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Leroy-Beaulieu, Anatole (1842-1912). Les doctrines de haine : l'antisémitisme, l'antiprotestantisme, l'anticléricalisme. 1902.
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DOCTRINES DE HAINE
DU MÊME AUTEUR
tSRABLCHEZLBSNATtON8(tn-t8,Ca!mannLëvy). ivot.
UNBMPBRBUR,UNROI. UNPAPB,CNBRBSTAUaA-T!ON(tn.i8, Charpentier). L'EmpereurNapo!éonHtet la politique du secondEmpire. Le Roi Vietor-Emmanuelet la monarchieitatfenoe. Le PapePie ÏX,le Saint-St~geet l'Église. LaMonarchieespagnol Mua
Alphonse X1I, i –
t.B8CATHOLIQUBSHBÉRAUX,!XGt.!8B BT LBHBÈ-
BAUSMB,de 1830ô nos Jours (in-18,E. Pion, Nourrit). i –
LA RÉ~'OLUTtONBT LE HBKHA).tSMB,eSsa)adecri-tique et d'histoire (in-16,Hachette,i890). LeBanquetdu Centenairede 089. La Rovotattonet M.Taine.Les Mëcompleadu UMrattsmo. – La RAvotuttCnet la
Séparationdo !)se et de t'Ëtat. Nnahôtes ce 1889. < –
)A PAPAUTÉ,LB SOCIALISMEBT LA DBMOCHATtB(tn-<8,Calmann
Léty) i –
L'ANTt8BM!T)8MB,conMK'ncefa)toa!'<nstHutcatho!tque()n-)8, CalmannLcvy). t –
t.'BMP)BBBBSTSAna BTt.B6HU66B8()n-8',Hachettc).Tomo LePayset les UabXanta(~ Mitton). < –TomeH LestMtttuUons(4eeditton). i –TomeUt La Rettgton(S*édition) i –
us aoMMBu'BTAT HNSBB(NtcoÏMMt!ottno), d'apr~asa corMtpondaneetnodttc. Étude sur la Ruesloet la
Pologne pendant le r~no d'Alexandre JI ()n-0,Hachette) i –
LAFRANCE,LAttOSStBBTL'EUHOPB(Jn.)8<Ctimtnn
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ÉTtJDBaRussBa BT BonopBBXNBS(tn.i8, Calmann
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ANATOLE LEROY-BEAULIEUMBMBRBDBL'tSSTtTOT
LES
DOCTRINES DE HAINE
L'ANT!StMtTtaHE
L'ANTiPHOTBSTANTtSMRy
L'AKTtCLËtttCAUSMB
PARIS
CALMANNLËVY. ÉDITEUR
3,BUtAoe<B,33
Droitsde Hadocttoaet de KptudoeUonréservéspour tous tMpaye,
y compris la 8uMe, la son~e et la Hollande.
<t
AVANT-PROPOS
Ce livre s'adresse aux esprits libres. H heurte
bien des préjugés, et il n'en flatte aucun, ce quin'est pas pour plaire au grand nombre.
!t traite de questionsoù l'on est si peu habitué
à l'impartialitéqu'on est mal disposéà la tolérer,et que plus d'un lecteur s'en pourra scandatiser
commed'une offenseet d'une contradiction.J'ose
dire, cependant,que ce volumeest partout anime
du même esprit, et que je n'ai jamais rien écrit
qui eût plus d'unité.
Les pages qu'on va lire sont la reproductionde conférences faites, sous le même titre, A
l'Écolo des Hautes Etudes sociales, et dont la
sténographieavait été prise pour la SemainePoli-
tiquee< M~otM. Je me suis borné à tes com
H AVANT-PROPOS.
pléter sur quelques points et à y joindre quelquesnotes. Certains de mes auditeurs m'avaient fait
remarquer que l'antisémitisme, l'antiprotestan-tisme et l'anticléricalismene sont peut-être pas
aujourd'hui les seulesdoctrines qui, par leursvio-
lences, mériteni le nom de doctrines de haine.
Le socialismequi glorifie la lutte de classesn'ya guère moins de droits. C'est une des raisons
qui m'ont décidé A placer en tête de ces confé-
rences, comme introduction, une étude sur les
grands courants de la politique contemporaine
qui a paru en partie dans la RevuedesReuues,et
où j'ai recherché les causes do la recrudescence,
chez nous, de l'esprit de secte et d'intolérance.
S'il m'a fallu, pour cela, remonter jusqu'à l'Af-
faire qui a tant remué la Franco, j'ai eu soin do
mo tenir au-dessus des passions qu'elle avait
décharnées,et, loin de raviver des haines et des
rancunesdont notre Francon'a quo trop souffert,
je me suis eQbrcéde les apaiser, pou" le bien
communde tous.
Les hommes mêmes que je n'aurai pas réussi
à convaincre me rendront cette justice que, au
cours de cet ouvrage, je me suis toujours inspiré
do l'esprit de liberté et des sentiments do con-
corde, et l'on me permettra d'ajouter, de l'esprit
AVANf-PROt'Oâ. )jt
de patriotismeet de l'esprit de charité. Je n'ai eu
d'autre but que do combattre les haines entre
concitoyens,a Toute maison divisée contre e!!e-
mêmepérira », dit i'Ëvangite.JamaisnotreFrance
n'a eu plus besoinde se le rappeler.Pour moi, en travaillant ici au rapprochement
des esprits et à la paix religieuse,commeailleurs
je m'efforcede travailler au rapprochement des
classes et à la paix sociale, j'ai consciencedo
remptir, à ia fois, mon devoirdo Françaiset mon
devoir de chrétien.
Paris,janvier1902.
t
LES DOCTRINESDE HAINE
ANT)8ÉM!T!SME, ANTtPROTESTANTtSME,
ANTICLHRtCAUSME.
/H't'OffMC<ton.e
L'BBPBtTDE BBCTBET LESPAHTtS.
Do t'originaou uo ta recrudescence,cheznous, de l'esprit de secto
et des doctrinesde haine. Commentl'esprit de toMranMet
l'esprit de liberté semblent partout en baisse.– h)QuenMde
t'A~atre Dreyfus. Commentles partis pxtn!me9n'y ont vu
qu'un moyend'agitation. L'esprit de faction et l'esprit de
proscription. 1. L'antisémitisme. Commentil s'eatretrempé
danst'Afraire. Sa responsabilitédans !a crise que traverse la
Franco. Des causes do sa diffusion. Comment, t'aido do
t'ACaire,Ua eoupola Francoen deu*. – H. Le nationalisme.
Ce qu'U doit a t'ACaire. Ses Potences et ses excès. – Ses
procédésdopolémique.– Commentit fait, lui aussi, des catégo.
ries entre Français. Lessans-patrle. Patriotisme et natio-
nalisme. – tit. Losocialisme. CommentHa exploitét'Anoire.
Tout ce qu'il y a puisé. Raisonsde sa diCusionet de son
ascendant. La tutto do e!asMet les appels A ta haine.
IV.L'ontictericatisme.– D'où vient son roveit. Contre-coupdo l'Affalreet des menacesdo rantixemitisme. De la rovendt-
cationdu droit communet de la lutte contre l'esprit de secte.
L'antMmiUsme, t'antiproteatanUamo, rant!c!6rica-
Hsmesont trois phénomènes connexes qui, par leurs
2 LES DOCTRINESDE HA!N&.
violenceset par leurs appels a l'intolérance,tn&ritent,
touslestrois,presqueégalement,lenomdodoctrinesdo
haine. Avantd'en entreprendrei'etude,do rechercher,
en toute loyauté,quelle est leur origine, et quel est
leur esprit,par où ils se ressemblentet par oùils dif-
fèrent, il convientde so demanderd'où proviennent
!eurrécentediffusionet leur.virulenconouveiie.Com-
ment des projugea,des passions,des fanatismes,qui,
naguèreencore, semblaientsinonà jamais éteints,du
moinsassoupis,se sont-ilsrovcities,brusquement,avec
une vigueuret une fureur jusquc-ia inconnue? Pour
tous c xd'entreles Françaisqui saventa'e!ovcrau-
dessusde i'eapritde parti et dol'espritdo coterie,pour
tous ceux qui ont !o couraged'ctro sincèresenvcM
eux-mêmeset de se placer reso!umenten face de leur
conscience,la réponseest aisée. H n'y a pas à cher-
cher bien loin la cause de la recrudescencede cet
espritde tiecto elle est dana nos querellesIntérieures
des dernières années, eUe est dans les luttes et les
intriguesdes partis autourd'un événementoù l'esprit
de parti n'avait rien à voir, et auquelU n'a pu se
mêlereaoacrime.
Aumilieudotoutesnosdivisions,il est un point sur
lequel noaa sommestous d'accord.La t~anco pasM,
aujourd'hui,par la crise la plus grave qu'oitoait tra-
vorsco,depuis la guerre et la Commune.D'où vient
cettecriseoù eosont brisées,en quelquesmois,taut du
vieillesamitiés,et où les passionsdespartiset les haiuea
tNTRODDCHON. 3
do sectesont pris une apretëcouvetie?Elleprovient,
faut-ii!orappeler?do l'Affairequi a si lamentablement
diviséle paya.E)ievient, surtout,de ce que, au lieude
rester, pour tous, uno douloureusoaffairejudiciaire,
l'angoissantprocèsest tombéaux mains des partis qui
l'ontexploitéen sensinverse,au profitdo leursintérêts
et de leurspassions.Si la Franceen a tant souffert,si
citeen reste profondémentdivisée,c'est qu'ils étaient
en trop petit,nombre, les combattantsqui, dans cette
confusernei~o,luttaient, uniquement, pour co qu'ils
croyaientla vérité et ta justice, se faisantscrupulede
rien blesserdo respectable,n'ayant en vue quo la jus-
tificationdel'innocenceou le châtimentdu crime.
Parmi les meneurset les politiciens,combienn'ont
vu, dan;!toprocèsdo Hennés,qu'unequcrdto de par-
tis. où il fallait, ù tout prix, triompherd'adversaires
d~tes~s"C'estainsique t Auairoa été si viteélargieet
onvcnimcopar l'espritdofaction,qui s'étaitjetosur cUo
conunusur unoproiequ'il no voulait pas tacher.Riche
proie, en effet, où tout ce quo devrait respecterla
Francoa fini par passer; armée, magistrature,clergé,
parlement,président do la Hupubtiquo.hommes et
institutions,tout était dévoré, a belles dents, par les
passionsfurieuses. Antisémiteset nationatiatcs,d'un
côté,socialistesot antittcric~ux,dut'autro,so sont rues
H)t'l'Affaire,se servantdes incidentsdu proeeacomme
d'armesmeurtrières,– les uns contreles juifs et tcura
atiics,contretcaprotestantset les « judaïsantsB,contre
4 LBS DOCTRINES DE BAtNE.
« la républiquepanamiste et maçonniquee, les
autres contre les jésuites et les a galonnéss, contre
t'Ëguse et contre l'État-major,contre a le sabre et le
goupillonN.L'apaisementest-ilai duBciie,c'est que les
factionsqui ont exploitél'Affaireont tout intérêt à en
prolongerl'agitation.
Tout autre est le sentiment des hommesqui, au-
dessusdes passionsdespartis et des hainesde sectes,
placent les intérêtspermanentsde la France.S'ilsont
pu être diviséssur l'Affaire,lour patriotismen'a cessé
de réprouverlesviolencesqu'elleprovoquaitet de rap-pelerlesFfançaisâi'union,dansJ'amourdela commune
patrie.
Cen'estpas leur faute,si le ventde hainequi a souf-
flésur la Francea creusé,plusquejamais, lesdivisionsentre Français.Commeaux plus tristes époques de
notre histoire, on réclamedes proscriptions;ce sont
descatégoriesentièresdoFrançaisquel'on veut mettre
hors !aloi, sousprétextede salut public. De droiteoude gauche,on entenddes adversairessecontester,réci-
proquement,le titre de Français,commesi, dans cette
France, à populationstagnante, les Français étaient
tropnombreux.La haine sembledevenuel'âme de la
politiqueet !eliendespartis elleprête à nos luttes età no~polémiquesune âpreté nouvelle.Abas ceux-ci1
Mortà ceux-làsemble devenuie cri de ralliementdes
foules; alors mémoque l'on poussedes M'uo~,l'accent
qu'ony met en fait une menacepour ses adversaires.
INTRODUCTION. 8
Hainesde races, haines confessionnelles,haines poli-
tiques,hainesde classes,on voit surgir, de tous côtés,
desa anti a qui rivaliseutd'exclusivismeet d'injustice,
do fureursaveugleset docolèresineptes antisémitisme,
antiprotestantisme, anticléricalisme, antiparlementa-
risme, antimilitarisme,anticapitalisme,comme si io
patriotisme,comme si la re!ion et la raison elles-
mêmesconsistaientà maudireb(.à proscrire.
L'espritde secteet l'esprit de factionsont partoutet
vicienttout. Jamais, peut-être, depuis la Révolution,
l'espritde liberté,disonsplus, l'esprit de tolérance,n'a
été plus bas. Le mot même de liberté qui, autrefois,
faisaitbattre les jeunescœurs,ne trouve guère d'écho
et est bafouédes foules.On a trop menti en son nom.
Lelibérât,le vrai. celui qui veut la liberté pour tous,
sembleuneespèceenvoied'extinction.Uneseuletibertô
paraîttoujourschèreaux meneursdol'opinion,la liberté
de l'injure et do la calomnie.Quant aux autres, on
diraitqu'onen a perdule goûtet rinte)tigenco.Losens
mêmedola !iberMpolitiques'estob!itéré pour la sau-
ver, nombrede ses prétendusdéfenseursveulentsup-
primerla liberté religieuse,la libertéd'enseignement,
!a libertéd'association,la liberté de la charité,comme
si toutes les libertés n'étaientpas solidaires,comme
si laHbertépolitiquene devaitpas être la garantie des
autreset lagardiennede tous lesdroits.
Ona dit quel'Affaireavait désagrégéles partis,ren-
verséles ancienscadres,commeun vent violent qui
6 LES DOCTtUNRSBE n.\tNE.
brisetout sur son passage.Elle t'eût fait, elle eût em-
portéles anciennesbarrières et brisé les cloisonsdes
vieuxpartis que, en nous libérant de la servitudede
préjugéset de rancunessouventsurannés,en laissant
!ochamp libre à des groupementsnouveaux,elle eût
renduserviced la France. Mais,i'a-t-eUofait, ellen'a
émancipéde la tyranniedes partis et de la superstitiondesétiquettesque le petit nombrede Françaisqui pen-sentpar eux-mêmes.Lesautres, le grand nombre,elle
lesa laissés, plusque jamais, asservisau joug et aux
préventionsde l'esprit de parti; elle a seulementpar-foischangéles étiquetteset les cocardes.Loind'arra-
cher ou d'abaisserpartout les barrières de partie, elle
lesa souventrelevées.EUoadouno,danschaquegroupo,l'ascendantaux violents,parcequ'elle a partoutréveillô
les préjugés,attisé les passions,enveniméles antipa.
<hies,si bien que, plus que jamais, notre démocratie
et la Franco, avec elle, semblententratnées,par uno
forcefatale,verslesdoctrinesou tes partisextrêmes.
Autrephénomèneégalementdignede remarque les
partis proprement politiques, ayant un programme
défini, perdent partout du terrain, jusque dans !c8
assembléesélectives et jusque dans Je parlement.
Qu'est-cedonc du payaet desmassesélectorales?Aux
partis politiques,nettement dé!imités,ayant uno foi
communeet un programmeprécis, tendentà se substi-
tuer, sous l'empire des passionssoulevéc8autour de
t'Auairo,desgroupementsconfusauxaspirationsvagues,
tNTHOOOCHO!
qui débordent,de tous côtés,l'arène légalede la poli-
tique. C'est, à la surfaceagitéedu pays, commedes
courantset des contre-courantsviolentsqui menacent
de tout entratneraveceux, et qui, en se rencontrant
et se heurtant,font commedes remous en tous sens.
Decescourantsparallèlesou opposés,on peut distin-
guer quatre principauxqui s'unissent,Mmsse mêler,en deuxfleuvescontraires l'antisémitismeet le catio-
nalisme,d'un côté, l'anticléricalismeet le socialisme,de l'autre.
Si diSerontaqu'ils boientpar leurs tendancesou parleur inspiration,et quelquedroitqu'its aientdo ne pasnous laisser les confondreensemble,antisémitismeet
nationalisme,anticléricalismeet socialismese ressem-
blentpar leursprocédésde propagande,par lesempor-
l tomcctsde leurspolémiques,par leur peude soucide la
libertéet leur propensionAproscrireieura adversaires,
par leursinvocaUonsà la haineet à la violence.t!«ont,< presqueégalement,quoiqueon sens inverse,exploite
l'Affaireet, en ayant vécudurant des mois, y ayant
pulséleurforce,ilscherchenta enperpétuerl'agitation.Ils se piaisent &entretenir l'exaltation des foules,etdans leurs revendicationsou ieuMexcitationsquoti-diennes, ils font appel aux antipathieset aux préjuges
¡du peuple, dénonçant leurs adversaires comme des
scoteratset des ennemispublics, capablesde tous les
E~ forfaits.Ils tondent,presqueégalement,&ériger leursdoctrinesen dogmes,et leursgriefsen nrtlclesde foi et,
8 LES DOCTRINES DE BAINB.
commeils constituent,pour leursadeptes,une sortede
religion,ils ont la foi ardente, le zèle brûlant d'une
Égliseet, trop souventaussi,l'intoléranceetlefanatisme
d'une secto.Ds lancent, bruyamment,l'interditautour
d'eux, jetant l'anathèmesur tout ce qui leur résiste,allant parfoisjusqu'à excommunierles tièdes et les
indifférents,répétant, chacun à leur façon Hors de
nous,pasdosalut1 Chacund'eux s'arroge,en effet,la
missionde sauverla Franceet, pourla sauver,professe
que tout est permis,lois d'exceptionet tyrannielégale,émeutesde la rueou coupsde forcede l'armée.
Lespartis lesplus opposéssemblentaccepter,égate-
ment, la péritteusedoctrinedu salut public. Chacun
d'eux se dit en mesure d'assurer !o salut du pays,
brusquement,à l'aided'une sorted'opérationmiracu-
!eu6e raviMon,révolutionou coup d'État,qui, seule,à lesen croire,peut rendre à la France la force avec
la santé. Comme trop de nos médecins d'aujour-d'hui, on nousvante,de touscôtés,la méthodechirur-
gicale.CetteFrancemalade,lassede luttes énervantes,au lieu de lui accorder le repos dont elle a tant
besoin,on prétend la traiter par io fer et par le feu,
l'amputerde membresqu'ondit pourris ou gangrenés,la débarrasserde kystesparasitesqu'oncroitdécouvriren elle.Par malheur, ou mieuxpar bonheurpoureue,on ne s'entendpassur lesmembresgangrenésqu'il faut
retrancher, sur les tumeurs cancéreusesqu'on veut
extirper; pour tes uns, c'est le juif ou !e protestant;
INTRODUCTION. 9
i.
pour tesautres, c'est la jésuite ou les congrégations
pourceux-là,cesont lesétrangersde l'intérieuret pour
ceux-ci,c'est le bourgeoiscapitaliste,ou c'estt'oOtcier,c'est l'armée.N'importe,it y a, pour beaucoupd'entre
nous,desFrançaisà proscrire,descatégoriesentièresde
compatriotesa mettrehors la ici telleest, aux yeuxde
trop de nos contemporains,la tache urgente. Aimez-
vouset supportez-vouales uns tesautres, disait,autre-
fois, le patriote, comme!o chrétien. Haïssez-vouset
supprimez-voustes uns lesautres,semble,aujourd'hui,la maximede trop do nos concitoyens.Aussi,peut-ondirequela Franceest en état de guerre civilemorale,la seule,heureusement,que puissetolérer la douceur
ou la mollessede nosmœurs.
1
!)c toustes phu)]0tt)ënespolitiquesdo ces dernières
années, un des plus attristantsest la diffusion de
l'antisémitisme.Nousne sommespas,on tp~ait,deceux
qui en ont été surpris. Nous en avons stgnato. do
longuedate, lescauseset tes progrès. Quelquesbonnes
âmess'étonnaient,naguère,de l'importanooque noua
semblionsdonnerà l'intrusionen Francedoceproduitdorigineteutonique.Les foils n'ont que trop montrél'aclairvoyancede nos inquiétudes.
i0 t.Rs OOCTBtNERDU HAttE.
Souslecouvert d'un nationalismeéquivoque,l'anti-
sémitismetendà devenirundes facteursdela politique.C'est lui, naturellement,qui a le plus benëftciôde
l'Affaire.ti en avait fait sa chose il l'avait priseà son
compte, dès le début, n'y voyantqu'un instrument
d'agitationet do division, sans songer au mal qu'on
pourrait ressentir io pays. Il en a tiré tout ce quela
haineet lasophistiqueen pouvaientfairesortir, s'ingé-
niant, dès!o premierjour, &l'envenimeret à l'élargir,
jusqu'àfairedu procèsd'un hommele procèsde toute
une race, sauf à s'indignerquandd'autres se permet-taient, contret'~tat-majoret contre l'armée, tesmêmes
généralisationsillégitimes. Si la Franco en demeure
lamentablementébranléo, l'antisémitismeen a 6t6 te
premier coupable.Sur les violenceset les excèsdo sa
polémique,sur son obstinationà imputer les fautesou
tes crimesdes individusà tous leurs coreligionnaires,sur sa prétention d'identifier la haine du juif avec
l'amour dot'armée, sur sonacharnementà passionnerdesdébatset à exalterdesantipathiesquele patriotismeeût conseilledo calmer, retombe,pour beaucoup,la
responsabilitédola crisequetraverse!o paya.GrAco&t'Anaira, t'antisomitismoest devenu une
puissance,et, commetoutes les puissances,il trouvedes courtisans.Les hommeset les parUfqui eo dis-
putentle pouvoirn'ontpas hontedo lui tondrelamain.Nationalistesd'un côt~,royalistesdo l'autre, n'ont pasrougi de mendier ses bonnesgrAcea.Comment tes
INTRODUCTION. <i
ambitieuxn'iraient-ilspas à lui, alors qu'en lui aou-
riant, ilsse font applaudir, la fois,dessalonset de la
rue? Si l'on n'ose toujoursprendre,ouvertement,ses
couleurs,on emprunte,volontiers,sonjargon ona'ap.
propriesa spécieuseformule, a ta France aux Fran-
çais)).Onne craintpas de se réclamerde Ma vaguesthèsessociales,de sonethno!og'econventionnelle,de sacourtephilosophiede i'histoirj sur les luttes de races.
Car,on le sait, l'antisémitismea ea phitosophieet sesthéoriesscientifiques.Acet égard,il est bienmoderne,ça rejetondu moyendge Hsacrlfioaux dieux et auxidolesdu siècle.LesretentissantesthéoriessurlearMea,sur la luttopour l'existence,sur la concurrencevitaledontnotreépoquea tant abuse, l'antisémitismese lesest appropriées.S'it n'en est pas sorti, i! a'en estnourri.Ellesont ët~,pourbeaucoup,danseafortune.Do!&m6mece nompédantesqued'antisemitiemeimporte,aveola choy)etio.mûmc,de la pddanteA!!emagno.Unnom d'aspectsavant est une chose procieuao.en ce
tempsdereligionou de superstitionscientiûquo.L'anii-
sémitisme,a l'en croire, reposait,tout entier, sur laséculaireoppositiondosracesosémitiquet et<aryenneque Renan avait, en sa jeunesse,érigée, imprudem-ment,en uno sorte do loi do l'histoire. Cette théorie,abandonnéede Renontui-momeen eamaturité,a beauêtrodémodéepartout, elle reste un dogme, pour not
antisémites,heureuxdo couvrirleurshaines du man-teaudela science.i'out' eux, t'histoire du monden'est
t2 LES DOCTRINES DE HAINE.
quele dueldol'Aryenloyal et du vil Sémite, si bien
que le procèsde Rennesserait l'épiloguede Zamaetde
Poitiers. Maisqui, en dehorsdes simplesd'esprit, peutencorese persuaderqu'en criant A bas lesjuifs1il est
le continuateurdes Scipions,de CharlesMartelou de
GodefroydeBouillon?Les docteursde l'antisémitisme
eux-mêmes,depuisqu'ils ont faitde l'Algérieleur terre
d'élection,ont dû laisser leur théorie favoriteà Mar-
seille. En passant la Méditerranée,l'antisémite au
contactdes Arabeset de l'Islam, doit dépouillerson
prétentieuxdéguisementscientifique,pour redevenirun
vulgaireantijuif.
Veut-on le rattacher aux modernes théories de la
science,l'antisémitismeest, en grande partie, un cas
d'atavismeou une asurvivancea. C'est,commeon dit
en Allemagned'où il nousa été rapporté,la Ju~cM~se
du moyen Age ou encore, c'est un de ces a morts
qui parlentc, qu'on nous décrivait naguère en si
beau langage', un de ces morts que l'on croyaitenterrésa jamais,et qui crient, qui gesticulent,qui se
trémoussenten nouset autourde nous. C'est un reve-
nant, et combienen voyons-nouss'agiter, s'injuriantet
se menaçant les uns les autres, dans notre pauvreFrance troublée, de ces revenantsdu passéL'anti.
sémitisme,assurément,n'est pas le seul biend'autres,à commencerpar le jacobinismeet par l'anticlérica-
<.f<j.VuWs9M<parient,romanduvicomteE.M.duVogO~
INTRODUCTION. 13
lisme, ne sont guère, eux aussi, que des morts mal
enterrés,des spectreséchappésdescimetièresde l'his-
toire,qui se dressentdevantnouset rôdentparminous,
avectourspassionsmaléteinteset teur~hainessurannées.
EtPil'Affairenousa profondémentsecoués,c'estqu'elle
a réveilte,au fonddesFrançais,tant de mortsassoupis
qui, raniméspar elle, se sontmis a bataillerensemble,
avec lesfureurset lesrancunesanciennes,commeau
tempsde la Terreur,ou commeau tempsde la Ligue.
Telqui se figuraits'être faitune opinion sur le procès
de Rennesn'étaitguèreque l'écho inconscientdespré-
jugésataviques.Et cequi est vrai de l'Affaireuo l'est
pas d'elle seulement; que do fois, dans nos disputes
confuses,il nousfautnous scruteret nous tater nous-
mêmes pour nous assurer que nous sommes bien
vivants,et qu'ennous injuriantet en nouacombattant
les uns !osautres, nous sommesautre choseque tes
porte-voixdesmortset tes championshéréditairesdes
vieillesluttesancestralest
Mais,pourêtrede cessurvivancesdupassédontnotre
politiquecontemporaineest encore encombrée,l'anti-
sémitismen'en estpas moinsalimentépar despassionsbien vivanteset des haines vivaces,des passionsquisont de tous les tempset de notre âge démocratique
peut-êtreplusque de tout autre. Pourêtre justeenvers
lui, c'estune étrangeet troublemixtureque l'antisémi-
tismecontemporain.On y trouvede tout, des senti-
ments étovés et des inspirationsnobles, avec des
14 t.RS onCTRtNRS OR HA~NR.
instinctsvils et des passionsbrutales, dea générosités
dévoyées,à côtédesappétitsdéchaînes.C'est à ce mé-
langehétérogènede bienet de mal, d'idéalismeégaré
et de matérialismepratique, do naïves protestationscontrele cultede Mammonet de convoitisesinavouées
versla richesse,de révoltesindignéescontre la prépo-tonce de l'argent et de rancunes intéresséesou de
jalousiesenvieuses,que t'antiscmitismodoit sa popu-toriMet sadiOusion car, par )à, Ha une doubleprisesur tes&mcssimples,les prenantà la fois par en haut
et par en bas, comme par les deux extrémitésde Ja
nature humaine,si bienque, nobles ou vulgaires,nos
contemporainsont peinea f'en défendre.Commesil'on
avait la droitde fairedu juif le seul auteur et Je seul
bénéficiairedo tous nos maux, il y entre, en m~mo
temps,du dégoûtdes vileniesdu jour, dea révoltesdo
faconscioncocontreles fortunestrop rapides,contre la
corruptiondes politiciens,contre i'otatagod'un fasto
provocant,et aussi des ressentimentsdo concurrents
évincésou d'hommesd'affairesmalheureuxcontre dea
rivauxplueheureux ou plushabiles des jalousies de
proprietnircafoncioraet de chuto!ainadont !oarovonus
tarissent,contre!obanquieret l'hommede Uoursp,dont
les mohites capitaux semblent toujours grossir des
rancunes aristocratiquescontre les fortunes et les
inuuoncesnouvelles,et des rancunes provincialeset
rurales contre tes parvenusdes grandesviitcs et les
nouveauxvenuedo t'ctrangor ~anscompterla jalouse
tNTRODUCTtON.
malveillancedu petit boutiquieret du petit bourgeois
en facedesgrandsmagasins,de la haute bourgeoisieet
desgroscapitalistes si bienqu'onpeutdire que l'anti-
sémitismeest !o faisceaude toutes les rancuneset de
touteslesjalousies,exaspéréesencorepar la terreur des
influencesocculteset despuissancesténébreuses,haute
banqueet syndicatscosmopolites,vaguesspectresdont
l'ignorantenaïveté des foulescroit sentir partout la
maininvisible.Faisceaudesjalousieset faisceau,égale-
ment, des préjugés, préjugés ataviques, préjugés
religieux,préjugeade race, préjugeséconomiques,pro-
jugctde classes,préjugésmondainsaussi car, de tous
lesingrédientsqui entrentdans la compositiondo cette
droguemalsaine,!o snobismeest, chez nous, un des
plusfréquenta,et t'en sait quelleest, dansnotre rcpu-
blique,la puissancedu snobisme.Eno s'est manifestée
jusquedanal'Affaire,dictant l'opinion deshommeset
encorepluscelledes femmes,selon les milieuxet les
cercles.Cr, raotisemittamocat bien portodansnombre
dosalons;c'estleurfaçon,&euxaussi,doprotestercontre
les insolencesd'un luxequ'ils no peuventtous égaler,contre l'arrogante intrusion des parvenus, contre la
prépondérancedes hommesd'argent, voire contre tes
iniquitésdn a capitalismea et contre!o< parasitiamosocin!B.
Car les déclamationsdo !'ant!semitismocontre !a
tinancoet te capitall'amènentà un vague anticapita-usmo.partantAunesortedo soc!a!)st)ïûit)g<!t)u,tncoos-
16 LES DOCTRINBS DE HAINE.
cieotet inconséquent,Je socialisme,oserai-jedire, de
ceuxqui ne voientpaaoù leurs idéesles mènent.Acet
~gard,l'antisémitismese rencontreavec!e sjciatismcce sent commedeux frères ennemisqui ont graudi,
côteà côte,dans deux milieuxdifterents.Au pointde
vue économique,en effet, l'antisémitismen'est guëro
queJesocialismedes salons,!osocialismedu c!ubman
et du hober.'au, le sociatismomondaindo tous ceux
dont !c3 rentes sont inférieur aux appétits ou aux
ambitions,le socialismebourgeoisde tous losvaincus
de la vieet dotous lesmécontentado la fortune. Socia-
lisme, celui-là, sans vain déguisementscientinquo,commesans trompeuseparure d'idéal et sans aurcoto
de fraternité socialisme,qui a, sur J'aulre,t'avantagede Of!s'attaquerqu'a un groupedënni, taxéd'étranger,de sortequ'en hurlant, avecles anUseMites,contre tca
crimesdes accapareursou les abus du capitutismo,!o
bourgeoisdo l'aris ou le gentilhommedo provinceno
risquent pas do tirer sur oux'memes,et d'être tes pre-mièresvictimesdes colcreasoulevéespar leurs décla-
mations.
C'estlà, it fautJo dire, uno des causes do la voguo
de l'antisémitisme.A tous les mécontents,a tous ceux
qui prétendentrejeter sur autrui la responsabilitéde
leursdéceptionsoudo leurssouffrances,t'antiaemitismo
fournit un bouc émissaire, autrement commodeet
autrementrassurant,pour notroégoïsmo,que le e bour-
geoisc auquels'attaquentlessocialistes.Lo bourgeois,
INTRODUCTION. i7
c'estun être vague, mal d~ûm on ne Mittrop où il
commence le bourgeois, c'est vous ou moi s'en
prendreà lui peut être dangereuxpourvous. Lejuif,
au contraire,c'estprécis, c'est Jitmte cc!adésigneun
groupeferme,une manièrede caste,tout comme,pen-
dant la Révolution,le nobleou leprêtre.En s'attaquant
au juif, en ledénonçantauxsoupçonset aux fureursde
la foule,!o bourgeoisne comprometpas sa sécurité il
détournesur autrui les ressentimentsdes masses,tout
en satisfaisantsespropresrancunesoujalousies.L'anli-
sémitismeest, ainsi, une façondo canaliserles haines
soc)a)cs.L'erreurest de croireque, dans notre France,
les passionssoulevéescontre la richesseet contre !o
capital puissent se borner a battre les guichetsdes
banquesisraélitesou !ea mursdes hôtelsjuifs, et que,
pourM mettre a l'abrides tracasseriesdu Hscou des
violencesde t'cmeuto,le jour où le peuplevoudraitpro-céderAla orovisiondes fortunesa, il sumrait,comme
danslaSainteRussie, d'arborer sur sa porteune croix
ou uneVierge.
Lesmeneursdol'antisémitismene l'ignorentpointIlsont beau a'encrcerde ranimertes vieux fanatismes,itssententquela Francecontemporainoy reste,matgt~tout, rebelle.Aussi, pour se deHvferdo cette tare de
t'intotëranco,odieuse à !a générositéfrançaise,pro-tenuont'itsne pass'attaquer,chezto juif, a la religion,mais à la race. 118n'ont cessé do le répéter, duranttoutel'Affaire,à l'heuremêmeoù ils attisaientlespas-
i8 LES DOCTRINES OR HAINE.
sions religieuses,sans voir que,chez les juifs, la race
est inséparablede la religion,et que s'en prendreà la
race, à de lointaineset douteusesorigines, est d'une
haineantiehretienneet d'unemto!6nmcoplus profonde;
car, de religion, on peut changer,de race, non.'Mats
soit,c'est au sangdo Jacob, non à la loide Moïseque
nous devonsfermerl'état-major,la magistrature,l'ad-
mlnistration,l'université,toutesles professionsréputées
nobles mais ce sang des patriarches,cetteracesomi*
tique,a quel signe,à quel stigmatela reconnattroas'-
nous? Sera-ce,commele nègre, A la couleur de sa
peau? ou bien serait-cea la courbede son nez?Ses
ennemisont beaudire, le seuleignodu juif est sa reli-
gion c'estellequi le conserveet le distingue; faire la
guerreau juif,c'est fairecampagnecontrela Synagogue.
partant, c'est se révolter contre la liberté et t'<?ga!ite
religieuses.Les lois d'exception,réclaméescontre le
juif, auraient, forcément,un caractère religieux, et,
pourque le juif n'y pût échapper,à l'aided'un baptôme
menteur, nos antisémites,comme leurs précurseurs
d'Espagne,seraient contraintsd'etaMir,parmi noue, a
défautd'auto-da-fë,ceque la Francedol'ancienRégime
n'a jamaistoléré,une Inquisition.
De l'ont bien compris, les Français qui n'appar-
tiennentpasau cultede la majorité, les descendantsde
ceshuguenots,autrefoispersécutéset chassés,euxaussi,
au nom de l'unité religieuse, autant dire de t'unito
nationale,car alors,commeaujourd'hui, l'une tendait
INTRODUCTION. i9
a''se confondreavec l'autre. Sans avoir, plus que les
catholiques,de personnellessympathiespour les juifa,
lesprotestantsfrançais,en tant que minoritéreligieuse,sesontsentis menacéspar l'intoléranceantisémite.Et
commenttraiter leurs appréhensionsde vaincs, alors
que,de l'antisémitisme,nousavonsvu sortir l'antipro-
testantumo,légitimerejetondu premier, fait de pas-
sions analogues,des mêmespréjuges,des mômesran-
cunes,des mêmesjalousies?H se peut, car nous
voulonsêtrejuste enverstous, fût-ceenvers ceux qui,vis-à-visde leursadversaires,font si peu de cas de la
justice, il se peut quet'antiprotestanUsmo,ainsiquel'antisémitismeiui-momo,ait été parfoisprovoquéparles imprudencesdequelquesprotestants,par leur parti-
cipationauxluttesanticléricales,ou encore,parl'ascen-
dantdesprotestantsou des juifs sur un gouvernementvisiblementde&antdescatholiques.Il nonouaen coûte
pasdole reconnattre,!'antiprotestantismoet l'antisémi-
tismen'ont été, pour nombre do catholiques,que la
revanchede la pohtiquoanticathonquoetdescampagnesant!c!érica!e8.Car, Uy a longtempsque nous l'avons
constaté,l'antisémitismeet l'anticléricalismesont, a
biendeségards,le produitet comme!opendantl'unde
l'autre.Sanst'ant!c!erica!isme,nousn'aurionapeut-être
pas eu d'antisémitisme,et encoremoins d'antiprotes-tantisme.
!i n'enest pasmoinsvraique nousavonseu i'humi'
tiatioud'entendreglorifier,publiquement,la révocation
20 LBS DOCTRINES DE HAINE.
de l'éditde Nantes,tout commel'expulsiondesjuifsau
moyenâge.Cesapologiesdesgrandsactesd'intolérance
du passe,naguèretimideset commehonteuses,l'Affaire
les a renduesplus hardies et plus retentissantes.Par
suite,eltoa eu poureffetde ranimer,avec l'intolérance
desuns,lesappréhensionsdesautres ellea rapproche,
dansdes craintescommunes,les minoritésreligieuses,
et commeà la guerre, on passe volontiersdo la défen-
siveà l'offensive,et que l'intoléranceappellel'intolé-
rance,l'Affairea, par contre-coup,réveillétes deûances
antic!6rieateset les haines jacobines,si bien que, de
droite ou do gaucho, tous les fanatismesen ont été
surexcitésa la fois.
C'estainsiqu'à l'aided'unprocèsoùla religionn'avait
riena dompter,l'antisémitismeest parvenuà couperla
Francoen deux,par un fosséconfessionnel.D'un côte,
lescatholiquesencorecroyants,ceux que leurs adver-
eaires nommentles cléricaux,avec leurs atiiés poli-
tiquesou mondains de l'autre, les juifs, lesprotes-
tants, les librespenseurs, ceux quo les antisémites
appellentles ejudaïsantss et entrelesdeux,suspects
auxdeuxcamps,leschrétiensquisefontscrupuled'exiler
personnede la charité chrétienne,ou les Françaisqui
osent regarderles juifs commedes hommesayant les
mêmesdroitsque les autreshommes, téméritéim-
pardonnable,aux yeuxdesectaireshabituésà découvrir
partoutdesachatsde conscience,commes'ilsrefusaient
dAcroireau miraclede convictionsdesiateresséeg.
INTRODUCTION. 21
Voitàcomment,par le lent travailde l'antisémitisme,
à l'aide de l'Affaire,laFrance, qui avait tant besoinde
paix religieuseet de concordeintérieure,sevoit rejetée,
plusque jamais, sous prétexted'unité nationale,dans
lesstérilesconuitade races et de confessions.~i~tM,
abyssum l'antisémitismea ravivé, avec l'anticlérica-
lisme,lesinstinctsdeviolenceet la fureurdesproscrip-
tions, si bienque, à nombre de Français, il semble
que, pour rétablir la paix en France, il n'y ait qu'à
désigner les victimes à proscrire et les libertés à
sacrifier.
Nous ne feronspas au nationalismel'injure de le
confondreavecl'antisémitisme.Ils ont beau, trop sou-
vent,sedonnerlamain,leurinspiration,en sonprincipeau moins,estdifférente.Le nationalisme,pour la foule
dosesadhérents,estné de l'exaltationet desangoissesdu patriotisme.C'est,dirai-je,du patriotismeexaspéré,
parfoisdu patriotismeaigri.Or,alorsmêmequ'il aurait
quelquechosedo morbide (et comments'en étonner
dansun paysmalade),le patriotisme,pour nous, qui
maintenons,au dessusdetout, l'idéedopatrie,demeure
respectable,jusqu'ensesexcèsou seségarements.Maia,docequ'il procèdedu sentimentte plus noble, d'un
sentimentque nous nous honoronsde partager,il ne
99 LES DOCTRINES DE HAINB.
suit pasque le nationalisme,dansla formequ'il tendà
prendrecommeparti, soittoujoursrassurantpournotre
patriotisme.Decequ'ilfaitappelà l'amourde la patrie,il ne suitpas quelenationalismeno s'inspirepoint, lui
aussi,de l'espritde haine.
Nationalisme,c'est:à, certes,pourun parti, un beau
nom,un nom pareilà un étendardaux brillantescou-
leursqui flotteau-dessusdes têtes. Nationalisme,cela
sonnefièrementà l'oreille; mais, à tout prendre, cela
estaussivagueque sonore, et je crains que ce vaguemêmene soitpasétrangerà la fortunedu nomet dola
chose. Des monarchistesaux a socialistespatriotes»,
quelle bigarrure présente l'armée rangée sous cette
confusebannièreNationalisme, c'estun mot nouveau,chez nous, Français, plus ancien peut-être et moins
obscuren littératurequ'en politique.Nationalisme,cela
s'entend,aisément,dansun payaopprimépar un maître
du dehors,commeil s'en trouveencore,à notrehonte,
plusd'un en Europe, en Irlande,par exemple,où les
nationalistesréclament,avecle HomoRule, un parle-mentà Dublin.Mais,dansnotre France,le mot peut-ilavoirle mêmesens? La Francoest-elleune Irlandoou
une Pologne,dépouilléede songouvernementet de son
drapeau? Est-elleun paysconquis,et rôclame-t-ello,en
vain, commel'Irlande,un parlement national?Si elle
est opprimée(lespartissont souventoppressifs),est-ce
bienpar desmaltresdu dehors,qui la gouvernentpourle comptede l'étranger? A cette question,nombre de
<NTRODOCT!ON. 23
nationalistesn'hésitentpasà répondrepar l'affirmative.
On a beau leur montrer le Luxembourget le Palais
Bourbonoù siègentdes législateurs,élus de la nation,
ilsmaintiennentque la Franceest tenue en esclavage,
sinon par une garnisonétrangère,au moins par des
agentsou descomplicesde l'étranger,par des cosmo-
ponteset des a sans-patries, entre lesquelsBgurent,
naturellement,lesjuifs.
Lenationalismeserencontre,ici,avecl'antisémitisme.
Al'entendre,la Francones'appartientpasà oUe-meme;
tous les pouvoirs,chezelle, ont beau procéder,direc-
tement ou indirectement,do l'élection populaire, !a
Francoestasservieà des tyrans,ce qui ne serait peut*t'tropas la premièrefois dans son histoire; mais, ce
qu'ellen'a jamais to!ër6,ces tyrans sont les suppôtsdo l'étranger. Francoest, depuis des années, sous
!o gouvernementd'un syndicat de sans-patrie qui,
pourêtre inscritssur n03registresde l'état civil,n'en
sontpas davantagedes Français; et ce joug honteux,
les Français,les vrais, ont le droit et le devoirde le
briser.
Voita,danstouteson outrance, la thèse qui a'étate,
chaquematin,dans une partie de la presse française.Elle est nouvelle,chez nous; elle n'y remonteguère
qu'àun petit nombre d'années; elle n'a pris toute sa
forceet toute sa voguequo durant l'Affaire,et grâceà l'Affaire.On en sent la portée elle ne tend &rien
moinsqu'à crcerdescatégoriesentreFrançais,accordant
24 LES DOCTtHNES DE BA!NB.
aux uns, pour le refuser aux autres, ce beau nom de
Français, notre patrimoine commun, imitant par là
les antisémites,et, commeles antisémites,s'appliquant,sousprétexted'unité nationale,à couperla patrie en
deux,excommuniant,arbitrairement,de la nationalité
françaiseunepartiedes Français.
Unepolitiquenationale,commenous en promettenttes nationalistes,serait,semble-t-il,cellequi travaillerait
à rétablirl'harmonieet l'uniondesFrançais,à rappro-
cher, dans un même sentimentde tolérance et do
patriotisme, tous les enfantsd'un même pays, sans
distinctiond'origine,de religion,de parti.Cettepolitiquede réconciliationnationale,est-cebien
celleque préconisentles organesles plus bruyants du
uationatismo?'1
Auxparolesde paix, trop d'entre eux préfèrent les
crisdo haineet teamenacesde guerre. La paix natio-
nale qu'ils nous laisrent espérer, ils semblent no
l'attendrequede l'écrasementde ceux qu'ils appellentteamauvaisFrançais.Alorsque la Franceaurait, plus
que jamais, besoin d'une politiqued'apaisementà la
HenriiV, la plupartdesnationalistess'obstinentà jeterl'anathèmea leurs adversaires,tes mettanten interdit,commedesennemisde la patrie.Pourtrop d'entreeux,le patriotismeparait consisterà dénier aux autres la
qualitéde Français.Cetitrede Françaisqui nousappar-tient à tous, quellesque soientnos opinionspolitiquesou religieuses,ilss'en attribuentle privilègeet comme
ÏNTBODCCTtON. 28
temonopole.Aen croirelesplus exaltés,lesFrançais,
lesvraisseraienten minoritéen France.On a entendu,
à laHauteCour,sanspresques'en étonner,un témoin
nationalistedire d'un accusé a C'est un Français, ce
quidevienttrès rare. D
Est-ce avec un pareil esprit d'exclusivismeque
d'ingénuspatriotes s'imaginent fortifierle sentiment
national?!!sne craignentpas dedistinguer,sur la terre
française,deux catégoriesd'habitants qu'ils opposentlesunsauxautres les vrais Français,tes Françaisde
France et les autres, les faux, les pseudo-Français,les Françaisétrangersou tes étrangers do t'int<jrieur,
oppositioncoupabledont !oderniermot seraitia guerrecivile.Quandj'entendscertainsdiscours,jopense,mal-
gré moi,Aces naïves pointuresdu jugementdernier
où des archangesà l'épée flamboyantepartagent tes
hommesendouxtroupes,les bons et tes mauvais, les
brebiset tesboucs,tesbienheureuxet les damnes. Si
nousavonsvu quelque chose d'analogue,à d'autres
époques,durant!a Révolutionnotamment, la France,
alors,étaitenguerre,et, dans tes rangs de l'étranger,servaientdes émigrés qui portaient les armes contre
ette.Oùvoit-on,aujourd'hui,rien dopareil?Couperla
Franceen deux,au nom du sentimentnationalqui en
devraitêtre!elien, dénierà nos adversairespolitiquesle titrede Français,pourexcitercontreeuxlessoupçonsdesfouleset la hainedessimples,ce n'estpasseulement
envenimerlesplaiesfaitesà ta France par l'esprit de
26 LES DOCTRINBS DE HAINE.
parti, c'estpéchercontrela patrie,enfaussantla notion
du patriotisme.
Commel'antisémitisme,dontil s'inspiretrop souvent,le nationalismeest ainsidevenu,luiaussi,pour trop de
ses adeptes, une doctrinede haine. Autrefois– ses
détracteursle lui ont assezreproché le patriotismeleplus exaltéou leplusgrossier,celuiqu'ona flétridu
sobriquetde chauvinisme,croyaitse fortifieren fomen-
tant lespréjugéset la baioocontre l'étranger; aujour-
d'hui, ce n'est plus seulementcontre l'étrangerquole
nationalisme,qui se donne à nouscomme!o représen-tant attitrédu patriotisme,exciteladéfianceet l'aversion
desmasses,c'est contredesconcitoyens,contredesFran-
çais,contreceuxqu'ilnecraintpasd'appelerlesennemis
do t'intérieur.Il ne s'aperçoitpoint que, sousprétexted'en défendrel'intégrité,il risque do déchirer,de ses
mains, la tuniquesanscouturede l'unité francafse.
LaFranceavait,entretoutestesgrandespuissances,un
privilège,celuidonocompter,chezelle,quedesenfants,
heureuxde lui appartenir.Elle n'avait ni l'ologae,ni
Mande c'était son honneur, et c'était sa force.Nous
nous vantions, à bon droit, d'être tous Françaison
France.Ceprivilège,l'aurions-nousperdu,ouvoudrions-
nousnousen dépouillernous-mCmea? Lespartisont !a
maniedo s'upurer c'est une opérationqui Jourréussit
rarement.Celaest autrementdangereuxpourun peuple.
S'épurer,c'est souvents'auaibHr que serait-ce,pourun pays,commelaFrance,a populationstagnante?2
tSTROnOCTtON. 27
Unenationn'est pasune Eglise ellen'a pas le droit
d'excommuniersesmembresou de chasserde sonsein
les hérétiques,au nom do je ne sais quel dogmeou
quelle orthodoxie.C'est pourtant là qu'en arrivent
nombre de nationalistes.Ils parlent, ils jugent, ils
réprouvent, !)s anathématisent,dans leurs réunions,
commedes Pères de t'Ëgtiscdans un concile.Ï)sont
pourmaxime a Horsdesnôtres,pasde Français,o Ils
tendentà créer,parminous,des catégoriesde suspects
qu'ilsdésignentau peuplecomme les auteursde tous
ses maux, et cela, sous !a formequiexcite!oplus les
colèrespopulaires,commeles instruments,avoués ou
secrets,dol'étranger.Et parmices traîtresà la so!dode
l'ennemi,ou parmi!ouracomp!!ces.beaucoupn'hésitent
pas à rangerleshommesau pouvoir,&commencerparte chefdol'Etat, et ils incitent le pays, chaquematin,
a~sodélivrerde cojoug humiliant.Par quels moyens?'1
par tousles moyeus,la plupart des nationalistesen
venant à faire appel &la force,&un coup d'État, a
l'insurrectiondo la rue, ou a la rébellion militaire.
Contra t'etranger, on cuct, ot contre les traUrcaà son
service,tout est légitime.Commentavoir desscrupulesdotegatito, quandil s'agitdorestituerà laFrancol'indd-
pendanceet t'honnour?
La premièrechose,t'oeuvrourgente,nousdit-on, est
do délivrerle paysdu syndicat de cosmopoliteset de
sans-patrioqui l'oppriment;colafait, on sauras'arran-
ger entre Français.Tel semble bien te mot d'ordre,
28 LES DOCTRINES DR HAINE.
sinonleprogramme,du gros des nationalistes,en cela
d'accordavecles antisémites.
L'Auairele leur a fourni, car le nationalismedoit
beaucoupà t'Anairo; s'il n'enn'est pas ne, it s'en est
nourriet ilen a vécu.Lescosmopolites,tessans-patrie,je ne dirai pas, avec les sceptiques,que c'est !à uneraceimaginaire,qui n'existeque danslesélucubrationsde cerveaux malades. Non, hélas1s'ils ne sont, en
Franco,qu'une infimeet turbulenteminorité,les sans-
patriene sontpasun mytheinventé,pourlesbesoinsdela cause,par le nationalisme.S'ilstbntsesauairea,c'est,comme il arrive souvent, sans te vouloirou sans le
comprendre,par ignoranceou par fanatisme.Les sans.
patrie,on m'excuserade to rappeler,nousnoussommes,
personnellement,heurtésà eux, plusd'une fois, duranttesdernièresannées, dans les réunionspubliquesquenoua avions organisées,mes amis et moi, pour la
jeunessedes éeotes. La, en plein quartier latin, sansdouteparceque nous avions mis le mot do patrie ent~todonotredevise nousavonssouventetô obstiné-
ment interrompuspar des cris do A bas la patrie1
auxquelsno sauraients'accoutumerdes oreillesfran-
çaises*.
1.Patr/p,ttctt~ ~yM, devisedu Coo))t6deDéfenseet dot'Mgr~socialD.
2.VoyezlesConférencesdu aComttedoDéfenseet doProgrèssoda! dont!ocompterendustenogfaphtquoa ctopoM)6par!a~t'/of/ne<oc<a~etreproduitpardesbrochuresdopropagande.
INTRODUCTION. 29
e~
Cesblasphèmescontre la patrie, mê!ésaux cris de
Vive l'Anarchied'q~ provenaient-ils? Ëtait-cede la
bouchededéputesou de sénateurs,d'hommesau pou-
voir ou de magistrats?Non, ils provenaientde petits
jeunesgens,souventimberbes,qui, en outrageantainsi
ce qu'ily a do plussacrépour les cœursfrançais,s'ima-
ginaient,dans leur cynisme ingénu, faire preuved'es-
prits libreset d'espritsforts.Si les nationalistesne s'en
prenaientqu'à ces insutteursde la patrie, anarchistes
ou collectivistes,nous serionsavec aux, et la France
entièremarcheraitderrièreeux. Maiss'il est, dans les
bas-fondsde nosgrandesvilles,deségarésqui fontpro.
fessionderenierlapatrie,est-ild'un patrioted'enentier,
mensongèrement,le nombre? do proclamer,devant
l'Europe,que la Francoest entre leursmains?Dotous
les crispoussésdans la rue ou dans lessallespubliques,
à uneépoqueoù lespartisvociféraient,si volontiers,des
outragesdo toute sorte,contre toutes choses et contre
toutesgens,insultantsans scrupulestoutes les institu-
tions et toutes les fonctions,commesi, pour nous, le
respectet le s~oir-vivroétaientdessuperstitionssuran-
nées, le cri de A basla patrie!o cri mêmede Abas
l'armée1 sontencoredes plus rares, do ceuxqui, par
bonheur,rencontrent!omoinsd'ccho.Doqueldroit,le.,
attribuer,gratuitement,Ades hommesqui souventne
les réprouventpas moinsque nous? ou, coqui revient
au mCmo,de quel droit, traiter do cosmopoliteset de
Mtns-patrieceuxqui sepermettentd'avoitd'autresidées
30 LES DOCThtNKS DB HAtNE.
que cou..sur le rôledot'Etat et sur la constitutiondes
pouvoirspublics?ou encore,ceuxqui ont une opiniondifférentedela nôtre sur un procèsmilitaire,ou sur un
procèspolitique?'l
Le sentimentde la patrie, grâceA Dieu,est encore
vivant, dans tous les rangs, dans toutes les classes.
L'Affaire,elle-même,nousena montrelessusceptibilitéset la vigueur.Lesentimentnationalrestesi vivacequ'iln'y a qu'a lui faireappel pour faire vibrer le paya. Lenationalismel'a compris,et do ta vient sa force. Pourrallier,derrièrelui,unegrandepartiedel'opinion,il n'aeu qu'a montrer le patriotismemis en dangerpar te
cosmopolitisme.Cela,certes,la plupartdesnationalistesl'ont faitdo bonnefoi mais il no faudrait pas qu'ensurexcitantle patriotisme,contreles soi-disant cosmo-
petites.ils eussentl'air do s'en fairoun instrumentdo
puissanceet, tranchonsta mot, une rcctamoctectorato.Lo patriotismen'est le monopo'od'aucun parti et,
destoraqu'il s'érigeen parti, !onationalismon'a pas tedroit de confondretous ses adversairessous to vaguenomdocosmopolites.
Loreprochadu cosmopolitisme,d'internatlonalismo,est de ceuxdont lespatriotesdoiventuser, avec to plusde scrupules il est mal dettni il pr~toa t'cquivoquoet, commel'accusationdo formerun État dans t'Ëtatil peut souvent60retourner cont~ tes imprudentsquis'en servent. C'estun desgriefs do t'antictericatismo,commec'est un des griefsdo t'nntis~mitismo.C'est uu
INTRODUCTION. 3i
de ceux que tes factionset les sectesse renvoientle
plus volontiers.Il a été lancé, tour à tour, contre les
partis les plus divers,contrepresque tous les groupes
religieuxou politiques,contre les juifs, contre les pro-
teatants, contre les catholiqueset les congrégations,contre les francs-maçonset contre les socialistes,si
bienquetousles hommesdont la foi religieuseou les
espérancessocialesdépassentles étroiteslimitesde la
patrie,tousceuxquiont descoreligionnairesau dehors
en seraientplusou moinsatteints.A ce compte,lama-
joritedesFrançaisseraientdescosmopolites.Il no fautpascependantque, aousprétextedo patrie.
ti:mo,onprétendenousclottrer,nousmurerà l'intérieur
donosfrontièresmutiiccs,nousinterdisanttouto com-
munion do croyances,d'idéesou de sentimentsavec
!o dehors. Co serait rétrécir l'horizon intellectuelet
moraldo la France, et rogner les ailes do notro génienationat,qui, do tout temps, a ptano, au loin, sur le
monde.Pour~ro Français,nous no sommespas coo-traints doaouaexcommuniernous.mcmeadot'itumanitcico serait, au contralro,une maniérod'ctMinudotesAl'idéal de la France. Toutoreligiona ses superstitionsqui la déparent;et Hen est do la religiondo la patriecomme do l'autre elio prend, citez certainsdo ses
d6vots,uno étroitessed'esprit, une sorte de Ligoteriuplus faite pour en dégoûterque pour h faira aimer.C'estuno des raisons pour lesquellesnoua entendons
parfoishtasphemer!a patrie, commed'autres b!a9p!)e-
32 LB8 DOCTRINES DE HAINE.
mentle nom de Dieu.S'ils veulentreleverle culte do
la patrie,il importeque les nationalistesse mettenten
gardecontrede telsexcès ou bien serait-ilvrai que,
pourle vulgaire, il ne puissey avoir de religionsans
superstitionou sansfanatisme?i
Lorsque,au lieude planerau-dessusdes luttes poli-
tiques,la religions'abaisseà s'y mêler, elle risquefort
de s'y amoindri!.Peut-êtreles apôtresdu nationalisme
oublient-ilstropce périt, quandils prétendentse cons-
tituer en parti. Les inquiétudesde notre patriotismenous interdisent de le taire, Il ne semblepasque,parsesméthodesdepolémique,oupar ses accointancesavec
l'antisémitismeet l'antiprotestantisme,le nationalisme
ait augmentéla cohésion,!a sécuritéou la considération
de la France.
Il n'est pas loinle tempsoù nousaimionsà entendre
dire que tout étranger a deuxpatries, la sienne et !a
Franco.Le nationalismenousle permettra-t-ilencore?
L'Affairelui a fournil'occasionde représenter!aFrance
commel'objet do la haine des peuples. C'est d nous-
mêmes, c'est à cette noble et généreuseFrance,à en
croirelesfeuillesnationalistes,qu'il faudrait appliquer
l'o~wM~eHe~Mhumanide l'historienromain.A l'heure
où nousconvoquionsle mondea notre Expositionuni-
verselle,était-cebien servir la dignitéou les intérêts
de la France? Dansl'ardeur de leur passion, trop de
nationalistesn'ont pas rougi de se faire, deséchecsde
notre politique, une arme de parti, si bien qu'ils ont
INTRODUCTION. 33
méritéqu'on les traitât d'exploiteursdes humiliations
nationales.Lelangagede ceuxqui se donnent comme
leurs chefs n'est pas fait pour nousrassurer nousle
voudrionsplusprudent mais, dans les affairesdu de-
hors,tout commedans lapolitiqueintérieure,ils taxent
la prudencede pusillanimité certainsnous auraient
poussésvolontiersauxaventuressur terre et sur mer à
la fois.Au lieud'enseignerau peuple le tact, le sang-
froid,la possessionde soi-même,qui seuls permettentauxnationsune politiquesuivieet féconde,ils encou-
ragent,tropsouvent,chezlui, cequi, tant de fois,nous
a été funeste,les illusionsdécevanteset les manifesta-
tionsvaines.Ontetrouvc,trop fréquemment,chezeux,
lesboulevardiersqui mettaientnaguèreleurpatriotismeà barrer l'entréedot'Opéraau cygnede Lohengrin.S'ils
ont préconisel'alliancerusse, ils en méconnaissaient,
hier encore,le caractèrepacifique,commeau tempsoù
M.Déroulède,parcourantla Russie,se flattaitde l'en-
tralner, à notre suite, dans une guerre de revanche.
Aveuglesà despérilspeut-êtreprochains,Usnesemblent
pasvoirquela Francone peuts'exposer,simultanément,à ladoubleinimitié do l'Allemagneet de l'Angleterre,et que, si elle veut tenir tête &l'une dans le monde,il
lui faut se concilierl'autre en Europe.Voilà,semble-
t-il, assezde raisonspourqu'unami de la liberté et de
la paixse défiedesplébiscitairesnationalistes.Si excel-
lentesque soientleurs intentions,la France,entre leurs
mains, ne serait pas plus en sûreté,au dehors qu'au
34 t.ES nOCTtUNBSDE HAtXE.
dedans. Leur politiquenous semble, à la fois, tropexclusiveet trop confusedans ses visées,tropsectaire
et trop révolutionnairedanssesprocédés,trop bigarréedanssonpersonnelet tropéquivoquedans sesalliances,
tropbrouillonneenûn, tropprovocanteet témérairevis-
à-vis de t'étranger, pour être l'instrument du relève-
mentnational.Anotregrand regret, il nousfauty voir
un dangerplutôtqu'uneespérance.JI a beauprétendrefortifierla Franceen en refaisant
l'unité, le nationalismeest plutôt,pournous, une me-
naceet une falblesse.La raison en est simple c'est
que, par ses violenceset par ses anathèmes,par ses
appelsaux préjugés et a la haine, le nationalismea
menti a son nom et à son programme,à tel pointque
j'oseraidireque, si lepatriotismenousunit, le nationa-
lismenousdivise.
tH
Commele nationalisme,et plusencoreque !onationa-
lisme, le socialismes'est fait, chez nous, un agent de
haine, en même temps qu'un instrumentdo division.
Loin de rougir de faire appel aux convoitiseset aux
appétitsdes foules, loin d'oser se dégagerdu grossiermaMriatiameéconomique,H persiste a exploiter les
rancuneset lesjalousiesdesmasses,et aveclapolitique
INTRODUCTION. 3S
de la luttedesclasses,il a élevé la haine à la hauteur
d'unprincipe.On pourrait dire du socialismequ'il a deuxfaces,
selonqu'il regardel'ouvrierou le patron, le prolétaireoule bourgeois.A l'un, il sedonnecommele représen-tant dol'amouret de la fraternité à l'autre, il apparattcomme la personnificationde l'envie et des haines
sociales.Ou,ce qui revientau même,on pourraitdire,dusocialismecontemporain,qu'il est né de la rencontre
de deux sentimentsopposés si son père est l'amour,la haineest samère. Il tient, inégalement,doces deux
parents,dontl'influencerivale lutte &-mscesse en lui ¡
si, dans son enfance, il paraissait plutôt s'inspirerdo sonpère, il tend, en grandissant,à prendresurtout
conseilde sa maro. Toujours est-il qu'en sa propa-gande,il montreplusde foi dans la forcede la haine
que danscettedot~unouret de la fraternité.Le socialisme,en outre, tend,lui aussi,à prendre
l'aspectet l'espritd'unesecte–et d'unesectequi dresse
desautels à la Haineet à la Terreur. Aussi, sans luifaire l'injure do le ravaler au niveaude l'antisémi-
tisme, sommcs-Musobligés do lui faire une place,a côté desdoctrinesde haine.
S'il n'est pasno dot'AQairo,6'itla dépasse,singuliè-
rement, par ses prétentionset par ses aspirations,!o
socialisme,lui aussi,s'en est nourriet ona vécu,durantdesmois.Il t'a exploitée,toutcommel'antisémitismeettout commele nationalisme,bien qu'en sens tnverse<
36 LES DOCThtHESDE HAINE.
Tandisque ce derniersedonnaitpourle seulreprésen-
tant del'idéede patrie, la socialismeaffectaitde sedire
le seuldéfenseurde l'idéedejustice,commesi cesdeux
grandeschoses,la Patrie et la Justice, pouvaientêtre
séparées,dansunpaystelque la France,ou commesi le
patriotismene se refusaitpasà tolérerun pareildivorce.
Pasplusque l'idéede patrie, l'idéede justicen'est le
monopoted'aucunparti. En vain,les socialistess'effor-
cent-ilsde l'accaparer,aux yeux de la jeunesseou aux
yeux des masses.Ce n'est pas que nous mettions en
douteleurbonnefoiou leur amourde la justice.Socia-
listesou nationalistes,nousne voulonssuspecterla sin-
ceriMde personne, fut-ce de nos adversaires.Nous
croyonsquec'estmal servir la Francequ6 dotraiterde
criminelsou de vendusceuxqui ne pensentpascomme
nous.Cequenous reprochonsaux socialistes,ce n'est
pas d'avoirsanscessesur leslèvres le mot de justice,
bienquecemot, nousnol'entendionspas toujoursdola
mêmefaçonqu'eux c'est de s'être faitales exploiteurs
da cetteidéedejustice,et de s'enêtre attribuélemono-
pote,commeles nationalistesontfaitdot'idéede patrie;
c'estd'avoirprétendu, eux aussi,convertirl'Affairequi
nousdivisaiten instrumentde parti, jusqu'àse présen-
ter u nous,commeles seulsdéfenseursdola République
et du Droit.Prétentioninadmissible,pour les Français
quiont encoresoucide la libertéet de la prospéritéde
la France.Car,alorsmêmequeles socialistesseseraient
montrés,ce que lesfaitsne nouspermettentpasde leur
tf<Th06CCTtON. 3t
3
concéder,lesseulschampionsdu Droitet de la Justice,
cela ne prouveraitpas la véritédu socialisme,ni lebien
fondéde sesthèsessur l'Etat, sur la famille,sur l'héri-
tage, sur la propriété. Ces grandes questionssociales
n'ont rienà démêleravec le procèsde Rennes.Ellesne
sauraient se trancher par des sympathiesou par des
antipathies.Lessocialistesont beause draper,devantle
pays,dansle manteaude la justice,leursdoctrinesn'en
sont ni pluscertainesni moinsdangereuses.
C'est là une vérité qu'il importe de rappeler, car
beaucoup,autour de nous, semblenten traindola mé-
connattre.JIs'établit,au profitdu socialisme,uneconfu-
sionentresesvaguesaspirationsvers la justice et ses
théorieséconomiqueset politiques.C'est là, en grande
partie, ce qui fait sa force. D'où provient, en effet,
soyonsjusteenverslui, son ascendantsur les masseset
sur tantde noblesesprits?Est-ce,uniquement,de l'ap-
pelauxappétits,à la faim,a l'envie, a la haine? Non,
assurément sa forcegrandissantevient de ce que, au
lieu des'adressertoujoursaux instinctsvilset violents,
il invoque,en mêmetemps,avecune éloquencereten-
tissante,lesidéesgénéreuses,leshautesaspirations,tropsouventoubliéesou railléesde notreâge matérialiste,
ces idées, d'origine chrétienne,qui sont l'honneur de
notrecivilisation,et qui, en dépitde toutesles réclames
sacrilèges,gardent toujours une prise sur les Ames
jeunes,commesur l'âmepopulaire,les idéesdejustice,de fraternité,de solidaritéentreles hommpset entre les
38 LES DOCTRINES PE HA!KE.
nations.Le socialismea su se fairelàdebelleset nobles
patronnes,et l'on comprendqu'ellesvalent des prosé-
lytesà ceuxqui seprésententen leur nom.C'est,en un
mot, qu'à l'inversedes politiquesterreà terre, unique-mentpréoccupésdesintérêts,le socialismeapporteaax
peuplesun idéal, si bienqu'on a pu le donner comme
uo signede la renaissancede l'idéalisme,quoique,pard'autrescôtés,on y puisseretrouverle produitdu ma-
térialismephilosophiquedu siècleet du grossierposi-tivismedes foules.
C'est,en tout cas,grâce a cette invocationà l'idéal,
moduléeen de mélodieusesvariations par d'habiles
virtuoses,commeun appel d'on haut à la porte d'un
nouvelËden,que le socialisme,tel qu'un Orphéepopu-
laire à la lyre enchanteresse,suscite tant de jeunes
enthousiasmeset entraîne,derrière lui, tant de braves
coeure,en dehors même des massesqui attendent,de
lui, le pouvoiret lebien-être.Je lui pardonneraisbeau-
coup,quant&moi, sane,pour cela,croiredavantageà
sesdogmes,si ses adeptesétaienttoujoursfidèlesà ce
haut idéal a'itarestaient,jusquedans leurs chimères,
les chevaliersde la Justice et les missionnairesde la
Fraternité a'ila combattaient,avant tout, pour guérir
l'âmeou le corpsdu peuplede aesmaladiesmoralesou
de sestaresphysiques,pour libérersa consciencede la
servitudedesvicesdégradants;ai, pareilsaux premiera
chrétiens,aveclesquelsilsne dédaignentpasde se lais-
ser comparer,ilsapportaient,vraiment,à notre monde
tNTRODDCTtON. 39
plus vieux et peut-être aussi malade que le monde
romain,un évangilede paixet d'amour.
Maisest-cebien ce que font, en vérité, dans leurs
épïtresà leurs frères, ou dans !a solennité de leurs
concilesnationauxou internationaux, les apôtres de
cettenouvellereligionquiprétend,à sontour, transfor-
mer!a facedu monde? Commed'autres évangéiistes,dontl'humanitéavaitbéni la venue,ne sont-ilspas, eux
aussi,inuddesà leur idéalet, sousle couvertdel'amour
fraternel,n'est-ce pas l'envie, !a rancune et la haine
qu'ilsvont, d'habitude,prêchantaux foulesrassemMées
autourd'eux?La guerredoclassesnodemeure-t-ellepas!ederniermot de leur catéchisme? Les pères de leur
Église ne i'ont-iis pas proclaméedans leurs derniers
synodes?Poursentir ceque fait, de la doctrinede fra-
ternité, ledogmede la guerre de classes,il n'y a qu'àlaisserles socialistesentonneren chœurleurschantsdefête.Nouslesavonsentendues,ces hymnesde !'Eg!ise
nouvelle,la Carmagnole,le Ça ira, avec les J?ou~eoMon~~eMdra/ 1Voilàles psaumeset lescantiquesde la
liturgiesocialiste voilàcomments'exprime,à !a an deleurs agapes fraternelles,l'idéalismehumanitaire des
nouveauxprophètes.Après cela, commentse scanda-
liser,a'it est encorede bonnesAmesqui, à ces refrains
révolutionnaires,préfèrent a !a vieille chansono et
l'antiqueactede charitéde la foiancienne?Le socialismea la légitimeambitionde devenirun
grandparti, et à mesurer le nombrede ses adhérents,
40 LES DOCTRINES DE HAINE.
le zèlede ses prosélyteset l'intelligencede ses chefs,il
y est déjàparvenu que ne se dégage-t-ildesgrossiè-retésde la rue et desgamineriesd'estaminet?Lesocia-
lismeprétendse montrerun parti de gouvernement,et
l'on ne peutplusledéuerd'y réussir,puisqueplusieursde seschefa sontentrés au ministère,et que legroupesocialistes'est montré, à la Chambre,le plus ferme
appui~duCabinetWaldeck-Rousseau.Dèslors,pourquoin'abandonne-t-ilpas, au Palais-Bourbon,les vociféra-
tionsindécenteset les méthodestapageusesdea oppo-sitions sans force numériqueou sans autoritémorale,
qui n'attendent rien que du vacarmeet du scandale?
Pourquoin'a-t-il pas le couragede rompre avec les
violenceset avectesviolents,et n'ose-t-ilpointrépudierla sauvagepropagandeet les barbares attentats des
sectairesde l'anarchie? Le socialisme,enfin, compte,
aujourd'hui,danssesrangsun grandnombrea d'intel-
lectuelsc issus de la bourgeoisie il accueille,à bras
ouverts, tous les jeunes gens qui viennentà lui, des
bancsde l'Universitéou des hautesécoles; par que!tecontradictions'opiniutre*t-Hà fairedola luttedoclasses
la pierre angulaire de son programmeet de sa poli-
tique? Serait-ceque,dans tous les partis, la direction
doit rester aux violents,et que, do touslesappelsaux
sentimentshumains, l'appel à la hainoest encore le
mieuxcompris?q
Laguerre de classesreste le motd'ordredessocia-
listes. La transformationsociale qu'ils nous promet-
INTRODUCTION. 4i
tent, ila persistent à la chercher,non dans la conci-
liation des droitset dans l'uniondes cœurs,maisdans
l'antagonismedu patronet de l'ouvrieret dans le choc
des intérêts.LaJérusalemde leurssonges,leur future
citéfraternelle,ilsen confientl'érectionAla haine. S'Us
protestentcontrele militarisme,s'ils nouainvitentà la
paix et a l'amourentre les peuples,c'estpourenrégi-
menter,les uns contre les autres, les citoyens d'un
mômepays. Aux rivantes nationales,aux conflitsde
peuple à peuple, à tout to moins intermittents, ils
menacentde substitueruneguerreintestine,de tousles
jours,entre Français.Cesferventsapôtresde l'humaine
solidaritéen viennent,commetesantisémites,a pocherla divisionet laguerre.A la dévotionenvers la patrie,Ala solidariténationale,nombred'entreeuxprétendentsubstituerun nouvel esprit do ctassoou do caste,ce
qu'ils appellentla solidaritéouvrièreou la solidarité
prolétarienneinternationalo.Or, qui peut dire que ce
serait là un progrès? L'espritdo caste ou do classe,
qu'il soitreprésentepar le noble,par le bourgeois,par
l'ouvrier, est étroit et égoïste il tend à faireprédo-miner tes intérêtsd'une fractiondo la sociétésur les
intérêts généraux du pays; il est fatalementborné,
exclusif,tyrannique; it aboutit,partout, à la haine et
auxconflits.Tandis que le patriotismeest un principed'union, la hainede classesest un principede division.
Tandisque l'amourde la patrie est un lienentre tous
les habitantsd'un mêmesol, ta jalousiede classe est
42 LES DOCTHtKBh Ï)E HAINE.
unecaused'egoïsmeet dodesunion.Par eue, la France
et l'humanité seraientcoupéesen coucheshostiles,en
tranchesennemieset irréconciliables.
Commeles antisémites,les socialistesfont, euxaussi,
des catégoriesentre Français, s'efforçantde constituer
ceuxqu'ils appellent les travailleursen caste fermée,excluant do leur France socialiste des milliers de
Français,non plussousprétextede religionou derace,
mais,cequino vautpas mieux,sous prétextedoctasso
ou de profession;rangeantleshommesen deuxcamps,selon la coupe de leurs habits ou la forme de leur
chapeau réclamant,pour les travailleursmanuels,le
monopoledu pouvoir écartant,sauf d'inconséquentes
exceptions,comme amis ou suppôts du bourgeois
déteste,tousceux qui n'ont pas la main caHeuse,sans
paraîtres'apercevoirque, aveclesbourgeois,ilsexcom-
munientla plupartdesFrançaisquiont fait !a gloireet
la forcedo!aFrance.
Certes,le plusgrandnombre de nos socialistessont
dobonnefoi(endehors,au moins,do ceuxqui se pro-c!amontinternationalistes),torsqu'iisrepoussent,comme
uneinjure imméritée,le nomde sans-patrie maiss'ils
demeurentdespatriotes,ou s'ils se persuadentqu'ils le
sont,la plupartd'entreeux méconnaissentlesconditious
d'existencedes nations modernes. Emportes par la
logiquede leur principe,ou aveugléspar les miragesdo
icura chimères,i!s ne volent pas que l'Europereste,hélas1 uncampoutes forts seulsont le droitde vivre.
tNTRODUCTtON. 43
CommeIlsforment un parti do classeou de caste,ils
sontenclinsà subordonnert'intêrct nationalaux ioté-
retsdeclasse.Lesocialismese vante d'avoir pris, dans
!o cœurdu peuple,la place de la religion,mais cette
religionsocialequi, elle aussi,a ses fanatiques,il ne
craint pas d'en mettre lesdogmesou les superstitions
au-dessusde l'idéedo patrie.Par ta, qu'il en ait con-
scienceou non, il tend Aamoindrirou a detbrmerle
sentimentnational,justifiant,a son insu, les reprochesdes nationalisteset des antisémites.U ne se fait pas
scrupule,en sescongesannuels,d'éleverdrapeaucontre
drapeau,commesi, au nobtoétendardde la France,it
préféraitla rougobannièredu prolétariatinternational.
JI ne craint pasdo froisserles légitimessusceptibilités
du sentimentpatriotique,et, chaque foisquotaTsarest
venufairevisiteà laRépublique,lessocialistesn'ont pas
rougidodeverserleursoutragessur les hôtesdeJaFranco,
au risquede lui rondretoute allianceet toute politique
étrangèreimpossibles.Ils n'ont pas cessédo montrer
leur peudosoucido la puissancefrançaise,ne semblant
mCmopointcomprendrequo,pourotrolibre,une démo-
cratiemodernea besoind'être forte.Bienplus, dans sa
bâtedos'emparerdupouvoir,auprofitdocequ'ilappellelequatrièmeÉtat,lesocialismes'attaque,simultanément,à touteslesinstitutionsqui ont fait la forcede laFrance,
commea'it nopouvaitrégnerquesur desruines.
L'armée,la forcenationaleorganisée,l'arméedemeu-
rée, malgré tout, le rempart de notre indépendance,
41 LES UOCTR!NR8 DE HAINE.
sembledevenuel'ennemiede nossocialistes,commesi
l'ère de la paix universelles'était, déjà, levée sur le
monde.On l'a bien vu, durant l'Affaire.Si, après des
hésitationsdont ilsn'ont pu euacertoutes les traces,le
gros des socialistess'est jeté du côtéopposéà l'État-
major,celan'a pointtoujoursété par pur amourde la
véritéet de la justice.C'est qu'ils ont vu là un moyende déconsidérert'arméeet de discréditerl'esprit miti-
taire, imputant, audacieusement,à tous les chefs, la
fautede quelquesuns, appliquant,euxaussi,à l'armée,
nonpour lajustiSer,maispour la condamner,t'iniquothéoriedu bloc.Socialismesemble,ainsi,devenusyno-
nymed'antimilitarismeet si manifestea été la passioncontrel'arméedes feuillescollectivistesqu'elle a singu-tt~rementaffaiblila portéede teuMplus éloquentsplai-
doyersen faveurdo la justice,i'ar lesexcèsmêmesdo
sa polémique,par ses grossièresinjuresa toutce qui
porte l'épaulette,par son odieuse propagandeautour
des casernes,te socialismea pousséauxexcès,en sens
inverse,des nationalisteset des antisémites.n a été,
matgrôlui, un desprincipauxfauteursdu nationalisme,car il a révoltel'instinctnationatqui sent,confusément,
que, dansl'Europedola TripleAlliance,la France ne
Muraitse passerd'unearmée,et qu'il n'estpasd'armée
sacsdisciplineet sansespritmilitaire.
Cettevérité,le socialismes'obstine&la méconnattrc,
et quand son principel'y contraindrait, nous ne sau-
rions le lui pardonner. Certes,bien des chosesnoua
INTRODDCTIO N 4tt
3.
séparentde lui; nousne pouvonsaccepterni ses uto-
pies,ni sessophismes,ni ses déclamations,ni sesvio-
lences;ilnenousestpaspermisdetolérerles équivoquesde sa propagande,et nousdevonsdémasquerle double
visagesouslequelii seprésentetourà tourauxouvriers
et aux paysans.Nousne saurions, surtout, lui passerd'envenimerles souffrancesdu peupleet d'aigrir t'amo
populaireen y versant,chaquejour, tes rancuneset la
haine. Mais,quand il ne nous aurait pas montré sou
dédaindes libertésindividuelleset sonpeudesoucides
droits de la conscience"t de la famille;quand il ne
mettraiten péril ni la propriétéprivée, ni la richesse
publique,et qu'il ne nous menaceraitpas d'un appau-vrissementuniverseldont les petits et les humblesse-
raient les premièresvictimes; quand nous n'aurions,contre lui, ni griefs économiques,ni griefs moraux,nousaurionstoujoursà défendre,contre!o socialisme,aveclapaixsocfaloet lacohésionde lapatrie,tesorganesessentielsdata puissancefrançaise;et cela seul nous
forerait à to regardorcommeun dangerpour la gran-deuret pour t'indcpcndancomémode la France.
!V
JI est un autre parti, ou si l'on aimemieux,une autre
doctrine,qui s'allie souvent au socialismeet qui, aux
espritslibres,inspireplus do répugnanceencore, parti
46 LES ROCTBÏNE6DE HAINE.
tout négatif,fait de préjugésinvétérés,d'autoritarisme
jacobin et de haines sectaires,le tout recouvertd'un
menteurvernisde libéralismeet paréd'une pêdantesquo
défroquescientifique.Onsentque nous voulonsparler
de l'anticléricalisme.
S'il n'avaitd'autre but que de défendre,contre des
prétentionssurannées,la souverainetéde t'Etat et l'in-
dépendancedela sociétécivile,nous M serionspasdes
derniersà combattre,avec lui, les adversairesattardés
de !a libertépolitiqueou de la libertéde penser.Mals,à
cela, ne se bornentpas, aujourd'hui,chezla plupartdo
sesadeptes,les effortsde l'anticléricalisme.Pour la plu-
part d'entre eux, (ccléricals est devenusynonymedo
catholique;tout hommeSdoloà la vieilleËgtiseest un
adversairesecretou déc)aré,qui doit être tenuen sus-
picion,et qui mérited'êtreécartéde toutefonctionpu-
blique.Au lieu d'un instrumentd'émancipation,l'an-
tlcléricallsmes'estainsimontréun agent de discordeet
d'oppression.Bienplus,!'antic!ér!eaUsme,cheznombre
de ses fervents,emporte,à son tour, par un ze!efana-
tique,en vientd s'attaquer,pardelàleclergéet par de)&
l'Église,à tout vestigede l'idéechrétienne,à toutetrace
du sentimentreligieux, à la notion mémo de Dieu,
commeà de périlleuseset d'immoraiessuperstitions,
que l'Étatdoit a'enbrcerde déraciner.L'anticléricalisme
finitainsipardevenirunesortedectérica)ismeretourné,
animd, lui aussi, d'un esprit de secte, intolérant des
croyancesd'autrui et jaloux, Il son tour, d'employer
t\TRODOCTtON. 47
contre elles l'autoritépubliqueet l'ascendantdu pou-
voir.Cetantictéricatismesectaire,inudetoaux idéesde
tolérance dont il prétend se couvrir, les libéraux,
demeurés respectueuxde la libertéet de la conscience
d'autrui, sont contraintsde le repousser,parce qu'aulieu d'un défenseurde la liberté de penser,forceleur
est dovoir, en lui, un adversairede la libertéreHgieuM
et un agentde haine et de discorde.
S'il ne formepas,à proprementparler,un parti, l'an-
tictérica)!smcest rame ou le principedu radicalisme.U
est le lien habituel do la concentrationrépublicaine,lienfait d'antipathieset d'inimitiéscommunes,plutôt
quede communesconvictions.Opportunistes,radicaux,
socialistescommunientdans la haine dola soutane et
dans l'offrolde la cornettedessoeurs.
Cetantictorteatismo,prétentieuxet vulgaireà h fois,
armefavoritedes poUtieiensdans t'embarras, de aa!fe
adeptesnousledonnentcommel'émancipateurprochainde l'intelligencefrançaiseet le fondateurde la liberté
future,commele seulou le meilleurgarant do t'untte
nationale.Cespromesses,lesfaitset les actesnousont
montrécequ'ellesvalent.A !ovoir à la besogne,l'anti-
cléricalismemilitant ne procèdeguère autrement que
l'antisémitisme,si bienqu'onpeut dire que, à biendes
égards, ils ne sont que la contrep.u'tio et commele
pendant l'un de t'autre. Tous deux ont volontiersre-
couraaux mêmesméthodesde propagandeou de polé-
mique,ne craignantpasde faireappelaux préjugéset
48 LES DOCTRINES DE BA!NB.
aux passionsdes foules,ne reculantpasdevantlesinsi-
nuations calomnieuseset les légendesmensongères;
grossissant,démesurément,la forceou la fortuned'ad-
versaires,réelsouimaginaires;neréclamantrienmoins,contreeux, que la confiscationet la proM'nption.Avec
les mêmes terreurs enfantinesou simutées, ils cher-
chent,l'un et l'autre, aux événementsdescausesoccul-
tes, signalantpartout la main de spectresmystérieux,l'un découvrantpartout le colblanc du jésuite,comme
l'autre aperçoit partout l'or du juif. Ainsi que l'anti-
sémite, l'anticléricalprétend libérerle sot françaisde
la dominationétrangèreet rétablir,parmi nous, l'unité
morale de la nation; et tout comme l'antisémite,il
commencepar établir des catégoriesentre Français,
il ne liefaitpasscrupulede couper en deuxla France,
déchirant, de sesmains,cetteuniténationalequ'ilpré-tend resserrer.Demême,Fantictéricaiismenousprometd'établir, à jamais, le r~-gnede la liberté et, pour en
préparer les fondements,il a Mte de supprimer la
libertéd'enseignementet la libertéd'association. noua
annoncela paix,religieusepar la neutraUtëde t'~at,
et, sousprétexte'établir la paix,it nousprécipitedans
les quereUesconf~Mionneues.
Pourquoicescontradictionsentre les doctrineset les
actes?C'estque, pour les plus ardents de ses adeptes,l'anticléricalismen'est qu'un instrument de règne, à
moinsqu'il ne soitune façonde secte.L'antic!ërica!,en
effet,n'est souventqu'un ctéricatà rebours,dont le xeto
INTRODUCTION. 49
iconoclasteprétendrenverser,de leursautelsbradants,
Dieuet le Christ,pour y placerla Raisonet l'Humanité.
En sesrévoltescontrela vieillefoi, il apporteune into-
lérancetranchanteet un prosélytismearrogant,dogma-tisantavechauteur commesi, du portiquedes templesde la Science,il parlaitvraimentau nom de la Raison
infaillible.
Cetanticléricalismesectaire,comments'étonnerqu'il
apporte,partout,en politique,l'esprit de secte, se ren-
dant trop souventcoupablede ce qu'il reprocheamè-
rement aux cléricaux?11no craint pas de mettre les
intérêtsde la libre pensée,ce qu'il appelle les intérêts
dela Raisonetde la Sciencelaïques,au-dessusdes inté-
rêts nationaux,tl no lui répugnepointde se faire,à cet
égard,le complicede nosadversairesou de nosrivaux,
pour peuqu'il ait chancede faire pièce à une soutane
ou &un tricorne. Ne l'entendons-nouspas, chaque
année,réclamer,avecune ignoranteinfatuation,le re-
trait do notre ambassadeauprès du Vatican, l'abandon
de notreprotectoratreligieux,la dispersiondesCongré-
gationset desMissions,la fermeturede leurs écoleset
de leurs noviciats?Peu lui importe qu'en Orient, en
Asie, en Afrique,dans le mondeentier, les mission-
naireset lesreligieuxdetouterobesoientlesprincipauxet souventlesseulspropagateursde la langueet de l'in-
fluencefrançaisest Sa hainede i'ËgUseestplusfortequesonamourde la France.En facedes intérêtsde la laïci-
sation,qu'importe,à l'anticlérical le rôle de la Franco
?0 LES nOCTRtNES DR HAINE.
dans!emonde?Son unique souci est le triomphe du
dogmenouveauet la ruinede i'Ëgiiso.Cetanticiérie~iismehaineux,hontodes esprits vrai-
ment libres,était en baisse,il y a quelquesannées;à
l'honneurde la Franceet de la République,il paraissaitvieiUi,démodé,suranné.LalargepolitiquedeLéonXtU
semblaitlui avoir en!ev&ses forces,sinon savirulence.
Comment8'est.iitoutà coupranimé,plusmenaçantque
jamais?Commentl'intelligenteinitiativedu grandpapen'a-t-ei)epas produitdes effetsplus abondantset plusdurables?C'est,ii faut bien le dire, que i'antiderica-
lismes'est retrempe,lui aussi,dans l'Affaire.11a prisprétextedes violencesde quelques feuillessoi-disant
religieuseset desemportementsd'un antisémitismesoi-
disantcatholique,pour identifierleciergeaveclesigno.miniesdel'antisémitismeet pourexiger,contrelescon-
grpgaticosat contre t'Ëgiiso,des mesuresdo défense
nationa!e,an~oguesAceiiparéclamées,par les antisé-
mite, contre les juifs et contre la Synagogue.C'estenv'Jn que,dans toute la procédurede !'AOairo,tt a étémalaiséde surprendrel'ingérencedu clergé;ona accusé:es Pèresd'avoirtout conduitdans l'ombro.Cc!aest de
traditioa, pour l'anticlérical.Des espritssoupçonneux,t~)utp!einsdesvieilleslégendessur a laCongrégation0,ont découvert,dans les Incidentsde t'AfTaire,le doigtir)Visib!edesjésuites.Car,il fautbienle répéter,¬re
confusion,antic!ericairaisonnotoutcommel'antisemito;ii voit, lui aussi,partout,des influencesocculteset dos
tNTRODOCTÎON. e 61 ·
moteurssecrets.Ladifférenceest quel'un attribuetout
au génie corrupteurd'Israël, tandis que l'autre rejettetout sur l'esprit d'intrigueet de dominationde Loyola.A les en croire, le juif et le jésuite seraientles deux
grands acteurs,ou mieux les secretsprotagonistesdu
granddramede l'histoire,dontils fontmouvoirtous les
ressorts.Ils sont,en tout cas, les deuxboucaémissaires
donos contemporains;c'eat, sur leurs têtes que, avec
des malédictionspresque identiques, le vulgaire fait
retombertoutes les honteset tous les malheurs de la
Franco.C'est que i'antijuif et i'antijësuitesont deux
visionnaires,égalementatteintsd'unemonomaniesoup-
çonneuse,analogueà la foliedespersécutions,qui leur
faitvoirpartoutun ennemisecretet omnipotent,contre
lequelleur délire furieuxsomme,impérieusement,la
Francede se mettre en garde. Et, naturellement,c'est
pardes mesuresde proscriptionet par des loisd'excep-tionquel'un et l'autre decesbaiiucinesprétendentpro-
tégerlepaya.
Aotijuifetantijésuite,cesdeuxmaniaquess'exaltent,
réciproquement,par leursdivagationset par leurs mu-
tuellesextravagances.C'estainsi que i'antisemiUsmaa
unegrandepart dans la recrudescencede t'antic!ërica-
Ustne.Onsedemande,avectristesse,comment!a poli-
tiqueconciliatricede LéonXIHet lesavancesdu papeà
la Républiquen'ontpasmieuxassuréla paixreligieuse.La faute n'en est pas, uniquement,aux préjugeaou &
l'intolérancede nos mouemesjacubius,ou au méfiant
B2 LES BOCTRtNES DE HAtNE.
scepticismede nos gouvernants;la fauteen est, non
moins,aux inquiétudeset aux colèresprovoquéespar la
fanatiquecroisadedesantisémites.L'épiscopatet lehaut
clergéont eu beaus'en tenir prudemmentà l'écart,on
a exploitéleursilencepour les en rendre solidaires.La
prétentiou,presqueavouée,desantisémitesou desanti-
protestants,de faire,au seuil du xxesiècle, de t'unité
religieuse,le signeet la conditionde l'unité nationale.
s'est retournéecontrelescatholiques.L'uniténationale,l'unité moralede la nation, que de témérairesamis
rêvaientde refaireau profitde l'Église,sesadversaires
ontprétondula faire,contre elle, au profitde la libre
penséeet dessociétésanticléricales.C'est qu'on ne re-
mue pas impunément,dansun paystroublécommele
nôtre,lesvieuxfanatismeset leshainesconfessionnelles.
L'intoléranceinvite à t'intotéraneeet, comme nous
l'avonsmontre,dès longtemps l'antisémitismeet l'an-
ticléricalismetendent à se susciteret à se renforcer,
réciproquement.Ils sont, à cet égard, le produit aussi
bienque le pendantl'un de l'autre. Si nous avonsvu
reprendro,avec une animositénouvelle, la campagneanciennecontreles congrégations,contrela libertéd'as-
sociationet la libertéd'enseignement,lesdéclamations
de l'antisémitismen'y ontguèremoins de part que les
hainessectaireset les passionsdes jacobins. En récla-
mant, chaquejour, des loisd'exceptionou desmesures
1.VoyM~raMc~e<<Mn<tt<o~(CaintannMvy).
INTRODUCTION. 53
de proscriptioncontre les juifs, l'antisémitismesuggé-
rait, follement,des loisd'exceptioncontre d'autres quelesjuifs.Cequ'un peuple retient, le plus aisément,des
loisd'exception,c'en est le principe, et ce principese
retournevite contrequi l'invoque.Libertéd'enseigne-ment ou liberté d'association, que revendiquent les
catholiquesfrançais?Usrevendiquentle droit commun.
Or, commentleurs justes revendicationsne seraient-
ellespasaffaiblies,lorsque,à côté d'eux et à l'ombre
mêmede la Croix, de prétenduscatholiquesne crai-
gnentpasde refuserà autrui le bénéficedu droit com-
mun? Aux yeux des non catholiques,dissidentsou
librespenseurs,aux yeux même de nombre d'indiue-
rents, les retentissantespolémiquesdes antisémitesont
discréditéles plusjustesdoléancesdes catholiques;car
on est toujoursmalvenud'exigerpour soi des libertés
qu'onsembledénierà autrui.
Maisquand les violencesdes antisémitesexplique-raientla recrudescencede l'anticléricalisme,irons-nous
dire qu'elles la justifient? Quandon les présenteraitcommeune réponseaux provocationsdes antisémites,les lois contre tes associationsou contre tes écoles
catholiquesen seraient-elles,Ilnosyeux,pluslibérales?
Qui ne sent que ce serait !a le pire des sophismes?Est-cedoncpar l'intolérancequ'onguéritt'intotérance?
Et quand les libéraux reprochentaux antisémitesde
réclamerdes lois d'exceptioncontre la Synagogueet
contrelescirconcis,commentpourraient-ilspardonner
S< LES DOCTRINES DR HAtXR.8-
aux hommes qui veulent édicter des lois analoguescontrei'Egiiseet contreles élèves des jésuites? Est-ce
que,pours'enprendreà deschreHens,voireà des reli-
gieuxen froc blancou noir, l'intoléranceseraitmoins
coupable?ou la libertéet l'égalitédes droits, que nous
nous faisonsun devoirdo revendiquerpour les mino-
ritésreligieuses,jugerons-nouséquitabledo lesrefuser
au clergé do la majorité?Qui no voit que ceseraitlà,
précisément,justifier les doléanceset les accusationsdesantisémitesou des antiprotestants,leur fournir de
dangereuxgriefs et des armes nouvellescontre tes
républicainset contrela Républiquoette-meme?Parce
que les antisémitesveulent interdire toute fonction
publiqueaux disciplesdes rabbins, est-ce une raisond'en fermerl'accèsauxélèvesdescongrégations?2
Pourcombattrotes loisd'exception,nous no voulons
pas,quant à nous, regarderceux qu'eHesfrappent.Ce
que nous dénions aux antisémites,aussi bien qu'auxsocialistes,le droit do faire descatégoriesentreFran-
çais, de er~er, parmi nou! au-dp~ous d'une classe
privilégiée,une caste do parias, par quel méprisdes
principea.pourrions-nousle concéderauxhainesantield-
ricaies?Et ce quel'espritdoliberténesauraittolérer,dela part deceuxqui se réclamentde t'integritédola race
française,commentlepermettrait-ilauxjacobinsqui secouvrentdol'unitémoraledo la nation?car, antisémitesou anticléricaux,c'esttoujoursau nom do l'uniténatio-naleque les passionssectairesou lesfactionspolitiques
INTRODUCTION. 88
prétendent couper la France en camps ennemis, et
enlever}tleursadversairesles droitsde Français.
L'égalitéde droits,pour tous les Français,sans dis-
tinction de confessionou d'origine, de classe ou de
parti.telleest la seulerèg)equi puissegarantirlaliberté
et rendre la paixà la France.Cettevérité, il est dur
d'être contraint do la rappelerà l'aube du xx"siècle.
N'endéplaiseaux sectairesde droiteou de gaucho,ce
n'est point par des mesuresde proscriptionou par des
loisd'exception,contretelleou telle catégoriede Fran-
çais, qu'on assurerala paix du pays et l'unité de ln
nation.L'uniténationale,ce sont lesviolencesdes fac-
tions et l'intolérancedessectesqui !amettenten péril.L'unlt6nationale, &l'époqueactuelle, on no peut la
chercherni dansl'unité do race ou d'origine,ni dans
i'unifurmitëreligieuse,ni dans le monopoledo l'ensei-
gnement.Sousquelquesformesqu'ellesse manifestent,
et do quelquessophismesqu'elless'appuient,depareilles
prétentions,dansun pays commela Francocontempo-
raine, ne sontqu'un archaïsmesurannéou un pcriiieux
anachronisme.L'unitënationale, la Francomoderneno
peut la trouver que dans !a liberté religieuseet dans
i'~gaiit~devant la loi, dans le respectdes droits de
tous et do chacun,dans une largetolérancemutuelle,
qui inspire,à tousles Français,un égalamourpour la
communepatrie.Au lieu d'un instrumentde division
et dohaine,le patriotismedoitresterun liendeconcorde
et de fraternité,faitpour rapprochertous lesenfantsde
56 LRS DO~RtNES DE HAINE.
la France,dans un mêmesentiment,leniiatamour de
fils de la même mère, qui se sentent tous également
aimés d'elle et également à l'aise chez elle, qui, lui
devant la même liberté et les mêmesdroits, peuventtous avoir, poureUe,la même tendresseet le mOme
dévouement.
Opposera l'antisémitismeou à l'antiprotestantisme,à
l'anticléricalisme,au socialismequi prêchent la haine,
voireauxexcèsd'un nationalismequi nous divise, le
patriotismequi nousunit; lutter,partout,contrel'espritde secteet l'esprit d'intolérance,contre la manio do
l'exclusivismeet la fureur des proscriptions,tel me
semble,à l'heure actuelle,!opremierdevoirdes Fran-
çais que n'aveuglentpas les préjugésou la passion.
Assurément,ce n'est pas le seul mais, c'est le plus
urgent; devantlui, touteslesautresquestionset toutes
feaquerellespolitiquessemblentsecondaires.Travailler
à la pacificationreligieuse,en mémotempsqu'a la pa-cificationsociale,aiderau rapprochementdeshommes,
commeau rapprochementdesclasses,c'estencore,au-
jourd'hui,la meilleure,sinonl'uniquemanièredosauver
la tibertoet d'assurer,par la solidariténationato,i'unitc
et la grandeurde la France.
CHAPITRE PHËMtER
LESTRO!SHAKTtB ra
~n<M~nt<M'f)c,~n<<pyo<M<an<'omp,~<)<)'c/prtcafMmp.
Ressemblanceet parente de l'antisémitisme, do rantiprotestan-ti~mcet do t'antietcricntisme.– i. Commenton retrome, chez
tous les trois, des passions et des raisonnements analogues.
Commentfis se présentent, tous les trois, sousles mêmesaspectset (née des griefssemblables. j!. Le grief religieux t'intote-
r;)nce. Legrief national la dénationalisation la tendance à
enchatner l'idée religieueeà l'idée de race. Legrief politique:t'nMusationde former un État dans l'Ëtat !o cosmopolitisme
religieux. – Lo grief économiqueou social < ttB sont trop
riches; Ils monopolisentta fortuneet les emploisc. – )H. Com-
ment les griefs des trois antt 6Cdiscréditent les uns tes
antres. –Pourquoi cesont, également,des doctrinesimmorales
et antisociales. Comment,d'après eux, !o principe do nos
mauxnoserait pas en nous. Commentles trois a anti e s'en-
gendrent et se fortifientmutuellement.
MaastEURa,
Une des choses les plus attristantes de ce triste temps,
c est la diffusion parmi nous de ce que, faute d'autres
tennea, j'appe!!o les doctrines de haine antisémitisme,
58 LES DOCTRtSBS DE IIAINB.
antiprotestantisme,anticléricalisme.Ceshaineusesdoc-
trines, nourriesde tout le Ce)do l'esprit de secte, les
patrioteset tesamisdo la liberté doivent les réprouver
également.Rétrogradesou révolutionnaires,les fana-
tiquesquivont tesprêchantaux massesne méconnais-
sent pas seulementles droits de la liberté ils sont en
traindocorrompret'âmefrançaise,et,sinousleslaissions
faire, ils dénatureraient,aux yeuxdes nations,!c gcniodo la France, fait do large tolérance et d'humaine
sympathie.A l'aube du s!èc!onouveau,qui célèbre,ou tant do
langues,la fraternitéet la solidarité,y a-t-it,vraiment,dansnotre payedo France, des doctrinesdo haine? So
peut-it quotoaantipathieset les inimitiésentre enfants
d'un même pays aient pris un tel ascendantqu'euesaient érigéla haineen principe?
C'est t&,hctas1 undesplus inquiétantsphénomènesdo notre époque,moralementtroubMo.La hainoa cto
glorifiée,la haine a eu ses apôtreset sespanégyristes,en plusieurspartiset jusqu'endescampsopposes.
Hainesreligieuses,hainesdo races,hainesoationatca,hainessocialesont 6tcsaluées,autour do nous, comme
l'instrument nécessairede notre émancipation,ou do
notre n~en~ratio)).Nous avons entendu, do divers
c6tc9, au nom mémode forcesqui semblaientfaites
pour rapprocherles hommes,au nom de la foi rell-
gieuse,aunomde la patrie.au nomdela sociétéfuture,faireappelà la Hainecréatrice»,à ta a Haiuefécondes
LESTROISANTt SO
~& -1- 1 ~_&1-Paradoxaleet immoralealliance de mots! qui est la
négationdes loisde la nature; car,dans l'ordremoratet
dansl'ordresocial,commedans l'ordrenaturel,l'amour
seulestfécond,l'amourseulestcréateur.
1
Cetespritdo haino et de violence,presqueidentique
sousses formesdiverses,est venu aigriret envenimer
toutesnos luttesreligieuses,socialesou politiques.Avec
lui,s'estrovei!!ol'espritd'in<o)érancoet ontreparu,chez
nous,commedes revenantsd'un passdévanoui,tousles
vieuxfanatismesque la Francemodernecroyait morts
&jamais.
Ainsien est-ilde l'antisémitismedanslequelrevivent
lesprojugesataviques, et qui, p!usd'un siècleaprès)a
Hevo!ution,prctnndnous ramener a l'intoléranceou a
i'cxciusivisntomcdiova! commo& Adéfautdo haines
religieuses,!a Francoet l'Europe devaient devenirla
proiedoshainesdo races.
Ainsien est-il do t'antiprotcstantismaqui, en pleins
HepuMiquoet en pleinedémocratie,ne rougitpas do
célébrerlapolitiquedola révocationde l'éditde tantes,
commesi, pas plusquola Francede l'aucienrégime,ta
Francemodernene pouvaittolérertes dissidencescon-
fessionnelles.
60 LES DOCTRINES M HAINE.
Ainsi en est-ilde i'antic!érica)ismeque, de son vrai
nom. l'on pourraitappeler i'anticathoncismenu t'anti-
christianisme,qui prétendnous ramener aux maximeset auxprocédésdes plus sombresjours de la Révolu-
tion commeai la liberté do penser excluait la libertéde croireet de prier,ou commesi, aprèss'êtreaffran-cbi de la tutellede l'Église, t'État devait assujettir la
religionet asservirles consciences.
Entre l'antisémitismeet l'antiprotestantisme,d'un
côté, et l'anticléricalisme,de l'autre, lesressemblancesrestent frappantes,a travers tous les contrastes.Us seressemblentcommedes frères,néset nourrisde haineset de passionsanalogues ce sont des frères ennemis
qui, dans leur inimitié même. gardent un air defamille.Ils ont, tous lestrois,lemêmetempérament,lesmêmescolèreset les mêmesviolences ils ne diffèrent
guère,au fond, quepar l'objet de leur antipathieet deleursemportements;parceque,aveclesmêmesinstinctsd'into!éranceet lesmêmeshabitudesd'exclusivisme,Usont été des écolesopposéeset ont appris,de maîtres
ennemis,desdoctrinescontraires.
L'objetde leursdéflanceset doleur aversionestautre;mais leurshainessont faites de préjugésanaloguesetles entra!nentà d'égalesviolences.
Le parallélismeentre ces trois a anti a est tel, que,lorsqu'onprend la peine de les analyser,on est sur-
pris de découvrir,cheztous les trois, les mêmesélé-
ments, les mêmes facteursou les mêmesgriefs, qu'U
LES TROIS ANTÏ~. 61
4
estaisé de classer,sous les mêmeschefsou les mêmes
rubriques.Dequoi,eneffet,sontcomposésl'antisémitisme,l'anti-
protestantismo,l'anticléricalismeou antieathoticisme?
Quelsen sont lesingrédients,les élémentsou facteurs
principaux? Ils sont, d'habitude,au nombrede troisou
quatre,que nousretrouverons,également,chezchacun
des« anti c, si bienque, pour les étudier,il noussera
facile do leur appliquer, à tous les trois, la même
méthode.
Essayonsdo les classer.Ce sont
1° Lesantipathiesreligieuses ou irréligieuses, les
passionssectaires,i'intotéranfedes croyancesd'autrui,
la prétention d'user de l'autoritéde la loi et de la
puissancepublique,contre ceux qui ne pensent point
commenous
2" Lesantipathiesde racesou lespréjugésnationaux;
un nationalismejaloux,qui accuseles diversgroupes
confessionnelsda dénaturerl'espritfrançais,decompro-
mettrel'uniténationaleou l'unitémoraledu pays
3"Lesrivalitéset les rancuneséconomiquesla con-
currencevitale et la lutte pour la richesse; le désir
d'évincerdes concurrents gênants; l'accusationréci-
proquede tenir trop deplacedans le payset d'accaparer
unetrop grande part de la fortunenationale;
4°Lesantipathieset les rancunespolitiques la pas-
siondu pouvoiret l'ambitiond'enécarterdesadversaires
détestes;l'accusationréciproquede tendreau monopole
62 LES DOCTRINES DB BA!NE.
des emploispublicset de préparer l'asservissementdu
payset de l'État.
Toutcequi peutdiviser les hommeset les aigrir les
t'ns contre les autres diversitéde croyances,antipa-thiea de races, rancunesdes luttes anciennes,préjuges
nationaux,jalousiessociales,compétitionspolitiques,so
trouveainsiréuni,dans lestrois anti a, pour fomenter
l'espritde suspicionet de haine.
Mais,si les passionssectaires,les préventionsnatio-
nales, les rivalitéséconomiqueset les luttespolitiques,si l'intolérance,les préjugéset la haine en forment!o
fond, ils ne s'y montrentpas toujours à nu. Tout au
contraire,chezla plupart de leurs adoptes,i'antiscmi.
tisme,raotiprotostantiame,l'antic!erica]i8mesecouvrent,
également,de mobilesdésintéressesetdepassionsnobles.
Par là s'expliquentleur vogueauprès do tant d'esprits
simpleset !ourascendantsur tant d'âmes droites.
Lo plus grand nombre dea adhérents de ces trois
«anti s ne sont que les dupes innocentesdespréven-tionsde leur mondeou do leur milieu.
Antisémites.antiprotettanta,anticléricaux,senattent,
pareillement,de eervirla causedelavérité,de la justiceet de la patrie. La plupartle font,avec une sincérité
passionnée,que notre devoir est de reconna!tre;mais,si elleest leur excuse,cette bonne foi ne les rendque
plus redoutab!'M.
Que nous écoutionsteura parUsanaou leurs adver-
Mures,la ressemblanceet la parentédes trois a anti e
LESTROtS"ANTt ». 63
éclatent,du reste,aux oreillesles moinsprévenues.Les
homeiiesdeleursapôtres,lesinvectivesdeleurstribuns,
nousfontentendredesdoléancesanalogues,et aveclos
mêmescolères et la même indignation, presque tes
mêmesgriefset lesmêmespromesses.
Antisémitisme,antiprotestantisme,anticipricaiismc,
chacundes trois «anti a se présente à nous, avecune
cgaieassurance,commele défenseurdo la véritéreii-
gieuM ou philosophique, comme le gardiende ia
traditionfrançaiseet dol'unité nationale – comme!o
vengeurde la fortune publiqueet de la moralesooiaJe
-commo !ochampiondosdroitsdol'Étatet des tihort~a
publiques.En d'autres terme9, nous retrouvons,chez
chacund'eux,jusquedansleurs prétentionsetdanatours
revendications,tesdine'entaaspectsqueje voussigna-
lais tout a l'heure l'aspect religieux, t'aspect
national, l'aspectéconomiqueou social, l'aspect
politique.L'afnnitëentreces trois«anti a, de loin si dtfMrents,
ne sebornepMà !'ana!ogiode leurs griefsou de leurs
pretontiona elles'étenda leufs façonsdo raisonner,à
leursméthodesde discussion,&leursprocédeade polé-
mique,parceque, cheztous lestrois,serencontrentdes
haineset despassionsdemêmesorte.Commenta'ctonner
qu'ony reconnaisseiomêmefiel, avec10mêmevenin,
ics mômesdéclamationset les montesprëventione,le
mOmeexctusivismo,aveclesmornessophiameatCesont
des mixturescomposéesd'ingrédientssimilaires,faites
64 LES DOCTRINES p8 HAINE.
pareillementd'un bizarre mélangede vérités et d'er-
reurs,de sentimentsvils et de générositésdévoyées,!e
tout aigriet ranci par des haines sectaireset despré-
jugéssurannés.
Il
Avantde les prendrechacunà part, pour !dsétudier
successivement,il convientdoncde recherchercequ'ontde communl'antisémitisme,i'antiprotestantismeett'an-
ticléricalisme.Un examenparallèlede cestrois « anti a
est peut'etrola meilleuremanièrede les comprendreet
de lesjuger et commeilssont en lutte et qu'ils igno-
rent leurparenté,commeils se détestentetseméprisent
réciproquement,rien no peut mieuxles discréditerou
lesdésabuserquede leur montrer,commeen un miroir,
combienilsse ressemblent.La seulerévélationde cette
ressemblancesutliraita les condamneret à nous les
rendre égalementodieux, en nous faisant voir qu'ilssontpresqueégalementlaidset égalementhaïssables.
Antisémitisme,antiprotestantisme,anticléricalisme,
!apremièrechoseque nousdécouvrons,au fondde ces
trois a Mti e, c'est, naturellement, sous les antipa.thieaconfessionnelleset lespassionssectaires,une égale
intolérancedescroyancesd'autrui. Si chacund'euxn'a
pas pour point de départ l'intolérance,chacund'eux
aboutit,iatatement,à l'intolérance.Cereproched'intolé-
LES TROIS ANTt a. 66
<t
rance,ils le repoussent,tous les trois, avec une égale
colère,et je l'admetsvolontiers,avecuneégalesincérité.
Ils s'en défendentpassionnément,avec desdistinctions
presqueidentiquesetdesraisonnementsanalogues,allant
au besoin,tous les trois, jusqu'à se donner commeles
véritablesdéfenseursde la liberté de consciencecontre
l'intoléranced'autrui.
Ecoutezl'antisémite il n'en veut pas, chez le juif,à la religion,il n'en veutqu'à la race, à l'esprit asémi-
tique0, à la prépondéranceéconomiqueet politiqued'tsraf!. Pour un peu, il affirmeraitson respectenvers
la Synagogueet enversles rabbins.
Écoutezl'antiprotestant il ne fait pas la guerreà la
Réformeet à sespasteurs;il combat,seulement,l'esprit
envahissantdes protestants, leurs tendancesà l'hégé-
monie politiqueou à la prépondérancesociale,leurs
effortspourdominerla Francoou pour assujettirl'État.
écoutezl'anticlérical,catuiqui pérorele plussouvent
dans les cafés il no veut détruire ni la religion, ni
t'Ëgtise il veut, seulement,résisteraux empiètementsdu clergéet des congrégations il n'a d'autre but qued'affranchirl'Étatet la sociétélaïque de la domination
cléricale.Pourun peu,il vousprouveraqu'ens'attaquant
aux couvents,aux écoles,aux œuvres catholiques,il
sert, en réalité,la causede l'Églisecatholique.Etceraisonnementpresqueidentiquedestrois Ilanti e,
la foule moutonnièrede leurs adhérents le répète,
chaquejour, avecune égale conviction.L'intolérance,A.
66 LES' DOCTRINES DE HAINE.
à en croire les uns ou les autres, elle est dans l'autre
camp ils ne font, chacun,que se défendre contre le
fanatismede leursadversaires.Ils !odisent, et ils se le
persuadent,d'autant plus aisément que, l'intolérance
leur étantcommune,il leur est plus facilede s'autoriser
docelled'auirui pourcouvrirla leur.
Lesfaitsnousmontrentqu'endépitde leursdésirset
de leurs protestations,les trois a antie sont, presque
également,poussésversl'intolérance.Antisémite,anti-
protestant,anticléricalont beau s'en défendre, chacun
d'euxen vient, malgré lui, à s'attaquer à la religion,au culte,à la moralede sesadversaires.Ils n'épargnentni leursdogmes,ni leurs ii\'rcs ilsne se font passcru-
pule de seservird'armesdé)oya)cs,citant à l'envi des
écrits sans autorité, des textes tronqués, parfois des
pamphletsmensongers.L'un incrimine le Talmud ou
la Cabale,dont il n'a jamais lu unepage; il ne rougit
pas do rééditer, sur les cérémonies du judaïsme,
d'ineptes et perfidestégendes, ~ites que le meurtre
rituef l'autre, ner d'une éruditiond'emprunt, pré-tend fouillerlescasuistesanciensoumodernes,découpe,chezeux, a sonchoix,despassagesscabreux;ou bien
encore il recourt, triomphalement,aux ~on</aNccreto
desJésuites,un libellecalomnieux,rédigépar lesenne-
mis de la Compagniedo Jésus. L'un et l'autre invo-
quentl'histoire,se réclamantdes actrsd'intolérancedu
passé. Dansles deuxcamps, les procédéssont iden-
tiques,et pareillessont la bonnefoiet l'ignorance.
LBSTnOtta ANT! G?
Ousaitcommentchacun des trois a anti s traite la
moraledu culte adverse.L'antisémites'en prend à la
moralejudaïque, à la morale a tatmudiquea l'anti-
protestant,au apuritanisme», au apharisaïsme calvi-
nistes l'anticléricalà la morale catholique,taxée par
lui do ajésuitiqueo. Aentendre ces Ilanti », on dirait
que les grandes religions, sorties du même tronc
biblique,ne sont,toutestrois, quedes écolesd'immora-
lité ou d'hypocrisie,faites pour pervertir les généra-
tionset démoraliserlespeuples.
A cette intolérance, religieuse ou antireligieuse,
s'ajouteceque, fauted'autremot,onestobligéd'appeler
une intolérancenaHonate,issued'un nationalismeétroit
et jaloux.Chacundes trois « antia cherchoà soulever,
contreses adversaires,lesdéfiancespatriotiqueset les
préjugeanationaux,au nomdo t'unit~nationaleou de
l'unitémoratedo la patrie. Chacun des trois a anti o
conteste,à ses adversaires,le titre ou les droits de
Français, si bien qu'a entendre certains do ces soi-
disant patriotes, les Français finiraient par être en
minoritéen France.
Interrogezl'antisémite a Lejuif, vousdira-t-il,n'est
pasFrançais.Comment!oserait-il' C'estun S6mit",et
lesFrançaissont desAryens; U n'a rien de commun
avec nous; c'est, partout, un étranger; sa patrieest
Jérusalem ou mieux,commeil s'est faitchasserdela
Palestine,c'estun cosmopolite,un sans-patrie.
68 LES DOCTRINBS DE HAINE.
Interrogezi'antiproteatant s Les protestants,vous
dira-t-il,ont été expulsésou suppriméspar LouisXIV;
d'où viennentceuxque nous voyousaujourd'hui? tta
ne peuventtous sortirde leurs repairesdes Cévennes;
ils nous sont venus de Suisse, do Hollande,d'Alle-
magne ce sont dos étrangers, imbus d'un esprit
étranger leur patrie est Genève leur cceur est a
Londresou à Berlin.a
Interrogezl'anticlérical.S'il n'ose afûrmer que les
catholiquessontétrangersde raceou d'origine,car tes
ca'h~iques sonttropnombreux,et itspeuvcntsovanterd avoirfait la Franco,l'anticléricalvous apprendraque
lescléricaux,c'ost-a-dirc,pour lui, les catholiquespra-
tiquants,sontmoinsdescitoyensfrançaisque lessujetsd'un esouverainétranger)). Ce sont des auttramon-
tainsD leureceurest au Vatican leur patrieest Rome.
Et, de môme,chacundes trois c anti o accusesea
adversairesdofausser,do dénaturerl'espritfrançais,en
altérant !ogéniede la Francoet on lui imposantun
idéalétranger. A en croiret'antisemite,le juif, ce fils
de Sem, cet Oriental, est en train do ojudaïsorota
Franceet la sociétéfrançaise.A en croire t'antiprotes*
tant, le calvinisteet le luthérien nous menacentd'un
périlpireque la mutilationde <87i ils menacentde
germaniserl'âme française.A en croire l'anticlérical,
l'Église,le clergé,lescongrégations,représentantl'espritde Rome,s'efforcentd'éteindre,en nous, toute velléité
d'indépendancepour nous romaniser, malgré nous,
LBS TROIS a ANTt D. 69
pour nous latiniserà jamais. Et ainsi, selon les trois
aanti a, le géniefrançais,le géniecelteou gaulois,de
quelquecôtéqu'il se tourne, se trouvemenacéde déna-
tionalisation.Le sémite le judaïse; le protestant 10
germanise le catholiquele romanise.
S'ilsne partentpastoujoursd'un nationalismeoutre,
l'antisémite,l'antiprotestant,t'aotictéricalaboutissent,
tous trois,bon gré mal gré, à un nationalismejaloux.
Est-ilnécessairede faireressortirla similitudede leurs
arguments et t'anatogicde ce grief national, qu'on
retrouve,ainsi,sousdes formesà peinedinorentes,chez
les trois a anti n? Tous trois tendent à enchalner la
religionà la race, par suite, à matérialisort'idJe reli-
gieuseet à la dénaturer. Tous trois a'oObrcentde
rendrela confession,objetdoleursantipathies,suspecte
au naïfpatriotismedes foules,en rappelantsesorigines
étrangèreset en la représentantcomme un instrument
de dénationalisation.Ils oublient qu'avec de pareita
raisonnements,il no nous resterait, pour demeurer
Français,qu'ù rejeter, en bloc,tous les éléments do
notrecivilisation,toutt'heritagoreligieux, littéraireou
politiqued'Israël,de laGrèceet de Rome,pour revenir
au druidisme et au gui l'an neufo. Et encore, les
Druideset les Celteseux-mêmesn'étaient sans doute
pas des autochtonesen Gaule pour complaireà ces
théoriciensdo t'cxctusivismonational, il nous faudrait
remontera la barbarieet au fétichismede l'hommedes
cavernes.
?0 LES DOCTtUNRS DE ttAtNE.
A cogrief national vient se joindre, pour les trois
c anti s, un grief politique.S'il fauten croire l'antisé-
mite, l'antiprotestant,t'antictericat,les juifs, les protes-
tants, tes catholiquesconstituentun péril pour t'Ëtat,
aussi bienquepour l'esprit français car lesuns et les
autres forment a un corps a, et qui pis est, un corps
ennemi, un cÉtat dans t'Ëtat '), qui obéit à un mot
d'ordredol'étranger.
Ici encore,ccoutez-tcs,vousserezfrappésdel'identité
desgriefset dola similitudedesaccusations.
Que dit l'antisémite?Les juifa, t'a AllianceIsraélite
Universelle la Haute Banqueisractitoforment une
sorte d'Internationale,aux logespubliquesou seerctes,
qui, a la faveurdesprincipesdola Révolutionet de la
toute-puissancedo t'or, pourauitla dominationuniver-
selle.Ilsconstituentun État dans t't~tat,un Ëtatsémite
dansl'Etat français,un Étatoccullo,dont la politiqueet
les tntërûts sont en oppositionavec lesintérêtsde la
nationfrançaise,un ~tat ennemi,qui menacela Franco
et lespeuplesmodernesdola pire desservitudes.Vou-
tons-nouaassurert'indcpendancodot'Ktatet le salutdo
notre nationalité,Il est urgent do protégert't~tatet la
nationcontM!j périljuif.
Que dit t'anXprotcstant?les protestants, aujour-
d'hui commesous l'ancien rt~imc, formentun parti
politique,afntioa l'étranger,qui obéit aux inspirationsdot'AtiiancoEvangëHquoot place ses intérêtsdo secte
au-dessusdes int~ts français.Eux,aussi,constituent
LES TROIS a ANT! ». 7i
une Internationale,dont tesmenéesse découvrentdans
toute la politique.Eux,aussi,sont redovenusun État
dans l'État; ilsont, déjà, la main sur le gouvernement,
et leur vieux desseind'asservirla France, que la vigi-
lancede nos roisnoleur a pas permisd'exécutersous
l'ancien régime, ils le poursuivent, audacieusement,
sousle couvert des principes de la Hevotutionet des
lois de la République.Veut-onsauver l'indépendance
de t'Ëtat, il fautmettre laFranceengardecontrelepéril
protestant.
Quedit t'antictëricat?L'Églisecathotiquo,lesjésuites,lescongrégationsformentune immenseInternationale,
qui a pourbut la conquêtede la France et des peuples
contemporains.Sonrêveobstinéde domination,qu'ont
fait échouer,autrefois,lesrosistancoadol'anciennemo-
narchieet desanciensparlementeet que la Hovotution
se flattaitd'avoirà jamaisbrisa, !'Ëg!isoromaine n'y a
pointrenonce.Lasuprématiequ'cllon'a pu établir ou
maintenirsous l'ancienrégime,olleprétendlaconquérir
par des voies indirectes,soue te couvert des !ibertea
modernes,&la faveur de t'avougtemontdes libéraux
et dola faiblessedes républicains.Plusque jamais,to
clergéet lescongrégationsforment un État dansrUtat,
un État romaindans l'etat français, un État theocra*
tiquodans t'Ëtatdémocratique,un État ecclésiastique,
inspirédu moyenâge, dont les idées, les visées, les
ambitions sont inconciliablesavec les institutions~
avec les intérêts, avec t'cxiatencûmême de t'Ëtat
78 LES DOCTRINES DE HAtNE.
laïque. Sommes-nousrésolusà défendrelarépublique,
à sauver la démocratieet la souverainetéde l'État,
il faut, avant tout, armerl'Étatcontrele péril clérical.
C'estainsique, sous le coup de terreurs analogues,
testrois a anti e dénoncent,chaquejour, bruyamment.
en des formulespresqueidentiques,les pér)!aq 'e font
courirà t'Ëtat françaiset à la Francemodernelecosmo-
politismejuif, le cosmopolitismeprotestant,le cosmo-
politismecatholique.Ils no s'aperçoiventpas qu'à )a
prendreAla lettre, leurdoubleaccusationde constituer
une Internationaloet do former un État dans l'Etat
retombe,forcement,sur touteslesgrandesreligions;car
toutes ont leur constitutionpropre,et toutes, les plus
grandes au moins et les plus élevées, prétendent
s'adresserà tousleshommeset à tous tea peuples,et
sont, par ta-méme,cosmopolitesou internationales.
Cette sorte de cosmopolitismereligieux,dénoncépar
lestrois a anti o, est une descho~aqui font la forcoet
l'honneurde la religion,une des chosesaussi qui ont
fait d'elle un incomparableinstrumentde rapproche-
ment entre tea peuples,et un mervoitteuxagent do
haute civilisation.Antisémites,antiproiestants,auti-
cléricauxoublient,également,queprétendrainterdireà
une religiondochevaucherpar-dessustes frontièresdes
États,c'estnier !oprincipemêmedu la religion,et nier,
avec lui, le fondementdo la liberté reti~ieu~e.Usï)0
voientpointque, sousprétextede njaiateoirl'indépen-
dancenationaleou d'assurerla suprématiede )'~<ft,ils
t.E8 TRO!8 <A~TtB. ~3
ri
nous ramènentà l'asservissementde la conscience,en
plaçaut la religiondans la dépendancede t'Ëtat.Leur
défiancede toutesociétéparticulière,de toute assMia-
tion religieuseautonome,leur répulsionpour tout ce
qu'ilsappellentun a État dans l'État 0, leur prétentiond'établir partout l'omnipotenceavec la suprématiede
t'Htat,tespousseversuu étatismetyrannique,en même
temps que vers un nationalismesoupçonneux.Sans
qu'ils voient toujoursoù leurs idées les mènent, la
logiquedo leur principeentratne les trois anti o à
identifierla nation et i'Ëtat avec une doctrine,Ares-
taurer t'unitcdocroyances,Aréclamerune religionou
une hretigiond'État.
Suus prétextede défendre t'unitô nationale ou de
rétablir !'unit~ moratodu pays, ils prétendentcouler
tous les Françaisdans le mémo moule spirituel Ils
aboutissenta l'absorptionde t'indh'idu et de la soci~to
par !'Ëtat i!sont, pour dernierterme, la négationdea
libertésindividuelles,la suppressiondola libertédo la
famille, de la liberté d'enseignement,de la t!tM:r!ë
d'association,aussibienque dela libertédoconscience.
Leparallélismeentre t'aottprotestantisme,l'antisémi-
tisme et t'aatfctéricalismose retrouve, bien qu'à unmoindredegré, jusque d.ms leurs griefs sociaux ou
économiques.Ecoutez-tes chacun d'eux accuse ses
adversairesde tenir tropde placedans le paysou daaa
t'Ëtat,de tendreau monopolede la fortune,desemplois.
*!4 LES DOCTRINES DE UAINE.
du pouvoir.Le9juifs, les protestants, dit l'un, sont
trop riches ils accaparentla fortunenationale. Les
congrégations,répondl'autre, se sont prodigieusement
enrichies; la mainmortedevient un péril public. On
sejette, mutuellement,leamilliardsà la tête. Et quelle
est, se demande-t-on,l'origine do ces colossalesfor-
tunes? Pour les financiersjuifs, pour les banquiers
protestants,c'est, répètel'antisémite,l'usure, la spécu-
lation,l'agiotage,autantdire le vol. I) faut en revenir
à la coutumeancienne,il faut leur faire rendre gorgeselonles pratiquesdu bon vieuxtemps.– Et les con-
grégations,s'écrieà sontourl'anticlérical,d'oùprovien-nentleursmillions?quedis-je?d'oùprovientcemilliard,dont un gouvernementprévoyantvientdofaire fairele
releva? Cesscandaleusesrichessesde gensqui ont fait
vœu de pauvreté,elles procèdentdo la captationdes
vieillMdaet des esprits faibles,elles ont pour source
l'exploitationde la crédulitépopulaire,quand ce n'est
pas l'exploitationde la charité. tl est temps de rendre
à la nationce qui a été frauduleusementdérobé&la
nation.
Cesmillionset cesmilliards,quel usageen font les
juifs, les protestants,les cléricaux?Les trois a anti n
nous feront la mêmeréponse. Ces milliardssont em-
ployéa à corromprele pays, à corromprela presse,à corrompre le parlement. Le juif et Je protestantsoudoient la presseanticatholique,les feuilles radi-calesou socialistes les congrégationssubventionnent
LE8THOÏ8 aANTtB. ~8ti
ia presseréactiono-tire,les feuillesantisémitesou natio-
naiistes.JI faut arracherle paya à cettedépravation ii
faut J'affranchirde la démoralisantedominationde ces
corrupteurs,dût-on, pourcola,recourirauxviolencesde
Jaconnscation et ni l'antisémite,ni l'anticléricalne
reculentdevantla confiscation.Tout est permiscontre
!ojuif, ou contrelejésuite.
Unedescausesprincipalesde la diffusionde ces trois
a anti », c'est la luttepour lesemploispublics.Chacun
saitquelleest, chez nous, !'importancedu fonctionna-
risme. La France, hélasest en train Je devenir un
peupledefonctionnaires.L'accèsauxfonctionspubliquesestun desdroitsauxquelstiennentle plus nos contem-
porains de tousceuxque garantissantaux Françaisles
Droitsde l'Hommeet du Citoyen,c'est peut~tre celui
quileurestle pluscher.Or,l'antisémite,t'antiprotestant,!'ant!c!ër!cataccusentchacun leurs adversairesde vou-
loirmonopolisertousles emplois.Interrogezt'aaticle-
rical,il vouadira que,dans l'armée,pouravoirquelquechanced'avancement,il fautavoirété élevédeajésuites.
Interrogez l'antisémite ou l'antiprotestant, Msvous
dirontque, pour être admis dans les administrations
publiquesou pouravoirchanced'y fairesonchemin,il
fautêtre juif, il fautêtre protestant,ou au moinsfranc-
maçon.Libre,à chacunde nous,de juger ceque valent
cesaccusationsréciproques.Le malheur de la France
et de la Républiqueest que l'exclusivismedes pMtiaa
sembléleur donnerun fondement.Un fait est cettain,
76 LBS DOCTRINBS DE HA!NE.
c'est quelescatholiquessecroient,depuisquinzeouvingtans, exclussystématiquementde toutes les fonctionset
surtoutde tous les hautsemplois.Rienn'a pluscontri-bué à en jeter un grand nombredansl'antisémitismeetdans l'antiprotestantisme;rien ne fait plusobstacleà la
pacificationreligieuse.
!H
Que nous examinionsleurs griefs retigieux, leurs
griefsnationaux,leursgriefséconomiques,leurs griefs
politiques,l'on voitcombiense ressemblentet, enquel-
que sorte, commentse reOechissentet se reproduisent,
mutuellement,lesdoléanceset tesaccusationsde l'anti-
sémite, de l'antiprotestant,de l'anticlérical.Les troisoanti&sontcommeune imagerenverséei'undel'autre.Cetteressemblancemûrne,cette sorte de parenté dansleursgriefset dans leurs vœuxnous met, d'avance,en
gardecontreleurs violenceset contre leursoutrances.Il nous suffit de leur prêter égalementl'oreille,pournoussentir moins inquietsdu triple péril qu'ils nous
signalent.Au lieude nousépouvanter, les cris simul-tanés de !'antic!éncat,de l'antiprotestant,do l'anti-sémitesontplutôtfaitspour nousrassurer.Notrepaysde Francene peut courir, à ia fois,des dangersaussi
divers.
LBSTROtS <ANTt*. T!
Si ellesne s'annulent pas entièrement,leurs accu-
sationset leurs doléancesréciproquesse discréditentles
unesles autres. Le vrai péri),pour la France et pour
l'esprit public, n'est peut-être,en réalité, ni le péril
juif, ui le périlprotestant, ni le péril clérical; c'est
l'apparition et la vogue, autour do nous, do l'anti-
sémitisme,det'antiprotestantisme,de rantietéricausme.
Voilàle phénomènedont doit, avant tout, s'alarmer
notrepatriotisme,parceque, ilsont beaus'endéfendre,
antisémitisme,antiprotcstantisme,anticléricalisme,sont
tous trois, presqueégalement,des doctrinesdo haine.
S'ilsne proviennentpa~ uniquementdo la haine, ils
aboutissentfatalementà la haine,ils prêchentlahaine
et ladivision,en mémotempsqu'ils fomententl'espritdosecteet de fanatisme.
C'enserait assezpour que, sans môme examiner!a
valeurde leursgriefs,on fut en droitde lescondamner,
également,commedes doctrinesimmoraleset antiso-
cialcs.
Co sont des'doctrines immora)cset antisociatcs,à
un autretitreencore,parce que l'antisémite,l'anlipro-
testant, l'anticlérical,nous enseignent,tous les trois,
queleprincipedo nos mauxet de nos vices n'est pasen nous-mêmes,doctrinedécevanteet pernicteuM,s'Hen fût. A lesen croire,le principedes maux de notM
sociétéseraittout extérieur il seraitdans le virus juif,Jevirusprotestant,le virusclérical,que nousn'aurions
qu'd étimincr il serait daua un corps étranger que
'!8 LBS DOCTRINBS DE MAtNB.
nousn'aurionsqu'àextirper,pourrecouvreruneparfaitesanté morale. Une simple opération chirurgicale ysuturait. Or, pareille doctrine est un sophisme qui
s'opposeà toute réformemoralesérieuse.La Franceet
la société contemporaineont, assurément,besoinde
réformemorale, sinon do réformesociale,mais cette
réforme,pourêtreprofondeet efficace,doit porter sur
nous-mêmes,sur nos idées, sur nos mœura et nos
habitudes,sur notre vieprivée et notre vie publique.
Autrement,toutesles réformespolitiqueset toutes les
revisionsconstitutionneDes,toutesles réformeslégalcs
conunotouteslesr&votutionsdemeurerontstériles.
Au lieude reconnattrecottevérité, les trois a anti s
nousmontrent,chacun,un boucémissairesur lequelUs
seplaisentà entassertousnospecMset Afaireretomber
la responsabilitéde tousnosmaux.C'estlà un emprunt
aux traditionssémitiquesdonti!estmalaisédoles iout-r.
II y a, aujourd'hui,en France,pour!Mfouleset, h6tnat
parfoisaussi, pour t'etito,deux boucsémissairesque,
dans lescampsopposés,on rend responsablesdo toutes
les difucuttesque traverse le pays. Ces deux boucs
émissaires,est-il besoindo les nommer? C'est tojuif,et c'estto jésuite.Aen croire t'antisemitoet l'anticlé-
rical,quigrandissentet magnifientégalementl'objet do
leurshaines,ce seraienttd lesdouxgrandespuissances
de notretemps.Rien,dans la viepublique,no se ferait
sansleurimpulsion,ou sansleur autorisation.Ustien-
draient les nts invisiblesde toutes les intrigues; on
LBS TROIS t'ANTt". 79
sentirait leur main ténébreusedans toutes les agita-
tionscontemporaines.Les politiquesenvue, lesJourna-
listesen renom, les ministres,les chefs de partis ne
seraientque des instruments docilesou des marion-
nettes inertes, entro tes mains do ces deux maîtres
occultes,qui sodisputentl'empireet la suprématie.Le
juif et!ojésuite,doub!oobjetdoaupoMtitieuspsterreurs,
sont ainsi deux épouvantails,commedeux spectres,
pournopasdire deuxcroquemitaines,que nos passions
sectaireset notre ignorantecréduliténousfontentrevoir
partout danst'ombre.
L'antisémiteet t'antietericatse font, ainsi, do la poU-
tiquo et do l'histoire contemporaine,une conception
analogue,égalementétroiteet égalementfausso.Dupesdo h terreurjudaïquenu victimesde la terreur jésui-
tique, ils no comprennentpas les faits auxquels ils
assistent; ils n'en saisissentni les proportionsni la
portée; Usen dénaturent !o sens et la valeur. Les
événementsqui se passentsous leurs yeux prévenue,t'antiscmitoet !'ant!c!éricaten donnentaux masscauno
explicationonfuntino.Auneépoqueob les rivalitésdes
peupleset la miseen valeur de vastescontinents,où
tesinventionsscientifiqueset lescompétitionsde classes
sontontrain de changerla facedu monde,entre toutes
lesforcesqui sodisputentl'empiredu globe,entre tous
tesacteursqui s'agitentsur la sccuoétargtodot'htstotro,
ils n'endistinguentgucroquedeux,quegrandit,déme-
surément, leur effroiet auxquelsleur myopieet leur
80 Ï.B8 DOCTRINBS DE HAINB.
manieattribuenttouteslesimpulsionset tous les mou-vementsde la politique, toutes les révolutionset touslesmauxdessociétésmodernes.
Touten se combattantmutuellement,ils se trouvent,
par là, d'accordpour pervertirl'esprit publie,pour !odétournerdes grandsproblèmesurgents,des réformesnécessaireset efficaces,au profitde querellessurannéeset de luttesmesquineset stériles.Lesyeuxpareillementfixéssur le passé, ils font égalementappel aux pré-jugéset à l'ignorance,aux rancunes et au fanatisme,à tout cequi diviseet désunit.
Ne fût-ceque pour cette raison, je serais en droitd'affirmerquece sont là des doctrinesantipatriotiqueset antinationales,aussibienque desdoctrinesimmoraleset antisociales.Carellesnosebornent pas à dénaturerle sensdes faitset a fausserl'esprit pubtio sous pré-textede nousdélivrer et do nous sauver, eues nous
prêchentégalementla discordoet la vio!cnco.Antisé-
mites,antiprotestants,antiduricauxsont d'accordpourne voir do salut que dans t'ant'antissementdo teura
adversaires.
Chacundocestrois a nnti arépèteà sa manière
Lamaisonestà mot,c'està vousd'ensortir.
A lesentendre,la maison,c'est-à-direla France,est
trop petitepour logera la foistoussesenfant').Chacundes a anli e prétendexpulserses adversaires;chacun
LB8 TROIS "ANTt*. 81
6.
demandecontreeux desloisde proscriptionet de con-
fiscation,et, cornue l'intoléranceappelle l'intolérance
et que la haine provoque la haine, t'antisemitisme,
l'antiprotestantisme,l'anticléricalismes'engendrentet
s'alimententmutuellement.Ils sonteu quetquosorte le
produitl'un de l'autre.Es se répondentcommeunécho.
Chacund'euxexcuseseahaineset sesviolencespar les
violenceset leshainesd'autrui.Demandezà l'antisémite
ou à t'antiprotestantpar quoisoju9ti(!entleurspassions
sectaires;ilsvousdirontquec'est par les prédicationshaineuseset les appels &i'intotcraneode t'antic!criea-
lisme.DemandezAl'anticléricald'où lui viennent ses
indignationset ses colèrescontre les catholiqueset
contre !e c!ergë; il vous répondra, le plus souvent,
qu'ellesproviennentdes emportementset des fureurs
de l'antisémitisme.On pourrait soutenir que le pr!n-
cipalfacteurde t'aotictericaHameest,a t'heuroactuelle,
J'antisémitisme,commele premier facteurdo l'antisé-
mitismeest, aujourd'hui,rantictoricatismo.OaFa bien
vu en ces dernièresannées.La recrudescencedo l'anti-
cléricalisme j'espère !o démontrer est sortie des
violencesde la campagne antisémite,&ta suite do
l'affairoDreyfus.
Aussi,j'oseraidire quola meilleuremanfërodocom-
battre t'antiscmitismeo~ t'antiprotcstantismo,c'est do
repousser l'anticléricalisme.Et de mOme,la façonla
plus saro de lutter contre t'ant)c!ericaHsme,c'est do
réprouvert'antisemitisMeet l'ontiprotestantisme.Qui
82 LES DOCTRINES DE HAINR.
prétendlivrer batailleà l'un de cestroia a anti o doit
déclarerla guerreà tous lestrois, également.
Voulons-nousrendre la paix à la France et nous
affranchir de ces doctrines de haine, sachonsnous
éleverau-dessusdes préjugéset despassionssectaires,
en revendiquant,hardiment et loyalement,la même
libertéet lesmêmesdroits, pour tous lesFrançais,sans
distinctiond'origine,de classe,doreligion.
CHAPITRE!!
t.'AKTtSÊU<Tt8ME
LMprincipaux aspectsde t'.tnH~mitismc. t. Legr)efre!tg)eut.
Lejutfa deuxmoratcs. L'antts~tnhismoet la chartto cht~-
tienne. LcaJuifs et la sécularisationdes soc~t~s contompo-ratnes. LesJuif:)et la franc-ma~onnerte. Il. L'espritjuif.
Qu'enteud-o)*par <A,et t}uc!!ien sont les typts? L'espritJutfMt-U ttrango au jnd.)~)uc? – CommentM qu'on appelleatnat n'a souventrien de proprementJutf. – ttt. Legrief nallo-
nal et politique. Le juif est un étranger. MtnttM et
Arypo9. LepartkutMftsmoJutf et t'etpht do trtbu. La
solidaritéet le cosmopoHttsmoJuifs. IV.Legrief social')t cco-
nont'tuc. – Loju)f est un parashe. Haute Banque et mono-
polo nnancter. Le prolétariat Jutf. – Lcajuifa et la concur-
rt'neo. Comment rantts&mtttsntoaboutit &udû contrefaçondu socialisme. V. Conclusion. Quellessolutionsnous ofTFO
)'anHscn)tt)smo?– )) n'y aqu'une so)ut)on,tattbcrtoctt'~))~.
Qu'y aaratt-tt do fhan)~, s'it n'y avott pasdojntftcn Ftonco?
t)a ta p)'etenuuoJudatMttondes McictCscontemporatnet.
MBamBuna,
L'antisëmHtsmo est !o type de ce quo j'appello uno
doctrine do haine; a ce titre, il est naturel que nous
commandons par lui. C'est un sujet tr~a vaste, ir~s
84 LES DOCTRINBS DE BAtNE.
complexeet qu'il est malaisede traiteren une heure.
J'en ai, déjà, pourma part, discouruet écrit plusieurs
fois je serai,probablement,obligede me répéter,sur
plus d'un point.Je compte,aujourd'hui,me cantonner
en France,et même,en ne parlantque de la France,je
seraicondamnéà être bref, peut-êtresuperficiel;je me
contenteraid'une courseà vold'oiseau,pourainsidire,
en m'arrêtant, seulement,aux sommetsde la question.
L'antisémitismese présente à nous sous trois ou
quatreaspectsprincipaux il sedonne,d'abord,comme
!o vengeurdu christianismeet de la n-Lgion il fo
donne,également,commele championdola patrie et
de l'uniténationale il sedonne,enfin,commele défen-
seur de h fortunepubliqueetdela moi-alesociale.Nous
allons,successivement,examinerchacunde cesaspects
de la question,ann de jugeren quoi sont fondéesces
prétentionsde l'antisémitisme.
t
Prenonsd'abordl'aspectreligieux,ou legriefreligieux
deranti~mitismo. Lesantisémitesn'aiment pas qu'on
répète que leur campagnea commepoint do départ
un sentiment religieux,pour ne pas dire un préjuge
religieux.
i.Voyc:/<f<M<cAca<M<V(~oM(CahnnnnMty)et <\tx«:t'")<.
th'ne,conMrcoMfaiteAt'tnstitutcathoD~ne(tnOmottbrairic).
L*ANTtS~M)Tt8MB. 88
It serait injuste,assurément,de prétendre,commele
font quelquespersonnes,que l'antisémitismeest, uni-
quement, une réminiscencedes anciens préjugeadu
moyenagc. Mais,d'un autre côte, il est incontestable
que, malgré tout, les antipathiesreligieusesy tiennent
une place,et parfoismcmoune largeplace.
Chaque anti a, je l'ai déjàconstate,a bientôtfait do
s'attaquerà la religionqu'il a en facedo lui. C'est ainsi
que les antisémitess'en prennent au judaïsme,à son
culte,à ses traditions,a seslivres,à sa morale.
Prenonsla )nora)e it y a un reprochequ'onfait, tous
lesjours,auxjuifs, a leursrabbins,a leurenseignement,au Talmud,parfoismémoà la Bible.On dit le juif a
deuxmurâtes ila unemcratopoursescongénères,et ila
une moralepour tes autres, uno moralepour les~o)tx.Vousremarquerez,en passant, que lesantisémitesontun goût singulier pour les termes hébraïques; celadonne&leursdoléancesuneMrto do couleurtocatoquifaitillusion; cela fait croire qu'ils sont versésdans lalecturedes livresbibliques,et au besoin tatmudiquea:maiscetteéruditionantisémiteesttoutede surface;cttoest toute verbale elle n'e~t, 10plus souvent, qu'untrompe-t'œit.
Lejuif donca deuxmorales une pour lessiens,une
pourlesautres. La Bibleenseignebienqu'il fautaimersonprochain c'est un précepteantérieur au christia-
nisme,et, commesur beaucoupd'autres,c'est un point"ur lequel J'Evangitecontinue t'Anctcn Testament.
80 LES HOCTRtNRS DR HAtNR.
Maisque faut-ilentendre par prochain" A~ dire des
antisémites,c'est bien simple le prochain, pour le
juif, c'est !o juif; pour lui, aimer son prochain,c'est
aimer le juif. Et l'on vous elle des textesplus ou
moinsprobants.C'estencoreune des chosesà signalerdans toutescescampagnes anti j, t'abus des textes,
do textes plus ou moinsauthentiques,plus ou moins
tronqués.Je n'a! pas !o tempsde m'appesantirici sur
!a valeur d'un pareil grief. !i me aufnra do colis-
tater quo la moralejuive et leslivresqui fontautorité
d&ns!ojudaïsme,Acommencerpar!a Bible,enseignant,
catégoriquement,t'amour du prochain,entendu d'une
manière large. La Bibleparle même do l'amour de
rëtringer qui habite au milieu des Juifs. La notion
fondamentaledu judaïsme en morale, c'est l'idéo de
justiceet, par eUe-memo,cette idéedejustices'étenda
touteslesrelationssociales.
Sans nous arrêter plus longtempsA cette question,nous la retourneronscontre les antisémites nousleur
demanderons,Aeuxquiaccusentlejudaïsmed'avoirdeux
morales,si les antisémitesn'ont qu'une seuleet même
morato,vis-à-visdesjuifs et vh-a-visdeschrétiens.
Que)!oest la vertuqui est,on quelquesorte,t'ess"nco
du christianisme?C'est la charit6;–tacharitd chte-
tienno,les deux mots,pour nous, sont si intimement
unis qu'il nous est presque Impossiblede les séparer.
Or, cette charité chrétienne, t'antii'cmi'o se croit.ii
obligéde t'etpndrojusqu'auxjuifs? Lisezsesjournaux,
L'A'<Tts6M!Tt8MB. Ht
s'.aopuscules,se~iibctiea,vousvenez comment!'anti-
sémiteentendla fraternitévis-a-viadea juifs. Aussi,je
mepermets,en qualitéde chrétien, car to m'honore
du titrede chrétien, -de constaterquel'antisémitisme,
en taat quodoctrine,n'a aucundroit à se réclamerdu
christianismeet do t'Ëvangite,attendu que ce serait
leur faire injure quo de concevoir!o christianismeou
i'Êvangiiosans la charité. a Quand je parierais les
languesdes homn.t'aet desanges,nouadit l'Apôtre,si
je n'ai la charité,je suis commeun airain sonnant ou
une cymbatoretentissante.o Un airain qui fonno la
chasseet la curée, do creuseset aigrescymbalesqui
provoquenta la haineet à la violence,n'est-ce pas là,
fautedpcharité,cequosont les voixles plusbruyantesdonosantisënntca?Q
Legriof religieux,jo te reconnaisvolontiers,prend
souvent,dans l'antisémitismecontemporain,une forme
plussérieuse.Lesjuifs, dit-on,sontles ennemisnésdu
chrisHaniameet do la civilisationchrétienne.Commo
tels, ilssont, partout,au premier rang des adversalrcs
do t'~gtisoet des institutionsanimëoado l'esprit chré-
tien. Hasontlespromoteursouteabailleursdofonds,les
pourvoyeursIntellectuelsou matérielsdes secteset dea
partis, qui, souscouleurde sécularisationde t'~tat et
do ncutraiitoconfpssionneHo,travaillenta ruiner,avec
la foiet lestraditionschretiennea,l'espritreligieux.Les
juifs, en un mot, sontles grauds agents, pour t)o pas
88 LES DOCTRINES DE HAINE.
dire lesgrandsentrepreneursdela '<déchristianisationo
despeuplescontemporains.
Le juif, ajouted'habitudel'antisémite,est le maître
et l'inspirateurde la sociétéenvahissantequi, au moins
danslespayslatips, incarnela haine de la religionet
du christianisme,dola franc-maçonnerie,pourl'appeler
par son nom. Juifs et franca-maçons,pour nombrede
nosantisémites,c'esttoutun. L'assimilationestdevenue
banale et, comme pour l'atBrmeraux yeux de tous,
nousavons vu, récemment,se dresser,à Paris,en face
du a Grand-Orienta, le a Grand-Occident hautaine
citadellede l'antisémitisme.
C'estlà un griefsérieux,auquelne restentinsensibles
ni le chrétienqui a le légitimedésirde conserverla foi
chrétienne,ni le politiquequi croit qu'un peuple no
sauraitsepasser,impunément,de touteespérancereli-
gieuse.Entretousles griefsagités,aujourd'hui,par l'an-
tisémitisme,c'est un de ceux que les juifsauraientle
plus d'intérêt à écarter, commeun do ceux qui leur
valentle plusd'aversionou le plusde défiance,jusque
parmi les gens les moinshostiles.Les juifs qui ne le
comprennentpoint, ceuxqui, pour repousserles agres-sionsdesantisémites,se fontles propagateursde l'anti-
cléricalisme,font fausse route ils fournissent des
alimentset des argumentsà l'antisémitisme;car, ainsi
qu'il me faudra plus d'une foisle rappeler,l'anticléri-
calismeet l'antisémitismeont, pourpremiereffet,de se
provoqueret de se renforcerl'un l'autre)
t.'ANTtSÉMtTÏSME. 89
Maiscegriefest-ilaussifondéque le croientnombre
de nos contemporains? Les juifs sont-ils, vraiment,
partout, les promoteursde la sécularisationou de la
déchristianisationdespeuplesmodernes? n'est-cepointlà uneœuvrequi remonteau xvtn" siècleet à la Révo-
lution, c'est-à-direà une époqueoù lesjuifs n'avaient
aucuneinfluencecheznous,oùtesplusfougueuxantisé-
mites n'oseraientparlerde prépondérancejuive? Est-ce
que le xvut"e siècle,pst-ccquela Révolutionont jamais
étéimbusdo l'espritjuif? Et puisqu'onse plait à iden-
tifier l'action d'Israël et cellede la franc-maçonnerie,
cette assimilationentre l'AllianceIsraéliteUniverselle
et !eGrand-Orient,entre l'espritjuif et l'espritmaçon-
nique, est-elle justifiée? C'est là une question sur
laquelleje n'insisteraipas ici, parceque je l'ai traitée
ailleurs,dansune conférencefaiteà l'Institutcatholiquede Paris'. Quelqueopinionqu'on ait de la maçonnerie,
de son but, de son ascendant,de sa politique; qu'onla considèrecomme une des puissancesdu jour, ou
qu'on regarde commegrandementsurfaite l'inQuenee
que certains lui attribuent, une chose reste hora de
doute,c'estqu'endépitde sonlégendairecérémonialet
desnomsou des titreshébreux,dontsesadeptesaiment
a s'affubler,la maçonnerien'a riende juif, ni dans ses
origines,ni dans son organisation,ni dans son ins-
piration. Venue d'Angleterre,au commencementdu
1.VoyMt'~n«~))t«(itmp,conférencefhtte&t'tnsmutcatholique(ColmannLévy),pp.9- – Cf.~ra~tchealesNations,chap.Ht.t.
90 LES DOCTRINES DE BAtNE.
xvm" siècle,et d'abordcantonnéedans lescouchesaris-
tocratiques,la maçonneriecontinentale,maigresesfas-
tueuses maximesde fraternitéuniverselle, est restée
longtempsferméeaux juifs. Aujourd'hui encore, en
Allemagne,en Roumanie surtout, nombre de loges
repoussentlesIsraélites,si bien que les juifs roumains
qui veulent ceindre le tablier du maçon demeurent
contraintsde fonder,entre eux,deslogesexclusivement
juives.
L'obstinationdes antisémitesa tdentiuerles francs-
maçonset les juifs, dans ce qu'ils appellentla Judéo-
maçonnerie,montreseulementleurmauvaisefoiou!our
ignoranco.Si l'histoireet lesfaits interdisentdo consi-
dérer la maçonneriecommeuneinstitutionjuive,fondée
ou dirigéepar les juifs, dans un intérêt juif, l'antisc-
mitismese rabat sur la parent6de l'esprit juif et de
l'esprit maçonnique.A l'entendre, les loges,sur !o
continentau moins,en payslatins surtout, ne seraient
plus que de dociles instrumontsaux mains d'Israël.
Lorsque,rompant avec les traditionsmaçonniques,!o
Grand-Orientrejetait l'autoritédu GrandArchitectede
l'Univera,les logeafrançaisesauraient obéi aux eug-
gestionsdo l'esprit juif, commesi la Synagogueavait
abjurésonantiquemonothéisme,et commosilojuif,en
révoltecontrele Dieude sespères,n'aspirait plus qu'àdétrônerJéhovah.
L'esprit juif est, en effet,l'objet des crainteset de la
répulsion, non seulementdes antisémites,mais d'un
L'ANTtSÉMtttSMB. Oi
grandnombrede nos contemporains.Et ce que je dis
de l'espritjuif,on pourraitle répéter,MtM~~MMu~ofMfM,
de al'esprit protestantet de d'esprit cléricaln. Reli-
gieusesou politiques,tes polémiquesengagéesautour
destrois a anti o font une grande place à ce qu'clics
nomment« l'Espritjuif a, a l'Espritprotestants,
a l'Espritc!ërica! < Cela seul nous contraindrait de
nousy arrêter.
H
Ya-t-ilun espritjuif? S'ii en estun, enquoiconsiste*
t-il ? Quels en sont les traits, et quelle en est !a
marque? -Chose singulière,lorsquenousvoulonsana-
lysercequ'onentend, le plus souvent,par esprit juif,
nouatrouvonaque, sur nombredepoints,l'esprit juif
incriminépar les antisémitesest la négationdesdoc-
trineset destraditionsdu judaïsme.
Qu'est,en effet, l'espritjuif e, aux youxl'un grand
nombrede noscompatriotes?C'est,nousy ~viendrons
toutIll'heure,un esprit étranger, hostile au géniede
notrerace.C'est,en mcmotempset du mémo fait, un
esprit derévolte et un espritde négation – certains,
nousle verronsbientôt,ont la mCmoopinionde l'esprit
protestant.Par suite, l'espritjuif, et, pour desmi-
sonsanalogues,l'esprit protestant, ne eaurait être,
pour notre Francoet pour FEuropechrétienne,qu'un
92 LES DOCTRINBS DB HAINE.
dissolvant; lui laisserle champlibre, lui permettrede
a judaïsera nos lois et nos institutions,ce n'est passeulementcompromettrela puissancenationale,c'est
ruiner les basesde la sociétéfrançaise.
Quand l'esprit juif serait, vraiment, un esprit de
révolte et de négation,quand !o juif se rencontrerait,
partout,au premier rang des destructeurset desnivc.
leurs,ou qu'ilpousserait,sournoisement,dans l'ombre,tes ennemisde l'ordre politiqueet de l'ordre social,cela s'expliqueraitpar l'éducation historique que les
peupleschrétiensont, eux-mëmea,donnéeà Israël,parles souffrancesque cet ordre politiqueou sociallui a
longtempsinnigccset par les ressentimentsqu'il lui a
laissés.Comment!o juif n'aurait-il pasdo déCancoou
dorancunepourdesinstitutionsou pourdesautorités,
qui l'ont maintenu,si longtempset si obstinément,hors
du droitcommun,pourno pasdire horsdol'humanité?2
Qu'on songe à ces douzeou quinze siëc!osdo perse.cution et d'abaissement,et l'on comprendraque les
massacreset les bûchersdu passéont pu laisser,sur le
juif, sur sonintelligence,sur sonâme,sur sesidées,une
marque,et, si t'en veut,des stigmates,que les courtes
années d'émancipationn'ont pas encoreeu le tempsd'euacer.La trace do tant de sièclesdo sounranceset
d'humiliationsno peut dispara!tre,d'un coup, sur la
promulgationd'un décret, ou sur le vote d'une loi
d'affranchissement.
Comments'étonneradu fermentderévoltequi bouil-
L'ANT!8BM!T!8HE. 93
tonne», encore,en tant de coeursisraélites,alorsqu'on
se rappellecombienlongueet durea été, pour Israël,ta
périoded'abaissementet d'oppression combienrécente
et parfoisincomplète,combienprécaireet disputéeest
encore,pour nombrede juifs, leur tardive émancipa-
tion?Aprèstout,ce sont,pour la plupart,desaffranchis
ou des filsd'affranchis ils se ressententsouventdel'es-
clavagede leurspères,et, pourêtre plussOrsde ne pas
perdreleur liberté, ils se tiennent en garde contre les
partis ou contre les puissancesqui les ont, si long-
temps, tenus dans les fers,et qui, parfoisencore,font
minedo vouloirles y ramener. Commentnous scan-
daliserde ce que la Révolutionet l'espritdo la Mcvo-
!ution conserventune prise sur la plupart des juifs
d'Occident,parfoismcmosur les a grandsjuifswdont
la fortuneet tes intérêtssont ouvertementmenacéspar
lesrevendicationsrévolutionnaires?de ceque,dansnos
luttespolitiquesou nos compétitionssociales,beaucoup
do juifs semblentincliner vers les partis ou vers les
doctrinesdont la téméritéestjustementfaitepournous
effrayer?Est-celà, vraiment,un trait dorace et peut-
on y voir la marque de t'csprit juifou du géniesémi-
tique? Si la traditiondes vieuxprophètesn'y est pas
étrangère,si la fille de Siona tégué aux tribus dis-
pcrsées,avec les espérancesmessianiques,un vaguo
idéalde justicesociale,les tendancesrévolutionnaires
ou socialistesde nombredejuifscontemporainsdérivent
d'une sourcemoinsancienne; ellesprovienneut,avant
94 LES DOCTRINES DE BAINB.
tout, d'un fait bien simple,c'est que leur affranchisse-
ment, lesjuifs le doiventà la Révolution,et que les
hommes qui menacent de les replacer sous le jougsuranné des lois d'exception sont, d'habitude, les
adversairesdéclarésdo la Révolutionet de ce que, à
tort ou à raison,on a nommél'espritmoderne.
Si c'esten cela que consistel'esprit juif, on n'y sau-rait doncreconnaltreun caractèreethnique,un trait dorace.Toutau rebours,dans les contréesd'Orientoù ils
viventisolés,eniermtsdansleursvieillesjuiveries,sous
l'autoritéde leur loi et de leursrabbins,j'en ai faitplusd'une fois la remarque, les juifs sont plutôtdemeurés
conservateurs,défiantsdesnouveautés,respectueuxdola
tradition,parfoismémoesclavesde la routine.Lesaccu-ser ou tese!oriMerd'être les Instigateursdo !a Rovotu'
tion, les pionniersdes idéesnouvolles,c'est no pas les
connaître. Sephardimou Askenazim,H en était de
mémo, autrefois,des juifs d'Occident,des contempo-rainsdo Spinozaou do MuïsaMondetssohn.Loind'avoir
donné !e branleau mondenouveau,l'espritjuif on a
eubt l'impulsion. En fait do révolution, !o juif dos
temps modernesa été moins initiateur qu'imitateur.Commeje récrivaisnaguère', le juif du xvm* siècle
était si bien lid et garrottôpar !oTalmudet lesobser.
vancesrituellesque, ai nous n'avionsiranch<;sesliens,ou si nous ne lui avionsprêtédesciseauxet desUrnes
t. Voye!~Mtftc~:fc<natfoM.
L'ANTtSËMmSME. 9S
pourlescouper,il n'auraitpeut-êtrejamais en la force
de lesbriser.Nerenversonspas les rôles ce n'estpasle juif qui a émancipela penséechrétienneet boule-
verséles sociétéscontemporaines,c'est ia penséechré-
tienne,ou mieux,la penséemoderne,qui a émancipele
juif.
L'espritd'innovationlui est, presquepartout, venu
du dehors mais une foisqu'il en a été touché,on ne
peutêtre surprisqu'il ait souventsuivi les adversaires
des traditions religieusesou monarchiques.Comment
serait-ce,parmilesjuifs,quet'idecchrétiennerecruterait
ses défenseurs,ou que l'ancien régime et l'ancienne
monarchiegarderaientdes partisans? et, religieuses
ou politiques,commentles échappésdu ghetto no se
dëticraient-uapas des traditionsd'un passéqui leur
a laissédossouvenirssi cruels? Cettedéflanoeenvers
les idées ou les institutionsdu passe, ça !a rcncon*
trona-nous pas, également, pour des raisons ana-
logues, chez d'autres victimes do l'ancien régime,
chez oo! proteatantafrançais, si bien que nos aoUso-
mites n'ont pas craint d'assimilerl'esprit huguenotA
l'espritjuif?
Dece que tes vexationsou lessouffrancesdq l'ancien
régime ont prédisposales juifs a la révolteou A!a
dëuancecontrelesinstitutionsdu passé, s'ensuit-itquole principaltrait de l'espritjuif soit la lutte contre t'es-
prit chrétienet l'espritreligieux,pousse jusqu'aumate'
daiismem'tftant? Peut-onaffirmer,avec;m écrivaindo
96 LES DOCTRINES DE HAtNR.
talent que, si l'Hébreude l'antiquitébibliquea fut le
déiste(oumieuxle théiste) typen, le juif est, aujour-
d'hui, !'a irrëconcijiab!oEnnemide Dieu?e.
Si vousérigezlajuif en ennemide Dieuet en apôtrede l'athéisme,que faites-vousdesmilliers,ou mieuxdes
millionsde juifsqui, en Occidentcommeen Orient,et
en Amériquecommeen Asie,s'obstinentà adorerJého-
vah et à vénérer la Bibte, !cs Prophètes,ou mêmele
Talmud? Direz-vousque lejudaïsmeest étrangerà l'es-
prit juif? que, pour saisir ou pour définir cet esprit
juif,il fautcommencerpar écartertous lesisra~titesquirestent attachés aux traditions d'Israëlet à la foi de
Juda?q
C'estainsi, pourtant,que procèdent,d'habitude,les
coryphéesde l'antisémitismecontemporain.Pour ex-
trairedu juif modernece qu'ils appellentl'espritjuif,
ils excluent,a priori, ou ils laissentsystématiquementde côte tous les docteurs, tous tes rabbins, tous les
croyants, toute la littérature ou presse reugieuso
d'tsraf),commesi les israélites;;de!csaux croyancesdo
leun ancêtresétaient devenus,par là même,étrangersà t'eapritjuifB.
Quelssontleshommesqu'onnousdonne,leplus sou-
vent,commules représentantslégithneset autheouquesde l'espritjuif? C'estun Spinoza,un Heine,un Lassalle,un KarlMarx,pourne citerque desmorts,c'cst-a-diro,
1.MaliceMurtt,f.x< Paris,t'effio,iOOL
L'ANTtSÉMtTtSME. 97
G
d'habitude,desécrivainsou des agitateursdétachésdu
judaïsmeet dela traditionjuive.Qu'auraientdit lesjuifs
d'Amsterdamqui ont frappéSpinozadu a Mereme, si
on leuravaitannoncéqu'un jour viendraitoù ce dis-
cipledes ~o)m,excommuniepar la Synagogue,serait
donnécommeun des représentantsattitrés de l'esprit
juif? Et cequi est vrai de Spinozal'est, plusencore,de
Heineoude Marx.CesontJadesjuifs détachesdelatradi-
tionjuive,cequej'ai appelé,dans7~'a~chez/e<A'a<t0oa,
desjuifs«dejudaïsés,Hc'est-à-diredes hommesqui, à
notrecontactet sous t'inuuoncode notre civilisation
occidentale,ont abandonnelescroyanceset les tradi-
tionsdo leurs pères pour y substituerdes idéeset des
notionsnouvelles,empruntéesà un milieuétrangerau
judaïsme.
Cesjuifsdëjudaïses,formesà notreccoto,ilest permisdo découvrir, chez eux, la marque persistantedes
originesisraéliteset mémod'y surprendretestracesdn
géniejuif ou hébraïque.L'erreur, pour nopas dire le
paradoxe,est do les regardercommetes seuls ou les
principauxreprésentantsdot'cspritjuif. Si fidèles,ou si
habilementpeintsquepuissentctroles portraitsdotous
ces juifs déserteursdu judaïsme,ils ne sauraientnous
donner, du juif moderne,qu'une imagofausse,parce
qu'incomplète, no nous en montrant qu'un côte. et
précisément,la facela moinsjuive.Or, cetteerreurest
celledola plupartde nosécrivainset denos polémistes.
Lorsqu'ilsveutent/dcpeindrote caractèreou l'esprit du
98 LES DOCTm?)HSDEHAtSE.
juif moderne, ils écartent,inconsciemmentou de parti
pris, tous les juifs restésndèjes au Dieude la Bible,comme si, pour personnifier l'esprit juif, il fallait
s'adresser,uniquement,à des juifs baptisésou à des
renégatsde la foidu judaïsme.C'està peu prèscomme
si, pourétudier l'esprit catholique,on choisissait,pourle représenter, Voltaire,Diderotet les encyclopédistessortis des collègesdes Jésuites.Je sais que, chez tes
juifs, !ea~antisémitesont en vue la race et non la re!i-
gion mais,chezle juif, raceet religionsont malaiséesà séparer,entièrement,d'autant qu'b!!cssont,en quel-
quesorte,leproduitl'une de l'autre.C'estsa religionquia formeet qui a conservé!ejuif; et quandonno verrait
en ellequel'expressiondu génie de la race, il est peuconformeà l'histoire ou à la raisondo n'y pas recon-nattreun des facteursde l'espritjuif.
Pour fairudu juif, aveclesantisémites,l'espritnega-t~ut par oMeUence,et < i'irreconciti&NeennemidoDieuD,il faut,par unesortede paradoxehistoriqueet
philosophique,isolerlejuif de la Synagogue,le couperde ea Bible, do son Talmud et do toute la Htteratufo
proprementjuive.
Assurément,l'esprit de négationou de scepticismeest fréquent parmi les juifs occidentauxqui, à notre
contactet ¬re école,se sont, pour ainsidire, vidés
du touteslescroyancesde leurs ancêtreset de toutesles
traditionsd'brae!, sansquerien aitencorecomblépareil
vide.C'est de cela,sansdoute,que s'autorisetel de nos
L'AM'!8~MtTtSNE. 90
compatriotespourécrirequele juifcontemporainest un
a ardententrepreneurde démolitiona. Sicela eft ,ra~
de plusd'un juif d'Occident,cespenchantsnégatifsou
ces instinctsdestructeursne sortent pasde la race; ils
n'ont, en eux-mêmes,rien desémitiqueoudejudaïque;i
ils proviennentsurtoutdel'histoire,deshainesanciennes
oj des vivaccsrancunes accumulées, chez !c9 Ois
d'Israël,par la longuepersécutiondu moyenâgeet par
leslongsabaissementsde l'ancienrégime.Il estmalaisd
d'y reconnaîtreune philosophieet une politiquejuives.
Religieusesou politiques,ces doctrinesnégatives,
pour ceux mêmes des révolutionnairesisraélitesqui
peuventse vanterd'avoirune doctrine, no sontpas
sorties, spontanément,du sein d'Isn~'i;elleslui sont,
presquetoujours,venuesdu dehors. J'en puis citerun
exemplerécentet frappant.On a souventreprochaaux
juifa russca, durant les vingl dernières années du
x)X*siècle, d'être enclinsau a nihilismes et à J'anar-
chismo.CcHcsorto do nihinsmo théorique, les cmi-
grants juifs poussespar t'into!eranccet par la ïnis~re.
desbordsdela Baltiqueoude la mer Noiroau Nouveau
Monde,ont et6accuses,plusd'une fois,de l'avoirtrans-
porte,aveceux, do l'autocratiqueRussiedans la libre
Amérique.Or,conihilismeanarchiquf,étranger&tcura
corctigionnairesd'Occidentou d'Orient, où ces juifs
russes t'avaicnt-its puif.6?~tait-co dans leurs syna-
gogues,dans leurs Ac< ou leursTaImud-Thora?Non,
c'étaitdan-' lesécolesrusses,dunatesuniversitésitnpc-
100 LES DOCTRINES DE HAINE.
riales, auprès des compatriotesde Bakounineet do
Kropotkioe*.
IIen estdes juifsd Occident,des juifs do Franceou
d'Allemagne,commedoceuxde Russie.S'ilsse laissent
souvent entratner aux théoriesrévolutionnaireset aux
idéesnégatives,s'ilsendeviennentparfoisleschampionsou lesapôtres,lesjuifsen sontrarementtes inventeurs.
Tout au plus, leur donncnt-iisparfois, comme Kart
Marx, une forme, une façon nouvelle. Qui veut se
donnerla peined'examinerlesjuifs, paysparpays,Htat
parËiat, découvreque toradicaiismojuif ~ardo,d'habi-
tude, un pont do terroir, selon le soldont il provient.Ceserait le cas,pourtesantisémites,doa'entenir à leur
thèsedoprédilection,do direquele juif n'inventerien,
qu'il ne vit jamaisque d'emprunts,qu'en fait d'idées,
commeen faitd'industrie, taSémiten'est jamaisqu'uncourtier. Coqui, en d'autres domaines, n'est qu'uneaccusationineptoet iniqueserait, d'ordinaire, justiSôen politiqueet en révolution.
L'espritjuif, si l'onentend,par tu, t'espritdone,;atiun
et do destruction,n'a ainsi, !o plus souvent,rien do
vraiment juif. S'il est des israélitesmatcr}a)istc'<,des
israélitesathées,cesQtsd'taraei,infide!esa l'antiquefoi
doJuda, sontloind'avoirImporté,cheznous,to maté-
rialismeou t'atheismc;ital'ontrespi~ d'habitude,dans
notre atmosphère ils t'ont emprunte,autour d'eux,a
t. Vuyett')~tre(/M?<Mf<t<~M/<uesf<,tufnett, )iv.), <tta{'.t.
L'ANTtSÉMtTtSMB. iOi
u.
leursvoisinsnonjuifs, à deschrétiens,à des aryenso,
si bienque, à le prendreà ses origineset à remonter
jusqu'à sa source, cet esprit juif dérive de l'esprit
aryen c. Le plus souvent, co soi-disantesprit juif
est, tout bonnement,l'esprit du xvtn"siëc!eetde !a
névotution.Veut-onque, cet esprit do la Hcvotution
qui, pour beaucoupde nos contemporains,s'identifie
encorea l'esliritmoderne,il se m<?!e,chez les is~etites,
outre une naturelle aversion pour l'ancien régime,
quelquechose do proprementjuif ou hébraïque,c'est
la remarqueena souventétéfaite –tafoiau t'ro~res,
legranddogmemoderne, taquettulejuif étaitprépare,do longuedate, par tes visionsdo ses prophèteset par
ses aspirations messianiques.Pour devenir d'ardents
ptosctytcsde cettehumainefoiau i'fog~s,it a sufn,aux
<i)ad'Isra}'t.de tire la Uib!oà la lumièrede i'Encyctope-
diuet des philosophes.Ils ont cru retrouver,dans h's
promessesdesprofanesvoyantsdes gentils, lesprédic-
tionsdes n nabis a du Jourdain. Ainsis'expliquecom-
ment, du petit juif routinier des vieilles juiveries,
émerge,si tacitement,un hommomoderuoet,Acertains
~ards, le plus modernedes modernes.N'importe,en
faitdo négationet doradicalismephilosophiqueou poti-
tique,le juifa ctonotreetove,et non pas notre maître.
Ce n'est pas nous, quoi qu'enpensentles antisémites,
qui nouajudaïsonsh soncontact,c'est tui,ptutot,qui so
ad~-judaïseoaunot<o.S'ilya. vraiment,entreluiet «oua.
cumagioudoscepticismeet dematérialisme,il y aurait
i02 LES DOCtHtNES DE MAINE.
Uijjustico,de notre part, à l'en rendre responsable car
lesgermesde ce mal moral,il lesa pris, cheznous, it
ne nouslesa pasapportés.Maisest-il vrai que les juifs modernessont tous les
zélateursdes doctrinesnégatives,les ennemisde l'idée
de Dieuet leschampionsacharnésde la grande révolte
contretouteautorité*?̀t
Sinombre de juifs modernessont ainsi les adeptesdu matérialisme,cela n'est guère vrai que des juifs
d'Occident,plus ou moinse déjudaïséss notre école.
Msemblequ'il en ait été de même, dèsl'antiquité.Les
juifs demeurésndè!esau Talmudont un nom ancien
pour désignerceuxde!oursfrèresdevenusmatérialistes;ils les appellentdes ~t&o~n, c'est-à-diredes Épicu-
riens,indiquant,par cesobriquet,l'origineétrangèredu
matérialismeen Israël. J'ai, quant d moi, visité, en
Europe, en Asie, en Afriquo,la plupart des grandes
juiveriesd'Orient; j'ai pu constaterque, s'il s'y ren-
contre, le juifathée, le juif e irreconciiiaHeennemide
Dieua y est encorefort rare. Et, dans notre Occident
même, les juifs ensont-itstous, vraiment,a l'athéisme
en religion,au collectivismeou à l'anarchieen poli-
tique?En est-ilainside l'Angleterre,par exemple,qui,
<.Pourconnattrele véritableespritJuif,H faudraitêtreencontactaveolesmilieuxproprementjuifsetsuivrela littératurejuive,danstesfeuillesieraétiteaenjargon ouennéo-hébreu.Or,d'aprèscequ'entraduisentlesjournauxourevuestsracittes,toutecettelittératureJuiverestedévouée&ridéeduDieuUn.
L'ANTt8ÉMtT!8ME. <03
depuisvingtans, a servide refugeà tant de milliersde
fugitifsIsraélites?Disraeli,cepetit juif séphardi,drape
en lord anglais,que !'oa prend parfoiscommeun dea
représentantsde l'espritjuif, n'était,malgrésesvelléités
démocratiques,ni a ~eeni socialiste;et les juifs anglais
demeurésBdèiesau judaïsmene!esontpasplusque lui.
Beaucoup,comme BeaconsQeid,soutiennent!e parti
conservateur.AuxÉtats-Unis,où leur nombre va sans
cessegrossissant,lesjuifs, commeleschrétiens,se par-
tagententre lesdeuxgrandspartis politiques.C'estque
(toute son histoire en suggèrela remarque) le juif
variesuivantlespays,commesuivant lesépoques.Des
troisfacteursprincipauxd'unecivilisationou d'une lit-
térature, selon Taine, la race, le milieu, le moment,
lesdeuxdernierssont, a toutprendre,ceuxqui ont le
plusd'empiresur le juifmoderne.Ici, commeen toutes
choses,l'erreur des antisémitesest d'appliquerauxn!s
d'IsraMl'inique et grossièrethéoriedu bloc. Juifs ou
chrétiens,protestantsou catholiques,la penséeet l'ac-
tivitécontemporainessontpluscomplexesque ne t'Ima-
ginentl'antisémite,l'antiprotestantou l'anticlérical.
Quide nouspeuts'en étonner,quant aux juifs, alors
quela souplesse,la Oexibiiité,!c don d'adaptationsont
les qualités que leurs adversairescontestentle moina
auxIsraélites?Comme l'espritmodernelui-même,dont
ii n~est&bien des égardsqu'un reflet, l'espritjuif se
laissemalaisémentenfermeren docourteset sèchesfor-
mules.Celaestd'autantplusvrai qu~, au cours m~me
i04 LES DOCTRINES D8 HAINE.
du x)x~siëc)e,te siècleoù ilsont eu le plus à lutterpourleurémancipation,il s'estrencontrédesjuifs,danstoutes
les écolesphilosophiquesou sociales.tsraët n'a réelle-
ment faitblocque contre les adversairesde sonaffran-
chissement,et encore,malgrésa légendairesolidarité,les ennemisdes juifs ont-ils souventtrouvédes com-
plices,jusquedanstes rangsdesjuifs.Est-il nécessairede montrer,par des exemples',que
l'esprit juif n'est pas forcémentathée ou Matérialiste?Sans remonterjusqu'à Spinoza,grandeurne religieusea sa façon, dont les antisémitesaiment a citerle nom
sanspeut-êtrecomprendresesdoctrines,noustrouvons
MoïseMendelssohn,moins grand assurémentque le
philosophede laHaye,maisplusvoisinde uouset bien
autrement représentatifdo l'esprit juif. Le promoteurde la réformedu judaïsme, celui qu'on appelait le
Socratede BerUn,Mcndotssohn,l'ami de !~ssing et,commeon Je sait, le prototypedo son a NathandorWeisos, a étél'auteur du PA~OMet l'éloquentdéfen-seur de l'idée do Dieu et de t'immortatite de t'amo.
Combiendechrétionseussentosé, cnp!oinxvm'sMe,refaireainsile PA~oM?SiMende!ssohnen a ou le cou-
rage, c'est qu'll était encore imbu du véritableespritjuif; et si le scepticismeou to mal6riaUsmeont pré-valu, depuis lors, c!hztant de ses congénères,c'est
qu'ils se sontdétachesde la traditiond'îsraM!;c'estque,malgré la défensedes vieux rabbinsd'Allemagne,ilsontouvertles livresprofaneset goûteaux fruitsdéfen-
L'ANTtSÊHtTtSME. iOK
dus de !a sciencemoderne.Tout comme les juifs de
Russie,pourle nihilisme,j'ai eu plusieursfois l'occa-
sionde le constater,c'esten effetà i'Univeraitë, ài'A~mo
J!/o~r, fondéepar l'Égliseou par l'État, que les juifs
d'Allemagneou d'Autriche ont pris leurs tendances
radicales.
L'antiquefoienJéhovahaurait-elle,vraiment,déserte
la Synagogue ou n'est-elleplus, chezles juifs émanci-
pésdel'Occident,qu'un cas isoléd'atavismeintellectuel7
Tout juif civiliséest-il l'ennemi de Dieu, en même
tempsque le contempteurde l'idée depatrie'? Foar ne
pas sortir de France, je pourrais citer le nom d'un
hommede bien,d'un poèteque nousaccompagnionsau
cimetièreMontmartre,il y a seulementque!quossemai-
nes, et qui fut, durant près d'un demi-siècle,l'ami de
J. Simonet do Pasteur,M.EugèneManuel.Cetui-!ane
rougissaitpas do ses origines israélites, et, tout en
ne restant étrangerArien de ce qui fait l'honneurde
la civilisationmoderne,il n'a jamais renie !o Dieudea
prophètes.11avaitété, on sa jeunesse,avec cinq autres
jeunesgens,tous français,commelui, un des fonda-
t. OnmorfprochertUdu nop~stnpnttonnertctte nomd'un
ismëHtofran~is,J~ephSalvador,en~0)a'otXufentst curleoso-menttesantiquesesp6r<ncp8d'tsraCtetlesplushautesMpirat)onsmodernes.AucunfilsdeJuda,peut-être,n'eûtcuplusdodrottsta
ftroadmiscommoundestepr~entantadut'e9prHlu)f,au)!tt*6ic-
c)o,quol'auteurdo Rome,f«~, Jt'rxMft'ft,te penseuroriginal
quir~a)td'unoMrtodusynthèseentt'ola Bible,t'&vangtteet!<scieneecontemporaine,
iOO LES DOCTRINES DE HA!?tE.«- A
teursde I'~M!Mce/s~/t~ t~M~e, que l'ignoranceh&ineusedes antisémitesvoudraitérigerenépouvantai!,et dont les écolesd'Asie et d'Afriquerendenttant do
servicesà lacultureeuropéenneet Il la languefrançaise.L'auteurdesOuvriersn'a jamais chantôque les choses
nobles Dieu, Famé, la famille, la patrie, l'amour
chaste,la paixsociale c'est-à-dire,justement, tout ce
qu'onnousassureêtre la négationde l'espritjuif.
EugèneManuelétait un poète,et les poètes,raced'ar-
Uateset de rêveurs,répugnenta bannirde tours songesDieuet t'ame veut-on un philosophe,il serait faciled'en citer,sanssortir de France.J'en nommeraiun quoj'ni égalementconnu,un homme modesteet un sage,commeManuel,ot commelui, un Françaiset un pa-triote,qui avaitsu associeraunehauteculture moderne
ce qu'il y a do plus élevédans les traditionsd'tsraSt,M.AdolpheFranck.Chaquefoisque, a l'Académiedes
Sciencesmorales,Dieu ou fume semblaiten cause,cevieuxphilosophe,qui avaitapprisd tiradanslo Talmud,tes défendaitavecun accentdo foiet d'indignationquiétonnait, pour ne pas dire détonnait, en ces froides
séancesacadémiques.Oneut cru entendreun prophètedesbordsduJourdain.Jo n'ai jamaisconnuplusbouil-
tant championdet'idc~doDieu.Nousavons,en Franco,une Ligue nationale contre l'athéismeque présidait,avant qu'il nous fût enlevé, M. Arthur Dcsjardins.Saiton par qui cette ligue contrel'athéismea été fon-
dée? par un juif, M.AdolpheFranck, avec l'appui do
L'ANT!SÉSHT!SMB. i0t
J. Simonet !econcoursde plusieurssavantsde diverses
confessions,entreautresde M.Ch.Wadington,luiaussi,
philosophespiritualiste,dont l'exemplemontreque, pas
plusque l'esprit juif, l'esprit protestantn'est toujours
négatif,ni toujourssectaire.Nombreuxdu reste,parmi
lesmembresde !a Liguecon~'cl'alhéi8me,sontlesjuifset tes protestantsdoPariset de provincequi, pour lutter
contre le grossier matérialismedes foules, n'ont pas
craintdodonnerlamainà descathouques.Etchosequ'on
mepermettrade noter, un des derniersécrits publiés,
pour ses adhérents,par cotteLiguecontre l'athéisme,
est uno ëtudo traduite de l'italien, intitulée &'<cMco
ciFoi, et il se trouveque ceapages,où la foi en Dieu
est gtoriOee,avecun éloquententhousiasme,sontde la
plumed'un Israélite,M.LuigiLuzzattt,le savantécono-
misteitalienquia succèded Gladstone,commeassocié
do l'Institutdo Franco.Do tels exemptessuffisentà
prouver qu'en pareillematière,si l'on ne veut point
dépasserles bornesdo la vérité et do la justice,i! faut
aogarderdesgénéralisationshâtives,au lieude mnger,
en bloc, toustesjuifs, ou tous les protestante,derrière
tesétendardsdol'athéismeet du cosmopolitisme.
A l'hommecurieuxde saisir l'espritjuif, ou tes ten-
danceset tesaspirationsdu juif contemporain,en philo-
sophio,enpolitique,en sciencesociale(autantdu moins
queles juifsdifférentde leurscompatriotesd'autreori-
gine),je conaeilleraia,volontiers,de portersonattention
eur tes juifs d'Italie,d'Angleterre,des Etats-Unie.Et
i08 LES DOCTRINBS DB BAtNE.
cela,pourcette raisonquece sont des pays où le juifn'est pasaigripar lesviolencesde l'antisémitisme,où.
n'ayantplusà redouterlesrevenantsdu passé,l'oppriméde tant de sièclespeut en quelque sorte désarmer;
tandis que, dans les États où la lutte entre les tradi-
tionsancienneset les institutionsmodernesest encore
ardente, où la liberté religieuseet t'egatitocivi!one
semblent pas encore au-dessus de tous les assauts,
l'affranchidu ghetto,inquietpoursesdroitsrécemment
acquiset irritédesinjuresou des mépris de ses adver-
saires, est enclin à bataiUercontre tout ce qu'il croit
hoatitenisract; et commeil arriveen toute guerre, il
passe,lui aussi,sansscrupule,do la défensiveà l'offen-
sive. Cequ'on nous dépeint commel'esprit juif n'est
souventque l'humeur combative d'hommes qui, se
sentant ou se croyanten péril, se tiennent obligés,vis'a-visdoleursanciens oppresseurs,de demeurersur
lepieddoguerre.ii se peutque, cheznous,en France,le juif, comme
leprotestant,n'ait pas toujourssus'affranchirdes ran-
cunesdu passéou desappréhensionsdol'avenir. Esprit
juif, ou esprit protestant,les passions,ica antipathies,les ressentiments,t'exctusivismosectaire qu'on leur
p~etosont, !e plus souvent, le fait de t'~tatde guerreconfessionnelleoù, depuis la croisadepr~chcopar les
antisémites,nousvivons,hélas en France.
Antisémites,antiprotestants,anticléricaux,par leurs
mutuellesprovocations,s'en partagentla responsabiHtc.
L'ANTtSÉMtTtSMB. <09
7
L'esprit qui les anime n'est ni l'esprit catholique, ni
l'espritjuif, ni l'espritprotestant,mais,tout bonnement,
l'espritd'intolérance,nourride l'esprit de guerreet de
haine.
in
JIy a, je !e sais, nombre d'antisémitesindifférents
aux doctrinesreligieuses,qui se proclament libres-
penseurs,qui peuventl'êtreeffectivementmaisceux-là
mêmes,s'ilsno partentpas do l'intolérancereligieuse,
aboutissent,fatalement,à l'intolérance.Ils disent nous
nous attaquons,chez !o juif, non a !a religion, mais
à la race, au sang d'tsraci. Leur grief est purement
ethnique.
Matacomment !so!or,dans le juif, !a religionde !a
race?Lorsqu'onréclamedes !oisd'exceptioncontretes
juifs, lorsqu'ondemandele retour aux lois du Moyen
Ageou de l'AncienRcgimo,peut-on imaginerquo de
pareillesloisn'auraientaucuncaractèrereligieuxVous
parlezde race vouadites c'est à la race que nousen
voulons;maisà quel eignola reconnattrex-vous,cette
race? Si vous aviezaffairea des noire. A des jaunes,voirea despeaux-rouges,ce serait aise i!ya desEtats,
par exemple,descoloniescuropdcunes,où lesnoirs, les
jaunes eont frappésde certainesincapacitésciviles et
politiques.Avecles juifs, cela serait moins facile car
HO LES DOCTiHNES DE HAINE.
!eajmfs sont, par malheur, de race blanchecomme
noua.Aquoiles reconnaîtrez-vous?sera-ce,vraiment,a l'oyalede leur visageou à la courbede leur nez? Qn
risqueraitfortde s'y tromperet de prendred'<"ce!Ientachrétiensouearyensapourdessémites.Lapreuve,c'est
qu'auxépoquesoù it y avait des loisd'exceptioncontre
le juif,leschrétiensou les musulmansontinventéde lui
inuigerdesmarquesdistinctivcs;c'estainsiqu'ilst'obli-
geaient&porter la rouellejaune, ou le bonnetjaune,et d~erenta signesextérieursde ce genre, de manière
que leschrétiensna fussentpas exposésà prendra ce
mécréantdojuif pourun deleursfrères.
Pô somme, il n'y a, pour Jejuif, qu'un seul signe
distinctif,ou ce qui revient au même, entre )e chré-tienet lui, il n'y a qu'une ligne de démarcation la
religion. Le juif a été fait par sa religion iil a été
conservépar elle,et s'it venaità s'endétacherfniiere-
ment, il disparaurait,fatalement,en tant quejuif.C'est
!esort,du reste, qui sembleréservé,sinon a tous, au
moinsa un grand nombre.!i n'y a, encoreune fpis,d'autre signe certaind'origine juive, que !a ro!igion
juive. Par suite, toute loi d'exceptioncont:oles juifs
prendraun aspect religieux.Et il en est ainsi, rcmar-
qucz.!e,dans tous lespaysou il y a eu des loisd'excep.tion contreeux, dans tous ceuxoù il en existeencore.Prenezl'Espagneancienne,prenez la liussie contem-
poraine, vous trouverezque les lois d'exceptionsureajuifaont toujourseu un caractère religieux;quetes
L'ANT!86MÏH8MB. 1U
juifs qui se faisaientchrétiensn'étaientplusassujettis
à ces lois, ou s'ils le demeuraientencore, commeles
marranes d'Espagne, c'était pendant une période do
transition,et parcequ'ondoutaità bon droitde la sin-
céritéde leur baptême.
Quiveutdoncédicterdes loisspécialessur les juifs
et contretesjuifs est acculé,bongré maigré, a la per-
sécutionreligieuse,Telest, en somme, l'aboutissement
fatalde l'antisémitisme,et pourmoi, commechrétienet
commeFrançais, cela seul suffiraità me le fairecon-
damner.
Cheztejuif, on doit tesen croire,nos antisémitesen
veulentsurtoutA la race. Nousen venons,ainsi, à un
autre grief,plusgravepeutôtre, parcequ'il toucheun
plus grand nombre de personnes le grief national.
Le juif, dit on. est un élémentétranger, inassimilable,
qui dénationaliseles peuples au milieu desquels it
s'établit. Terrible reprocheen un eieetecommecelui-
ci, oùtes différentspeuplesse montrent si fortement
et si justement attachés& leur nationalité. Le juif,
dit-on,no peut etro Français,parce que le juif est un
Sémito,et que nousautres,Français,noussommesdes
Aryens. Vo!)A,dans toute sa simplicité,la thèse des
antisémites,et aur cette th'~o simpliste repose tout
l'antisémitisme.S'il a, commeil ose s'en vanter, une
base scientifique,c'est celle-là; Hn'en saurait avoir
d'autre.Or.est-ilvrai quole juif soitun pur Sémite,et
ii2 LES DOCTRINES DB HAtNE.
nt)« nntm <mtrpQ-chrétieDS d'orieine. nous 80que nouaautres, chrétiensd'origine,nous soyonstous
des Aryens?– Beaucoupd'entre vous savent que ce
qu'ona pris longtempspour des races n'était, le plus
souvent,quedes groupesde peuples,et que là où l'on
disait des racessémitiqueset des racesaryennes,il eût
été beaucoupplus juste de dire des languessémitiques
et ies languesaryennes.
L'erreurfondamentalede l'antisémitisme,c'est, préci-
sément,de partir do l'idéede race, d'attribuer, à cette
idéede raceet à l'oppositiondet'ArycnetduSémite,une
valeurà tout le moinsoutrée. !)oublieque, do la race
elle-méme,en tant que race,dosesorigines,do sesété-
ments, de ses aptitudes,noussavons,d'ordinaire, peu
de choseset, qu'au!ieud'être fixeet immobile,la racese
modifiesanscesse,à traverslessiècles,au pointdo vue
Intellectuel,surtout,selon!ohasarddescroisements,ou
6e!onl'influencedesévénementset desmilieux.
Nousavonsdes écrivains,desjournalistesfiersd'un
mincevomisd'érudition,qui vontrépétant,chaquema-
tin, que la lutte soutenue par l'antisémitismen'est que
la continuationdes !ongscombats de Homo contre
Carthage,de ScipioncontreAnnibal,do ChartesIlartel
contrelesArabesd'Espagne,desCroiséscontreSaladin,
et ainsidesuite. C'est!a une philosophiede l'histoire
déjàdémodée.!i est difficiledo prendreau sérieuxcet
antagonisme,en quoiquesorteirreductib!e,doi'Aryenet
du Sémite,alora surtout qu'à a'en tenir aux faits,ily a
si peu d'opposition,on pourraitdiresipeudedifférence
L'ANT!8ËM)Tt8MB. H3
entre l'Aryen et le Sémite que, fréquemment,il est
malaisédo tes distinguer.Puis nous savons,aujour-
d'hui, que si nos tanguessontaryennes, le fondde nos
populationsfrançaiseset européennesn'est probable-
ment pasaryen.
Je ne voudraispasm'étendre ici sur ces fastidieuses
questions d'ethnologie. mais force m'est de suivre
l'antisémitedanssa théorie sur lcs races il vousdira
quecette race sémitique,il faut s'en garder, il faut la
mettreà l'index,parceque c'estune racequi tend, a ta
foip.a corrompretesautreseta lesassujettir. Dansl'an-
thropotogtoout'ethuotogicantisémite,les Aryens,c'eat-
a'diro ceuxqui nesont pasjuifs, ont touteslesqualités,
toutestesvertus, la générositénotamment; eux seuls
comprennentle sentimentdo t'honneur.LeSémite,au
contraire, a tous les défauts, tous les vices,toutes les
bassesses.C'est un être vit, tandis que t'Aryenest un
tire noble, antithèsequ'it est aist; do développeret à
laquelle je pourrais m'amuser, moi aussi. A l'un, a
l'Aryen,– nosvoisinsd'Allemagnedisentau Germain,
tout ce qu'il y a de généreux,d'idéal,d'etevëdans
notre civilisation &l'autre, au Sémite,tout co qu'etto
recouvrede passionssordideset d'instincts matériels
i. Te!toest,danssoncnfilnUnonimpUeit~,la th~osoutenuon~cctnmentencore,paruntertMind'origineonn)a)<p,nthxtratpuret contmentatcurdoWngofr,M.HoustonStewartChnmber!a)t),dnntunon~fngo~xbHûennUonnndMef<tttnd/agf)tdf<t)ft<')-~))tc'tJf!~un<fc~(Munich,Brachmann,~~o).).
Ht LES DOCTRINES t)B HAINB.
Lesantisémitesn'oublientguèrequ'unechose,c'estquo,
si les peuplessémitiquesou de langue sémitiqueont
jouéun rôledanslemonde,ilsl'ontjoué, surtout,par la
religion,par le monothéismed'Israël,et par le christia-
nisme,qui estsortid'Israël.
La race sémitique,laracejuive,particulièrement,est-
elleuneraceinférieure,mercantile,dénuéed'idéal,com-
mentexpliquerque d'elleest sorti !otroncde toutesles
grandes religions? commentun chrétien, notamment,
peut'Hregarderle sangd'IsraMcommeun sangimpur,
ou comme un sang ignoble, alors que de ce sang
d'IsraP!est issu Jo fondateurdu christianisme,et sa
mère, et sesdisciples,et les a~-ôtreaqui ont apportéau
mondela foichrëtionno?t
A cet égardencore,j'oseraidire que,non seulement
rantiBémitismon'est pa" <bnd<!scientifiquement,qu'il
répugne&toutes !f9 notionsdo la sciencecontempo-
raine, mais qu'il est en oppositionavec l'histoireet
avecles traditionsdu Christianisme,aussib!cn qu'avec
l'espritde i'Êvangi!o.
Prenonslesjuifscontemporains;ils forment, dit-on,
une'race iso!eodes peuples au milieu desquels iia
Ilabitent.Si celaest vrai, surtouten certainspaya,cela
tient,d'abord,a ce quole juifa été iso!dparta religion;i
et Acet égard, !e fait dol'isolementdu juif n'est pasaussisingulierqu'ii le sembleau premier abord.Allez
en Orient,vouarencontrerezdes populationaqui sont
L'ANTtSÉM!T!8MB. UN
dansune situationanalogue&celledu Juif, d'anciens
peuples qui, eux aussi, ont été en quelque sorte
embaumeset conservés,durant des siècles,dans leur
Ëglise tel l'Arménien,tel le Copte,tel longtemps!o
Greclui-même.
Hy a donclà un phénomènequin'est pasparticulier
au juif. Pour lui, commepour le Copte,commepour
l'Arménienou le Para!, que les ethnologuesrattachent
tousdeuxau troncaryen, ce que l'on est pbtMa attri-
buera la raceest, le plus souvent,le fait do l'histoire
et dola persécution.Israël, je ne puis me lasserde le
redire, est bien moins le fruit d'une raceque l'cBuvre
de l'histoire.Deuxchoses, surtout, ont fait le Juif et
lui ont donné,soustoutes les latitudes,un aspectpar-
ticulier l'isolementséculaireet le rituei traditionnel*.
Défautset qualités, le juif s'expliquemoinspar ses
originesethniques et par sa parentd avec les ~ieux
Sémitesque par lesmultipleset douloureusespéripéties
de son histoire,plus'do trente fuis séculaire.Le juif
moderne,surtout, a été formé,a et6façonnépar mille
ansdopersécutions,par les loisd'exception,par l'isole-
mentet la réclusiondu ghetto. Mporte,Jusquedans ea
récenteliberté,la marquedes chamfado Mlongueacr-
vitudo.L'estunedeschosesqui,pourmoi,donnenttant
d'intérêt&l'éludedesJuifs. Lephilosophe,lo politique~losociologue,pourne pas dirn lonaturaliste,y oppren.
1.Voyothrc~c~M(c<Mf<o"<(ch.Xt))).
«6 LES DOCTRINES DE HAtNE.
cent commentl'histoire peut formeret peut déformer
l'homme commentelle peut modeler et sculpter,en
quelquesorte,un groupehumain, ajoutant ou retran-
chantsanscesseà son œuvre. S'il y a une racejuive,
c'est, oserai-je dire, le produit artiOeietde la loi
mosaïqueet de nos loisdu moyenâge, c'est t'œuvre de
la Thoraet du ghetto, bienplusque le produit naturel
d'un sol ou d'un climat,ou le fruit spontanédu tronc
Sémitiqueet du sang des patriarches.Aucune race
peut-êtren'estplusmanifestementissue de l'évolution
historique.
Aussi,pourcomprendrele juif, pour faire sa «psy-
chologie» aussi bien que sa a physiologieo, ou sa
a pathologiet, faut-il toujoursen revenirà l'histoire
d'Israël, à sonhistoire, surtout, depuisla chutedu
Templeet la dispersion.Nullepart, le passén'éclairemieuxle présent.Ainsi
en est-ilde presquetousles traitsphysiquesou moraux
prêtesaux juifs contemporains,soit commeindividus,soitcommegroupeethnique.Ainsien est-il,notamment,d'un dea principauxreprochesque leur font les antisé-
mites,de l'espritde clan,de l'esprit de tribu.
Cetespritde tribu, il s'est maintenulongtempschez
les juifs; beaucoupd'entre eux,eu Orient, au moins,n'en sont pasencoredégagés.Mais,cet espritde tribu,
d'où vient-it?Est-ceuniquementdu juif? ti vient,en
partie, de :a loi,de cetteloimosaïquequ'il a conservée,
qui l'astreint à des pratiques compliquée i! vient
L'ANT!8ÉM!Tt8ME. ii7
7.
des préceptes talmudiques qui, après la dispersion
d'Israël,pour l'empêcherde sodissoudredans la masse
des peuplespaïens,l'ont pour ainsi dire entouréd'une
haieprotectriced'observancesde toutesorte.
Maisest-cela seuleraisonde l'espritde c!aa attribué
aux juifs? Si les juifs, pendantdes siècles,ont vécu,
dans nos viUes,enfermésdans les mursd'un quartier
distinct, était-ce bien toujours eux qui s'obstinaient
à s'isoler des autres habitants du pays? Lorsque!e
ghettofermaitsesportes,chaquesoir, était-ce,unique-
ment, sur l'ordre ou sous l'inspiration des rabbins?
Est-ceque les loisdespeupleschrétiensn'y étaientpasaussipour quelque chose? Voûtons-nousêtre justes et
respecterl'histoire,forcenousest do reconnaïtfoquesi
l'espritde tribu desjuifsn été, en partie, fomentépar
eux-mOmes,par leurculte,par leurs rabbins,Ul'a été,
bienplus encore, pendantdes RiMes,par tes lois des
peuplesau milieudesquelsils vivaient,par les restric-
tionsquenosancêtresapportaientà leurliberté.Encore
aujourd'hui,vous!o savez, il est deapays où lesjuifsdemeurentparquésen docertainesrégions; en Russie,
par exemple,ils ne peuventsortir de cequ'on appelle!o territoire ouvert aux juifs en certaines villes
d'Orient, ils restent confinésdans un quartier d'où il
leur est interditdo s'échapper.Est-ce,aujourd'hui, les
juifs quipersistentà se tenir d l'écart des autres habi-
tantadu pays? Non,certes; ils y sont,!eplus souvent,
contraints,malgréeux. Si l'on trouve encore, de nos
H8 LES DOCTRINES DE HA~B.
jours, Néstracesde cet anciph esprit de tribu, la res-
ponsabilitéen retombe,dvaht tout, sur les lois qui
avaient condamneles isiaélitesà un isolementpro-
longe.
J'irai plüs loin il est une reBexicnque j'ai souvent
entendufaire à desantisémites,à proposdes relations
mondaines ces juifs, disaient-ils,prétendents'imposer
à nous, ils veulent nous forcer à frayer avec eux.
Maissi les juifs veulent frayeravecnous, cela prouve
qu'ilsne tiennentpas à s'isolerdenous.Osonsl'avouer,
s'it se rencontre,aujourd'hui encore, un esprit d'iso-
lement et de séparationentre chrétienset juifs, cela
Vientplutôt dea chrétiensque desisraélites.
L'esprit de clan, l'esprit de tribu, toujours vivant
chezlesjuifs, lespousse,uit-on,à uneexcessiveconfra-
ternitè et solidaritéde race, en mêmetemps qu'il les
rend étrangersaux Interêtaet au patriotismedes peu-
plesparmi lesquelsitavivent. AuJourd'hui.commeau
moyenAge,le juif campéau sein dea nations chré-
tiennes no connaîtrait d'autres compatriotesque les
juifs, ses frères. H n'a pas, commenous, pris racine
danale sol du pays où il habite; il y restemoralement
étranger; il demeure, partout,un cosmopolite,et pourtotit dire Una sanspatrie
S'il y à quelquefondementà ce reproche,la faute
en est encore à l'histoire dans le passe, à l'anUae-
mitismedans le présent. La solidaritéjuive, parlbie
L'ANT!8ÉM!Ti8ME. ii9
peut-êtretrop vantée, cette solidaritéque les chredena
pourraientpartoisprendrepour modète,à été fdrtmeê
par les pérsecutionaoculaires, et à l'heureoù la liberté
et l'égalitédes droitscommençaienta en relâcherles
liens, les menacesde l'antisémitismesont venues les
resserreret lesconsolider.
Onen pourraitdire autant du patriotisme.Eh toua
les paysoù ilsavaientété émancipes,les juifs se tai-
saient aller, avec joie, au naturel sentimentd'amour
du paysnata!. Ils étaientfiers do devoir des citoyeha
et se faisaienthonneurd'en remptirles devoirs.L'antt-
sémitismeest venuleuren contesterle droit; il leurà
dénieta facuttôd'avoirunepatrie il teUra montra,du
geste, les rou~eade l'exil; en plusieurspays, it les a
contraints,à forcede vexations,à chercher une nou-
velledemeure,sur des terresmoinsintolérantes.Si l'on
a vu des juih d'Autricheet d'Orient prêcher le Sio-
nisme,engagerleurscoreligionnairesà secréer,de nou-
veau, en Palestine,une patriejuive, avecun Ëtat juif,
c'est que les fureurs do l'antisémitismete~ taisaient
désespérerde puuvoir aiHour&posséderune patrie et
d'être jamais regardes,par les chrétiens,commedes
compatriotes.LeSionismen'est que!aconsequencedet'eMtusiwmo
untisemite.Hs'estoffert,commeun port derefuge,aux
juifsde Roumanieet d'Orient,auxquelsles loisou les
mceuMrefusaientunepatrie, sur le soi natal.Mata,par-
tout ailleUrs,dans tous les paya où ils ont été admia
120 LES DOCÏRtNES DE HA!NB.
aux droits de citoyens,les juifs se sont trop attachés
à la terrehospitalièrequi les avaitaccueillis,pour aller
à la recherched'une autre patrie, fût-cesur les rives
bibliquesdu Jourdain.
Dans les Etats qui leur ont accordét'égatitéet tes
droitsdu citoyen,là surtoutoù il leur a été permisde
prendrepart aux auairespubliques,en Allemagne,en
Angleterre,en Italie, en Francemême, je ne croispas
que lesjuifsse soientmontresmoinsbonspatriotesque
leursconcitoyenschrétiens,ou que l'on puissesignaler,
chez eux, une politique proprementjuive, unique-
ment inspiréedes intérêtsd'tsraë!.
Parmi les juifs d'origineparvenusau fattodu pou-
voir, celui qui est montele plus haut est sans doute
Disraeli,lordBeaeonsBetd.S'ilgardait,danssa personne
et danssesgoûts, la trace de sesorigines israélites, le
noblelord,qui fut le premierpatron do i'imporiaUsmo
britannique,n'en étaitpasmoinsdévouéà la grandeur
de l'Angleterre.S'est-il montre, par certains côMs,
inférieurà son grand rival, Gtadstooo,ce n'est certes
point par le patriotisme.
Nonseulementlesjuifsontsu témoignerleuraffection
aux paysqui tesavaientémancipés,aux États qui leur
ouvraient l'accèsde la liberté,maisils ont souventfait
preuved'amourenvers lespays opprimes,où l'égalitédes droits leur était refusée, tels que la Pologneou
naguèret'itatio.
Ce n'est pas en Italie qu'on serait bien venu a
L'ANTISÉMITISME. i21
reprocheraux israélitesde manquer de patriotisme.
Beaucoup,commeM.L.Luzzatti,ontétéaupremierrangdeschampionsdu Risorgimentoet de l'unité italienne.
Eatreles noms demeurés particulièrementchera aux
patriotesitaliens,brilleceluid'un hommedont l'Italiea
dressé le tombeausous les portiquesde Saint Marcde
Venise,DanielMania.Manin,qui, aux heures les plussombresde la révolutionde 1848,disputa seul, durant
dessemaines,Veniseaux arméesde l'Autriche,Manin,on le sait,était d'originejuive. Voitdencoreun exempleà opposeraux pamphlétairesqui enseignentque tous
lesjuifaet filsde juifssontdescosmopoliteset dessans-
patrie.Lavérité, qu'on prenne l'Europe,qu'onprenne
t'Amcriquo,est que le juif s'est attaché à sa patrie,dans tous les Etats où les lois et les mœurs lui per-mettentd'avoir une patrie; et qu'en plus d'un paya,commeen Italieou en Hongrie,il a contribue,de ses
eubrts et de son sang, à l'affranchissementde cette
patrie. Veut-on chercherquellesnuancesparticulières
prend ce nolllo sentimentdu patriotismedans t'amo
juive contemporaine,on pourraitdire, avec un récent
historien quo s'il est souvent de fraîche date,commeleur émancipationelle-mémo, s'it ne repose
pas encore sur une longue Mrcuito, ou sur le
simple et naïf instinct du terroir, le patriotismedes juifs tire sa source des inspirationsrcnechicsde
1.M.TModuMHctnact),~c<fe ~M/M-o(WM(ff~M<:c~«fe<f<<'«<!</«</(Hachette,MU-,i90t).
~38 LES bOCTÏUNBS DE HAINE.
la raison et na!t de l'élan reconnaissantdu coeurn.
Par là, aussi, selon la juste observationdu même
historien, le patriotismejuif, loin d'être forcément
moins pur et moins ëtevô que le nôtre, est plusaisément dégagede tous les préjugés,dits nationaux,
a de toutesces haines sucéesavec le lait e, quivicient
trop souventle patriotismedes fouleset le transforment
en un chauvinismeinepteouen un nationalismeétroit.
Quant au reproche si souvent adresséaux juifs de
former partout un État dans t'Ëtat, c'estun desgriefs
que nous reucoatrons chez tes trois canti a; nous
devronsl'examiner,également,àproposdesprotestants,à proposdes catholiques.Former un Ëtat dans t'Ëtat,
c'est une vieille accusationdont on a singutièment
abuse, que les partis ou les groupes religieux se
pttdsent à se renvoyer les una aux autres et qu'ilsferaientmieuxde laissertomber, parcequ'elle peut se
retourner contre chacun d'eux. A en croire les trois
<anti it y aurait, aujourd'hui,tant d'Étatsdans i'Ëtat
que ledangeren serait grandementdiminué, d'autant
que touscesÉtatsdans t'Ëtat sonten lutte les unsaveu
les autres. C'estlà, du reste, un point sur lequelnous
auronsà revenir.Je ne sauraisadmettre,quant Amoi,
quoles Étatsmoderneàsoientsi peu robustesoules na-
tionscontemporainessidébilesqu'il leursoitmalaiséde
résisterau cosmopolitismehr&étito,au cosmopolitisme
protestant, ou même au cosmopolitismecatholique.
L'ANttSÉMïTISME. i23
IV
J'en arriveaugriefquitouchepeut-êtrele plusgrand
nombre do nos concitoyens,au grief économique,au
grief social.On nous dit les juifs ne sontpas seule-
ment une race d'origine étrangère, c'est une race de
parasites; ils n'exercent,votontiers, que les pro''es-
sionsoù l'on vit aux dépensd'autrui.
Lereprochesorencontrepartout,je n'ai pas besoin
d'y insister; Il est assezconnu.Le Sémiteest une race
parasitaire.C'estsa vocation.Est-cevraidu Sémite,it y
a, sur !e globe, d'autres races parasitaires 11y a, en
Orient, par exemple,despopulationschrétiennesqui,
pour des raisons semblables, se trouvent dans uno
situationanalogueà celledesjuifo.Prenez les malheu-
reuxArméniensque la politiquedu sultan a entrepris
d'exterminer, et dont l'Europe chrétienne a laisse le
massacreimpuni.Lorsqueles musulmansegorge&ient
les Arméniensde tfëbizonde et de Stambou!,parmi
lesquelsse trouvaitplusd'un prêteurd'argent,les débi-
teurs qui allaient régler leurs dottcs en supprimant
leurs créanciers les traitaient aussi de parasites, tta
appliquaientaüx Arméniensles principes de i'ahh-
sëmiUMnc.
i2~ LES DOCTtUNBS DE HAtNB.
Race parasitaire C'est un terrible reproche,par le
tempsqui courtRéQechit-on bienau sensde cemot?T
Si lejuif est un parasite,est-il le seulparasitede notre
société?Ignorons-nousque d'autres groupes,d'autres
partis que les antisémites se servent, couramment,euxaussi,de ce reprochede parasitisme?Ne savons-
nous paa qu'on t'adresse&d'autres qu'aux israélites?2
Nel'avons-nousjamais entendurésonnerAnosoreiUes?
A encroirecertainsde nos contemporainset de no.'
compatriotes,nousserions,presquetous, ici, despara-.
sites,parceque tous ceux qui ne viventpasdu travail
de leurs mains, à la sueur de leur front, selon la
parole biblique,seraient, selon les nouvellesthéories,desparasites.Or,c'estbien là, it faut le dire, le genrede parasitismedesjuifs; le griefdesantisémitescontre
eux est à peu près identiqueau Rriof des socialistes
contrele bourgeois.Peut-on traiterdo parasites les hommesqui vivent
desprofessionslibérales,ou encoreceux qui se livrent
à l'industrie,oumémoau commerce?Atora,it y auraitbiend'autresparasitesqm les juifs et, commedansnos
sociétéscontemporaines,les affaires,le commerce,la
banqueprennentune place de plus en plusgrande,il
en résulteraitquenossociétésdeviendraientde plusen
plusparasitaires.C'est,faut-ille rappeler? ce que sou-
tiennentlessocialistes.
Je n'ai pas à monter ici l'inanité de cette thèse
je me permettrai seulement de constaterque, Acet
ANT!8ÉMtT!8ME. i28
égard, l'accusationdes antisémitescontreles juMase
rencontre avec cette des sociaUsteacontre la aociete
bourgeoise.H eat vrai, ou il semblevrai, car,
pour élucider entièrementcette question, il faudrait
avoir le loisir de l'examineren détail, dans chaque
pays,presquedanschaqueville, il semblevraique,à
prendreleur nombre,vous trouvez,chez les juits, une
plusgrandeproportiond'hommess'occupant d'affaires,de commerce,de finance.Cesprofessions,malgrétout,elles sont nécessaires,elles sont indispensables l'in-
convénient serait de voir un trop grand nombre
d'hommess'y livrer, et si, dans notre démocratie,on
craint,de cecôté,une ruptured'équilibre,la fauten'en
est pasauxjuifs. Ussont loin d'être les seulsà fuir ta
travailmanuel,ou les seulsAvouloirfairedesaOaires.
Commenous leverronstouta l'heure, le principalgriefcontre eux, c'est qu'ils y réussissentpeut-être mieux
qued'autres.
Maispourquoi les juifs M jettent-ils ainsi dans les
anaircs? Et pourquoi beaucoupd'entre eux y pCus-
sissent.its?L'histoirenoust\xp!ique. l'ourquoi font-ils
notamment de la finance? c'est que le passé les a
dressesa cette profession,et, non seulementle passétea y a dressés, mata les lois religieusesou les lois
civiles des peuplesau milieudesquelsils vivaient les
y ont contraints et les y ont connocs,pendant des
siècles.A-t-on oublié que toalois de l'ancien régimeleur interdisaientpresquetoua les autres mcttera?
~26 LES DOCTRtNBS DE HAINE.
Ondit quebeaucoupdejuifs font de la banque,que
beaucoupde juifs sont changeurs; contrairementau
préjugevulgaire,le nombredeabanquierset financiers
juifs est in&nimentmoindre que le supposent tes
antisémites,enFrance,notamment.N'importe,pendant
longtemps,autrefois,ta finance, le changeont été le
monopoledesjuifs, et un monopolequi leur avait été
imposé.Cemonopole,c'estnous, aryens ou chrétiens,qui le
leuravionsen quelquesorteconférépar nos lois. Pen-
dant des siècles,les lois des peuples chrétiens ont,
sous le vague nom d'usure, interdit le commercedo
l'argent, les prêts d'argent, à tous les chrétiens; et
commeUfallaitbien que ces affairesd'argent fussent
traitées par quelqu'un, on les abandonnait au juif.C'estainsi que nous avons, nous-mêmes,développe,chezlui, laborieusement,artificiellement,pendant dea
générations, ces facultés financièreset commerciales
quebeaucoupd'entrenousviennent,aujourd'hui,repro-cher au Juif. ït cherche, vous le savez,à en sortir,et
alorsse dresse,devantlui,unautrereproche:Comment!1
<tne vousBufÛtpas d'accaparerla finance,de primerdans le commerce,vousvoulezencoreenvahirlesautres
carrières! Non,celaest intolérable,retournez&votre
comptoirde change. Et, en effet,it se trouve qu'en
Europe,en Francomémo, un grand nombred'israé-
lites qui avaient essayede vivre d'autres professions,
qui avaientétudidpourd'autrea carrières,qui avatout
i.'AKTtSigtXtis~Ë. ~27
commencé&yréussir,ont été obligésde iesabandonner
pour revenir,malgréeux, aux affaireset au comptoir
paternel. Ici, encore, le cas des juifs n'est pas aussi
particulierque l'imaginentlesànUsemites leurhistoire
est celled'autres groupes, cettede ces peuplesisolés
par la religion,dontje parlaistout à l'heure,desGrecs,
des Arméniens,des Coptes, des Parsis, de certains
Syriens. liais est-il vraique, cheznous, toùt le com-
merce, toute ta finance soient entre les maina des
Israélites? Est-it vrai qu'à l'aide de cette éducation
séculaireet forcéequi leur a été donnéepar le moyen
Ageet par l'ancienn!g!mo,ilsy soientdevenussi supé-
r!euraque nous soyons incapablesd'y rivaliseraveo
eux?
Si l'on examineles faits, il est impossiMede ïdorqua
la prétenduesuprématiefinancièredesjuifaa été singu-
Uorementexagérée. Si nous comptions tes grandes
maisonsdobanquedo France,par exemple,nous trou-
verions qu'il y en a très peu d'israélites. La haute
banque, aujourd'hui,cheznous,est en majeurepartie
ondes mains chrétiennes, pour une bonnepart, en
desmainsprotestantes et c'est un reprochequ'on Mt
parfois aux protestants, comme si d'excelleren une
professionétait une taroou un crimo. L'a-t'cito jamais
possédée,la haute banque juive a perdula prépondé-
rancequ'onlui attribuaitsur la Bourseet sur le marché
français.C'est, à tout le moins,un anachronismeque
de nous entretenir, avec tea autiscmtteaou avec !cs
i28 LES DOCTRINES DB HA!N8.
socialistes, de la féodalité financière juive Et, si nous
sortons de France, nous voyons qu'il y a des pays et
précisément les plus riches, où la situation des juifs est
moindre que chez nous; où, parmi les très grandes
fortunes, il ne s'eu trouve peut-être pas aux mains de
ces Sémites, représentés par nos antijuifs, comme les
rois naturels, sinon comme les rois légitimes de l'or.
On a fait, en Angleterre et aux États-Unis, doa tableaux
comparatifs des grandes fortunes; sur les quinze ou
t. Sur cepoint, lesantisémiteset les sociales, en dénonçanttesSociétésde crédit, commettentsouvent la mémo erreur. On me
permettra de citer, en note, quelques lignes de mon Mro Paul
Leroy-Beaulleu(~co/fo~nf~ep~nfoft du 13 avril 1901)à proposdes attaques de M.Viviani,dans )e journal lu ~an<fm<?,contre les
deux mtUtardeBdesSociété docr~tH,rcpr~sentceapar !odcputôMciattstecommoun instrumentde oM.do Rothschild
Cette proposition,qui fait deaSociétésdo crédit les Olialesen
quelquosorte, les aMoctceaou les bertantca de M. do itotbecuttd,est la plus surptenante qui soit. Chacun sali, aucontraire, quetes Sociétésde crédit sont les concurrentes e), qui plus est, les
concurrenteaheureuses et grandissantes,aus~i bien de la grandemaisonde !a ruo LatBttoque do la Banque do France dto-memo.Nousne voudrionarien dira qui portât atteinteà !aec)ebrobanquefamilialequi mérite !'C9timapar sa Odette à se3 traditionset a
t'Mpritdotra~at~ma~ncatabaotument certain que !a situationde cettemaisonétait beaucoupplus preponderantoeoue!a Reslau-
ration, MMle règnede Louta.Putttppoet dam la premteropartiedu secondEmpirequ'elle no l'est aujourd'hu).
Les Soclétladecrédit eont néesà côté d'ettf, en dehors d'elle,tant elleet en partiocontroelle.CesSociétésont considérablement
grandi, leur c!)ontctos'accrolt, leur puissance do placementetd'cmtMtonaussi. Elles ont précisémentreprésenté rcssordo !a
L'ANTt8ÉM!Tt8MB. 129
vingt grandes fortunes de l'Angleterre, il ne s'en ren-
contrait qu'une ou deux israélites et sur les douze ou
quinze grandes fortunes d'Amérique, il ne s'en trouvait
pas une seule juive. En Angleterre, comme aux Etata-
Unis, les juifs cependant ont libre carrière ils sont
très nombreux, et ils ont pleine liberté. Je me rappelle,
à cet égard, un mot curieux, qui mérite d'être cité. it
y a peu d'années, la vH!o sœur de New-York. Prooktyn,
aujourd'hui annexée au nouveau New-York, inaugurait
démocratieSoanctero,contre les anciennes maisons,co que t'on
oppelaltautrefois la haute banque.Ce)to-c)est maintenant conHnee
dansquelquescatreprises, quelquesSociétésd'asturance,quelques~totttesauatres. Tout !o personnel des Sortes de crédit est un
ppMonnc!relativementnouveau &prendre les noms des hommes
qui sont à ta tcto do ces tnstttnuons,on n'en tMtno quasi aucut
qui eut une notoriétéon peu ëtendup, tt y a un dt'mt-tt~ete;les
grandesmaisonsde banquedo la Ondu M))!' etede et de la pM-m~ro mo)ti6du M* ont encore, ptuatcura du moins, des repre-Mntantsnc))f<ct honoras,tout commola cëtcbromaison de la rue
LafnUo.Mata les organes antncteM prtnctpauit, ccut qui ont la
cUentetola t)!us~asto,Finnuenfota plus d~ttstve,sont au mains
da nouvellescouches.
Et JIen est ainsi, non seulementdes Sociétésdocrédit, Datsdo
tonte! !ct entreprisesnou*c1!cspar acttons qu'onles étudie, qu'ontcajugodepuis un quart do)!ectotu prcsauotnOmeundemt-stMe,on verraqu'eUcsont, presquetoutes, leur tête des hommesnou
~caut, des hommesdont tes noms no figuraient pas dans l'état-
majorfinanciertous !e r<goode Louts-PhUippc.Nousao sachonspasdo preuveplus conv~ncantoque la <ttut.-
tlon des Soctotcsmodernes no comporteaucune feo<Mtt6Cnan-
ctcro,o'0!t-a'd)reaucunetfanscotsatonhërcdttatro prolongêedo Xa
prppotcncecnOnancoou en industrie.
~3() LES Dpp' Dt: B~ÏNE.
uq ~pitat ~sfaê~e,construit apx ~raiadea }sraet!tes.
Lema~rede Prooktyn,qu~assistatt4 t'ouverturede cet
n~pita),y Ctun discoursdanstequet vantait les qua-
lité desjutta <!J~Ma,!eurd~-it epterminant,oe ~pyez
pa~trop <!er?;voqscroyezpeut-6treque you~êtes!e~rois d~ commerce,tearo~ du dollar? ou!!ootent,vpua
i~tea que de~enfants à cat~ de np~ pour faire de
l'argeot, m~ il p'y a encorequele Yankee.))
E~t-ilnécessaired'examiner~ereproche, fa~ s; sou-
vent aux juifs, d'être trop riches; on dirait, pour un
peu,qu'~ssonttousmiUipnnairea,&entendrecertaines
feuiUes,presquetous milliardaires Sinouaconeidorouala massedes
tuifa,dans le mondecontemporain,nous
découvrons,au contraire, qu'ils sont très pauvres jecroisqu'il n'y 4pas, sur cotre p!anùte,de raceen proieà un pareilpaupérisme.Si l'on veut en juger, il faut
voyageren Pologneet en Russie. AParis même,it y ades ruesou habite nnp populationjuive assezdensp,et cette populationest pauvre.Si vousallezALondres,et que vous soyezcurieux de visiter ces quartiersde l'Ea~.End, de White-~hape!,ou !e baa peupleest
entassédans des taudis infects (quoiquedepuis une
quinzained'années on ait fait, à cet égard,de sérieux
progrès),vous prouverezque la popu~pn dea <~Mles plus malsainset les plu misérablesde Londres
est,en grandepartie. israéHte.
!1y a même,à Londreset à P~-York, un ant~m!-tismed'ungenreparticulier.Quel~proche l'Anglaiset
~'AN~ÏSÉMtTj~tjtZ, i3i
!'Amér}cainfont-U9auxisrae~tea?Ilsdisent <eprolé-
taire juif (car il y a là un véritableprp~tar~t, au seqs
étymologique,commeau senséconomiquedu mot),le
propre juif, par sapauvreté,par q facultédetravail,
par spnendurée, par sa sobriété,tend 4 faireba}ssorlesgagesdespuvn~ra.Et ppurs'opposer cet avilisse-
mentdessafairpaparlamaio-d'eeuvreisraé~te,desAme*
ncainset desAnglaisontdemandéque la )otf!tobatac!e
an débarquementdes immigrantssans r~Murcea.Ppcertainesprofessions,en eBet,de ceUeso~ le travaileat
le plusmalrémunéré,dans la couture, dans le metiecde tai~teurou decordonnier,un grand nombre d'op-
vriers sontjuifa; à Londres,commeà New'Yo~, ils
sont les principalesvictimesde ce moded'excitation
justementu~ri du nomde ~eo~n~ ~<CM.Si la massedesjui~ est restéepauvreet miaéraNe,il
n'en est pas moinavrai que quelques-unsd'entre eux
eout arrtvés &une grande fortune, quelquesmittiera
à une large aisance, et cela sunit pour leur attirer
boauopupdejalousies.Once veutvoir, parmi les juifs,
que l'élite parvenueà la richesseou au succca.A une
époqueoù le nombreest tout, ou prétendêtre tout, les
Juifsmontrent que !o nombren'est pas tout; c'est ML
peut-êtreune deschosesqu'on !eurpardonnele moins.
Lejuif,dit-op,en prendphtsque sa part.Nousverrons,à proposdesprotestants,auxquelson fait le mémore-
proche, jusqu'à quel pointce grief est fondé. Ce qui
nous~rrifo,ep pareil cas, contrelesjuifs, o'est le plus
132 LES DOCTRINES DE HAINE.
souventleurssuccès,et par là même, les qualitésquiles leur font obtenir. On dit bien que ces victoire",
dans les luttes économiques,ils les doivent à leur
manquedo scrupules,maison ne doit pas de victoires
durablesà la mauvaise foi ou à la fraude. Non, si
le juif réussitdans lesaffaires,s'it fait sonchemin en
tant do carrièresdiverses, c'est grâce à ses qualités,
grâce à son esprit d'initiative, à sa patience, à son
énergie,à sa souplesse,a sa persévérance.Ce sont ta
des qualités fréquentes,chez lui c'est elles qui lui
valentle succès; et, au tieu deles lui reprocher,nous
ferionsmieuxde les acquériret de faire preuve,nous-
mêmes,d'autantd'énergie.
J'entendais,par exemple,i) n'y a pas longtemps,uno
mère de famille, parlant d'un cottagedo Paris où
était son fils, s'écrier a Les juifs sont toujours tes
~emiers ils remportenttous les prix c'est intolé-
rable Eat-cpque nousallonsvraiment trouverlà un
motif d'exclusion? allons-nousdébarrasserla France
d'un groupe,parce qu'à ce groupeappartiennenttrop
d'enfants,tropde jeunesgensintelligents?J'avoue,quece n'est pasainsi, pour ma part, que je comprendsta
patriotisme.Je dirai plus je suis profondémenthu-
milié, lorsqueje rencontretantdenoscompatriote,quiont l'air de secroire incapablesde soutenir!aconcur-
rence de ceux qu'ils nomment,dédaigneusement,des
sémites.Quantà moi, comme Françaisde vieillerace,
commearyen,pour employerle termecheraux antisé-
L'ANTt8ÉM!TtSHE. 133
8
mites,jen'ai point unepareillehumilité.Il a pum'arri-
ver,à moiaussi,au collège.ou ailleurs, de rencontrer
desconcurrentsa sémitesw mais, si redoutablesqu'ils
fussent,je ne craignaispas de me mesureraveceuxi
et pour moi, et pour les miens, dans toutes les luttes
de la concurrence,je ne réclameaucun privilège; jene revendiquequ'unechose la libertéet l'égalité.
Lorsquenous examinonsles reprochesadressésparles antisémitesà ce qu'ils appellentle capitalismejuif,unechosenousfrappe:c'estque l'antisémitismeaboutit
à une sorte d'antioapDatisme,~t par suiteà une sorte
desocialisme.Sur ce terrain,les antisémitesdonnent la
main aux ~ciatistes ils arrivent à ta mêmeconclu-
fion, avec cette différencequo les tiociaiistes,plus
logiques,étendentleurs attaquescontto le capitalismeà tous les capitalistes,tandisque l'inconséquencedes
antisémitess'en prendseulementauxjuifs, aux protes-
tants,qu'ils regardentcommedesdemi-juifs,ou a ceux
descatholiquesqu'ilsdésignentdu nom singulièrement
élastique,dojudaïsants.
L'antisémitismeaboutit ainsi au sociaUsmo,socia-
lismededroite, si vous le voulez,socialismesoi-disant
conservateur;mais socialisme illogique, socialisme
bâtard,socialismesansidéal,socialismequi n'est même
pas nimbe d'une auréole de fraternité. Ce socialisme
antisémiteest celui des hommesqui n'ont pas réussi
dans leursaBaiMs c'estaussiceluidecertainescatégo-
43$ LES EOC~ptNKS CE QAiNE.
ïies sodées c'est,par exemple,!e socialismedu pro-
pr<étairefoncierqui a vn ses revenusrecroître, et qui
compare sa situation à celtedes grandscommerçants,desgrandsmdustriets,dea grands Snanciers.C'est une
espècede socialismeprovincialet rural; c'estaussi,j'en
a~ dëjAfait la remarque,mais il estbon dole r~pëter,un socialismede salon,un socialismede château, un
socialismeen gants blancs,un socialismede hobereau
et de douairière.Pourles hommes mécontentsde leur
sort, pour ceux qui trouvent que la fortune n'a pas
réponduAleurs espérances,pour tous ceux dont les
revenus sont inférieursaux appétits, il est précieux
d'avoir,commecible vivante,un groupe restreint sur
lequel on puissediriger,avecses rancuneset sesjalou-
sies,lescolèresdes masses.
C'est ce qui, aux yeux de tant dobonnesgens, fait
l'avantagede t'antisémitismesur !osocialisme.~esocia-
lisme,c'estcompromettant,c'est périlleux; t'antisemi-
tisme ne l'est point,on ne le semblepoint. Lesocia-
lismesignalele bourgeoise a l'envieet aux hainesdu
peuple.Le a bourgeoiso, ce!aest mauvais,c'est !a un
termevague,un terme imprécis le bourgeois,on ne
sait pas où cela commence; s'attaquer au bourgeois,ce peut'etra dangereuxpour nous-mome.Le juif, au
contraire, c'est commoune espècede caste c'est un
grouped6uni, on peu~le signaler, impunément,aux
colèresde lapopulace.Peut-être,nefaudrait-ilpaetropa'y aer. L'M~tnitisme demandela revisiondes for-
L'ANTtBësHttS~. i3S
tunes, tantôtpar la loi, tantôtpar lepillage; cetterevi-
siondes fortunes,qu'elles'effectued'une manièreou de
l'autre,ellepourraitêtre périlleusepour d'autresque!ea
juifs.Lejour oùte fisc ou les massespopulairesvou-
draientl'entreprendre,je craindraisque ni le nsc, ni
l'émeute ne s'arrêtassent,respectueusement,devantles
maisonschrétiennes.En Russie,en Roumanie,lorsdesémeutescontrelesjuifs, les chrétiens,pourse mettreàl'abri desviolences,sehâtentdedresser,surleursportes;desaintesicônes si leshaineusesprédicationsdesanti-sémitesdoiventjamaissoulever,cheznous,les fureurs
populaires,je doute fort que, pour s'en préserver,H
suffiseaux chrétiens do marquer leurs maisonsd'une
croix,ou de mettreleursmagasinssousla protectiondo
la Vierge.
V
U est temps de conclure. En supposantque teura
griefssoientfondés,y a-t-il moyende donnersatisfac-tionaux antisémites?J'avouequo,pourmapart, je nelevoispas. Que<atrodesjuifs? Leurappliquerles procè-désdu suitan-caiiteenverslesArméniens,les extermi-
ner, par le feret pur !ofeu, en soulevantcontreeux le
fanatismeou les colèresdes h)u!es? c'est!a solutionh
laquellepoussent,inconsciemmentpeut-être, les éner-
gumeuesde l'antisémitismemais si exaltéesquesoientleurs haines, !a plupart de nosantijutfssonttrop hu-
i36 LES DOCTRINES DE HAINE.
mainspouroser recommandercettesanglanteméthodei
ils sentent que, s'il estdemeuréun procédéde la poli-
tiqueorientale,lemassacren'est plus une ressourcede
la politique française.Que faire donc t~esjuifs? Les
exiler?Maisoù les envoyer?N'oublionspasque lesan-
tisémitesveulentles bannirde tousles paysà la fois; le
moyenest radical,mais il n'est paspratique.
!t y a bienune solutionpréconiséepar certainsjuifs,
précisémentsous la menacedê l'antisémitisme,c'est ce
qu'on appellele Sionisme,c'est la reconstitutiond'un
Étatisraélite.Le Sionismeest une idéedu moyenâge,
un vieuxrêve des anciens ghettos, qui semblaitmort
avecl'émancipationdesjuifs; a'it a reconquisdesadhé-
rentsparmilesjuifs, il le doit, commeje ledisaistoutà
l'heure, auxmenacesde l'antisémitisme.Maispeut-on
voir là une solution La Palestine,la Syrie mémoest
trop petite ou trop pauvre pour nourrir lesdix mil-
lions d Israélitesque l'on compte aujourd'hui; puis,
supposezun Étatjuif en Palestine,supposezque les
chrétiensaient consentià abandonnerles tieux saints
aux soinsdIsraei toustef juifsvoudront-ilsse trans-
porterdans la TerreSainte? Interrogezceuxquivivent
en France,ceuxqui y sont nés,y ont grandi; ils vous
diront qu'ils se trouventbienen France,que la France
est leur pays, et qu'ils y veulentrester it n'y a donc
pas là de solution.
Desolution,it n'y ena qu'une,c'estte droitcommun,
c'estla liberté.Onsetrouvedevantcettealternative,ou
L'At)T!8ÉW!Tt8ME. i3?
8.
!e bûcher, ou la liberté; j'avoue que, quant à moi,
j'opte, résolument,pour la liberté.
Unedernièreremarque,queje mepermetsdolivrerà
vosméditations.Je mesuissouventdemandécequ'il yauraitde changé,autourde nous, s'il n'y avait pas de
juifsen Franco.Interrogez-vous,chacun,surcetteques-
tion rénéchissez-y,en conscience qu'y aurait-il de
changé,cheznous, si tous les juifs de Franceavaient
été expulsésou brutes par los antisémitesdes temps
passés J'y ai beaucoupsongé,et voicià quoiontabouti
mesréflexions it n'y auraitrien, ou presquerien de
modifiéen France. Nous y aurions perdu quelqueshommesd'une haute distinction,dessavants,desphilo-
logues,par exemple,commeM.Bréalet M.Oppert,dca
physicienscommeM. Lippmann,des poètes comme
M.EugèneManuel,desartistescommeSarahBernhardt,et je pourrais citerd'autresnoms,rien que parmi les
vivants.!t y aurait çAet la quelqueschangementsde
personnes on verrait quelques noms exotiques de
moins sur tes enseignesdes boulevards,et quelqueschrétiensdoplussoustesportiquesde la Bourse;mais,en dehorsde là, qu'y aurait-il do change? J'ai beau
chercher,je ne puis le découvrir.
Commentn'y aurait-ilriende change?s'écrieronttes
antisémites vousne voyezdoncpas que la Franceest
entraindosejudaïsert. Mais,précisément,c'est une
chosequeje ne voispas; j'ai beau ouvrir les yeux, Je
~38 LES DOCTtUNBS DE HA!NB.
n'aperçoispas la judaïsauonde la Franceetdel'Europe.
Qu'entendez-vouspar judaïsatioude nos Mciêtës?Voua
entendez,sansdoute, la prédominancedes intérêtsma-
t&rieÏa,laprëpooderancëde l'industrie, dUcommerce,
de la nnance vous entendezle règnede l'argent, la
tyranniede l'or. En admettant,avectesantisémites,que
l'or est le roi et le tyran denotre époque,jenevoispas,
en vérité,en quoicela est proprementjudaïque. Cela
n'est pasplus conformeà l'esprit Israélitequ'à l'espritchrétien. Cetteprépotencede l'argent, que les esprits
chagrinsexagèrentpeut-être,car tout n'est pas encore
à vendreen notre pays do France,cette royautéde l'or
qui choque justementnos délicatesses,d'au Mrt-oHc?y
Ellesortde touteslesconditionsde la viemoderne,elle
sortd'aborddenotreRévolutionfrançaise ellerésultede
la destructionde touslesprivilèges elleprovientde ce
que,dansla sociétécontemporaine,le sola étésystéma-
tiquementnivelé,11neresteplusguère,entrelea hommes
et les familles,qu'une distinction,celledo la fortune,devenuedu reste accessiblea chacun,selon ses talents
et ses chances.Qu'y a-t-ildonc là de proprementjuif,de spécifiquementsémite? C'estun phénomènesocial
qui s'expliquepar l'ensemblede nos conditionspoliti-
queset économiques,et quipersisterait,alorsmêmequevousne posséderionsplusun juif en France
i. Voyez,Burces~t,unes&riod'arUctMpubliésparnousdanslaRevuedeaBafM)~oH< eni897eti898,sonacotitrea leRègnedel'agentD.
L'ANTtSÉMtTtSMB. i39
Voulons-nousémancipernossociétéscontemporaines
de cetteprédominanceexcessivedes intérêtsmatérielsi
voulons-nousnousaffranchirde laprépondéranceou de
la tyrannie de l'argent; nous n'avons pas besoinde
chasserles juifa; it nousfaut faire une choseaingutie-
mentplusurgenteet plusdiuicite,il nousfauttravailler
à nous réformernous-mêmes,à réformernos cœurs.
nos sentiments, nos idées, nos mœurs. 11nous faut
rapprendrele goûtdo la simplicité,et nouslibérerde la
servitudedu luxeou desexigencesexcessivesdu bien-
être. Et cela,juifsou chrétiens,nousnopouvonsguère
le fairequ'en revenantà l'espritde la Bibleet à l'esprit
de t'Evangiiequi,sur ce point,commesur tantd'autres,
s'inspirenten réalitédesmêmesprincipes.
i. St. parmt les so!ut)on9que proposenttes anttsemUes,H n'est
pas parlé têt do luis d'exceptton, c'est un point que nous oMmt-
nons, plus loin, dans notMConclusion,en traitant simultanément
des mesuresde co gen)'orechtatea par tes anUsûmtteset par les
anticléricaux,Quanddo paretUeslois contMles Juifs no seraient
pasdes lois J'onclen régime, innappttcaMeaà la Francemoderne,
l'exemplede la Russie,où ellessont encoreen usage,ButBntttà en
montrer leatncon~nteoh et t'inorn~-acttô. Voyez l'Empire du
~«M et <c<f!«MM,tuaioth, ttv. IV, chap. h.
CHAPITRE Ht
L'ANTtPROTESTANTtSMEB
Quet'anttprutestantismoest une sorte de décalquede t'antisem).tisme. Commenton y trouveles mêmeséléments.– I. L'ant)-protestanHamoet le grtef religieux. LeProtcatnnttsmcet laFranc-Maçonnerle. La Réformeet la Hêvotutton. – Il. Dul'esprit protestant; qu'entend'on par tà?-L'Mpritprotfatant esun dissolvant.- L'espritprotestantet l'esprit de négation. Cequi doit être imputé à la situation des minorités confesston-neUea.– tt). Le grief national loprotestantientoperMnniBol'esprit étranger. Comment,en France,la Hefurmoa eu desradcca françaises. Queles Huguenotsont représenté une desfaresde t'esprtt francs. Conséquencespour l'esprit nationalde ta révocationde l'édit de Nantes. Du patriotismedM pro-tcstanta français, tV. Legrief social et le grief pothtque.Les protestants et lesJuifs tiennent trop de place en France.Hnlsonssocialeset politiquesdoce phénomène. – Les pMte~-tante et lesjuifa accaparentles emploi publics. itf)ea t-enentde leur lnnuence pour opprimerles catholiques. DanKeradoce grief. Commentl'anticléricalismerisqueainside se retour-ner contre les protestantset tesJuifs.
MB88!BUR9,
L'MttprotestanUsme est !o frère de t'antisémitisme,un frère cadet, mais M frère qui ressemble beaucoup
L'A?)T!PROTESTA'<T!8MB. i4i
à son aîné. n n'y a pasà en êtresurpris; ils sontnés,
tousdeux,des mêmessentiments,desmêmespassions,desmêmespréjugés,desmêmesrancunes.Uy a donc,
entreeux, un air de famille très marque on pourraitmêmedireque l'antiprotestantismea été fait à l'image
de l'antisémitisme a bien des égards, il en est une
imitation,unecopie,presqueun décalque.Commentnous étonner qu'aprèss'en être pris aux
juifs,on se soit attaqué aux protestants ?Uy avait, à
cela, plusieursraisons il y en a, d'abord, uno très
simple,c'estque, poursespremierspropagateurs,l'an-
tisémitismes'était montré assez avantageux, assez
lucratif,pourleurattirer desémules.Maistout le monde
ne pouvaitjouerlespremiersrôlesdansl'antisémitisme.
Laplaceétait prise.C'estainsiquodeshommesavisés,
heureuxd'avoirdécouvertun nouveauQtondepréjuge!une nouvelleveine d'intoléranceà exploiter,se sont
rejetéssur t'antiprotestantisme,et ont cherchéà en faire
leur domaine.Apres!oa péril juif n, on a découvertle
a péril protestantc apr~s la a conquêtejuive e, on a
dénoncéla a conquêteprotestantes.
Lesprotestantsdevaienten effetveniraprèsles juifs.Ilssont,lesuns et les autres,on France, une minorité
religieuse les uns et les autres ont été persécutés,à
uneépoqueheureusementdéjàlointaine;les unset les
autres ont été émancipéspar la Révolution,ou à !a
veillede la Révolution.En outre, les antisémitesne
pouvaientbientôtmanquerde s'enprendreauxprotes-
i42 LES DOCTRÏNE8DE HAtNB.
tants Usdevaientvoir, dans les sectateursde la Ré-
forme, les alliés naturels et commeles complicesdes
juifs bien mieux, ils devaientdécouvriren eux des
a judaïsantsc ou des demi-juifs, car, en revenantà
t'AncienTestament,les protestants ont été se désal-
térer aux antiquessourceshébraïques,ils sesont imbus
de cet esprit d'Isra~ qu'ont partout en horreur les
antisémites.C'estainsi,que,de cesdeuxminoritésreli-
gieuses,des pamphlétairesou des tribuns, en quête de
popularité,ont forméunesortedocaste,qu'ils appellentcourammentlesjudéo-protestants.
Examinonsquelssont lesdiHérentsfacteursde l'anti-
protestantisme.Si nousanalysonsles ingrédientsdont
est composéecette trouble et malsainemixture, nous
trouvonsque co sont, &peu près,lesmêmeséléments
que ceux dontest formél'antisëmUisme.Hs'y montre,
d'abord, des antipathiesreligieuses,des rivalités con*
fessionnelles;i!s'y rencontre,ensuite,une sorted'exclu-
sivismenational,un nationalismeétroit,qui s'inquiètedo toutes les dissidences,une fausse conceptiondo
l'unité de la Franco; nousy découvrons,encore, avec
la concurrenceuniversellede notre époque,lesrivalités
et les jatousiessociales nous y retrouvons,enSn, lcs
luttes politiques, les luttes autour du pouvoir, les
compétitionspour les placeset pour lesemploispubiic?.U y a donc, par suite, dans J'antiprotostantisme,
commedans l'antisémitisme,trois ou quatre facteurs
principauxquenousallonsexaminerrapidement.
L'ASTtPROTESTAXTtS~E. H3
Je ne m'arrêteraipas longtempssur !ogriefreligieux.
De quoi incrimine-t-on,à cet égard, les protestants?2
Onleur reproche,d'abord,commeauxjuifs, d'êtrede?
dissidentsqui rompent l'unité religieusedu pays; on
leurreproche,ensuite, do fairedo la propagandepour
leursdoctrines.C'estlà un griefqu'onn'a pascontreles
juifs. Maispeut-onen vouloir, à une confessionreli-
gieuso,dofairedo la propagande?Ledroit do recruter
des prosélytesno fait-il plus partie de la liberté de
conscience ou bien, allons-nous,en Franco, entendre
la iibertdde conscience,à la façondo nos amis, les
Russes,comme un privilègede t'Ëgtiso dominante?̀T
Mais,dit-on, vousoubliezquelesprotestantsse servent,
pour leur prosélytisme,do moyena déloyaux, qu'ils
recourentsansvergogneà l'argent, qu'ils achètent les
consciences1 Acheterles consciences1c'est là un crime
contre la religionet contre !a liberté humaine; mais,
j'avouequeje ne croispasqu'Anotreépoque,dansnotre
paysdo Franco,tout au moins, ai grand quo soit, pré-
tend-on,!opouvoirdo l'argent, Hsoitaised'acheterdes
consciences.Et puis,s'il s'est rencontre,par malheur,
quelquesprotestantsqui aient ou !o triste couragede
pratiquercet odieuxtrafic,ils ne sont peut-êtrepae les
seulsqui aientainsiempiètesur la libertédesâmes.
444 LES DOCTRINES DE HAtNE.
Faut-ilrappeler,ici, un livre que je ferais peut-êtremieux de laisserà l'oubli dans lequel il eat presque
tombé, un roman, pour ne pas dire un pamphict
d'AlphonseDaudet fEtan~ste ? S'il faut y voir
autrechosequ'une satireou une caricature,je ne crois
pas que ie grand romancierait prétendu là peindre!e monde protestant ce qui l'aura, au contraire,
frappéet séduit,danscettehistoire,c'est ~equ'ellepré-sentaitde singulieret de rare. En toutcas, quels qu'ensoient les auteurs et que~s qu'en soientles victimes,
protestants,catholiques,juifsou librespenseurs,de tels
actes de fanatisme sont égalementhaïssables,et de
pareilsraptsd'&mes,égalementcriminels.
Passons à un grief plus graveou plus sérieux. On
dit, des protestants,ce que l'on reprochesouventaux
juifs, on dit qu'ils travaillent,sinonà déchristianiserla
France,puisqu'itssonteux-mêmeschrétiens,du moins,à ladécatholiciseret,pourbeaucoupdenoscompatriotes.l'un vautl'autre.On va répétant, autour de nous les
protestantssont à la tête de toutes les campagnesanti-
religieuses,anticatholiques;Ils sont lesinspirateursou
lesgrandsmeneursde la Franc-Maçonnerie.On n'a pascraintde récrire, en des libellesque je préfèrene pasnommer « Protestantismeet Maçonneriene font
qu'un. »
Nous savons tous quelle p!ace tend a prendre,dans nos querellesconfessionnelleset nos luttes poli-
tiques,cetteinstitutionvenue,autrefois,d'Angleterre.Je
L'ANT!PROTE8TANT!SMË. i4t!
0
n'ai pas, ici, à en apprécierle rôle; mais, peut-ondire,
vraiment, que les protestants sont les inspirateurs,
avouésou occultes,de la Maçonnerie?Ce serait peut-
être un peu moinsfauxd'euxque des juifs, en ce sens
que lesjuifsont été longtempsexclusde la Maçonnerie,
tandisqu'ellenousest venued'un paysprotestant,puis-
qu'ellenous est arrivéed'Angleterre,vers le commen-
cementdu xvm"siècle.Cela suffit-ilpour soutenirque
la Maçonnerieestun produitde!a Reforme?pouramr*
mer surtout que l'esprit maçonnique,tel qu'il se pré-
senteà nous, en Franco,est un esprit protestant?Se-
raient-ce,par hasard,les protestantsqui auraientrayé,
desstatutsde la Maçonneriefrançaise,le nomdu Grand
Architectedol'Univers,cenom, conservérespectueuse-
mentpar lesLogesd'Angleterreou d'AUemagne?Com-
ment,alors,n'est-ce pasdanslespaysprotestants,mais
bien dans les payscatholiques,que la Maçonneriese
montreantireligieuseet antichretienne?Quelqueplace
qu'y puissenttenirdesprotestantsou desjuifs, quelque
appuiqu'aientpu y trouver,pour leursintérêtsou pour
leursambitions,certainsd'entreeux, !aMaçonnerien'est
pasplusprotestantequ'ellen'est juive.LoGrandOrient
ne peutpas plus se reclamerde Calvinou de Luther,
quede Moïseou do Salomon,l'alliéd'Hiram.
11est un autregrief,du m6meordre,que nousvoyons
figurersouventdanslesréquisitoirescontreteprotestan-
tismeet l'espritprotestant.La Réforme,dit-on,a ëtc la
i46 LB8 DOCTRINES DB HAtNE.
mèrede la Révolution,et non seulementelle a enfanté
la Révolution,mais elle est restée, pour les peuples
modernes,un principed'anarchieet de ruine. L'esprit
protestantest un dissolvantpolitiqueet social,un dis-
solvantpar l'individualismerationaliste,un dissolvant
par le libreexamen.
Est-celà un griefdontles protestantsno puissentse
défendra? Est-on bien certain, que la Révolution
procèdede la Réforme?C'est, à certainségards,je le
veuxbien, une filiationassezvraisemblable degrands
historiens l'ont admise. Commentcependant expli-
querqu'en Europe,au moinssur le contiuent,la Révo-
lution ait éclaté dans un paya catholique, un pays
d'où le protestantismeavait été presque entièrement
extirpé? J'incline plutôt, quant a moi,vers la théorie
de Taine qui fait découtorla Révolutionfrançaisedo
l'esprit classique,ou vers le sentimentd'un des esprUa
les plusdistinguesde notre époque,M.Tarde, qur'voii
la mère ou l'aYeulede la Révolution,non paa dans la
Réforme,maisdans la Renaissance.
Les protestants, en tout cas, peuvent nous dire
Voyezles Étatsoù le protestantismea triomphé;sont-co
despaysvouésà l'anarchieet à l'espritrévolutionnaire?
Os ont bien eu, il est vrai, leurs révolutions;mais
ces révolutions,peut-êtrefomentéeset limitéesu la fois
par l'espritde JaRéforme,n'ont eu ni la mémoduréu,
ni la même intensité, ni la même fréquenceque les
oôtrea. Prenez l'Angleterre,prenez la Hollande,prc-
L'ANTtPROTBSTANTtSHE. i4?
nezla Prusse,allezaux États-Unis,sont-ce des paysoù
l'esprit révolutionnaireeat plus développé,plusmena-
çant qu'en France? Mon, force nous est de l'avouer,
c'est,assurément, l'inverse. Et les protestants, après
nousavoirengagésà jeter lesyeuxsur lespayaoù teura
coreligionnairessont en majorité, nous font, à leur
tour, cetteautre question Examinezles États protes-
tants, et dites-noussi, pour eux, si pour l'Angleterre,
pour l'Allemagne,pour l'Amérique,la Réformea été
unecausede décadenceou de dissolution? Dites-nous,
en conscience,ei vous jugez les paya protestantsinfé-
rieursaux payacatholiques?2
n
Lorsqu'ilsincriminent,chez nous, a l'esprit protes-
tant n, il est souventdifficiledo préciser ce qu'enten-
dent, par là, antiprotcstantset antisémites.Avant de
parler d'esprit protestantou d'esprit juif, il faudrait,
d'abord,savoirquelssontlesvéritablesc!légitimesrepré-
sentantsdo ce qu'onappelle<espritjuif t, a esprit
protestant C'est ce qu'oublientla plupart desanti-
protestantset desantisémites,si bienqu'à lesentendre,
l'esprit protestantou l'esprit juif n'aurait plus rien do
communavecl'esprit du protestantismeou l'esprit du
judaïsme1 Demêmeque ce qu'ilsnommentl'espritjuif
148 LES DOCTtUNES DE BAtNR.
n'est souventque l'espritde juifs adéjudaïsés&,cequ'Us
appellentl'espritprotestantn'est,leplussouvent,quet'es~
prit de protestantsadéchristianisaso.qui ontabandonné
la foiet les traditionsde la Réforme.
Pourlesantiprotestantset lesantisémites,il en est de
l'esprit protestantcommede l'esprit juif; car, à leurs
yeux,espritprotestant,espritjuif, c'estpresquetout un.Tousdeuxse ressemblentet sont égalementhaïssables.
Tous deux, d'abord, représentent,presque au même
degré, un esprit étranger, hostile au génie et aux
instincts de notrerace, inconciliableavec lestraditions
qui ont fait, pendantdessiècles,la forceet l'honneurdo
la France.Tousdeux, ensuite,quoiquepeut-~troà un
degréinegat,personnifient,cheznous,l'espritdorevotto
et l'esprit de négation juif et protestant sont deux
réfractaires,qui nient ouvertement,ou minentsourde-
ment toutes les croyanceset toutes les institutionssur
.'csquoitesreposaitla grandeurfrançaise.Par suite, a co
double égard,l'esprit protestantet l'espritjuif ne peu<vent être, pour la Franco,qu'un dissolvant leslibertésou les faveursqu'elleleura concédées,durant ledernier
siècle,ont compromis!anationalitéfrançaise si nousvoulonsla sauver, il est grand temps d'aviser à cedoublepéril.
Cettethèse,renduebana!epar!fsamp)incationsquoti-diennesde la presseantisémiteou nationaliste,il seraitaisédela réfuter,quant a l'espritprotestant,enrefaisant,siècle par siècle, toute l'histoire de la Réformeen
L*ANTtPROTE8TANT)8ME. 149
France,de HenriIVet de Sullyà Guizot.Mais,c'estle
présentque nouaavonsen vue, c'est !e protestantismecontemporain; est-il permis d'aBirmer que l'espritprotestantn'est qu'un espritde révolteet de negatiot.hostileà tout principed'autorité, à toute.foi religieuse,à toutetraditionnationale?A ceuxqui, pourle prouver,viennentnouaciter les discoursou lesécrits de tel outelpersonnagesorti d'une familloréformée,les protes-tantsauraientsouventle droit de répondrepar une finde non-recevoir Et, en euet, un grand nombre deshommesdénoncéspar !a Conguéteprotestanteet par les
pamphletsde l'antiprotestantisme,commefils de la
Héforme,no se donnentmême pluspour chrétiens; ilsn'ont pM plus de droits au titre de réformésou de
protestantsqueM.Wa!deck-Rousseauou M.Trouillotaunomde catholiques.Protestants,catholiquesou Israé-
lites, ce n'estpas par les actesou par lesécritsde ceux
qui ont rejeté ses enseignementset ses dogmesqu'onpeut juger dol'espritd'une religion.
Lesfrontières,il estvrai, du protestantismen'ont pasîa fixité oula cottctddecellesde t'ËgUsocathoUque.iNousne dirons pas, quant & nous, avec l'auteur de
1.C'estcequ'afait,parexemple,M.GastonMercfcr,dansunlivretnUtutôf~p~ pw~taM<PoUUqueRe!)g!on,Parla190t,librairiePerrin.Voyez,sp~ctatement,pourleshommesd'ortgtnûprotestantequiontprispartAt'Œuvredela taïetsattondesécoles,pp.2i2.a«.Toutenfaisantdesreservessurcertainesopinionsou'ur certainespolémiquesdel'auteurdeoovolume,)testmalaisédecontester,&cetégard,la Justessedesesréflexions.
i80 LES DOCTRINES DE BAISE.
r~Mt< protestant,M. G. Mercier,qu'il n'y a de vrais
protestantsque les hommesrestéstidètesaux doctrines
anciennesde la Réforme, que ceux du moins qui
acceptentles grandsdogmestraditionnel du Christia-
nisme,en d'autres termes,qu'il n'y a de vrais protes-
tantsqueceuxqu'on désignesouslenomd'orthodoxes.
Ceux-!ane sont, en généra!,ni radicaux,ni sociaustes;
ils sont encoremoins antireligieux; ils se gardent
même,pourla plupart, d'être anticathotiques. Loin
d'être unanimesà soutenir nos gouvernantsdans la
guerreaux idéesreligieuses,nombredo cesprotestants
sont en droit de nous rappelerqu'Usse sont élevés
contretousles projetsqui ont pour but, avouéou non,
la ruine des ctaMissomentareligieux,parcequ'Ussen-
taient que, derrière !'Êg)isecatholique,ça que l'on
vise, c'est l'idée chrétienneeUe-méme
Plusd'un se souvientdes fortesparolesde M.Guizot
que nous rappelle,dans un récent volume,mon ami
M. ChristianSchefer a Ce que le catholicismeper-
drait en crédit et en empiredans les sociétéscatho-
tiques,cene serait pas le protestantismequi le gagne-
rait, ceseraitl'impiété Le spectaclequenouscurent,
1.Voyez,pareMmptc,M.G.Merc)er,r~pW<p~!es<an<p.l87.188.2. VoyezChristianSchcfor,la CWMac<«eMo09N<de psyeho.
logiecontemporaine.Paris,ttbratrteP!on. Onpourrattcttcr,dans
lemêmesens,denoblesparolesdugrandorateurprotestant,M.to
pasteurBeKter(Dtacoarat'inaogurattondot'ÉcotodesSclenccs
Re!)g)cuses)rappeléesparl'autourdo<'E<p~<p'x)!M<a't<,p.235.
L'ANTtPnOTESTANT!8ME. i5i
aujourd'hui, les masses populaires de nos grandes
vitlesn'en est-il pas la preuve? Lesprotestantsqui s'en
alarmentsont fondésà croireque, loin de favoriserles
progrèsde la Réforme,la guerre sourdeou déclarée,
faitepar nos gouvernantsà t'Ëgtisecatholique,ne peut
tournerqu'au pro8tdol'irréligionet de l'athéisme.
Si,parmilesprotestants,aorthodoxesuou libérauxo,
il se rencontredes hommesqui, tout en se défendant
d'êtresectairesouanticatho!iques,demeurentdéflantsde
t'Ëgusecatholique,dosonclergé,do ses congrégations,
comments'en scandaliser,alorsquetant de catholiques
donaissancerestentatteintsdo la crainte superstitieuse
dujésuite?Et quand,dans la foulebruyantedescham-
pions de l'anticléricalisme,on découvriraitquelques
ancienspasteurs,évadésde la chaire ecclésiastique,le
calvinisteet le luthérienn'en garderaientpas moinsle
droit do nous représenterqu'un esprit imparUatest
tenu de distinguerentre les uts do la Réforme, de
même qub, en bonnejustice,on ne sauraitjuger tous
lesjuifs, d'après les actesou les opinionsde quelques
juifs français ou étrangers. Peat-~trcmémoauraient-
ils le droit d'affirmerque !o véritable esprit protes-
tant est celui de la Réformation,celuides protestants
orthodoxes,toutcommeun rabbinIsraéliteseraitfondô
à soutenirque le véritableesprit juif est celui du ju-
daïsme,celui des juifs orthodoxes,demeurésfidèlesa
leur foi et à leur loi. Maisce n'est pas ici le lieu de
chercherqui, parmiles protestantsou parmi lesjuifs,
152 LBS DOCTRINES DE HAtNE.
a droitau nomde reformé,ou au nomd'Israélite.Lais-
sons aux théologiensles querellesthéotogiqucs.Noua
n'avonsgarded'entrerdans lescontroversesqui agitent
l'Églisereformée.Nousn'auronspas la témérairepré-tentionde déciderquiest protestant,et qui nel'estplus;
qui a le droitde parlerau nomdola Réforme,et quine
le possèdepoint. Celadu reste n'est pas nécessaireà
notre objet.Unechose ressort,manifestement,de ces
bruyantescontroverses,et c'est elle surtout que nous
voulonsretenir.
Lorsquel'antiprotestantismenousdénonceles périls,
pournotreviepolitiqueet pour notrevie nationale,do
cequ'ilappellel'esprit protestant,il prêteau protestan-tismeet auxÉglisesissuesde la Réformeuneunité,une
continuitédo vueset d'effortsqui, d'habitude,ne leur
appartientpas, que le principedu libreexamenne leur
permetmême peut-êtrepoint. Commentdes hommes
quireprochent,chaquejour, auprotestantismed'aboutir,en toutes choses,à l'anarchie,qui exagèrentmême la
portéepratiquedes divisionsde secteset do a dénomi-
nationsissues de la Réforme,peuvent-ilsoublierque,
pouravoirle droitde parlerde l'espritprotestant,il est
bonde fairedea distinctions,dene pasattribuer,&une
Ëco!eou à une Église,cequi appartientà uneautre, do
ne pointprêter, à tousleschrétiensqui se réclamentde
laRéforme,lesopinionsou lestendancesd'hommesqui,
parfois,n'ont presque rien gardédes doctrinesou des
traditionsde la Réforme? Et, ce que nous disonsdM
L'ANTtPROTBSTANTtSHE. 1B3
9.
protestantset de l'espritprotestant,on pourrait !edire,
également,desjuifset de l'espritjuif. Protestants,juifs,
catholiques,rien doplusdécevantque ceshâtivesgéné-
ratisations.Et cela est encoreplus vrai des questions
politiquesou socialesquedesquestionsmorales.Si, en
morale, et encore là, combien de nuances– on
peutsoutenirqu'il existeun esprit protestant,combien
celaest plusdouteuxenpolitiqueou enmatièresociale1
La grande majoritédes protestantsfrançais est-elle,
aujourd'hui,républicaine,celas'expliquepardesraisons
spécialesà laFrance:c'estqueJaRépubliqueestdevenue
legouvernementdu pays, et que, depuist87i, la cause
de lamonarchiea paru, cheznous, s'identifieravec la
causede i'Ëghsocatholique,ou,commedisentsesadver-
saires,aveccelledu cléricalisme.
Quoique,en un sens, le protestantismeou mieux!o
calvinisme,grâceà !aconstitutionfédéraleet démocra-
tiquede sesËgtises,ait pu préparer,doloin, lespeuples
d'Europeou d'Amériqueà la repubHquaet à la démo-
cratie,la Réformen'en a pas moinssu s'accommoder
il !amonarebio,aussibien qu'a la république,témoin
l'Angleterre,rEcosso,l'Allemagne.Peu d'hommesen
France, auxtx' siècle,ont été plus imbus de l'esprit
protestantque Guizot,et Guizota vécuet est mort en
monarchisteimpénitent, tandis que Thiers, Dufaure,
Rémusat,sortisde famillescatholiques,se ralliaient à
!a repubtiquo.La vérité, c'est que les opinionsphilosophiquesou
iH4 LES COCTRtNR!! DE HAINB.
politiquessontloinde toujoursdépendred'uneétiquetteconfessionnelle.Commele catholique,et peut-êtreen-
core plusque le catholique,le protestantest libre de
suivreles opinionspolitiquesou les doctrinessociales
qu'il croitles mieuxfondéesen droit, ou les plus con-
formesà l'intérêtde 80n pays.Il n'est enchaîné,par la
Reforme,à aucuneécoto,à aucun parti c'est mécon-
naîtrel'espritprotestant,esprit, s'Hen est un, de libre
examenet de librechoix,quede le représentercomme
inféodéà un systèmepolitiqueou social,commevoue,
par sesantécédentset par sonpointde départ,au radi-
calisme, au socialisme,à plus forte raison,à l'anar-
chisme.
Cette liberté et cette variété des opinionschez les
protestants,on a beau les prouver,par dos faitset pardesexemples,l'antiprotestantismene consentpas à les
admettre, pas plus que l'antisémitismene veut les
reecnnaitrochezlesjuifs.Antiprotestanteet antisémites
s'en tiennenttoujoursa l'inique théoriedu bloc.Pour
eux, !pprotestant,commele Juif, représente,on toutes
choses, l'esprit do révolteet do négation, l'esprit do
désordreet d'anarchie.Pour eux, le vrai protestant,c'est, toplussouvent,celuiqui s'est détachédu Chris-
tianisme,celui qui a désertéles croyanceset les tra-
ditions de t'Ëgtisoréformée, celui dont la religion,
lorsqu'ilen gardeencoreune, n'est plus gu~roqu'un
vague déisme,de façonqu'a en croirejournalisteset
pamphlétaires,le véritableesprit protestantseraitcelui
L'ANTtPROTESTANT!8ME. i68
d'hommesqui ont rejeté la plupart des croyancespro-
testantes.
Veut-onétudieret définirl'espritprotestant,peut-être
faut-ille prendredans les pays où les protestantssont
en majorité,oùlaRéformea pusedévelopperlibrement.
Si les reprochesfaits, cheznous, aux protestantssem-
blentparfoisjustinés,c'est en effetque, en France,les
protestantssont en minorité,qu'ils ont été longtemps
persécutésou tenus on suspicion,et que, par là même,
les injusticeset lessouffrancesséculairesleurontlaissé
des inquiétudesou des ressontiments,dont ilsnesavent
pastousse défendre.Cela,nous t'avonsdit, est encore
plus vrai desjuifs.Lesanalogiesque l'antiprotestantismeet l'antisémi-
tismose plaisentà signalerentre a l'espritprotestant0
et a !'ospritjuif proviennent, bien moins,do secrètes
affinitésentre les juifs et les réforméeque d'une cer-
taine similitudedu situation,dans les payscommela
France,où les unset lesautresont été longtempsper-
secutt's,et où ilsont été rapprochéspar dessouffrances,
desantipathieset des appréhensionscommunes.Ence
~ens.ce qu'on appelle,oho::nous, t'espritprotestantou
l'espritjuif n'est, en grandepartie, que l'espritdomi-
noriMareligieuses,longtempsprivées do tous droits
civilsou politiques,et encoredéfiantesdes retours pos-siblesdesinpga!itësdu passé.
JIn'en est pasde m~modes Ï~tatsoù la Réformeà
triompho,oùl'esprit protestant,malgrétouteslesdi<Tô-
166 LES DOCTRINES DE BAtKB.
rences nationalesou les divergencesd'Èglises,a pu se
développerlibrementet pacifiquement.Là, l'esprit de
h Réformen'est plusfausséou aigri par les souvenirs
des luttesanciennes.Aussi,en cespays, en Prusse, en
Angleterre,en Écosse,en Hollande,en Scandinavie,
auxEtats-Unis,personnen'oseraitaffirmerque l'esprit
protestantest,en politiquecommeen religion,un espritdo négation,ou encoreun esprit radicalou socialiste.
Lesfaitsquotidiensdonneraientà de pareillesassertions
un démentitropéclatant.Quine saitque le vieuxparticonservateurprussien, par exemple,est entièrement
composéde protestantsévangéliques,aussi attachésa
leurroi qu'à leur Église?Ignore-t-onque, en ces der-
nières années, il s'est noué, plusd'une fois,entre ces
conservateursprotestantset !o Centre catholique,des
alliancesparlementaires,ce que lesADemandsappellentun a cartellB? En Prusse, ce sont les catholiquesquise montrentles moins docilesaux vuesdu Gouverne-
ment,ou lesplussoucieuxdes tibertcapubliques,parce
que, en Prusse,cesont les catholiquesqui so trouvent
en minoritc,et qui sedcCentle plusdesactesdu pou-voirou do!aprépotencedesmajorités.
EntrelesÉtatsoù la Heformoa jeté lesplusprofondes
r;ic!nos,il en est un, la Hollande,qui a littéralementété
':rc6pae la Reforme,et qui en a longtempssomb!ëla
v!vanteincarnation.Or, cetteHollande,où l'esprit pro.testantet lestraditionsdo la Réformesont demeurés<i
vivaces,nousoffrait,tout récemmentencore,un spec-
L'ANTtPnOTESTANTtSMH. iSf
taclebien faitpourdéconcerterles tenantsde l'antipro-
testantisme.Qu'était-cedonc?rien moinsque l'alliance
politiquedes catholiqueset des protestantsorthodoxes
dits antirévolutionnaires,poursauverce que lesQ)sde
Romeet lesfilsde Genèveappellent,également,l'héri-
tagechrétien.Etcettealliance,cetteparadoxalealliance,
qui n'estpasnouvelleauxPays-Bas,a, sousl'inspiration
du pasteurKuyper,remportéplusd'une victoireélecto-
rale,doutréform''set catholiquessesontréjouiepareille-
ment.Cen'estpasquenous préconisions,quanta noua,
descoalitionssemblables;nousavonspeu de goûtpour
lespartisou pourtes a carteHss confessionnelsune des
chosesque nousreprochonsà l'antisémitismeet à t'anti-
protestantisme aussi bien du reste qu'à t'antic!eri-
calisme,c'est,précisément,de poussera la formation
de partis religieuxou antireligieux.Maisnos yeux no
peuventse fermersur ce qui se passeà nos portes,et
enfaced'une alliance,publiqueet notoire,commecelle
doscatholiqueset desprotestantsorthodoxesdes Pays.
Bas,commentne pas constaterqu'il faut tout le parti
pris, ou toute f'~norance dol'antiprotestantismopour
répéterquet'e~pritprotestantn'est quf négationdu
catholicismeet la hainede l'Église.
Lavérité,encoreune fois,c'estquc,parmilesprotes-tants contemporains,ou parmi les hommes élevésa
récotodo!aRéforme,commeparmiles catholiques,ou
leshommesë!ovésa t'écoiedel'EglisecathoUquo,il y a,
aujourd'hui,sur toutesles grandesquestions,bien des
<88 LES DOCTRINES' DE HAtNE.
manièresde penser,de juger, d'agir; si bie.i qu'on ne
sauraitranger tousnoscompatriotesen descampspoli-
tiquesousociauxopposés,du seul faitde leur bapMme
ou du catéchismedoleur ËgHfo.
Si, parmilesadeptesou le"meneursdo l'anticlérica-
lisme,du radicaHsmeou du socialisme,il se trouvedes
protestants,ou des hommes issus do famillesprotes.
tantes,on ne sauraitaffirmer,pourcela,qu'anticlérica-
lisme,radicalismeousocialismesont,cheznous, lepro-
duit de l'esprit protestant.Antic~ricaux,radicauxou
socialistes,loinde toujoursprendre le mot d'ordredes
protestantsou des juifs, ont le plus souvent pour apô-
tresou pour chefs, auasi bien que pour prosélytesou
pour soldats,des catholiques,ou mieux, des hommes
issusde famillescatholiques,souventmêmedeshommes
élevéspar l'Eglise,dans les écolesdes a chersFrèreso
ou dansles collègesdes a bonsPères».
Quelquepart qu'aientpu y prendrelesrivalitéset tes
antipathiesconfessionnelles,J'aatictoricalismelui-même,
la guerre faite au clergéet aux moines,la campagne,
touràtourvio!eMeou hypocrite,menéecontretouteidée
religieuse,a, de nosjours, tout commeau xvtn" siècle
et à l'époquede la Révolution,d'autresInstigateursque
lesprotestantsou lesjuifs. Plusd'un filsde la Réforme
s'esthonoréen réprouvant, commeinjustesen soi, et
commedangereusespour la paix du pays et pour les
minoritésconfessionnelles,les attaquesdessectairesde
rantio!éncaHsmecontre ia libertéd'association,contre
L ANTtPROTESTANT!8ME. <S9
la libertéd'enseignement,contrela libertédeconscience.
a–Je suis protestant,m'écrivait,récemment,un pas-teur des Cévennes,mais je suischrétien,avant d'être
protestant,et l'espritde Jésus-Christme parait incon-
ciliableavec l'antisémitismeet rantictéricaHsme,aussi
bien qu'avec l'antiprotestaatismec. Nobles et fortes
parolesdansla bouched'un hommequi s'intitulait Jui-
mêmeun hommede paix.Je ne saissi c'esttoujourslà,
en France, l'esprit protestant, mais je sais que c'est
bien là l'esprit chrétien, et j'oseraidire, aussi, le véri-
tableesprit français.
III
Quelqueopinion qu'on ait du protestantismeet de
l'esprit protestant,une chose est certaine, une chose
éclateauxyeuxqui, par-dessusnos étroites frontières,
portentleursregardssur l'Europeet sur levastemonde.
n n'est pas permis de soutenir que la Réforme ait
amend, ni la dissolutionsociale, ni la décomposition
morale, ni la décadencepolitiqueou économiquedes
paysdanslesquelslesréformateuraont triomphé.
Mais,diront lesantiprotestants,cela s'explique.Dans
les paysoù ellel'aemporté,en Angleterre,en Hollande,
enScandinavie,dansl'AllemagneduNord,auxÉtats-Unis
d'Amérique,la Réformeétaitche!!elle elleétaitenpaya
<60 LES DOCTRINES DE HMNB.
germanique elle était dans sa patrie tandis qu'en
Franceet dansles payalatins,la Réforme,au contraire,
transportéesur un autre sol,est un dissolvant,parce
qu'elleest antinationale.Cheznous,co produitde l'es.
prit germaniquene peut être qu'unprincipede destruc-
tionet d'anarchie cheznous,la Réformetravaille,bon
gré mal gré, pour l'étranger; commentne pas nous
inquiéter,sinonde sesprogrès,du moinsdo sonaction
et de seseffortspournousdénationaliser?
Nousarrivons,ainsi, à ce que j'appelle le grief na-
tional,griefquenousrencontronsdansles trois aanti a
do tous ceux soulevéscontre les protestants, c'est le
phisrépanduet peut-êtreleplusgrave.
Commerantiprctcstantismoest, en quelquesorte,un
décalquedoranusomitismo,nous retrouvonsici l'idée
dorace.On no peut dire quo les protestantssont des
scmites;tout au plus, pourrait-onprétendrequ'ils sont
des0)sadoptifsdeJ'espritsémitique,gr&coà la Bible,à
t'An~enTestajnent,dont ilssesontnourris,durant des
siècles.Maison répète CenosontpasdevraisFrançais,desFrançaisde France.Commenteeraient-usdesFran-
çaisde race? car,aujourd'hui,on parle beaucoupde
racefrançaise,termeassezimpropre, oserai-je dire en
passant. Ilsont été suppriméspar LouisXIV ceux
qui n'ont pasété convertisou chassésont dû secacher
dans les montagnesdu Midi.D'o&viennent la plupartde<!protestantsde France? Ils ne peuventtous être
L'ANTIPROTESTANTtSMB. 161
sortisde leursretraitesdesCévennesun grandnombre
nous est venu ou revenu de l'étranger,de Suisse,do
Hollande,d'Angleterre,d'Allemagne.Alorsmêmequ'ilsue seraientpas de race étrangère,ils ont rapporte,du
dehors,un espritétranger,un esprit de réfugies.Bien
plus, quandlesprotestantsseraienttous do sang fran-
çais,ils n'en seraientpas moinsétrangers,de cœur ou
d'esprit, attenduque la Réformeelle-mêmen'est pas
française,que la Réformeest germanique.Or, qu'estla France? La Franceest latine.Quelleest la religion
desLatins?C'estle catholicisme,la religionde Romo.
Nousretrouvons,ici, la théorie des races et la thèse
ethnologiqueque nous avons rencontréesdans l'anti-
sémitisme.De mêmeque le judaïsmeest la religion
des « Somitea le protestantismeest la religion des
Germains,comme le catholicismeest la religiondes
Néo-Latins,commel'orthodoxieorientaleest la religion
des Grecset des Slaves.Co sont !&des théoriesa la
mode,contre lesquelles,pour ma part, je protestedo
toutesmes forces,car j'y vols une thèse d'asservisse-
ment.Rienn'est plus contraireà !r.liberté humaineet
à l'esprit religieuxque cette prétention d'enchaîner
chaque raco à une religion,de no faire d'une grande
doctrine religieuseque le produit en quelque sorte
fatald'un groupeethnique.
Rien, non plus, do moins conformeaux faits car
toutes les grandes religions, et le Christianisme,et
l'Islam,et le Bouddhisme,et le Judaïsme lui-même,
162 LES DOCTtUNESDE BA!NE.
ont rayonnéen dehors du peuple ou de la race où
ils ont pris naissance.
La Réforme,nousdit-on,est germanique;ellerepré-
sente, chez nous, l'influenceallemande elle nous
apporte un idéal étranger; elle personnino l'esprit
étranger; par suite, ellenousmenacedu plusgravedes
périls, de la conquêtespirituelle.On peut sedéfendre
contre un ennemiqui envahit le pays, les armes à la
main mais commentrésister &la sourdeinvasionde
doctrinesqui s'insinuentdansvotre esprit,et qui s'em-
parent de votre âme? Telle est l'invasiondont nous
menace !o protestantisme.Vous ne sentezdonc pas,
nous crie l'antiprotestant,âpres t'antisemito, que la
Francoesten train de sedénationa)iscr?
Voilà,dans toute sa gravité,la thèsedesantiprotes-
tants, thèse très répandue,aujourd'hui,dans la presse
et dans le public,si bienqu'elle est devenue une sorte
dolieucommun.Ont'étendparfoisjusqu'auxdoctrines
philosophiques.Je pourraisciter un écrivaindo renom,
qui, dans un romanà prétentionsnationaleset à ten-
dancesnationalistes,nouaa présentela philosophiedo
Kantet !e kantisme,fort en vogueaujourd'huiparmiia
jeunessefrançaise,commeune doctrineprotestante,une
doctrinegermanique,faitepour nousdénationaliser.
Ainsi,d'après les autiprotestants,commed'après les
antisémites,il nousfaudraitjugerdesdoctrinespar leur
paysd'origine, et non par la part do véritéque nous
pouvonstrouveren cites.LaFrancodevraits'astreindro
L'ANT!PROTE8TANT!SME. ~63
une sorte de protectionnismemoral et fermer ses
frontièresà toute denrée intellectuellede provenance
étrangère.Religionou philosophie.c'estlà, il fautbien
le confesser,une singulièreet attristanteapplicationdu
fameux a Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au
delà 1D
La Réforme,d'aprèsces théories, est à sa place en
Angleterre,en Allemagne,en Scandinavie,dans les
pays germaniques,en un mot, car elle est y est natio
nale. Par suite, d'après cette n~me philosophiedes
religions,lorsqueautrefoislesAnglaispersécutaientles
catholiques,lorsquenaguèreBismarckengageaitl'Alle-
magnedansleCulturkampfcontrelahiérarchieromaine,
Bismarcket les Anglais remplissaientleur devoir de
patriotes,puisquele catholicismeétant un produitlatin,
c'était faireœuvrede bon Anglaiset de bon Allemand
que d'émanciper du joug de Rome l'Angleterreet
t'At!emngno.
National,chez nos voisinsd'outre-Rhin et d'outre-
Manche,!oprotestantismeseraitantinational,cheznous.
Est-ce!&une thèsejustiuëopar les iaita?2
Interrogeonsla géographie interrogeonsl'histoire.En
France,puisquenouaparlonsdo la France, est-il vrai
queleprotestantismereprésente,forcement,t'espritger-
manique?Mais.si nousjetonslesyeuxsur la carte des
confessionsen France,une chosenou'tfrappe,c'est que
lesrégionsde notre paysoù la Réformea été !o mieux
accueillie,dès t'origiue,et où elle a conservé,encore
161 LES DOCTRINES DE HAINB.
aujourd'hui, le plus grand nombre d'adeptes, ce ne
sont pas les provincesdu Nord-Est,cellesqui ont le
plusde sanggermanique,ce sont, tout au rebours,les
régionsdu Midi,ce sont lespays les plus latins de la
France ou bien, si ce ne sont peut-être pas des
pays vraiment latins, si les Cevoanes,par exemple,
qui ont servide refuge aux huguenotspersécutespar
LouisXIV,ne sont pashabitéespar des Françaisd'ori-
gine tatine, leurs montagnesabritent des populations
autochtones,)es plus vieillespeut-êtredes Gaules; et
ce sont ces populations,nationaleset françaisesentre
toutes, qui, justement, ont accueillile protestantisme
et ont tout sacrifiéplutôtquede le renier.
Interrogeonsl'histoire quenous apprend-elle? Est-
ce,vraiment,d'outre-Rhin,est-ced'Auemagne,oumême
de Suisse,que nousest venue,en France,la Réforme?p
Nullement.Nousavions,cheznous,do longuedate, les
c)ementad'une réformenationale,et le protestantisme
françaisest sorti do racine!françaises.Permettez-moi
de vousciter,&cepropos,l'opiniond'unrécenthistorien
do notre littérature,qui n'est pas sans quelque auto-
rité en cesmatières.
a 11y a uneRéformepurementfrançaisequi n'a rien
do de sonorigine,ou peudo chose,à la Réformea)ic-
mandeou angta~e. qui longtempsn'a été ni politique,
commel'anglaise,ni sociale,commel'allemande,mais
religieuse,theotogiqueet morale, et qui cnnn les a
mêmesprécédéesl'une et l'autre, e
t/ANTtPBOTESTANTtSME. i6N
Quidit cela? Est-ceun défenseurdu protestantisme?un apologistede la Réforme? Non, c'est M. Brune-
tière. Et à quelledate !o d~ait-it?Est-ce avantqu'ilfût arrivé au terme de cette longueévolutionmorale
et religieusequ'il nousa lui-mêmedécrite? Nullement,
c'estdans le numérode la ~'ue des DeuxJ~OH~esdu
octobrei900, c'est-à-direà une époqueoù M.Bru-
netiere possédait,déjà, je no di.ai pas dans i'Egtise,maisau moinsdans le mondebien pensant,une auto-
rité légitime,derrièrelaquelleil est permisde s'abriter.
Je continuecettecitation,qui a, pour nous, un réel
intérêt, et qui fait honneurà la haute impartialitédu
savantcritique,11s'agit ici d'un des précurseursde la
Réformeen Franco
«NotreLefèvrod'Htaptes,poursuit M.Brunetièro,a
procédéLuther, et de Lefèvred'Ëtaptes à Calvin, de
i5i2 à ~36, on peut suivreà la trace,dans des docu-
ments français,10progrèset révolutionlogiqued'un
protestantismeexclusivementfrançais.Pluson l'étudiera
do près, et mieux on y verra les caractèresdistinc-
tifsdoce quej'appellerainotre Réformenationale. Ces
caractères,les voici C'est une tendanceà faire pré-dominerla moralesur Jodogme,à mettre dans la pra-
tiquede la viequotidiennetout ceque t'on essaied'en-
lever aux oeuvres,j'entends les ceuvresextérieureset
cérémonie!)cs.C'estencoreunetendanceà démocratiser
ou plutôtà individualiser!e sentimentreligieux et
toutcela,c'estcequenousallonsretrouverdansCalvina.
166 LES DOCTRINES DE HAINE.
Vousaurez remarqueque, dans ce passagesi net et
si catégorique,M.Brunetière,qui seconnaîtà l'analyse
des idées, attribueà l'influencefrançaiseles penchants
individualistesde la Réforme.Je n'ai pas à chercherici
dansqueuemesurecettethèseest exacte il me suffira
do rappeler,à ceuxde nos compatriotesqui voudraient
voir, dans !a Réformeet dans le protestantisme,un
produitétrangerde l'individualismegermanique,qu'il
y a desFrançais,qu'il y a des erudits qui, sans être
protestants,en ont jugéd'une façontoutedifférente.
Lefondateurou l'organisateurde la Reformefran-
çaise,Calvin,porteun nom bien françaiset appartientbien&la France,il seraitd'un nationalisunosingulière-mentétroit,ou d'un fanatismesuranné,dorenonceràle
revendiquercommeun des grands écrivainset un des
grandsespritsde la Franco.C'estce queM.Brunetière,
par exemple,n'a eu garde de faire il a pris soindo
n'amoindrir,ni la haute figure,ni la grande oeuvredu
sombreréformateur.
J'irai plus loin, pourtant, que mon savant ami,
M. Brunetière.Non seulement, Calvin est françaiset
resteun desgrandsnomsde la vieillelittérature fran-
çaise mais, a mes yeux, une grande part do son
influencesur son temps et une bonne part du succès
de sa réformereligieuse,il les doit à l'esprit français.
11nous faut bien constaterque Calvin a été un des
hommesde notrepays,- undesdeuxou troishommes
de France, dont l'action,dans le monde, s'est étendue
L*ANT!PROTE8TAKTtSME. 167
le plus loin, à travers le temps,commeà traversl'es-
pace.Entretous les apôtres do la Réformation,Calvin
a donné sa forme et sa lui à !a doctrine religieuse
qui a eu le plus do retentissementdans l'univers.
Quinosait que le calvinismea déborde,bien loin, au
delàdes étroites frontièresde la petite républiquedo
Genève?Et pourquoicela? C'est,encoreune fois,parce
qu'ony retrouvela marqueessentiellede l'esprit fran-
çais. Nousnous vantions, en Franco, à une époqueencorepeu reculée,quol'espritfrançaisavaitune voca-
tion d'universalité nous nous faisions honneur de
savoirdonner aux idéesune clarté,une précision,une
logiquequi les rend plus facilementaccessiblesaux
autres peuples,pourno pas dire à l'humanitéentière.
C'estce qu'a fait Calvinavec la théologie.Tandisquela réformede Luther, génie peut-être plus original,
plusspontané,plus rare, s'arrêtait,en quelque sorte,à
moitiéroute,et dans te dogmeet dans le culte, Calvin,au contraire,allait au bout do ses principes,selon les
tendancesde notre esprit national, se montrant plus
systématique,plus logique,plus rationnel, plus radical
aussi,domanièreque, grâceà lui, la Reformeaboutità une réwotutionreligieuee,non sans analogieavec
notre grande Révolutioncivile et politiquede 1789.
C'estainsi que par sa méthode,par ses qualités,et, si
l'on leve:tt aussi, par ses défauts, Calvins'est moutréun esprit vraiment français; il a été le législateuret
l'organisateurde la Réforme,ou, commele dit M.Bru-
168 LES DOCTRINES DE BAINB.
netière,il en a été le codificateuret l'ordonnateur,de
façon que le calvinismen'est pas seulementfrançais,
par ses origineset par son fondateur,mais aussi parsesméthodeset, en un certainsens, par sonesprit.
La Réforme, je le sais, après avoir, pendant une
cinquantained'années, disputé la Franceà la vieille
Ëgtise,a été, chez nous, définitivement,vaincue.Je no
puis rechercher, ici, quelles sont les causesde cette
défaite,raisonsmoralesou raisonspolitiques.Maissi la
Réformea été vaincueen Franco,ellen'ajamaispu être
entièrementdéracinéedu sol français. Nosgouverne-mentss'y sontessayé un de nos grandsroisl'a entre-
pris, !e pluspuissantde tous,à l'heureoù son pouvoirétait nu zénith, et il a échoue. La France, depuis la
Réforme, a perdu l'unité religieuse LouisXIV et
LouisXVn'ont pas réussià la lui rendre. C'est ta un
faitquenouspouvonsdéplorer, mais sur lequel il ne
nousest pas permis do nous avougler.Jo comprends,
quant a moi,l'aspirationversl'unité religieuse,comme
vers un idéal auquel l'humanité ce doit cesser do
tendre mais l'unité n'a de prix que lorsqu'elleest
spontanéeet volontaire. L'unité par !a persécution,l'unitépar la contrainte,qu'ollesoitpoursuivie,au nom
de la foireligieusepar J'absolutlsmomonarchique,ouau
nomde l'unitém~ratedu payspar!'absolutismejacobin,est une honte ou un mensonge,auquel les peuplesmodernes,les peupleslibres du moins ne sauraient
se plier.
L'ANTtPROTESTANTiSHE. 169
M
LaFranceest restéeune nation catholique,quant au
plusgrandnombrede ses habitants.Elle est demeurée
un payscatholique,maisnonpasun paysexclusivement
catholique.Et, la remarque, sije ne me trompe, en a
étéfaiteavantmoi, la France a-t-elle été la premièredespuissancescatholiques,elle !'adû peut-être,précisé-
ment,à ce faitque, tout en restant Sdè)eà la grande
Ëgtiseromaine, elle n'appartenaitpas, entièrement,à
une seuleÉglise.
J'avoueque,pour mapart, je suis, en touteschoses,
et en religioncommeen politique,partisando la libre
concurrenceje croisque la libertésert touteslesécoles
et tousles partisdignesde vivre, que la libertérelève
ceux qui savent en user. Je croisque si notre clergô
français, par exemple, s'est distinguo,entre tous les
clergésdo l'Europeet du monde, par ses talents,parsadignité,par sesvertus morales,il le doit, en grande
partie,à cequ'il avait, on facedo lui, des adversaires
aveclesquelsil devaitse mesurer.Nousn'avonspas le
droitdol'oublier,la plus betteépoquedu catholicisme
onFrancoa été l'époqueoù i'ËgtiEedo Franceétait en
lutteavecla Héforme;et, au contraire,du jour où les
protestantsde Franceont été chassésou baittonncs,est
survenuela décadencepour le clergéfrançais et pour
!'Ëgtisoda France.
Je crois que, dans le domainemoralet dansledo-
maineretigieux,plus encorequedans le domaineéco-
nomique,ce que j'appelleraile protectionnismemoral
170 LES DOCTRINESDE HAtNE.
ouleprohibitionnismereligieuxestunedoctrinenéfaste.
C'estainsiquela Révocationde l'Éditde Nantesa porté
à la Franceun coup, dont la Francene s'estpeut-être
jamais relevée; elle a frappé, non seulement la ri-
chesse nationale,mais, chose plus grave, la penséenationale.LaRévocationde t'Ëditde Nantesa, en quoi-
que sorte, détruit l'équilibre de l'esprit français la
Révocationdo l'Édit de Nantes,sous prétextede lui
rendre l'unité, a mutilél'espritfrançais.
Qu'étaitl'esprit français,auxvtr eiéc!o?Uavait,d'un
côté,pour représentants,la glorieusephalangedesécri-
vainscatholiques,cesgrandshommesd'Église,quevous
connaisseztous, que vousrêvereztous, dont les noms
sont surtoutesleslèvres;maisla penséefrançaiseétait,
on mornetemps, représentéepar les dissidents,par les
calvinistes,par les jansénistes.Je n'ai pas besoindo
montrerquo!teaétaientles affinitésmoralesdes jansé-
nisteset descalvinistes leursadversairescommunsles
ont fait ressortir;sur cepoint,au moins,lesjésuitesont
gagné leur procès.Jansénisteset calvinistespersonni-
fiaientles mêmescôtésde l'espritfrançais et lejour o~
le calvinismea été proscrit,lejour où Por~Roya!a etô
rase, qui a prontôda l'cxpulslondes protestants,qui a
benéOciëdeladestructiondePort.Royat?Est-cet'Ëgtiso?
est-cola moralechrétienno?Dcmftndez-teata Régence,
demandex-teau xvm*aiecto,demandez-toù la Rovotu-
tion, qui a étc l'aboutissementfinal et fataldo tout to
xv)tt"s)éc!e.
L'ANTtPROTESTAKTtSME. i~i 1
Comment,me dira-ton, pouvez-vousconsidérerle
calvinismecommereprésentant.unedosfacesdo l'esprit
franchis? Aumômetitre que le jansénisme.Je ne sup-
posepas que, même parmi les antiprotestantsles plus
farouches,personneveuille, aujourd'hui, nous enlever
Pascal.Et quelleconceptionfaut-il donc nous fairedo
l'espritfrançais?Qu'est-ce,pournous,quel'espritfran-
çais?Sera-ce,uniquement,l'espritléger,frivole,brillant,
pctiilantqu'on symbolisedans le vin de Champagne?
l'our prendre un de ses plus illustres représentants,
l'esprit français no peut-il se personnifierque dans
Voltaire?C'est là un jugementque portent, sur nous,
beaucoupdonos voisina,de no" rivaux,mais un juge-
mentcontrelequelnotrepatriotismenousfaitun devoir
do prntestor,sous peinede rétrécir l'esprit françaiset
dediminuer la Franco.L'esprit françaisest p!ualarge,
ptuscomploxe,plussérieux,plusprofond.
Qu'estdonct'espritfrançais?Est-cece quenousaj~pc.
!ons!'ospr!tt!au!ois?c-.t-col'esprit dela Uu)!e?est-ce
la )!usomontmartroise?Certes,si c'estdanstes cafésdo
Montmartreque nous devonsaller chercher les typesde l'espritnational.nous seronsobti~csdo reconno!tro
quel'espritde la Roformon'a rien de français;et avec
certainesfeuillesdes boutovarda.nouanouacuverons
contrelesdoctrinesmorosesdo Calvin,nous rtlclnr11o-
ronsla iiberMdu rito et la libertédo la t!audr!o!o,noua
déclareronsque la morale protestanteest une morato
hypocrito,quipeutotrobonnepour!oGormai)tou pour
t73 LES DOCTRINES DE HA)NE.
l'Anglais,natureHeuKmtgourmés,mais qui n'a rien à
fairedans lejoyeuxpaysde France.
Mais,si tel est vraimentnotreespritnational,il nous
faut répudier les plus grands hommes de l'Ëgtisede
.née. Est-ce que Bossuet,par exemple,est-cequeBourdalouelui-même,tout jésuite qu'il fût, étaientdes
représentantsde l'esprit gaulois? Et, si nouscherchons
quelssont,en ce moment,lespérilsdol'espritfrançais,
pouvons-nousdire,enconscience,quelevéritab)edanger
pourla France,pour l'art français, pour la littérature
française,est le puritanismeprotestant?Il s'est, à notre
honte,trouvédesFrançaispourlesoutenir maisj'avoue,
humblement,quant à moi, que s'il y a, aujourd'hui,un périlpour notrelittérature,pour notrethéâtre,pour
l'esprit françaislui-même,je croisque le périlest d'un
toutautrecote, et pour tout dire, du côté opposé jecroisque le dangerleplusmenaçantpour l'espritfran-
çais et pour l'art français est l'indécencedu théâtre,
la licencede la presse et la vénale pornographie.Et
c'est un grand honneurqu'on a fait aux protestants,
un honneur en partie mérité, que de les signalercommeles patronsou les promoteursdes effortspour
endiguerle débordementde la corruptionprivéeet de
l'immoralitépublique.
Si donc on analysoles originesde la Réformeen
Franceet l'esprit même du protestantismefrançais, il
est malaiséde prétendrequ'ils'inspired'une idéeétran-
gèreet d'unidéalétranger.Mais,dira-t-on,si laRéforme
L'ANTfPROTE8TA!tT!SME, 173
10.
calvinisteest françaisepar sesorigines,elleest devenue
étrangère,depuisdeux siècles,par103rapportsintimes
qu'ellea été obligéede noueravecl'étranger.Le hugue-
not a du émigrer,et dansson exil,et danasesfréquen-
tations anglaisesou allemande3,il s'estdéfrancisa,et,
quandil nousest revenu,il nous a rapportédes idées,
des habitudes,des manières de voir, des façonsde
penserdu dehors.
Use peut, en effet, que, chez certainsprotestants,nousretrouvions,danslesmanières,dansielangage,
surtout s'ils sont allésétudier en Suisseou en Alle-
magne, quelqueapparenceétrangèreouquelquefaçon
de s'exprimerancienne,qui sentece qu'ona appeléale
patoisde CanaanB. Maisfaut-it en tirer scandale? et
n'est-ce pas le fait de toute grande école, de toute
doctrine originale, de toute minorité religieusesur-
tout, d'avoir ses manièresde penser ou de parler,
quelquefoismêmesonjargon?
Deceque lesreformésfrançaisse trouvent,grâce à
leurreligion,en rapports plus fréquentsavecnosvoi-
sinsde Suisse,d'AUemagne,de Hollande,d'Angleterre,
irons-nousconclure que les protestantsfrançais sont
devenusdes cosmopolites?C'est, vous le savez, un
desreprochesqu'on a le front de Jeur adresser; mais
vousvous rappelezque cetteaccusationde cosmopoli-
tisme,lestrois aanti la lancent,éga!ement,au juifet
auprotestant,au cléricalet au catholique.Ce qui est
vrai, c'est que le protestant,commeaussi le ijuif, a
174 LES DOCTh.NBS DE HAtNR.
joué souvent,au grand bénéficede notre pays, le rôle
d'intermédiaireentre la Franco et l'étranger, entre
l'Allemagneet la France,entrel'Angleterreet laFrance;
mais,de là au cosmopolitisme,il y a un at)!me.
Dirons-nous,commeles adeptes les plus outrés do
l'antiprotestantisme,que les protestantssontincapablesde patriotismefrançais, que leurs anectionsne vont
pas à la France,que leur patrie est Genève,que leur
cœurest à Berlinou à Londres,que ce sont des agentsde t'Ëtranger,agentsde l'Anglais,agentsdel'Allemand?
oserons-nousrépéter,sur la foidespamphlétaires,qu'il
n'y a jamais eu de protestantspatriotes? que, depuisJa Réformejusqu'auxx"siècle,leprotestanta toujoursservi les intérêts de l'Étranger, toujours cherché à
faireintervenircheznous l'Étranger?Je sais qu'il est de mode,en cemoment, -on le fai-
sait,hier encore,à la Chambre, de rappelerla triste
époquede nosguerresdoreligion,alorsque les hugue-
nots, d'un côté, que les ligueurs,do J'autre, faisaient
pareillementappelaux armesde t'étrangor mais est-il
bon,entreFrançais,de nousjeter, lesuns auxautres,A
la face, les fautesdo nos aïeux,et les griefssurannés
d'un passélointain,qui nedevrait,à tous, nous laisser
quedes remords?Est-ceque la Reformen'a pasdonné
à la France, non seulementnombred'hommesdistin-
gués en tous genres, plus que son contingent pro-
portionne!de grands écrivainsou de grands savants,
mais nombrede grands patriotes? est-ce que Sully,
L'ANTtPROTBSTANTtSME. i7&
est-ceque Turenneou Duquesne,est-ceque Guizot,pour
prendreun hommeplus moderne,n'ont pas été aussi
bonsFrançaisque lesmeilleursFrançaisde leur temps?
Est-ceque, lorsquenous avonseu la douleurde nous
voir arracher la terre d'Alsace,il ne s'est pas trouve,
parmilesprotestants,commeparmilesjuifs,aussibien
queparmiles catholiques,un grandnombred'Alsaciens-
Lorrainsqui, pour garder la qualitéde Français,ont
quittéla terrenataleet sacrifiétousleursintérêtsmaté'
riels?Siun patriotisme,peut-êtreimprévoyant,en fait
untitre auxcatholiques,doqueldroit n'en pasmontrer
unereconnaissanceégaleauxjuifset aux protestants?2
Ds'est rencontredes sectairesassezimpudentspour
osercontester,en plein Parlement, le patriotismedes
néformésou desLuthériens,durant la guerrede 1870-
1871.Les nomsdes protestantsmortspour la défense
de la patrie communesuturaient à repousser cette
iniquecalomnie.Est-ilnécessairede la réfuterici?Qui
de nousignorequ'en i870, en 187t, lesprotestantsont
faitleurdevoir,tout commeles catholiques?Gambetta
n'a-t-it pas eu, pour principalcollaborateur,à la Dé-
fense nationale,un protestant? N'est-cepas au pro-
testantisme qu'appartenaient Jauréguiborry et bien
d'autres des chefs do cette lutte désespérée?N'eat-ce
pasauxprotestantsque nousavonsdû Denfcrt-Roche-
reau, dont la tenaceénergienousa conservé,avec la
place do Belfort,un derniercoinde la terred'Alsace?Y
De pareilsprocédésde polémiquesdéshonorentles
i76 LBS DOCTRINES DE HAINE.
partis. Rien n'est plus indigne d'un Françaisque de
contesterainsile patriotismede nosconcitoyensd'autre
religion je suispersuadé,quant à moi,que, si jamais
nousdevionsvoir, de nouveau, le sol françaisenvahi
par l'étranger,il n'y aurait plus, parmi nous, devant
l'ennemi,ni juifs, ni protestants,ni catholiques,il n'y
aurait plus quodes Français,défendantlesol national.
tV
Il est un autregriefdont on sesert souvent,aujour-
d nui, coutro les protestants,do mémoque contre les
juifs c'est un grief à ta foiséconomique,social,poli-
tique. On prétend se révoltercoutroce qu'on appelleleurprépondérancesociale,ou leur tyranniepolitique.Les protestants,les juifs, entend-onrépéter, tiennent
trop do place en France; it n'y en a que pour eux.
H est vrai, ce serait faire tort aux protestantsque do
no pas reconnattrequ'Usont conquis,cheznous, une
place assurémentsupérieureà leur force numérique.tt en est d'eux, sous ce rapport, commedes juifs ou
mieux, oo fût-ce qu'en raison do leur plus grand
nombre, la place que les protestantsoccupent,en
France,est beaucoupplus targequecellequ'y tiennent
lesjuifs.
ConunentcetaB'exptiquc-t'-it?D'où vient cet appa-
L'ANTtPROTESTANTtSME. m
rent privilègedes minorités religituses?U s'explique
dediBerenteamanières.Unepremièreobservation,c'est
que les protestants,plus encoreque les juifs, appar-
tiennent,oa général,à la classebourgeoise,à la bour-
geoisie des villes, et naturellement !a bourgeoisie
urbaine joue, dans le pays, un rôle beaucoupplus
considérablequ'aucuneautre classe.Il y a bien,aujour-
d'hui. a le quatrièmeÉtato, commeil s'intitule, qui
s'esttevô récemment,qui est en marche, qui pret~J
supplanterl'ancien tiers État, à ses yeux vieilli et
upui~e;mais, en dépit do ces prétentionsqui )a me-
nacent pour l'avenir, c'est encore la bourgeoisiequi,
t'iieuro actuelle, dans toutes les carrières,occupe
to premier rang. Les protestantset les juifs étant,
proportionnellement,plus nombreuxdans cette bour-
geoisie,il est naturelqu'ilsoccupent,proportionnelle-
mont,plusde placedans le commerce,dans l'industrie,
danslesprofessionslibérales,dans lesemploispublics.
Lesprotestants,en France,ont été, des le débutdo!a
Hcformo,une étite; ou, si vous aimez mieux,c'est
parmila bourgeoisiefrançaise,et aussi,jadis, parmi la
noblessefrançaise,quelaRéformeavaitfaitleplusgrand
nombred'adeptes.C'est,vous le sav~z,une des raisons
pourlesquelleslaRévocationdo l'Éditdo Nantesa porté
un si grandcoupd la France.Une chosequ'onoublie
parfois,lesrivalitéscommcrclales,les jalousiesdo mé-
tier,n'ont pasétéentièrementétrangèresucetteRévoca-
tiondut'ËditdoNantes.SousLouisXiV,ily avaitdéjà,
i78 LES DOCTRINES DE HA~R.
parmi les négociantsou lesgensde boutiques,despré-curseursde nos antisémitesou de nos aotiprotestants
qui jugeaient,eux aussi, que la meilleuremanièrede
se débarrasserde concurrentsgênants, c'était de les
faireexpulserou persécuterpar !oPouvoir.
Uneautreobservationm'est suggéréepar i'ctude des
différentspays et des différentesreligions c'est que,
presquepartout, en Europeet en dehorsde l'Europe,les minoritésreligieusesjouent un rô)o considérable
dans!emondedes affaires,dans le commerce,dans la
finance.Cen'estpas, seulement,commeon le dit par-fois,!epropredes juifs,ou encoredes Arméniens,des
Coptes,des Parsis; il en est ainsi, fréquemment,do
toutes les minoritésreligieuses.Celas'expliquepar ce
faitqu'en tant que minorités,ellesont souventctô en
butte&la défaveurdu Gouvernement,quo les carrières
publiques, cellesqui attirent le plus l'ambition, leur
étant fermées, ces minorités religieusesse portent
davantagevoralesprofessionsqui leur restentouvertes,c'eat.a-dirovers io commmercoou vers la nuance. II
en a été, ainsi, à une certaineépoque,desdissidents
anglais; Ii en est, encore, de même, des Bashotnika,des < vieuxcroyantac, autrementdit, des dissidents
russes*.
Aujourd'hui,je le sais. les protestantset les juifs no
sont plus, en France,frappasde la défaveurgouvernc-
1.Voycot'P);)~ des~;«~ ci les/!us!M,tometH,t)t)ûm.cbap.tv.
L'ANTtPnOTESTANTtSME. 179
-'1- '1- n__n -1- v
mentale.Larouede la fortunea tourné;ils ne sontplusexclusdes fonctionspubliques;ilay pénètrentpar toutes
lesportes d en croire 'eurs adversaires,Ustendent à
s'en arroger le monop~o.Celamémenousconduit à
une autre explicationdu grandnombrede protestantset de juifs qui remplissentles professionslibéraleset
lescarrièrespubliques.
Je touche,ici, un point d~iicat,un pointd'unehaute
importance,sur lequelj'aurai peut-êtreà revenir.Les
protestants,lesjuifs ayant été émancipespar la Révo-
lution sont demeurés, en grande majorité, fidèlesà
l'espritdo la Révolution par suite, ils ont été au pré*micr rang, les uns et les autres, des partis qui ont
fondeet soutenula République. n'y a donc pas à
s'étonnerai, le parti républicainayant triomphé, ils
onteu une large part des fonctionspubliques.Ayanttt<!Ala peine,ils ont trouvéjuste d'être Al'honneur.
et au profit.Commecitoyensfrançais, proteatantsou
juifsont participe,individuellement,d nos luttespoli-
tiques beaucoup ont été parmi les vainqueurs,et,
quoiqueen Franco,on neprétenditpaaencoreappliquerstrictementle principeaméricaine Auxvainqueursles
dopouittesD,ils ont, naturellement,humainement,tire
partido cette situation de vainqueurs,ou d'alliésdes
vainqueurs.La défaitedesancienspartis,les défiances
suscitéescontreles famillesqui pai'saicntpourattachées
auxdynastiesdécbues,ou pourinféodéesauxInfluences
do i'Ëgtise,font que le personnelrcpubticainB'est.en
i80 LES DOCTRINES DE HAINE.
grande parité, recruté parmiles minoritésreligieuses.Bienplus, nos luttes politiquesayanttournétrop long-
tempsautourdu a c!érica)isme», il en est résultéque,
pourles emploiset pour l'avancement,c'était souvent
un inconvénientd'être né catholique, un avantaged'êtrené juifou protestant.
C'estlà, encoreune fois,un point délicat,sur !cqL?Iil me faudrarevenir,car c'est peut-être,aujourd'hui,!o
grief!oplussérieux,le plusdangereuxau moins,contre
les protestantset contreles juifs. C'est lui surtout qui
permetde crier à la prépondérancejuive,ù laprépondé-rance protestante.Or, si les minorités religieusesont
droità la libertéet &t'egantc,ellesno sauraientrcvcn.
diquer la prééminence,et, si elles ont l'air do s'en
emparer, cette apparente prédominancerisque do 60
retournercontre elles, en froissantà la fois, les senti-mentset lesintérêtsdo la majorité.
Quedisentantisémiteset antiprotcstants?I!adisent,non seulementque les protestantsou les juifa, lese Judéo-protestanta», tiennent trop do place dans la
Républiqueet dans t'Ëtat; maisils prétendentquocette
influencepotitique,juifa et protestantsl'emploientau
profitde leursintérêtsde groupeou do secte,au prontde leursdoctrinesou do leurshaines;qu'ilss'en serventau moins,commed'unearme de guerre,contre)'~g))6c
catholiqueet contresonctergc. Aentendre l'antisémiteet l'antiprolestant,!'antie!éricaiisme,chez le juif, chezie protestantsurtout,aurait un veninconfessionnelil
L'ANTIPROTESTAKTtSMB. i8i
it
ne serait qu'une sorte de cléricalismeaaticathouquo,
puritainethypocrite.Danslesloisscohires,par exemple,ou encoredans lesdiscussionssur !edroitd'association,
on accuseles protestantset les juifsde n'êtrepas uni-
quementdirigéspar l'intérêt de l'Étatou par l'intérêt
national, mais de poursuivre, sous le couvert de la
neutralitéreligieuse,!adéfaitede leurs adversairesreli-
gieux.A leur tour, les ancienspersécutes,juifsou pro-
testants,s'efforceraientd'employerla forcepubliqueet
!o bras séculiercontre leurs antiques adversaires.En
un mot, on accusejuifset protestantsd'avoir une poli-
tiquesectaire et non seulement,dit-on,cettepolitiquesectairese manifesteau dedans, mais, cequi est plus
grave, elle no rougit pas de se montrer au dehors;
elleno craint pas,pour so satisfaire,do sacrifier,à ses
préjugeaouà sesrancunes,lesintérêtsessentielsdupays.Voussaveztous qu'à t'étranger,en nombredo pays,
en Syrie, par exemple,en Egypte,dans tout l'Orient,voire dans i'Extr~me-Orient,la politique françaisese
trouve,depuis des siècles,liée au catholicisme.Voua
savezque, dans ces vastes régions, les représentantshabituels et naturels da i'iniïuenco française, les
défenseurset propagateursde la languefrançaisesont
des missionnaires,sont des religieux.C'est ta un fait
Lienconnudes voyageurs.L'ontiprotestantet l'anlisé-
miloen tirentparti contreleursadversaires.
Quelssont, demandent-ita,nos moyensd'inuuenco
eliOrientet dans le monde?La France,avecsa popu-
182 LES DOCTRINBS DE HA!NB.
lationstagnante,peut-ellesoutenirla lutte économique
ou la lutte politique,à coupsde millionsou à coups
d'hommes,aveclesgrandsempiresqui, ence moment,
se disputentl'hégémoniedela planète?Mon.Hne nous
reste guëM,aujourd'hui, en Orientet dans!e monde,
qu'un moyen d'influence ce sont nos missionnaires,
ce sont nos religieux.Or, que voit-on? On voit des
partis, en Franco,on voit les clients desprotestants
et desjuifss'attaquer&ces missionnaires,s'attaquer t\
cesreligieux,commes'ilsavaientfaitsermentde priverla République françaisede cet admirableet.unique
moyend'inuuenco et celaau momentmêmeoùce qu'on
appellenotre protectoratcatholiquese trouve monacô
par nos voisinset battu en brèchepar nos rivaux,s
Quino sent la gravitédo parci!reproche? Onaccuse
teajuifs,onaccuselesprotestants– et nature!)ementles
franca-maçons d'être, par préjuge dosecte, moins
Françaiset moinsdévouésà la grandeurffanc~tsoqueles catholiques.On les accusad'être juifs ou protes-
tants, avantd'êtreFrançais.
C'estaux protestants,c'est aux juifs, à montrer !o
malfondéd'un tel grief. Leur iuténlt,non moinsque
1.HestJuslodereconnaHroquenombredu prututautsl'onttomprta,témoinla)ettMpublique,n'Jrc~ n M.le t'rc'')do)tduhtComntttstonduDrottd'nMOctaHun,en)t)jMtMt.ct !')nn6f)')'ptuefe'trsëefhatnaet Muantspt'utcstnf))!entreHU))~p;))'Jo')'cU6 M.AugusteSabatier,doyo)do)nFacutt6t)fThtoto~iodet'~rta.t~atucetteteUro,~t.Sab.iOc)'et phtsicuradusMeo)tc)}UC9oudesescoretiHiono:))rc9n'ontpaacraintdoprottamorIcs6cr~tcc9
L'ANTtPROTBSTANTtSME. 183
leur patriotisme,leur en fait un devoir. Noussommes
ramenés,ainsi, au griefreligieuxet au grief politique,
quifinissentpar se rejoindreet par se confondre.L'anti-
cléricalismese retourne, en quelque sorte, contreJe
protestantet contrele juif au lieu d'en être les benën-
ciaires,ils risquentd'en devenir les victimes c'est ce
que je vous !<ussaisentrevoirdèsma première confé-
rence. L'antic!<trica!isme,t'antiprotestantismo,l'anti-
sémitismeso fomententet s'excitent, réciproquementi
par suite, l'anticléricalismepeut recéler une menace
contre les minorités religieuses. Chaque campagne
anticléricalerauimoet l'antisémitismeet l'antiprotes-
tantismo.C'est,à mesyeux,une desraisonsde repous-
ser,résolument,t'antictericatismo.J'oseraidire semez
l'antictcricai'smc,et vousrécolterezl'antiproiestantismo
et l'antisémitisme,car la guerre appelle la guerre,et
t'intolt'ranco,l'intolérance.
Voulons.nousretrouverlapaixreligieuse,lapremière
choseestquelePouvoir~omontrolibre dotoutepassion
confessionnelle,dégagedotout espritde secte, religieux
ouantiretigieux.
rendus&)asc)encoetdtalanguefrantaisoparlescung~gauona)<t)g~cu6M,reconnuesounonfcconnuea.Soptntnntsurtoterraindes)nt<r~tafrançaisà t'&trnngcr,Ils8'Oovatcn),d'avance,contreloulo1~8¡slo\lonqull'elldrolt lulcrdh-cou lla"ll,)'serl'ocllontoutolégislationquipr<to)dra)ttutcrdtreou paratysert'ncUond~surdresrc))R)cuxnudehors,Mttd))cctetuententcs supprimant,Mitindirectementenleurcnto~nnttesre''Murce9tndtBpcneabteaetenleurrendanttout)'ccrutetnontimpossible.·
CHAPITRE IV
L'AXTtCLÉntCA~tSME.
r~~t'~par/t'c.
Antie)~))ca!t<mott onUMthu)tc~)no.– t~*p~rit cMriMt. –
Qu'entend-on par cMri~at? Quel Mt h- vrai '-cns de co
terme et quel en est t'usape cour.'nt? – (Juetquestypes d'nnti-
cttricaut. – A))ticMrtM)!s)noet txtot~rnncc. – Commpnt
ranUct~ricaUsmoûn)t par s'attaquer tatout'' religionet à rijpe
mêmedo Mieu. H. <\natogtodes factems do t'ant)c~t)c.i))smo
et do t'ant)sen)ttt9ntc. L'ant)ctt'rtc<))i'-n)f11 )o gf~'f fc~gicuxou phttosophtque. Mccs~t~do combattre !'ob<cumnt)sn)e.–
Lofanatismeant)c)~F!cat.– Lamorntecatholique ft la morato
nttgteusp. ))). Le grief nalional. Les cathu))qut'9tujet~d'ut prfocQétranger. Honte, t'csprit latin et !o (;<'nfo
fran~ta. – L'ant!e)~ricat)ctnoet toga)t)Mn)sm'p.– routons-nouf
nvotrune Ëattsccattonato? – L'uXfamontantstneet r:nfat)tiLi-
tito papale. L'~gtiMet M9congr~gaffona~pntdes tnto-natio-
nales.–L'anUct~rtcattsmoet lestot~t~tsfrant.its.
MEastEuna,
Jo dois vous parler, aujourd'hui, do rantic!6rica-
tismo. Comment, m'objecteront quelques-uns d'cutro
vous, classer !'ontic!6r!cat!atno parmi les doctrines
do haioo? il faudrait, au tMoho, dire J'anticathoH-
L'ANTtCLÉRtCAUSME. 185
cisme.Je reconnaisquecette observationpeut sembler
fondée,j'avouequ'ellem'a déjà été faite mais,comme
je vous le montrerai tout à l'heure, anticléricalisme,
dansle langageusuel,estdevenu,le plussouvent,syno-
nymed'anticatholicisme.
L'antic!erica!ismo,m'a-i-on dit encore,au lieud'une
doctrinedo haine, est une doctrined'émancipation;H
veutnousaffranchirdujougde Rome,do l'esclavagedo
la superstition,des ténèbresde l'obscurantisme.Telle
est,je le reconnaisvr'ontiers, la prétentiondo t'anti-
cléricalisme mais, si tel est, en effet, le but du plus
grand nombre des anticléricaux,je suis bien obligé
doconstaterque l'antisémitismeet l'anti protestantisme
prétendent,également, eux aussi, être des doctrines
d'affranchissement.L'antisémiteet l'antiprotestantno
nous répètent-Hapas, chaque jour, sans quo nous
soyonsen droit do nier leur sincérité, qu'ils n'ont
d'autfebut quodo d~ivrer la Francodu joug des juifsou de !adominationdesprotestants?2
)t n'y a donc rien là qui distinguo !'antic!ericatismo
desdeuxautres a anti e. Toute la questionest de savoir
jusqu'àquel point l'esclavagedontveutnousaffranchir
!'antic!ericati8meest réel,ou jusqu'àquel point la ser-
vitude dont Il veut nous préserverest menaçanteet
prochaine, ouencore,si !cs armesqu'ilnousoffrepournousdéfendrecontre la tyrannieecléricaleo sont légi-timeset efficaces,et si eues'ne risquentpasdo blesserla
libertémêmequ'ilprétendnousrendroounousconserver.
186 LES DOCTRINES DE DAINE.
t
Je doiscommencer,ici, par.une professiondo foi; joJeferai,en toute sincérité.Si le «cléricalismeo, si la
théocratie,pour résumerd'un mot toutes les préten-tions qu'on peut imputer aux cléricaux,meparaissaitun danger sérieux,pour la France du xx" siècle, un
périlqueje pusse,enconscience,regardercommeimmi-
nent,je seraisdespremiersà combattrele cléricalisme
et les fauteursde la théocratie.Je suis, quant à moi,
autant que FantieiéricalJe plus décidé,résoluà main-
tenir l'indépendancede la sociétécivile, à défendre,enverset contretous,!'indépendanceet la souveraineté
de l'État, je ne dirai pas la suprématiede l'État.Ici,
je l'avoue,jemedistingueraide!'antic!éricat,et la raison
<n est simple; le mot suprématieprêteà l'équivoque;c'est un terme qui a tenu une grande place dans les
luttespolitico-roligieusesdu xvi"et du xvn"siècles.Au-
cundevousn'ignoreque,dansl'Angleterred'HenriVIII,
par exemple,co qui révoltait les dissidents,tant pro-testants que catholiques,c'était la prétention de Jes
contraindreà reconnaîtrela suprématiedu roi dans
l'Eglise.
Or,je demeureconvaincuque, si l'État prétendéta-
blir sa suprématiedansles matièresspirituelles, quel'Étatsoitreprésentéparun roi, par une assemblée,par
L'ANTtCLÉRÏCAUSME. 187
un ministère, peu importe, l'État empiète sur le
domainespirituel.Je pose,en principe,qu'il n'ya, nulle
part, de véritableliberté,qu'il n'y a, nullepart, de sau-
vegardepour l'intégritéde la conscienceet pour l'au-
toûonn do la personnalitéhumaine,si l'on ne main-
tient pas, strictement,la séparationentre le domaine
spirituelet le domaine temporel.Une des chosesque
je reprocheà l'anticlérical, tout comme au clérical,
c'estque tous deux méconnaissent,également,quoique
d'une façonopposée,cettedistinctionessentielle,et que,
par là, tousdeuxmenacent,presqueégalement,quoique
d'unemanièredifférente,la libertéde conscienceet l'au-
tonomiede Filmehumaine.
Celadit, en toute loyauté, cherchonsensemblece
qu'est, à proprementparler, le clérical.Qu'entend-on,
aujourd'hui,parctéricat?qu'entendait-on,par ce terme,
l'origine?Lesensdu mot a dévié il s'estétenduet,
par là même,il s'est plus ou moins faussé.Si nous le
prenons,dans le sensprimitif,noustrouvonsquele mot
cléricaldésigneles partisansdo l'ingérencedu clergé
dans la poUtique, ou, d'une manièregénérale, les
hommesqui veulentsubordonnerl'Ëtat à l'Église.Tels
sont, a proprementparler, les cléricaux,les vrais, les
seuls qui méritent ce nom. Ceux-là,tout libérât est
obligéde lescombattre,et j'oserai dire qu'à notre épo-
que, dans la France contemporaine,cescléricauxsont,
non pas, assurément, les plus grands ennemis do
t'Ëgtise,mais les hommes,certainement,qui font le
188 LES DOCTRINES DE HAINE.
plus demalà l'Église,parceque ce sonteuxquifournis.sentcontreellelesarmesles p]usdangereusespourelle.
J'ai ici, sous les yeux, la définitiondu mot clérical
par un catholique,par un moineque j'ai eu l'honneurde connaître, qui était un véritable Français,un ar-dentpatriote,et j'ajouterai,un vrai démocrate le PèreDidon'. Cette définition,voulez-vousme permettredevousla donner?elleest intéressantepar sonorigine,ellel'estaussipar lestermesdans lesquelselle est conçue,d'autant qu'elle n'a pas été écrite pour le public.C'estun passagetiré d'une lettredéjàancienne,lettrefamilièreà une femme
a Vousmedemandez,monenfant,ceque c'estqu'unclérical?Je n'aimepascesmotsde guerrequi ne signi-fientrien de préciset donton peut, à son gré, étendreou resserrerle sensmaldenni. Cemotsignifie,aujour-d'hui, le parti politiquequi se sert do la religionpourcombattrece qu'on est convenu d'appelerles institu-tionsmodernes.Ace compte-la,nous, qui ne combat.tons point les institutionsmodernes,ni en tant quelibérales,ni en tant que républicaines,ni en tant que
i. Démocrateet patriote,toutensemble,peut-ondire,quoique,dansundiscoureurroEspritoHitaire",prononc6&éco!oAlbert.le-Grand,enjunteti898,!oP.Didonsosoitta)M6entratner,parun pattiottsmoirrM&c!)),&deseK~ do parolesquel'onpeutregretter,sansavoir,pourcela,ta droitd'oubliert'œuvroetlestendancesdetoutesavie.
9. Voyezle R.P. DMon,~cMrMd.V«ffcn)o<M~c7'A.V.,Paris,1900.
L'ANTICLÉRICALISME. 189
M.
démocratiques,mais qui, au contraire, cherchonsà
mettrel'harmonieentrela religionet un régimerépu-
blicain, honnête, libérai, démocratique,nous ne sau-
rionsêtre des cléricaux.Mais,si l'on force le sens de
cetteexpressionélastique,et si l'on entend par clérical
quiconqueest catholique,quiconquecroit au Christ,
quiconquecroiten Dieu,quiconquecroit à l'autorité.
alors,non seulementtous les catholiques,non seule-
ment tous les protestants,mais tous lesdéistes. mais
M.Gambettaiui-memoest un clérical,puisqu'il croit
à l'autorité, envers et contre MM.Rochefortet Tur-
quet. o
Ladéfinition,vous le voyez,est piquante.Dansune
autrelettre,quelquesannéesplus tard, je trouve,dans
la mêmecorrespondance,toujoursà proposdu clérica-
lisme, quetqueslignes queje crois, également,devoir
vouslire. Remarquezque c'est un moine qui parle,un
moinequi, tout en s'honorantd'être catholique, a la
légitimeprétentiondo n'être pas un clérical, et cela,encoreune fois, il l'écrit dans une lettreprivée,nulle-
mentdestinéeà la publicité.a Je suis exaspéré,quand je vois des hommespoli-
tiquesse servirde l'autel commed'un marchepied,do
la croixcommed'une épée,de la religioncommed'un
instrumentde succèsélectoral. o
a C'estune desmisèresdenotretempsa, continue!e
PèreDidon,appelant,de ses veaux,l'heureoù la reU-
gionseraenfindégagéede la politique.Qu'ils fassent
190 LES DOCTRINES DE HÂtNE.
donc,cesgens-là,de la politiquepure, et qu'Us!ais-
sent tranquillemon Dieu. Je comprendsfort bien
e qu'on soit monarchiste, impérialiste, républicain;s maisje ne veuxpasqu'onse servedu Christ pour le
meterà nosdiscordesde partis, a
Voilà,ainsi, le cléricalismeftétripar un moine1
Quelest,aujourd'hui,dans le langagecourant,le sens
habitueldu mot clérical?Est-cele sensétymologique?Est-cecelui adopté par le P~roDidon?Allezdans une
petiteville,allezà la campagne,interrogezleshabitants
sur leurs voisins,et vousarriverezbien vite à vous
convaincreque ce qu'onappelleclérical,c'est io catho-
lique, le catholique pratiquant; c'est, par exemple,l'hommequi va à la messele dimanche.Il n'est même
pas besoind'observertouslespréceptesdol'Églisepourêtre marquéau front do cestigmatedoclérical.Celui
qui va à la messeest, déjà, un clérical car clérical
devientsynonymedo catholique;encore, faut-ilnoter
que, il cet égard, il y a desdegrésdansle cléricalisme,commedans la dévotion.L'homme,par exemple,qui,le dimanche,va à la messe,avec sa femme,à la basse
messe surtout, commetle péchéde cléricalisme;mais
c'est, en quelquesorte, aux yeux de l'anticlérical,un
pechovéniel.Quanta l'hommequi va à la measetout
seul &l'hommesurtoutqui va à i'égHse,avecun livre1
celui-là,pour t'antic!ériMu,e<ten état de péchémor-
!/ANT!CLHR!CAHSME. 19i
tel. Allerà la messe,avecun livre,voilà,aujourd'hui,dans une grande partiede la France,la marque d'un
cléricalismerenforcé!1Iln'en faut pastant, en mainte
région,pour être noté de cette épithètemalsonnante;
et, à certainescatégoriesde personnes,aux petits fonc-
tionnaires, par exemple,il faut un véritable courage
moral,on pourraitpresquedire une sorte d'héroïsme,
pouroseraffronter,en pareillematière, les sarcasmes
et lesdélationsdosanticléricauxdu cru.
L'anticlérical,tout commel'antisémite,a beau s'en
défendre,il estpoussé,par son principe, malgrélui,
je le veuxbien, &s'attaquerau culte de ses adver-
saires,à la religionoHo-mêmo.L'anticléricaldevientun
anticatho!iquo car, s'il suffit, pour être considère
commeclérical, de pratiquerles commandementsde
i'Ëniiso,il est évidentque, pourn'êtrepasf!etri do cette
marque d'infamie, il faut cesser,devantles hommes,
d'appartenirAi'~gtise.
L'anticléricalismeaboutit, ainsi, commerant!semi-
tismo,commerantiprotestantismo,a unevéritablointo-
lérance.Lagraudodifférence,entre eux, estque l'anli-
protestantou i'antisëmitos'enprendaux minoritésreli-
gieuses,tandisque l'anticléricale'attaqueau cuitede la
majorité,ce qui, assurément,ne peut ni diminuerni
justifierson intolérance.
Mais.l'anticléricalismeen veut-il, uniquement, au
catholicisme,a t'Egtisoromaine,a ses prêtresou a M8
moines?Non vousavezpu enjuger, déjà, par lepas-
i92 LES DOCTRINES DE BAINB.
sagede la lettredu PèreDidonqueje vousUsaistout à
l'heure, et c'estune desraisonsqui m'ontdécideà pré-
férer,pourcesconférences,le nomd'anticléricalismeau
mot d'anticatholicisme.L'anticléricalmilitantdépasse,
danssesattaques,commedansseshaines, la tcte de la
grandeÉglisecatholique;ses coupsportentplus loinet
plus haut: par-dessusles presbytèreset les couvents,
par-dessusle Vaticanet la tiare pontificale,ils portent
jusqu'auchristianismelui-même;que dis-je? par delà
le christianisme,ils visent jusqu'à t'idce religieuse,
jusqu'à la notionda Dieu.C'est ainsique, sous le cou-
vert do la neutralité religieuse,nous avons vu des
hommes, sansdoute convaincus,des hommes,je le
veux bien, d'un patriotismesincère,– non contents
de fermer au catéchismeet auxdogmesde l'Égliseles
écoles publiques, s'efforcerd'évincer do l'esprit des
enfants,et, par suite, d'arracher des âmes françaises,
t'idcomêmede Pieu.
Je suis, je l'avoue, membrede la K Liguecontre
l'athéismec, socRMqui, à aucuntitre, n'a rien de clé.
rical elleest composéed'hommesdo toutesconfes-
sions ellea été fondéepar un philosophe,et qui pisest,
par un juif, M.AdolpheFranck.!t n'importe; j'ai ren-
contradespersonnesqui, lorsqueje leur confessaisque
j'étais membrede cetteligue,me disaient a Vousêtes
doncclérical? o H n'en faut pas davantage,en effet
défendrel'idéede Dieu,croire que la notion do Dieu
peutencoreavoirun rôle dans nos sociétéscontempo-
L'ANT!CLÉR!CAt.t8ME. ~3
raines, cela,aux yeuxde nombred'anticléricaux,sufflt
pourque l'on soit taxéde clérical.
Vousconnaissezla façondont AugusteComteen agis*
sait avec Dieu. AugusteComteétait, assurément,un
grandesprit,un deshommesdontla Francedu xtx~sie-
clea lieude s'honorer;à l'inversedobeaucoupdepetits
esprits,it sentaitqu'unesociéténepeutsepasserde tout
lien religieux,et.commeitprétendaitcréerunereligion
nouvelle,celle do l'Humanité,le fondateurdu positi-visme imitait, à i'egardde Dieu, l'exempleque nous
avait donnePlaton, à l'égarddu poète.AugusteComte
reconduisaitDieuaux portesde la citénouvelle,et, en
lui donnantcongé, le philosophele remerciait,sotcn-
nettement,desservices provisoireso qu'il avaitrendus
auxsociétéshumaines.
L'anticléricalfaitde mOme H trouve, lui aussi, quel'heureest venuedo bannir Dieu de la cite humaine;
mais, a la différenced'AugusteComte,il ne Jui tait
puintdopolitesses,il no !oremerciepointdosesservices
passés;it t'expulse,d'une main brutale, it le jette à la
porte,commeun ennemiet un criminel.
Voilàoù en sont, aujourd'hui, dans uotro France.un grandnombre des adeptesde l'anticléricalisme.Et
J'ascendantqu'a, sur la Républiquefrançaise,cettedoc-
trineantic!crica!o,pousséejusqu'àses dernièreslimites
logiques,il nous est facilede le constater; tous les
étrangersen sont frappés.Pourquoi,par exemple,alors
que, dans tous les États civilisés, vous entendezles
194 LES DOCTRINES DE HAINE.
ehetsdes gouvernementsrecourir, lors des solennités
nationale3,au nomde Dieu,en abuserparfois,je leveux
bien, comme d'un cliché vénérabte, pourquoi, chez
nous, en France,depuisunevingtained'années,cenom
do Dieu n'a-t-iljamais été prononce,dans aucun dis-
coursofneiet?C'estque nosgouvernantsétaientsousla
terreur de l'anticléricalisme.Dieu, sous la troisième
Hcpubtique,a été frappéd'ostracisme.
Pour moi,au risquede passer,a vos yeux,pourclé-
rical,j'avouequeje nosuispas,commeAugusteComte,de ceuxqui prétendentque le rôle do Dieudans nos
sociétésesttermind;je ne croispas que ce grandnom,
qui résumeet symboliseles plus hautes aspirationsde
t'amo humaine,doiveêtre il jamais bifféde la languefrançaise.
J'ai essayédo montrer co qu'était l'anticléricalisme
contemporain.Voyons,maintenant,ce qu'est t'antiete-rical.
L'antictOicat,gcnératcmcnt,se pique.t'êtreun espritlibre, a un libre penseuru. Mais tibrj penseur cst.i!
toujourssynonymed'esprittibre? la libre pensée,cheznos anticléricaux,(lemeure-t-elletoujoursexemplede
passion sectaireou de fanatisme? Appellerons-nous
esprits libres ceux qui ont une telle impatiencedes
croyancead'autruiqu'ilsne peuvententendrele nomde
Dieu,ou supporterta vue du froc d'un moineP M.to
maire du Kremtin'Hieetrc,par exemple, qui proscrit
t.'AtTtCLÉtUCAUSME. ~S
danssacommunele port de la soutane,irons-nousdire
quec'estun esprit libre,ou un esprit libéral,qui fait
honneurà la liberté de penser? Je ne sais si, dans la
banlieuedo Paris,on a, pour les arrêtés de ce maire
prctrophobe,la mêmeadmirationque les feuillesanti-
cléricales maisj'avoueque, pourma part, il m'est dif-
ficiledo voir,dans l'interdictiondu costumeecclésias-
tique,une manifestationqui soit à la gloirede la libre
pensée,ou qui montre,chezceuxqui osenty applaudir,
le respect do la liberté d'autrui. Do même, les
citoyenset lescitoyennesqui se réunissent,!ovendredi
saint,pour célébrer les agapesdo la LibrePenséeen
mangeant, sotennette'nent,en public, du saucisson,
dirons-nousqu'ilsrehaussentlenomde librespenseurs?
Ellesont beaunousparaîtreenfantineset grotesques,
de semblablesmanifestationsont l'avantage de nous
rfvctcrceque devient,en certainessphères,cet orgueil-
leuxanticléricalisme,tout fier do s'être pmanc!p6do
l'esprit de superstition.Qu'est, le plus souvent,l'auti-
ctcricatmilitant C'est,a bien des égards,un ctericat
retourne.Lespassions,les ambitions,l'esprit do secto,
le fanatisme,dont i! accuse toclérical,l'anticléricalen
est lui-mèmopossède.11veut, lui aussi, donner au
Gouvernementune directiondoctrinale,une direction
religieuseou antireligieuse.II n'admetpas que t'EtatM
désintéressedosquestionsdodoctrine; il veutemployer
la forcede t'~tat, directementou indirectement,au
profitde ton scepticisme,desonathéisme,de sonmate*
196 LES DOCTRINBS DB HAINB.
rialisme.Ucherche,à son tour, ouvertementou sour-
noisement,à se servirde l'autorité et dola loi, contre
lesadversairesde sesprincipes.
Bienplus, tout commeleclérical,auque!il se plaîta
reprocherde ne voir partoutque les intérêtsde J'Égliseet de les mettre au-dessusdes intérêts de la France,
l'anticléricalest, lui aussi,dominépar l'espritde secteles intérêtsdu paysle préoccupentbeaucoupmoinsqueles droitsde cequ'il appellela librepensée.Montroz-tui,
par exemple,que,dans uno notable partiedu monde,lesintérêtsdo la Franceet ceuxde l'Églisecatholiquese trouventliés;prouvez-luiquecelaseulnouscontrain-
drait a maintenirune ambassadeauprès du Vatican
rappelez-luique lesprincipauxdéfenseursou propaga-teurado t'innuenceet de la languefrançaisesen Chine,en Orient,dans le mondeentier,sontnosmissionnaires;rien de tout celano le touche il vouaripostera,ce
qui m'étaitrépondu,Amoi-même,cesjours-ci, par un
député scciatiste o Quenous importe,à nous, libres
penseurs, t'innucncode la Francoau dehors, si taFranceestautrechoseque la fillede la Révolutionet la
mèrede la librepenséet ?Vousle voyez,n'ai-jopas tedroitd'affirmerque, trop
souvent,l'anticléricaln'estautrechosequ'un cléricala
reboura?i
!t y a une autre variété d'anticlérical;c'est ce que
j'appellerai l'anticléricalpar politique.Celui-là n'est
pas fanatique,11n'est point sectaire a'it semblet'être,
L'ANTtCLËRiCAHSM! 197
c'estqu'il croitavoir intérêtà le paraître car, l'anticlé-
ricalisme,tout commefe cléricalisme,a, lui aussi, se
hypocrites.S'il est des milieux,s'il est des salonsoù
il est de bon ton de se montrer clérical,ou, comme
on dit, bien pensanta, il y a des situations, il y a
desassembléesdans lesquellesil est bienport6 d'être
ou de paraître antictëhcat. Etalors nous rencontrons
ce type, bien connude chacun de vous, du tégistateur,
souvent sort*lui-même des écolescongréganistes,qui
s'empressedo !t!gifurpr,bruyamment,contre cesécoles
delasuperstition,alorsmômeque, sansosers'envanter,
ilasoindoleurconfier,discrètement,sesfilsousesfilles.
Une autre variété d'anticlérical,que je crois encore
devoir vous signaler, c'est ce que j'appellerai t'anti-
cléricalnaïf, l'anticléricalben~t,celui qui voit partoutla robe noire du jésuite, ledemisavantou lequartdo
savant,fier do s'être émancipédu joug de Rome,qui
s'cnorgueitiitd'être un esprit libre et affecteune pitié
dédaigneusepour les hommesdont la simplicitécroit
encorequ'il n'est pas impossibleque le mondeait été
faconnnopar une intelligencesuprême.Cettesorted'es-
prits fortsfoisonne,dans noscampagnes,commedans
nosvilles.
Je peux vous raconter, &cet égard, un trait, tout
récent,qui peintbiencettecatégoried'anticléricaux.Un
do mes amis do l'Yonne, l'Yonneest, justement,!o
départementde Francooù l'anticléricalismeest le plus
répandu, recevait,pendant la dernièreExposition
i98 LES DOCTRINES DE HAINE.
universelle,uninstituteurdesaconnaissanceetlui faisaitles honneurs de Paris. U le mena,naturellement,voir
Notre-Dame,et,aprèsluiavoirfait admirerla hauteuretles proportionsdo l'édifice,les sculpturesde la façadeet du tripleportail,il l'invitaà pénétrerdans i'ëgtise.–
« Oht pourcela,non, réponditl'instituteurdo l'Yonne,
je n'entrepasdanscesmonumentsde la superstition1 D
Voita,dans son outrecuidanteingénuité,le derniertermedot'antictericaUsmopopulaire il étouffe,chezle
pcuNo, l'intelligencedu passdet le sens du géniedonos aucétrca; il aboutit &un lourd et aveugle fana-
tisme,qui, a certainesheurespeut mettreon péril les
plusnobleschefs-d'oeuvrodonotreArtnational.L'anti-clérical de bas étage recèlesouventun barbaroicono-
claste,donttezetosauvageBoplairaitvolontiers,tal'imi-tation des jacobinsdo la Hcvotution,à détruire ou amutiler les plus glorieuxmonumentsde la terrefran-
caise
tt
L'anticléricalismecontemporain,ainsiqueje vousle
disais dans ma première conférence,est comme le
(') LoChrht&t'tcuWo,DLaYtergoà!a\o)rto,D
t~p'~e,en chantantla Carm~noto,rant)e!at soetaUstc,refratnIgnoble,peurassurantpourlesnmisdesarta.
L'ANTiCLÉRtCAUSMB. i99
pendantou la contre-partiede l'antisémitisme.Lestrois
a anti » fontvaloir,lesuns contrelesautres, les marnes
griefs, si bien que, souvent, leurs accusationsréci-
proquesne diffèrentguère que par les noms.Celaest
tellementvrai que, pourlesétudier,on peut leur appli-
quer, à touslestrois, les mêmesprocèdesd'analyse,la
mume classification.L'anticléricalisme,tout comme
l'antisémitismeet tout commet'antiprotestantisme,fait
valoir, tour ft tour, contre ses adversaires,un grief
religieux,un grief nntiona),un grief économique,un
griefpolitique;car l'anticléricalismoseprésenteà nous,
lui aussi, sous trois ou quatre aspectsprincipaux,et
sous les mêmesaspectsque l'antisémitismeet l'nnti-
protestantisme.
C'est, d'abord, coquej'appelle l'aspectreligieuxou
phitosophiquo.L'anticléricals'attaque au dogme, au
culte,a lamoralocatholiques,souventà l'idéedo Dieu
et à la morale religieuseelle-même, comme & des
doctrinespernicieusesou dea pratiques corruptrices,
que t'Htata !odroit et !odevoirdocombattre.
C'est, ensuite, co que je nomme l'aspect national.
L'anticléricals'enprendà t'Kgtisc,a !a papauté,auclergé,auxcongrégations,commeAdes institutionaétrangères,A des corporationsInternationalesqui offusquentson
sentimentdo patriotisme,qui menacentd'asservir la
!'ranco,de déformerl'espritfrançaiset de ruiner runito
moraledu paya.En troisièmelieu, nous rencontronst'aspcctccono-
200 LES DOCTRINES DE HAINE.
mique, l'aspectsocial.L'anticléricaldénoncele clergé,
les congrégations, comme étant un danger pour la
société,pourla famille,pourla fortunepublique.Il les
accused'être trop richeset d'employerleurs richesses
mal acquisesà subornerlapresseet à corromprel'esprit
public. Ici vient la fameusequestionde la mainmorte
ecclésiastique,le légendairemUtiarddes congrégations,
qui a pris une si grandeplace dans les discussionsdu
jour.
Un quatrième aspectde la question,c'est ce que
j'appelle l'aspectpolitique.L'anticléricalnous montre
l'Églisecommeformantun État dans t'Ëtat, un État
romaindans l'État français l'anticléricalnous repré-
senteFËgtise,ladoctrinecatholique,parfoisla religion
elle-même,comme l'adversaire irréconciliablede la
liberté,dola République,de la démocratie,etl'éternelle
ennemiea de la sociétémoderneet du progrès.
Nous allons examiner, brièvement,chacunde ces
quatre aspectsprincipauxdo la question.Ai-jebesoin
de vous dire que j'y apporteraila même impartialité,
le mêmesoucide la véritéet de la paixreligieuse, et
aussi le mêmedédaindes préjugés, la mêmehorreur
de tout fanatismeet de tout esprit de secte,que dans
l'étudede l'antiprotestantismeet dol'antisémitisme?2
Entrelesgriefsde l'anticléricalisme,prenons,d'abord,
!egrief religieuxou philosophique.Avant do juger la
thèse de t'anticlérica!,je n'hésite pas à reconnattrela
L'ANTICLÉRICALISME. 301
sincéritédeshommesqui tiennentlelangagequeje vais
vousrappeler.Je ne doutepasque la plupart des anti-
cléricauxne soientconvaincus;mais, pas plus chez
l'anticléricalque chez ~ntisémite, la convictionne
suffità justifierune docttine.
L'anticléricalnous répète le catholicismeest syno-
nymed'obscurantisme;la religionromaineest uneécole
de superstition elle déforme t'Amede l'enfant, elle
opprime!'àme du peuple.La missionde i'Ëtat est de
protéger l'enfant, de protégerle peuple, contre cette
perversionintéresséedesagentsdu cléricalisme.
Qu'est-ceà dire, si ce n'est que l'anticléricalnous
apparaît,d~jA,comme un cléricalà rebours? Dequoien effet leurs adversairesaccusent-ils,chaque matin,
les cléricaux,si ce n'est de vouloirs'emparerde l'ins-
tructiondu peupleet do tout renseignement,afin de
coulerl'âmedes générationsnouvellesdans un moule
de leur choix? Maisl'anticléricalmilitantveut fairedo
mémo; il prétend, lui aussi, jeter les générationsnou-
vellesd'msun moule touteladifférenceestqu'ilcompte
leurdonneruneautre empreinte la prétentionn'en est
pas,pourcela,plus libérale.
L'anticléricalismeétantainsiunesortedecléricalisme
retourné,au proûtdu rationalisme,t'autictéricatprétend
mettre,à son tour, la forceet le budget de l'Etat au
serviced'une doctrine, enrôler les agents et !cs fonc-
tionnairesde l'Htat pour la guerre A t'Hgtisoou à la
Religion.L'anticléricaldogmatiseet excommunie,au
202 LES DOCTRtNES DE BAINB.
nom de la Raisoninfaillible,tout commele clérical.au
nomde l'Égliseinfaillible il pose,lui aussi,en prin-
cipe, comme l'ultramontain, que l'erreur n'a paa do
droits, que la vérité seule a desdroits, que i'Ëtatdoit
proscrirel'une et protéger l'autre. U tond, ainsi, à
rendre l'État juge des doctrines,juge da la vérité et do
l'erreur par suite,il incline,non moinsque le clérical,à restreindrela libertéreligieuse,la libertéd'enseigne-
ment, !a libertô du père de familleet, avecelles, !a
libertéde conscience.
Quelest, en pareillematière,le derniermotde!'aou-
cléricalisme? S'it est logique, et beaucoupparmi les
anticléricauxle sont, le dernier mot de l'antiolérica-
Usme,c'est de demander la suppressiondo rËgtise
catholique,pour ne pas dire la suppressionde toute
religioneo France; c'est de fermer les églises,c'estde
renverserlesautelsde nos cathédrales.Pour quelques-
uns, ce serado substituer,au cultedu Christ, le culte
do l'Être Suprême mais, aujourd'hui,l'Être Suprêmede Robespierreest biendémoda celamémovous a
une saveurde cléricalisme. Pour nombred'anticlé-
ricaux,Dieuestune façondomonarque,dontil est temps
que le règneprenne fin, et dont la Républiquedoit
prononcero(î!cie!!ementla déchéance.Pour beaucoupd'entre eux, le mieuxaéraitd'imiter!a Rcvoiutioo,et
derestaurer,à !np!ucodu cultede Dieu,deunitivement
détrône,le cultedo la déesseRaison.Voilàquel serait
le dernier terme de t'anUc!éricausmc;et c'est bien à
L'ANT!CLÉR!CAHSME. 203
cela,vousle savez,quepoussent,de toutesleursforces,lespluszetéesdessociétésanticléricales.Ellesne ledissi-
mulentpas ellestravaillent,ouvertement,à la déchris.
tianisationde la France,et, pour cettegrande œuvre,ellesne se font pas toujours scrupule,au méprisde la
liberté religieuse,de réclamerle concours,direct ou
indirect,de l'Étatet de la force publique.Quandj'arrivais, toutà l'heure,dansceltemaison,on
m'amontréun entrefiletd'une feuiUeanticléricalequi,
parlantdu sujetquej'aUaistraiter, aujourd'hui,devant
vous,me mettaitau deûde découvrir,chez les anticlé-
ricaux,la même intoléranceet les mêmes crimes quechez les antisémitesou les antiprotestants. It y a,disaitcettefeuille,un reprocheque M. Leroy-Beaulieune saurait adresserà l'anticléricalisme si t'antieemi.
tismoet l'antiprotestantismeont eu leurs echafaudset
leurs bûchers, leursSaint-Barthélémyet leurs dragon-
nades, quand l'anticléricalismea-t-il fait des martyrs,
quanda-t-iljamaisrecouruau bourreau?q
J'en suis fâche, on vérité, pour ce journal et pour
ianuctëricausme;il n'est pas besoinde remonterbien
hautdans l'histoirepourdécouvrirquenos anticléricaux
ont,euxaussi,dansl'héritagedeleursancêtres,du sanget des échafauds.Ont-ilsdonc oublié la Révolution?q
Ont-itsdoncoubliéla Terreur? Qu'est~oqu'a fait t793
des protrea non assermentés,dont tout !o crimettait
d'être restés fidèlesà t'~gtiso? Ces prùtrcsattachasA
leurfoiet à leursvœux,!aRévolutionne le8a-t'oHopas
204 LES DOCTRINESDE BAtNE.
mis hors la loi ? N'ont-ils pas été, durant des années,
poursuivis, proscrits, guillotinés, parfois, comme à
Nantes,noyés, avec des raffinementsde barbarie? Et,
pour rappeler un exemplemoinséloignéde nous, et
dont plusieursd'entre vousont pu être témoins,est-ce
que, ici même, à Paris, en <87i, l'anticléricalismen'a
paseuunegrandepartdansleshorreursdolaCommune?
Est-cequece n'est pas lui qui dirigeaitles fureursd'un
peupleégarécontrela soutanedes prêtreset le frocdes
moines?Est-cequ'iloseraitsedireinnocentdu missacro
des dominicainsd'Arcueil,ou des fusilladesde la rue
Haxoet du mur de la Roquette?Sicen'était un mode
do polémiquequi me répugne,s'il n'était malséantde
nous jeter, les uns auxautres,à la tête, les crimesdo
nos pères,nous trouverionsquelesforfaitsde l'anticlé-
ricatismone sont, malheureusement,ni lesderniersen
date, ni les moins aOreux,ni peut-êtreceux dont !o
retourestle moinsà craindre.
Au grief religieux,philosophique,sejoint le griefmoral.Vousvous rappelezcommentl'antisémite,touten prétendantqu'il n'en veut pas à la religionjuive,
attaque,d'habitude,la moralejuive, ce qu'il appellelamoraletalmudique;il va déterrer,dansde vieuxlivres,dont le texteoriginallui reste fermé,desmaximesplusou moins authentiques, qu'il rapporte comme des
découvertesprécieuses,leur attribuant une importance
capitale.L'anticléricalprocède,avec la moralecatho-
Ï/ANTÏCLÉR!CAL!8ME. 80S
ta
lique, exactementde même que l'antisémite,avec la
moralejuive. Tous deux pratiquent, également,des
fouillesdanstes livresdescasuistes car, vousn'ignorez
pasque les traités du Talmudne sontle plus souvent
qu'un recueilde casuistes.La casuistiqueest, pour les
adversairesd'une religion, une mine incomparable;
l'anticlérical,commel'antisémite,y puiseà pleinesmains.
Il appelleà son aide son latin de collège,il se plongedans les traitésde théologie,heureux,lorsqu'il ne cite
pas des livres apocryphes,tels que les 3/oH~oSecreta
desJésuites, ouquand il ne commetpasdegroscontre-
sens, commelorsqu'il imputeauxJésuitesl'obligationd'obéir à leurs supérieurs,jusqu'au péché, inclusive-
ment. Des livres de casuistique,l'anticléricalextrait,avecsoin, les passagesqui lui paraissentles plus cho-
quants, et cespassages,plus ou moins tronques,plusou moins authentiques, il vient, triomphalement,les
commenterdevantnous. Voussavezquelles ressources
ont offertes,Acet égard, la moraled~ Jésuites et les
livresdo certainsdo leurscasuistes.J'avoueque, pourma part, je goûtepeu la casuistique;je nocrois point
qu'elleait, dansla moralereligieuse,la prépondérancequelui attribuentt'antisémitoon t'antictérica).Je n'ai
pasle loisir, en tout cas, d'étudier,avecvous,la valeurde la moraledescasuistes jelaissece soina M.Trouillot
et au Palais-Bourbon;nous ne serionspeut-êtrepas,ici, assezthéologienspour nous permettreun pareilexamen. Puis, quand on prétendjuger la moraledes
206 LES DOCTRINES DE HAINB.
Jésuites,je confessequ'il mosembleexcessifd'oublier
Bourdaloueet Ravignanpour Escobar.
Il y a bienun livre qui a plusd'autorité que tousles
discoursdu rapporteurde la loi sur lesassociations,un
livrefameux,/MProvinciales.Mais/MPro~MCta/cs,est-eo
un livre quel'on puisse toujoursprendre à la lettre?
Les /'t'outnc<a~!sont, sinon un pamphlet, à tout le
moinsun livredo polémique,et qui dit polémiquedit
guerre.Pascal,quandil rédigeaitces a petiteslettres»,
sepiquait-ild'impartialité?A-t-iitoujoursmontré,dans
sesattaques et dans ses citations, les scrupulesd'un
critique désintéressé? Assurémentnon, et t'historien
de Port-Royat,Sainte-Beuve,en a fait la remarque
s'il n'a pas falsifiéles textes. Paseat les a souvent
ccourtes, tronqués il les a enlevésdo !ourcontexte,
it !esa tirés a lui. Nousn'avonspasle droit, par consé-
quent, do juger Escobaret la morale des Jésuites,
uniquement, d'après les Provinciales, c'est-à-dire,
d'après les réquisitoiresdo leurs adverf-airos.Presquo
autant vaudrait juger le Tatmudet la morale juive
d'après la Libreforofe. II est toujoursbon, en pareil
cas, de remonter aux sources; et qu'il s'agisse des
Jésuites, du Talmudou du Coran, il est témérairedo
condamnerune doctrine, sur des lambeauxde textes
iso!é9.
Mais, je vais p)us loin j'admets que certainesdes
doctrinesprêtéesauxJésuites, que toprobabinsmo,
par exemple, pour l'appelerpar son nom, appar-
L'ANTtCLÉKtCAUSME. 2(~
tiennent, vraiment,'aux Jésuites; bien plus,j'admets,
parceque cela sembleun fait, que ces doctrinesdites
relâchéessont enseignéesdans la plupart des écoles
catholiques quo!)nest la conséquence? C'est qu'ens'enprenant à ce qu'on appellela moratodes Jésuites,on a'en prendà la morale do l'Églisecatholiqueelle-
memo.Par suite, ici encore,t'antictcricatne secontente
pasde s'attaqueraux excèsdu cléricalisme,il s'attaqueà la religion,au catholicismeiui-mcme,dansce qu'une
religiona de plusintime,sa morale.
Que l'anticléricalmette le publicen garde contrela
moraledesJésuites,contrela morale mêmede !gtise,c'estsondroit; mais,quandil dénoncecettemorale,du
hautdola tribune, appelant, sur elle et sur ses repré-sentantsattitrés, les sôvëritesdu pouvoir,commes'il
voulait former, d'autorité, !ca eco!es cathotiqueset
bâillonnerleurs maîtres, que fait-il do la liberté de
conscience?q
On adresse, souvent, a la morale c~tttonque,A ta
morale religieuse, eu générât, des reprochesqui me
touchent davantage on no la traite pas toujoursdo
moralerotachee on l'accusemémoparfoisd'être trop
exigeante,trop rude aux senset au corps, trop rigou-reuse aux faiblessesdo la chair, trop austère,en un
mot.On reprochea la moralocatholiqueet a la moralo
chrétienne,chosogravea une cpoquocommela nôtre,d'êtreen oppositionavec la natureet aveclesinstincts
208 LBS DOCTRINES DE HAINE.
naturels, d'être une morale mystique, ou encore une
morale ascétique, quelques-uns disent une morale
monastique.Nousvoilàbien loin de la moraleretâchée
de toutà l'heure.Accusationplusgraveencoreet d'au-
tant plus redoutablequ'elle est plus spécieuse,on va
répétant,autour de nous, que la moralereligieuseest
une morale égoïste,une moraleantisociale,qui donne
pour but, à la viede l'homme,sonsalut personnel.
En effet, le catholicisme,les Égliseschrétiennesen
général,pourne pasdiretouteslesreligions,avecl'Islam
et le bouddhisme,donnent commebut, à l'activitéet à
la piétédu croyant,sonsalut personnel.!t sepeutque,
par ta-mome,cette moralo religieusese trouve, à vos
yeux,entachéed'uoo sorte d'égoïsme mais, faut-il le
rappeler?l'esprithumainn'est pas d'une logiquetelle
que, dansseaactes,le chrétienen soit toujoursa consi*
dérer la récompensequ'il espère obtenir. Cettemorale
religieusequi s'inspiredo la charité, non moinsque do
l'espérance,sommes-nous,vraiment, en droit do la
dôctarerinférieure?Sommes-nouscertainsqu'ellosoit
moinsemeaceque la morale sans sanctionde tels do
nosphilosophes?'1
S'il y a des chrétiens,et peut-être encore plus des
chrétiennes,qui ont, avecle ciel,une sorte docompte-
courant,façonde dévotionque, pourma part, je goûte
peu, ceadévotsou cesdévotesvaudraient-ilsdavantage,
s'ilsn'étaientsoutenuspar leursespérancesreligieuses?
!t estais6de nousengager&fairelebienpourle bien,
L'ANTiCLÉRtCAUSME. 209
et, n'est-cepasceque fontla plupartdesâmeschré-
tiennes,par amour de Dieu?mais, n'en déplaiseà la
conscienceraffinée de l'anticlérical,nombreusessont
encore, sur la terre, les âmes qui ont besoind'être
encouragéesà la vertupar taperspectivederécompensesfutures.Si nous voulons,selonla paroleévangélique,
jugerdol'arbre par sesfruits,pouvons.nousdire quela
moralechrétienne,que la morale religieuseest immo-
rale?Pouvons-noussoutenirque les âmespieusessont,
moralement,inférieuresaux autres?Hse trouve, sans
doute,parmivous,plusd'unepersonnequi, ayant reçuune éducationreligieuse,et ayanteu pleinefoi danssa
religion, a été prise, plus tard, do l'esprit de doute.Je fais appel a leur conscience,et je leur demande,
si, le jour où le scepticismeest entre dans leur âme, le
jour où ellesont cessed'espéreren la vie éternelle,leur
moralitéintérieure en est devenueplus forte ou plusdcticato.
Je poseraila mêmequestion,sousune autre forme
sommes-nouscertainsque,dans les écolesou dans les
familles,où l'on a renoncéa transmettreà l'enfant la
notiond'un Dieu invisible,partout présent, qui sait
toutet qui voit tout, on ait élcvéle niveaudo la mo-
ralité de l'enfant En d'autres termes, l'éducation
religieusecorrompt-ettola jeunesse? et si, parmi les
jeunes gens, la criminalité a terriblementgrandi, la
fauteen est-ellea renseignementdu catéchisme?
Nousavonsune autremanièredo vérifiersi la morato.1
2i0 LES DOCTRINES Dr HAINE.
religieuseest, vraiment,une morale inférieureou une
moralesansefficacité,c'estde la jugerà ses œuvres de
charitéou à sesœuvressociales.
Or, s'il y a, et je suisle premierà leur rendre hom-
mage,de grandesœuvresindépendantesdo tout espritconfessionnelet de toute aspirationvers l'au-delà, il
fautbienreconnaltrequela majeurepartie des œuvres
dontpeuvents'honorernotre payset notre siècle sont
descréationsde l'espritreligieux.Quevous preniez les
catholiques,que vous preniez les protestants ou les
juifs; que vousexaminiezla Franceou l'étranger,vous
trouverezque, partout,les plus bellesœuvres,les plusadmirablescommeles plus nombreuses,procèdentde
l'esprit religieux,do l'esprit de charité, non pas,commevoudraitnous !o persuader t'anttctcrica),dola
terreur do l'enfer, mais do l'amour do Dieu,qui est
le grand inspirateur de la rt'tigion et de la morale
religieuse.
J'ai eu, durant la dernièreExpositionUniverselle,
l'occasiondofairemoi-même,à eo sujet,d'instructives
n'ucxtona.J'étaismembreduJurydot'Hconotniosociale,
présidentdo la c!assa108 de t'Exposition.dont le titre
officielétait celui-ci a institutionspour !oduvetop-
pcmeatIntellectuelet n.~ratdesouvriers.a Or, quonf'sSociétéssurtoutont exposadanscettociassei08,que!tc9œuvresont ét6 le plus récompensées?et Dieu~aitquele Jury nommépar M.Mitterandn'était gucro ontachd
do cléricalisme.Les œuvres les plus nombreuses,les
!/ANTtCLMR!CAL)8ME. 211
oeuvresqui ont obtenu les premièrea récompenses,
grandsprixou médaillesd'or, étaient,pour une bonne
part,desoeuvrerreligieuses,et surtoutdesoeuvrescatho-
liques, par ce seul fait que les catholiquessont plus
nombreuxen Franceque les dissidents'. C'est ainsi
que leplusgrandnombredesprix attribuésaux aInsti-
tutionspour le développementintellectuelet moral du
peuplec ont été décernés,bon gr6 mal gré, par un
Jury laïquo, à desoeuvreschrétiennes,Aces Sociétés,
ces Congrégationsaccusas do fomenter l'obscu-
rantismodans le peuple.Et ces associationsinspiréesdo la charité ovangcHqne,c'est à ellesque l'esprit de
sectoet d'intoléranceprétend refuser la liberté et !o
droitmêmedovivre, commet\ des institutionsimmo-
rales et antisociales.
Et, ici, jo ferai appel aux souvenirsde ceuxd'entre
vousqui ont visité,au premierétage do la Galeriedes
Machines,l'expositiondohLicnfnisanee.Ceux- aussi,
ont certainementété frappa dola fccunditoetdot'eton-
nantovari6t~desœuvresreligieuses,docetteadmirable
floraisond'oeuvresdetoutesorte,quin'ont oub!i6aucune
desmisèresoudes infirmitésde l'homme.Jo sais,quantAmoi, qu'en H)cpromenant,danscettesorlodo musfc
dola Charité,je medirais, involontairement Onparlesouvent do !a religiondo !a 8ou!!rancohumaine, h
1.Jo )'u'jtcunfttm))t<'t'cnvuyor,a rct ë~nrd,n))\)ap)'or<9dori~postttontJ))i\ct6c)tedo 1900,t.t f~f).)trn)pnt&cc!n)doM.F..O.Lnm),fnppnrtctH'<)olaf!f)«e<OS.
212 LES DOCTRINES DE HAINE.
véritable religionde la souffrancehumaine, c'est le
Christianisme.
CommeFrançais,je ne puis m'interdire,à cet égard,une dernièreréHexion.Cettecharitéchrétienneà laquelleles plus ittustreslibrespenseursse sont plu à rendre
hommage,elle ne s'est jamais épanouieavec plus de
vigueurqu'ennotreeiécteet ennotrepays,si bienqu'on
pourrait direqu'ellea confère,à notre Francovaincue,unedernièreprimauté,et non la moindre,la primautédo la charité.
Cetteg)oironationale,la pluspuredo toutes,faudra-
t it nous en laisserdépouillerpar les rancunesou parlespréjugésdol'autictéricatismn?
!H
CettercHexionm'amènea ce que j'appelle le griefnational il tient une grande place dans i'antic!érica-
lisme, commedans l'antisémitisme,et, dana l'un et
l'autre, il s'offreà nous,sousun doubleaspect.L'Ëgtise
catholique,nous assure raotidérica!, est une Interna-
nationale;– t'Ë~isoromaine,sonc!ergc,sescongréga-tions roptésententun esprit étranger – a ce double
titre, t'Égusoest une menacepour notre génie natio-cat et pournotrenationalité.
Pout-ondire,descatholiques,qu'ilssontdesctrangers
L'AKTÎC~ÉtUCAUSME. 2i3
en France? N00, assurément ils sont le gros de la
nation ils l'ont toujoursété. Ce qu'on n'oserait diradescatholiques,peut-on t'atBnnerdu catholicismeet le
traiter d'étranger en France? Remontonsle cours de
notre histoire; l'Églisecatholiqueest antérieureà la
formationde la France; t'Ëgtisepeutse vanterd'avoir,
pourune bonnepart, contribuéà former la Francoet
lanationalitéfrançaise.Commentdire du catholicisme,cheznous,ce que répétaientde lui, par exempte, les
organesdo M. do Bismarck, en Allemagne,lors du
Kutturkampf,commentprétendraquo la missionhisto.
riquode la Francoest do lutter contreRomeet d'auran-
chir l'Europe, to monde, do la dominationromaine?7
Cetargument,nosanticléricauxdoiventle laissera ceux
d'Allemagne.Nous no sommes pas, en France, des
Germains,héritiers d'Arminius; nous aimonsà nous
considérer comme des Latins, fils atncs do Rome.
La clérical,l'autisdmito, l'antlprotestant tirent même
parti do ces originesou do ces atïtnit~slatinespourtraiterd'infidèlcsau g<huofrançais,ou do traltres a
lamissiondo la Franco,les Françaisen révoltecontre
Homo. Jo gouto peu. quant à tuoi, voua le savez,ces spéculationssur lesraceset sur lavocationettmiquodes peuples'.Je crains d'y rcncontMrune doctrine
d'asservissementmais, commentnier la part de l'cs-
prit latin, sinon du sang latin, dans la formationdo
notrepeupleet donotrenationalité? Je nodiraipasquenoussommesde racelatine,et que, souspeinedonous
3i4 LES DOCTRINES DE HAINE.
reniernous-mêmes,nousdevons rester desLatins;
il n'y a pasderace latine; mais il y a des peuplesde
civilisationlatine et de ces peuples, nousen sommes
par l'éducation,commepar la langue. Que si l'espritlatin nousinspirecertainesdéfiances, et, à plusd'un
égard,je seraisde ceux qui ne voudraientaccepter la
successionde Homeque sous bénéficed'inventaire,
l'espritlatinest-ilreprësenté,cheznous,uniquemont,par
!'Ëg)iseromaine?Koslégistes,par exemple,ceslégistes
qui, sous l'ancien régime, comme à l'époquede la
Révolutionet de l'Empire,ont tenuune si grandeplacedans notre histoire, n'ont-ils jamais été imbus de
l'esprit latin et de l'absolutismedes doctrinescésa-
riennes? LeJacobinismequi semble le mauvaisgéniede la Francemoderne,le Jacobinisme,avecsesthéories
de salutpublic, avec son dogmedo l'omnipotencedo
l'Ëtat,ne s'inspire-t-ilpas, lui aussi, desexempleset
des traditionsdel'antiquitélatine?
Oui, je serais, je l'avoue, d'accord avec t'anti-
cléricaUsme,quand il nous invite à nous tenir en
garde contre l'esprit latin et contre les traditions
romaines;maisoù je diffèreavec lui, c'est que, dans
mesdéfiancescontrel'espritlatin, je ne crois pas qu'ilfailleseulementnousmettre en garde contre Rome et
contre le Vatican. Il y a, pour nous, un périlplus
menaçant,aujourd'hui c'estceluide l'omnipotencedo
l'État,de l'absorptiondel'individupar l'État c'est, en
un mot, ce qu'onappellee i'étatismea et ce péri),
L'AXTÏCLÉtUCALÏSME. 2tS
unedeschosesqueje reproche&.nosanticléricaux,c'est
quela plupartd'entre euxle méconnaissent,à tel point
que beaucoupne pardonnent pas. à l'Égliseet à la
consciencechrétienne,de faireobstacleà la toute-puis-
sancede t'Ëtat.
Antisémitisme,antiprotestantisme,anticléricalisme,
lestrois a anti e se font pareillementgloired'être les
d~fenseuMdu génie français et les championsde la
traditionfrançaise.L'anticléricalismea, lui aussi,cette
prétention il sedonne, lui aussi, commele représen-
tant de la traditionnationale.Si l'Égliseromaine,dit-il,
a pu contribuer,par sesévoqueset parsonctergé,à foi-
merla nation française,il n'en est pas moinsvrai que
la Franceet l'ÉglisedoFrancoelle-mêmeont toujours
su résisterà la dominationdo Rome.C'estlà, en effet,
une thèse qui peut se soutenir, historiquement.Nos
anticléricauxen viennent,ainsi, à se donnercommeles
continuateursde latraditiongallicane,enfacedesdéfen-
seurs de l'ultramontanisme.A les entendrb,ils défen-
dent, à leur tour et à leurmanière,cequ'on appelait,
autrefois,les libertésgallicanes.M.Trouillotse trouve
être l'héritier de Bossuet.
Je ne sais si, torsqu'itse donne commeta conti-
nuateurdu gallicanisme,l'anticléricalismeconnattbien
le gallicanisme.Certes, le gallicanismeluttait contre
Rome, sans aller cependant jusqu'à rompre avec
Rome maisétait-il, pource!a,anticlérical?
8i6 LES DOCTRINES DE BAINE.
Legallicanisme,loind'être toujoursanticlérical,était
une formede cléricalisme,au senspropre,au senspoli-
tique du mot. Le gallicanismesupposaitune religion
d'État, en possessionde tousles privilègesd'une Église
d'État.Legallicanismen'a pu se constituer et n'a pu
durer qu'autant qu'il lui a été permisdo s'appuyersur
le pouvoirséculier.
La thèsegallicane,celledeBossuet,celledesderniers
gallicansqui, vousle savez,sont mortsavecla Restau-
ration, c'était l'union intime du trône et de l'autel,
accotésl'un à l'autre, pour résisteraux hérétiquesdu
dedans,en mêmetemps qu'aux prétentionsde Rome.
Le gallicanismeétait adosséau trône de LouisXiV.
Celaest tellementvrai, que le gallicanismea ct6 une
desgrandesvictimesde la Révolution il a été tuépar
la Révolutionfrançaise et par celui qu'on a appeM
rexécuteurtestamentairedolaRévolution,parNapoléon.
Le jour où Je clergé françaisn'a plus pu s'appuyer,
commeil l'avait fait pendant des siècles, sur le bras
séculieret sur l'autoriMdu roi, le clergé s'est retourné
vers Rome; il est devenu ultramontain. C'estainsi,
commeon !'a signalé,biendes ibis,avant moi, qu'une
desconséquencesles moinsprévuesde la Révolutiona
été la victoirede l'ultramontanisme,dans le clergé de
Franceet dans l'Église.
L'ultramontanisme,au sens théologiquedu mot, a
triomphédanst'Egtise !adate de son triomphe,vous
la connaissez,c'estle Concilede 1810,où l'infaillibilité
L'ANT!CLÉR!CAL<SME. ~i?
13
pontificale,qui, jusque-là,c'était pas reconnuode tous
les catholiques,a été définie, c'est-à-dire a été pro-claméecommedogmede foi. U en résultecetteconsé-
quenceque, si l'anticléricalprétend ramener le clergé
français et FËgiisefrançaiseaux anciennes maximes
gallicanes,il s'attaqueau catholicisme,tel qu'il existe
aujourd'hui,puisqueledogmede t'infaittibititédu Pape
fait, aujourd'hui, partie du credocatholique.S'il est
permis de regretter la victoire do l'ultramontanisme
dans t'Egtise,il est donc impossible,à qui veut res-
pecterla libertéde conscience,de prétendreramenerle
clergéde Franceaux maximesgallicanes il est impos-sible endépitdesArticlesorganiques d'enimposer
renseignementdans les séminaires,puisquece serait
prétendrey faireenseignerle schismeet l'hérésie.Quantà ceuxqui se natteraientencorede fonder une HgHso
nationale,ils commettentun grossisr anachronisme.
Commentréussiraientils làoù la Révolutiona échoué,avecsa Constitutionciviledu clergé?UneÉglisenatio-
na!o,quelqueshommesde hautevaleuront tenté, sous
nosyeux,d'encréerune, en Allemagne,en Suisse,en
Francomême,avec les VieuxCatholiques;vous savez
quel a été leur pitoyable échec. Les politiquesen
doivent prendre leur parti aujourd'hui, plus que
jamais, il n'y a plus do catholicisme,il n'y a plus
d'Egiisecatholique,en dehorsde Romeet du Pape.On nous dit: non seulement l'ultramontanismea
triomphédansi'ËgUse,mais !oPape,investide t'infaiHi*
8i8 LES DOCTRINES DE HAtNË.
bUitedoctrinale,est un souverainétranger. Le fait est
que le Pape est, d'habitude, un étranger; cela même
est la conséquencede la doctrinecatholique uneÉglise
internationalene peut avoirpourchefun pontifenatio-
nal. Si vouane voulezpasdénierla libertéauxcatho-
liques, comment pourrez-vous les empêcher de se
conformerà la loi essentielledo leur Eglise? Oui, le
Papeest un étranger; un souverain? ceseraitbeau-
coupdire, aujourd'hui s'il jouitdesprorogativesde la
souveraineté,le Papen'est plus un souverain,au sens
habitueldu mot; il no représentepas, en tout cas, les
intérêtsd'une souverainetéétrangèrequi puissent être
en oppositionaveclesintérêtsfrançais.
Lorsque le Concitede i8'70 discutait l'infaillibilité
pontificale,les hommes d'Ë)at se préoccupaientdes
conséquencespolitiquesque pouvaitavoir cettedéfini.
tion de l'infaillibilité,dont ilsoubliaientsouventqu'otte
était timide au dogmeet à la morale. Us craignaient
que la papauté, nimbéeauxyeux des nde!eado cette
aureoleéblouissante,n'en prit prétextepours'immiscer
dans lesaffairesintérieuresdesditTurentsÉtats. H pou-
vait, en effet,y avoir là un péril et M.de Bismarck<t
M. Gladstone,pour ne citer que les plus illustres,
avalenteu soin de le signaleraux gouvernementset
aux peuples.
Or, qu'avons-nousvu, depuis i8':0? qu'avons-nous
vu, surtout,sous le pontificatdu Pape LéonXiU? La
papauté, sortant de sa sphcro doctrinale, s'est-elle
L'ANTICLÉRtCAUSME. 319
empressa d'intervenirdans les affairesintérieuresdes
diversesnations? NuUement.cosont,tout au rebours,
lesgouvernements,ce sont souventles hommesd'Ktat,
hérétiques ou catholiques, qui s'étaient montrés,
d'avance, les plus défiantsde l'ingérencepontificale,
à commencerpar cesgrands ministresdont j'évoquais
les noms toutà l'heure, les Bismarcket lesGladstone,
qui, pour les intérêtsde leur politique,ont sollicitéle
Pape d intervenirdans les affairesintérieuresde leur
pays, Bismarck,en faveurdo son Septennatmilitaire,
Gladstone,contre la Ligueagraired'Irlande.
Si, après l'étranger, l'on prend la France, peut-on
dire que la papauté s'est, en ces dernièresannées,
immiscée,indûment, dans nosaffairesintérieures?Le
PapeLéonXttt, il est vrai, s'estpermisde donnerdes
conseilsau clergéet aux catholiques maisquelsétaient
cesconseils,dans quel sens s'exerçaient-ils,au profit
de qui? C'étaient,vous le Mvpz,des conseilsdo mode-
ration, de prudence, de soumissionaux lois et à la
constitutiondu pays.Loiude chercherafaire intervenir
t't:g)i8edans la politique,lePapes'estefforcéde dégager
l'Églisede la politique,aQnd'affranchirle clergédo la
servitudedes partis.Kt là môme,où, sur les sollicitationsdesgouverne-
ments,ou de sapropreinitiative,leSaint-Siègea tente
de dnnnerunedirectionpolitiqueaux fidèles,lescatho-
liquesse sont-ilsinctincs,humblement,devantles avis
do Home? l'eut-ondire que, dans la politiqueet dans
220 LES DOCTRINES DE HAINE.
la sphèretemporelle,ils aient souventadmis le ~oMa
locula~? Non, loin de là, voussavezque la voixdu
Papen'a pastoujourstrouvétouslescatholiquesdociles,et cela n'est pas un fait particulierà la Franco. Des
queRomesembletoucherau domainetemporel,s'agit-ilde questionspolitico-religieuses,lescatholiquesde tout
pays, soit français,soitallemands,soit espagnols,soit
irlandais,soit italiens, semontrentjalouxdo leurindé-
pendance. Cesont des affairespolitiques,donc cesontnosaffaires,disent-ils nous les connaissons,nous
n'avons pas besoin, pour nous conduire,des instruc-tionsdu Pape. Cettesusceptibiliténationaledes catho-
liquess'ajouteau natureldésirde la papautédone pasfroisserles gouvernementset lespartis, pourécarterle
Saint-Siègedo toute intrusion dans la politiqueinte-rieuro des États. Aussi peut.on répondre& tanticte-ricatque cette immixtiond'un a souverainétrangerD
qui, à d'autres époques,a pu être un péril,ne peut,vraiment, être signaléecommeun danger de l'heure
présente.
Restele grand reprochedu nationalismeanticlérical
t'Ëgtisecatholiqueest une Internationale et celaseul doit lui valoir la défiancedes patrioteset l'hos-tilitéde t Etat.Lefait est incontestable,l'Égliseest une
tnternationatc; commeje voust'ai déjàrappelé,danscesconférences,toutes les grandes religionssont plus
L'ANTtCLÉtUCAUSME. 22t
ou moinsinternationales;c'est leurfonctionet c'est leur
hunneurde chevaucherpar-dessuslesétroitesfrontières
despeuples.Le christianisme,le catholicismeen parti-culier,comme!eproclamecenommêmede catholique,est une doctrinecosmopolite,internationale,il serait
peut-êtreplusjustede diresupranationale,qui s'adres-
sant à tous les hommes, sans distinctiondo races,se
placeau-dessusdesdiversesnationatites.
Si l'Églisecatholiqueest une institutionsupranatio-nale, celan'empêcheque, dans chaqueEtat, elle peutconstituerune hiérarchienationate.Ainsi en est-il, en
particulier,dola France.Onne peutdirequ'enFrance,
!'Hgtisedont !'Ktatchoisitles evCqucssoit uneinstitu-
tion cosmopolite,sur !aqueUet'Ëtatn'ait aucunepriseet
aucuneaction.Grâceau Concordat,grâceau modede
nominationdesévêqueset des cures, tandis que l'État
o~tindépendantdo!'Ën)ise,t'Ëgiiscest loind'être indé-
pendantede t'Ëtat. Celapourrit rassurerles anticléri-
caux et, s'ils étaientlogiques,ou si leurs frayeursdo
l'ingérenceromaine étaient sincères, ils seraient Jes
dernier8a réclamer la séparationdo t'Eghse et do
l'État.
Demémo encore,do ce quo le christianisme,de co
quele calholicisme,en particulier,estune sorted'Inter-
nationale,en peut-on conclurequ'il fait obstacleà la
constitutionou au maintiendes nationalitésmodernes?Ena-t-il~t6du christianismecommedot'istamismoqui,absorbantl'hommetout entier,tenda étoufferl'idéede
223 LES DOCTRINES DE HAtNE.
nationalitéet à substituer, partout, les liens religieux
auxUensnationaux? Peut-on soutenirqu'il en est do
mêmedu catholicisme?Prenonsles pays catholiques,
et la France,et l'Espagne,et l'Italie ou, parmiceuxqui
ont perdu leur indépendance,la Pologneet l'Irlande
peut-ondireque le catholicismey ait faitobstaclea la
formation,a la durée, à la vitalitéde la nationalité?Q
Non,assurément.Danscertainspays même,commela
Pologne,commel'Irlande,commel'Espagne,commela
Belgique,on est contraint de reconnattreque la foi
catholiquea été un desprincipauxfacteursdola natio-
nalité.
Aune certaineépoque, il est vrai, au moyen Age,
l'Églisecatholiqueavait réussi a rapprocher tous les
peuples,touslesÉtats,encoreenvoiedeformation,dans
cequ'onappelaitla Chrétienté,ou la Républiquechré-
tienne,sortede confraternitéinternationale,dont la foi
communeétait le grand tien, et qui, théoriquement,
avait deux chefs, presque aussi mal ubdis l'un que
l'autre un chef temporel, l'Empereur,un chef spiri-
tuel, le Pape, a les deux moitiésde Dieua, comme
disait VictorHugo. Cette républiquechrétienne, que
l'Égliseput à peineébaucher,c'étaitun noblo,un grandidéalque, commebeaucoupd'autres, nousavons« laï-
cisôa, et que noussommesencoreloin d'avoir réalisé
mais, sous sa forme cathotiquodo républiquechré-
tienne, commesous sa forme moderre de fédération
européenne,c'estun idéal qui n'a jamais exigéla des-
L'ANTICLÉRICALISME. 223
tructiondes diversesnations,et dont le patriotismen'a
pasle droit de s'alarmer
Aujourd'hui,commeaumoyenâge, l'Église,le catho.
licisme,le christianismesont au premierrangdesforces
qui travaillentà rapprocherles peuples,sans prétendre
supprimerles nationalitésou confondreles nations,
ni détruire l'individualitédes peuples modernes.En
est-ilde mêmede toutesles Internationalescontempo-
raines?Car, si i'Égiiaeest une Internationale,si, aco
titre, it est tout naturel que l'État ait i'ociiouvert sur
sonciergeet sur sescongrégations,ost-co,aujourd'hui,
la seuleInternationaleque t'Htatdoive surveiiter?N'y
ena-t-il pas d'autres, chez nous, en France, sur les-
quellesi'Etat a moinsd'actionque sur le clergécatho-
lique?Est-ceque,en dehorsdo l'Égliseet dosescongré-
gations,il n'y a pas des Sociétéstalquesqui ont, elles
aussi,desmembresou desaMHésaudfhora,et qui pré-
tendentexercerune action politiquesur le Parlement
ou sur leseiections? Est-coque, en facede t'ïntcrnatio.
nalenoire,dénoncéeparl'anticlérical,ne sedressepasce
qu'on a nommél'Internationalerouge? Est-coque, en
dehorsmômed'une Sociétédontje vousentendsmur-
murer le nom, en dehorsde la Franc-Maçonnerie,les
syndicatsouvriers,-ces syndicatsdont, pourma part,
j'ai salué la naissanceavec joie, bien que non sans
i. Voyez,àcotCgarJ,les~«~L'')Md'~t«'op<compterendudu
CongredeaSclenccsPolitiquesdot900.(Sociétéfmntatsod'tmpH-merloet do!tbratf)p,i90t).
324 LES DOCTRINES DE HAtKE.
inquiétude,n'ont pascherchéà seconfédérerentreeux,
n'ont pas nouédesliensavecles Sociétésétrangèresdu
mêmegenre, n'ont pas réuni des Congrèssocialistes
internationaux?N'existe-t-ilmémo pas, aujourd'hui,
de Comitésocialisteinternationalpermanent? Com-
ment l'anticlérical,qu'épouvantel'internationalismede
t'Ëgnseet descongrégations,ne trembte-t-itpas,é~atc-
ment, devant l'internationalismesocialiste? Serait-ce
qu'il le croit sans péril pour FËtat, pour la nation,
pour la société?Serait cequ'a ses yeux to protétariat
européenestsans forceet sansarme: quet'ËgHseetses
moinessontseulsarmes et seulsà redouter?Des lors,
que nous voyons,autourdo nous, les tendancesinter-
nationales,voireinternationalistes,encouragéesou tolé-
recs, parmi les groupes sociauxou politiquesles plusnombreuxet les plus remuants,pourquoiles condam-
ner, uniquement,dans t'g)isc? t) ya )&une injustice,ou un aveuglement,en tout cas. une contradiction
qu'on no peut expliquerque par les préjugesou parles antipathiesdot'antictéricatismo.
j) y a plus si i'Kgiisoest une Internationale,peut-ondirequecetinternationalismeecclésiastiquesoit toujoursen oppositionaveclesintérêtsfrançais?Kosetrouvc-t-H
pas, au contraire,sur le globe,de vastesrégionsoù la
propagandecatholique tourne au profit do !'inHucnco
française? ou ces congrégationsque l'on condamne,en France, comme étrangèresou comme internatio.
nales,cmploientleurs effortsau profit de la Francoet
L'ANTtCLË!UCALi8MB. 223
13.
de !a languefrançaise?Vous aveztousentenduparlerde cequ'onappelle!oprotectoratcatholique;c'est, en
Orientet en Extrême-Orient,un legsde notrepasséet
de notre ancienne puissance; c'est une des dernières
primautésqui nousrestentde notre longueet gtorieuschistoire.Ceprotectoratcatholique,justement fnvië de
nos rivaux,nos missionnaireset nos religieuxen sont
lesagentsnaturelset nécessaires la Francodoit-e))es'en
dépouillerelle-même,en en frappant, de sesmains, les
instrumentstraditionnels,parceque io froc des moines
ou Jacornettedes sœurs offusquentles sentimentsdes
anticléricaux?i
Allezà étranger, traversezla Méditerranée,débar-
quez en AsieMineure,en Syrie, en Égypte, poussez
jusque dans l'intérieur do l'Afriqueou do t'Asie,parde)à les déserts,jusqu'au fondde !a Chine,quels sont
les principaux représentantset propagateursde l'in-
fluencefrançaise?Co sont nos missionnaires,ce sont
nos re!ieu!<. Qui a répandu la langue françaisesur
tout !o bassinorientaldo la Méditerranée,qui !a sou-
tient, encoreaujourd'hui,dans la grande batailledes
languesdontretentit tout le Lovant?Cosont nos mis-
sionnaireset nos religieuxdo toute robe. Ils ne sont
pas, assurément,les seulschampionsde notrelanguodansle monde; je dois rendrehommage,ici, à certains
établissementsjuifs ou protestants,surtout aux écoles
de l'AllianceIsraélite universelle,qui enseignent,en
Orient, le français mais tesprincipaux,sanscon-
236 LES DOCTRtNEBDE HA!NE.
teste, les plusnombreuxet les plus zélés des hommes
qui luttent, pournotreinfluenceet pour notrelangue,
en Orient,en Extrême-Orient,en Asie,en Afrique,jus-
qu'auCanadaet en Amérique,dans lemondeentier, ce
sont, il me fautle répéter,desmissionnaireset desreli-
gieuxcatholiques.
Or, voulons-nous'maintenircette influencefrançaise?
voulons-nousconserverce protectoratsecu!aire?oubicn
sommes-nousresignésà y renoncer? Lespeuplesqui
prétendentjouer un rôle dans!e mondedoivent savoir
ce qu'ils veulent et, une fois décidés,ils doivents'en
tenir réso!umentà unepolitique.Sinous voulonsabdi-
quercetantiqueprotectorat,commenousy invitentles
feuillesanticléricales,noussommessûrs que lesdébris
enserontavidementrecueillispard'autres nousvoyons,
déjà,nos rivauxd'Allemagne,d'Autriche,d'Italiequi se
posenten héritiersdu patrimoinequonousauronsaban-
donné. Aprèsavoirperdui'Ëgypte,par l'imprévoyance
radicale,Hy a quelquevingtans,nousperdronsla Syrieet tout leLevant,pour complaireaux préjugésou aux
rancunesde l'anticléricalisme.
Je sais que, parmilesanticléricaux,il en est encore
d'assezpatriotespourne pas fairefi do cette portiondo
notrehéritagenational.L'anticlérIcalisme,vont-ilsrepc*
tant, après Gambetta,n'est pas un article d'exporta-tion. C'estlà, sans doute, le mot d'un politique mais
quepeut exporterun pays,si ce n'est co qu'il produit?
Quandla Franceno produiraplus quu do i'anticierica-
L'ANTtCLÉRtCALÏSHR. 22?
Hsme,quevouiez-vousqu'elleexporteau dehors?Pour
semerdesmissionnaires,il fautau moins en conserver
lagraine et quandon no fermeraitpas, cheznous,
tous leurs séminairesou tous leurs noviciats,quelle
autoritévoulez-vousqu'aient, pourenseigner,à l'étran-
ger, dans lespaysmusulmansou dansles payschinois,
desma!tresquevousaurezprives,en France, du droit
d'enseigner? Commentvoulez-vousque puissentvivre
etprospérer,audehors,desétablissementsdontonaurait
tari les ressources,à l'intérieur,et dont le personnelne
pourraitplussorecruter,chez nousOu encore, si la
Francoveutconserverle protectoratcatholique,quelle
seraitl'autorité moraledu Gouvernementde la Repu-
publiquepour protéger,au dehors,les religieuxqu'il
poursuivraitau dedans?Coserait, remarquez-le, et
on nonous!o laisseraitpasoublier,uno politiqueana-
loguea cc)!odu Gouvernementanglais,qui faisait la
chasse,chez lui, aux marchandsd'opium, alors qu'il
faisaitla guerreà la Chinepour lui imposert'usagode
t'opium.
Ainsi,quand nous examinonsquels sont les intérêts
nationauxdo la Franco, quelssont ses moyensd'in-
fluenceen Orientet dans le monde,noussommesohii-
gcsd'avouerque, loin do fortifierl'ascendantde notre
paysau dehors,t'antictcricatismolui porteraitun coup,
peutêtre mortel. La politiquepréconiséepar les sec-
tairesdo l'anticléricalismeno serait rien moinsqu'une
politiquede suicidenational.Or, à cetteheurede com-
22S LES DOCTRINES DE HAINE.
pétition universelle entre les peuples et entre les races,
je crois que, pour les esprits libres, il est un souci qui
doit dominer toutes nos dissidences politiques ou reli-
gieuses, c'est le souci de la grandeur française.'
1. L'événement adcja montre que nos appréhensions n'étaient
pas vaines, quand nous annoncions que, sous peine de trahir les
intérêts essentiels de la France, l'anticléricalisme nous mettrait,devant le monde, en flagrante contradiction avec nous-mcmcs.On a vu, en octobre ]90t, )<jrs de l'uccupation par notre flotte del't)e de )!yti)ene, la Iiépublique française exiger de la Turquie laliberté des écoles et des établissements congrepaoistes que le gou-vernement français poursuit ou tracasse en France. Notre drapeauprotège au dehors les Jésuites disperses par nos lois, Kt la Chineoffre au monde te même spectacle qui n'cst pas f;iit pour releveraux yeux des peuples, !a "onsidôration de la France et le prestigede notre po)itique.
CHAt'ITHK V
!AKTICLÉmCAHS)tt:.
Deuxième pal-lie.
t. Le grief économique. – Le clergé est trop riche. Le spectre
de la mainmorte. Le milliard des congrégations. Antic!eri-
calisme et confiscation. )t. I~'8 vœux oonastiquM. Les
congrégations et la liberté reiigicuse.– 111.Le grief politique et
social. L'esprit ch'rifa). Le e Syllabus e. L'E~ii~e est
inc~mpatibie avec le progrès. Avec la démocratie. A'cf la
liberté. Lf' yrai libéralismo. De t'e~olmion des idée~ dans
D'gHse. –Hst-it vrai que )e cnthoticiemcest riv~ &t'absu)utisme?
Comment et en quel sens it peut être libéral. De quel
coté est le principal danger pour la liberté.
MES8!BUHS.
H me faut vous parler encore de t'antic)6nca)isn)e;
c'est un sujet, malheureusement, trop actuel; j'y appor-
terai, vous le savez, le même esprit d'impa)tia)i(c. le
même souci de la liberté et do la paix religieuse que dans
l'étude de l'antisémitisme et do Fantiprotestantisme. Ma
dernière conférence vous en a donné la preuve; quel-
ques-uns de mes auditeurs ont paru s'en ctonucr; il
230 LES DOCTRINES DR BAÏNE.
m'estrevenuqu'aprèsavoir été accusépar certains de
a judaïser s, de a protestantiser j'étais accusé par
d'autresde « cléricalisera. J'avoueque je n'en suis pas
surpris; c'estun peu la faute dont ces conférencesse
succèdent,de semaineen semaine; il ne faut pas les
juger isolément,maisles prendredans leur ensemble,
car elles sont, en vérité, toutes inspiréesdes mêmes
sentiments.Cesreprochesopposéss'annulent,du reste,
les uns les autres; ils prouvent,seulement,la largeur
et la sincéritéde mon esprit do toléranceet ma répu-
gnancepour tout espritde secteet pour tout fanatisme.
1
Je vousai montréque l'anticléricalisme,tout comme
l'antisémitismeet l'antiprotestantisme,se présentait,à
nous, sousquatreaspectsprincipaux l'aspectreligieux
ouphilosophique,l'aspectnational,l'aspectéconomique,
l'aspectpolitique.Entreces diversgriefs des anticléri-
caux, nous devonsd'abord examiner,aujourd'hui, le
grief économique.Leclergé,dit-on,esttropriche.Apro.
mièrevue, un tel reproche parait un anachronisme.
II futun temps,où !ectergo,en France,était en posses-
siondograndesrichesses;il est desEtats,commel'Au-
triche,commela Hongrie,où il l'estencore.Mais,peut-
on dire que notre clergé français,pris en bloc, jouit
L'ANTtCLËRICALÏSME. 23i
_t. 1- 111d'uneopulenceinquiétantepour le paysou pour la for-
tunepublique?Loind'être riche,il est peut-êtrele plus
pauvrede l'Europe,leplus pauvredu monde.De quoivit-i!?Il vit du Jgetdea cultes; il vit du casuel.Le
casuel,saufen quelquesparoissesdeagrandesvilles,ne
lui fournitquede faibleset incertainesressources.Notre
budgetdescultesestpeut-êtreleplusmaigrebudgetdece
genrequiserencontreenEurope.Detousles paysoù le
clergéest salariépar l'Etat, la Francesemblebiencelui
quimontrele plus de parcimoile envers les ministres
du culte.Elleest loind'avoirtenu, à cet égard,les pro-messesfaitesp~r la Révolutionaux membresdu clergé,
lorsquola (instituante s'est emparée des biens do
l'Église'.Cenudgetdes cultes,manifestementinférieur
auxengagenuntsde la Révolution,ce modestebudget
qu'ilest permisde regardercommeunedette nationale
que la Franceno saurait répudiersans faire banque-route&la Rëvo!ution',il est mesquinementéptucheet
rogne,presque chaqueannée; c'est le seul sur lequelnos législateursjugentà proposde fairedeséconomies.
Cen'estdoncpasdu clergésécuHerqu'on puissedire
1. LaConstituanteavaitfixé&i ÏOOfrancs,noncompris!ologe-mentet unJardin,!o traitementdescar~adovillago,etl'onMitque,aveci 200francs,onétaita!oKplusrichoqu'avectodouMoaujourd'hui.
2.Voyez,dansnotrovo!umoIntituléla7!dwf«<(onetyoLibéra-~MotParts,Hachette),t'étudoayantpourtitrela~(otuMo~et(aSdparalionde<<M c<def~<
232 LES DOCTRINES DE BA!NE.
qu'il est tropricheet que sa fortune est un péril pourle pays; est-cedesordres religieux,descongrégations?Lescongrégations,clame&tous leséchos l'anticlérical,
ont une fortunequi croit sanscesse,qui envahitpeu à
peu la France,et qui, un siecteaprès la Révolution,la
menacede tous les maux de la mainmortede l'ancien
régime.La mainmorteest un de ces fantômes,un de
ces spectresque nous a téguesle passéet qu'onagite
volontiers,aujourd'hui, commeun épouvantait,aux
yeuxdo noscontemporains.Cette mainmorte,objet des dolèancesdes anciens
légisteset du juste effroidespremierséconomistes,est-
elledonc, vraiment,en traindo ressaisir,pour ledévo-
rer, notre malheureuxpays? Sont-cedes économistes,des statisticiens,des hommes do science, qui, à son
aspect,poussentles cris d'alarme répétéspar les anti-
c!<?ricaux?2
Nullement,et celapourune bonneraison,c'estqu'en-tre la mainmortecontemporaino,si l'on peut se servir
de pareil termeaujourd'hui,et la mainmortede t'an-
cien rc'gimo.tout, en n!atito,difK're.Sous l'ancien
régime,on pouvait,assurément,s'inquiéterdo lamain-
morte ellecouvraitune grandepartie du territoire le
cinquième,sinon !oquart de la France.Sous l'ancien
régime, les biensdo mainmorteétaient affranchisdes
impôts; !'t'~)isene payait Il !'Htatque les <dons gra-tuits~)quevoûtaientbienvoterlesassembléesduc)erg<Kn cst-i)do mémoaujourd'hui?Y
L*ANTtCLÉ!UCAH8ME. 233
L'anticléricalaurait peine à nous le persuader. S'il
s'estreformé,cheznous,une mainmorteecclésiastique,
elleest soumiseà toutes les chargesdes autres biens;
commela mainmortelaïque,ellepaie une taxe spéciale
qu'onappellela taxede mainmorte.En outre, on a in-
venté, spécialement,pour le3congrégations,un droit,
souventexcessif,parfoisruineux,qui s'appellele droit
d'accroissement.Je suisdoncautoriséa dire qu'il n'y a
pas, a t'hcuroactuelle,debiensplus imposés,enfranco.
queceuxdescongrégationsreligieuses.
QueUoestcettemainmorteecclésiastiquedont lespro-
grèsterrifiantsépouvantentt'antieléricat?Surcombien
de millionsd'hectaress'étend-elle?Elle couvreenviron
2t 000 hectares; ce n'est qu'en y joignant les tocaux
et les terrains occupés,ù un titre quelconque,par les
communautéset associationsreligieusesdo toutes !ps
confessions,que les évaluations officiellesenflent ce
chiffrejusqu'à 48000 hectares'. Nousverrons, tout a
l'heure,combiencesestimationssontsujettesà caution.
Acceptonsnéanmoinsce chiffre do 48 000. Qu'est-ce
que cela représentesur l'ensembledu territoire fran-
çais?Uneproportionabsolumentinsignifiante;!aFrance
européennea une superficiedo près de 53 millions
d'hectares qu'est-ce,sur une pareilleétendue,que 40
ou60 000hectares?Con'est plus,commesous l'ancien
1.Voyezt~7'uMroN'~M/tOH)Ct<MM~<MW')f<ofx)<;)<)))ar~M
cuHyr~f~MX,com)«m)at<f<'9etoMuon~omtf~a<ct<!Kf)t<fr )[)N-) f900.XMuniespuM~spartoM)n~)ërcdesUnances.
231 LES DOCTR!NE8 DE HAINE.
régime,le cinquièmeou lequartdu territoirenationalce n'en est pas la millièmepartie.
Et des feuillesanticléricalesont ~se imprimerque,«grâceà la faiblessedespouvoirspublics,i'g)ise avait
pu reconstruiresa fortuneet !'accro!tre,dansdespropor-tions telles,qu'eUedépasse,de beaucoup,cellequ'elle
possédaitavantla Révolution*a1)
Il y a bien une mainmorteautrement considérable
que la mainmorteecclésiastique,une mainmortequicouvredes centainesde milliers d'hectares c'est la
mainmortelaïque,représentéepar les biens des com-
munes, par les biens des hospiceset d'autres institu-
tionsanalogues.Cettemainmortelaïque,on a, sur elle,deschiffresprécis et certains; on évaluela totalitéde
ses biensà près de 6 milliardsdo francs. En face de
cette mainmorte laïque, a combien peut monter la
mainmorteccclésiastiquo A un milliard, nousafOr*
ment!csdernièresévaluationsofflcielles;nousverrons,tout à l'heure, par quels artifices on est arrivea co
chiure d'un milliard,qu'on fait miroiter auxyeux du
public.
Ce prétendu milliard des congrégations,qu'on do-
signed'avance,auxadversairesde la propriété,comme
une proie sur laquelle ils n'ont qu'à étendrela main,est-ilprudentd'en faireautantdo bruit? Les anticléri-
caux,qui en ont tant joué, ont-ilsréfléchiaux cons~-
t. Voyetparexempte,/a~anfc''nc,8JantteriOOt.
L'A'<T!CL6R!CAL!8MB. 233
pences?N'est-ilpas téméraire de faireainsl sonner,~uxoreillesdes foules,ce milliarddes congrégationsV
~'y a-t-il pas, en France,en d'autres mains, d'autres
mittiardssur lesquelson risque,par là, d'attirer l'atten-
tion et les convoitises? Est-ce que les antisémites,est-ceque les socialistesse sont privés d'user d'une
arme qu'on avait l'imprudencede leur offrir? Et no
sommes-nouspascontraintsd'avouer que les anticléri-
cauxles y avaienten quelquesorteprovoqués?Je ne croispas,quant à moi, malgréce qu'en disent
les antisémites,qu'ily ait, en France,peut-être même
en Europe, des fortunesparticulièress'élevant à un
milliard.Je croisque lesévaluationsde l'antisémitisme
sont,&cet égard,aussiexagéréeset aussisuspectesquelesévaluationsde t'antictéricatisme.Maisa'it n'y a pas,cheznous,de fortunesparticulières,personnelles,mon-
tant Aun milliard,il so peut qu'il y ait des fortunes
privéessupérieuresà l'ensemblede toute la fortune
mobilièreou immobilièredescongrégations.Commentl'Administrationparvient-ellea évaluerles
biensImmobiliersdescongrégations&un milliard,ou,
pourprendrele chiure officiel,&i 07i 77N260francs.
Ony arrive d'une façon qui, certainement,choque-rait les anticléricauxles plus farouches,e'it s'agissaitd'unefortuneprivéeou de sociétéslaïques; on y arrive
en ajoutantaux biensqui appartiennenteffectivement
aux congrégationsou & leurs membrestous les im-
meublesoccupés, à un titre ou à un autre, par ces
236 LES DOCTRINES DE HAINE.
congrégations.11y a, sansdoute, ici, parmivous,des
locataires;quediraient-ils,si les agentsdu fisc,chargés
d'évalueret de taxer leur fortune,portaientà leur actif,
commeleurappartenant,les maisons,lesappartements,les magasinsqu'ils louent à un propriétaire? Tel est
pourtantle systèmeappliquéaux congrégations.Sur te
miUiardqui leurest attribué,plusde la moitié,plusde
500 millions,est obtenu par ce procédé,dont vous
pouvezapprécierla loyauté.
En outre,ces immeublesainsi grossis,ainsi doublés,
d'une manicre artif!cie)tp,en ajoutant aux biens pos-sédéspar tes congrégationsou par les membres des
congrégationsceux qui sont simplementoccupéspar
elles, on en augmente,arbitrairement, la valeur parune estimationdont l'uniquebaseparaitêtre !o caprice
del'Administration.Or, tousceux d'entre vousqui ont
eu affaireà nos Administrations,a cellede l'Enregistre-
ment, par exemple,saventqu'on est souventen droit
de contesterl'exactitudede la valeurqu'ellesattribuent
aux maisons et aux propriétés urbainesou rurales.
Ainsien est-iluvec les congrégations.La valeur totale
des immeublespossédésou simplementoccupéspar
elless'élèverait,selonlesdernièresdéclarationsfaitesA
t'Hurcgistrement,à ~86 millions; ce chiffre,les der-
nières évaluationsdes agents du nsc l'ont plus que
duub)c;c)test'ont simplementmajoredo S8Rmillions.
!t s'agissaitd'arrivera un milliard le chiffreavait,
de longuedate, étéannonce par les organesattitrésde
L'AKT!CLËR!CAL!SME. 23~
l'anticléricalisme. Et encore, pour obtenir ce milliard,
même avec tous ces moyens de grossissement, il a fallu
négliger les hyputhèques légales, le plus souvent déjà
anciennes, qui pèsent sur les biens évalués. Ces hypo-
thèques, elles montent, d'après t'enquete officielle elle-
memo, à 200 millions. Ceserait donc encore une somme
de 20û millions à déduire du fameux milliard.
Autre remarque qui surprendra la plupart d'entre
vous: nombre des immeubles et des propriétés qui
entrent dans la formation do ce prétendu milliard ne
sont ni possédésni occupas par les congrégations. Beau-
coup appartiennent à des associations qui n'ont rien do
congrcgauiste beaucoup même sont entre des mains
non catholiques on y trouve des écoles, des temples,
des refuges protestants, des églises et des chapelles de
toutes les sectes, jusque des synagogues. Voilà com-
ment on arrive à parfaire le milliard t Dans le seul
département des Atpes-Maritimes,j'ai rciovo près do
trois millions de biens appartenant à des sociétés non
catholiques car, daua la mainmorte ecclésiastique, il
entre aussi une mainmorte dissidente, protestante ou
juive, française ou étrangère
1. 7'u&tcf<Mdea<t))mcMM<'3poMe[ft'<et ocft~M~'a'-~Mconj'<-
«o'M,co'!)'"unf<t<<<~f<<MMc)t<tO)Mrc~~fOit-s«M ~axt~r ~9CC.
– Tutuct, S~tis<i')uc)'.t)Jfpartctnent,f. M-CO,8F.
8. Ufnutdirequeditns!o ynMMUpubtiù)'ar )'A(hninis<)-.)Uon
d~ ttnnncc",la !)st(*<)M<')ab)i-~u))tCn!9rompo<)t cette )t):)in-
tnote non catholique,protestanteon Juive, est mantfcstement
238 LES DOCTRINES DE HAtNE.
Ainsi donc,pour peu qu'on examineleschiffres,sl
l'on prend, successivement,chacunedes catégoriesde
l'enquêteofficielle,si l'on fait surtout attentionà cette
étrange rubrique qui comprendprès de 300 millions
de biens,pour lesquels,nous dit l'Administrationdes
Finances,a le faitgénérateurdes taxesest encoreindé-terminé », c'est-à-dire300 millions de biens dont
on ne sait à qui ils appartiennent,onest contraintde
reconnaîtrecombien arbitraire et contestableest cette
évaluationde la mainmortecongréganiste.Cesbiensdonton nousdit qu'onne peutprécisera!o
fait générateurde la taxeo, et que, par suite,rien ne
prouve appartenir aux congrégations,il s'en trouve
qui paraissentappartenirà descommunes,a des villes,
peut-être même a l'État, en sorte que des municipa-lités, si ce n'est l'État iui-memo,se trouveraientper-sonnesinterposéesentre les congrégationset leuse.
Vouavoyezque ce fameuxmilliarddonton a menétant de bruit, il fond peu d peu, il s'évaporeen quel-que sorte, dès qu'on l'examinede près it n'en reste
peut-être pas la moitié, peut-être pas le tiers. J'avoue
que, pour ma part,jo considéreraiscommecoupabledo
témérité une société financièrequi oserait prendre &forfaittouslesbiensdescongrégations,pourunesomme
<ncomp!6te.Pours'enassuKr,Il n'ya tju'<tcomparerau?'(!Me«Mdet'Adm)n)8trattonlesdeuxgrandespublicationsdet'OfUcoCen-trâtdesŒuvresde Bteofa)sancoPa'b charitabiee<pn'w~mt,– ffanfec~~aMeetpfdt~an~(Paris,Plon,M97.i899).
L'ANTtCLÉRtCALtSMB. 339
de 800ou 2o0millions.Si j'avais de ses actions,je me
hâterais,commepère de famille,de m'en défaire.Les
agentsdes Finances n'ont évidemmentpas procédé,dans leursévaluationsdecea biensde mainmorte,avecla prudenced'hommesqui peuventêtre rendus respon-sablesde leursexagérations.Loind'encourir aucuneres-
ponsabilité,ils savaientqu'en majorantles chiures,ils
seraientagréablesaux chefsdont ilsavaientreçulamis-
sionde fairepareilleenquête.
Cesbiens, ces immeublesqui constituentla fortunedescongrégations,quelssont-ils? Sont-cedos terreade
rapport?Sont-co,commel'était la mainmortede l'an-cienrégime,desdomaines,des fermes,des forêts.Nonsauf de très rares exceptions,comme pour les Char-
treux, iso!ésdans !os forêts de la montagne,comme
pourlesTrappistes,qui cultiventle solde leurspropresmains', lesbionsdescommunautésreligieusessont des
immeublesoù elles habitent et qui serveutau but deleurinstitution.Cesont, des couventset deschapellescesont des collèges,des écoles,des hospices ce sontdesrefuges,desorphelinats;cesontdesbâtimentsvouésà touteslesoeuvresde la charité. Si considérablesqu'ils
1.Et encore,pourbeaucoupmêmedo cescommuonut~,lcsterresqu'ellesoccupentouqu'oUeacultiventneleurappartiennentpas.C'ettainsiquelesmoinesdolaGrande-Chartreusesonttma-'a!fMdet'~Ht.
240 LES DOCTRINES DE HAtKE.
soient,cesontpar làmôme, des immeublesdont il est
difficiled'estimer la valeur vénale. Vous voudriezles
mettreen locationque, le plus souvent, il vous serait
presqueimpossibtede trouverun locataire.On a pris,
semble-t-il,commebased'évaluation,là où l'évaluation
a étéla plussérieuse,la valeurdes immeublesdu voi-
sinage. Maisces immeublesdu voisinage,ce sont des
maisonsd habitation,ce sontdesmagasins,auxquelsles
biens des congrégationsne peuvent être assimilés.Le
plus souvent,pourvendreou pour louer ces biensdes
couvents,il faudraiten démolirles édifices;leur seule
valeurcertaineest celledu terrain.
Autreremarquede hauteimportance lorsqu'onparle
de la richessedes congrégations,lorsqu'ondit qu'elles
amassentdesmillions,onsemblecroirequecesrichesses
accumuléespar elles, ellesen profitent,elles en tirent
d'opulentsrevenus.Or, si nous analysonsles éléments
dont est composéecett'' richesse,nous trouvonsque,
généralement,CHOne rapporterien; que, le plus sou-
vent, au contraire,ellecoûteu <:cuxqui la possèdent.
ï'our fairevivreccaeco!esou cesouvroirs,pourhos-
pitaliseret pournourrir ces tua!adcs,ces vieillards,ces
enfants,cesjeunesfilles, il faut faire des dépenses.Et
Jcscongrégationsn'y parviennentqu'a force do sacri-
ficeset d'économies,nonpointa l'aidedoleursrevenus,
mais grâce au concoursincessantdo la charité chré-
tienne.Celaext tfHementvrai que si, commel'y invi-
tent les anticléricaux,l'Étatmet la main sur les biens
L'ANTtCLÉRtCAUSMB. 241
1)
descongrégations,cene serapas, pour l'Etat, uneaug-mentationde richesse,mais une augmentationde dé-
penses, à moins qu'il ne veuiitejeter sur !e pavé,non seulementlesreligieuxet les religieuses,maisavec
eux, leurs ëtèvcset leurs pensionnaires,les vieillards
qu'ils soignentdans leurs hospices,les enfants qu'ilsélèventdans leursorphelinats.Autrementsi, commeii
en contracteraitJ'engagementmoral,l'État voulaitrem-
plir, à leur place, la mission que s'étaient donnée les
institutionsreligieuses,l'État, au lieu de s'enrichir de
toursdépouilles,serait obligéde faire inscrire, chaqueannée, au budget, quelquesdizainesde millionsp~ursubveniraux nouvellesdépensesqu'il auraitassumées,en s'emparantdo ces écoles,de ces orphelinats,do ces
hospices.
Maislaissonsde côté ces considérations,si évidentes
qu'ellessoient; supposons,quoiquece soit une erreur
maniée, que les biens des congrégationsrapportent,habitueHement,des revenus; admettonsencore, pourfairela partiebelleà l'anticlérical,quoiquenousayons,touta l'heure,démontrele contraire,que ces biens ont
une valeureffectived'un milliard;qu'est-cequerappor-teraitce milliard,si au lieu de consisteren chapelles,en hospices, en écoles,H était plaooon titres ou en
maisons? que rapporterait-H?entre 3 et 4 p. 100,au
maximum,car il.faudraitbiendéduiralesimpôts, d'un
côté, les chargesd'entretiendes bâtiments,do l'autre.
Or,que représenterait,commerevenu,pourchacundes
242 LES DOCTRINES DE HAINE.
membresdes congrégations,t intérêtà 3 i/2, du fan-
tastiquemilliardqu'on leur attribue?LaFrancecompteenviron200000religieuxet religieuses,dont la plupartsont des femmes.Distribuéentreces200000personnes,le revenu de 3â ou 33 millionsque rapporterait un
milliardplacé, dans les villes, en bonnes maisonsde
rapport,donnerait,pourchacundes membresdes con-
grégations,à peine i60 francspar an, soit moins de
40centimesparjour.
Voilà,lors même que ce prétendu milliard serait
une réalité et non une mensongèreapparence, alors
mêmequ'il serait productifde revenu, ce qu'il n'est
pas, voilàcequi en reviendraitaux religieuxou aux
religieuses;voilàce que des hommes,qui se plaignentdene voirgagneraux ouvriersdes villes que cinq ou
sixfrancsparjour, osentappelerl'opulencedesmoines
et des nonnes Il faut avouerque, lorsqu'il s'agit do
religieuxet dereligieuses,les anticléricauxet les socia-
listessontpeu exigeantsen fait de richesseet de bien-
être.
Cesbiens des congrégations,nous devonscroireque
l'État, s'il vient à s'en emparer par une expropriationsansindemnité,voudraservirune pensionviagèreaux
hommes,aux femmesqui, la veille encore,pouvaients'en regardercommeles légitimespossesseurs.C'estça
qu'a.fait la Révolution,dontnosanticléricauxinvoquent
l'exemple la Révolutiona concédéune rente aux
prêtres et aux religieuxdont les biens passaientà la
L'AUTtCLÉRtCAUSME. 243
nation. De mémo, a fait !e gouvernementitalien de
mémo, peut-on dire, tous les gouvernementsqui ont
recouruà des mesuressemblables.Mais,avec quoi le
Gouvernementfrançais,s'il s'emparait de ces biensdes
congrégations,pourrait-ilfaire une pensionà ces reli-
gieuxet à ces religieuses?Je viens de vous montrer
qu'en supposantquele milliardexistâtet qu'il fût com-
poséde biensdonton pût tirer un revenu, il donnerait
à peine 40 centimespar jour. Mais, si nous prenonsla valeurréelledecesbiens,le revenuqu'onenpourraitobteniren lesmettant en vente,nouspouvonsafflrmer
qu'on n'en tirerait certainement pas iOOfrancspartête. Je crois, cependant,qu'unepensionde 100 francs
par an, oude8 francspar mois,ne seraitpasexcessive,
pour des hommesqu'on chasseraitde leur demeure,
qu'on expulseraitdes couventset des maisonsachetés
ou construitspar eux, avec leur argent ou avec leur
travail.
La plupartdesanticléricaux,commeil ne s'agit quede moineset de nonnes,n'ont pas tant de scrupulesils proposentsimplementde mettrela mainsur les cou-
vents,d'en jeter les habitants, jeunesou vieux, sur le
pavé,sansleur accorder aucune espèced'indemnité*.
Maiscommentcelas'appelle-t-ilen bon françaiaPCela
a un nom bienconnudo l'ancienrégime.Celas'appelle
1.C'est,nousdevonslerappeler,cequeproposaitleprojetdeloisurlesassociationsprésente,en1900,parleministèreWaldeck-RousMam-MiUerand.
244 LES DOCTRINES DE HAINE.
la con&acation.La confiscation,eUeétait rayéede nos
lois c'était l'honneurde la Francemoderne,et, main-
tenant, nousirionsla rétablirpour complaireà l'anti-
cléricalisme1
Combienj'avaisraisonde vousdire que, tout en se
combattant,l'antictéricatismeet l'antisémitismese res-
sembtentet secopient Nousvoyons,ici, une sorte do
lutte, d'émulation,entre les anticléricauxet lesantisé-
mites, à qui parviendraà faire rétablir,en France, la
confiscation.Les uns et les autres la réclament,impé-rieusement, commeune mesure de salut pubiic. I!
semble, à l'heure actuelle, que c'est l'anticléricalquidoiveavoir le tristeavantaged'introduire,do nouveau,la confiscationdansnos lois.Hest vrai que s'il l'exige,
furieusement,J'anticléricalse garde d'en prononcerle
nom ii emploielaméthodequ'il appellehabituellementa jésuitiques s'il reculedevantle mot, il engagenet-
tementâ pratiquerla chose.
Quelsseraientles rcauttatsd'une pareillepolitique?Croirons-nous,avec les anticléricaux,qu'on puisse,
impunément, introduire, de nouveau, la confiscation
dansnos loisou dans nos mœurs? Sommes-noussurs
que les adversairesde !a propriété se contenteront
d'appliquercette nouvelleméthodeaux membresdes
congrégations? Oserons-nousaffirmerque parentescon-
nscationsserontd'un bon exemple?N'y aura-t-il pasdessocialisteset desantisémitespour demanderqu'onfasse,de ce principe,de pluslargeset plus fructueuses
!ANHCLÉR!CAH8ME. 24S
n.
applications?Mais,ne le voyons-nouspas,déjà,par les
commentairesde la presseet par les discussionsde nos
Chambres? N'avons-nouspasvu, cesjours-ci,les anti-
sémitesunisauxcoUectivistes,lesanticapitatistesde toute
sorte, se servirde semblablesprojetapour démontrer
quel'État pouvaits'emparerde la majeurepartie des
revenusou descapitauxde citoyensfrançais?et n'est-
cepas, avec de pareilsexempleset de pareilsraisonne-
ments, que notre Chambredes députésa été, un jour,
entraînéeà voterun tableau des droits de succession,
où ces droits s'élevaient, en certains cas, jusqu'à
soixante-quatrepour cent du capital? N'avons-nous
pas entendu les collectivistesnous déclarer qu'oncommenceraitpar les congrégationspourcontinuerpar
les banquierset par les sociétésanonymes par les
capitalisteset par les bourgeois?2
Hy a bienune différenceentre l'anticléricalet l'anti-
sémite c'estque l'antisémiteprétends'en prendre aux
1.UndcschcfsdcsMc)QUste<etdetf-ociatistMatoratxinisMrtets,M.Viviani,assimilait,dansla Lanterne,lesMCXtfsOnanet&resft la hautebanquejuiveauxcong)~gat)on9,engageantt'ÊtatùmettrelamainsurlesmUttardsdessoct~ttadocrédit,considéréescommeuneeortodomainmorte.Aencroire!od<!put&soctattste,il faut,eaprèsavo)r)'6gMtmpnrfititcmcntlasituationdcacongré-gat)ont<,n~tMT,la situationdes;8oc)tt6s.M.do RothM:t)(!detM.du Lacsevatent;ettomfmeËtnt,tncnac~pardesconvoitisesdtMrentcsnmiaauMtupres,n droit tontroeuxaux mêmes
garanties Voye~f~f'o'mmbteFfWtfa~,13avrili90t,p. 389
cf,ci-dessus,chnpit.ll, p.H8.
146 LES DOCTRINES DB HAINE.
biens des riches, tandis que l'anticlérical s'en prend
d'abordaux biensdespauvres.Car,il est malaiséde Je
contester,cesbiensdescongrégations,si vous regardez
qui en a d'habitudela jouissance,ce sont les pauvres,
lesinfirmes,les vieillards,les orphelins,les déshérités
de la vie.
U
Mais,nousditron,cessociétésreligieuses,cescongré-
gations, ce n'est pas uniquementpour leurs richesses
qu'on veut porter la main sur elles c'est parce queleurobjetest ilHcite,parce que leur institutionmême
est contrairea l'ordrepublicet aux bonnesmœurs.Car,
f~nn'a pas craintdo la dire, au nom même du gou-
vernement,de pareillesassociationssont contrairesà
la moralepubliqueet privée leursmembresrenoncent
à des droitsquel'hommen'a pas le droitd'aliéner,
selonl'expressionconsacrée,ilsabandonnentdesdroits
qui ne sontpasdans le commerce.AucunÉtatcivilisé,
aucunÉtatmodernene sauraitlestolérer. Comment
cela, et que penserd'une pareilleassertion Les fuite
lui donnentun démenti; il est des pays qui, pour la
liberté,commepourla civilisation,ne locèdenten rien
au notre, des républiquesmême, comme la grande
républiqueaméricaine,où les congrégationsreligieuses
L'AKTtCLÉRtCAUSME. 847
se développent,librement,à l'abri de la loi, une que
personneait l'idéede leadéclarerillicites,parcequ'eues
sontcontrairesà l'ordrepublicou contrairesaux bonnea
mœura.
Et queleur reproche,eneffet,la moraleanticléricale?
Sera-ce la vie en commun? Eetrcela cohabitation?
Mais,au pointde vuede la liberté le seul auquelje
meplace ici il semblemalaiséde contesterque le
droitd'habiterencommun,de mangerà lamêmetable,
de travaillerdans le mémoatelier,voirede dormirdana
le mêmedortoir ou dans deacellulesvoisines, soit un
droitnaturel et ei on le conteste,ontomberapidement
danal'arbitraire,commechaquefois qu'on s'écartedea
grandesrèglesdu droit.
Où commence,en effet, la congrégation? Ce qu'on
nopermettrapas à cinquante,à trente, à vin~t per-
sonnes,l'interdira't-onà dix, à six, à quatre?Onabou'
tira, fatalement,à une &orted'inquisitiondana la vie
privée et a la violation du domicile. L'État peut-il
défendreàdeshommes,à desfemmesdevivreensemble,
parceque les uns tiennent une école, que les autrea
soignentdesmaladesou recueillentdes orphelins? Ou
encore,ce qu'il permettraitaux laïques,l'Etat l'inter-
dirait-ilaux seuls membresdea congrégations?L'Etat
va-t-il prohiber, commeimmoralo,la vie en commun
desreligieuxou du religieuses,alors qu'aujourd'huiil
a unebienveillantetolérancepourdesmaisonsd'un tout
autregenre?L'Étatsera-t-ilplusrigoureuxpour lavertu
248 LES DOCTRINES DE HAINE.
que pourle vice?Lavie en commun,qu'il permetaux
professionnellesde Ja débauche, l'interdira-t-il aux
femmesqui fontprofessionde chasteté?ou, commeles
prostituées,livrera-t-illes viergeschrétiennesà l'arbi-
traire de la police?
Aunomde quel principe, placerez-vousle religieux
et la religieusehors du droit commun? C'est, dites-
vous, qu'ils prononcentdes vœux par lesquelsils aliè-
nent leur liberté.Cesvoeuxdereligion,je suisdo ceux
qui félicitentt'Ëtatmodernede nolespas reconnaître;
au reboursdu clérical,au reboursde l'homme qui
veutquel'Étatdonne une sanctionaux loisde t'Ëgtise,
je crois que l'État est dans son rôle en ignorant les
vœux religieux.Mais,suit-il de là que i'Etat ait Je
droit de les prohiber? En vertu de quel principe les
interdirait-il,et comment s'y prendrait-ilpour faire
respectercetteinterdiction?
L'homme,la femmequi prononcentcesvoeuxle font
librement; ils restent libres, civilement; ils ne sont
obligéspar ces vœux, qu'autant qu'ils veulentt'être;
ilsdemeurent libres,jusque dans leur obéissance.Le
jour où il leur p!a!tdesortir du couvent, do reprendre!a vie du monde, ils sont parfaitementma!tresde !o
faire. Nousne sommesplus sousl'ancienrégime,alors
quel'autoritéroyalepoursuivaitlemoine,lanonne qui
se permettaientde quitter le clottre et les y ramenait
de force.Les voeuxmonastiquesn'ont aucunevaleur
!égate ils ne font mémo ptunobstacleau mariagede
L'AKT!CLÉR!CAL!8MB. 249
ceuxqui veulentlesrompre.L'Etat et la loi les igno-
rent en cela, ils sauvegardentles droitsde la liberté
ilsvioleraientla liberté,au contraire,s'ilsentrepre-
naientdeles prohiber.De quel droit, en effet, sousquel prétextelesinter-
dire? Sera-ce,commeon nouay invite,parceque ces
vœuxsont contrairesauxbonnesmoeurs?Lequeldoces
vœux monastiquesest contraireà la mora)e?Est-cele
vœude chasteté?Mais,si vous le tolérez,chezleprêtre
séculier,comment l'interdire aux religieux?Y a-t-il,
vraiment,de nos jours, un tropgrandnombred'hom-
mes,voiredofemmes,disposésas'astreindreà unpareil
vœu? Est-ceà lui qu'il faut attribuer la stagnationde
la populationfrançaise?N'avons-nouspas, hélas à
combattrele vicieuxégoïsmed'autres célibatairesque
les célibataires ecc!esiastiques?Si tant de femmes
cherchentun abri, avec une vie digne et occupée,à
l'ombredu cto!tre,n'est-ce passouventque les calculs
intéressésdol'autresexeleur refusentlesjoiesdo!a vie
famitia!e? Le c6!ibatdoladébauchegrossit,parfois,le
célibatdescouvents,interrogezles statisticiens ilsont
remarqueque lespartiesde-la Francooù la population
so maintientte mieux,où la natalitéresteetevée,sont
fréquemmentlespaysoù l'idéereligieusea conservéle
plus de forceet où, souvent,il y a le plusde vocations
monastiques.
Quelssont losvoeuxreligieuxcontrairesaux bonnes
mceura?2
280 LES DOCTRINES DE HAINE.
Sera-cele voeude pauvreté? Le froc des moines, la
robe de bure des religieusesseraient-ilsun scandale
pourla délicatessedonosyeux,outespiedsnusdesdis-
ciplesde Saint-Françoissont-ils de mauvaisexemples
pour notre époque,affaméede jouissanceet avidede
luxe? Je crois,pourma part, qu'il y a là desleçonsqui
ne nous seraient peut-être pas inutiles, quoi qu'elles
viennentdo bien loin, ou de bien haut, pour être
entenduesde la massede nos contemporains.
Cevœudopauvreté,s'il choquesi fort les anticléri-
cauxet les socialistes,est-ceparce qu'en ce temps de
prédicationcollectiviste,la vie de renoncementdes
moineset des religieusesmontre,à quellesdurescondi-
tions, le communismeest réalisable?Est-co,au con-
traire, crainte de voir, grûceà cetteviedoprivations
volontaires,lesétablissementsreligieuxet la mainmorte
congréganistes'étendre,démesurément,autourde noua?
Maiscettemainmorte,dont le spectrenous épouvante,
il est facilede prendre des précautionscontre elle,en
fixant,par exemple,commeauxÉtats-Unis,une limite
maximaaux biensimmobiliersde chaqueétablissement
de cegenre.
Restele vœu d'obéissance.Ici, je comprendraisda-
vantageles inquiétudesde l'anticlérical;mais le vœu
mêmed'obéissancejustifie-t-iltoutesles défiancesdont
il est l'objet?~'oublionspasqu'il s'appliqueà unerègle
librementacceptée,ou auxcommandementsd'un supé-
rieur librementélu n'oublionspas qu'il ne concerne,
L'ANTtCLÉRtCAUSME. 381
Ant- nnn ton fthaoMtnnMto ft~ ta *t)~ mf\~no_toplus souvent,que les observancesdo la vie monas-
tique,et que, dans les Étatsmodernes,lereligieuxreste
toujours libre de s'y soustraire, des que pareil vœu
heurtesa conscienceou sa volonté.
Cevœud'obéissancequi inquiètenoshommesd'État,les membresdes congrégationssont-ils les seuls à le
pratiquer,sinonà le prononcer?~'y a-t ii pas, aujour-
d'hui,en France,desassociationsautrementnombreuses
et autrementremuantes,qui, sans toujoursastreindre
formellementleurs initiés ou leurs affiliésà un vœu
d'obéissance,lesobligent,en fait, à une obéissancetrès
étroite? Cesassociations,ai-je besoindo les nommer
devantvous? Pourno parlerquedessociétésouvrières,les syndicats,qui prennent une p!acodo plus en plusgrandedans la viemoderne,n'cmettont-i!spas la pré-tentionque, lorsqueleurs déléguésont prisune décision,)'ensemb!odoleurs membresdoit s'y soumettre,aveu-
gtemont,dût cettedécisionlescondamner,commedans
lesgrèves,a la misèreet Il la faim?A ceuxqui redou-tent l'esprit d'obéissanceet dodiscip!inodescongréga-tionsreligieuses,je demandes'devoientsansinquiétudela formationde ces fédérationsouvrièresquiembrassent
peuà peu toutJe territoirefrançais,et qui, endécrétantla grèvegénérale,se vantentd'étremaîtressesd'arrêter,à leurgr6, toutela vienationale? Ici, encore,si le droit
d'associationa ses périls, les plus sérieuxet les plusmenaçantsne proviennentpoiut desvœux de religion.
Ceuxd'entre vous, que jo n'ai pas au convaincre,
252 LES DOCTRINES DE HAINE.
je les renverrai aux fortes études de deux jurisconsultes
dont la science égale t'étoquenœ, M. Barboux et
M. Housses. Si un gouvernement moderno no peutreconnaître lesvœux, ij ne peut, non plus, les pro!)iber.
Sur cette question, nous n'avons qu'à nous en tenir aux
principes de la Hevotution française, avant la Terreur,à la loi spécialement du lu février ~90, loi qui, en
déclarant que les vœux tnonastiques solennelsn'étaient
plus reconnus par l'État,. laissaient les religieux libres
de s'y conformer ou de s'y soustraire.
Pourquoi, disent nombre d'anticléricaux, ne pas sup-
primer tes congrégations? Elles no sont pas nécessaires
à t'Ëgtiso on peut les dissoudre sana que tes catho-
liques aient le droit de s'en plaindre au nom do la
liberté religieuse, tt est vrai, elles oo sont pas néces-
saires &t'Ëgtiso, en ce sens quo les cérémonies peuvent
s'nccotnptir, que të~sacrements peuvent être distribues
aux fidèles, sans !o secours des congrégations. Le clergé
soutier y pourrait suOtre. H u'eu est pas moins vrai
que, si ettea no sont pas indispensablesau culte catho-
lique, les congrégations sortent, spontanément, do l'es-
prit do t'Ëgtiso catholique, on pourrait même dira de
l'esprit de i'Kvangite. La preuve en est que, depuis des
siècles, la vie monastique est en honneur, non seutc-
1.M.11.BarbonxleProjetdoloiM< ~«ofMftu)~M.E'hn.Housse:les~MOCM«o')sre~t~teMMp<<cat'<fM.totun~t~xM(i9t)t).
L'ANTtCLËRÏCALÏSMB. 283
i&
ment dans l'Église latine, mais aussi dans !'Ëg!ise
grecque.
SelonlesGrecs,commeselonles Latins,ce n'estquedans les monastèresque le chrétien peut pleinement
pratiquer lesconseilsde t'Evangiteet menerla viepar-
faite.Est-ceà l'anticlérical,est-ceà des hommesétran-
gersà l'Église,de s'érigeren jugesdece quecommande
la perfectionchrétienne? Que devientalors la liberté
religieuse? Pour poserla questiond'une manièreplus
nette, supposezqu'il s'agisse,non plus descathuliques,
maisdesmu)su)mans,maisdesbouddhistes,et deman-
dez-voussi ce serait respecter entièrementla liberté
religieuseque de leur interdired'entrer dans les tèkkés
del'IslamoudanslestamasseriesduBouddhisme,car les
deux religionsont. l'une et l'autre, desétablissements
analoguesà noscouvents.
Aucundoute, à mon sens, interdireau bouddhiste
ouau musulmando faire son salut, commeIl l'entend,
danslesmonastèresdo sa religion,ce serait empiéter
sursa libertéreligieuse.
Cescongrégationsou cesconfrériesmusulmanes,ces
monastèresbouddhistes,que l'État les surveille qu'il
semetteengardecontreleursattaques,qu'il lespunisse,s'ilsviolentla loi c'estsondroit; mais,à cela,seborne
sondroit. Et la libertéqueje réclamepour lesdisciplesdu Prophèteou du Bouddha,je la revendique,égale-
ment, pour les catholiquesde Franco, en vertu des
mêmesprincipes.Qu'on no vienne pas nousdire des
254 LES DOCTRINES DE HAINE.
reugieuxceque i anttsénutenousdit des juifs ce sont
desparasites.Laissonsà la sociétécollectiviste,sijamaiselledoits'étabtir,le soinde bannirde la cité lesprofes-sions qu'elle traitera de parasitaires. Pour nous, le
soucide la liberté individuellene nous permetpasde
faire de pareillesexclusions,et, si nous redoutonsles
parasites,il y en a, cheznous,de plusnombreuxet do
plusdangereuxque les hommeset les femmesqui su
vouent, devantDieu,à l'enseignementou au soin des
malades,voireà la contemplationet à la prière.En somme, si nous pesons les arguments do ceux
qui veulentsupprimerles congrégations,nous sommes
frappésdo leur peu de solidité.Tous leurs raisonne-ments se réduisentà celui-ci Nousvoulonsdissoudrelescongrégations,parcequ'ellesserventde cadresà nos
adversaires parceque ce sont des sociétésmilitantes
qui luttentcontrelesidéesquo nous défendons parceque t'~giiso, son clergé, ses moines sont des adver-
sairesde la liberté,de la démocratie,do la civilisation,telles que nous les comprenons.Voilàio grandargu-mentde t'antictericatismo.ù la foisle plus sérieuxet le
plussincère,celuicontrelequellescatholiquesdevraient
toujoursse tenir en garde.
L ANTtCLÉRtCAUSME. 285
Commel'antisémiteet l'antiprotestants'attaquenta
ce qu'ils appellent «l'esprit protestantDet a l'esprit
juife, l'anticléricalincriminonon seulement«l'esprit
c)ericato,mais l'esprit catholique,l'accusantd'êtreun
espritde ténèbreset de superstition,un espritde servi-
tude et d'asservissement,qui en glorifiantle principe
d'autorité,en pliantles intelligencesaujougde l'obéis-
sance,en lesendormantdans le respectdo la tradition,
tesrendincapablesdolibertéet insoucieusesdu progrès.
Grave et formidablegrief que les anticléricauxles
plus détermines,que les socialisteset les anarchistes,
quo tous ceux qui prennent pour devise ni Dieuni
maltre,dressent,par-dessusi'Ëgtise,contrele Christia-
nisme,contre toutereligion, contre la foien Dieuelle-
même,no voulantvoiren Dieuque le tyran suprêmeet
en toutereligionqu'un principedo terreurservile.
Cettedénonciationquotidiennede l'esprit catholique
et dol'espritreligieuxpar deshommesardents,souvent
éloquentset convaincus,qui se donnent au peuple
commeles apôtres du progreaet de la fraternitéuni-
versetto,il est impossibledo ne pas nous y arrêter,
d'autant qu'elle semble trop souvent confirméepar
la polémiqueaveugleet les prétentionssurannéesdo
II!
266 LES DOCTRINES DE HAINE.
catholiquesqui ne comprennentni leur tempsni leur
pays.
L'espritcatholiqueest un espritde servitude.L'Église
catholique,affirmel'anticlérical,est incompatibleavec
la Liberté,avecla Démocratie,avec le Progrès,avecla
République/Accusations6ga)ementgraveset également
vagues – prenons-lesl'une après l'autre; commen-
çons par la moins précise: l'Eglise est incompatibleavecleProgrès.
Le Progrès, c'est la grande divinité du jour c'est
l'idole nouvelle devant laquelle se prosternent les
foules cette divinité,chacunse la figureà sonimage,chacunl'entendà sa manière. Quelest teprogrésavec
lequelt'Ëgtiseestmanifestementinconciliable?Serait-ce
le progrèsscientifique,le progrèsartistique,leprogrèslittéraire?Assurémentnon t'Egtise,sescongrégationselles-mêmes'se glorifientd'avoir, à diverses époques,
encouragéla science,lesarts, les lettres.Il s'agit donc
icidu progrèsen général ou, commeon dit encore,du
progrèsmoderne,vague entité malaiséeà dénnir. Le
PapePieIX, a-t-onsoinde nousrappeler,a condamné,dans le S~/Ma&tM,les témérairesqui soutiennentque
l'Eglise doit se réconcilieravec le progrès moderne.
cumP~o~'c~Mmoderno.Maisqu'estce progrèsmoderne
querepoussel'Église?Et quand,avec le S~&tM, elle
répugneraitau progrèa,telque le conçoitl'anticlérical,tel que nous le concevonsnous-mêmes,serait-ceune
raison pour lui refuser la liberté?Est-cequ'il peuty
L'ANTÏCLËRïCAUSME. 28'7
avoirune notionotîtcieuedu progrès? Est-ceque, tout
au rebours,ce que nous appelonsdu vague nom de
progrès,ne résultepasde la librecompétitiondesdoc-
trines,desidées,desefforts?
Supposons,que nous soyonsen face d'une autre
religion,en facedu Bouddhisme,en facede l'Islam? Ne
pourrait-onpas nous dire égalementet, jusqu'à un
certainpoint,nousprouverque cesgrandesreligionsde
l'Asiesontmalaiséesà concilieravec te progrès,tel quenousle concevonsen Europe?Del'Islam,en particulier,il serait permisde soutenirqu'il est stationnaire,qu'ill'est mêmeen quelquesorte par système,parcequ'à la
différencedu Christianisme,l'Islamlie étroitementles
institutionscivilesaux institutionsreligieuses.Serait-ce
une raisonpourdonner à un gouvernementle droit de
combattrel'Islam, au moyen des forcesde l'État? Et
que deviendrait!a liberté de consciencesi, pour la
refuserauxadhérentsdo telle ou telle religion,il suffi-
saitd'affirmerou mêmede démontrerque cettereligion
est contraireau progrès?Quedeviendrait,ajouterai-je,la libertéde penser, car on pourraitappliquerle même
procédé aux doctrinesqui déplairaientà !a majorité
du moment,où qui se trouveraienten conflitavec les
théoriesreçues? L'anticléricalismenoua ramène, tou-
jours, &cette néfasteprétentionet à ce grand péril de
vouloirfairedol'État lejugeet l'arbitredes doctrines.
Ici encore,l'anticléricalarrive, malgrélui, tout comme
l'antisémiteet l'antiprotestant, sinon à nous imposer
2~8 LES DOCTRINES DE B&tNE.
une orthodoxied'État, du moinsà proscrirelesdoctrines
qui ne sont pasmarquéesdu poinçonofficiel.
Passonsà un griefmoins vague; l'Église,dit-on,est
incompatibleavecladémocratieentreelles,l'antinomie
est manifeste.Cetteantinomie,avons-nousledroitde la
proclamer? Iciencore,tout dépendde la façondont on
entendladémocratie.Entendez-vous,par démocratie,la
Révolutionen révolte perpétuellecontre touteautorité,
contre toute religionet toute croyance,l'Églisecatho-
lique est incompatibleavec la démocratie.Demême,
entendez-vous,par démocratie,une puissanceinimitée,
qui prétendà uneomnipotenceabsolue,quinereconnaît
d'autre droit et d'autre règle que la volonté du grand
nombre,l'Église,!oChristianisme,toutereligion,pourne
pasdire toutephiiosophie,sontinconciliablesaveccette
manièrede comprendrela démocratie.Entendez-vous
encore, par démocratie,le socialisme,le collectivisme,
le communismeathées d'aujourd'hui,qui prétendentbornerla destinéede l'hommeà cette terreet lui inter-
diretout r6vode l'au delà, i'ËgHse,leChristianisme,!a
religionsontincompatiblesavecunepareilledémocratie.
Mais,est-ce la seule manièredont on puisseentendre
ladémocratie?Nepeut-onh concevoird'une façontout
autre,et certainesnations,commelesÉtats-Unis,nenous
en offrent-ellespas la preuvevivante? Nevoyons-nous
pas, par les exemplesde la grandeRépubliqueaméri-
caine, que la démocratien'est inconciiiabteni avec la
religion, ni avec )o Christianisme,ni même avec !o
L'AKTtCLÉtUCAUSME. 259
Catholicisme?Etcommenty aurait-il.entreeux,incom-
patibilité,alors que les grandes idées d'égalitéet de
fraternitéontleursplusanciennesetleursplusprofondes
racines dans le Christianisme,dans la Biblejuive et
dansi'Ëvangiiechrética? S
Uy a bieneu, entre l'Église,d'un côte,et ia démo-
cratie,df l'autre, une longuelutte, comme un grand
duel,qui a remplitoute l'histoiredu &!&'siècle. Acela,
il y avaitdes raisonsmultiples,des raisonshistoriques
surtout.L'Églisepersonnifiait,en facedela Révolution,
la traditionet l'autorité.L'Eglise,attaques par les uns
commeune barrière, a été défenduepar les autres
commeun rempart.Un fait, en soi-m~mod'importance
secondaire,!opouvoirtemporeldes papes,contribuaità
envenimeret àprolongercettelutte. LePape,souverain
temporel,voyait sa petite monarchiemenacée par la
Révolutionet par la démocratieissuede ]a Révolution
il se trouvait,naturellement,enclinà regarderia démo-
cratiecommel'adversairedo la papauté.Aussi, est-ce,
en grande partie, le long combatpour la défensedu
pouvoirtemporelqui, entre t'ËgUseet la démocratie,a
creuséun fossési largeet siprofond.
Lachute do son pouvoirtemporela libéréla papauté
dece souciséculaire,sinonde toutesses devancesan-
1.SurceshautesqupsttonsqueJonopuisqo'efnem~rici,Jetuopet'Mcttt'aiderenvoyerà meslivres lesCatholiquesM~'f««~,
<<)Me<<e<jMn~)SMe(P!on,Nourrit),et la Pa~MM~,/eSoc)'u-
«<woc<fa~'noc~<e(Ca!n]annMv)).
260 LES DOCTRINES DE MAtNE.
cieunes,sansqu'il failleenconclurequela sécularisation
de sesÉtatsn'ait eu, pour le Saint-Siège,quedes avan-
tagea. Elle a eu, au moins, poureffetde modifiertes
relationsduVaticanet de la démocratie.LePape, ayant
cesséd'avoirsa placeparmi les roisde ce monde,s'est
plusfacilementretournéversles peuples.LeSaint-Siège
a pu s'émanciperdes préventionsou desalliancesquil'avaientlongtempsdomine.C'estainsi que nousavons
vu s'accomplir,à Romeet dans l'Église,sousle ponti-ficatdu Pape Léon XtM,une évolutiondémocratique,
qui a frappé tous les yeux non prévenus. Loin de
condamnerladémocratie,lePapeLéonXIIIs'est compluà lui faire des avances, et ces avances, il en a for-
mulélesraisons,en pape et en docteur suprême,dans
ses célèbresEncycliquessur les devoirsdes gouver-nementset sur la conditiondes ouvriers.Le Chefdo
t'Ëgtisoa exposélui-mêmeau monde,commentt'Egtiso,loin d'être en oppositionabsolueavec la démocratie,
pouvait,au contraire,seconcilieravecla démocratieet
avecla sociétémodemo.
Et, de quel droit, irions-nousinterdireAt'Ëgtisp de
tendre la main à la démocratie?A quel titre, préten-
drlons-nousla contraindreà rester inféodéeaux an-
ciensmodes de gouvernementet aux idées du passe?'1
Nisa doctrine,ni l'histoireno nousy autorisent.L'his-
toire nous montre,à l'opposé,que l'Églisea toujours
su se dégagerdes formespolitiquesdu passé; prenez
l'empire romain,prenezla royauté barbare, prenezla
L'ANTiCLÉRtCAUSME. 261
i5.
féodalité,prenezles monarchiesmodernes,vousvoyez
l'Eglisetraverserces formesde sociétéet de gouver-
nementsi différentes,et à chaqueépoque,s'acclimater,
en quelquesorte, aux nouvellesconditionsdessociétés
humaines.Ce qu'ellea fait dans le passé, pourquoino
saurait-elleplusle fairedansle présent?
Onnousdit t'Egtiseest enchaînéeau passé par les
décretsdes conciles,par les bulles des papes, par le
Syllabus.LeSyllabustient une grande placedans les
polémiquesde t'antictéricatismeil est, pour lesanticté
ricaux,cequele Talmud,est pourlesantisémites onne
parlejamaistant du Syllabusque dans lessociétésanti-
cléricales.Le Syllabus,vousle savez,est un recueilda
propositionscondamnéespar le Pape Pie IX. H n'est
certesfavorable,ni à la liberté,ni à ladémocratie,mais
enfin,ce Syllabus,deslorsqu'onfaita:'petà sonautorité,
il convientdo m passoOcraux théologiensde t'anticté-
ricatismeet de consulter, aussi, les théologiensdo
t'Ëgtiso.Quedii-enttesévoqueset lesthéologienscatho-
liques? ils ont pu, avec l'approbationdu Pape, com-
menter le Syllabus, t'Mptiquer, t'atténuer, si vous
voulez,d'une façontoute ditfércntedes interprétations
qu'endonnei'antictéricatismo'.L'Église,les théologiens
font, a cetégard, une distinctionqueje dois voua rap-
peler,quelquearideque soitune semblablediscussion
). VoyMlesCatholiquesMM~M*,<p!<Mt<fo«Mro«<n)(',cha-'
pitre«, pp.)89-M.
262 LES DOCTRINES DE HAISE.
c'est,en langaged'école,la distinctionentre la a thèseo
et « l'hypothèsec.Dèslorsquel'anticléricalnousentraîne
sur le terrainde lathéologie,il nousobligeà emprunterle langageet les méthodesdes théologiens et comme
!e disait Talleyrand,la théologie est choseextrême-
mentsubtile; c'estun excellentcanifà taler les intelli-
gences.Nevousétonnezdoncpasde l'apparentesubti-
lité de la distinctionentre la thèse et l'hypothèse ce
n'est, en somme, que la distinctionde l'absoluet du
rotatif. L'importantest quecettedistinctionest non seu-
lementadmisepar Rome,maisqu'elle est enseignéeà
Rome,dansies écolespontificales.La « thèsea. ce sont
les doctrinesposéesen principepar le Syllabus;ellene
s'appliquequ'auxpaysquiont gardé l'unité religieuse,aux Étatsdemeuréssoumisaux ancienneslois, aux an-
ciennesmœursde la sociétéchrétienne.DotelsÉtats,en
existe-t-ilencore, eo n'est assurémentpas la Franco.
a L'hypothèse au contraire,:dmeLdes tempéraments,descompromis,elleconvientaux pays où l'unité reli-
gieusea pris On,où lesloiset les mœursne permettent
plus d'appliquer les règlesdo l'auciennesociétéchré-
tienne.
Or, les théologienset les docteurs,à commencerpar!eplusgrandd'entre 'eux,par !o Pape Léon XIII lui-
même, ne font pas difficultéde reconnattroque, au
lieu dela a thèseB,l'Églisedoit appliqueraux sociétés
modernescequ'elleappellea t'hypothèM Pronel les
encycliquespontificales,notammenti'eooycUque7MMOf'
L'ANTÏCLÉtUCAUSMR. 263
taleDei,dans laquelleil a examiné les rapportsde la
sociétécivileet de la sociétéecclésiastique,vous verrez
queLéonXin admet,aux thèsesposéespar les anciens
théologiens,les tempéramentsles plus larges. recon-
naît que !'Égtiseet le clergédoiventse conformerà la
situation,aux lois,aux mœurs des différentspays. Si,
commePie tX, il condamne,en principe,!a libertéou
l'égalitédesdoctrineset descultes,iladmet,pleinement,
ce qu'il appellela tolérancecivile,et avec elle, la pra-
tiquede la libertédescultes.
Ainsi,veut-onaller au fond des choses,on découvre
qu'il n'estpas impossiblede trouverunmoyend'accom-
moderla doctrinedo t'Elise aux idées,aux habitudes,
aux loisdessociétésmodernes.Nous n'avonsdoncpas
Jodroit d'enchaîner à jamais l'Égliseau poteau des
bûchersde l'Inquisition.
Nousn'avonspasle droit de contraindreles peuples
catholiques&opter entre ta foi dn leurs pères et les
libertésmodernes.Nousen trouverions!a preuve,à côté
de nous, daus un payaoù lescatholiquessontau pou-
voir, où ils gouvernent,depuis des années, avec des
majoritésconsidérables.PrenonelaBelgique;quoiqu'eHo
soitsous!a dominationd'un partiqu'on appellea tort
ou à raisonclérical,la Uetgiquoest restéeen possession
dola libertédescultes,commede la libertédopenser,
commede toutesleshbertcs cssentielles,ei bien qu'en
fait de liberté, les anticléricauxfrançais pourraient
prendreplusd'une leçondescatholiquesbelges.
264 LES DOCTRINES DE HAINE.
Demême,est-ilpermisd'affirmer,avecla presseanti-
cléricale,quele catholicismeestliéà perpétuitéà l'abso-
lutisme,par le droit divin desrois? Ledroitdivindes
rois mais, c'est une doctrinesurannée,une doctrine
anglicane,ou gallicane,plutôtque catholiqueet surtout
ultramontaine une doctrinequi, loin d'avoir été en
faveurà Rome,a plutôt été mal vue do la plupart do
ses théo)ogiens.des dominicains,comme des jésuites,témoinsaintThomas,Bellarmin,Suarez'.Ce)aestsivrai
qu'en se tournantvers la démocratieet vers lepeuple,LéonX!Ha paru revenir à l'esprit et aux inspirationsdes grands papes du moyenâge. Si nousprenonsles
enseignementsdo !'Ëgiise,aujourd'hui,est-cele droit
divin que nous prêche le Pape Léon XIII? Loin do
prétendreque les rois tiennentdu ciel un droitabsolu
et ina)iënab)esur les peuples, Léon XIII n'a't-i! pas,
hautement,engagéles eathoiiquesd se soumettreaux
loiset auxconstitutionsde leur pays, ces constitutions
fussent-ellesrépubticaines?2
La politique do Léon XIII marque une évolution,
direz-vous.Assurément.C'est l'évolutiondont je vous
parlaistout à l'heure,dont je vous signalaismême !o
point dedépart dans la chuto du pouvoirtemporel,–
1.Avraidire,la th6û)ijdu drolldivindei roisn'estqu'uneinterp)~)aUonarbitrairedet'O'Mn)')portosa Den.K))of".traotosdo)'!f!tnor(')tf;)cusonu pect'~natiquoqued'origittopo)it!quoetmon.ir.'h)f)')o.E))caët'jtfn~~tn~e,nondansun int<t eptrttupt,maisdansun int&r~ttemporel,dmat'intër~tdesprinces,pourrepoussertouteprétentiondespapessurtescouronnos.
L'AKTtCLÉÏUCAUSME. 265
évolutionquià certainségards,n'est qu'un retour à la
politiquedesgrands pontifesguelfes.Mais,encoreune
fois,quandce serait Jà, pour leVatican,une politiqueentièrementnouvci!e,de quel droit interdire à fUghso
toute évolution?Bienplus, commentl'anticlérical,quid'habitudesepiqued'êtreunespritphilosophique,peut-il
imaginerqu'il y ait une institution, fût-ce fEgiiso,qui
échappeaux loisdet'cvo!ution?Oncomprendraitencore
qu'un catholique\'tnt nous dire: fKg)iseest immuab!f,
fËgtisene peut subir J'actiondes idéeset des doctrines
d'une époque mais l'anticlérical,!e rationaliste,com-
mentoserait-itprétendreque t'Egnsoest pourainsidire
en dehors du temps et do t'espace? Commetoutesles
institutionsvivantes,D>isosubit t'innuencedu milieu,
l'influencedes idéesambiantes,sinondanssondogme,ce dont elle se défend,du moinsdans sa conduiteet
danssa politique.
L'Églisen'échappepasa l'actiondu n)i)ip.i.à l'action
do l'époque; nous le voyons,en Europe, en Franco
mémo nous io voyons, plus manifestementencore,
dans tespaysou l'ancienrégimen'a laissé,derrièrelui,
ni anciennesinstitutions,ni anciennesmoeurs,aux ~tats-
Lnis, parp~empic.L'JÊgHsoaméricaine,qui tient, au-
jourd'hui.une si grandeplacedans fËo)isocathoiiquc,esttoute imprégnéed'un esprit vraiment démocratiqueet vraimenttib~rat.J'ai eu l'honneurdorencontrerplu-sieurs des grands evequcsde fAmeriquo,et jo les ai
trouvés,ces prélats du nouveaumonde, aussi demo-
266 LES DOCTRINES DE HAtNf:.
1crates et aussi libéraux que les plus modernesdes
Yankees.
Pourquoicette évolutions'accomplit-elleplus facHe-
mentde l'autreeté de l'Atlantiqueque dans la vieille
Europe? C'est qu'aux États-Unisd'Amérique,!'Ëg!ise
se trouvesur un solneufet commesurun solétranger;
c'est qu'ellen'y a pas, derrière elle, les traditionsde
l'ancien régime, et tes anciens privilègesdu ctcrg<!
c'est, en outre, que sur l'autre rhô do FOccan,si elle
rencontre les défiancesanglo-saxonnes,i'Ëgtisono se
heurte pas aux rancunes,aux haines,aux menacesdo
rantictericatismo; c'est qu'au lieu do lui refuser la
liberté,sousprétextequ'elleen est l'ennemie,lesAmé-
ricainsaccordentat'Egtisecatholique,commeauxautres
t~gHBp~toutesles tibertes.
L'anticléricalisme,il fautbien le dire, n'est pas fait
pour apprendre a t'HcUsodf Franco t'amour de la
tibcrte. Que fait, Yis'&'visd'c))e, t'antic)erica),alors
m~noqu'il s'affuble,indûment,du masquedo!ib)?rat?
La!ii)crtoqu'il revendiquepour lessiens, l'anticlérical
la refusea t'Kgtisp.!t posoen principe,comme!odogme
dosonpSt;udo-tib6ra!ismc,que les inf!uence3ecclésias-
tiques muttent !a libertéea danger, et pour sauver!a
tibcr!6,que fait-il il la confisque.Prenezles libertésles
plusessentielles:la !ibprtdderenseignement,etaveceth'
la libertédelafamille,lalibertéd'association,laHLertude
lacharité,jusqu'àla )ibcrt6deconscifncc,!npremiorcdo
tout€9,quodevieanent-e!!e9,auxmainsdot'anticIMca!?
L'ANTtCLËRtCAt.tSHE. 267
S'it n'ose tes supprimer, ouvertement,il s'ingénie,
hypocritement,à lesrestreindreou à les étouffer il les
ajourneà l'époquelointaineoù l'Égliseet lasuperstition
catholiqueserontdéfinitivementvaincues. La liberté,
pourl'anticlérical,devientuneespaced'entitétou!onue,
toute théorique,sans vieréelleet sans valeurpratique.Elle n'est plus guère qu'un drapeaumenteur ou une
trompeuseenseigne,qui couvrel'oppressionet le mono-
pole.L'anticléricalen arrive, ainsi, tout commel'anti-
sémiteou t'antiprotestant,sous prétextede défendrela
liberté,à supprimerla plupartdeslibertés.
Est-celà semontrertiberat? est-ceta ce que doivent
faire les tiMraux sincères?Non, assurément,si bien
qu'endépit des vaines étiquettesde partis, j'ose dire
querien ne répugneplus au vrai libéralismequel'anti-
cléricalismesectaire.Leslibérauxne doivent pas faire
acceptiondo personnes,do religionsou de doctrines
ilsdoiventréclameruneégale liberté pour tous pourtes catholiques,comme pour les protestants, pour les
juifs,pour les francs-maçons.Ils doivent le faire,par
espritdo justice, par esprit do liberté, et aussi pourréconcilierles catholiquesaveclasociétémoderne,pourfaireaimor la Hepubtique,s'ils veulentque la Repu
!iquo puisse durer, et s'affermir.Cléricalou anticte-
rical, qui refused'accorderà tous cette égale liberté
n'estqu'un sectaire,un réactionnaire,un rétrograde.
268 LES DOCTRINES DE HAINE.
Il y a, pour moi, une autre raison de défendreles
libertésmenacéespar l'anticléricalisme;c'est qu'àmes
yeux, il est malaiséde soutenir que, dans !&France
d'aujourd'hui,le grandpérilpour la iitiertoest dn cot6
de t'Egtiseet du clergé. 1/antictéricatm para! à cet
cgard,la dupedes souvenirsdu passe il commet un
anachronismegrossier et dangereux. Tout entier à
l'effroides revenantsd'autressiècles,il ne voit pas les
périlsprochains.
Autrefois,pendant la longue lutte entre et
l'État, le périlpour la liberté– et voussavezcombien
cettelibertéétait chétiveet vacillante- a pu être. réel-
lement, du côté do rËgtbe, quandt'Eguso. mattresso
de t'umedespeuples,était une institutiond'État, alors
qu'elleétait vraimentun pouvoirdans t'Ëtat, et H cer-
tainségardsun pouvoirsupérieurà t ~tat. En est-ildo
même,aujourd'hui?L'Ëgtiseest-elloencore,cheznoua,
un pouvoir?Non,la eoeiëtomodernoa cto sécularisée.
!t n'y a p)us. en fait, qu'un seul pnuvoir.Dans cctto
longuelutte, huit ou dix fois ceeutRiro,de t'Ëgusoet
de i'Htat, s'it y a un vainqueur, c'est !'Ëtat il s'est
renduentièrementindépendantdor~gtise il est devenu
Jcseulpouvoireffectif.Ya-t-il un danger,aujourd'hui,
pour la liberté,pour ta porsonnatitëde l'homme,pourl'autonomiedola consciencehumaine,co danger n'est
plusdu côtédo rËg)i6e;il est,plutôt,dol'autrecote,du
côtéde rt~tat.Lepérils'esten quelque sorte renversé.
L'Étatayanttriomphado i'Ègtiso,t'Etat, devenutoseul
L'ANTtCLÉR!CAH8M3. 269
souverainet le seulpouvoir,tendà élargiren toussens
sondomaine,Aempiétersur les droits de l'individuet
sur lesdroitsde la conscience l'Étattend à s'emparerde t'omnipotpnceet ainsi, encore une fois, le danger
véritablepour la libertén'est plusdu côtédo Rome il
est,chezDous-memes,dans t'Etatismeet dans leCollec-
tivisme.
M.de Bismarck,en entamantio Kutturkampf,faisait
remonter!a !uttoentre t'Hgiiseet i'Ëtat, jusqu'àCalchas
et A Agamemnon.!i fallait, disait-il, délivrer Aga-memnondo l'ingérencede Calchas.Croyez.vousqu'en
France,aujourd'hui,!opérit soit du côté de Ca'chas?
Pensez-vousque notredémocratiesoitvraimentsousla
dominationdu clergé?Pour moi, encoreune fois,c'est
!a un singulier anachronisme. On compare souvent
t'Htatà un vaisseau,à une barque symbolique,som-
blableà la nef d'argentdes armesdo !a ville do Paris.
La barquequi deptoiosesvoilesau ventest exposéeau
naufrage; le vent soufnoavec violence,tantôt d'una
rive, tantôt do l'autre; pour (lu'elleno chavirepoint,
il faut prendre gardequ'elle n'inclinetrop du côtô où
la brise la fait pencher.D'oHeoufuc,aujourd'hui, lu
ventqui enuo tes voilesdo la Hcpubiiquo?!~t-codo
Hon<o?est-cedot'~gtisoet dola papautô? no serait-ce
pas, au contraire,du bord opposa? Selonun mot cc-
t~bre,on tombe du côté où l'on penche.Doquel côt~
pencha notre barqueaujourd'hui?Dobonnefoi, je ne
croispasqu'il puissey avoirde doutea ce sujet. Jetons
270 LES DOCTRINES DE HAINE.
les yeux sur le Gouvernement;quels sont tes hommes
qui dirigent les aSairespubliques,à l'Élysée,dans les
ministères,au Parlement? Sont-cedes cléricauxassu-
jettis à l'influence~u confessionnal?Interrogeonsle
pays; est-ceversla théocratie,est-ceversla domination
du clergéquenousemportentlescourantsquientraînent
lesmasses?Il faut,pourse le persuader,fermerlesyeuxà toutce qui se passe autour de nous.Si, en cesiècle
nouveau, il y a un péril, pour la liberté et pour la
sociétémoderne,ce n'est pas, encoreune fois,du côte
de l'Église.
J'ajouteraiune dernièrerëuexionqui, à mon sens,a
uneimportancecapitale.Onnousdit l'Égliseest oppo-séeà la liberté; la religioncatholique, certainsvont
jusqu'àdire touteÉglise,toutereligion,– estl'irrécon-
ciliableadversairede la liberté.
Cette opinion, elle pourrait encore se soutenir si
l'Église,si la religionétaiten possessionde la force et'
de ia souvsrainctë toutpouvoirsouverainest natu-
rellementtentéde restreindrela liberté do ses adver-
saires maistellen'est pas la situationde t'Ëgtise.Elle
ne règnepassur notresociété;la société,commei'Ëtat,
a été sécularisée.Ceseulfait changetoutes les données
et touteslesconditionsdes rapports de l'Cgiise et de
l'État. L'Eglise,la religion,ayantcesséd'êtresouveraine,
au lieu d'êtreune menacepour la liberté, serait plutôtune sauvegardepour la liberté.L'Église,la religion,pri-véede l'appui du bras séculier, devient libérale par
L'ANTICLl&mCAUSME. 2H
raison,par intérêtou, sivousaimezmieux,parforce;–
dites, si vous voulez, qu'elle devient libérale malgré
eue le faitest qu'elle est contraintede le devenir,
et ellene !edevient pas, uniquement, par tactiqueet
par calcul. La foi chrétienne,la religionen général,
l'Églisecatholique,eUe-même,est libérale,elle défend
la libertéhumaine,en ce sensqu'elles'opposeà l'abso-
lutismedes majoritéset à !a mainmisede l'État sur lea
consciences,et qu'elleest, par là même,un obstacleà
l'omnipotencede l'État, à l'absorptionde l'individuparl'État.C'estcequenombre de ses adversaireslui par-
donnentle moins,et c'est ce quetout libéral doit sans
cessese rappeler.Car, je ne sauraistrop le répéter, le
granddangerde nos sociétésmodernes,depuisqu'ellesont été sécularisées,c'estquel'Ëtat,ne rencontrantplus
enfacede lui decontrepoids,veuille,àsontour,s'empa-
rer de la société,de la famille,de l'hommetout entier'.
1.Onmopermettradoctter,&cetégard,que!queslignesdomonlivre,lesCoMoMqxet<(&<'fa<M',t'M et leM6c~<Mmo(PlonetKourr!t),pagesIM-287.eLeChrtsUantsme.quettcaqu'ensoientlesdoctrinesetlestendancesthcortqupa,reste&b)endeségardsunéMmentdehborte,parcequ'entantqueforcetndopendantedu
pouvoir,it demeureunedtguoonunettmttoàl'absolutisme.Nousn'ironspasrechercheraujourd'huiel,comme!eprétendaitMonta-
lembert,la notionmêmedupou~trabsotan'estpasdanssonprtn*cipe,nonnthtnsquedansMQUattonhtstûffque,pluspatennequechrcttenne.11noussuffitderappelerquelecatholicismeneBaurattservirle dcspottemoquest codernierse metà sonservice.Or,dansl'Europecontemporaine,danscotreFrancedémocratiqueeuf-tout,c'esttaunpérilchimérique.tt n'ya pluspourendouterquo
272 LES DOCTRINES DE HAINE.
Et c'est bien à quoi tend, inconsciemment, l'anticlé-
ricalisme, quand il prétend, lui aussi, au nom de l'inté-
rêt do l'État, restaurer ce qu'il appelle l'unité morale
ou l'unité nationale de la France. Par là, il aboutit,
malgré lui, comme le cléricalisme, à l'asservissement
des esprits par là encore, l'anticléricalisme ressemble à
l'antisémitisme et à l'antiprotestantisme. Tous les trois
prétendent refaire l'unité de la nation; tous les trois
sont, également, prêts à sacrifier les libertés publiques
à ce fantôme d'unité, et par là même, tous les trois se
montrent, presque également, quoique diversement, les
adversaires de la liberté.
les esprits extrêmes des deux borde opposés,que des tUumines
presqueégalementaveugles,abusésles uns par leurs regrets; te:)
autres par leurs craintes, qui, dans l'opposition même de leurs
vœux, font simultanément à la société moderne, à la sotiet6
!nïque,l'injure de ne pas avoir confiancedans !a Muditû do ses
conquête".BSi la liberté, dont !oregno est si facile ù proclameret si labo-
rieuxà ~tnb!ir,si les tibertes publiquescourent un danger, co quiles menace,cen'est assurémentni la théocratie,ni la monarchiede
droit divin. L'écueil, pour elles,aujourd'hui commoaux premierssièclesde notre are, c'est l'omnipotencedo t'Ë'at, l'asservissement
do l'individu, do la famille,de la sociétépar l'État, absorptionren-
due plus facileet plus dangereusepar l'avènementdo la domocra-
tle, par la souveraineMimpersonneUedapeuple, substituéeà l'em-
pire d'un seul. Or, qu'il le veuille ou non, le Christianisme est
aujourd'hui, comme au temps des Césars païens ou des Kaiser
germaniques, une barrière à cette conflscatlondo l'individu, un
obstacleà la mainmisedo l'État. Peut-être co sentiment n'est-il
pas étrangerà l'aversionde certainsdémocratespour le Chnetia-
chme.
L'ANTICLËRICAt.ïSME. 2~3
C'estco queje meproposede voua faire voir, dans
ma prochaine et dernière conférence,et, en même
temps,j'établirai, devant vous, conformémentà mes
observationsprécédentes,que la recrudescenced'anti-
cléricalismeà laquellenous assistons,aujourd'hui,est
en grandepartie le résultatdescolèreset des menaces
de l'antisémitismeet de Fantiproteatantisme.
CHAPITRE VI
CONCLUSION
1. Quet'anticléricatismoa été réveillépar t'antisemitismeet l'anti-
protestantisme. Commentils ont discrédité les revendications
descathoUqufset amenôt'echecdo la politiquedo LéonXIlI en
France. Commentles aanti B6'cnttventto droit de réclamerla
liberté. Quel'intolérancedesunsoejustu!era9elle desautres.
11.D<<la pt-êtenHondes trots a anti Ddorefalrol'unité natio-
nale. CommentHainvoquent tout les trois la contrainte.
Quel'unité de doctrineno peut être r~atispedans!'6tat moderno.
111.Comment, sous pt~tcxto de défendre )'unit6 dot'~tat
ou !*onit6moralo ~e la nation, les trois a anti t-oréclament
égalementde l'ancien régime. Do la prétention dono to~rfr
aucunKtatdansl'État. 0~ est le péril&cet ~gardauJourd'hui?
loisd'exceptioncttcaUmitsdorHommo.–Qaota liberté
et t't'-gatitësunt seulesconformesil t'e-prit mo'tt'rnf.
MBSStEURS,
Nous allons auhever, aujourd'hui latrop longue ëtudo
que j'ai entreprise devant vous.
Dès notre première réunion, j'ai dû poser en principe
que les trois a anti o, l'antisémitisme, i'antiprotestan-
CONCLCStON. 276
tisme, l'anticléricalisme,s'appelaient,se provoquaient,
s'exaltaientl'un l'autre.Nouaen avonsla preuvepar ce
qui se passe,en ce moment,sousnosyeux.
D'oùprovientcetterecrudescencedet'anticiericaiismp
à laquelle noua assistons?Le péril a c!éricate est-il
plus menaçantqu'il y a dix ans? Le clergé pst-ii le
directeurde l'espritpublie, et les congrégationssont-
elles maîtressesdo la France? Serait-ceque, dans les
élections,nousvoyons!e suffrageuniverselsoporteren
masseversceuxque, pour les discréditer,leurs adver-
sairesappellenttescandidatsdescurés?Serait-ceencore
quele Pape s'ingère,chaquejour, indûment,dans noa
affaires intérieures,ou que le Vaticana donné pour
mot d'ordre, aux catholiques, le renversementdo la
République?
Non, assurément; !a grande raisonde la recrudes-
cencede l'anticléricalisme,elleest aUteuMit n'est pas
besoindo la chercherbien loin e!!oest, nous sommes
forcesde !oconstater,dans les violences,dane les me-
nacesde l'antisémitismeet de l'antiprotestantisme.Je vousdisais, – je disais aux juifs et aux protes-
tants semez!'anticterica)!smeet vous récolterezl'anti-
sémitisme et i'anUprotestantisme.Je vous dirai de
276 LES DOCTRINES DE HAINE.
-~A-–JtL-ï ) t* ttmême,aujourd'hui,– je direi aux catholiques semez
l'antisémitisme, semez i'antiprotestamisme.et vous
récolterezl'anticléricalisme.
L'antisomiUsmoet i'antiprotestantisme,à la suitede
i'ACairoque vous savez, et pour desraisonssur !es-
quelles je crois inutile d'insister, ont pris une force,une vigueur nouvelles Ils se sont montrés plus
bruyants,plusinjurieux,plus agressifsque jamais. t!s
ont trop laissé voir qu'ils croyaient enfin arrivd !o
jour de leur triompheet de leursvengeances.Ils ont,
par leurs criset par leursprovocations,ranimélespas-sionsconfessionnelleset reveiUol'anticléricalismemal
assoupi.Et commel'intoléranceappelleI'into!éranco,ils ont été, malgré eux, les principauxfauteursdes
colèresdorantic!ërica!ismo.
Commentne l'avaient-ilspas prévu? il fallait tout
l'aveuglementdo la passion et da la haine pour quelesapôtresdol'antisémitismeet de l'antiprotestantismone sentissentpas quel périlleuxcontre-coup,pour les
catholiques,devaient avoir ces ardentes prédicationscontre le juif et contre le huguenot.L'antisémitisme,
i'antiproteatantismon'aita;ent-i!s pas jusqu'à s'offriraux populationscomme les vraie, les seuls représen-tants de !a traditioncatholique,aussi bien que de la
traditionnationale?Par là, ils ne devaientaboutirqu'àune chose à compromettrel'Église et les catho-
liques.
Je dois parler, ici, en toutefranchise.Tropde catho'
CONCLDStON. 27?
16
liques, trop de membres du ctefgé, trop <*efeuilles
soi-disantreligieusesont laisse identifierli. causedo
rÊgiiseavecce!!ede l'antisémitisme.Lehaut ctergé,il
est "ai, l'épiscopat,notamment,s'en est bien gardé;
il était, pour cela,trop sage. Les évoquesse sont tus;
leur prudences'est rëfugiéedans !e silence mais ce
silencemême,que leur ont parfois reprochéles nnti*
sémites,d'autre?ontpu y voir un acquiescementtacite
à l'antisémitisme.Moines,prêtres ou laïques,trop peu
de catholiquesont senti que leurdevoir,commeleur
intérêt, était de répudier !e9 violencesde t'antisémi*
tisme*.Lesuns nol'ont pascompris,les autresne l'ont
pasosé.Car, il faut to dire à la déchargedes timides,
l'antisémitismeest une puissance !a presseantijuivo
et antiprotcstantoa exct'côune véritable terreur sur
certainesclassesde !a population,particulièrementsur
les catholiqueset sur les membresdu clergé.J'en ai
entenduplusd'un s'enp!aindro,toutbas; bienpouont
oseprotester,tout haut, et désavouer,publiquement,co
compromettantallié.Quelques-uns,tout en regrettant
lesexcèsdola polémiqueantijuivoou antiprotestanto,
ont cru trouver, dans l'antisémitismeet dans i'anti-
protestantisme,une diversioaauxhaineset auxmenaces
de t'antictëricat'ame.Ils se sont Oattésque !e cri ~c
t. Quelquesp~tfMt'ontfaitcependanten Francoet&l'étran-
ger.Atoet,enAllemagne,!edocteurPr.Pmnch,anciendéputenu
Rc)c))staget uuLandtagbavamls,auteurdoD'oHlrchc«ndd<o
/MdenetdoDerMuo<nton<(Mc~ensburg,O.-J.MaM,1901).
2~8 LES DOCTRINBS DE HAINE.
A bas lesJuifs1 couvriraitceluide A baslesJësaitestt
au lieu de sentirque ces cris de haines'appelaientet
se provoquaientl'un l'autre. Détestablepolitiqueet
coupablescalculs1 qui se rencontrentaussi, en sens
inverse,chezcertainsdes fauteursde l'anticléricalisme,
et qui se retournent,fatalement,contreles promoteursdocesdiversionsodieuses.
La recrudescencedo l'anticléricalismeparlcmcntairoen est la preuvemanifeste.C'est, avant tout, la réper-cussiondes violencesdo l'antisémitismeet de l'anti-
protestantisme,à la suite du procèsde Rennes.Pour
nombredoceuxqui t'ont votéoou soutenue,la loi sur
lesassociationsn'est qu'une réponseAl'antisémitisme
et la dispersiondes jésuites,qu'uno mesuredorepré-sailles.
Heportez-vousà cinqans, à dixansen arrière; l'anti-
cléricalismesemblaiten baisse c'était, déjà, quelquechosed'un pousuranné, d'un peu vieillot; les espritsles plusdistinguésou les plussérieuxsemblaients'être
affranchisde ses antipathiesou de ses préjugés; les
décrets contre les Congrégationsétaient tombés en
désuétude la tibortoreligieuse,la liberté d'enseigne-
ment, la liberté d'associationsemblaients'acclimatercheznous la politiquedu l'apo L~onXIU paraissaitdevoirproduireses fruits.
Cettepolitique,noussavonsquelleen était la haute
et large inspiration.Pour la première fois peut-être,
depuisprèsd'un siècle,siégeait,sur la chaire romaine,
CONCLUSION. 219
un PapecomprenantJ'espritde son temps. Le succes.
seurde Pie1X ne fraignaitpas do faire des avancesà
ladémocratieet à la République.tt faisait appel aux
idées de toléranceet de paix. C'était un pontife qui
méritait,entre tous, !c nomde pacifique. prodiguaitseseffortsp~'urdélivrerl'Églisedes compromissionsdo
partis et dégager!o clergédes liens politiques.Cette
ccuvred'apaisementdu PapoLéonXHÏ, ellesemblait,
naguère encore, en voie de réussir; nous sommes,
aujourd'hui, contraint d'avouer que, chez nous, en
France,ellea échoue.Aqui en est la faute?
L'échecde la politiquedo Léon XIII tient à deux
causesconnexes.Sonactionpacificatricea rencontréun
doubleobstacle, un double fanatisme: d'un côté, !o
fanatismeantictericat,lespréjuges,lespassionset,aussi,la tactiquedes rôvohuionnaircset des politiciensquicroientavoirintérêt à entretenir, parmi les foutes,les
préventionset les haines do t'antictpricatismo; d'un
autro coté, le fanatisme antisémite, les préjugés, les
rancuneset, aussi, la tactiquedes hommesqui croient
a'.oir intérêtà exalter,dans les masses, lesjalousieset
lescolèresde l'antisémitismeoudo l'antiprotestantisme.
Car, lorsque jo me aéra du mot fanatisme, je faia
honneurauxsectairesou aux agitateursdesdeuxpartis,en leur attribuant, comme unique mobile, un senti-
ment aprèstout dëaintërc:<st;.Pour beaucoupdes me-
neurs, dans les doux camps, le fanatismeet la pas-sionsectairese doublentdo calculs,qui n'ont souvent
280 LES DOCTRINES DE HAINE.
rien d'honorable. Pour beaucoup de tours apôtres,!e?fureursdestrois aantia ne sont qu'une façond'ex-
ploiterl'aveuglecrédulitédesmasses.
A l'antisémitisme, à l'antiprotestantismerevient,ainsi, pour une bonne part, et j'ose dire pour la
principalepart, la responsabilitéde la recrudescencede
l'anticléricalisme.Leursemportementsont réveUiélesdéfiancesanciennes leurs appels à l'intoléranceont
effrayélesuns et irrité les autres leurs menacesont
décourageles amisde la liberté et stimuté les ennemisde i'Ëgiise.L'antictericaHsmon'a eu qu'à montrer cesrevenantsdu moyenâge ou de l'ancien régimepourrendre suspectsles catholiquesqui osent invoquerla!iberto.
Lesplussagesdescatholiquesont comprisque, danstaFrancomoderne,iln'yavaitde sécurité,pour l'Église,et de paixreligieuse,pour le pays, que sur le terrainde!a liberté largeterrain accessibleA tous et qui doitrester ouvert d tous; mais quand ils ont voulu a'yétablir, l'antisémitismes'est joint a l'anticléricalisme
pour leur rendrela ptacointenable.Quellepouvaitêtrel'autoritéde cescatholiques,si sincèresfussent-ils,pourréclamerla liberté et l'égalité, au nom du droit com-
mun, alorsqu'a côtéd'eux, et jusquedans!euMpropresrangs,dosécrivainsou desorateursdont la voixportaitau loin, et qui sodonnaientau pays commeles repré-sentants attitrés de t'EgUsoet do l'esprit cathoHquo.refusaient,bruyamment,le bénéficede la libertéet du
CONCLUSION. 281
16.
droit commun à des catégoriesentières de citoyens
français?'1
L'antisémitismea ainsijetë le discréditsur tes reven-
dicationsdescatholiques l'antisémitismeleur a enlevé,
aux yeuxd'un trop grandnombre de nos concitoyens,
le droitdoparlerde liberté l'antisémitismea permis,à
deshommesde bonnefoi,demettreendoutelasincérité
et la loyautédescatholiquesqui réclament t'ègatitëet
le droitcommun l'antisémitismea justiûè, pour trop
de nos compatriotes, les mesuresde défianceet de
défenseproposéescontre l'Égliseet contre les congré-
gations,si bien qu'on pourrait dira que les premières
victimesde l'antisémitismeauront et6 le c!ergôet les
congrégationsreligieuses.
Et celaétait fatal, et lorsquenous l'annoncions,aux
catholiques,il y a quelquesannées', nousn'avionspas,
pourle prodire,besoind'êtreprophète.
Bien,en ffïft, n'est plus dangereuxpour les catho-
iiquca,pour leur cierge,pour leurs congrégations,qued'avoir t'air de réclamer,comme !o font chaquejourlesantisémites,des loisd'exception,des restrictionsaux
droitecivils ou politiques,des mesures d'intolérance
contreles Juifs,contrelesprotestants,contretes~judaï-
Mnko, contro qui que ce soit. Les catholiques, le
ctcrg5,lescongrégationsne peuvent avoir do libertéet
do sécuritéqu'encherchantun refugedans la Hberto
t. Voyez<n«!<'M«~n)p,conférenceAt'tnsUtutcot)tot!que,CalmannLévy,1897,p.88.
282 LES DOCTRINES DE HAtKK.
commune.La libertédoit être leur place forte mais,
pourqu'ils puissents'y maintenir et s'y retrancher, fi
faut qu'ils y admettent, loyalement,les autres a côté
d'eux,juifs, protestants,librespenseurs.La libertédoit
offrirunabri à tous, ou ellene peut abriterpc 'nno.
Dotousles Français,lescatholiques,lesmembresdu
clergé,les religieuxsont lesplus intéressesà repousser,
jusqu'en leur principe, leslois d'exceptionrec)amccs,
follement,par lesantisémites.t<csloisd'cxcertiousont
unearme&deuxtranchantsqu'il est insensédo mettre
auxmainsd'unodémocratie.K))Lsb!essent,tôt outard,ceuxqui osents'en servir; clics so retournent,d'habi-
tude, contreleurspromotoura.C'estlà, une vieilleleçonde t'hi&toirc.Happe)ex-ousles nombreuxactesd'into-
Icruncodu passd vous verrezquetoutes les religions,toutes les doctrines,tous les partis ont ct(! proscritssuccessivement,i'rcncxla patriede l'Inquisition,prenez
FEspagnoquo certains canti o semblentvouloirnous
donner pour modeto – t'Hsp~nu a commcncdses
proscriptionspar les juifs, cHoa continuepar lcs
hcfcUqucs,puis par les Maures,o!toa terminf!par tes
Jésuitts. Prenez la Francodo l'ancien rcgimoou la
Francodola Révolution: vous savezque les lois de la
Terreurcontre lesémigréset controtes prctres aascr-
mcntesno sont guero quo les toiado t'anciennomo-
narchie,lesloisde LouisX!Vet do LouisXVcontreles
PretcnduaReformes.
C'estunochosequ'aucunde nousnodevraitoubHor,
CONCLUStOX. 283
unechosequetes catholiqueset lesdéfenseursdeFËgtise
devraienttoujoursavoirprésenteà l'esprit tout appel
à l'intoléranceet à desloisd'exceptionse retourne,chez
nous,contrat'Égtisoet contrôlescongrégations.Ellesen
font, en comoment,la dureexpérience.Commesi elles
en étatentresponsables,c'està ettes qu'onft)itpayerles
violencesde l'antisémitismeet de t'antiprotestantismo
c'est sur ellesque rctonhoutles coupsqu? certainsde
teura amisvoulaientporter à d'autres; et quand olJes
viennents'en plaindre, au nom do la liberté, on raille
leurs dotcanMsen lesrenvoyantaux pamphtctaanti-
juih, commesi l'on n'excrcaitcontroc))esquedes repré-
sailles.
Maistesmenacesdesantisémiteset desantiprotestants
ju"tim'nt-pm'stpsvio!encesdo t'antic!~Wca)ismo?Doco
que dessectairesont rectnmôdes mesuresd'exception
contrelesjuifsou contrelesprotestants,est-ceune rai
son pour qu'on prc'noodes mesuresdu mémogenre
contre tct catholiques,contMleur ctcrgcou leurscon-
grenations?Non,assurément;stc'esttauneexplication,
co n est pasur.ojustincation.L'intotërancen'excusepas
t'intoterance.Ceseraitmémod'une politiquedétestable,
car, 6')!est vrai quet'pntisemitismofomentoranticteri-
calisme,ilest cgatemcntvrai, commejo voual'ai déjà
rappelé,quel'anticléricalisme,a sontour, fomentel'an-
tisémitismeet t'antiprotestatttismo.Des lois antictert-
calcs, des mesuresviolentescontre la liberté, contre
la propriétédu clergéou descongrégationscatholiques,
284 LES DOCTRINES DE HAINE.
loin d'étoufferl'antisémitismeou l'antiprotestantisme,ne feront que donner des forceset fournir des argu-mentsauxantisémiteset aux antiprotestants.C'estalors
qu'ilsauront!edroit de crierà l'inégalitéet à !apersé-cution.Tandisqu'onprétendjustiSerleslois anticléri-calespar lesviolencesdel'antisémitismeet de l'antipro-testantisme,cesloiscontreFËgtisoet contrelesreligieuxparaîtront,à une notablepartiedu pays, !ajustificationde l'antiprotestantismeet de l'antisémitisme.C'est lecerclevicieuxde l'intoléranceet de !a violence.Le juifet !eprotestantseront,à leur tour, victimesde l'anticlé-ricalisme.
Je sais que,dansJesdeuxcamps,on dit, pour sejus-tifier, qu'il est tempsd'en finir; je saisqueles antisé-miteset lesantiprotestants,d'un côté,que lesanticléri-
caux,do l'autre, nou, promettentégalementJapaixet la
liberté,après!avictoire;je saisque lesunset tes autresse prétendent égalementobligés de poursuivre leurfunestecampagne,parce qu'il s'agit,pour eux, de sau-verou de restaurerce qu'ils appellentl'unité nationaleou l'unitémoralede la France,et qu'en dehorsde cette
unité, !a France, à les entendre,ne peut trouver niliberténi repos.
CONCLUSION. 285
Il
C'est là, je vous l'ai déji montré, une des idées
essentielles,on pourrait presque dire l'idée mère des
trois a anti a. C'estpar là surtout qu'ilsse ressemblent,et qu'à traverstoutesleurs divergenceset leursopposi-
tions, ils se reproduisentet se réttëchissentt'un l'autre.
Leraisonnement,cheztous les trois, est identique le
but et les procédéssont analogues.La France,répèteavecuneégaleconvictionchacundes eantie, estcoupéeendeux il y adeuxFrances,ilya deuxjeunesses;c'est
unesituationpérilleusepourun peuple il faut, avant
tout, rendreà la Franceson unité. Et cetteunité intel-
lectuelleou morale, cette unité nationalequ'ils invo-
quent pareillement,chacundes eanti o se Oattede la
refaire, à son profit, en écrasantou en éliminantses
adversaires.
Quedit l'antisémite?Il dit aLaFranceestaryenne,la Franceest chrétienne arriére les juifs arriére l'es-
prit sémitique qui dénationalisel'esprit français et
détruit l'uniténationale1s
Quedit l'antiprotestant? 11dit aLa Francoest latine,
la Franceest catholique.Arrièreles Ituguenotset le pro-testantisme1 arrière l'esprit germaniqueou genevois
qui faussel'espritfrançaiset en détruitl'unitét e
M6 LES DOCTRINES DE HAINE.
Queditenfinl'anticlérical?Il dit: aLaFrancemoderneest fillede la Révolutionet de la LibrePensée.ArrièreRomeet les Jésuites,arrière les cléricauxet les repré-sentantsde!a réactionqui osent opposerla Francedu
passé à la Francenouvelle,et qui empêchent l'espritmodernede refairel'unité moralede la nation, a
Chacun des « anti », en déployant son drapeau,pousseainsi son cri de guerre, et chacun d'eux se
réclame,avec une égalesincérité,do l'intérêt nationalet de la traditionnationale.Car,dans le longet mobile
passéde notrepayset dans nos trop nombreusesrévo-
lutions,chacunchoisitarbitrairementsonépoqueet ses
héros,chacuninvoquece qui peut tournerau bénéOcede sa thèse,chacunse donnecommele représentantde!avraieFrance,et dénonceses adversairescommelesennemisde la traditionet dol'unitéfrançaises,oubliant
que notre histoire est trop variée et trop tourmentée
pour qu'onpuisseramener le géniefrançaiset l'espritnationalà l'unitéde doctrineset de tendances.Ils invo-
quent l'uniténationale,et ils ne s'aperçoiventpasqu'eneeproscrivantlesuns les autres, au nom dos luttes du
passé,ilsperpétuentet ils envenimentles divisionsdeh communepatrie.
Le plusgrave,c'estque, pourrefairecetteunitéde la
nation,chacundes « anti a en appelle&i'Ëtat, c'est-à-dire à la toi, c'est-à-direà la contrainte,à la force.Cet
appelà la contrainte,cetappelA la toi, l'antisémitelefait cyniquement. –Aquoibon Mgêneraveclesjuifs,
CONCL08ÏON. aa'7
L'anticlérical,au contraire,y apporteune sorted'hypo-
crisie,qui est sa façonde rendre hommage&la liberté,
tout en la violant.Lescatholiquessont trop nombreux
pour qu'on puisse s'attaquerh tous, directement;on
s'attaqueà leur clergé,à leurs congrégations,à leurs
collèges,à leursécoles;mais lesviséesdescombattants,
sinonles procédésde la lutte, n'en restent pas moins
semblables.C'esttoujoursau moyendel'actionde l'État
et de la contraintelégale,qu'anticléricaux,antisémites,
anUprotestantsprétendent ramener la France dans
l'étroitsentierde l'unité.
Cetteidéede l'unitéintellectuelleou del'unitémorale
quenousrencontrons,également,chezlestrois«antis,
c'estune idéereligieuseplutôtqu'une idéepolitique;et
si, commeles trois <'anti », on en recherchela réali-
sationdans la contraintelégaleet dans la conformité
extérieure,je dirai que c'est une idée du MoyenAge,une idéedol'AncienRégime,incompatibleavec l'Etat
moderne,commeavecl'espritmoderne.
Certes,envisagéeen elle-même,commeun libreenbrt
des intelligenceset une aspiration vers l'unité des
MBUN,c'est une grande, une noble idée. L'humanité
tend, à traverslessiècles,a traversles luttes de peupleà peuple, commeà travers les guerres de doctrines,vereuneunité idéale.L'aspirationà l'unité est légitime,
lorsqu'elleest volontaire,lorsqu'elleest spontanée,lors-
qu'ellesort de l'âme et de la conscience;mais si l'on
veut, commeles o anti a, la poursuivrepar la force,
288 LES DOCTRINES DE HAINE.
on aboutit, fatalement,à la violenceet à l'oppression.L'histoireentièreen estla preuve.Toutesles formesde
tyrannie, religieusesou politiques, toutes les persé-cutionsde la pensée,cetteidéed'unité lesa couverteset
justifiées.
Unereligion,une Églisepeut prétendreà l'unité de
doctrine;certainesÉglises,commel'Eglisecatholique,re peuvents'~npasser.C'est,pourelles, une condition
d'existence;on comprendqu'elles lui fassent tous les
sacrifices.Mais,en est-il de même d'un État, d'unenation?UnËtat n'est pasune Église,un État moderne,surtout. Au rebours d'une Église, il doit faire place,dans son sein, aux doctrinesles plus diverses; c'est,
pour lui, une conditiond'existenceet une conditionde
puissance.L'unitéde doctrineaboutirait, pour lui, à !a
mutilationdu peupleou à l'amputationdu génienatio-nal. e S! ton mitdroit te scandalise,arrache ton œii s,dit t'Evangiie.Est-ce là un précepte applicable auxnationsmodernes?L'unitéde l'État ne peut plus con-eisterdans t'unubrmiMdes croyances.L'anticléricalendoit prendre son parti, tout comme !e clérical, tout
commel'antisémiteet i'antiproteatant.Et remarquezl'inconséquencedesdoctrineset !acon-
tradictiondeshommesUne deschosesqu'en tout paysl'anticléricalreprocheleplus, et le plusjustementdirai-
je, au cléricalismeet auxcléricaux,c'estde vouloirem-
ployerl'actionpublique,l'autoritéde l'Étatà maintenirou à restaurerl'unitéde doctrine.Or, que fait, à son
CONCLUSION. 289
t1
tour, i'anticlerical?Dfait, exactement,la mêmechose;
il prétend, lui aussi,établirou restaurerl'unitéde doc-
trine,nonplusau pro8t de l'Église,maiscontrel'Église.n appelleà sonaidela loi, il invoquelebrasséculier,il
nereculepas,aubesoin,devantJecoMpeMetM~m~e.Toute
la différence,&cet égard,entrel'anticléricalet le cléri-
cal, c'est que l'un est logique,et que l'autre ne l'est
pas.
Qu'on la couvre des noms d'unité morale, d'unité
Intellectuelle,d'unitédepensée,d'uniténationale,l'unité
ainsientendue,au sensde conformitéde religionou de
doctrine,est uneidéed'un autreâge,et j'ajouterai,une
idéepëriUeusopour les peuples modernes.Suivant !e
mot d'un grand historien, de Mommsen,parlant des
juifset des antisémites,pareille idéed'unité n'est pasuneidéeimpériale.LesgrandsÉtatsdoiventêtreouverts
auxhommesde toutescroyances,de toutesreligions;ib
ne peuventse fonder,ou ils ne peuventdurerqu'à cette
condition.Un petit État, une principauté minuscule
peut seule,aujourd'hui,prétendreà l'entièreunité de
religionou de doctrine;et encore,tousceuxqui rêvent
d'expansionont dû y renoncer,témoinla Grèce,témoin
la Cernagora,longtempsgouvernéepar ses évoques,!e Montenegro,depuis ses agrandissementsde 1878.
Pour conserverintactecetteunité dana l'uniformité,il
faudraitune Républiquede Saint-Marinou d'Andorre.
890 LES DOCTRINES DE HAiNR.
Mais,disentles trois a anti a, s'il est difficile,s'il est
impossiblederéaliserl'unitéde doctrine, par la loi et
par la contraintelégale,il est une chosedont le paysne peut se désintéresser,une choseà laquellenous no
pouvonsrenoncersanspérir, c'est l'unité de i'Ëtat. Or,it y a, cheznous, dea ordres, des corps, des corpora-
tions, dessociétés,qui demeurentun péril pour l'État
et pourla nation,parceque, selon la formule célèbre,ellesconstituentun État dansl'État.
C'est encore là, je vous l'ai déjà signalé,une des
idées communesaux trois a anti D.Tous les trois se
présententa nous,commelesdéfenseursdo l'unitéet de
l'indépendancede t'Ëtat, contredes groupesorganisés,contre des corporationsenvahissantesqui prétendent
empiéter sur la puissancepubtiquo, ou se la subor-
donner. L'antisémitismenoua crio, chaquejour aLe
judaïsme, l'AllianceIsraélite Universelle, la Haute
Banqueconstituentun Etat dans l'Ëtat, une puissanceoccultequi est en train de s'assujettirla France, si ce
n'est le mondemodernetout entiera. L'antiprotestan-tisme traite de m~mo!e8 protestants il montre les
huguenots,rodevenusun parti politique,conquérantla
haute main sur l'enseignement,sur nos adminis-
trations,sur la Républiqueelle-même.L'anticterica!,à
sontour, affirmela même chose de i'Ëguaeromaine,
de son clergé,de ses congrégations;il !eareprésente
commeétendant,sur la France,le ténébreuxiéseaude
leurscouventset doleursamHations;commepréparant,
CONCLUSION. 391
par leurmainmisesur J'enseignementet sur l'armée,la
prochainedominationde t'Ëgtise.
UnÉtatdanst'Ëtat N'est-cepas là un vieuxgriefet
un vieuxclichéquia servi, tour à tour, contrelesreli-
gions, contre les sociétés,contre les partis les plus
divers? Un État dans l'État 1 Mais,ne sommes-nous
pas en droit do le demander à ceux qui s'en épou-
vantent,tesjuifs, tesprotestants,t'Egtiseet ses congré-
gationssont-ilslesseulespuissancesdont l'Étatmoderne
ait à s'inquiéter?y
N'y a-t-ii pas, chez nous, en France, aujourd'hui,
d'autresÉtatsdans l'État? N'ya-t-ilpasdes forcesnou-
velles, des groupementsplus jeunes qui n'ont pas
l'aspect religieux,qui ne se présentent pas sous une
enveloppeconfessionnelle,et qui sont autrement re-
muantset autrementmenaçantsque lesspectresconfes-
sionnels,tantredoutésdel'antisémite,deJ'antiproteslant
ou de rantio!éricat?La démocratiemoderne,le socia-
sme, le collectivisme,avec leurs fédérationset leurs
syndicatsouvriers,ne tendent-ilspas, eux aussi,à for-
merdesËtatsdansl'État?Lesocialismenose vante-t-il
pasd'avoirouvertune èrenouvelleob tesgroupements
de ctaMCsdoivent succéderaux groupementsconfes-
aionnetaet aux partis politiques,où la guerrede classes
doitsosubstitueraux rivalitésinternationales,aussibien
qu'auxluttes religieuses?'1
Oùdonc nous mèneraitcettedoctrinecommuneaux
trois<anti c que FËtatnopeut supporterdanssonsein
292 LES DOCTRINBS DE BAtNB.
de société,d'Ëgtise,de corporationautonome,sansque
l'indépendanceet l'existencemêmede t'Ëtat soienten
péril?Celane nousmèneraità rien moinsqu'à la néga-
tionet à la destructionde toutesles libertésmodernes,
de toutesles libertéspubliqueset privées,libertéde la
familleou libertéssociales,et spécialementde la liberté
d'enseignement,do la libertéd'association,de la liberté
de la chanté, de la libertédu travail,dola libertéreli-
gieuseette-mûme.
Oùnousconduiraitcetteprétentionde ne rien tolérer
qui ressembleà un corpsdans l'État? Elle nousmène-
rait àfairedotoute libertéun privilège,partant à res-
taurer lespratiquesde l'Ancien Régime,et ce qu'avaitde plus inique et de plus choquantl'AncienRégime
en sesplusmauvaisjours.
III
Telest, en effet,l'aboutissementlogique,l'aboutisse-
mentfatalde chacundes trois e anti a; et il n'en peutêtre autrement,car leurconceptionde l'unité nationale
ou do i'unité morale,commeleur notion de l'unité de
t'Etat et de la puissancepublique, est une idée de
l'AncienRégime, dont l'AncienRégimea longtemps
poursuivil'application,et qui ne pouvaitse justmeret
se réaliserqu'avec lesloiset les principesde l'Ancien
COKCLUStON. 293
Régime.Cettemanièred'entendrel'unitéde la nationet
l'unité de l'Ëtat n'est plus, aujourd'hui,qu'une survi-
vancedu passé,qu'un anachronismerétrograde.C'estpour cela que l'anticlérical,l'antisémite,l'anti-
protestant,entraînés,commemalgréeux,par la logique
de leur principe,tendent, invinciblement,à faireappelaux souvenirs,aux traditionsde l'AncienRégime,à ses
maximes,à ses lois,à son esprit. C'estqu'à l'imitation
de l'AncienRégime,les trois a anti Dprétendent,éga-
lement,légiférercontreune doctrineet au proStd'une
doctrine.C'estqu'à l'AncienRégimeils ne craignentpas
d'emprunter sa conceptionde la souverainetéet des
droitsde l'État, avec tous les abus de la raisond'État
c'estqu'ainsi que l'AncienRégime,ils co reculent ni
devantlesloisd'exception,ni devantla confiscation.
Cesappelsà l'AncienRégime,l'antisémiteet l'anti-
protestantles font, tout haut, tous les joua, avecune
sorte de cynismeinconscient.Que demandel'antisé-
mite? S'il n'exigepas quenous revenionsaux bûchera
du MoyenAge,il réclame,impérieusement,qu'on réta-
blisse, contre les juifs, les lois du MoyenAge et les
incapacitéscivilesde l'AncienRégime.Que demande
l'aatiprot~tant, quand il ne se contentepas decrier
aVivela Saint-Barthélemy1ou de vanterlesbienfaits
do la révocationde l'Édit de Nantes?!! demandequ'à
défautdes loisde l'AncienRégime,l'Etat témoigneaux
protestantsles défiancesde l'Ancien Régime. Reste
l'anticlérical;est-coque, vraiment, il ose, lui aussi,
294 LES DOCTRINRS DE HA!SH.
faire appel aux lois ou aux maximesde la France
ancienne? – Sans cui douta; Usezles feuillesanti-
cléricales,écoutezles discoursdu Parlementdans les
débatssur )es questionsreligieuses,reprenezla discus-
sionde !a loi sur les associations vous serezfrappésde ce fait qu'a chaque instant, dans leur argumenta-
tion, les adversairesde FËgiiseet des Congrégations
s'appuient, sans vergogne, sur t'autoritodes lois do
l'AncienRégime.Ils remontentau besoinjusqu'àChar-
lemagne,ils citent respectueusementles éditsde l'an-
ciennemonarchie,ils invoquentà leur aide tous les
rois et tous les Parlementsde l'ancienneFrance,nous
lesdonnanten exempleset en modèles,commesi nous
vivionstoujourssousl'AncienRégime et quand l'an-
ciennomonarchieet ses paiements no suffisentpasà
justifier leur thèse, Us appellent,à leur secours, la
Révolutionet Napoléon,dans tes actes et les décrets
où la Révolutionet Napoléonse sont manifestement
inspirésde l'espritde t'AncionRégime.En vraisdisciplesde l'AncienRégime,aucundcatrois
a anti Dne se ferait scrupuledo rétablir, contro ses
adversaires,des incapacitésciviles ou politiques,Ces
incapacitésciviles,cesincapacitéspolitiques.que l'anti-
sémite réclamc, tous tes matins, contre les juifs,l'anticléricalne craint pas do les réclamercontre les
catholiques,dans!apersonnedesmembresoudesélèvesdescongrégations.Que fait-ild'autre, lorsqu'ildemande
que certains citoyens français soient privés du droit
CONCL08!OK. 29N
d'enseigner?Ules frappe, manifestement,d'une incapa-citécivile.Demôme,lorsqueavec son stagescolaire,il
exigeque lesélevésdes congrégationsne puissentpar-veniraux fonctionspubliques,que fait-il,s'il neprétendlesfrapperd'incapacitépolitique?Enréalité,l'anticlé-
rical nousinviteainsià revenirà une des plusodieuses
pratiquesde l'AncienRégime il veutinfligerà certains
catholiques,auxélèvesdesPèresou desFrères, le trai-
tementauquell'AncienRégimeavaitcondamnéles pro-
testants,dans les annéesqui précédèrentla révocation
de i'Ëditde Nantes,alors que les ëdits de LouisXiV
interdisaient,à ceuxde la ReligionprétendueRéfor-
mée touslesemploispublics.CommesousLouisXIV
et sous l'AncienRégime,c'est, également,pour cause
do religion et sous prétexted'unitémorale,que l'anti-
cléricalprétend édictercesincapacitéscivilesou poli-
tiques.
C'estencorede l'AncienRégimeque s'inspire,incon-
sciemmentcettefois,l'anticlérical,lorsqu'ilrevendique
pour l'Étatle monopoledel'enseignement,lorsque,sous
prétexte d'affermirl'unité nationale, de préserver la
<libertédol'enfant,d'arracher lesgénérationsnouvelles
a la contagionde l'erreur, il prétendque, dans l'éduca-
tiondes enfantaet danslechoixdesmaîtres,ledroitdes
parentsdoits'effacerdevantle droitde l'État. L'anticlé-
ricaloublieque cettemanièredocomprendreles droitsde la familleet lesdroitsde l'Etat,c'estcellede l'Ancien
Régime,alorsque, pour lobiende leursâmesetpour le
296 LES DOCTR!?)RS DR HAINE.
bien du Royaume,les enfantsdes protestantsou des
juifs étaientarrachésà leurs parents,pour être élevésdans la foidu souverain.
Quidonc l'oseraitnier? nous rencontronschezl'an.
ticterica!,comme chez J'antiprotestant,comme chez
l'antisémite,cesrecours,conscientsou inconscients,auxlois,aux maximesou aux pratiquesdel'AncienRégime.!!sne comprennent,ni les uns ni les autres, que ces
incapacitéscivilesou politiques,que cesmesuresd'ex-
ception,que ces is contre telle ou telle catégoriede
sujetsdu Roi,s'expliquaientpar les mœurset par i'es-
prit de l'AncienRégime,où tout était monopoleet
priviicgo,qu'ellesfaisaienten quelquesorte corps avecl'AncienRégime.Leur erreur, aux uns et auxautrea,c'estd'imaginerqu'on puisseprendreun morceaud'un
passé à jamais mo-t. un fragmentdétache du MoyenAge,une tranchede l'AncienRégime,pour l'incruster,artificiellement,dansune sociététout a fait différente,dansla soc!6t6moderne,fondéesur la suppressiondesprivilègeset sur t'cgatitodesdroits.
C'estlà, pluson y réfléchit,t'crreurcapitaledes tro!aa anti a. Cette erreur, elle n'est point particulière à
t'sntisémito,quandi) r<!c!a)nodes loiscontre les juifst'antic~rioa!la commet,également,quand i! exigedesloiscootro les jésuiteset contre les religieux.S'ii estdes paye, commela Russie,ou ia législationfrappesimultanémentio juif et !o jésuite, ce sont des Etataorientaux ou des Ëtats autocratiques,ou survivent.
coNcmatON. 29'!
dans les lois ou dans les mceora,l'esprit et les pra-
tiques de l'AncienRégime'. ComparéeA la France eta l'Europeoccidentale,la Russieest un État d'un autM
âge, et ellepeut garder les lois d'un autre ago. Chez
aous, en France, antisémiteset antMêricauxoublientle pays et l'époqueoù ils vivent; ils ne sont pas de
leur temps; ils retardentsur le XXesiècle.Ils mécon.
naissent égalementl'esprit moderneet les conditions
d'existencedes sociétésmodernes.
Quel est, en effet, le principe sur lequel repose la
sociétémoderne,si cen'est i'ëga!itedevantla toi? C'estlA le principe fondamentalde la Révolution,si bien
qu'onpeut dire que antisémitesou anticléricaux,tous
ceux qui s'en écartent, trahissent la Révolutionetrenient les princ'posde i'789. Reportons-nousà ce
qu'ona appelalesnouvellestablesdo la toi, Ala charte
delaRévolution,auxDroitsde t'Hommeet du Citoyen;
que lisons-nousdanscesDroits de l'Homme,entourés
d'une vénérationpresque superstitieusepar certainsdo
ceux qui nous invitentà violer leurs prescriptionsles
ptns8o!ennoi!es?Nousy trouvon: avecla proolamationde la libertéreligieuseet de l'égalité devant la loi, la
t. Celaestparttcut~MmcnivratJe la confuM!~8!s!aUonmssosur!Mju)f9.LcaIotafussceMntfoutnatoguesauxto!aanctenneadesËtataoccfdontaa*sur!nmCmatn'))Mro.JotMatdécritesdanat'~MptM(t« ~ar<c<~fj~t«<M(tomeH),livre)v,ch.)v),otj'atpn canetatcrqueleurs~ut[ata no!eufmènentpasd'imtta-~t)ra.
298 LES DOCTRINES DE HAINE.
condamnationImplicitedecestroisaanticqui, plusd'unsiècleapr~s laRévolution,voudraientcréer, en France,descastesdeparias.Lestrois«anti esetrouventfrappés,directement, par les Droits de l'Homme, par deux
articlesen particulier. n est écrit,dans les Droitsde
l'Hommede 1789,que personnene doit être inquiété
pour ses « opinionsmême religieusess. II est écrit,en outre, dans les Droitsde l'Homme, écoutezce
texte (articleVI) – « tous les citoyensétant égauxauxyeuxde la loi sont égalementadmissiblesà toutes
dignités,placeset emploispublics,selon leur capacité,et sansautre distinctionque cellede leursvertuse.
Vous entendez, « sans autre distinctionque celte
de leursvertuss n'est-ce point là une condamna-
tion formelledesprétentionsde l'antisémite,de l'anti-
protestant,de l'anticlérical?N'ai.jepasledroitd'aSIrmer
que lorsqu'ils nous pressentd'édicterdes incapacitéscivilesou politiques,lorsqu'ilsveulentinterdireles fonc-tionspubliques,&telleoutellecatégoriede citoyens,lea
trois anti » ne sontpas seulementles renégatsde la
Liberté,maisaussilesapostatsde la Révolution?Etque
penser de la bonne foi ou de la logiquedes hommes
qui, en nous proposantleur stage scolaire,osent se
réclamerde la Révolution? Antisémitesou anticléri-
caux, tous ceux qui prétendentcréer, en France,des
catégoriesd'incapables,exclusdudroitcommun,doivent
commencerpar biffer de notre histoire la table des
Droitsde lHomme.
CONCLUSION. 299
Cesdroitsde l'Hommeet du Citoyen,dontlenomest
si souventsur les lèvresde politiciensqui les mécon-
naissent,je voudrais,en dépit de l'imprécisionou do
l'incohérencede quelques-unsde !eura articles,qu'ils
fussent inscrits,en lettres d'or, sur les murs de nos
Chambres.H est questionde les faireapprendreaux
enfantsde nos écoles j'avoueque, pourmapart, j'en
seraisheureux je voudraisqu'ils fussentgravésdans la
têteet dansle cœurde tousles Français.Après cela, il
serait malaisé,aux championsde l'antisémitisme,de
l'antiprotestaotismeou de J'anticléricalisme,de venir
réclamerdes lois d'exceptionou des mesuresdo pro-
scription,contre telle ou telle catégoriedo Français.
Toutesces mesuresrestrictives,toutescesloisd'excep-
tion, proposéespar les uns ou par lesautres,ellessont
inspiréesde l'espritdu passé,eUesropugnentégalement
à l'espritmoderne ce sont des lois rétrogrades,parce
qu'elles sont contrairesà l'Ëgalite,aussi bien qu'à la
Liberté.
Est-ce donc vers le passe, est-ce vers l'Ancien
Régime,est-ce même vers la Révolution,aux jours
néfastesoù elle c'estmontrée inMeie &ses principes,
est-cevers Napoléonet le despotismeimpérial, aux
joursoù Napoléonn'était quele restaurateurde l'abso-
lutisme de l'AncienRégime,que la France moderne
doittournerlesyeux,que le xxesiècledoit s'orienter'
Un sièclenouveau,sur lequel!a Franceet l'Humanité
placentdesespérancesque nous ne voudrionspMvoir
300 LES DOCTRINES DE HAINE.
déçues, vient de se lever sur le monde.Ce xx"siècle,la France républicainedoit-elle l'inaugurer par des
mesures d'oppression,ou par dea lois d'exception?2
Aucunde nous, aucun Français, digne du nom de
patriote, n'aurait l'aveuglementde le prétendre. Ce
n'est passur l'AncienRégimeque nousdevonsprendre
modèle,ce n'estpasvers le passéque doiventse tour-
ner nos regarda c'est vers l'avenir,et que doit être,
pour nous, l'avenir?L'avenirdoit être !a liberté.
La libertéseule,<B~Ma/<&f~<M,commedisaientdéjàles anciens,l'égalitédans la libertéest seuleconforme
Ilce que nousappelonsl'espritmoderne.Rien de plus
oppo<6à cet espritque ce que nouspourrionsnommer
!o prohibitionnismespirituel ou le protectionuisme
moral, c'est-A-diro!a prétentionde se servirdes forcesde FËtat,au profitd'unedoctrine,contreuneautre doc-
trine. L'Étatmodernene doit ni combattre,ni favoriserune ËgHso l'État modernene doit pas faireaccep-tion de la religiondes citoyens.L'Étatmodernene doitêtre ni antisémiteni philosémite,ni antiprotestantni
protestant;i! nodoit êtreni anticléricalni clérical.Quedoit-ilêtre? H duit être tiberat, c'est-A-direqu'il doit
regarder, avec loi mêmesyeux et avec la mémebien-
veillance,touslescitoyens;il doitsemontrerégalementjuste et impartialenverstous, de façonque, devantlui,cene soitni un avantageni un désavantaged'êtrejuifou protestant,d'êtrecathotiqueou libre-penseur.Devant
l'Etat, il ne doit y avoir que des Françaiségaux en
CONCLUSION. 301
droits et ce n'est qu'à cette conditionque la France
recouvrerala paixreligieuse.Et si cela est vrai de l'Étatmoderne,ce doit l'être
encore davantagede la République.Une Républiquementà sa vocationet à sonnom,e!<on'estplus !achose
commune,!a chosede tous,si elle fait des distinctions
entre les citoyensdu mômepays.Elledoit appartenir
égalementà tous; l'intérêtcommele devoirde la Répu-
blique, c'est de s'élever au-dessusde tout esprit de
secte, au-dessusde tout fanatismereligieuxou irréli-
gieux,pourassurerà tousla mêmelargeliberté.
Je dois conclureces trop longuesconférences mais
ai-je besoin de conclure?Vous avez si bien saisi ma
penséequ'il me semblo inutile d'insister davantage.Maconclusion,elle ressort do tous cea entretiens,elle
tient en cea trois mots Liberté,Tolérance,Paix;
liberté pour tous, tolérancemutuelle,paix religieuse.Cenosontpas là, heureusement,desidéesnouvellesen
France; et notru confusionest d'être contraintde les
défendre,au seuildu xxesiècle.Ellesont pour eUea,dansnotre histoire,de nobleschampions,dont il nous
est permisde nousréclamer.Cesont,quoiqu'en disent
leurs adversairesde tout bord, des idées bien fran-
çaises.
Les trois a anti ose plaisent,également,à remonter
au passé pour s'autoriser des exempleset des fautes
302 LES DOCTRINES DE HAtttE.
de nospères ils découvrent,chacun,dans lesluttesde
notrehistoire,une sortede tradition d'intolérancedont
ilsosentse rédamer. Mais,nousaussi,nousqui défen-
dons la liberté, nous pouvons nous réclamerd'une
ancienne,d'une longueet glorieusetraditionfrançaise,une traditionqui remonte,pourlemoins,à L'Hospitaletà HenriIV.Lesidéesde liberté et de tolérance,quela
Franceancienneavaiteu l'honneurd'être la premièrea
proclameret à mettre en pratique, eUesétaient deve-
nuescommele patrimoinede la Francenouvelle.Voilà
déjà plusd'un sièc!equ'ellesfaisaienten quelquesorte
corp~avcclaFrancomoderne;ellesétaientsonhonneur
aux yeux des peuples. Aujourd'huiqu'elles sont de
nouveaumenacées,de divers côtés, par les revenants
du passé,il est do uotro devoir de Français,commeil
est de notre intérêtde citoyens,de les défendre,haute-
ment,enverset contretous, enversnosamis, comme
enversnosadversaires.
L'antisémitenous dit: Le juif, voilà l'ennemi wv– L'antiprotestantnous dit a Lo protestant, voilà
l'ennemic – L'anticlérical,à sontour, nousrépètea Le cléricalisme,voilà l'ennemi B– U nous faut
repoussercescris de guerrecivile.L'ennemido l'heure
présente,l'ennemido la Francecontemporaine,!a plus
dangereuxpeut-être pour la République, savez-voua
quel il est? Ce n'est ni le juif, ni !e protestant, nt le
clérical c'est l'esprit de haine et d'intolérance.Voilà
l'ennemi contrelequelje vous engage&vous liguer
CONCLUSION. 303
PtN
l'enneminationalque nous devonstous combattre, de
toutesnosforces.
Chacundes trois«anti s répète, chaque jour, à ses
adversaires
Lamaisonestà nous,c'està vousd'ensortir.
Mensongeintolérable contre lequel nous ne devons
cesserde protester.La maison,c'est-à-direla France,
n'estni à l'antiprotestant,ni à l'antisémite,ni à l'anti-
clérical; la maisonest à tousles Français.Cettemaison
paternelle, qui leur appartienta tous, également, il
fautqu'cHereste habitablepour tous,que tousy trou-
vent leur place et s'y seutent &l'aise, aun que tous
puissent avoir, pour la commune patrie, le même
dévouementet lemêmeamour.
L'uniténationale,que l'on nous prometen vainparlaviolence,par les loisd'exception,par les persécutions,
nous ne pouvons la chercher, aujourd'hui, que dan"
l'espritde mutuelle toléranceet dans t'égalelibertéde
tous les citoyens.Et vous me permettrezde dire, en
terminant,que, dans !a modestemesurede nosforces,
nous y avons travaillé,ici, ensemMe,en revendiquant,
contretouslesfanatismes,la libertéreligieuse,première
conditionde la pacineauo~de la France et do la
réconciliationnattonate.
L'BSPRtT DE8BCTBBTLB9 PARTIS
De t'ortgineou de la recrudescence,cheznous, de l'esprit desecte et des doctrines de haine. Comment l'esprit detoléranceet l'esprit de liberté semblent partout en baisse.
InOueneede t'ABTaiMDreyfus. Commentles partisexternes n'y ont vu qu'un moyend'agitation. L'espritdefactionet l'esprit de proscription.– L'Antisémitisme.CommentIl s'est retrempè dans l'Affaire. Sa Fosponsa-bttito dans la criseque traversela Franco. DescausesdeM diffusion.– Comment,à l'aidede l'Affaire,Ha coupélaFranceen dcm. )t. Le nationalisme. Ce qu'il doit àFAtraire. Ses violenceset ses excès. Ses procédésdepolémique. CommentU fait, lui aussi, des catégoriesentre Français. LesMns.patric. Patriotisme et natio-naUtme. – La socialisme. Comment)t a exploitat'Anaire. Tout ceqalt y a puise. Raisonsde sa diS~lion et de son ascendant. La lutte doclasseet tes appelsà la haine. IV. L'anticléricalisme. D'où vient sonréveil. Contre-coupde t'ACaireet des menacesde l'anti-sémttisme. Dela revendicationdu droit communet dela <attocontret'esprit de secte.
i8
TABLE
A~AST-PMPOS ) 1
7n~<fue~on.,e od,
306 TABLE.
CHAPITRE PREMIER
LES TROtS a ANT) D
~n<~m«fsn)e, ~n«pt'o<Mtan<)sme,~n<tcfe~ca~Mtne.
Ressemblanceet parenté de Fantisemitisme,de ranUprotes-tantlsme et de l'anticléricalisme.– L Commenton re-
trouve, chez tous les trois, des passions et des raisonne-ments anatogues. Comment!) se présentent, tona les
trois, sous les mêmesaspectset avecdes griefssemblables.– H. Legrief rfiigieux t'intotérance. Legrief national:la dénationalisation la tendanceA enchatner i'idpo reU-giouMà l'idée de race. Le grief politique t'accusationde former an Ëta*dans l'Ëtat le cosmopolitismeroUgieM.-Le grief économlqoeou social: Il Ils sont trop richesils monopolisentla fortuneet les emploie. IU. Com-ment tes griefs des trois <anti sodiscréditentles une lesantres.– Pourquoicesont, ega!ement,~eadoctrinesimmo-rales et antisociates. Comment,d'après em, le principede nos maux noserait pas en nous. Commenttes trois
antt a a'engcndtent et so fbrtiOentmu<aeUement 5'
CHAPITRE n
L'AXTtatMtUBMB
Lesprincipauxaspect*de l'antisémitisme. Ï. Legrief reU-
gleux. Le juif a deux morales. L'anUsomittimeet lacharité ehrëtteone. Les juifs et la tecutartMtioodeasociétéscontemporaines. LeaJnifaet la frano-maponnefie.
U. L'espritJuif. Qu'entend-onpar M,et quels en sontle3 types ? –L'esprit jaif est-il <trangerau judaïsme –
Commentcequ'on appelleainsi n'a souvent rien de propro-mentjuif. Ut. Legrief nationalet politique. Le juifest un étranger. Sémiteset Aryens. LepartkulatiMotuif et l'esprit de tribu. La solidaritéet !aCMmopdittsmejulrs. IV. Le grief eoclatet économique. Le juif estun parasite. HauteBanqueet monopoleonancier. – Le
prolétariatJuif. LMjui<aet la concurrence. Comment
TABLB. 307
l'antisémitismeaboutit à une contrefaçondu socialisme.
V. Conclusion. Quellessolutions nous oBre l'antisémi-
tisme ?– Il n'y a qu'une solution,la libertéet Fegalltë.
Qu'y auratt.U de change, s'il n'y avait pas de juifs en
France? De la prétenduejudatsationdes sociétéscontem.
poraines. 83
CHAPITRE III
L'AftTtPnOTBSTANTtaHB
Que l'antiprotestanttsmoest une sorte de décalquede l'anti-
sémitisme. Commenton y trouve les mêmeséléments,
– L'anttprotMtanttsmeet!e grief religieux. Le Pro-
testantismeet la Frane-Matcnnerie. – La Réforme et !a
R6vo!uUon. Il. De Fesprh protestant; qu'entend-onpar!à. L'esprit protestantest un dissolvant. L'espritpro-testant et l'esprit do négation. Cequi doit être Imputéà
la situation des minoritésconfessionnelles. lU. Legriefnational le protestantismepprsonniBel'esprit étranger.
Comment,en France, la Réformea eu des racineshan-
çaises. Quo les Huguenotsont représenté une des fhccs
de l'esprit français. Conséquencespour l'esprit national
de ta révocationdo l'édit do Nantes.– Du patriotismedes
protestants français. IV. Legrief socialet to grief pott'
tique. Le9protestantset tes juifs tiennent trop de placeen France. Raisons socialeset politiquesdo ce phêno-mène. – Lesprotestantset les juifs accaparent tes emplois
pnbUee. ïts se seneat do leur iniluencopour opprimertes catholiques. Dangersde co grief. Commentl'antl-
cléricalismerisque ainsi do se retourner contre lesprotes-tant) et contre les Juifs. i<0
CHAPITRE tV
<AMTtCLÉmCAH8MBJI
PMmMn!partie.
Antic!er!ctu<moet anUcathoticismc. t. Lepéril cMrtcat.
Qa'entcnd-onptf cléricalisme. Quelest le ~Tatsena do
308 TABLE.
ce terme et quel en est l'usage courant? Quelquestypesd'aoHdéricaux. AntMédcaUsmoet intotéraoce. Com-ment rantictértcattsme8nit par s'attaquer à toute religionet à t'idée mêmede Dieu. U. Analogiedea facteursdel'anticléricalismeet de l'antisémitisme. L'aotidéricaUsmeet le grief religieux ou philosophique. Nécessitédecombattrel'obscurantisme. Le fanatismeantictérfeat.Lamoralecatholiqueet la moralereligieuse. !tt. Legriefnational. Lescatholiquessujets d'un souverainétranger.–Rome, l'esprit latin e. logénie français. –L'anticMrica-tismoet !ogallicanisme. L'ultramontanismeet rinfa)Ut-bilité papale. L'Ëgttso et ses congrégationssont desInternationales. L'anUcMdcaHsmoet les intérêts fraocats. tM
CHAPITRE V
L'ANTtCUSntCAUSMB.
PfM.r~me p~r</p.
1. Le grief économ)t)up. – Lo dergù ("<ttrop rtcho. Le
spectredela mainmorte. Lemilliard des congrégations.AnHeMricatts'ueet ~ntseation. – tt. Lc3vout monas-
tiques. Lesc~ngrégattonaet la liberté rollgieuse. III,Legrtef po~ttqt.oet social. Lo a Sy))abus – L'~gttsoest incompatibleaveole progréa. Avecla démocratte.–Avecla liberté. L'esprit ctérica). Lavra) tib<!ra))ame.
Dol'évolutiondos idéeadans l'Église. Bat-Hvrai qaale cathotlclsmoest r)tô à t'nbso!ut)sfno? – Commentet en
quel eens 11peut dovenlr libéral. De quel côté est !o
principal danger pour la itherto. ï29
CHAPtTRE VI
COHCLUa)0!<
1.CommentranttsomhtMnoott'nnttprotestantttmeont ro<cn!dt'onUc!ér)ea!!smc. Comment))sont discrédité !e: Mven-dicationsdes cathoXq~csetamenùt'oehecdo !a politiquedeLéonX!H en France. Commentles 'anite s'entëvcnt
TABLE. 309
MMHtMX ex*)t, Mtt) MMtM, M, Mnn.– <600KK)<.–Ch"'t<fEMt).
le droit de réclamer la liberté. Que FintoMrancedesuns neJusUBeJpaacettedes autres. Il. De la prétentiondes trois antide refaire l'unité nationale. Commentils invoquent tous tes trois la contrainte. Que l'unitéde doctrinesne peut être réaliséedans t't~tat moderne.JH. Comment,sous pretette de défendre l'unité de t'Ëtatou t'unitAmoralede la nation, testrots oantt se réclamentégalementde Fancten régime. – De la prétention de notoMperaucun Étatdans l'État. Ot)est le p6rita cet égardaujourd'hui. Les lois d'exception et tes Droits del'Homme. – Quela liberté cH~;aUt6sontseulesconformesà l'esprit modorno. 274
RtHt.tOTHKOUR NATIONALE
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