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145 Le praticien en anesthésie réanimation © 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Sous la direction de Catherine Spielvogel lu pour vous Littérature francophone Les cathéters neurostimulants ont-ils un intérêt ? Continuous femoral nerve analgesia after unilateral total knee arthroplasty: stimulating versus nonstimulating catheters Hayek SM, Ritchey RM, Sessler D, Helfand R, Samuel S, Xu M, et al. Anesth Analg 2006;103:1565-70. Le bloc fémoral continu est devenu une technique de référence pour assurer l’analgésie après chirurgie majeure du genou. La technique a toutefois des inconvénients, dont la perfusion de quantités importantes d’anesthésique local, plus ou moins liée à un positionnement inadéquat du cathéter. L’amélioration de l’analgésie et la réduction de consommation d’anesthésique local (AL) que pourrait apporter l’utilisation d’un cathéter stimulant sont actuellement débattues. Dans cette étude, les auteurs ont comparé l’utilisation d’un cathéter traditionnel (Contiplex ® , B. Braun) à un cathéter stimulant (Stimucath ® , Arrow) chez 41 patients opérés d’une arthroplastie totale de genou. Les cathéters fémoraux ont tous été posés avant l’intervention (réalisée sous rachianesthésie) avec recherche de contractions du quadriceps pour une intensité de stimulation entre 0,2 et 0,6 mA. Les cathéters ont été insérés 4 à 5 cm au-delà de l’extrémité de l’aiguille de stimulation avec, dans le groupe cathéter stimulant, recherche d’une contraction 0,9 mA. L’injection initiale de 25 ml de ropivacaïne à 0,2 % a été suivie d’une administration continue de la même solution à 6 ml/h et les cathéters ont été retirés entre J1 et J2. Tous les patients ont reçu une analgésie intraveineuse par fentanyl en PCA, 20 μ g par bolus avec une période réfractaire de 6 minutes En cas d’analgésie inefficace (EVS > 4), on administrait un bolus de 10 ml de ropivacaïne et le débit était augmenté à 9 puis 12 ml/h. Le relais analgésique reposait sur une association orale de paracé- tamol et d’oxycodone. L’objectif principal de cette étude était de montrer une diminution de la consommation d’AL. Sur les 50 patients randomisés, 19 ont terminé l’étude dans le groupe avec cathéter stimulant (groupe S) et 22 dans le groupe avec cathéter non sti- mulant (groupe T). Les auteurs signalent un nombre de tentatives de pose plus élevé dans le groupe stimulant (médiane 1 [1-2] vs 1[1-1], p = 0,016). La consommation d’AL a été identique dans les deux groupes, avec une médiane de perfusion de 8,2 ml/h [6,7- 10,4] et de 8,8 ml/h [7,2-10,8] (p = 0,26) respectivement dans les groupes S et T. De même, les réajustements du débit d’AL ont été identiques. La consommation médiane de fentanyl a été comparable dans les groupes S et T, avec respectivement 47,5 μ g [37-76] et 59 μ g [41-91]. Seuls 4 patients de chaque groupe n’ont pas eu besoin de réajustements du débit d’AL. La consommation d’antalgique per-os ainsi que l’angulation de flexion du genou, la déambulation et les effets secondaires n’ont pas été affectés par le type de cathéter. Le résultat est donc décevant ou tout du moins, il n’est pas en faveur de l’utilisation des cathéters stimulants. Il faut remarquer cependant que les auteurs n’ont pas utilisé la neurostimulation comme un indicateur de précision, en particulier en cherchant à obtenir une intensité minimale de stimulation sur le cathéter identique à celle obtenue avec l’aiguille, sans se soucier de la longueur de cathéter sous le fascia iliaca. Le risque d’une inser- tion excessive est une diffusion plus aléatoire de l’AL, en particulier pendant les 48 premières heures. De même, l’efficacité analgésique du cathéter a été jugée après levée de la rachianesthésie (bupiva- caïne + adrénaline + fentanyl) avec recherche d’une hypoesthésie au froid sur la face antérieure et supérieure de la cuisse, sans évaluation du bloc moteur obtenu. L’absence de bloc sciatique explique en partie l’absence de différence des flexions du genou qui étaient identiques dans les deux groupes ainsi que l’insuffi- sance du débit analgésique initial de 6 ml/h, qui n’était efficace que chez 8/41 patients. Neuf patients du groupe S et 11 patients du groupe T ont eu besoin d’un débit de 12 ml/h en plus de deux bolus de 10 ml d’AL avant l’incrémentation du débit. Là encore, l’absence de bloc sciatique explique cette constatation. L’utilisa- tion d’un bloc sciatique associé aurait pu permettre de détecter une différence, en particulier si l’analgésie avait été réalisée en mode autocontrôlé par le patient. Toujours est-il que la supériorité analgésique d’un cathéter stimulant reste à établir. Les données fournies par l’échographie compléteront probablement à l’avenir cette discussion, avec la recherche d’une réduction d’AL quel que soit le type de cathéter. Christophe Aveline Rennes.

Les cathéters neurostimulants ont-ils un intérêt ?

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Le praticien en anesthésie réanimation© 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Sous la direction de Catherine Spielvogel

lu pour vous

Littérature francophone

Les cathéters neurostimulants ont-ils un intérêt ?

Continuous femoral nerve analgesia after unilateral total knee arthroplasty: stimulating versus nonstimulating catheters

Hayek SM, Ritchey RM, Sessler D, Helfand R, Samuel S, Xu M, et al. Anesth Analg 2006;103:1565-70.

Le bloc fémoral continu est devenu une technique de référencepour assurer l’analgésie après chirurgie majeure du genou. Latechnique a toutefois des inconvénients, dont la perfusion dequantités importantes d’anesthésique local, plus ou moins liée àun positionnement inadéquat du cathéter. L’amélioration del’analgésie et la réduction de consommation d’anesthésique local(AL) que pourrait apporter l’utilisation d’un cathéter stimulant sontactuellement débattues. Dans cette étude, les auteurs ont comparél’utilisation d’un cathéter traditionnel (Contiplex

®

, B. Braun) à uncathéter stimulant (Stimucath

®

, Arrow) chez 41 patients opérésd’une arthroplastie totale de genou. Les cathéters fémoraux onttous été posés avant l’intervention (réalisée sous rachianesthésie)avec recherche de contractions du quadriceps pour une intensitéde stimulation entre 0,2 et 0,6 mA. Les cathéters ont été insérés4 à 5 cm au-delà de l’extrémité de l’aiguille de stimulation avec,dans le groupe cathéter stimulant, recherche d’une contraction

 0,9 mA. L’injection initiale de 25 ml de ropivacaïne à 0,2 %a été suivie d’une administration continue de la même solution à6 ml/h et les cathéters ont été retirés entre J1 et J2. Tous lespatients ont reçu une analgésie intraveineuse par fentanyl en PCA,20 

μ

g par bolus avec une période réfractaire de 6 minutes En casd’analgésie inefficace (EVS > 4), on administrait un bolus de10 ml de ropivacaïne et le débit était augmenté à 9 puis 12 ml/h.Le relais analgésique reposait sur une association orale de paracé-tamol et d’oxycodone. L’objectif principal de cette étude était demontrer une diminution de la consommation d’AL. Sur les 50 patientsrandomisés, 19 ont terminé l’étude dans le groupe avec cathéterstimulant (groupe S) et 22 dans le groupe avec cathéter non sti-mulant (groupe T). Les auteurs signalent un nombre de tentativesde pose plus élevé dans le groupe stimulant (médiane 1 [1-2]

vs

1[1-1], p = 0,016). La consommation d’AL a été identique dans lesdeux groupes, avec une médiane de perfusion de 8,2 ml/h [6,7-10,4] et de 8,8 ml/h [7,2-10,8] (p = 0,26) respectivement dansles groupes S et T. De même, les réajustements du débit d’ALont été identiques. La consommation médiane de fentanyl a étécomparable dans les groupes S et T, avec respectivement 47,5 

μ

g[37-76] et 59 

μ

g [41-91]. Seuls 4 patients de chaque groupe n’ontpas eu besoin de réajustements du débit d’AL. La consommationd’antalgique per-os ainsi que l’angulation de flexion du genou, ladéambulation et les effets secondaires n’ont pas été affectés par letype de cathéter.Le résultat est donc décevant ou tout du moins, il n’est pas enfaveur de l’utilisation des cathéters stimulants. Il faut remarquercependant que les auteurs n’ont pas utilisé la neurostimulationcomme un indicateur de précision, en particulier en cherchant àobtenir une intensité minimale de stimulation sur le cathéteridentique à celle obtenue avec l’aiguille, sans se soucier de lalongueur de cathéter sous le fascia iliaca. Le risque d’une inser-tion excessive est une diffusion plus aléatoire de l’AL, en particulierpendant les 48 premières heures. De même, l’efficacité analgésiquedu cathéter a été jugée après levée de la rachianesthésie (bupiva-caïne + adrénaline + fentanyl) avec recherche d’une hypoesthésieau froid sur la face antérieure et supérieure de la cuisse, sansévaluation du bloc moteur obtenu. L’absence de bloc sciatiqueexplique en partie l’absence de différence des flexions du genouqui étaient identiques dans les deux groupes ainsi que l’insuffi-sance du débit analgésique initial de 6 ml/h, qui n’était efficaceque chez 8/41 patients. Neuf patients du groupe S et 11 patientsdu groupe T ont eu besoin d’un débit de 12 ml/h en plus de deuxbolus de 10 ml d’AL avant l’incrémentation du débit. Là encore,l’absence de bloc sciatique explique cette constatation. L’utilisa-tion d’un bloc sciatique associé aurait pu permettre de détecterune différence, en particulier si l’analgésie avait été réalisée enmode autocontrôlé par le patient. Toujours est-il que la supérioritéanalgésique d’un cathéter stimulant reste à établir. Les donnéesfournies par l’échographie compléteront probablement à l’avenircette discussion, avec la recherche d’une réduction d’AL quel quesoit le type de cathéter.

Christophe Aveline

Rennes.