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Ann Pathol 2004 ; 24 : 221-6 © Masson, Paris, 2004 221 Éditorial Accepté pour publication le 15 mai 2004 Tirés à part : O. Gelpi, voir adresse en début d’article. e-mail : [email protected] Les Centres de Ressources Biologiques : le point de vue d’une institution hospitalière Biological resource centers : the institutional point of view Odile Gelpi, Marie-Claire Mazé Délégation à la Recherche Clinique, Hospices Civils, 3 quai des Célestins, BP 2251, 69229 Lyon cedex 02. Gelpi O, Mazé MC. Les Centres de Ressources Biologiques : le point de vus d’une institution hospitalière. Ann Pathol 2004 ; 24 : 221-6. OUR les décideurs hospitaliers, notamment ceux des Centres hospi- taliers et Universitaires, à qui a été con- fiée depuis l’Ordonnance de 1958 une mission de recherche, la recherche clinique constitue un enjeu straté- gique et fait la spécificité des institu- tions auxquelles ils appartiennent. La nécessaire lisibilité de la démarche stra- tégique en matière de recherche impose obligatoirement à chaque CHU de réfléchir à la structuration indis- pensable qui doit accompagner le déve- loppement de sa politique de recherche. Il y a une dizaine d’années, à l’apparition des Programmes Hospita- liers de Recherche Clinique (PHRC), la création des Centres d’Investigation Clinique, en lien avec l’INSERM, a per- mis aux CHU de mettre en place des structures pour répondre aux besoins liés à la réalisation des protocoles de recherche. Actuellement, la recherche dans le domaine des biotechnologies rend nécessaire l’utilisation d’échan- tillons biologiques et impose ainsi aux CHU de conserver ces échantillons dans des conditions optimales. En paral- lèle, les industriels ont également vu tout le parti qu’ils pouvaient tirer d’échantillons dont la qualité serait « garantie », même si cette qualité a un prix. De même, l’intérêt d’une banque regroupant un nombre important d’échantillons est de permettre un gain de temps considérable dans la réali- sation pratique de certaines études. Et le temps, particulièrement dans le domaine de la recherche, représente une composante importante. On a parfois l’impression que les CHU découvrent la notion de Centres de Ressources Biologiques (CRB). Or, la conservation d’échantillons prélevés sur des malades admis dans les ser- vices hospitaliers, et conservés dans un but de recherche, la plupart du temps dans des congélateurs à proximité immédiate des services cliniques, constitue une pratique déjà ancienne. Les principaux éléments qui diffèrent aujourd’hui sont liés à l’évolution générale des pratiques hospitalières, et de la recherche clinique : les éléments liés à la qualité en géné- ral : assurance qualité, contrôles, traça- bilité… sont mieux pris en compte ; • par l’intermédiaire de la réflexion sur les lois de bioéthique et de la loi sur la protection des personnes qui se prê- tent à la recherche, les notions de consentement du malade, et de finalité du prélèvement, ont introduit une réflexion éthique, attachée au prélève- ment ; • l’idée d’ouverture de la collection sur l’extérieur, d’accessibilité, consti- tue également une pratique nouvelle, qui induit des questions spécifiques, comme par exemple les contrats de cession ou de mise à disposition. On voit ainsi se dessiner une question majeure autour de la gestion de ces pré- lèvements biologiques. D’ailleurs, les res- ponsables politiques l’ont compris, et ont vu l’intérêt qu’il y avait à participer active- ment à la réflexion engagée dans le cadre de l’Organisation de Coopération et de Déve- loppement Économiques (OCDE). P

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© M a s s o n , P a r i s , 2 0 0 4 221

Éditorial

Accepté pour publication le 15 mai 2004

Tirés à part : O. Gelpi, voir adresse en début d’article.e-mail : [email protected]

Les Centres de Ressources Biologiques : le point de vue d’une institution hospitalière

Biological resource centers : the institutional point of view

Odile Gelpi, Marie-Claire Mazé

Délégation à la Recherche Clinique, Hospices Civils, 3 quai des Célestins, BP 2251, 69229 Lyon cedex 02.

Gelpi O, Mazé MC. Les Centres de Ressources Biologiques : le point de vus d’une institution hospitalière.Ann Pathol 2004 ; 24 : 221-6.

OUR les décideurs hospitaliers,notamment ceux des Centres hospi-

taliers et Universitaires, à qui a été con-fiée depuis l’Ordonnance de 1958 unemission de recherche, la rechercheclinique constitue un enjeu straté-gique et fait la spécificité des institu-tions auxquelles ils appartiennent. Lanécessaire lisibilité de la démarche stra-tégique en matière de rechercheimpose obligatoirement à chaque CHUde réfléchir à la structuration indis-pensable qui doit accompagner le déve-loppement de sa politique derecherche. Il y a une dizaine d’années,à l’apparition des Programmes Hospita-liers de Recherche Clinique (PHRC), lacréation des Centres d’InvestigationClinique, en lien avec l’INSERM, a per-mis aux CHU de mettre en place desstructures pour répondre aux besoinsliés à la réalisation des protocoles derecherche. Actuellement, la recherchedans le domaine des biotechnologiesrend nécessaire l’utilisation d’échan-tillons biologiques et impose ainsi auxCHU de conserver ces échantillonsdans des conditions optimales. En paral-lèle, les industriels ont également vutout le parti qu’ils pouvaient tirerd’échantillons dont la qualité serait« garantie », même si cette qualité a unprix. De même, l’intérêt d’une banqueregroupant un nombre importantd’échantillons est de permettre un gainde temps considérable dans la réali-sation pratique de certaines études.Et le temps, particulièrement dans ledomaine de la recherche, représenteune composante importante.

On a parfois l’impression que les CHUdécouvrent la notion de Centres deRessources Biologiques (CRB). Or, laconservation d’échantillons prélevéssur des malades admis dans les ser-vices hospitaliers, et conservés dans unbut de recherche, la plupart du tempsdans des congélateurs à proximitéimmédiate des services cliniques,constitue une pratique déjà ancienne.Les principaux éléments qui diffèrentaujourd’hui sont liés à l’évolutiongénérale des pratiques hospitalières, etde la recherche clinique :• les éléments liés à la qualité en géné-ral : assurance qualité, contrôles, traça-bilité… sont mieux pris en compte ;• par l’intermédiaire de la réflexion surles lois de bioéthique et de la loi sur laprotection des personnes qui se prê-tent à la recherche, les notions deconsentement du malade, et de finalitédu prélèvement, ont introduit uneréflexion éthique, attachée au prélève-ment ;• l’idée d’ouverture de la collectionsur l’extérieur, d’accessibilité, consti-tue également une pratique nouvelle,qui induit des questions spécifiques,comme par exemple les contrats decession ou de mise à disposition.On voit ainsi se dessiner une questionmajeure autour de la gestion de ces pré-lèvements biologiques. D’ailleurs, les res-ponsables politiques l’ont compris, et ontvu l’intérêt qu’il y avait à participer active-ment à la réflexion engagée dans le cadre del’Organisation de Coopération et de Déve-loppement Économiques (OCDE).

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Dans ce contexte, les décideurs hospitaliers,associant l’administration et le corps médi-cal dans un cadre général de « bonne gou-vernance », se doivent de s’interroger surl’opportunité représentée par la structura-tion des Centres de Ressources Biologi-ques (CRB). L’hôpital est au cœur de laproblématique des CRB, car les malades (etles données cliniques associées) sont obli-gatoirement à l’origine du processus. Lesresponsables scientifiques des Directionsde la Recherche Clinique (DRC) et les mana-gers doivent s’interroger sur la manière dontle CRB peut constituer un atout stratégiquedu CHU dans le domaine de sa politique derecherche. Comment le CHU doit-il s’orga-niser pour être un partenaire incontourna-ble des « clients » du CRB, que ceux-cisoient académiques ou industriels ? Com-ment rendre acceptables les contraintesentraînées par les CRB ? Quelle vision avoirà long terme ?Forts d’une expérience antérieure de plu-sieurs années résultant de la constitutiond’une banque de prélèvements d’origineneurologique (la banque Neurobiotec), lesHospices Civils de Lyon (HCL) se sont trèsclairement engagés dans cette voie, consi-dérant que la notion de valorisation étaitliée à celle des centres de ressources biolo-giques. Le terme « valorisation » doit êtreentendu au sens large, et non limité au seulpérimètre de la propriété intellectuelle :toute action permettant d’associer leséquipes de l’institution à un projet derecherche, dans lequel l’apport de ceséquipes permettra une « valeur ajoutée »scientifique. Au-delà de la cession de prélè-vements, l’apport scientifique des équipeshospitalières sera systématiquement recher-ché. À ce titre, la réflexion sur les possibilitésde structuration d’un CRB au niveau de l’ins-titution constitue l’une des missions que laCommission Scientifique de la Recherchedes HCL a confiée à la Délégation à laRecherche Clinique.

Que sont les Centres de Ressources Biologiques au sens de l’OCDE ?

En 1999, à l’initiative du Japon, l’OCDE a initiéune réflexion sur les centres de ressourcesbiologiques (CRB). Pour l’OCDE, les centresde ressources biologiques sont « un élémentessentiel de l’infrastructure sur laquelles’appuient les biotechnologies et les scien-ces de la vie. Ils se composent de prestataires

de services et de centres de conservation decellules vivantes, de génomes d’organismes,et d’informations sur l’hérédité et les fonc-tions des systèmes biologiques. Les CRBdétiennent des collections d’organismes cul-tivables, des parties réplicables de ces orga-nismes, des organismes viables mais pasencore cultivables, des cellules et des tissusainsi que des bases de données contenantdes informations moléculaires, physiologi-ques et structurelles sur ces collections et labioinformatique qui leur est associée. »Ces CRB ont cinq missions essentielles :1. la conservation des ressources et leurmise à disposition de la Recherche et Déve-loppement scientifique, industrielle, agri-cole, environnementale et médicale ;2. la conduite de travaux de Recherche etDéveloppement sur ces ressources biolo-giques ;3. la conservation de la biodiversité ;4. le maintien de conservatoires de res-sources biologiques assurant la protectionde la propriété intellectuelle ;5. la gestion des ressources destinées àl’information du public et à l’élaboration despolitiques.Pour être en mesure d’assurer ces missions,les CRB doivent se structurer avec le soutien,notamment financier, des gouvernements,notamment en vue de leur mise en réseau auniveau international. Sur le plan national, lesoutien aux CRB des ministères de larecherche et de la santé s’est traduit parquatre appels à projets depuis 2001 dont unétait consacré au soutien des tumorothèques.

Quel positionnement des CRB dans la politique de recherche ?

La spécificité de la mission de recherche duCHU peut être analysée comme un moyende se démarquer des autres structures hos-pitalières. Pour cela, il doit définir une véri-table politique de recherche, en tenantcompte de l’environnement scientifiquerégional et national, de ses propres forces etfaiblesses. Progressivement, la rechercheest considérée comme une activité avec unfort caractère stratégique, qui vient confor-ter et appuyer les axes du projet d’établisse-ment. Les décideurs hospitaliers, DirectionGénérale et Commision médicale d’établis-sement (CME), doivent donc réfléchirensemble à la définition de cette politiquede recherche. Bien entendu, les axes priori-taires retenus doivent s’intégrer dans l’envi-ronnement scientifique du CHU, en lien

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avec les partenaires scientifiques, au pre-mier rang desquels figurent l’Université etles organismes publics de recherche.Dans ce cadre, il nous a semblé que la struc-turation des CRB était un élément importantde la politique de recherche des HospicesCivils de Lyon, en raison de caractère struc-turant et de tout le potentiel de recherchequi pouvait s’appuyer sur de telles struc-tures. Le fait de ne pas pouvoir disposerd’échantillons biologiques pour tester deshypothèses de recherche constitue depuislongtemps un blocage pour certains investi-gateurs, ou entraîne des délais supplémen-taires dans la réalisation des études si lacollection doit être constituée de façonprospective. Plus récemment, l’évolution dela biologie, et de tout le domaine des bio-technologies qui y est associé, a rendu cettequestion encore plus prégnante.L’une des forces de l’hôpital en rechercheclinique est constituée par le potentiel demalades qui peuvent être recrutés dans lesessais. Une structure hospitalière de la tailledes HCL considère que ces malades consti-tuent un atout (6 000 lits/153 000 hospitalisa-tions par an, près d’un million deconsultations). Le clinicien qui reçoit lemalade est donc le premier maillon de lachaîne d’intervenants dans un projet derecherche clinique. Il est donc impératif demotiver suffisamment ce clinicien pour qu’ilaccepte d’informer le malade sur l’intérêt desa participation soit à un protocole derecherche, soit à la constitution d’une banquedans la pathologie qui le concerne. Dans lamesure où nous raisonnons sur un CRB cen-tré sur les échantillons d’origine humaine, ce« passage obligé » représente une opportu-nité pour le clinicien d’être associé au projetde recherche. Par contre, si l’hôpital ne veutpas être considéré comme un simple « four-nisseur », il reste à démontrer la véritablevaleur ajoutée scientifique qu’il peut amenerpour la réalisation du projet. Un des rôles del’institution peut être d’amener le clinicien àréfléchir à l’intérêt scientifique de constituerde nouvelles collections. La conduite d’unessai clinique peut ainsi constituer une pre-mière étape de cette démarche.Dans ce sens, l’administration hospitalière, sielle entend soutenir le développement de larecherche au sein de l’hôpital, se doit d’aiderà la mise en place de ces structures. Cettevolonté a été exprimée au plus haut niveau,par exemple par l’organisation d’appelsd’offres pour la structuration des tumorothè-ques (ministère de la santé/DHOS, en 2001 eten 2003), ou par le ministère de la recherche,par l’intermédiaire de l’Inserm (appel d’offres« Cohortes et Collections » en 2001, 2002 et

2003). Mais au-delà de cet effort national, cha-que CHU doit étudier comment il peut favo-riser cette démarche : moyens propres(personnel mis à disposition, organisation delocaux, achat de matériels…), cofinance-ments avec d’autres acteurs impliqués.Le CHU ne peut pas tout faire, mais il doitenvoyer un signal fort sur l’intérêt des CRB,et voir de quelle manière il peut aider aumoins à l’amorçage de la démarche, avantque ces structures n’acquièrent un pointd’équilibre financier. Il faut rappeler quel’objectif des CRB est non seulement decollectionner les échantillons, mais aussi deles céder à l’extérieur, d’ouvrir ces collec-tions à d’autres équipes de recherche, cequi implique une politique de valorisationde ces échantillons.

Le CRB des Hospices Civils de Lyon (HCL)

L’activité des Hospices Civils de Lyon (HCL)est répartie dans plusieurs établissements del’agglomération lyonnaise. Depuis de nom-breuses années, des collections ont été cons-tituées au sein des HCL, en lien avec lesactivités cliniques, par des médecins ayantperçu la valeur scientifique et patrimonialedes échantillons biologiques. Ces collectionssont actuellement stockées dans plusieursbanques, ou biothèques, dispersées sur plu-sieurs hôpitaux, dans des conditions parfoisprécaires. À la fin de l’année 2002, la DirectionGénérale et la CME des HCL ont décidé decréer un CRB institutionnel pour aider à lastructuration et assurer la coordination desdifférentes banques. Ce CRB n’a pas pourvocation de centraliser les différentes ban-ques sur un même site, mais d’établir un CRBvirtuel correspondant à une entité médico-administrative de coordination. Le CRB HCLa pour mission de définir la politique enmatière de création de nouvelles collectionset de cessions de matériel biologique. Il doitégalement élaborer la politique qualité, élé-ment essentiel pour garantir la fiabilité deséchantillons et des annotations. Un catalo-gue répertoriant le matériel biologique dis-ponible sera établi et mis à disposition desutilisateurs potentiels sur Internet.Dans une première étape, le CRB rassemblecinq biothèques déjà structurées qui ontbénéficié d’un soutien ministériel grâce aurespect de certaines exigences qualité dansleur organisation et la valeur des projetsscientifiques. Il pourra par la suite s’élargir àd’autres biothèques sous réserve qu’ellesrépondent aux normes en vigueur.

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Désigner des responsables du projet

Au-delà de l’affichage politique nécessairesur la volonté de l’institution de s’engagerdans une démarche CRB, il convient d’êtretrès pragmatique, et de considérer cettedémarche comme un véritable projet, quiva donc nécessiter un chef de projet.Ainsi, aux HCL, deux commissions issues dela Commission Médicale d’Établissement(CME), la Commission Scientifique de laRecherche et la Commission de Biologie, ont-elles désigné deux responsables chargés defaire émerger un CRB institutionnel : l’un estresponsable d’une collection, faisant partied’une biothèque financée par le ministère dela recherche, l’autre est chargée de mission ausein de la DRC. Leur rôle est de mettre enplace le CRB HCL avec le comité de pilotagedu projet constitué de l’ensemble des respon-sables des cinq banques déjà financées et dereprésentants institutionnels, ce qui supposed’avoir défini un mode d’organisation et desprincipes de fonctionnement communs. Eneffet, même si chaque responsable conserveune certaine autonomie dans la manière dontil entend gérer sa banque, certains principessont vrais pour tous. Par exemple, un échan-tillon pour lequel un consentement n’a pasété recueilli ne peut être intégré dans unebanque HCL. Par contre, la rédaction du con-sentement peut être laissée à l’appréciationdes membres de la banque.

Politique qualité

Un centre de ressources biologiques doitêtre en mesure de garantir aux utilisateursdes échantillons parfaitement fiables,c’est-à-dire sur lesquels les analyses néces-saires à la recherche peuvent être correc-tement réalisées, et accompagnés dedonnées cliniques et biologiques pertinen-tes. Il revient au CRB de définir et des’assurer de la mise en œuvre de la politi-que qualité qui contrôlera la maîtrise desprocessus des biothèques. Le grouped’étude sur les CRB de l’OCDE travailleactivement sur la définition de critèresd’accréditation des CRB. Ces critères por-teront sur le management, l’organisationgénérale et les différentes activités des bio-thèques. Cette accréditation apportera unereconnaissance externe par un organismeindépendant qui fera des établissementsaccrédités des centres de références pourles échantillons qu’ils contiennent. Dansl’attente de la publication du document del’OCDE, les HCL ont entrepris une démarchequalité en appuyant sur les systèmes qua-

lité déjà mis en place dans certaines bio-thèques et sur le référentiel de l’ANAES« Recommandations pour la cryopréserva-tion de cellules et tissus tumoraux » [1].

Éthique

L’un des apports fondamentaux constituépar la structuration des CRB concerne lesaspects éthiques liés à l’utilisation deséchantillons. Globalement, il nous sembleque la réflexion éthique autour de larecherche pourrait être approfondie. Cetteréflexion fait appel à des notions philosophi-ques, religieuses ou morales, dont l’abordest complexe et demande du temps. L’avan-tage d’avoir recours à un CRB, plutôt que delaisser le praticien seul décideur de l’utilisa-tion des échantillons, tient principalement àdeux éléments : la réflexion générale autourdu caractère éthique de la recherche entre-prise, (réflexion ouverte, si l’on fait appel àun comité scientifique qui va autoriser lacession, et qui peut être amené à se poserdes questions sur la pertinence, l’intérêt, etdonc in fine le caractère éthique de lademande), et bien sûr le consentement dupatient au stockage et à l’utilisation de sesprélèvements dans un but de recherche, quecelle-ci soit immédiate ou à venir.L’objectif ici n’est pas de reprendre toutesles réflexions, fort nombreuses, centrées surcette notion de consentement. Rappelonssimplement qu’il nous semble essentiel quele patient soit informé — étape au moinsaussi essentielle que celle du consente-ment —. Même s’il n’y a pas d’acte médicalspécifiquement réalisé (ce qui placerait defait la recherche dans le champ d’applica-tion de la loi Huriet-Sérusclat), le patientdoit être informé du changement de finalitédu prélèvement (on passe d’un prélèvementà but diagnostique, à un prélèvement à butde recherche).Sur les aspects concrets de la gestion del’information et du consentement despatients, le maître mot est là aussi pragma-tisme : il s’agit d’éléments indispensablespour qu’un échantillon puisse entrer dansun CRB, mais les voies que l’on peutprendre pour donner cette informationpeuvent être multiples, et complémentaires :ce qui compte, c’est que cette informationsoit donnée, et perçue. En plus des explica-tions directes données par le clinicien quireçoit le patient, l’information peut fairel’objet, par exemple, d’une mention spécialedans le livret d’accueil de l’établissement, quidoit être remis lors de toute admission àl’hôpital. De même, la rédaction de la fiche

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d’information et de consentement, si elledoit comporter un certain nombre de men-tions obligatoires, peut être adaptée en fonc-tion de la pathologie ciblée.

Système d’information

Très tôt dans notre réflexion, il est apparuque la question tournant autour des infor-mations liées aux échantillons était unequestion primordiale, qu’il s’agisse desinformations cliniques, des annotations quivont faire la valeur ajoutée de l’échantillon,des liens avec les systèmes d’informationsde laboratoires, voire des informations surl’existence même de la banque, sur leséchantillons disponibles… (éléments quirenvoient à la notion de « catalogue »). L’étude initiale montrait qu’il n’existait passur le marché de logiciel spécifiquementadapté aux besoins d’une telle structure.Nous étions donc dans la logique de déve-loppement d’un logiciel propre, et, aprèsdiverses étapes intermédiaires, nous avonsrejoint le groupe de travail national, mandatépar la Direction de l’Hospitalisation et del’Organisation des Soins (DHOS) au Minis-tère de la Santé. L’intérêt d’une telle démar-che est de pouvoir mettre à disposition unlogiciel répondant au mieux aux besoins desresponsables de banques. Des démarchessemblables ont été entreprises dans différen-tes structures, avec le même objectif ;d’autres projets ont été développés par despromoteurs privés. Plusieurs solutions sontdonc en passe d’être proposées. On ne peutdiscuter de la prééminence de l’une oul’autre ; par contre, ce qui est très clair, c’estque les concepteurs de logiciels dédiés doi-vent discuter de manière à construire desoutils capables, par la suite, de communiquerentre eux. Ne perdons pas de vue l’objectifd’ouverture vers l’extérieur des CRB, et doncla nécessité absolue de pouvoir établir desréseaux de CRB, qui seront d’autant plus fortsau niveau national et international.

Politique de cession des échantillons

Il est fondamental qu’un CRB qui veut avoir,vis-à-vis de collectionneurs potentiels, unepolitique incitative de constitution de col-lections, notamment dans le cadre d’essaiscliniques, garantisse à ces collectionneursun accès exclusif à ces collections pendantune période définie, fonction de la recherche.

Mais, au-delà de cet aspect incontournable,il faut garder à l’esprit que l’un des rôles duCRB est de mettre à la disposition des cher-cheurs académiques et de la recherche pri-vée le matériel biologique conservé pourfaire avancer la recherche. Ces cessionsdoivent se faire dans le cadre de contrats quiformalisent les collaborations éventuelles etles aspects financiers. Ce dernier point estimportant, car les nouvelles structures hos-pitalières que sont les CRB devront, à terme,pouvoir être autofinancées.Les règles de cession doivent être claire-ment définies et formalisées dans un règle-ment intérieur. Il faut définir qui prend ladécision de céder des échantillons, le col-lectionneur et /ou un comité de gestion (ouun comité scientifique) de la biothèque, etse mettre d’accord sur des critères de déci-sion, tels que la valeur scientifique du projetde recherche, la quantité disponible dumatériel biologique, le prix de cession…Cela implique aussi, de manière préalable,que l’hôpital soit à même, grâce à la comp-tabilité analytique, de déterminer le prix derevient de la conservation des échantillons.Ce qui permet de donner une valeur moné-taire à la cession n’est pas le matériel biolo-gique, car est exclu tout bénéfice sur leséléments du corps humain, c’est la valeurajoutée — au sens économique du terme —qui peut être représentée par plusieurscomposantes :• les annotations cliniques associées àl’échantillon ;• la mise en forme de cet échantillon(extraction d’ARN par exemple) ;• la collaboration scientifique avec les clini-ciens, qui peut aboutir à un véritable parte-nariat.

Opportunités de partenariats

Partenariats scientifiques (avec les équipes de recherche)

Derrière la notion de CRB, la notion derecherche scientifique est toujours sous-jacente. Pour le décideur hospitalier, la créa-tion des CRB représente une opportunité departenariats scientifiques, soit avec deséquipes de recherche provenant du péri-mètre de recherche habituel du CHU, soitavec d’autres équipes de recherche acadé-miques. De la même manière, des objectifsconvergents peuvent être trouvés avec desindustriels soucieux d’avoir accès, rapide-ment, à des échantillons de bonne qualité.

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Aux équipes de recherche clinique dedémontrer qu’elles peuvent être un véri-table partenaire de la recherche, avec uneplus-value scientifique, faute de quoi ellesseront considérées seulement comme despourvoyeurs d’échantillons…

Partenariats industriels (technologies du froid, des plastiques…)

De plus, il existe un domaine très vaste dedéveloppement industriel, par exempleautour des technologies du froid, ou encoredes techniques de conditionnement plastique(pour la conservation des échantillons), quiest très intéressé à la mise en œuvre desCRB. Le ministère de la recherche et de latechnologie se montre très soucieux defavoriser ces développements. Là encore,l’hôpital peut faire valoir son savoir-faire.

Élargissement des CRB sur l’extérieur

Notion de réseaux de CRB

De même que les diverses collections et lesbanques doivent faire des efforts pour sestructurer au sein d’un établissement hospi-talier, les CRB institutionnels doivent aussiréfléchir simultanément à la notion deréseaux de CRB. Ces mises en commun,aussi bien des échantillons que des idées derecherche, vont permettre de donner de lapuissance aux projets, de faire gagner dutemps dans leur réalisation, ce qui, chacunle sait, représente un point crucial. Le prin-cipe d’ouverture des CRB vers l’extérieurtrouve toute sa force, et son intérêt, à unmoment où la recherche se fait obligatoire-ment de manière collaborative.

Cancéropôle et tumorothèques : une opportunité supplémentaire

Un point particulier à souligner concerne larecherche sur le cancer. Avec l’annonce duPlan Cancer et la structuration des actionsautour des Cancéropôles, une opportunitésupplémentaire peut se dessiner pour lestumorothèques. L’hôpital est au cœur du dis-positif des Cancéropôles, qui associent troisgroupes : la recherche académique, l’hôpitalet les industriels. Quels que soient les axes

scientifiques prioritaires définis par chacundes Cancéropôles, l’accès à des échantillonstumoraux de bonne qualité et en quantitésuffisante, représentera un atout important.La constitution de plates-formes régionales« CRB des Cancéropôles » va donc se poserde manière imminente. Les réflexions déjàengagées, que ce soit au sein du CHU, enliaison avec les Centres Régionaux de Luttecontre le Cancer, voire avec les Centres Hos-pitaliers Généraux, ou même les anatomo-pathologistes « de ville » faciliteront cettestructuration.

Conclusion

La démarche qui fait passer des collectionspersonnelles au stade de CRB institutionnel,est peut-être, pour certains, plus qu’une évo-lution, presque une révolution. Pourtant, laplupart des cliniciens impliqués dans ledomaine de la recherche ont maintenantcompris l’avantage qu’il y avait à se lancerdans cette voie. Si les concepts sont mainte-nant clairs, la démarche reste néanmoinslourde, car elle implique une réflexion defond, non de la part d’un chercheur ou d’unclinicien isolé, mais de la communauté médi-cale et scientifique. Elle fait passer d’une pra-tique à caractère plutôt individuel de larecherche à une pratique collective : il fautréfléchir à un règlement intérieur, élaborerune démarche qualité, accepter une évalua-tion scientifique des projets pour lesquels ona besoin d’échantillons… : en fait, inscrire sesprojets de recherche dans le cadre d’unepolitique de recherche institutionnelle.Pour notre part, nous pensons que le rôledes décideurs hospitaliers est d’accompa-gner, voire d’inciter à la mise en place decette politique de recherche. En effet, leCRB, comme d’autres éléments, constitueun outil de la recherche, et comme tous lesoutils, il contribue à sa structuration. Cettephase de structuration de la recherche nousapparaît indispensable, si l’on veut que cetterecherche hospitalière, et notamment larecherche clinique, prenne toute sa place. ■

Références

[1] ANAES. Recommandations pour la cryopréservationde cellules et tissus tumoraux dans le but de réaliser desanalyses moléculaires. Ann Pathol 2001 ; 21 : 184-201.