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Clinicien plus • mai 2013 35 Un fléau pour la santé publique L es allergies respiratoires constituent un réel problème de santé publique. Elles affectent environ 40 % des enfants et de 10 à 30 % des adultes. Elles exer- cent un impact majeur sur la qualité de vie des patients en influençant leur pro- ductivité et leur performance au travail 1 . Les allergies dites respiratoires com- prennent l’asthme et la rhinite aller- gique (annuelle et saisonnière). L’asthme L’asthme se définit comme étant une inflammation des voies aériennes qui conduit à des symptômes de dyspnée, de toux et de respiration sifflante. Il est de nature allergique chez près de 50 % des patients. Les allergènes les plus fréquemment impliqués dans cette ma- ladie sont les acariens. En effet, entre 65 à 90 % des patients asthmatiques allergiques y sont sensibilisés 2 . La rhinite La rhinite se caractérise par des symp- tômes d’éternuements, de congestion nasale, de rhinorrhée (antérieure et/ou postérieure) et de prurit nasal. L’épis- taxis, les céphalées et l’hyposmie ne sont pas considérées comme des symptômes de rhinite allergique. L’examen physique permet de visualiser des cornets inférieurs œdématiés. La couleur de la muqueuse n’a aucune valeur diagnostique. La rhinite allergique se divise en deux grandes catégories : annuelle et saison- nière. La différence vient des allergènes auxquels le patient est sensibilisé. Ces allergènes peuvent être présents pendant toute l’année dans l’environnement du patient (acariens, animaux) ou de façon sporadique, selon la saison (Encadré 1). La rhinite allergique est fréquemment associée à des symptômes de conjonc- tivite allergique (rhinoconjonctivite allergique). Jean-Nicolas Boursiquot, M.D., FRCPC, est chargé d’enseignement clinique à l’Université Laval et allergologue au Centre hospitalier universitaire de Québec. Article tiré de la conférence Les allergies et les maladies respiratoires donnée le 11 octobre 2012 dans le cadre du congrès « La pneumologie » organisé par la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. Description du cas Une mère se présente à votre clinique avec son fils Simon, 11 ans, pour une consultation. Le garçon présente depuis un an une rhinorrhée claire constante. Il accuse des éternuements et du prurit oculaire accompagnés, à l’occasion, d’une toux nocturne durant la période estivale (juin et juillet). Il a déjà souffert d’un bronchospasme à l’âge de neuf ans pour lequel il avait dû se rendre à l’urgence. Son environnement indique la présence d’un chat et de tapis dans sa chambre à coucher. Il n’y a pas d’exposition tabagique connue. L’examen physique démontre des cornets nasaux un peu œdématiés. Il n’y a pas de sibilances à l’auscultation pulmonaire. Le tableau clinique présenté par Simon est-il compatible avec une allergie respiratoire? Les allergies Quand respirer devient pénible

Les allergies

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Article de médecine sur les Allergies et les rhinites allergiques saisonnières en français

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Page 1: Les allergies

Clinicien plus • mai 2013 35

Un fléau pour la santépublique

Les allergies respiratoires constituentun réel problème de santé publique.

Elles affectent environ 40 % des enfantset de 10 à 30 % des adultes. Elles exer-cent un impact majeur sur la qualité devie des patients en influençant leur pro-ductivité et leur performance au travail1.

Les allergies dites respiratoires com-prennent l’asthme et la rhinite aller-gique (annuelle et saisonnière).

L’asthmeL’asthme se définit comme étant uneinflammation des voies aériennes qui

conduit à des symptômes de dyspnée,de toux et de respiration sifflante. Il estde nature allergique chez près de 50 %des patients. Les allergènes les plusfréquemment impliqués dans cette ma-ladie sont les acariens. En effet, entre65 à 90 % des patients asthmatiquesallergiques y sont sensibilisés2.

La rhiniteLa rhinite se caractérise par des symp-tômes d’éternuements, de congestionnasale, de rhinorrhée (antérieure et/oupostérieure) et de prurit nasal. L’épis-taxis, les céphalées et l’hyposmie ne sontpas considérées comme des symptômes

de rhinite allergique. L’examen physiquepermet de visualiser des cornets inférieursœdématiés. La couleur de la muqueusen’a aucune valeur diagnostique.

La rhinite allergique se divise en deuxgrandes catégories : annuelle et saison-nière. La différence vient des allergènesauxquels le patient est sensibilisé. Cesallergènes peuvent être présents pendanttoute l’année dans l’environnement dupatient (acariens, animaux) ou de façonsporadique, selon la saison (Encadré 1).La rhinite allergique est fréquemmentassociée à des symptômes de conjonc-tivite allergique (rhinoconjonctiviteallergique).

Jean-Nicolas Boursiquot, M.D., FRCPC, est chargé d’enseignement clinique à l’Université Laval etallergologue au Centre hospitalier universitaire de Québec.

Article tiré de la conférenceLes allergies et les maladies respiratoires donnée le 11 octobre 2012 dans le cadre du congrès« La pneumologie » organisé par la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec.

Description du casUne mère se présente à votre clinique avec son fils Simon, 11 ans, pour une consultation. Le garçon présente depuis un an unerhinorrhée claire constante. Il accuse des éternuements et du prurit oculaire accompagnés, à l’occasion, d’une toux nocturnedurant la période estivale (juin et juillet). Il a déjà souffert d’un bronchospasme à l’âge de neuf ans pour lequel il avait dû se rendreà l’urgence.

Son environnement indique la présence d’un chat et de tapis dans sa chambre à coucher. Il n’y a pas d’exposition tabagique connue.L’examen physique démontre des cornets nasaux un peu œdématiés. Il n’y a pas de sibilances à l’auscultation pulmonaire.

Le tableau clinique présenté par Simon est-il compatible avec une allergie respiratoire?

Les allergiesQuand respirer devient pénible

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Lien entre l’asthme et la rhiniteDe 85 à 95 % des patients asthmatiquesse plaignent de rhinite. Inversement,40 % des patients accusant des symp-tômes nasaux souffrent aussi d’asthme3.Il existe donc un lien clair entre cesdeux pathologies. La rhinite allergiqueaugmente de trois fois le risque dedévelopper de l’asthme. La littératuremédicale décrit sous le terme de « voiesaériennes unifiées » les différents liensqui unissent les voies respiratoiressupérieures et inférieures. L’impli-cation thérapeutique est considérable

puisqu’on sait désormais que plusieurstraitements visant la rhinite allergiqueaméliorent de façon directe ou indirectele contrôle de l’asthme.

Tests d’allergieLes tests cutanés (ou prick-test) permet-tent de détecter une sensibilisation à unallergène donné. Ils sont le plus souventréalisés par une ponction épicutanée unefois l’allergène appliqué sur la peau(Figures 1, 2 et 3). Ces tests sont doncnon invasifs, rapides et peu coûteux. Iln’y a pas d’âge limite pour les passer.Vérifier la sensibilisation à différentsaéroallergènes permet éventuellement demodifier l’environnement et peut parfoisguider le traitement. La présence d’aller-gies demeure un préalable à la désensi-bilisation (vaccins contre les allergies).

Des tests sanguins existent et permet-tent de détecter des sensibilisations àces mêmes allergènes. Cependant, cetteméthode est plus invasive, onéreuse etmoins sensible. De plus, les résultats nesont disponibles que quelques jours

après la prise de sang, alors que la réali-sation et la lecture des tests cutanés sefont en 15 à 20 minutes.

Les options de traitementde l’allergie respiratoireLe contrôle environnementalLes mesures de contrôle environnementalcomprennent l’éviction des animaux, leshousses anti-acariens et certains conseilspour diminuer l’exposition aux pollens.

Les corticostéroïdes etanti-histaminiquesLa pierre angulaire du traitement symp-tômatique demeure la prise de corti-costéroïdes par voie intranasale. Ce trai-tement a été démontré comme étant leplus efficace pour le contrôle des symp-tômes nasaux (congestion, rhinorrhée,éternuements) et oculaires. La prised’anti-histaminiques a aussi prouvé sonutilité pour le contrôle symptomatique,mais de nombreuses études ont prouvéque leur efficacité est inférieure par rap-port aux corticostéroïdes intranasaux4.

Encadré 1.

Les principaux aéroallergènesAllergènes annuels :

• Animaux domestiques;

• Acariens.

Allergènes saisonniers (pollens) :

• Arbres (avril et mai);

• Graminées (juin et juillet);

• Herbe à poux (août à octobre);

• Armoise (août à octobre).

Figure 1. Figure 2. Figure 3.

Figures 1 à 3. Test d’allergie cutanée

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Les antagonistes desleucotriènesLes antagonistes des leucotriènes (mon-télukast ou zafirlukast) s’avèrent une alter-native intéressante chez les patients netolérant pas les anti-histaminiques ou lescorticostéroïdes intranasaux. Ils peuventêtre utilisés en monothérapie ou en combi-naison. Leur effet est supérieur à un place-bo, mais demeure moins efficace que lesautres thérapies proposées. Les antileu-cotriènes peuvent être un choix à considé-rer dans les cas d’asthme concomittant.

Les douches nasalesFinalement, les douches nasales d’eausalée permettent de favoriser l’hygiène desvoies nasales. Or, si le patient demeuresymptomatique malgré le contrôle de l’en-vironnement et le traitement médical, uneautre option est envisageable.

La désensibilisationLa désensibilisation est indiquée pour larhinoconjonctivite allergique modérée àgrave ne répondant pas au traitementmédical usuel. Elle permet d’induire unétat de tolérance aux allergènes connusdu patient et s’échelonne sur une duréede trois à cinq ans.

Elle est contre-indiquée chez le patientavec un asthme non contrôlé ou chez lepatient prenant des bêtabloquants. Onévite aussi de prescrire ce traitement chezla femme enceinte ou chez l’enfant demoins de cinq ans.

Les allergènes contre lesquelsdésensibiliserIl est possible de désensibiliser contre lespollens et les acariens. Ce traitementexiste aussi contre l’allergie au chat,quoiqu’il soit moins efficace. La vaccina-

tion des patients peut se faire par voiesous-cutanée, mais des vaccins par voiesublinguale seront bientôt disponibles. Àl’heure actuelle, au Canada, un seul vac-cin par voie sublinguale est commercia-lisé. Celui-ci n’est efficace que contrel’allergie aux graminées.

L’utilité de la désensibilisationLa désensibilisation permet de réduire defaçon significative les symptômes derhinoconjonctivite. Ce traitement pour-rait aussi empêcher de développer dessensibilisation à d’autres allergènes oude développer de l’asthme. Les bénéficessont encore présents mêmes dans lesannées qui suivent l’arrêt du traitement5.

Conseil : ne pas sous-estimer la rhiniteallergique!

Pour conclure, il est important de rap-peler que la rhinite allergique est unproblème fréquent dont l’impact estmalheureusement souvent sous-estimé.

Le traitement de la rhinite, lorsqueprésente, est capital dans la prise encharge d’un patient asthmatique. Étantdonné la prévalence élevée d’uneétiologie allergique aux problèmesd’asthme et de rhinite, il est nécessaired’envisager la passation de tests cutanésafin de vérifier une sensibilisation à desaéroallergènes. Le traitement de la rhi-

nite allergique passe par l’utilisation descorticostéroïdes intranasaux. Dans cer-tains cas ciblés, une désensibilisationpourrait être pertinente.

Références :1. Bhattacharyya N. Incremental healthcareutilization and expenditures for allergic rhinitis inthe United States. Laryngoscope 2011;121(9):1830-3.

2. Sporik R, Chapman MD, Platts-Mills TA. Housedust mite exposure as a cause of asthma. Clin ExpAllergy 1992; 22(10):897-906.

3. Leynaert B, Bousquet J, et coll. Perennial rhinitis:An independent risk factor for asthma innonatopic subjects: results from the EuropeanCommunity Respiratory Health Survey. J AllergyClin Immunol 1999; 104(2 Pt 1):301-4.

4. Weiner JM, et coll. Intranasal corticosteroidsversus oral H1 receptor antagonists in allergicrhinitis: systematic review of randomisedcontrolled trials. BMJ 1998; 317(7173):1624-9.

5. Eifan AO, et coll. Long-term clinical andimmunological effects of allergen immunotherapy.Curr Opin Allergy Clin Immunol 2011; 11(6):586-93.

Conclusion du cas

Les tests cutanés ont démontré chez Simon une sensibilisation aux acariens, au chat etaux graminées. Ils étaient cependant négatifs pour les arbres et l’herbe à poux.

La prise en charge idéale de Simon visera à diminuer son exposition aux allergènesauxquels il est sensibilisé tout en favorisant un traitement de ses symptômes.