoute, vous savez c’est pas parce qu’ on fait une chose qu’on

n’entend pas hein ? Sourire

Ici, la remise d’un nouveau rendez-vous permet d’aborder des questions administratives, et

de continuer un discours éducatif sur la personnalité du jeune, tout en le valorisant.

Je me demandais si l’institutionnel était une contrainte pour l’éducateur. Finalement

celui-ci est assez libre de son discours. En effet, si le RUE présente le cadre d’intervention

ainsi que le service, il s’efface permettant à l’éducateur de mener l’entretien. Les différents

points abordés par le référentiel mesure sont respectés. Alors même si l’entretien est

contraint par la nature même de la mesure, l’éducateur peut engager le discours éducatif

selon sa propre personnalité. Comme l’écrit Françoise HICKEL :

L’ordre des points à aborder, leur développement, la quantité de temps à y consacrer, sont laissés à

l’appréciation de l’éducateur. Celui-ci dispose en outre d’une latitude importante pour laisser la parole au

jeune et à ses éventuelles initiatives et traiter des questions non prévues. Il s’agit de donner au mieux les

conditions pour construire une relation visant à établir les bases d’entente possibles et les points de divergence, et laisser « surgir l’imprévu ». 69

Conclusions de l’analyse :

S’il est vrai que je n’analyse que deux entretiens, nous voyons tout de même des

similitudes ainsi que des différences. J’ai pu faire un retour sur ma problématique et mes

69 HICKEL Françoise, op.cit., p.7.

49

hypothèses tout en analysant l’entretien et son moment institutionnel ainsi que l’entretien

et son moment d’accroche éducative.

La construction de l’entretien est la même : il y a donc deux temps : un institutionnel

mené principalement par la RUE ou la personne la remplaçant, et un éducatif mené

majoritairement par l’éducateur référent. Pourtant, chaque professionnel peut intervenir

quand il en ressent le besoin, selon la sensibilité éducative perçue à un « instant T ». Le

discours éducatif est renforcé par cela. La parole des usagers est entendue et écoutée,

même si le travail de l’éducateur est de cadrer les volontés des usagers par rapport au cadre

d’intervention sous-entendu par la nature même de la mesure. La mesure délimite donc

l’action d’éducation à mener. L’éducateur amorce « l’accroche de la relation » par

plusieurs biais : la bienveillance, le cadrage, la fermeté, l’humour, l’empathie. Autant de

qualités propres à chacun, qu’il nous faudra utiliser à bon escient, au moment importun, et

selon la personne que nous aurons face à nous : « Si la relation éducative constitue bel et

bien l’essentiel de notre action au quotidien, elle mobilise des savoir-faire et des outils

spécifiques ».70

Si le premier entretien se prépare, nous ne pouvons anticiper quelles qualités

professionnelles seront mises en avant, puisque nous construisons celui-ci avec le jeune et

sa famille, dans l’intérêt de ces derniers. Une chose primordiale est la compréhension de

ces derniers du travail qui se met en place, et c’est pourquoi, leur demander régulièrement

s’ils ont des questions est important. Lors de mes « post-entretien », j’ai pu questionner les

usagers sur cela, et dans les deux situations, ils ont pu me certifier avoir compris et qu’ils

poseraient des questions si le besoin se présentait. La confiance et l’amorce de la relation

ont donc pu être mises en place dans le respect de chacun, par les différentes interactions et

échanges vécus.

3. Quelques difficultés observées et rencontrées dans la conduite des entretiens

d’accueil

L’absence :

70

GABERAN Philippe. La relation éducative : Un outil professionnel pour un projet humaniste. 2003, p.13

50

« L’évitement. _ Le plus sûr moyen de prévenir le danger est d’éviter les rencontres où il

risque de se manifester ».71

L’absence du jeune crée une problématique pour l’éducateur. En effet, lorsque ce

dernier ne se présente pas, le professionnel relance par une autre convocation, puis par un

envoi en recommandé. Si nous sommes en possession d’un numéro de téléphone, il est bon

de tenter de le joindre par ce biais-là, ou joindre sa famille, pour permettre de lui expliquer

l’importance des rendez-vous. Dans un cadre judiciaire avec des délais, cette absence peut

avoir un impact sur la suite du suivi. De même, après un temps déjà entamé entre

l’ordonnance et la prise effective de la mesure, ce temps supplémentaire peut rendre

difficile le travail éducatif. Mobiliser un jeune pour qui parfois les faits ont été commis

depuis longtemps est d’autant plus complexe. Il faudra alors que l’éducateur travaille sur

les motifs de cette absence, mais il faudra également expliquer les délais.

L’absence d’un ou des deux parents peut aussi s’avérer déstabilisante. L’éducateur

devra alors comprendre l’absence, et redoubler d’efforts pour réussir à les associer à la

mesure. Le travail de l’éducateur se fait en lien avec les familles, comme déjà abordé

précédemment. Il faudra là encore que l’éducateur se mette rapidement en contact avec ces

derniers. Et devra travailler cela aussi avec le jeune suivi. Prendre les disponibilités de

chacun, pour éviter des absences répétées au travail, ce qui est souvent avancé par les

familles, sera déjà une amorce de travail éducatif en lien avec la famille.

La différence de langue :

Lors d’un entretien d’accueil mené en binôme avec une collègue, j’ai été confrontée à une

difficulté qui était que la mère du jeune suivi ne parlait que très peu notre langue. L’un des

objectifs de cet entretien est de permettre aux usagers de comprendre le cadre

d’intervention, la mesure, les rôles de chacun. Au vu de la situation évoquée, je me suis

alors demandé si pour madame nous avions réussi à remplir ces objectifs.

Ma collègue et moi avons mené cet entretien comme nous l’aurions mené avec n’importe

quel usager. Dans un entretien, il faut éviter que l’usager se désinvestisse de celui-ci et

réussir à faire participer chaque personne présente, et ce malgré la difficulté, ici, de le

rendre intelligible. C’est pourquoi tout au long de l’entretien nous avons implicitement

utilisé des mots plus simples, et avons ralenti notre débit de parole. Nous tenions à ce que

71 Erving GOFFMAN, op.cit.,p.17.

51

madame participe à l’entretien malgré la barrière de la langue. Nous souhaitions la

questionner, tout en la rassurant « nous allons parler plus lentement ; expliquez-nous avec

vos mots ; nous pourrons faire appel à un interprète, comprenez-vous bien ce terme ?,

etc.». En tant qu’éducateur nous travaillons fréquemment avec des familles d’une autre

culture. Connaître ces dernières peut favoriser les échanges « Parler de la ou les culture(s),

c’est parler de l’être humain, de sa spécificité, de son pouvoir créatif, de son histoire et de

son évolution, puisque c’est un être essentiellement et singulièrement culturel. »72

Cela

peut faciliter la compréhension de certains fonctionnements familiaux. Ici, la culture

bengalie semble avoir une importance : monsieur est d’après le jeune trop occupé avec la

politique bengalie pour s’occuper de lui, madame quant à elle ne parle quasiment que cette

langue et le mineur est bilingue. Nous avons donc proposé au jeune de nous parler du

Bengladesh lors des prochains entretiens. Le jeune et la mère ont souri suite à notre

proposition, et le jeune nous a répondu «sans problème».

Si dans un entretien éducatif, l’échange verbal a une place prédominante, la

communication non verbale est elle aussi une richesse d’informations qu’on ne peut

ignorer. Il s’agit de « l’ensemble des moyens de communication existant entre des êtres

vivants n'usant pas du langage humain parlé. Elle regroupe tous les moyens que les

individus ont pour communiquer et qui ne relèvent pas de la langue orale humaine. »73

Nous avons inconsciemment additionné des mouvements de main à notre parole. De même

nous étions plus avancées : cette posture corporelle signifiait implicitement que nous étions

ouvertes à l’échange malgré la difficulté de la langue. Nous voulions que Madame se sente

à l’aise pour communiquer avec nous malgré la « barrière » linguistique.

Lors de l’entretien le jeune parle à sa mère sur un ton très énervé. Certains indices non

verbaux nous ont permis également de tenir un discours éducatif. Lorsque nous abordons

son père, le ton que le jeune utilise pour traduire nos propos à sa mère nous permet de

comprendre qu'il s’énerve. Nous reprenons cela avec lui, lui démontrant ainsi que nous

sommes alertes sur leurs échanges bien qu’ils soient faits dans une langue qui nous est

étrangère.

Etant moi-même bilingue, je me suis demandé quelle serait la meilleure façon de faire,

si j’étais confrontée à une famille qui parlerait ma langue maternelle ?

72

VENEL Marie-Dominique. La culture de l’Autre : un miroir ? 2012 pp. 71-82 73

Jacques CORRAZE cité par Hugues HOTIER, Non verbal, communication, organisation-Exposé introductif, http://communicationorganisation.revues.org/2394

52

III) PHASE D’EXPERIMENTATION : QUAND LES MODES DE

FONCTIONNEMENT DOIVENT ETRE AJUSTES A UN

NOUVEAU SYSTEME D’ORGANISATION

1. La prise en charge à cinq jours : pourquoi, et quelle organisation du tribunal

aux services ?

Le 29 juillet 2013 paraît une note intitulée « Note d’instruction relative à la mise en

œuvre de l’article 12-3 de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance

délinquante »74

. Cette dernière prend source sur la loi numéro 2012-409 du 27 mars de

programmation relative à l’exécution des peines qui prévoit la réduction du délai de prise

en charge des mineurs, suite au prononcé de la décision judiciaire. Cette note prévoit une

prise en charge réduite à cinq jours ouvrés. L’article 12-3 de l’ordonnance du 2 février

1945 prévoit l’application de ce délai à compter du 1er janvier 2014.

La note du délai de prise en charge à cinq jours est une note visant donc à permettre

aux usagers d’être convoqués dans un service PJJ, ou habilité PJJ, dans un délai de 5 jours

ouvrés, après avoir été vus et entendus par un magistrat.

Les usagers sont actuellement dépendants du temps de convocation du service de

Milieu Ouvert. En effet, lorsque la mesure arrive sur le service elle n’est pas forcément

attribuée directement à un éducateur référent. Parfois, sur certains services, une suractivité

ne permet pas l’attribution immédiate. Même si les directeurs et RUE tentent de réduire le

temps entre l’arrivée de la mesure et la prise en charge effective, ce temps existe et peut

être synonyme d’angoisses supplémentaires pour les usagers. Ou à l’inverse ce temps peut

aussi être vécu comme un sentiment de toute-puissance de la part des jeunes, qui parfois en

viennent à penser que la justice a pu les oublier, et peuvent de ce fait récidiver. De plus,

parfois il existe un laps de temps si important entre le moment où le jeune voit le magistrat

et l’entretien d’accueil qu’il peut également oublier ce qui a pu être dit lors de l’audience et

le travail éducatif peut, de ce fait, en souffrir, ou du moins être plus compliqué à mettre en

place.

74

Note d’instruction du 29 juillet 2013 relative à la mise en œuvre de l’article 12-3 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante.

53

Dans un souci de réduire le temps de la première convocation, cette note offre aux

usagers une première prise de contact avec un service, en vue de le leur présenter. Comme

stipulé sur celle-ci « Elle vise à la prévention de la récidive des mineurs en matière

délinquante »75

. Au-delà de ce qui est indiqué, je pense que cela leur permettra également

de voir le lien qui existe entre le magistrat (dont le greffier donnera la convocation), et la

PJJ. En effet, les usagers verront ainsi qu’un contact existe entre « ces deux

administrations », et qu’elles travaillent donc de concert. Cela pose d’autant plus la

symbolique du magistrat, et le cheminement du parcours institutionnel judiciaire.

Raccourcir le temps d’attente entre une mise en examen et la venue dans un service de la

PJJ, ne peut qu’être bénéfique pour les usagers qui peut-être vivront une angoisse moins

importante, ou du moins plus limitée dans le temps

Cette note soulève un nouvel outil facilitant qui devra donc être mise en place pour

permettre son exécution : « Le principe retenu pour faciliter la prise de rendez-vous et

réduire ainsi au maximum le délai de prise en charge est celui de l’utilisation d’agendas

partagés entre les juridictions et les services de la mise en œuvre de la décision »76

.

Autrement dit, il s’agit d’un planning donné par le service aux tribunaux, qui favorisent la

mise en date de cet entretien. Il permettra une meilleure communication entre le juge pour

enfants et les services de Milieu Ouvert. Mon service a opté pour une journée définie à la

mise en œuvre de ce dernier. Le mercredi permet d’être, d’une façon ou d’une autre, dans

le temps imparti, quel que soit le jour de la rencontre des usagers avec le magistrat, puisque

« Le délai entre la décision et le rendez-vous ne doit pas excéder cinq jours

ouvrables.»77

A l’heure actuelle cette note n’est pas encore appliquée dans mon département. Les divers

logiciels ne sont pas encore activés, ni au point au Tribunal.

2. Comment est-elle pensée à l’UEMO des Mureaux ?

Diverses réunions ont été organisées au sein de mon UEMO pour réfléchir aux visées

de celle-ci, mais aussi à sa mise en place sur le service. Si dans un premier temps, la

directrice avait pensé mener cet entretien, cela a été repensé. En effet, son bureau étant

situé dans l’unité de Mantes la Jolie, il aurait été délicat de convoquer les usagers à un

endroit qui ne serait pas le lieu de la suite du suivi. La RUE sera donc la professionnelle

75

Ibid., p.4. 76

Ibid., p.7. 77 Ibid., p.7.

54

qui s’en chargera. Qu’il soit mené par un cadre, montrera alors la symbolique de

l’institution. Elle pourra ainsi présenter le service, la mesure, et distribuer les différents

documents relevant de la loi du 2 janvier 2002. Cet entretien sera un entretien d’accueil

physique et de présentation. En revanche, il a été décidé que les éléments dits « éducatifs »

ne seront pas abordés durant ce temps, qui, d’après mon service ne concernera que les

« primo délinquants » (jeunes n’ayant jamais été suivis par un service de la PJJ). Le service

a donc décidé de positionner une journée hebdomadaire.

J’avais réalisé au préalable de mon étude un tableau quantitatif des primo

délinquants pris en charge par mon service. Ce tableau concernait le mois de décembre

201378

. Il y avait alors eu 7 nouveaux jeunes pris en charge. Si nous nous appuyons sur

celui-ci, il y aurait alors environ 2 jeunes par semaine concernés par cet entretien. Le jour

hebdomadaire paraît alors être cohérent avec le nombre de jeunes qui sera convoqué au

service dans le cadre de la note.

L’entretien d’accueil connu aujourd’hui en tant que tel va donc forcément être

impacté par cette note. En effet, le fonctionnement va en être bouleversé.

En commençant par l’envoi des convocations. La première est donc donnée

physiquement à l’usager.

En cas d’absence du mineur à la 1ère convocation dans un service de la PJJ, le magistrat et l’avocat,

en sont informés dans les meilleurs délais. Par principe, il convient de laisser l’opportunité au

directeur de service, ou par délégation au responsable de l’unité ou du service de fixer un 2ème

rendez-vous au mineur et à la famille dès lors que le magistrat a bien été avisé. Toutefois, ce dernier

peut, en fonction de la situation, privilégier une convocation réalisée par ses soins dans son cabinet.

Dans ce dernier cas, le magistrat en informe le directeur de service.79

Jusqu’à présent l’éducateur référent de la mesure envoyait la convocation pour l’entretien

d’accueil, après concertation des disponibilités de la RUE. Cette convocation était donc

faite au nom du service. Dorénavant, cela ne sera plus le cas. Cela montrera une fois de

plus la communication existante entre la juridiction et l’unité éducative. Si cela modifie

l’organisation actuelle, en ce sens où le service n’enverra pas la première convocation, cela

n’impactera en rien le travail éducatif.

Si le jeune est seul face au magistrat, celui-ci recevra la convocation, tandis qu’un

exemplaire sera envoyé par voie postale aux détenteurs de l’autorité parentale. Malgré tout,

« En cas d’absence des détenteurs de l’autorité parentale à la 1ère

convocation du mineur

78

Annexe 10. P79. 79 Ibid., p.9.

55

dans un service de la PJJ, l’entretien doit être réalisé, la décision du magistrat

s’appliquant au mineur seul. Cela n’ôte en rien la nécessité par la suite de soutenir

l’implication et la recherche d’adhésion des parents dans la prise en charge »80

. Je me

pose alors la question du dédouanement des détenteurs de l’Autorité Parentale. Cet

entretien ne va-t-il pas biaiser le travail avec les familles ? Il me semble que cela peut

ajouter des complications quant à ce travail avec ces dernières. Pour l’instant cette note

n’est pas encore applicable sur le territoire couvert par le service dans lequel je suis pré

affectée ; en effet les agendas partagés ne sont pas encore mis en place. Malgré tout, il a été

convenu que la RUE serait la plus à même de remplir la fonction de cet entretien. La

présentation de la structure, les informations administratives sont déjà effectuées par celle-

ci lors des entretiens d’accueil à l’heure actuelle.

Cet entretien pensé par mon service a une visée administrative, et permet

également au magistrat de savoir si le jeune et/ou sa famille se sont bien présentés. Cela

permet également la première prise de contact entre l’usager et le service. Il est donc

primordial de tenter de solutionner chaque situation possible, tout en étoffant au fur et à

mesure, selon les différents rendez-vous, car nous ne pouvons tout anticiper « Experience

is merely the name men gave to their mistakes »81

. Il ne faut pas perdre de vue que face à

l’humain, parfois, nous ne pouvons-nous cantonner qu’à des questions et des propos

d’ordre administratif. Comme nous l’avons déjà abordé, nous sommes tout de même à

chaque rencontre soumis à des interactions, sans savoir ce qui peut en découler avant,

pendant et après. Réfléchir donc à une sorte de « protocole » ou du moins à une certaine

« organisation » selon des cas spécifiques peut s’avérer être opportun voire nécessaire.

3. Réflexions sur la prise en charge à cinq jours

Je dépeindrai dans cette partie ce qui pour moi me semble être important pour garantir

un entretien qui soit au plus près de l’intérêt des usagers. Une réunion STEMO est prévue

au mois de juin. Dans l’ordre du jour on retrouve un temps d’échange autour de l’entretien

de prise en charge à cinq jours. Voici ici ce que je compte apporter lors des discussions à

ce sujet.

Interrogation sur le nom donné à la note :

80

Ibid., p.9. 81 Oscar WILDE l’expérience c’est le nom que chacun donne à ses erreurs.

56

Je commence ici, par une réflexion large de la note du délai de prise en charge à cinq

jours. J’ai conscience que la réunion du STEMO ne changera pas cet état de fait, mais il

m’apparaît important de souligner cela.

La note du délai de prise en charge à cinq jours porte un nom qui peut prêter à

confusion. En effet, la mesure ne sera pas prise en charge malgré ce premier entretien. Il

s’agit d’une première rencontre de l’usager avec l’unité qui le prendra en charge, mais la

prise effective ne commencera peut-être pas à la date concernée. Dans certains services, et

c’est le cas dans celui dans lequel je travaille, des mesures sont placées en attente. Cela se

produit lorsque tous les éducateurs ont atteint le quota de 25 jeunes pris en charge. Dès

lors, la prise effective est alors repoussée en attente de pouvoir être attribuée. L’usager

convoqué sera donc dans une certaine forme d’illusion qui le poussera à penser qu’il s’agit

du premier entretien et que la mesure va débuter à cette date. L’intervention judiciaire

risquerait alors de perdre son sens. Cependant, cela permettra à la direction de l’UEMO de

mieux visualiser les mesures qui se retrouveront en attente. De même, il permettra

d’évaluer des situations dites « d’urgence » qui pourraient accélérer l’attribution. Resterait

à qualifier le terme « urgence » : le jeune est en danger imminent, il est dans une situation

d’errance, ou sans domicile, cela pourrait nécessiter une réévaluation du délai de prise en

charge.

Dans une réalité où les délais judiciaires sont très longs, cette note reste une réponse

positive quant au temps d’attente de découverte d’une nouvelle unité.

Qui doit être présent et pourquoi ?

Si les renseignements à compléter sont succincts puisqu’il s’agit d’une prise de contact

pour l’usager avec une administration qu’il ne connait pas forcément, il n’en reste pas

moins que certaines familles attendent ce premier entretien pour raconter leur histoire,

trouver une oreille à qui parler, être rassurées, « déverser » des histoires de vie

compliquées ou des problèmes rencontrés jusqu’à maintenant, ou au contraire certains ont

besoin de se faire recadrer. Si jusqu’à aujourd’hui les entretiens se déroulaient en présence

du RUE et d’un membre de l’équipe éducative, en l’état un éducateur, pour permettre à ce

dernier de répondre et d’écouter les familles, je me suis alors demandé comment le RUE

allait gérer cela, puisqu’il n’est pas dans ses premières missions de répondre à ce style

d’attentes. J’ai donc pu réfléchir à un certain mode d’action. Si le RUE en perçoit la

nécessité, peut-être pourrait-il faire appel à l’éducateur de permanence. Un éducateur est

désigné par tranche de demi-journée à être de permanence. Cela signifie qu’il est

obligatoirement présent sur le service, sans rendez-vous pour pallier à des situations

57

d’urgence, de renseignements téléphoniques, d’accompagnement de dernières minutes.

Généralement, l’éducateur profite de ce temps défini pour rédiger des rapports. Donc, si le

RUE perçoit des paroles ou des attitudes nécessitant que l’usager s’adresse à un membre de

l’équipe éducative, l’éducateur de permanence pourrait assurer ce rôle. Pour se faire, le

RUE aura alors un rôle important dans le sens où il devra expliquer que cet éducateur ne

sera pas forcément l’éducateur référent de la prise en charge. Ce discours sera repris par

l’éducateur qui pourra également expliquer le déroulement de la prise en charge. Cela

aurait pour but d’apaiser une situation tendue ou du moins qui pose problème. En

revanche, l’assistante sociale et la psychologue ne pourront participer à cet entretien,

puisqu’il ne sera pas anticipé…

J’ai également pensé à une autre organisation de cet entretien. Peut-être serait-il

pertinent qu’il soit mené par la RUE et par l’éducateur de permanence. Cela éviterait une

interruption de l’entretien, comme imaginé ci-dessus, et permettrait alors comme stipulé

sur la note « d’engager une évaluation permettant la construction d’hypothèses

d’interventions éducatives auprès du mineur et de sa famille », qui ne font pas partie des

missions d’un RUE. Là encore nous pourrions nous demander si cela est pertinent que

l’usager rencontre un premier éducateur pour finalement rencontrer son éducateur référent

plus tard, mais je pense qu’il est important de souligner que la mesure appartient à un

service et non à un éducateur référent : chaque professionnel doit connaître les différentes

situations en vue de pallier à une absence et pour permettre la continuité du suivi. Cette

deuxième organisation me paraît être la plus pertinente au vu de l’intérêt des usagers. Il

serait alors bon de voir avec l’équipe s’il paraît plus opportun de changer d’éducateurs de

permanence ou si certains souhaiteraient mener ces entretiens d’une façon régulière.

La transmission des informations recueillies :

La question qui découlera de cette situation, sera alors la transmission à l’éducateur

référent des éléments recueillis, et/ou des autres professionnels. Comment, et quand

transmettre ces informations ? L’instant qui me semble le plus opportun serait en réunion

de synthèse. Une fois par semaine, une matinée est dédiée aux études de situations. Ce

temps permet à chaque éducateur de prendre connaissance des situations de jeunes, mais

cela permet surtout à l’éducateur référent de faire le point en équipe, et d’avoir d’autres

pistes de réflexions, et/ou de travail. Ce temps institutionnalisé se fait en présence de la

RUE, de tous les éducateurs, de l’assistante sociale, de la psychologue, mais également

d’un pédopsychiatre, qui permet une analyse plus poussée, sur certaines situations. Les

échanges sont très importants dans le travail d’un éducateur. Ils permettent une

58

distanciation, ainsi qu’un travail de réflexion sur la situation, et sa propre professionnalité.

De plus, la pluridisciplinarité apporte une richesse supplémentaire qui peut aiguiller les

futurs axes de travail. Ce temps de réunion pourrait donc être initié par la transmission des

éléments recueillis lors de l’entretien sous délai à cinq jours, ce qui permettrait à chaque

éducateur présent de connaître déjà la situation. Cela ne devrait pas trop déranger le temps

imparti puisque cela ne concernera pas tous les jeunes vus dans ce délai. En effet, pour

ceux qui n’auront été vu que par la RUE, sans nécessité de faire intervenir un l’éducateur

de permanence, pour cela la grille complétée par la RUE suffira. De plus, les informations

recueillies par cette dernière pourraient permettre de remplir la première partie du DIPC.

Ce qui permettra à l’éducateur référent de se concentrer sur un plan éducatif lors de la

première rencontre.

La difficulté du territoire de l’UEMO des Mureaux :

Ici encore, aucune réponse ne pourra être apportée par la direction du STEMO. Mais

cela reste une préoccupation inhérente à cette note, propre à notre territoire. Si nous

abordons la réalité complexe du territoire couvert par le service, il pourrait y avoir un

risque sur la présence des détenteurs de l’Autorité Parentale lors du premier entretien avec

l’éducateur référent, dans le cas où ils se seraient déjà présentés à l’entretien dans le cadre

du délai de prise en charge à cinq jours. En effet, lors des entretiens d’accueil, nous

entendons souvent l’incapacité tant d’un point de vue financier que professionnel à

multiplier les rendez-vous. Nous avons alors l’opportunité de proposer au cas par cas, des

visites à domicile, ou des entretiens dans des locaux situés dans différentes villes

« majeures » du territoire. Ce premier entretien avec le professionnel référent sera lui

assuré dans les locaux de l’UEMO. Cela reste important puisque le travail éducatif

commencera dès lors, ainsi le lieu reste le symbole et la ressource du travail éducatif à

mener. Cette difficulté est un frein au travail éducatif que nous tentons de résoudre au

quotidien. Une décision institutionnelle pourrait solutionner cet état de fait. Les

professionnels de terrain ne peuvent être les seuls acteurs de solution. En replaçant l’unité

à l’est du département dans une ville centrale tant d’un point de vue géographique que

ferroviaire, cela pourrait faciliter l’accessibilité aux locaux ainsi que la mobilisation des

usagers.

59

CONCLUSION :

J’ai débuté cette étude en m’interrogeant sur l’accueil, sur l’importance de ce

moment. Si, à la PJJ, un service prend en charge des personnes contraintes, il n’en reste pas

moins que l’accueil doit être pensé en amont, pour permettre un début de relation fait dans

le respect de chacun. La loi du 2 janvier 2002 place l’usager au centre de sa prise en

charge, lui garantissant des droits et une prise en charge individuelle et personnalisée. La

note du 16 mars 2007 a permis de renforcer la définition de l’usager : si le jeune en est un,

ses parents, ou tuteurs le sont tout autant. Et le travail d’un éducateur ne se résume pas

qu’au mineur seul. Le travail avec la famille est somme toute important, et la recherche de

l’adhésion de chacun est un des objectifs du professionnel.

L’entretien est un outil fréquemment utilisé par l’éducateur. Connaître quelques

techniques pour le mener est essentiel, même si cela ne garantira pas que l’entretien se

passera comme voulu. Travaillant avec l’humain, nous ne pouvons anticiper ses réactions

ou ses dires. Et c’est également la richesse de notre travail. Tout peut arriver, et le travail

se construit alors avec ce que les usagers nous donnent, dans le but de démarrer une

relation de confiance. Cette relation est complexe puisqu’elle est autant dans la proximité

que dans la distance. L’entretien d’accueil est donc un moment clef de cette future relation.

Sans dire qu’il conditionne toute la suite du suivi, il est le moment de la rencontre tant bien

physique qu’humaine, et les premiers jalons seront posés à cet instant précis.

Si j’ai d’abord pensé que le cadre contraint, et les outils de la loi de 2002, devaient

compliquer cette amorce de relation, mon étude m’a permis de réaliser qu’il n’en était rien.

Cela encadre la prise en charge, et permet donc une confiance entre l’usager et le

professionnel. Si deux temps se distinguent lors du premier entretien (un temps dit

institutionnel, et un second temps éducatif), mon étude m’a fait prendre conscience qu’ils

n’étaient pas que distincts. L’éducatif peut se retrouver dans le premier, et l’institutionnel

dans le second. Rien n’est figé, tout est en mouvement. Les interactions entre chaque

membre présent rendent cet instant encore plus riche de connaissances éducatives, puisque

des pistes de réflexion et de travail émergent de ces dernières.

J’ai pu également à travers la construction de cet écrit, m’interroger sur ma posture

professionnelle. Si au travers de mon travail la lecture théorique sur les entretiens m’a été

profitable, je me suis rendu compte que nous menions les entretiens avec ce que nous

sommes et qu’il n’existait pas de méthodes qui nous permettraient de mener un entretien

comme un autre, et il en va de même d’une mesure à une autre. Mes entretiens

60

exploratoires ainsi que des discussions sur des temps informels avec mes collègues m’ont

également amenée à cette conclusion. J’ai pris conscience des différents points de vue. Et

c’est pour moi une des richesses du travail en équipe : nous pouvons les confronter, sans

que l’un d’eux ne prédomine sur l’autre. J’ai déconstruit ainsi mes représentations

préalables (citées en introduction) pour me construire une nouvelle identité professionnelle

à travers les connaissances acquises grâce à ce travail mais également à travers mes deux

années de formation. Si l’analyse faite dans mon étude concerne principalement des

entretiens menés par des collègues, je n’ai eu de cesse d’analyser mes propres entretiens de

façon à affiner ma pratique et être au plus près de l’intérêt de l’usager. Je regrette de

n’avoir pas pu développer cela dans cet écrit, mais le temps étant restreint, il m’était

difficile de pouvoir intégrer ceci dans mon étude. Il n’en reste pas moins que j’étaye ma

pratique à chaque situation observée et vécue.

La mise en pratique de la note sur le délai de prise en charge à cinq jours risque de

modifier considérablement l’entretien d’accueil tel qu’il est aujourd’hui. Là encore je

regrette qu’elle n’ait pas été mise en place durant mon étude. Je n’ai pu mettre mon

expérimentation en pratique. Cependant réfléchir à une nouvelle façon de penser ce

premier entretien a été passionnant pour moi, puisque mes réflexions ont évolué

parallèlement à ce travail de mémoire. Voir comment la mise en pratique d’une note est

réfléchie en amont dans une équipe de professionnels, où chacun pourra exposer son point

de vue reste pour moi une découverte. J’attends donc avec impatience la réunion où je

pourrai apporter les résultats de ma réflexion, et pouvoir ainsi confronter mon avis à celui

de mes collègues et de ma direction.

Le temps reste un facteur essentiel à prendre en compte. Il existe différents temps dans un

suivi éducatif : l’adhésion, la compréhension, la responsabilisation, l’autonomisation. Si le

premier entretien est important, le dernier pour moi l’est tout autant. Mettre un terme à un

suivi qui a été plus ou moins long, avec une relation éducative construite au fil du temps,

est également essentiel. Je n’ai pas assez de recul pour savoir comment se déroule un

dernier entretien après plusieurs années de suivi. Je m’interroge quant à cet ultime

entretien. Comment le construire au mieux ? Comment dire au revoir à un jeune et à sa

famille ? Nous ne sommes que de passage dans la vie des usagers, nous sommes un

soutien à un moment donné, mais alors comment préparer la fin d’un suivi ? Ouvrir mon

étude sur ces questions auxquelles je n’ai pas de réponse actuellement me parait être

important. Un début est par définition toujours associé à une fin, il m’apparait donc

essentiel d’interroger cela.

61

BIBLIOGRAPHIE :

Ouvrages :

CIFALI Mireille. Le lien éducatif : contre-jour psychanalytique. Paris : 3e

Edition Presses universitaires de France, avril 1998, 163p.

GABERAN Philippe. La relation éducative : Un outil professionnel pour un

projet humaniste. Toulouse : Editions érès, 2003, 150p.

GOFFMAN Erving. Les rites d’interaction. Paris : Editions Les Editions de

Minuit, 1974, 236p.

GUITTET André. L’entretien : Techniques et pratiques. Paris: Edition : Armand

Colin, 6e, 2002, 203p.

HARDY Guy. S'il te plaît, ne m'aide pas ! : L'aide sous injonction

administrative ou judiciaire. Toulouse : Editions érès, 2012, 192p.

JEANVIER Roland ; MATHO Yves. Comprendre la participation des usagers

dans les organisations sociales et médico-sociales. 4ème Ed. Paris : Editions

Dunod, 2011, 261p.

MUCCHIELLI Roger. L’entretien de face à face dans la relation d’aide. 22ème

Ed. Issy-les-Moulineaux : Editions ESF, 2013, 172p.

ROUZEL Joseph. Le Travail d'Éducateur Spécialisé. 2ème

Ed. Paris : Editions

Dunod, 2004, 205p.

SALOME Jacques. Relation d’aide et formation à l’entretien. 2ème

Ed.

Villeneuve d’Ascq : Editions Presses Universitaires du Septentrion, 2003, 242p.

SHAKESPEARE William. Le marchand de Venise. Paris: Editions Les Editions

de minuit, 1974, 2366p.

Articles :

HICKEL Françoise, Educateur(trice) à la Protection Judiciaire de la Jeunesse.

Un métier complexe.

ROGEL Thierry, la stigmatisation, DEES, n°107, mars 1997.

SALLEE Nicolas, Les éducateurs de la Protection judiciaire de la jeunesse à

l’épreuve de l’évolution du traitement pénal des jeunes délinquants, 2010.

62

Revue :

VENEL Marie-Dominique. La culture de l’Autre : un miroir ? Synergie

Mexique n°2. Guignard, 2012.

Textes officiels et législatifs :

Article 375 du code civil en matière d’assistance éducative.

Loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale, J.O.

Numéro 2 du 3 janvier 2002.

Loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance.

Note du 16 mars 2007 : Mise en œuvre des dispositions de la loi n°2002-02 du 2

janvier 2002, rénovant l’action sociale et médico-sociale, dans les services et

établissements de la protection judiciaire de la jeunesse.

Note d’instruction du 29 juillet 2013 relative à la mise en œuvre de l’article 12-3 de

l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante.

Sites internet :

Hugues HOTIER, « Non verbal, communication, organisation-Exposé introductif »,

Communication et organisation, Online : 01 avril 2012. URL :

http://communicationorganisation.revues.org/2394

http//www.dectimmobilier.com

63

ANNEXES

ANNEXE 1

Encart méthodologique

a) De la question de de part a la proble matique

Lors de ma première année de stage, une visite à domicile m’a particulièrement

questionnée sur le droit des usagers. Dès lors je me suis penchée sur la loi du janvier

2002, et sur les outils qu’elle met en place et qui sont utilisés lors des entretiens

d’accueil.

L’accueil est pour moi un moment important et ce dans la vie de tous les jours.

Il s’agit d’une première rencontre. Il détermine souvent la suite d’une relation. Je me

suis donc demandé s’il en était de même pour un entretien d’accueil faisant suite à une

convocation judiciaire. De là est née ma question de départ : l’entretien d’accueil est -

ce les prémices de la relation éducative ?

Parallèlement, au vu des outils inhérents à la loi du 2 janvier 2002, et à la

contrainte judiciaire et institutionnelle, je me suis demandé quels leviers pouvaient

être utilisés pour construire une relation éducative ? Il y a donc deux temps à prendre

en compte lors d’un entretien d’accueil : un temps institutionnel et un temps d’amorce

de la relation éducative. Mes questions et réflexions tournaient autour de ce temps et à

la difficulté possible de les conjuguer ; c’est ainsi qu’est née ma problématique :

Comment mener au mieux un entretien qui a une double nature : institutionnelle,

obligée et utile, mais qui est également le premier contact d’une nouvelle relation?

b) De l'exploration aux hypothe se(s)

Mon exploration avait commencé malgré moi lors de ma première année de

stage. Etant observatrice, parfois participante, des premiers éléments d’hypothèses se

sont alors dessinés à cet instant, même si je ne savais pas encore que mon étude de

seconde année porterait sur l’entretien d’accueil. Une des hypothèses que j’avais alors

64

était que chaque entretien d’accueil était toujours construit de la même façon selon la

mesure.

Pour affiner mes différentes représentations sur l’entretien d’accueil, j’ai

souhaité rencontrer mes collègues, et les interroger à travers diverses questions. J’ai

donc mené des entretiens semi directifs avec ces derniers, que j’ai enregistrés. Cette

méthode m’a permis de centrer les échanges autour du thème que je souhaitais

aborder. Avoir différentes réponses a été compliqué à traiter bien que ce cela ait été

enrichissant pour ma construction professionnelle. J’ai alors émis deux nouvelles

hypothèses : Il s’agit d’un lieu d’échanges, et donc d’un premier lien éducatif et le

cadre pénal rend compliqué cet entretien d’accueil.

c) Me thode de recueil et analyse des donne es

Depuis ma première année de formation, j’utilise un carnet de bord. J’ai pu

noter dedans chaque acte éducatif que j’ai observé ou auquel j’ai participé, tout en y

indiquant mes questionnements et impressions.

J’ai ensuite mené des entretiens exploratoires comme indiqué précédemment.

Parallèlement, j’ai lu divers ouvrages, divers articles et textes PJJ. Une approche

théorique générale était pour moi primordiale pour étayer ou réfuter ma réflexion. De

plus, cela m’a permis d’enrichir des connaissances qui parfois n’étaient pas suffisantes

sur certaines notions abordées dans mon étude.

J’ai établi une phase préalable d’enquête quantitative : j’ai ainsi crée un tableau

quantitatif concernant le mois de décembre pour connaitre le nombre d’entretiens

d’accueil, le type de mesure et le temps entre la notification de l’ordonnance et celui

du premier entretien au service. Savoir combien de « nouveau jeune » était pris en

charge était un élément essentiel pour mon expérimentation.

Puis, j’ai réfléchi à la collecte d’informations autour de l’entretien d’accueil. Il

m’est alors apparu pertinent d’observer des entretiens d’accueil. Je ne voulais pas les

mener, car cela aurait compliqué mon observation et ma prise de notes. J’ai

délibérément choisi d’en observer un nombre restreint, du fait du au temps imparti

pour l’analyse des données. Je tenais également à observer deux entretiens menés par

des professionnels différents et pour des mesures différentes pour pouvoir confronter

65

mes hypothèses. Je me suis placée face à l’horloge pour avoir une notion du temps,

puisque mon étude concerne le temps institutionnel et le temps de l’accroche

éducative. J’ai ainsi créé une grille d’observation me permettant de compléter mes

notes. Lors de l’observation je cochais qui parlait et par la suite ma grille m’a permis

de préparer l’analyse puisqu’elle me permettait une vision globale de l’entretien.

Après l’observation des deux cas observés, j’ai mis en place des entretiens

«d’après coup» avec l’éducateur concerné ainsi que les mineurs et parents qui ont vécu

l’entretien. Il m’apparaissait important de vérifier les « contre coups » relationnels

ressentis à la suite de ce premier entretien. Cet entretien se faisant juste après

l’entretien d’accueil, je n’ai posé que peu de questions sur un temps court, après avoir

pris soin de rassurer les usagers sur mon intervention.

J’ai ensuite retranscrit ces différents entretiens. Les retranscriptions ont été

réalisées à partir de mes notes, (et parfois avec les souvenirs de mes collègues),

certains passages ne sont donc pas totalement exhaustifs. De plus, j’ai également pris

le parti de ne pas retranscrire tous les fonds de l’entretien, ceux-là n’étant pas

l’essentiel de mes recherches.

La retranscription faite, j’ai ainsi pu faire l’analyse des interactions et des

différents temps, en les mettant en lien avec les ouvrages lus, mais également avec

mes propres hypothèses : des liens ont ainsi pu apparaître. De plus, la retranscription a

été pour moi un temps de recul face aux situations observées. Ce recu l m’a été

nécessaire pour réussir une analyse distancée.

d) Hypothe se(s) d'action

J’ai effectué cette étude dans un contexte particulier puisque l’entretien

d’accueil va se voir modifier au vu de la note du délai de prise en charge à cinq jours.

Il m’est alors apparu pertinent que mon expérimentation soit en lien avec cette note, et

la nouvelle façon d’agir. J’avais plusieurs interrogations : Qu’est -ce que cela changera

au premier entretien ? Le fait que cela ne soit plus l’éducateur référent qui le mène ne

va-t-il pas compliquer le travail éducatif ? Les interrogations que la famille ou le jeune

pourraient avoir seraient donc posées au professionnel présent : cela ne biaiserait il pas

le travail de l’éducateur référent qui aujourd’hui, entend et répond aux demandes lors

de ce premier rendez-vous ?

66

J’ai donc d’abord étudié cette note de façon à bien la comprendre. Si sa mise en

œuvre était prévue au 1er janvier 2014, pour l’instant sa réalisation au sein de mon

UEMO n’est pas encore effective. J’avais pensé dans un premier temps à créer une

grille permettant de mener ce premier entretien. J’ai ensuite appris que la RUE

mènerait ce dernier. Cela m’a interrogée. J’ai alors essayé de penser à une

organisation générale autour de la prise en charge à cinq jours. J’ai pour ce faire

élaboré une réflexion sur chacun des axes qui me paraissaient importants.

e) Descriptif de la phase d'expe rimentation et e valuation

Après l’étude de la note, il m’est donc apparu pertinent de penser à une

organisation générale, à travers différents axes qui restent liés à la qualité de la prise

en charge à laquelle ont le droit tous les usagers.

Je me suis donc attachée à m’interroger sur ce qu’impliquait le nom de cette

note. J’ai réfléchi à la meilleure façon de mener cet entretien, et donc réfléchi à quels

professionnels devraient être présents et pourquoi. Dans un intérêt de l’usager, j’ai

également réfléchi à une façon de communiquer les informations recueillies. En

élargissant sur le problème que pose notre territoire d’intervention.

J’ai abordé ces différents axes à travers la mise en œuvre prévue dans mon

UEMO. Une réunion étant prévue au mois de juin où ce sujet sera à l’ordre du jour. Je

pourrai ainsi présenter mes idées, et voir les réactions de chacun et confronter les

différents points de vue. Un projet se construit à plusieurs, le contradictoire permet

aussi un recul et permet d’amener des échanges qui permettent d’améliorer l’idée de

départ. Il s’agit pour moi d’une des richesses du travail en équipe.

Une fois le délai de prise en charge à cinq jours effectif sur notre territoire,

nous pourrons toujours réajuster le projet de départ, si des complications apparaissent

auxquelles l’équipe (direction et éducative) n’avait pas pensé apparaissent.

67

f) Points forts et limites de la de marche

Points forts :

La notion d’accueil est une notion qui fait écho à tout un chacun. Cela a permis

que les professionnels interrogés soient dans un échange et une envie de partager leurs

expériences et points de vue.

Cette étude a permis à certains de mes collègues de prendre du recul sur leurs

propres pratiques. Je les ai interrogés lors des entretiens exploratoire mais aussi dans

des moments informels et tous ont pu souligner ne plus avoir le temps de réfléchir à

leurs pratiques et le fait que mon travail de mémoire leur permettait de reprendre un

peu de ce temps. Ma directrice de service ainsi que certains éducateurs ont pu me

relater des façons de faire qui aujourd’hui se sont perdues, ou qui se sont modifiées.

Cela m’a permis d’apprendre certaines choses que peut-être je n’aurais jamais sues,

sans ce travail.

Les apports théoriques m’ont permis d’élaborer une réflexion que je n’aurais

pas pu atteindre sans cela. Et ce sont ces derniers ajoutés au travail de recherche et

d’analyse qui m’ont permis de penser à une expérimentation qui soit au plus près de

l’intérêt des usagers mais également des valeurs que m’apporte ma construction

professionnelle.

Limites :

Etant pré affectée dans une UEMO, il a été difficile de conjuguer le travail de

terrain avec le travail de recherche de mémoire. Le temps consacré à celui-ci en a

forcément été impacté.

L’échantillon des entretiens exploratoire d’un point de vue scientifique peut

paraître dérisoire. Il m’a fallu me restreindre à l’UEMO dans laquelle je suis pré

affectée. Mais les entretiens menés représentent tout de même 100% de ma direction,

et 70% des professionnels de mon unité.

Je n’ai pu analyser que deux entretiens. Là encore une réalité de temps et de

service ne m’a pas permis d’en observer plus. Le travail de retranscription est long et

fastidieux, et cela a été une difficulté pour moi. Je voulais dans un premier temps en

68

observer un maximum, et mon directeur de mémoire m’a ramenée à la réalité de la

formation, et du temps nécessaire. Je n’avais effectivement aucune notion de

l’implication, du temps et de rigueur que cela demanderait. De même, je me rends

compte que les « post entretiens » menés auraient nécessité des questions plus

nombreuses et plus ouvertes, mais il est difficile d’interroger des usagers qui ont fait

le déplacement dans un service du ministère de la justice et qui ont vécu un entretien

d’accueil.

L’expérimentation n’a pu se mettre en place pour l’instant. Elle reste une

réflexion et comme dit précédemment, j’attends de pouvoir la confronter aux avis de

mon équipe éducative. Une des limites aussi que j’ai dû mettre l’accent sur un

fonctionnement en lien avec l’UEMO des Mureaux, mais toujours dans l’intérêt des

usagers.

69

ANNEXE 2

Questionnaire Entretiens Exploratoire :

1) Qu’est-ce qu’un entretien d’accueil, d’après vous?

2) Quel travail faites-vous en amont? Pourquoi?

3) Qui doit être présent, d’après vous? Pourquoi?

4) Comment vous appropriez vous le cadre institutionnel?

5) Qu’est-ce qu’une relation éducative ou lien éducatif, d’après vous?

6) Ce premier entretien a-t-il une place dans la construction de la relation éducative,

d’après vous? Pourquoi ?

7) Quelles compétences professionnelles et humaines requiert-il, d’après vous?

8) Avez-vous une méthodologie/chronologie pour mener votre entretien ?

9) Qu’est-ce qui vous fait dire qu’un premier entretien est réussi ou non ? Cela a-t-il

une importance pour la suite du suivi ?

10) Le délai de prise en charge à cinq jours aura t’il un impact sur le premier entretien

que vous ferez avec le jeune et sa famille?

70

ANNEXE 3

Plaquette UEMO les Mureaux (recto)

71

Plaquette UEMO les Mureaux (verso)

72

ANNEXE 4

Charte des droits et libertés (recto)

73

Charte des droits et des libertés (verso)

74

ANNEXE 5

DIPC STEMO Val de Seine (recto)

75

DIPC STEMO Val de Seine (verso)

76

ANNEXE 6

Note du 16 mars 2007, p16.

77

Note du 16 mars 2007, p17.

78

ANNEXE 7

79

ANNEXE 8

Plan UEMO Les Mureaux

Escaliers

Escaliers

Bureaux

Bureaux Bureau Bureau

psychologue A

S

Bureau RUE

Secrétariat

Salle entretien

Bureau

wc Entrée

Bureaux Salle de réunion

Salle à manger

Cuisine Entrée

3 chaises

Rez de

Chaussée

Sous-Sol

1er

étage

80

ANNEXE 9

Guide d’observation d’un premier entretien

Personnes présentes :

Quelle est la mesure :

Age du jeune :

Lieu :

Heure de début:

Disposition dans la pièce :

TEMPS

(min)

QUI PARLE ? Institutionnel Droit

des

usagers

Co

Education

Interactions

non

verbales

RUE EDUC AS/

PSY

jeune parent

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

60

Heure de fin :

Remise d’un autre RDV :

Façon de se quitter :

81

ANNEXE 10

Phase préalable d’enquête quantitative sur les types de situations traitées en décembre.

Type de mesures

Age

Temps entre date décision

et prise en charge par le

service

Temps entre prise en charge et l’entretien d’accueil

Présents à l’entretien

Convoc 1

Convoc 2

Convoc 3

Convoc 4

LSP/CJ

14 ans 2 semaines ½ 21/11/13 09/12/13

02/01 RUE, educ, père, mère, jeune

LSP/CJ

16 ans 2 semaines ½ 21/11/13 09/12/13

29/12 RUE, educ, père, mère, jeune

LSP/REP

16 ans 3 semaines 22/11/13 09/12/13

30/12 Rue, educ, jeune, parents

LSP

16 ans 3 semaines 18/11/13 09/12/13

31/12 RUE, educ, jeune seul

MJIE CIVILE

2 Jumeaux de 12ans et un de 15ans

1 an 27/12/12 16/12/13

14/01 27/01 (mère au tel)

11/02

Educ office de RUE, RUE, mère, enfants X2

16 bis

17 ans 1 mois ½ 21/10/13 09/12/13

31/12 Educ office de RUE, educ père, mère, jeune

16 bis

15 ans 3 semaines 19/11/13 09/12/13

26/12 28/01 RUE, educ, mère, jeune

82

ANNEXE 11

Entretien d’accueil n°1

CONTEXTE :

Il s’agit d’une MJIE concernant

monsieur, madame et 3 enfants : une fille

ainée, et deux jumeaux. Les parents sont

séparés. La MJIE a été ordonnée en

décembre 2012. Deux services ont été

mandatés entre temps pour finalement

arrivée sur le service que fin décembre

2013. Un entretien a été prévu pour le

14/01/14, personne n’est venu. Une

seconde convocation a été envoyée pour

le 27 janvier.

Madame a appelé pour signifier qu’elle

ne pouvait venir. Une nouvelle date a été

fixée pour le 11/02, jour de l’entretien.

Monsieur a appelé le service le 8 février.

Il était très agressif au téléphone et

expliquait qu’il ne pouvait pas venir dû à

une ordonnance du juge. L’assistante

sociale lui a dit ne pas être au courant et

qu’il devait parler plus calmement. Il l’a

alors insulté, tout en se moquant d’elle.

Elle a raccroché lorsqu’elle a vu que rien

de positif ne sortait de cet entretien

téléphonique et que monsieur n’écoutait

pas ce qu’elle disait.

Représentation : Les éducateurs sont au

courant de l’altercation téléphonique. Se

disent être présents si Monsieur viendrait

et que cela se passerait mal. Ils signalent

à l’éducatrice référente qu’elle ne devra

pas hésiter à les appeler au besoin.

Jour de l’entretien :

Madame est arrivée avec 25 minutes

d’avance avec ses deux fils, les jumeaux.

La secrétaire les fait s’installer dans notre

petite salle d’entretien (disponible à cette

heure-là) pour qu’ils n’attendent pas dans

le couloir. L’éducatrice va à sa rencontre,

lui stipulant que nous attendons l’heure

de rendez-vous, pour laisser à monsieur

le temps d’arriver.

Monsieur et la jeune fille ne se

présenteront pas à l’entretien.

L’entretien a lieu dans la salle de réunion,

à l’étage inférieur, dû au nombre que

nous sommes.

La RUE est absente, un éducateur la

remplace. L’éducateur demande à

l’éducatrice si une fois la présentation

faite elle veut qu’il se retire. Elle lui

répond de faire comme il le sentira au

moment venu.

L’assistante sociale est elle aussi absente.

Cette retranscription d’entretien a été

faite à partir de mes notes et de mes

souvenirs. Certains passages ne sont donc

pas exhaustifs.

15h41 :

Educatrice : Allez y installez vous

Mme : Oui. Aux petits : on s’assoit. (Les

petits encadrent leur mère). Enlevez vos

manteaux. (Elle garde son manteau.)

Educatrice: Est-ce que cela vous dérange

si Mme DE DEUS qui est éducatrice

stagiaire dans notre service puisse

participer en tant qu’observatrice ?

Mme : Oh oui elle peut…

Educatrice: D’accord, merci.

Educateur: Je me présente je suis Mr XX,

je suis éducateur dans le service.

Habituellement c’est Mme XX,

responsable d’unité qui présente le cadre

de la mesure, Mme XX n’étant pas là,

c’est moi qui vais rapidement vous

présenter la structure. Je vais déjà laisser

les intervenants se présenter.

83

L’un des garçons est couché sur la table,

l’autre regarde l’éducateur. Madame est

attentive. Elle écoute les bras croisés, et

regarde la personne qui parle.

Educatrice : Je suis Mme XX, éducatrice,

c’est moi qui vais prendre en charge le

côté éducatif de la mesure

d’investigation.

Psy : Mme XX, psychologue

Moi : Mme DE Deus, éducatrice

stagiaire.

15 :42

Educateur: Donc voilà nous sommes

réunis ici dans le cadre d’une mesure

judiciaire d’investigation éducative. Tout

à l’heure l’éducatrice vous lira

l’ordonnance. Nous sommes ici à

l’UEMO des Mureaux, service de la

Protection Judiciaire de la Jeunesse.,

ministère de la justice. Au sein de ce

service il y a euh… neuf éducateurs ?

Educatrice: c’est ça

Sourire de madame

Educateur: C’est ça, neuf éducateurs, une

psychologue que vous avez en face de

vous.

Mme : oui

Educateur : Une assistante sociale qui

logiquement aurait dû être présente

puisqu’elle interviendra dans le cadre de

cette mesure mais qui est absente, c’est

Mme XX, et une Responsable d’Unité

Educative, Mme XX, et une directrice

pour cette unité et l’autre à Mantes la

Jolie. Voilà. Donc afin que vous ayez une

vue d’ensemble je vous donne une

plaquette.

Mme : Je l’ai, je l’ai déjà.

Educateur : Vous l’avez déjà eu ?

Educatrice : Oui je la joins dans mon

courrier

Educateur : Parfait, rire. Donc je suis en

retard

Mme et éducateurs rient.

Educateur : Et ça vous l’avez ? (montrant

le papier). La charte des Droits et des

Libertés ?

Mme : non, ça je ne l’ai pas

Educatrice: Non, ça je ne la mets pas.

Rire de l’éducatrice, sourire de madame

Educateur : Je profite pour vous la donner

Mme : ouais

Educateur: Vous pourriez la visiter chez

vous. Elle est quand même importante à

lire puisqu’elle réfère tous les droits que

vous avez, en tant qu’usagère.

Mme : hum, hum.

15h43 :

Educateur : Une fois cette mesure

judiciaire terminée, il y aura un rapport

éducatif qui sera écrit, vous avez un droit

de regard par rapport à l’écrit qui sera

rédigé par l’équipe éducative, voilà.

Mme : hum, hum.

Educateur (se tournant vers éducatrice) :

On va laisser Mme XX continuer

Educatrice : On va reprendre dans un

premier temps les éléments qui ont

conduit du coup à la mesure. Vous vous

rappelez il y a eu une audience ?

Mme : Oui, oui, je sais.

Educatrice : Voilà

Mme : Ça fait un moment que...

Educatrice : Exactement.

L’éducatrice explique tout d’abord que la

mesure a été désignée à un autre service,

qui avait déjà beaucoup de travail. Mme

lui dit qu’elle sait et reprend les deux

endroits où elle a été convoquée.

L’éducatrice explique que plusieurs

services se sont renvoyés la mesure, Mme

acquiesce. L’éducatrice explique qu’il y a

beaucoup de demande.

15h44 :

Educatrice : Du coup c’est nous qui

allons la prendre en charge dès

aujourd’hui.

Mme sourit.

Educatrice : On va reprendre les

informations qu’il y a eu au cours de

l’audience. On va relire ensemble.

Mme : Hum hum

Educatrice : Si jamais il y a des éléments

qui ne sont pas bons dans les éléments

84

que je vais vous lire, faudra les rectifier.

D’accord ? Vous me direz

Mme : d’accord.

Lecture de l’ordonnance.

Educatrice : Vu Mr XX qui n’est pas là

Mme : ouais

Vu XX, jeune 1 et jeune 2, c’est ça ? Est-

ce que déjà je prononce bien les

prénoms ? Alors XX est né le XX 1998 et

jeune 1 et jeune 2 sont nés en 2001 ?

Mme : 2004

Educatrice : 2004 ! D’accord.

Mme : Ils n’ont toujours pas rectifié ?!

Educatrice : Et bien non, d’où

l’importance de relire.

Mme : Oui, oui mais ça a toujours été, je

leur ai dit déjà mais y’a toujours le

même… Mais bon…

Educatrice : d’accord, ça sera rectifié au

moment du rapport, au moment de

l’audience on pourra le redire à l’oral

pour que la greffière qui tape le document

puisse modifier la date. D’accord ?

Mme acquiesce

Educatrice : Dont la mère Mme XX

Mme : c’est moi

Educatrice: Je prononce bien aussi ?

Mme : C’est ça.

Sourire.

Educatrice lit les adresses de madame et

monsieur (qui vit chez quelqu’un)

Mme : ce n’est pas ça

Educatrice : Il a quand même dû recevoir

notre convocation, car il nous a contacté

monsieur.

Mme : Ah donc voilà

Educatrice : Il a quand même dû être en

lien monsieur. On verra ça après avec lui.

Suite de la lecture

Educatrice : Audience en date de XX

2012, c’est vrai que l’audience quand

même date.

Suite de la lecture, l’éducatrice se sert

également de ses mains pour la lecture.

Madame écoute et regarde l’éducatrice.

Educatrice : Il y a eu une ordonnance de

rectification, donc nous l’avons reçu,

nous citant comme le service missionné

pour exercer cette mesure. Donc on nous

demande, les missions qui nous sont

demandées : une évaluation sociale, d’où

l’intervention aussi de l’assistante sociale

qui est essentielle. Vous allez être

rencontrés par trois professionnels : moi-

même sur un point de vue éducatif, on

fera souvent des entretiens avec Mme

XX, l’assistante sociale, on les fera

ensemble. Séparément vous verrez ma

collègue psychologue qui vous recevra, je

lui laisserai le temps de vous expliquer

son travail.

Nous dans le cadre de cette mesure on

intervient jusqu’au 30 mars 2013, on a

une date butoir, donc ça va être assez

court. Suite à ça on fera des propositions

ou pas, en fonction de l’évaluation qu’on

aura faite, s’il y a des dangers, des

inquiétudes par rapport aux enfants, dans

leur condition de vie, c’est pour ça qu’il

faudra rencontrer XX et monsieur et

savoir ce que vous en direz aussi, si vous

avez besoin d’une aide ou pas. On

intervient dans le cadre de l’assistance

éducative même si on est un service du

ministère de la justice on n’intervient pas

dans un cadre pénal mais dans un cadre

d’aide et d’accompagnement. D’accord ?

Mme acquiesce.

Educatrice : Moi sur la partie éducative,

ensuite je laisserai la parole à ma

collègue, nous avec l’assistante sociale on

viendra vous rendre visite à domicile, car

vous venez nous rencontrer, vous allez

devoir nous rencontrer ici, on fera aussi

l’effort de vous rencontrer à domicile, ça

partage le temps, la charge de trajets. Il y

aura plusieurs entretiens, vous serez reçue

toute seule à un moment donné, les

garçons aussi tout seul, tous ensemble.

On verra comment on va fonctionner

avec l’assistante sociale. En général, on

fait nos entretiens en binôme.

Mme : D’accord

Educatrice : Suite à ça on fera une

évaluation sociale et éducative, on écrira

au juge puis le rapport sera lu au

préalable. Il n’y aura pas de surprise.

Vous ne serez peut-être pas d’accord avec

nos préconisations, s’il y en a, dans ces

cas-là on l’écrira dans le rapport.

85

D’accord ? En tous les cas vous aurez un

droit de regard sur ce qu’on aura écrit

même si on ne modifiera pas nous, vous

serez informée quand même.

Mme (en rigolant) oui, oui, d’accord

Psy : Moi je vous rencontrerai chacun

individuellement. On parlera de vos

difficultés, vos ressentis par rapport à la

mesure. Ensuite je ferai une analyse de

ces entretiens et je vous en ferai une

restitution et je mets cette analyse en

commun avec mes collègues. Et y’a un

rapport commun envoyé au juge. Il n’y a

pas un nombre d’entretiens prédéfinis,

c’est en fonction du besoin…

Mme : d’accord.

15h51 :

Educatrice : Est-ce que vous vous avez

des questions ?

Mme sourit.

Mme : non

Educatrice : Cette mesure est arrivée à la

suite certainement d’un conflit parental si

j’ai bien compris ?

Mme : oui

Educatrice : Votre fille habite avec

monsieur. Et vous ?

Mme : Je suis avec les 2 garçons.

Madame revient sur l’alternance de

garde de sa fille. Date cela.

Educatrice : Est-ce que vous avez

compris la décision du juge des enfants

de mettre cette mesure d’investigation ?

Mme : oui, oui, bien sûr.

Educatrice : Vous la prenez comment

vous cette mesure d’investigation ?

Mme : Bin… Comme ça sur le coup

j’étais pas d’accord…

Educatrice : Vous n’étiez pas d’accord

pour qu’il y ait cette mesure qui soit

faite ? c’est important que vous puissiez

le dire aussi, parce que nous ça nous

permet de comprendre pourquoi des fois

certaines familles sont réticentes.

Mme : ouais, ouais

Educatrice : On peut le comprendre, c’est

pas évident de devoir une fois de plus

parler à d’autres personne de son histoire

familiale et personnelle

Mme la coupe : non mais voilà quoi,

j’étais pas d’accord. Explique ce que

monsieur et sa fille ont fait.

Educatrice : Votre fille commune ?

Mme : oui, notre fille en fait. Revient sur

les problèmes qu’elle rencontre avec

monsieur. Je vous dit franchement moi

aujourd’hui je baisse les bras.

Educatrice : d’accord

Mme : moi je veux que cette histoire se

termine. Reviens sur les différentes

convocations sur le fait que rien n’en

ressort. Les jeunes sont sages. Baillent

parfois, regardent tout autour d’eux.

Educatrice : Le but de cette mesure, et

c’est vrai que malheureusement elle a pris

beaucoup de temps à arriver

Mme : non mais je ne vous mets pas en

cause

Educatrice : non, j’entends bien. Mais on

peut comprendre, on essaie de se mettre à

la place des familles

Mme : tout à fait

Educatrice : On peut entendre qu’il y a un

ras le bol, la mesure a été ordonnée il y a

un an et quelques mois, et rien n’a été

abouti. Donc, c’est vrai que le but de cet

investigation c’est de faire un état des

lieux, une photographie si vous voulez de

votre situation actuelle.

Mme : bien sûr

Educatrice : On va devoir vous poser des

questions…

Mme : oui, oui, bien sûr

Educatrice : … qui peuvent aussi vous

déranger, on l’entend. On va peut-être

aussi vous renvoyer certaines choses qui

pourront peut-être aussi être difficilement

entendable

Mme : Oui et acceptable

Educatrice : et acceptable, oui. Mais on

fait ça dans le respect des propos que l’on

peut tenir

Mme : Je comprends

Educatrice : Et dans le respect des

garçons aussi, pour pas que ce soit trop

lourd. Faire entrer de nouveau chez soi

des inconnus et de devoir leur parler,

86

c’est pas toujours évident. Le but c’est

que les garçons, leur père, leur sœur,

vous-même participiez le plus possible

pour que l’on puisse retranscrire

réellement ce qui se passe en ce moment

pour vous et dans l’intérêt des enfants.

15h54 :

Mme : oui je comprends tout à fait tout

ça, Mme. Mais y’aura rien qui va

changer. Explique une médiation qui a eu

lieu à l’initiative de monsieur.

Educatrice : c’était quand ?

Mme : en juillet

Educatrice : Juillet 2013 ?

Mme : euh oui. Explique que la

médiation s’est mal passée. On a mis

court.

Educateur : C’est l’intervenante présente

qui en a décidé ?

Mme : oui. Reprend. Explique tous les

efforts qu’elle fournit.

L’éducatrice répète plusieurs fois

d’accord.

Mme : je vous le dis franchement, je n’ai

plus envie de continuer. Je me suis

présentée car cela faisait deux fois que je

ratais le rendez vous

Educatrice : oui...

Mme : je travaille de nuit.

15h56 :

Educatrice : D’accord. Justement, on va

essayer au maximum, nous, de s’adapter

à votre emploi du temps et à celui des

garçons car je pense qu’ils vont à l’école

(sourire, regard vers les enfants) : on

parlera après ensemble les garçons.

(Regard vers madame) : Vous, vous

travaillez dans quoi ? Vous travaillez

loin ? Sur quelle commune ? Ça vous fait

du trajet. On essaie d’évaluer les trajets

aussi. Vous avez des jours où vous êtes

en repos ? Vous ne le savez pas à

l’avance ? Si ? Vous avez un planning ?

On s’arrangera pour se caler.

Madame répond très facilement, est dans

l’échange.

15h57 :

Educatrice : Les garçons vous êtes en

classe alors ? Qui veut parler ? Un des

deux ? Rire !

Jeune 1 : Moi je suis en CE2

Educatrice : T’es en CE2 ?

Jeune 1 : oui

Jeune 2 : Moi aussi

Educatrice: Vous êtes dans la même

classe ?

Jeune1 et 2 : oui

Educatrice (ton étonné) : dans la même

classe ??

Mme : oui

Educatrice : c’est étonnant d’habitude on

les sépare… Donc vous êtes dans la

même classe, et c’est quoi votre école ?

Jeune 1 et 2 répondent en chœur

ensemble.

Educatrice : Et comment ça se passe ?

Jeune 1 et 2 : Bien

Educatrice : Ça se passe bien ? Oui. Vous

avez des bonnes notes ?

Jeune 1 et 2 : oui

Educatrice : Oui. Vous êtes sages ?

Jeune 1 et 2 : Oui

Educatrice: (ton rieur) : oh vous faites

bien des petites bêtises quand même de

temps en temps ?

Jeunes rigolent.

Educatrice : Et à la maison comment ça

se passe ? Vous êtes sages avec maman ?

Jeune 1 et 2 : oui

Educatrice : oui. Vous écoutez ?

Jeune 1 et 2 : Oui

Educatrice : Bah c’est parfait. Tout oui

alors ?

Jeunes sourient

Mme : Dites hein les garçons. Si vous

avez des choses à dire on est là pour ça.

Regard complice entre Mme et ses deux

enfants.

15h58 :

Educateur : Ce n’est pas évident de parler

comme ça.

87

Mme : Je sais et mêmes eux ils me le

disent ils en ont marre, ils le disent. Ils

veulent pas, ils en ont marre.

Educateur : Vous savez Mme, vous le

dites, ça a pris du temps, les démarches

administratives tout ça. Si il y a

possibilité pendant ces 3 mois de

considérer cette mesure comme le dit ma

collègue de faire une photographie, vous

savez qu’on regarde comme ça de loin

(imite le geste) et qui permettent de voir

les petits détails de sa vie pour

positionner, réajuster, pour pouvoir au

moins servir à ça.

Mme : Ecoutez (sur un ton ferme mais

toujours avec le sourire), je pense que

tous les jours je fais un travail sur moi, je

vous le dis franchement tous les jours je

fais un travail sur moi. Comme vous dites

une photographie. Revient sur le travail

qu’elle met en œuvre seul qui se détruit

(claque des doigts), et revient sur les

problèmes avec monsieur pour qui tout

est de sa faute.

Educateur : Mais justement pendant ces 3

mois vous ne serez pas seule.

Mme : oui mais justement je ne veux pas

aller sur ces 3 mois. Aujourd’hui je suis

là, je dis ce que j’ai à dire mais moi je

veux mettre un terme à cette

investigation.

Educateur : Rassurez nous vous n’allez

pas y mettre un terme à l’issu de cet

entretien ?

Mme : j’ai plus envie de continuer, je

vous le dis franchement. Je suis blasée,

voilà quoi…

Educatrice : Donc après cet entretien-là,

on ne vous verra plus c’est ça ? Sourire

Mme : voilà justement, voilà. Déjà

monsieur devrait être là avec notre fille et

tout mais il n’est pas là…

Educatrice : S’il n’est pas là après le

travail c’est vous, c’est différent. Dans

tous les cas monsieur sera reconvoqué, ce

n’est pas un souci. S’il ne se présente

pas…

Mme : Tant pis.

Educatrice: on le dira au juge, ça fait

aussi parti de l’investigation. Pareil pour

vous. En effet, trois mois encore de plus

dans votre vie mais il faut se dire que ce

sera 3 mois où il y aura en tout cas des

trucs bénéfiques.

Educateur : En tous les cas votre parole

sera entendue par un magistrat, vous ne

serez plus seule…

Mme : oui, oui

Educateur : Et ça en soit c’est intéressant

Mme : ça tout à fait

Educateur : Après que monsieur en fasse

quelque chose ou pas tant pis, mais vous

pouvez en sortir quelques petits plus…

Mme : je sais bien mais comme je vous le

dis au jour d’aujourd’hui, ça y’est… Non

mais je vous le dis, non, franchement

non.

Educatrice : C’est dommage de vous être

déplacée jusqu’ici

Mme : pourquoi c’est dommage ?

Educatrice : Bah de pas vouloir

poursuivre en fait.

Mme : Je suis déjà passée devant un juge

des familles.

Educatrice: C’est pas pareil, ce n’est pas

les mêmes procédures, c’est pour ça. Les

deux types de juge n’interviennent pas

pour les mêmes choses. Nous on n’est

pas là dans l’accompagnement, dans le

sens où l’on ne va pas donner de

jugement moral sur l’éducation, nous

notre travail c’est d’entendre votre parole,

vos souffrances, vos joies aussi (rire de

tous), car dans la vie y’a des joies aussi.

Ecouter les enfants aussi, leurs joies et

leurs souffrances aussi.

Mme : Bien sur

Educatrice : De retranscrire et d’écrire

votre parole et celle des enfants…

Mme : oui bien sûr.

Educatrice : et de donner au juge. Au

juge des enfants, pas au juge des affaires

familiales. On ne va pas être là pour aider

le juge des affaires familiales à statuer sur

la garde des enfants, etc.

Mme : (agacée mais toujours avec le

sourire) oui d’accord j’ai compris.

Educatrice : c’est qu’à un moment donné

on comprend votre exaspération mais de

88

l’autre côté on intervient essentiellement

auprès des garçons et de vote fille.

Mme : je comprends tout à fait mais moi

je dis qu’au jour d’aujourd’hui

Educatrice : Pour vous c’est plus

possible. Ça veut dire que si l’on vous

reconvoque on ne vous verra pas.

Mme : Non, sauf si la juge m’envoie une

date.

Educatrice: Et si les éducateurs, ou ma

collègue…

Psy : Et si les enfants sont convoqués, ils

ne viendront pas non plus ?

Mme: Bah si les enfants sont convoqués,

bah je sais pas

Educatrice : chez nous, ici

Mme : ah ici

Educatrice: Oui on parle de chez nous, on

ne parle pas du juge pour enfants. Vous

nous dites que vous ne voulez plus

participer mais si les enfants…

Mme : Mais les enfants aussi, ils n’en

peuvent plus. (Aux garçons) : les garçons,

c’est embêtant ? Acquiescent. Ils en ont

marre ils me le disent. Ma fille aussi le dit

elle en a marre. Mais a y’est ça été

enclenché, ça été enclenché !

Educatrice : Alors, vous nous dites qu’il

y a eu beaucoup de choses. Quels ont été

les intervenants qui ont été auprès de

vous ? Dites-nous à peu près ? Des

éducateurs ? Des aides à domicile ? C’est

vous qui l’aviez demandé ? Ou c’est le

juge ?

Mme : c’est le juge et l’avocat

Educatrice : Donc une AEMO ? Une aide

éducative en, milieu ouvert ?

Mme : voilà, c’est ça, c’est ça

Educatrice: Où ça ? En quelle année ? Ça

n’a rien donné ? Y’a pas eu d’adhésion ?

Qu’est ce qui s’est passé du coup ?

Mme explique. Donne les conclusions sur

le non danger pour les enfants.

Educatrice : Donc tout se passait bien

pour les garçons et votre fille ?

Mme : Voilà, vous n’avez pas eu…

Educatrice : Non c’est pour ça que je

vous le demande, mais ce n’est pas grave,

on peut aller consulter le dossier au

tribunal, c’est à nous de le faire, ce n’est

pas un souci.

Educateur: Ce sera intéressant

Educatrice : Voilà

Mme reprend les autres intervenants.

Echange entre elle et l’éducatrice. Mme

parle de monsieur.

Jeune 2 la coupe : c’était en 2013.

Même s’ils sont sages, qu’ils regardent

autour d’eux, cette intervention montre

qu’ils écoutent.

Mme : Tu crois que c’était en 2013 ? Non

2012, non ?

L’échange reprend entre éducatrice et

mme. Donne le nom d’un intervenant

mais ne sait plus dans quel cadre il

intervenait.

Educateur : Bon de toute façon on verra

les éléments

Mme : oui vous avez le dossier

Educatrice: Ah non, on n’a pas le dossier,

c’est pour ça que c’est intéressant

Educateur : oui c’est pour ça que c’est

intéressant. Comprenez notre démarche.

Sinon, s’il suffisait que de consulter le

dossier ce serait trop simple.

Mme : oui mais remettre encore ça sur le

tapis et en plus devant les enfants.

Educatrice : D’où l’importance, je remets

ça sur le tapis (rire) de vous rencontrer

aussi en individuel…

Mme : oui mais non

Educatrice : oui vous ne voulez pas.

Après comme on vous dit on ne va pas

faire la mesure sans vous, c’est sure. Si je

peux me permettre, je trouve ça

dommage, car c’était vraiment dans

l’intérêt des enfants et ça aurait peut-être

permis de clôturer toutes ces années où il

y a eu une multitude d’intervenants,

c’était pas pour intervenir dans la maison,

ou accompagner les enfants.

Mme (calmement) : oui mais bien sûr

Educatrice : C’était juste de faire une

photographie. Après vous avez le libre

choix de pas choisir nous dans tous les

cas on en refera au magistrat…

Mme : je comprends

Educatrice : … Que vous vous êtes quand

même déplacée sur le premier rdv mais

89

que vous ne souhaitez pas... Moi je vous

dis que c’est vraiment dommage, cela

vous desservira dans tous les cas et vous

pourrez pas exprimer clairement ce que

vous voulez et les enfants non plus.

Mme (fermement) : voilà, mais moi ? ca

m’a servi à quoi ? A rien du tout !

Educateur se lève, car a un autre rdv.

S’excuse dit au revoir et serre la main.

Educatrice : Vous savez ce n’est pas le

même type d’intervention, nous on est

pas là comme l’AEMO, ce n’est pas notre

travail.

Mme : oui, oui, oui

Educatrice : Nous ce n’est pas notre

travail.

Mme : oui j’ai compris

Educatrice : Donc c’est vrai je comprends

votre lassitude sur ces interventions sauf

que nous on n’est pas dans ce cadre-là.

Mme : Je comprends tout à fait madame.

Educatrice : Là vous avez une date de fin,

vous savez quand cela doit se terminer, et

y’a quand même un objectif. Le 30 mars,

c’est même pas un mois finalement, ça

devait être 3 mois, on a eu du mal à se

rencontrer, donc il reste quasiment plus

qu’un mois… Un mois où vous pouvez

dire les choses, demander des choses ou

dire non tout va bien, on n’a pas besoin

d’aide, mais que cela soit écrit noir sur

blanc. Là en l’occurrence on va devoir

écrire ce qu’on appelle un rapport de

carence. On va écrire qu’on a rencontré

madame et les enfants mais que madame

ne souhaite pas

Mme : refuse

Educatrice : on va pas dire refuse car

c’est un mot… Voilà… Ne souhaite pas

continuer l’investigation pour telles,

telles et telles raisons.

Mme : Les raisons...

Educatrice : Elles vous sont propres, moi

j’essaie de vous dissuader, c’est mon

travail aussi. (Tout le monde rit).

Mme : je comprends tout à fait.

Educatrice : Un mois…

Mme : c’est vrai un mois c’est rien

Educatrice : c’est ça que je vous dis… Un

mois c’est un mois…

Mme : Oui mais c’est un mois encore

Educatrice : oui mais un mois qui pourra

être bénéfique parce-que y’aura peut-être

pas de proposition à la fin parce que tout

roule, ou peut-être qu’il y aura une

proposition que le juge acceptera ou pas,

car au final la décision lui reviendra, à

Mme XX, juge des enfants. Mais c’est

vrai, c’est un mois, un mois

d’intervention, où ça prend du temps de

se rencontrer. Les garçons, vous en avez

marre apparemment (sourire de

l’éducatrice, et voix très douce) de voir

des éducateurs ?

Jeunes sourient.

Educatrice : Mais moi je ne suis pas une

éducatrice, je suis gentille (rire de tous),

je suis gentille, je ne mange pas les

enfants, promis.

Jeunes rient.

Jeune2 : C’est pas ça, c’est le juge…

Educatrice : De quoi le juge ? Le fait

d’aller voir le juge ?

Jeune 2 : Ça prend du temps

Mme : oui c’est long

Educatrice : C’est long oui, mais si le

juge a été appelé à un moment donné

c’est qu’il y a eu des difficultés

Mme : Y’a eu un problème, à un moment

mais là…

Educatrice : Justement, le juge veut peut-

être juste savoir qu’il n’y a rien et que

tout se passe bien. Que l’alternance

fonctionne e bien et que les garçons

puissent voir leur père et que ça pose pas

de soucis.

Mme : oui bah ils les voient leur père

Educatrice : Mais c’est peut-être juste ça

que le juge a besoin de savoir et c’est un

mois. Je le redis (rire de l’éducatrice et

de Mme) parce-que j’essaie de vous le

faire comprendre, 1 mois d’intervention.

Mme : oui mais j’entends (rire), mais je

n’ai rien à cacher ou à me reprocher.

Franchement, je suis fatiguée, je suis

épuisée.

Educatrice : Après je ne vais pas vous

forcer la main. Jusqu’au bout on va

essayer…

90

Mme : non mais je suis vraiment désolée

mais…

Educatrice: Mais c’est nous qui sommes

désolée pour vous parce-que finalement

nous, concrètement notre travail

continuera auprès d’autres familles, c’est

pas le souci, mais ca vous desservira et

c’est dommage

Mme : oui, oui

Educatrice : Après à l’audience, car

y’aura forcément une audience, que

l’investigation soit faite ou pas, dans tous

les cas y’aura une audience.

Mme : bien sûr, tout à fait, mais moi je le

dirai à la juge que j’en peux plus. On

restera en alternance voilà…

Educatrice : Moi ce que je vous propose

Rire de madame : ah la la

Educatrice : rit. Je suis coriace

Mme : oui (rire)

Educatrice : Vous pouvez retenir mon

nom, je suis coriace, rire.

Mme : rire. C’est ce que je vois, c’est ce

que je vois.

Educatrice : Ce que je vous propose

c’est : on entend que vous ne souhaitez

pas continuer, que vous ne souhaitez pas

vous y investir. On vous laisse y réfléchir

Mme rit, educ et psy également

Educatrice : là on peut, on est sur le

moment, et qu’on vous rappelle la

semaine prochaine, et là clairement que

vous nous disiez, j’ai bien réfléchis ce

n’est qu’un mois donc je m’engage

pendant un mois à vous rencontrer en

fonction de vos disponibilités et les

disponibilités des petits ou on arrête là.

On vous ouvre cette possibilité pendant

une semaine et nous on vous rappelle la

semaine prochaine, et vous nous donnez

votre réponse définitive. Là je fais

comme si je n’avais pas entendu votre

refus. D’accord ?

Mme : bon et bah on fait comme ça.

Educatrice : On va vous laisser sauf si

vous avez des questions

Mme : non

Educatrice : Et mes collègues ?

Psy : non, non.

Je reviens sur mon mémoire et demande

à Mme et aux garçons s’ils veulent bien

rester un peu. Ils sont d’accord.

Educatrice : On vous attend là-haut, de

façon à pouvoir vous dire au revoir.

Mme : d’accord

Jeune 1 : au revoir

Educatrice : Non, non, je vous revoie là-

haut. Je te l’ai dit on se débarrasse pas de

moi comme ça

Tout le monde rit.

Après mon entretien avec la mère et les 2

jumeaux, nous remontons tous.

L’éducatrice et la psychologue sortent du

bureau du secrétariat.

Educatrice : A la semaine prochaine je

vous appelle, hein ?

Mme : oui, si je ne réponds pas laissez un

message

Educatrice : Et vous me rappellerez ?

Mme : Oui

Educatrice : Ok pas de soucis, super.

Rentrez bien.

Mme et jeunes : au revoir

Nous nous serrons tous la main.

Entretien POST entretien jeune + madame :

J’explique que cela va être rapide, que je

ne reviens pas sur le fond de l’entretien,

mais juste sur la forme, en quelque sorte.

J’explique aux garçons que leurs

réponses m’aideront autant que celles de

leur mère.

Question 1 : Est-ce qu’avant de venir

vous aviez des craintes ? Des

appréhensions ?

Mme : Non, non.

Jeune 1 : C’est quoi appréhension

maman ?

Mme lui explique : est-ce que tu avais un

petit peu peur ? C’est la juge qui a

91

demandé aux dames que tu as vu de faire

un travail pour nous aider. Donc on me

demande si j’ai eu peur et si vous vous

avez eu peur de répondre aux questions

qu’on allait nous poser. Vous avez eu

peur ?

Jeune 1 et 2 : non

Vous saviez que ça allait se passer

comme ça ?

Jeunes acquiescent de la tête

Question 2 : Qu’avez-vous retenue de

l’entretien ?

Mme : Heu… alors… J’ai retenu : je sais

qu’il y a des personnes qu’elles sont là

pour aider les familles je suis tout à fait

consciente. Et donc voilà, mais bon… Ca

va quand même, elle, comment dire ?

(blanc) je donne mon ressenti là, hein ?

Oui, oui, bien sûr.

Mme : C’est pour ça qu’elles insistent

pour donner leur aide, voilà ! Donc, là ça

se peut j’ai dit non, comme ça, mais c’est

vrai ça se peut qu’en rentrant à la maison,

je dis oui, voilà. Leur démarche c’est pas

pour m’embêter en fait. Voilà, c’est pas

pour m’embêter. Ca je suis consciente

c’est pas pour m’embêter.

Et vous les garçons vous avez retenu

quoi ?

Jeune 2 : sur quoi ?

Rire de tous.

Mme : on était en train de parler des

dames, vu que maman a dit qu’elle

voulait arrêter, ne pas venir aux rendez-

vous, à chaque fois qu’elles donneront

des rendez-vous, pour qu’on puisse venir,

moi j’ai dit non que je voulais tout

arrêter. Et donc la madame demande et

vous qu’est-ce que vous en pensez ?

Jeune 2 : je sais pas moi…

Vous seriez d’accord pour revenir ?

Mme : vous êtes d’accord pour revenir ou

est-ce que…

Jeune 2 la coupe : on est d’accord.

Vous êtes d’accord ?

Mme : Tu es d’accord ? Étonnée Bah

alors faudra pas dire que vous en avez

marre après.

Jeune 1 : c’est le juge

Mme : oui mais le juge vous l’avez vu

qu’une fois il y a longtemps. Donc vous

êtes d’accord ?

Ils acquiescent.

Mme : Donc ils sont d’accord. Ils ont eu

un mauvais souvenir du juge, enfin

bref…

L’éducatrice XX, elle est gentille

Rire de tous.

Mme : la dame c’est pas la juge, hein ?

Les dames ce ne sont pas des juges.

Jeune 1 : on sait

Mme : c’est la juge qui l’envoie car la

juge peut pas venir tout le temps à la

maison, tu vois ? parce-qu’ il y a

beaucoup de personnes.

Jeune 1 : hum

Mme : Donc la juge dit aux dames allez

chez eux, convoquez la et ses enfants

pour que vous puissiez parler et après

vous nous faites un rapport de ce que

vous avez vu, ce que vous avez dit, de ce

qui a été fait et après la juge elle donne

décision, mais eux, ce sont pas des juges.

Jeune 1 : oui mais je sais.

Question 3 : Avez-vous pu dire ou

demandé tout ce que vous souhaitiez

Mme : oui, rire. J’ai pu évoquer tout ce

que je voulais

92

Pour les garçons ça a pu être un peu plus

compliqué ?

Mme : voilà

Question 4 : Et comment voyez-vous la

suite du suivi ?

Mme rit : Avec un grand point

d’interrogation, rit encore. Avec un grand

point d’interrogation.

Jeune 2 : Ca veut dire que tu te poses la

question ?

Mme : bah un point d’interrogation, un

gros, aujourd’hui ça peut très bien être

non et demain oui, ou demain ça peut

toujours être non, non. Et puis voilà.

Jeune 1 : Donc tu te poses la question ?

Mme : Voilà. Y’a toujours… Voilà… Un

gros point d’interrogation.

Et vous les garçons par contre, vous

voyez la suite en revenant si j’ai bien

compris.

Jeunes 1 et 2 : Ouais.

Vous avez bien aimé l’éducatrice ?

Jeune 1 et 2 : Oui

Jeune 1 : Elle est gentille. Sourire des 2

jeunes garçons.

Je mets fin à l’entretien

Entretien POST entretien avec éducateur et psychologue:

Questions : Comment avez vu perçu

l’entretien ? Pour vous était-il réussi ?

Vos impressions ?

Psy : Oui, j’ai trouvé l’éducatrice très

convaincante. Après moi, je ne sais pas si

c’est ma position de psy ou si je viens

d’arriver (notre psychologue est arrivée

mi-janvier) mais je me laisse en retrait. Je

ne maîtrise pas totalement la chose. Par

rapport à madame comme elle est contre

la mesure, on n’a pas appris beaucoup de

choses sur la situation. Les enfants,

pareil, ont peu parlé. Entretien réussi

professionnellement parlant, mais pas

dans le cadre de la mesure je pense.

Educatrice : Euh…. Réussi ou pas ?

Faudrait définir ce qu’est la réussite d’un

entretien d’accueil :! Faudrait des points

de critères, mais y’en a pas, chaque

entretien est différent. Il sera réussi si la

mère finit par adhérer à la mesure et

s’accapare la mesure ainsi que les

enfants. Moi ce sera réussi à ce moment-

là. On a chacun donné notre point de vue,

on a chacun tenter de convaincre la

maman de poursuivre la mesure. Mais la

réussite sera là si elle poursuit le travail

avec nous. Donc pour l’instant je ne peux

pas dire si c’est réussi ou pas. En tout cas

on a été clair dans la présentation du

service, dans la forme aussi, pas eu de

« blabla », échanges directs, francs,

parce-que madame était dans l’échange

finalement, mais voilà… Comment on

réussit un entretien ? Je ne sais pas… Je

pars du principe que quand la

communication est passée, que les gens

se saisissent ou non de la mesure, c’est

plutôt pas mal, après réussite c’est de

mener à terme une mesure.

Psy : Réussit dans le sens où ce que

l’éducatrice voulait faire passer, est

passé.

Educatrice : Du coup j’ai peut-être pris

trop de place dans l’entretien ? J’ai peut-

être pas assez laissé la parole circulée.

Blanc… Je ne rajouterai rien d’autre, en

me regardant et en riant : je ne sais pas

quelle réponse tu attends finalement.

Moi : je n’attends pas de réponses

Educ : Mais c’est qu’elles sont dures tes

questions !

93

ANNEXE 12

Entretien d’accueil n°2

CONTEXTE :

Madame a décalé deux fois l’entretien par

téléphone. Une première fois, car elle ne

pouvait pas se déplacer, une seconde

parce qu’elle ne se sentait pas bien.

L’éducateur me dit « je pense que nous

sommes devant une mère qui tente

d’esquiver » : impression de l’éducateur.

Jour de l’entretien :

Madame arrive à l’heure avec son fils que

nous nommerons Julien et sa fille que

nous nommerons Océane. La secrétaire

leur ouvre la porte. Ils s’installent sur les

chaises dans le couloir (nous n’avons pas

de salle d’attente). L’éducateur arrive, se

présente, se baisse au niveau de Océane :

Comment tu t’appelles. Madame répond :

Océane mais elle ne parle pas encore. Et

quel âge a-t-elle ? Elle aura bientôt 3 ans.

L’éducateur cherche des feuilles et des

feutres pour occuper Océane pendant

l’entretien. Il demande si la présence

d’une stagiaire ne les dérange pas. Mme

répond : pas du tout. Je me présente. Puis

nous descendons dans la salle de réunion.

En effet, nous sommes trop nombreux

pour notre salle d’entretien. La famille

descend en premier, et s’assoit là où elle

le désire. Seul le jeune reste debout. Je

m’assois face à l’horloge.

Cette retranscription d’entretien a été

faite à partir de mes notes et de mes

souvenirs. Certains passages ne sont donc

pas exhaustifs.

15h17 :

Mme : On arrive quand même à se

rencontrer

Educ : Voilà, mais comme on dit la

patience est la mère des vertus

Mme : c’est pas faute d’avoir essayé,

mais bon… (Rougie)

Educ : j’ai bien compris que vous aviez

beaucoup d’autre rendez-vous, d’autres

intervenants

Mme : ouais

Educ : je ne peux pas vous en tenir

rigueur (rire de l’éducateur)

Mme : Non mais j’essaie de faire au

mieux, je vais avoir un mois bien chargé

Educ : En tous les cas sachez, que dans

notre cadre, on va en reparler plus

précisément, mais dans notre cadre

d’intervention, on fait le maximum pour

pas mettre les parents et les enfants en

difficultés.

Mme : non, non, mais bien sûr...

Educ : c’est pour ça on essaie d’être assez

souple..

Le jeune est resté debout, je lui dit :

« vous pouvez vous assoir si vous le

voulez… »

La responsable arrive, car elle était

retenue à l’étage, elle s’assoit.

15h19 :

Mme : Bonjour

RUE : Rebonjour, je ne me suis pas

présentée tt à l’heure, je suis la

responsable du service

Mme : ah d’accord

Jeune : c’était écrit sur la porte

RUE : Observateur…

L’éducateur se rend compte qu’il n’a pas

pris le dossier, remonte le chercher, jeune

et Mme joue avec la petite, qui dessine…

15h20

RUE : Donc si on se rencontre

aujourd’hui c’est dans le cadre d’une

mesure de réparation que nous avons

reçu. L’objectif de se rendez-vous est de

vous expliquer un petit peu comment tout

va se passer, vous présenter les différents

94

interlocuteurs autour de cette table, mais

je crois qu’ils se sont déjà présentés.

Mme : oui

J’explique plus précisément que je suis là

dans un but d’observation en vue de la

rédaction d’un mémoire sur l’entretien

d’accueil, j’insiste sur le fait que ça ne

concernera pas le fond mais la forme.

J’en profite pour demander si je pourrais

me concerter avec eux à la fin de

l’entretien, Mme répond oui sans

hésitation.

RUE : c’est pour savoir si l’on a bien fait

notre travail

Moi : Je juge mes collègues, en fait !

Educ : c’est de cela que dépendra notre

salaire ! Soyez gentils s’il vous plaît.

Rire de Mme, jeune sourit tout en

dessinant avec sa sœur.

Mme : Pour moi c’est soit ça passe, soit

ça casse

15h22

RUE : donc Monsieur XX s’occupera de

Julien. Moi, normalement vous ne me

reverrez plus jamais

Mme : Oui c’est que pour le premier

entretien.

RUE : voilà. C’est juste qu’on demande

aux parents de se déplacer au premier

entretien ensuite vous serez contacté par

téléphone, mais normalement vous

n’aurez plus à venir sur le service. Je vais

vous remettre officiellement la plaquette

des Mureaux. Je vous la donne aussi, à

vous jeune homme. Cela permet de voir

ce que l’on fait au service. On s’occupe

des jeunes qui ont des petits soucis avec

la justice, dont vous faites parti. On est

une équipe de 9 éducateurs, 1 assistante

sociale, 1 psychologue, 1

pédopsychiatre… Beaucoup de monde..

Si vous avez besoin de les solliciter

sachez qu’ils sont là, tout comme moi, si

vous avez besoin de moi n’hésitez pas.

Vous avez notre numéro de téléphone

pour nous joindre, ou si vous avez besoin

de nous joindre, ou si vous êtes absent,

ou en retard, c’est fait pour ça.

15h24

Remise de la plaquette

RUE : Je vous remets un petit peu de

lecture, comme nous sommes un service

du ministère de la justice, nous sommes

soumis à la loi, et la loi nous oblige à

vous informer sur vos droits et devoirs.

Votre devoir le plus important dans votre

mesure, est de répondre présent aux

convocations de Mr XX très, très

régulièrement, après Mr XX est quand

même souple

Educ : Pas trop (sourire de l’éducateur, le

jeune a toujours les yeux baissés)

RUE : pas trop, juste ce qu’il faut, donc si

vous avez une scolarité, l’objectif n’est

pas de la mettre en difficulté dc bien sûr

les rendez-vous seront posés de façon de

ne pas vous faire sauter trop de cours. Il

accepte que vous soyez malade mais pas

trop souvent non plus (rire de la RUE)

Mme : Voilà

RUE : Faut pas que cela devienne une

habitude.

Educ : Non mais avec moi, tu viendras,

même avec 40 de fièvre tu seras là…

Rire de madame, sourire du jeune qui

pose ses yeux sur l’éducateur.

RUE : voilà, un des droits que vous avez

par contre, c’est que vous aurez une

restitution de ce qui se sera passé. Le

reste je vous laisse le lire. Cette

réparation se déroule en plusieurs mois,

plusieurs rendez-vous, et à la fin il y aura

un rapport écrit, pour signaler si ça c’est

bien ou mal passé. Après Mr XX

n’enverra pas le rapport sans vous en

avoir parlé avant

Mme : Bien sur

RUE : Vous aurez le droit de ne pas être

d’accord ms il ne changera rien de ce qui

sera écrit. Il rajoutera juste si vous n’êtes

pas d’accord…

Educ : Sauf si grosse erreur

RUE : oui, ça peut arriver, mais sinon il

restera tel quel, mais il écrira si vous

95

n’êtes pas d’accord. Vous avez donc le

droit à la restitution.

Voilà, pour continuer un peu sur le côté

administratif des choses, donc vous (au

jeune) vous êtes bien Julien XX, né le

XX ?

Jeune : non le XX

RUE : ah bah là y ‘a une erreur !

Educ : Comme quoi…

RUE : Comme quoi c’est important, vous

habitez XX ?

Mme : c’est ça

RUE : téléphone XX, jusque-là on est

bon !

15h27

RUE : Nous avons reçu une mesure de

réparation de Monsieur XX, délégué du

procureur… Je vais vous lire

l’ordonnance, après nous reprendrons…

Lecture de l’ordonnance.

Les faits datent de mai 2013

RUE : au jeune cela doit vous paraître un

peu lointain, je pense

RUE : Est-ce que vous avez tout compris

de ce qui s’est passé dans le bureau le XX

Jeune : Oui

RUE : Alors qu’en avez-vous compris ?

Qu’est ce qui s’est passé ?

Jeune : Je me suis battu

Educ : Est-ce que tu me permets de te

tutoyer ?

Jeune : Oui

Educ : Ce que la responsable te demande

est si tu as bien compris ce qui s’est passé

devant le procureur ?

Jeune : Oui

Educ : Alors qu’est ce qu’il t’a dit ?

Jeune : Qu’il fallait pas que je

recommence. Sinon j’irai en prison

Educ : il t’a vraiment dit ça

Mme : non, non, mais que la prochaine

fois ça pourrait être plus grave.

Educ : tu sais que pour la mesure de

réparation il t’a demandé ton accord. Il

s’agit d’une proposition. Quand il t’a fait

cette proposition, qu’est ce qu’il t’a dit ?

Tu t’en rappelles ? Ou c’est loin ?

Jeune : c’est loin

15h30

Educ : sur les faits qu’est-ce que tu peux

nous en dire ?

Jeune : de ce qui s’est passé

Educ : Oui

Jeune : Explique.

Question de l’éduc :

-lui c’est qui ? Pourquoi tu t’es battu avec

lui ? Jeune raconte facilement, est dans

l’échange.

- Qui a porté plainte ?

Mme interrompt pour donner son avis

« moi à mon avis… »

Educateur l’écoute et recentre sur le

jeune : Et toi tu te rappelles de quoi ? Tu

l’as poussé ? Coup de pied ? Jeune

raconte

Educ : tu considères que c’est normal ?

Jeune : non

Educ : Tu sais là tu me fais des réponses

très rapide, on en rediscutera. Au-delà, du

fallait pas, c’était pas bien, tu étais très

énervé ? Moi ce que j’entends c’est que

c’est parti de rien cette histoire, mais tu

me dis si je me trompe.

Jeune : c’est parti de rien

Educ : On reviendra sur cela, mais ça

interroge. Ça t’arrive souvent de te

bagarrer ?

Jeune : assez

Educ : Alors à quelle fréquence ? Tous

les jours ?

Jeune : je ne me bats plus

Educ : à l’époque ? Suffisamment pour

que t’aies des soucis

Mme : Y’a pas longtemps tu t’es encore

bagarré, y’a eu une main courante

Jeune (agacé): c’est rien ça

Mme : si c’est grave.

Petite tousse. Mme s’excuse. Educateur

sourit : non mais c’est naturel, ne vous

excusez pas.

Au jeune : on reviendra en détail là-

dessus quand on sera tous les 2,

d’accord ? Commence à y réfléchir, faire

un petit voyage dans le temps… Repense

à tout ça... Et on en rediscutera. Tu es

d’accord Julien ?

96

Jeune : hum

Educ : hum ça veut dire d’accord ?

Jeune : oui

Educ : très bien

15h34 :

Educ : Mme que pouvez-vous nous

dire par rapport à cette situation ?

Mme répond sans hésitation. Bras

croisés, regard fixe sur l’éducateur.

Jeune, yeux baissés.

Questions éducateurs : Pourquoi, d’après

vous ressent il le besoin de se battre ?

D’après vous en tant que maman ?

Mme : Excuse-moi julien c’est pour se

donner une image de caïd, pour moi

Jeune : Pas du tout mon frère

Educ : Pas du tout mon frère ? Qui est ton

frère ? Car là je te rappelle que c’est ta

maman

Jeune : vous vous croyez que quand on

dit ça c’est vraiment mon frère, mais ce

n’est pas ça.

Mme : c’est ta façon de parler que

monsieur reprend

Educ : tu sais Julien, là tu as devant toi un

éducateur, une responsable d’une unité du

ministère de la justice, donc il y a un

langage à avoir, d’accord ?

Jeune baisse la tête et acquiesce.

Continue à répondre aux questions.

15h36

Educ : Tu es scolarisé ?

Jeune : non

Educ : je vais te demander un petit

travail, un petit effort de mémoire, sur tes

années d’école

Jeune n’écoute pas joue avec sa petite

sœur.

Educ : Julien, laisse ta petite sœur jouer,

regarde-moi... On va faire un voyage

dans le temps d’accord ? Je suis sûr que

tu as appris des choses dans tes écoles, tu

m’as l’air intelligent, donc quand tu

t’adresseras à moi, ou à ta mère, tu

parleras autrement que ça.

Jeune sourit, et rougit par la valorisation.

Te rappelles-tu de ta première école ?

Retour sur les différentes écoles, au

travers des questions de l’éducateur : Tu

te rappelles du nom de l’école ? De la

famille d’accueil ? Tu avais quel âge ? Tu

as des souvenirs de cette période-là ? Tu

travaillais comment à cette époque-là ?

Tu trouvais ça nul ? Mais t’avais des

bons résultats ? C’est marrant, tu es un

garçon plein de ressource, quand tu veux

quelque chose tu y arrives c’est ça que ça

veut dire… Tu as des souvenirs de

comment tu étais à l’école, à cette

période ? Ensuite ?

Malgré le bruit que fait la petite,

l’éducateur reste concentré et ne s’occupe

que de Julien, lui posant des questions

toujours en le regardant. Le jeune regarde

l’éducateur quand il pose des questions

mais quand il répond il regarde sur le côté

ou sur la table.

Mme intervient pour compléter lorsque

son fils ne se rappelle plus des dates, des

écoles, ou des familles d’accueil chez qui

il était.

Tu travaillais bien là ? Ensuite une

nouvelle famille d’accueil en CM1, c’est

ça ? Tu es retourné chez ta mère ? La 6e,

ça été ? Et ensuite ? En quelle année la

classe relais ? Ça se passait comment ?

Les notes remontaient ? Le

comportement s’arrangeait ?

Jeune : après je suis parti de la classe

relais car il manquait 6 semaines.

Mme : t’es pas parti pour ça

Jeune (énervé) : Bien sûr que si !

Mme : Mais y’a eu un problème Julien

Jeune (énervé) Mais t’as pas compris,

c’était 6 semaines, t’as cru que c’était

l’année entière…

Coupé par l’éducateur : Et après ?

Jeune : (ton beaucoup plus calme) bah

après…

L’éducateur reprend les questions, et

jeune répond posément..

Educ : Là ça nous emmène en 2012,

2013, où tu étais ? T’y es resté toute

l’année ? Tu as arrêté quand ?

Mme : 14 novembre

Educ : Et depuis qu’est-ce que tu fais

97

Jeune : rien

Educ : c’est-à-dire rien ?

Jeune : des bêtises avec d’autres

personnes.

Educ : des jeunes de ton quartier ?

Jeune reprend sa petite sœur qui tape sur

la table « arrête ! » Educ (ton ferme) :

Julien, Julien, regarde-moi, si le bruit

vraiment te dérange tu peux changer de

place !

Jeune : Non, non c’est bon

Educ : Donc tu disais…Reprend

quasiment mot à mot ce que venait de

dire le jeune, et repose des questions :

Donc tu n’arrives pas à dire non ? Tu es

influençable ? Tu subis des pressions ?

Jeune : j’ai subi des pressions, maintenant

je reste chez ma mère

Educ : Ca veut dire que tu sors plus

Jeune : si des fois

Educ : de toute manière on va en

rediscuter de tout ça plus tranquillement.

Mais en tous les cas, c’est bien tu as l’air

assez lucide sur ce qui t’arrive, c’est

bien !

A Mme : est-ce que quelque chose se met

en place pour la scolarité ?

Mme : oui, elle explique… Revient sur

du racket qu’a subit son fils.

Educ : est-ce que vous avez déposé

plainte ?

Mme : non, on en a parlé à la police… au

prochain problème on va porter plainte

Educ : nous on ne saurait que trop vous

conseiller d’y aller, de le faire, faut pas

que ça dure cette histoire.

Mme : Julien avait peur, m’a répondu

qu’il l’emmènerait dans une forêt

Julien coupe sa mère : Enervé : Non mais

t’es drôle il me l’avait déjà fait. Ils m’ont

attaché sur un arbre, tu fais comment

pour te détacher ? Non mais t’es forte

toi ! T’es drôle ! Tu préfères qu’il

m’enferme dans une cave aussi !!!

Educ : Julien, Julien, si tu le veux bien,

on parlera de tt ça quand on sera tous les

2, d’accord ? Parce que là t’as peut-être

pas envie de parler de certaines choses

devant ta petite sœur…

Mme, irritée : Désolée mais je n’avais pas

le choix !

Educ, ton très calme : non, non, mais ne

vous excusez pas, vraiment ne vous

excusez pas, il n’y a pas de problème..

15h48 :

Educ : Alors juste on va faire un peu

connaissance… Parce-que nous avons

écouté julien. De toute manière on va

prendre rapidement rendez-vous avec

lui… On fera un point plus approfondi,

hein ? Alors, on va se détendre, et je vais

voir avec toi ce que tu sais de ta maman ?

Ce qu’elle fait ? Quand elle est née ? On

va commencer par le commencement,

comment elle s’appelle ?

Jeune sourit, répond.

Educ : est-ce que tu connais sa date de

naissance ?

Jeune la donne. Je connais la date de tout

le monde, enfin non… avant je

connaissais pas…

Mme : il a mis du tps à s’en rappeler

Educ : Si vous saviez le nombre de jeunes

qui ne la connaisse pas

Mme : non ms c’est juste un détail

Educ : c’est un des rares qui connait ça,

donc félicitations julien (rire de

l’éducateur, et grand sourire du jeune),

c’est bien ! Est-ce que tu connais sa

profession ? Tu sais où elle est née ?

Commence un jeu, entre mère et lui,

Jeune regarde sa mère, hésite parfois,

échanges complices et détendus entre

eux, et éduc souriant.

Educ : Est-ce que tu connais la date de

naissance de ton papa ?

Jeune : non

Educ : est-ce que tu connais ton papa ?

Jeune : juste son prénom

Educ : t’as jamais vu ton papa ? Tu parles

un peu de lui ?

Jeune : j’avais une photo

Mme : explique pourquoi il avait une

photo.

Educ : en tt cas vous parlez régulièrement

de son père

Mme : s’il a des questions, je réponds

98

Educ : et vous vous avez des contacts ?

Jeune interrompt, et redonne les dates de

naissance de ses frères et sœurs.

Educ : et est-ce que tu connais les

origines de ton père ?

Mme répond, raconte l’histoire de

monsieur.

Educ : On reprend l’exercice, tu me

donnais les dates de naissance, mais tu

vas trop vite pour moi, alors attend, elle

est née quand ?

Jeune répond, toujours avec le sourire.

Educ : Tu sais ce que fait ta sœur ?

Jeune : oui elle veut être esthéticienne.

Mais elle peut pas à cause de sa couleur

de peau..

Educ étonné : elle peut pas à cause de sa

couleur de peau… C’est-à-dire ?

Mme explique

34’40

Petit blanc

15h53

Educ : Alors Mme avez-vous bien

compris le sens de notre intervention ? Je

vous pose la question volontairement, car

de nos échanges j’ai vu que vous aviez

plusieurs intervenants.

Mme explique les différents intervenants.

Educ : D’accord, alors expliquez-moi,

c’était qui ? Elle s’occupait de qui ? Vous

avez son nom ?

La petite sœur s’agite, Julien lui prend

des mains les feutres.

Mme : mais laisse là

Jeune : mais quoi faut bien qu’on range !

Educ : Julien… Julien… Laisse la vivre

(gd sourire et très calmement)

Mme : retour sur les différents

intervenants. Mme perdue, cherche dans

ses papiers, ses notes… Excusez-moi, je

vous fais attendre

Educ : Non, non, mais prenez votre tps..

RUE : Non mais allez-y…

Mme continue à chercher… 30s passe

Mme : vous pouvez poser des questions

en attendant

Educ, calmement : non mais mme, vous

nous le redirez une prochaine fois.. C’est

pas bien grave… C’était juste pour un

ordre d’idée… L’information principale

vous nous l’avez donné sur le suivi de

votre fils…

Educ : Votre fils est-il suivi par un

psychologue?

Mme : oui il voit un psy monsieur XX

Educ : dans quel cadre ?

Y’a-t-il une pathologie ?

C’est vous qui avez demandé ?

Educ en regardant jeune : Le plus

important c’est que c’est ton espace à toi,

tu en fais ce que tu veux.

A mme : Si je vous ai demandé tout cela,

c’est aussi pour vous dire ce que l’on va

faire, mais aussi ce que l’on ne va pas

faire dans le cadre de la mesure de

réparation. On ne fera pas le travail

d’aide éducative engagée par l’ANEF, à

moins qu’il y ait un gros besoin de la part

de l’ANEF. Là on va travailler autour de

l’acte, ce que l’on va mettre en place avec

Julien. Ça peut prendre plusieurs formes..

Module, visite, travail bénévole, y’a

plein, plein de choses comme ça…

Coupé par la petite, qui crie quelque mot.

Educ : Et bien elle parle, Océane

Mme : oui, mais pas grand-chose.

Educ : dc enfaite le travail se basera

surtout entre Julien et moi.

16h :

Mme : je tenais à vous dire que

dernièrement Julien a été interpelé par la

police. Dizaine de voitures cassées. On se

disait avec l’éducatrice ASE qu’il

faudrait trouvé un endroit où Julien

pourrait s’épanouir, vous voyez ?

L’éloigner de son entourage, soit un

internat, soit quelque chose ailleurs. Un

internat car comme il veut devenir

cuisinier, il pourrait faire ses cours, et

cuisinez, vous voyez ? Julien a dit qu’il

voulait aller vers la campagne.

Jeune : La campagne c’est calme, tu peux

pas faire de bêtises là-bas.

Mme : ça ça veut rien dire

Jeune : y’a pas de cités là-bas

99

RUE : On trouve toujours moyen de faire

des bêtises, même à la campagne (rire),

vous savez…

Educ : Justement, je ne veux pas vous

censurer, ms c’est là où se trouve la

limite de notre intervention, à nous ici,

c’est qu’on en parle y’a pas de problème,

mais c’est pas nous qui mettrons ça en

place.

Mme (agacée, ton monte) : Non, non,

mais, bien sûr ms je vous tiens au courant

Madame rouge, crispée, crispe ses doigts

et joue avec. Soupirs et ne répond plus

dans les yeux de l’éducateur.

Educ : Et vous avez eu raison

Mme : j’ai pas dit que c’était votre

problème

Educ : non, non, mais vous avez raison

mais ce que je veux dire c’est que pour

que Julien les choses soient bien claires,

par expérience, ce que l’on peut voir

madame, c’est qu’il y a des jeunes qui ont

tellement d’éducateurs qu’ils ne savent

plus qui fait quoi, qui voir. Hein ? Rire de

l’éducateur.

Mme : mais c’était juste pour vous tenir

au courant

Educ : vous m’en aviez déjà parlé au

téléphone

Mme (piquée au vif) : et on a dit qu’on en

rediscuterait !

Educ : Y’a pas de problèmes. Mais je

veux pas vous vendre du rêve, nous on

travaillera pas ça ici.

Mme : Non mais…

Educ (ferme) : non mais je préfère répéter

les choses, que les choses soient très très

claires. Et c’est vrai qu’on a beaucoup

échangé au téléphone, mais par la suite je

préfèrerai que vous voyiez ça avec Mme

XX, éducatrice ASE

Mme : Oui ms je vous tiens juste au

courant

Educ : mais c’est noté, c’est pas qu’il faut

pas en parler, mais je préfère que les 2

espaces soient bien délimités

Mme : ah oui…

Educ : Nous la mesure de réparation ne

durera que quelques mois, ça sera très

rapide, dc je préfère bien, bien, insister

là-dessus pour que Julien entende bien

que c’est la NEF qu’il faudra investir..

Après moi je ne souhaite pas qu’il

apparaisse avec d’autres mesures..

Mme : moi non plus

Educ : Hein julien, on prendra le tps de

comprendre pourquoi julien avait besoin

de se bagarrer à ce moment-là.

Pendant la discussion, Julien a pris une

feuille de papier et des feutres qui étaient

posés pour sa petite sœur. Il écrit le nom,

le prénom, et la date de naissance de sa

sœur. Et a également fait un dessin.

16h03 :

Educ : c’est un joli dessin en tous les cas

Jeune sourit et madame aussi.

Désamorçage de la situation tendue

précédente.

Educ : Tu aimes bien dessiner ?

Jeune : je préfère lire

Educ : Qu’est-ce que tu lis

Jeune : je suis pas en train de lire ms

d’écrire un livre

Educ : C’est vrai ? Un livre sur ta vie ?

Jeune : c’est ma vie réinventé dans les

temps anciens.

Educ : c’est intéressant. Et sinon quand tu

lis tu lis quoi ?

Jeune : des mangas, de l’histoire

Educ : c’est quoi ta période préférée ? Ma

chef adore l’histoire… Tout le monde

sourit

Jeune : Ma période préférée c’est la

guerre avec Hitler.

Petite se met à pleurer.

Mme : elle n’a pas fait la sieste

Educ : si vous n’avez pas de question, je

vous propose pour qu’Oceane aille

gambader, car à son âge c’est pas facile

de rester enfermer dans une pièce comme

ça

Mme : c’est pas ça, elle a pas fait sa

sieste

16h06 :

100

Educ : ce que je vous propose c’est qu’on

prenne rendez-vous avec Julien,

d’accord ?

Educ : Vous habitez Poissy ? Car on peut

se rencontrer là-bas, nous avons des

bureaux à disposition. Julien a une carte

navigo ?

Mme : oui, mais il l’a perdue, il a aussi

perdu sa carte d’identité, faut que je la

refasse.

Educ : le temps que le pass navigo se

fasse, je te verrai à Poissy, d’accord

Julien ?

Ce serait bien qu’on se revoit très

rapidement, hein Julien ? Dans une

semaine ?

Mme à son fils : Tu écoutes Julien (Julien

joue à faire une pyramide avec les

feutres).

Educ : Non mais je sais qu’il m’écoute,

vous savez c’est pas parce qu’on fait une

chose qu’on n’entend pas hein ? Sourire

Mme (sèche) : Non ms je sais

Educ : Je peux vous dire que vous avez

un jeune garçon très intelligent (en

regardant le jeune)

Mme : Non mais j’ai jamais dit le

contraire

Educ : Moi je le connaissais pas, et il est

vraiment très intelligent

Mme : et moi je lui ai toujours dit qu’il

valait mieux que ses bêtises !

Educ : ouais… Alors Julien (regarde son

planning) j’aimerai bien qu’on se revoit

la semaine prochaine, donc je te propose

de te rencontrer le …. A Poissy… Tu

vois où se trouvent les immeubles

Peugeot, et bien c’est juste là.

Jeune : ah oui, pas de problème !

Educateur écrit le rendez-vous sur une

carte professionnelle avec l’adresse du

bureau de Poissy.

Educ à Océane : Océane est ce que tu

m’as fait un dessin ? Il est où mon

dessin ?

Jeune : Bah y’a des gribouillis

Educ : Je peux le garder le dessin

Océane ? C’est gentil merci !! il est trop

beau

Jeune : dis merci Océane…

Jeune à l’éducateur : Vous n’êtes que 5

ici ?

Educ : Non on est 9

Jeune : non mais aujourd’hui vous êtes

pas 9 ?

Educ : non parce que la particularité de

notre service c’est qu’on a un grand

secteur, donc la plupart des éducateurs

sont à l’extérieur. Comme nous, là on

s’est rencontré ici, la semaine prochaine

ce sera à Poissy

Jeune : Non ms parce que d’après les

bruits en haut, y’a pas beaucoup de

monde…

Moi : Observateur dis-moi…

Educ : Euh… je vous ai dit intelligent tt à

l’heure, je voulais dire très intelligent.

Tout le monde rit !

16h12 :

Educ : Tiens julien, c’est pour toi (donne

le carton de rdv). Si jamais comme te le

disait ma responsable, tu avais un souci,

tu appelles, si possible en avance avant

l’heure de rendez-vous. Je pourrai

éventuellement accepter une première

absence après je deviendrai très méchant.

Jeune sourit.

Au-delà de ma personne, le procureur

sera pas content si j’envoie un rapport en

disant que tu n’es pas venu, car comme

on te l’a dit, moi j’écrirai un rapport à la

fin, et s’il est pas bon, des poursuites

pourraient s’engager contre toi.

16h13 :

Educ : Est-ce que tu as des questions ?

Jeune : Bah, le prochain rendez-vous

c’est quand ?

Mme : c’est écrit sur la feuille

Educ : Rassure toi tu auras le weekend

pour te reposer

Mme : et pour réfléchir…

Educ : tu te rappelles à quoi tu dois

réfléchir ?

Jeune : à l’histoire avec la bagarre

Educ : Moi surtout ce que j’ai besoin de

savoir c’est à quelle fréquence tu te

bagarrais et pourquoi ? C’est pas facile

101

hein de se souvenir ms je vais t’aider à

réfléchir, mais commence toi de ton coté.

Educ : Mme est ce que vous avez des

questions ?

Mme : Non pas spécialement, non

Educ : Pas spécialement

Mme : non

Educ : de toute manière malgré ce que

j’ai pu vous dire tout à l’heure si vous

avez un souci, vous pouvez rappeler, si

vous avez des questions qui reviennent

n’hésitez pas.

Mme : Moi ce que je tenais à dire c’est

que la vie n’est pas toujours facile à la

maison, financièrement ou autre, mais

j’ai toujours été là pour mes enfants, et je

pense que julien le sait. Il me dit souvent

heureusement que tu es là.

Jeune : C’est deux dames qui sont en

haut ?

Mme : change de conversation

Jeune rigole

Educ à Mme : Là on touche à des sujets

sensibles, sourire.

Jeune : mais enfaite vous veniez de parler

de quoi ?

Educ : grand sourire : il est très fin.

Mme répète ce qu’il disait.

Jeune : non mais j’entendais des talons

c’est pour ça…

16h16 :

RUE et éduc se lèvent

RUE : On va vous laisser avec Nadine, et

nous on va vous laisser

Mme : Hier j’aurai du passer mais je

n’allais pas bien

Educ : Non ms ça se sentait à votre voix

Mme : non mais j’étais sérieuse, le matin

ça allait mais après…

Jeune : oui tu étais bizarre et très énervée

aussi

Rue : ça arrive tu sais… Maintenant on

verra ce que Julien XX va pouvoir faire

de positif concernant sa mesure de

réparation.

Jeune : On va d’abord parler de l’histoire

aussi

Educ : Voilà, on se revoit la semaine

prochaine. Et madame soyez gentille,

hein ? n’oubliez pas c’est mon salaire qui

se joue.

Madame rigole, jeune aussi.

Educ : Océane, tu me fais un sourire ? tu

sais tchéker ? Fait comme ça..

La petite réussit, tout le monde rigole.

RUE et educ, serrent la main de mme et

de julien.

Educ : au revoir à bientôt

Entretien POST entretien jeune + madame :

J’explique que cela va être rapide, que je

ne reviens pas sur le fond de l’entretien,

mais juste sur la forme, en quelque sorte.

J’explique à Julien que ses réponses

m’aideront autant que celles de sa mère.

Question 1 : L’entretien était-il ce à quoi

vous vous attendiez ? Vous attendiez

vous à cela ?

Mme : Bah oui, bah un peu oui

Julien : Moi aussi. Je savais que c’était

ses questions qu’il allait poser. Les

éducateurs ils posent toujours les mêmes

questions.

Question 2 : Vous avez réussi à tout

comprendre ?

Mme : Bah je sais à quoi m’attendre, oui.

Julien : Moi aussi

Question 3 : Est-ce qu’avant de venir

vous aviez des craintes ? Des

appréhensions ?

Mme : Non pas spécialement, j’ai

tellement l’habitude de voir des

éducateurs et autre que…

Julien : Moi non plus

Toi non plus ?

Julien : Non mais le monsieur il va

m’aider à comprendre.

102

Mme : La seule chose qu’il m’a demandé

Julien, car y’a que moi qui a entendu

monsieur XX au téléphone, « tu l’as

trouvé gentil monsieur XX au téléphone ?

La peur de savoir à quelle sauce tu vas

être mangé enfaite ?

Julien : C’est ça

Mme : mais bon je l’ai rassuré.

Je rassure Julien lui disant que monsieur

XX est très à l’écoute.

Mme : En plus c’est bien parce que pour

une fois c’est un monsieur de couleur

Julien : pire

Mme : excusez-moi de dire ça

Julien : Non mais en fait tous les

éducateurs sont tous les mêmes. Enfaite

la couleur ça change rien

Mme : non ms ça change car d’habitude

on a affaire à des éducateurs blancs. Moi

je l’attendais à la couleur blanc.

Julien quand tu dis les éducateurs sont

tous les mêmes, tu veux dire quoi ? C’est

positif ou négatif ?

Julien : C’est positif. Enfin ça dépend

lesquels. Y’en a une que je n’aime pas.

Mme : C’est pas que tu l’aimais pas, elle

posait trop les bonnes questions.

Julien : Non mais…

Mme : Et toi comme tu répondais pas,

elle revenait toujours sur les mêmes

choses

Julien : Non ms j’sai pas c’est pas sa vie

Mme : Bah oui ms si on te pose des

questions c’est pour t’aider en même

temps… C’était quelqu’un de très bien

ms comme Julien répondait pas, à l’autre

rendez-vous c’était encore les mêmes

questions. A force ça l’a saoulé.

Avez-vous pu dire ou demandé tout ce

que vous souhaitiez ?

Mme (à la seconde) : OUI ! De toute

façon je sais que si j’ai d’autres questions

j’appelle monsieur XX, car des fois on

pense pas à tout sur le coup.

Julien : Moi comme je le connais pas trop

encore, j’ai pas beaucoup de questions

Mme : le fait qu’il soit seul la prochaine

fois ça sera mieux

Julien acquiesce de la tête.

Mme : c’était le premier contact, il est

comme moi, il teste et après il voit.

Julien : Si j’aime bien bah voilà… Si

j’aime pas, vaut mieux être honnête et le

dire !

Julien, dernière question, comment tu

vois la suite de ton suivi ? Comment tu

l’imagines avec ce que tu as vécu

aujourd’hui ?

Julien : Bah je pense que… j’espère que

bah… Ça va m’aider à mieux me

comporter, enfin je pense…

Mme : t’es loin d’être bête y’a pas de

raison que tu réussisses pas.

La petite pousse un cri. Je lui indique que

c’est fini.

Julien : J’espère qu’ils auront un bon

salaire aussi !

Madame prend les papiers que la RUE

avait donnés à Julien.

Mme : heureusement que je pense à tout !

Sourire de Julien

103

Entretien POST entretien avec éducateur :

Comment c’est passé l’entretien pour

toi ?

Ça s’est passé moyennement, enfin bien

passé, hésitation, non enfin ça s’est passé.

J’ai fait connaissance. J’ai pu cerner le

jeune. Je sais qu’il a passé 9 ans de sa vie

de son jeune âge hors du domicile.

Je laisse pas mal de blancs, pour laisser

les échanges se faire.

Ce jeune est très, très intelligent, très

sensible, tu as vu il connait les dates de

naissance, il garde la photo de son père.

Toutes les informations m’ont permis de

garder des questions. J’essaie de les

écrire au fur et à mesure de l’entretien.

J’ai eu pas mal d’informations, donc ce

que je peux dire c’est que j’ai posé les

jalons de la relation éducative. Sourire

104

L’entretien d’accueil en Milieu Ouvert à la Protection

Judiciaire de la Jeunesse :

Les prémices de la relation éducative ?

Si l’entretien reste l’un des outils les plus utilisés par un éducateur en Milieu Ouvert,

l’entretien d’accueil est un moment clef de la prise en charge. Le professionnel utilise des

compétences humaines et professionnelles pour accueillir au mieux des jeunes et leurs

familles, convoqués, et donc, contraints. Avoir une bonne connaissance du cadre législatif

est primordial pour réussir à conjuguer le temps institutionnel avec le temps de l’amorce

éducative.

Cet entretien est la première rencontre entre professionnels et usagers. Les échanges et les

interactions entre toutes les personnes présentes, sont une source d’informations pour les

professionnels qui pourront alors se saisir de ces dernières pour instaurer un climat de

confiance et d’adhésion, propice à la naissance de la relation éducative.

La note relative au délai de prise en charge à cinq jours va modifier cet entretien tel que

nous le connaissons aujourd’hui. C’est pourquoi, il est important de repenser l’entretien

d’accueil pour préserver l’amorce de la relation éducative et ainsi favoriser une prise en

charge de qualité dans le respect des usagers.

MOTS CLES : Accueil, Usager, Entretien, Interaction, Aide contrainte,

Relation Educative