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LES CROYANCES DES ÉTUDIANTS ENVERS LA CRÉATION D'ENTREPRISE Un état des lieux Jean-pierre Boissin et al. Lavoisier | Revue française de gestion 2007/11 - n° 180 pages 25 à 43 ISSN 0338-4551 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2007-11-page-25.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Boissin Jean-pierreet al., « Les croyances des étudiants envers la création d'entreprise » Un état des lieux, Revue française de gestion, 2007/11 n° 180, p. 25-43. DOI : 10.3166/rfg.180.25-43 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Lavoisier. © Lavoisier. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - University of Utrecht - - 131.211.208.19 - 15/04/2013 04h52. © Lavoisier Document téléchargé depuis www.cairn.info - University of Utrecht - - 131.211.208.19 - 15/04/2013 04h52. © Lavoisier

Les croyances des étudiants envers la création d’entreprise: un état des lieux

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LES CROYANCES DES ÉTUDIANTS ENVERS LA CRÉATIOND'ENTREPRISE Un état des lieuxJean-pierre Boissin et al. Lavoisier | Revue française de gestion 2007/11 - n° 180pages 25 à 43

ISSN 0338-4551

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2007-11-page-25.htm

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Boissin Jean-pierreet al., « Les croyances des étudiants envers la création d'entreprise  » Un état des lieux,

Revue française de gestion, 2007/11 n° 180, p. 25-43. DOI : 10.3166/rfg.180.25-43

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Les actions pédagogiques en faveur de l’entrepreneuriat sedéveloppent à un rythme soutenu avec pour principalemission d’insuffler l’esprit d’entreprendre chez les étudiantset de les former à l’action entrepreneuriale. Quel est l’état dela relation actuelle des étudiants à la création d’entreprise?Pour y répondre, les auteurs font un état des lieux de leurscroyances relatives à la création d’entreprise.

JEAN-PIERRE BOISSINUniversité Pierre Mendès France, GrenobleBARTHÉLEMY CHOLLETUniversité de Savoie, ChambérySANDRINE EMINUniversité d’Angers

Les croyances des étudiantsenvers la création d’entreprise

Un état des lieux

DOI:10.3166/RFG.180.25-43 © 2008 Lavoisier, Paris

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Selon Pink (2001), l’économie améri-caine s’appuie aujourd’hui sur lesfree-lances, les indépendants, les

SOHO (Small Office Home Office) et autreshome based heroes (héros installés à la mai-son). Hernandez, s’appuyant en partie surles conclusions de cette étude, affirmait en2002, en introduction du numéro spécial dela Revue française de gestion consacré àl’entrepreneuriat (2002), que le modèle sala-rial avait atteint sa période de maturité, voirede déclin, alors que le modèle entrepreneu-rial était quant à lui en pleine expansion surles plans sociétal et organisationnel. Pourque cette évolution du modèle de l’emploiait lieu dans de bonnes conditions enFrance, il faut que les mentalités suivent, cequi explique les discours répétés des poli-tiques en faveur du développement de l’es-prit d’entreprendre. Ces discours ont étérelayés par des actions telles que le lance-ment en 2001 de l’Observatoire des pra-tiques pédagogiques en entrepreneuriat(sous l’égide de plusieurs ministères), visantà recenser les actions d’enseignements. Demême, dans le cadre du plan Innovation2002, sont apparues des Maisons de l’entre-preneuriat, qui ont pour mission de formali-ser les différentes démarches pédagogiquesdans le domaine (Boissin 2003 et 2006)1.Les formations à l’entrepreneuriat, deve-nues un des vecteurs indispensables de la

diffusion d’un état d’esprit entrepreneurialchez les futurs actifs, se sont développées àun rythme soutenu ces dernières années2.Mais où en est-on aujourd’hui de cette pro-motion de l’esprit d’entreprendre à l’univer-sité? Quel est l’intérêt des étudiants pour lacréation d’entreprise? Comment les étu-diants valorisent-ils la carrière entrepreneu-riale3 ? Sur quoi repose ce jugement? Sesentent-ils capables de créer? Et si nonpourquoi? Qu’est-ce qui dans leur parcoursde vie est favorable à la création d’entre-prise? Quelle différence de vision distingueceux qui ont suivi une formation à l’entre-preneuriat des autres étudiants? Autant dequestions auxquelles cette recherche s’ef-force de répondre, en interrogeant lescroyances relatives à la création d’entreprisedes étudiants. Elle vise ainsi à faire un étatdes lieux de la relation des étudiants à lacréation d’entreprise en vue d’en tirer autantque possible des indications d’actions péda-gogiques et des propositions de recherchepour améliorer l’efficacité des formations.Après avoir présenté le cadre théorique, lesrésultats sont présentés en deux temps.

I. LES MODÈLES D’INTENTIONPRINCIPES ET INTÉRÊTS

Sur le plan théorique, cette rechercherepose sur les modèles psychosociaux d’in-

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1. À la rentrée 2004, il existait sept premières Maisons de l’entrepreneuriat en France (Grenoble, Aix-Marseille,Clermont-Ferrand, Lille, Limoges, Nantes, Poitiers).2. Pour une meilleure connaissance de l’historique des formations à l’entrepreneuriat et des réflexions sur lesdiverses expériences menées, le lecteur peut notamment se référer aux actes du premier congrès de l’Académie del’entrepreneuriat (1999 : http://www.entrepreneuriat.com/actes_couv.PDF), au numéro spécial de Gestion 2000consacré au sujet (mai-juin 2000) et à l’article de Sénicourt et Verstraete (2000).3. Dans cet article, nous utiliserons, pour des raisons de facilité, de façon interchangeable les termes « entrepre-neuriat » et « création d’entreprise », même si nous sommes parfaitement conscients de la non-correspondance deces termes. La création d’entreprise, dans la présente recherche, est à entendre dans un sens assez large comme toutecréation d’une structure quel qu’en soit le support juridique (entreprise, association, etc.)

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tention tels que la théorie du comportementplanifié d’Ajzen (1991) en psychologiesociale et le modèle de l’événement entre-preneurial de Shapero (Shapero et Sokol,1982) en entrepreneuriat4. Les modèlesd’intention s’appliquent aux cas pour les-quels les comportements sont planifiés. Àla suite d’auteurs tels que Bird (1988),Katz et Gartner (1988) ou encore Krueger(1993 ; Krueger et Brazeal, 1994 ; Kruegeret al., 2000), nous pouvons affirmer que,lorsque l’entrepreneuriat est vu comme unprocessus, l’intentionnalité y est centrale.L’entrepreneuriat, dans cette perspective,serait donc sans conteste représentatif d’uncomportement intentionnel ou planifié. Lemodèle du comportement planifié et sonprédécesseur, le modèle de l’action raison-née, ont été appliqués, en psychologiesociale, à la prédiction de nombreux com-portements tels que la perte de poids, l’ar-rêt de la cigarette, les choix électoraux, deloisir, etc., mais aussi les choix de carrière(intentions des femmes de poursuivre unecarrière versus devenir femme au foyer). Ilsont, par ailleurs, été utilisés dans d’autresdisciplines et notamment en gestion (parexemple, dans les cas d’adoption de nou-velles technologies, du comportement duconsommateur et de la création d’entre-prise). Les résultats de ces études mettenten évidence que ces théories sont utilespour expliquer la plupart des comporte-ments sociaux et qu’elles s’appliquent avec

succès à la plupart des individus (Ajzen etFishbein, 1980 ; Sheppard et al., 1988).Plus spécifiquement, les différentesrecherches menées en entrepreneuriat, dontcertaines concernent spécifiquement unepopulation étudiante, valident ces modèlespour l’acte de création d’entreprise (Krue-ger et Carsrud, 1993 ; Davidsson, 1995,Reitan ; 1996, Kolvereid, 1996 ; Autio etal., 1997 ; Begley et al., 1997 ; Tkachev etKolvereid, 1999 ; Krueger et al., 2000 ;Emin, 2003 ; Kennedy et al., 2003 ; Tounés,2003 ; Audet, 2004). Cependant, cesmodèles sont mieux adaptés aux comporte-ments contrôlés par l’individu et à ceuxpour lesquels sa perception de contrôlereflète correctement son contrôle effectif5,ainsi qu’aux actions pour lesquelles ilexiste un court décalage temporel entrel’intention et le passage à l’acte. Force estde constater que la création d’entrepriseentre difficilement dans ces catégories.L’utilisation de ces modèles reste néan-moins utile pour sonder l’état d’esprit desétudiants en vue d’identifier à quelsniveaux peuvent se situer d’éventuels blo-cages à l’esprit entrepreneurial.Une représentation du fonctionnement desmodèles d’intention appliqués à la créationd’entreprise est proposée dans la figure 1.Selon ces modèles, tout comportementintentionnel peut être prédit par l’intentiond’avoir un comportement donné. L’inten-tion de créer une entreprise est, quant à elle,

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4. Ce modèle, tel qu’il est présenté par Krueger (1993), peut être considéré comme un modèle d’intention appliquéau contexte entrepreneurial.5. Même si la théorie du comportement planifié est une extension du modèle de l’action raisonnée (Fishbein etAjzen, 1980) aux comportements partiellement contrôlés par les individus.

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d’autant plus forte que la création d’entre-prise est perçue comme une action dési-rable et faisable. La désirabilité, selon laterminologie de Shapero, représente ledegré d’attrait qu’un individu ressentenvers la création d’une entreprise. Ajzendistingue, à ce niveau, un sentiment dedésir issu de l’attitude plus ou moins favo-rable qu’a une personne envers ce choix etun sentiment de désir lié à son environne-ment social. Ce dernier sentiment, nommé« normes sociales », caractérise le degréd’incitation à entreprendre qu’un individuperçoit en provenance des groupes qu’iljuge importants pour lui (famille, amis,etc.). La faisabilité entrepreneuriale faitréférence au degré avec lequel il pensepouvoir mener à bien la création d’uneentreprise6. Désirabilité et faisabilité s’ex-

pliquent toutes deux par les croyances quela personne a sur le monde qui l’entoure. Sil’on applique au domaine entrepreneurialles propos d’Ajzen (1991), l’attitudeenvers la création d’une entreprise d’unétudiant reposerait sur ses valeurs profes-sionnelles (i.e. les caractéristiques profes-sionnelles qu’il valorise) et sa vision del’entrepreneuriat (i.e. les besoins qu’il jugesatisfaits par l’acte entrepreneurial). Lesnormes sociales s’expliqueraient, quant àelles, par le degré d’approbation ou dedésapprobation qu’il perçoit de son entou-rage et l’importance qu’il accorde à l’opi-nion de ce dernier. Quant à la faisabilité,elle dépendrait de la confiance de l’étu-diant en sa capacité à mener à bien lestâches jugées critiques pour la réussited’un processus entrepreneurial.

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6. Le concept de faisabilité entrepreneuriale fait référence aux travaux de Shapero. Ajzen, dans sa théorie du com-portement planifié, parle, quant à lui, de contrôle perçu. Ces deux notions sont très proches.

Figure 1 – Une représentation des modèles d’intention

Source : adapté de Ajzen (1991).

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Ainsi selon les modèles d’intention, étudierles croyances des étudiants permettrait demettre à jour ce qui fonde leur désir de créerune entreprise et leur faisabilité entrepre-neuriale perçue, et par la même leur inten-tion de créer une entreprise.Dans le modèle d’Ajzen (1991), les traits dela personnalité ou les éléments démogra-phiques (sexe, âge, etc.) sont supposésinfluencer les intentions dans la mesure oùils affectent les croyances. Il est alors inté-ressant d’essayer de voir dans quellemesure des différences dans les caractéris-tiques démographiques et le parcours desétudiants influencent leur inclination entre-preneuriale. Entre autres éléments, il est

particulièrement utile d’identifier si le faitd’avoir suivi une formation à l’entrepreneu-riat est susceptible d’avoir un effet.Sur cette base, les résultats sont présentésen deux temps. Tout d’abord, les percep-tions de désirabilité des étudiants et de fai-sabilité sont analysées et commentées. Puis,les liens entre les caractéristiques person-nelles des répondants et leur degré d’inten-tionnalité, d’attrait pour la création d’entre-prise et de faisabilité perçue de l’acte decréation sont étudiés. Cette partie est l’oc-casion de comparer les croyances des étu-diants sensibilisés et non sensibilisés à l’en-trepreneuriat.

Croyances des étudiants envers la création d’entreprise 29

MÉTHODOLOGIE

L’analyse des croyances repose sur des tris croisés et des analyses comparatives (ANOVA)réalisés sur les données d’un questionnaire administré auprès de 809 étudiants françaisappartenant aux quatre établissements universitaires du bassin grenoblois. La diversité del’échantillon est à souligner en termes d’établissement fréquenté, de niveau d’étude et de dis-cipline d’enseignement.Les questionnaires, auto-administrés, furent distribués en début de cours (le choix du coursa été réalisé au gré des opportunités et en fonction de contacts personnels). La collecte, réa-lisée en fin d’année universitaire, ne nous a pas permis de constituer un échantillon totale-ment représentatif de l’ensemble des étudiants du bassin grenoblois.

II. L’ÉTUDE DES PERCEPTIONS DE DÉSIRABILITÉ ET DE

FAISABILITÉ ENTREPRENEURIALESDES ÉTUDIANTS

Dans cette partie sont successivement étu-diées les croyances des étudiants qui fon-dent leurs désirabilité et faisabilité entre-preneuriales.

1. Les perceptions de désirabilité

Les perceptions de désirabilité sont fonc-tion des attitudes envers l’entrepreneu-riat et des normes sociales. Nous expo-sons dans cette section les croyances desétudiants sous-jacentes à ces deuxconcepts.

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Les croyances professionnelles

Concernant la formation d’une attitudefavorable ou défavorable envers l’acte decréation d’une entreprise, on constate, enmoyenne, des tensions entre les attentes

professionnelles des étudiants et leursreprésentations de la création d’entreprise(cf. figure 1). Il semble intéressant de lesmettre en exergue dans le but d’identifier oùse situent les freins.

Selon les étudiants, la création d’uneentreprise leur permettrait de réaliserleurs rêves, de relever des défis et demettre en œuvre leur créativité tout enayant un travail intéressant. Cependant, ilsestiment que la création d’une entreprisene pourra pas leur apporter la sécurité del’emploi, un revenu fixe, un travail nonstressant et du temps libre. Or ce sont pré-cisément des éléments qu’ils jugentimportants pour la qualité de leur vie pro-fessionnelle. Ils associent également lacréation d’entreprise à la prise de risqueset l’acquisition de pouvoir, mais ne pla-cent pas ces éléments comme des critèresimportants de la qualité de vie profession-nelle. En résumé, les « blocages » vis-à-vis de l’entrepreneuriat peuvent corres-pondre à deux situations (soulignées sur lafigure 1) :

a) le statut d’entrepreneur n’est pas associéà certaines caractéristiques professionnellesjugées majeures ;b) il est associé à des caractéristiques qui nesont pas considérées comme importantespar les étudiants.Insuffler l’esprit entrepreneurial nécessite-rait alors de s’attaquer à ces croyances. Pourcela, il serait intéressant en particulier desavoir quelles croyances correspondent àdes visions a priori, voire des « clichés » dela création d’entreprise.

Les croyances sociales

Un autre facteur pouvant expliquer la dési-rabilité envers la création est le degré d’in-citation à entreprendre que l’étudiant per-çoit en provenance de son environnementsocial.

30 Revue française de gestion – N° 180/2008

L’OPÉRATIONNALISATION DES VARIABLES

Pour la mesure des croyances professionnelles, 23 items décrivant les diverses caractéris-tiques de la vie professionnelle, adaptés de Kolvereid (1996), ont été sélectionnés. Confor-mément aux préconisations d’Ajzen, pour chaque type d’attente professionnelle, il a étédemandé aux répondants : d’une part, si elle leur paraissait être un élément important pour laqualité de leur vie professionnelle future ; et d’autre part, s’ils pensaient que cette attenteserait satisfaite par une carrière d’entrepreneur.

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Figure 2 – Qualité de vie professionnelle et création d’entreprise

L’OPÉRATIONNALISATION DES VARIABLES

Conformément aux propositions d’Ajzen (1991), pour la mesure des croyances sociales, lesétudiants devaient préciser, pour quatre groupes d’individus appartenant à leur environne-ment social (famille, amis, professeurs, autres gens importants pour eux) :– l’opinion que ce groupe aurait, selon eux, s’ils s’engageaient dans une création d’entre-prise,– l’importance qu’aurait l’avis de ces personnes dans leur prise de décision.

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Dans notre étude, la plupart des étudiantspense que leur entourage les encourageraits’ils se lançaient dans une création d’entre-prise. Il apparaît cependant que leurs amisseraient davantage favorables à la créationque leurs familles et surtout que leurs pro-fesseurs. Néanmoins, il ne suffit pas queleur entourage soit favorable pour inciter lesétudiants à créer, encore faut-il que ces der-niers souhaitent suivre l’opinion de leursfamilles, de leurs professeurs et de leursamis. Or, les étudiants attachent plus d’im-portance à l’opinion de leurs familles qu’àcelle de leurs amis et qu’à celle de leursprofesseurs. Ainsi, la moins forte approba-tion perçue par les étudiants en provenancede leurs professeurs est-elle en partie

contrebalancée par un poids moins impor-tant de l’opinion de ces derniers dans leschoix de carrière des étudiants. Néanmoins,ce résultat conforte l’idée selon laquellel’enseignement semble promouvoir davan-tage un modèle professionnel fondé sur lesalariat plutôt que sur l’auto-emploi. Pourfonctionner, les formations à l’entrepreneu-riat ne doivent pas se réaliser dans un envi-ronnement qui, par ailleurs, ne semble pasvaloriser la carrière d’entrepreneur. Ainsi,au-delà des formations à l’entrepreneuriat,c’est tout le système universitaire qui doitsensibiliser à l’existence d’une alternativeprofessionnelle salariat/auto-emploi. Lafigure 3 permet de visualiser les différencesd’incitation de l’entourage des étudiants.

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Figure 3 – Environnement social et création d’entreprise

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2. Les perceptions de faisabilitéentrepreneuriale des étudiants

Les résultats concernant les croyances defaisabilité, mis en lumière dans la figure 4,montrent une relative confiance des étu-diants en leur capacité à innover, à se consa-crer pleinement à leur projet et à trouver lespersonnes compétentes pour les aider toutau long du processus de création d’entre-prise. En revanche, les étudiants se sententplus démunis quand il s’agit de gérer larecherche de financements nécessaires à lacréation d’entreprise.En conséquence, au niveau des formationsen entrepreneuriat, il s’agit bien sûr d’in-sister sur le développement de ces capaci-tés (ce qui est déjà l’objectif de la plupartdes formations existantes). Par exemple,pour la croyance « effectuer les formalitésadministratives relatives à la création devotre entreprise », il s’agirait de prévoirdans les enseignements des précisions surla manière de choisir le statut juridique del’entreprise, d’effectuer les démarchesadministratives, etc. Naturellement c’est

un élément indiscutablement important del’enseignement. Mais il faut, en parallèle,garder en tête que nous travaillons sur laperception des étudiants. Ainsi, les spécia-listes de l’enseignement peuvent aussichercher, au travers des formations, à allerà l’encontre des préjugés éventuels quiconduiraient à surestimer l’importance oula difficulté de certaines tâches critiquesdu fait d’une mauvaise perception de laréalité. Pour reprendre l’exemple de lavariable « effectuer les formalités adminis-tratives relatives à la création de votreentreprise », toute personne non avertie afacilement en France l’image de fortesbarrières administratives à la créationd’entreprise, image qui n’est sans doutepas tout à fait en accord avec la réalité.D’une manière générale, des recherchesfutures pourraient chercher, dans l’en-semble des croyances étudiées dans cepapier, à faire la part entre, d’un côté, cequi relève de biais de perception et de préjugés et, de l’autre, ce qui relève de laréalité.

Croyances des étudiants envers la création d’entreprise 33

L’OPÉRATIONNALISATION DES VARIABLES

Pour l’opérationnalisation de la mesure des croyances sous-jacentes à la notion d’efficacitépersonnelle, 14 items décrivant les tâches critiques de la création d’une entreprise ont étédéveloppés. Pour chaque tâche sélectionnée, le répondant devait se positionner sur uneéchelle allant de « pas du tout capable » à « tout à fait capable ».

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Figure 4 – Capacité à réaliser différentes tâches nécessaires à la création d’entreprise

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III. L’ÉTUDE DESCARACTÉRISTIQUES

PERSONNELLES DES ÉTUDIANTS

De façon générale, l’étude montre un inté-rêt plutôt faible des étudiants pour la créa-tion d’entreprise. En effet, seulement 18 %des étudiants interrogés jugent probablequ’à l’issue de leurs études ils créent leurentreprise. 61 % trouvent l’idée de créerleur entreprise attractive et 46 % s’estimentcapables de créer leur entreprise Si cesrésultats peuvent sembler a priori satisfai-sant, ils montrent leurs limites une fois rap-prochés de ceux obtenus dans d’autres pays.Dans l’étude de Audet (2004), les 107 étu-diants québécois en gestion interrogés esti-

ment à 25 % leur probabilité de créer leurentreprise dans les trois ans suivant leur for-mation et ce chiffre atteint 61 % pour lelong terme. Ces résultats, en adéquationavec ceux obtenus en Norvège (Kolvereid,1996) et en Russie (Tkachev et Kolvereid,1999), soulignent le faible engouemententrepreneurial des étudiants français. Eneffet, sur les 128 étudiants d’une école decommerce norvégienne étudiés parKolvereid (1996) et les 552 étudiants russesde l’étude de Kolvereid et Tkatchev (1999),respectivement 43 % et 37,5 % préfére-raient l’auto-emploi au salariat et 59 % et49,5 % ont estimé leur probabilité d’entre-prendre un jour à 50 % et plus.

Croyances des étudiants envers la création d’entreprise 35

L’OPÉRATIONNALISATION DES VARIABLES

L’intention a été mesurée, conformément à la mesure proposée par Kolvereid (1996), en uti-lisant 3 items distincts soulignant l’alternative professionnelle : salariat / entrepreneuriat. Unindex a été créé en faisant la moyenne des scores obtenus pour les trois items (alpha deChronbach = 0,685).La désirabilité a été mesurée à l’aide d’un seul item : « L’idée de créer votre entreprise voussemble… », sur une échelle allant de « pas du tout attractive » à « tout à fait attractive » (voirKrueger et al., 2000).La faisabilité perçue a été mesurée à l’aide d’un item unique : « si vous le deviez, pensezvous être capable de créer votre entreprise? » sur une échelle allant de « pas du tout capable »à « tout à fait capable ».Dans le cadre d’une exploitation descriptive de ces données, ces échelles ont pu aussi êtreramenées à trois dimensions (par exemple, probable, ni probable ni improbable, improbable).

Selon la littérature entrepreneuriale, l’inté-rêt pour l’entrepreneuriat est lié aux carac-téristiques personnelles de l’individu (sexe,expériences de gestion, origine, âge, forma-tion) et à des éléments relationnels (entou-rage). On retrouve la plupart d’entre euxchez les étudiants.

1. Les variables personnelles

Le sexe a un effet sur l’intention entrepre-neuriale des étudiants, leur attirance enversla création d’une entreprise et leur percep-tion de la capacité à mener à bien un pro-cessus de création. Ainsi, l’inclinationentrepreneuriale est plus forte chez les étu-

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diants de sexe masculin (22 % d’entre euxont l’intention de créer une entreprise) quechez les femmes (13 %). Les étudiantshommes sont aussi plus attirés par la créa-tion que les femmes puisque 67 % d’entreeux trouvent l’idée attractive contre 55 %des femmes. Et ils se sentent davantagecapables de créer une activité que lesfemmes (53 % contre 39 %).Selon la littérature, l’activité entrepreneu-riale d’un individu est aussi fonction de l’ex-périence professionnelle. Dans notre échan-tillon, si les expériences professionnelles etassociatives influencent l’attrait et la capacitéperçue, elles ne jouent pas sur l’intention.Ainsi, un étudiant ayant déjà travaillé enentreprise semble plus attiré par la créationqu’un autre (63 % contre 47 %). Nous obser-vons également que les étudiants ayant desresponsabilités au sein d’une association ontune plus forte attirance que les étudiantsétant simples membres (70 % contre 56 %).Les étudiants ayant déjà travaillé en entre-prise se sentent aussi plus capables de créerque les autres (49 % contre 29 %). Les étu-diants responsables d’associations réagissentde la même manière. Ils se sentent capablesà 56 % contre 43 % pour les simplesmembres d’associations. En revanche, aucunlien n’a été décelé entre le fait que l’étudiantait déjà travaillé en entreprise ou qu’il soitmembre ou pas d’une association et sonintention de créer une entreprise.Ensuite, il apparaît que l’origine rurale ouurbaine de l’étudiant n’a pas de lien signifi-catif avec l’attrait pour la création d’entre-prise, avec son sentiment de capacité à créer

une entreprise ni avec son intention entre-preneuriale.Le niveau d’étude semble, quant à lui, avoirune importance pour expliquer le niveaud’intention. Les résultats montrent encoreque l’intention entrepreneuriale a tendanceà augmenter au fur et à mesure que l’étu-diant avance dans son cursus universitaire.14 % des étudiants de première année esti-ment qu’il est probable qu’ils créent leurentreprise. Ils sont 17 % en deuxièmeannée et enfin 21 % en troisième, qua-trième et cinquième année. Ainsi, au fur età mesure que les étudiants réfléchissent àleur avenir, la création d’entreprise appa-raît comme une perspective de carrière deplus en plus probable.Des différences existent également entreles étudiants suivant qu’ils ont été sensibi-lisés ou non à la création, par le biaisd’enseignements spécifiques. Ainsi, 23 %des étudiants qui ont suivi une formation àla création d’entreprise ont l’intention dese lancer dans une démarche de créationcontre 14i % pour les non-sensibilisés. Et70 % des étudiants sensibilisés à la créa-tion d’entreprise se sentent attirés parl’idée de créer une entreprise contre 56 %pour les non-sensibilisés. Ils sont aussiplus nombreux à se sentir capables lors-qu’ils ont été sensibilisés (60 % contre38 % pour les non-sensibilisés). Ces résul-tats sont conformes aux premières étudesfaites sur le sujet à travers le monde quimontrent l’importance de la formation àl’entrepreneuriat pour le développementd’une conscience entrepreneuriale7.

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7. Le lecteur peut se reporter au papier de Fayolle (2004) pour une synthèse sur les recherches relatives à l’impactdes programmes d’enseignement en entrepreneuriat.

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L’étude des croyances des étudiants sensibi-lisés et non sensibilisés à l’entrepreneuriatrelatives à la désirabilité et à la faisabiliténous permet d’identifier les effets potentielsde la formation reçue sur ces croyances (cf.figures 5 et 6).Concernant le sentiment de capacité àcréer une entreprise, les étudiants sensibi-lisés se sentent, de façon significative,plus capables de réaliser l’ensemble destâches jugées critiques pour mener à bien

un processus entrepreneurial (sauf trouverdes personnes compétentes pour travailleravec eux, former une équipe). Ce point estencourageant pour les pédagogues del’entrepreneuriat, même s’il traduit sansdoute une forme de naïveté sur les enjeuxde la création. En tout état de cause, cerésultat reflète la nécessité de développerà l’université des enseignements sensibili-sant les étudiants à la création d’entre-prise.

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Figure 5 – Comparaison des valeurs professionnelles

Note : seuls les items pour lesquels la différence de moyenne entre les deux groupes est significative sont reportésdans le tableau.

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Il est intéressant de noter que les étudiantsformés à l’entrepreneuriat valorisent plusque les étudiants non formés tous les élé-ments « caractéristiques » de la créationd’une entreprise. Dans le même sens, ilsdévalorisent moins et accordent une

moins grande importance aux élémentsqui pourraient être perçus comme « moinspositifs » de la création d’entreprise tels que le stress, la faible sécurité del’emploi et le moindre temps libre (cf.figure 5).

38 Revue française de gestion – N° 180/2008

Figure 6 – Comparaison de la vision de l’entrepreneuriat

Note : seuls les items pour lesquels la différence de moyenne entre les deux groupes est significative sont reportésdans le tableau.

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Il semble aussi que les formations à l’en-trepreneuriat renforcent les croyances pro-fessionnelles des étudiants dans un sensfavorable à la création d’entreprise (cf.figure 5). Ainsi, la participation à un pro-jet global, la créativité, la réalisation desoi, le pouvoir, les responsabilités, l’auto-nomie, l’intérêt au travail, le défi sont bienperçus comme des conséquences plus pro-bables de la création d’une entreprise parles étudiants ayant reçu une formation àl’entrepreneuriat quelle qu’elle soit. Deplus, les étudiants formés associent moinsque les non-sensibilisés la perspective decarrière (qui dans l’étude de Kolvereid estune caractéristique du salariat, 1996) et legain financier conséquent comme la suitelogique d’un acte de création. Sur ce der-nier point, une interprétation est possible.La formation à l’entrepreneuriat semble-rait contribuer à corriger certains clichésvéhiculés par les médias. Ceux-ci consis-tent à présenter le plus souvent la créationd’entreprise comme un moyen de réaliserdes gros gains financiers, oubliant au pas-sage les situations de faible rentabilité (cli-ché sans doute favorisé par la visibilitémédiatique des start-up à forte crois-sance).Par ailleurs, la formation renforce aussi lescroyances des étudiants quant à la difficultéde la création. Les étudiants formés pen-sent, plus que les non-sensibilisés, subir, encréant leur entreprise, une charge de travailimportante, un stress et un certain risqueprofessionnel (revenus plus variables, échecpossible de l’entreprise fondée et ainsimoindre sécurité de l’emploi).Il reste à s’assurer que les perceptions pro-mulguées par les formations sont biencelles que l’on souhaite faire passer, c’est-

à-dire celles qui correspondent à la réalitédes créateurs.Les résultats précédents doivent être lusavec précaution. En effet, ils mettent en évi-dence une comparaison, à un instant t, entredes étudiants sensibilisés et non sensibilisésà l’entrepreneuriat. Ils ne permettent pasd’être certain que les différences observéessont consécutives à la formation. Peut-êtreétaient-elles antérieures voire, expliquent-elles le choix d’une formation à l’entrepre-neuriat pour certains d’entre eux. Afin devalider complètement l’hypothèse d’uneffet positif de la formation, un prolonge-ment évident de cette recherche est de com-parer, sur un même échantillon d’étudiants,les différences entre les croyances et leniveau d’intention avant et après lesmodules de sensibilisation. Ce prolonge-ment est en cours.

2. L’environnement familial

La famille est le premier milieu dans lequelles valeurs de l’entrepreneur éventuel sonttransmises. De nombreuses études démon-trent la sur représentation des entrepreneursqui ont un parent, tant le père que la mère,eux-mêmes entrepreneurs, comparative-ment à la population générale. Nous trou-vons également, conformément à la littéra-ture, des différences entre les étudiants quiont un parent ou un proche ayant créé uneentreprise et les autres. En effet, 31 % desétudiants ayant au moins un parent créateurd’entreprise ont l’intention de créer plustard leur entreprise (13 % pour les autres).De même, 23 % des étudiants ayant desproches créateurs ont l’intention de créerune entreprise (12 % sinon).Des différences importantes sont aussiobservées en ce qui concerne l’entourage

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des étudiants et leur degré d’attirance entre-preneuriale. 72 % des étudiants ayant un deleurs parents créateur d’entreprise sont atti-rés par la création d’activité contre 58 %pour les autres. De même que 69 % des étu-diants ayant un proche créateur sont attiréspar la création contre 53 % pour les autres.Le fait que les étudiants aient un parent ouun proche créateur d’entreprise semble bienaussi modifier le niveau de confiance qu’ilsportent sur leur capacité à gérer un proces-sus entrepreneurial. Nous observons que63 % des étudiants ayant un parent créateurd’entreprise se sentent capables de créerune entreprise (40 % sinon) et 54 % des étu-diants ayant un proche créateur se sententcapables (38 % sinon).Enfin, les étudiants estimant que les créa-tions de leurs parents ou de leurs prochessont plutôt des réussites sont plus nom-breux à vouloir se lancer dans un processusde création que ceux qui estiment que cesont plutôt des échecs (25 % contre 8 %).Et, ils sont 70 % à être attirés par la créationcontre 54 % pour ceux estimant que ce sontplutôt des échecs. Ceci peut s’expliquer parle fait que le modèle crédible n’est pasnécessairement consciencieusement suivi.En effet, il est possible que la connaissanced’individus ayant agi d’une certaine façonet ayant vécu une mauvaise expériencen’incite pas à la réalisation de telles pra-tiques. Shapero et Sokol (1982) relatent unetelle situation. Aussi, un des déterminantsde la décision serait l’attitude des modèlescrédibles quant au comportement de créa-tion (favorable ou défavorable) que l’onpeut en partie inférer du caractère positif ounon de leur expérience.

CONCLUSION ET DISCUSSION

L’intention de créer une entreprise après lesétudes diffère suivant la formation à l’entre-preneuriat, le sexe, le niveau d’étude etl’entourage de l’étudiant. L’analyse descrip-tive de l’attrait des étudiants pour la créa-tion d’entreprise et de leur confiance en leurcapacité à mener à bien un processus decréation d’activité montre aussi clairementque la sensibilisation à l’entrepreneuriatmodifie leur attirance et leur confiance enleur capacité. Cet élément peut s’expliquerpar des perceptions différentes en termes devie professionnelle (i.e. de caractéristiquesattendues du travail, de vision de l’entrepre-neuriat et de confiance en la capacité à réa-liser les tâches critiques d’un processus decréation d’entreprise). Nous avons de plus,conformément à la littérature sur le sujet,remarqué des différences entre les hommeset les femmes ainsi qu’entre les étudiantspossédant des parents et des proches créa-teurs d’entreprise et les autres.Il serait utile d’aller plus avant dans l’ana-lyse des croyances. Il serait intéressant enparticulier de savoir quelles croyances cor-respondent à des visions a priori de la créa-tion d’entreprise. On peut par exemple ima-giner des recherches qui confronteraientnos résultats, obtenus sur un échantillond’étudiants, à la façon dont la réalité sous-jacente est perçue par un échantillon de per-sonnes ayant récemment créé leur entre-prise. Ces entrepreneurs seraient doncinterrogés sur les conséquences réelles auniveau professionnel de leur création d’en-treprise.Sur le plan des croyances des étudiantssous-jacentes à leur confiance en leur capa-

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cité à créer une entreprise, il pourrait, làencore, être utile de confronter les percep-tions des étudiants à la réalité perçue par lesentrepreneurs. Cela permettrait de distin-guer, d’une part, les croyances « fondées »,auxquelles il faut répondre par la délivrancede compétences adaptées et, d’autre part,les croyances auxquelles il faut répondrepar des « mises au point » tentant de casserles préjugés ressentis par les étudiants.D’une manière générale, l’étude a montréque les étudiants sensibilisés et non sensibi-lisés ne réagissent pas de la même manièreface à la création d’une entreprise. Les pre-miers sont plus enclins à créer, se sententplus attirés et plus capables de créer que lesseconds. Ceci reflète la nécessité qu’il y a àdévelopper à l’université des enseigne-ments sensibilisant les étudiants à la créa-tion d’entreprise. On peut noter, à ce sujet,que les étudiants de l’échantillon ressentent

le besoin de suivre des formations en entre-preneuriat. 79 % d’entre eux trouvent que laformation à la création d’entreprise estnécessaire dans leur cursus universitaire.Cependant, 76 % des étudiants jugeant laformation nécessaire estiment qu’elle nedoit pas être obligatoire. Ce décalage entreles deux réponses est à méditer et pourraittraduire une réponse de complaisance à lapremière question. Par ailleurs il pose unequestion : si les cours sont optionnels ne sebornera-t-on pas à sensibiliser des étudiantsdéjà enclins à l’entrepreneuriat ? Concer-nant la forme de la formation qu’ils souhai-teraient avoir, il s’avère que toutes les pro-positions faites dans notre questionnaireleur apporteraient satisfaction. Ils préfèrentcependant la réalisation d’un projet fictif decréation d’entreprise et des témoignages decréateurs à des cours proprement dit (cf.tableau 1).

Des limites sont aussi à souligner dans cette recherche

Même si le début du questionnaire explicitel’analogie faite entre entrepreneuriat et créa-tion d’entreprise, son contenu focalise large-ment l’action d’entreprendre sur cette seuledernière dimension. Bien que convaincus de

cette option réductionniste, voire réductrice,liée à une enquête quantitative, les auteursn’ont pu éviter ce raccourci face à la mécon-naissance du concept plus large d’entrepre-neuriat par les étudiants.Le modèle retenu, reposant sur l’hypothèsecentrale d’un comportement planifié de

Croyances des étudiants envers la création d’entreprise 41

Tableau 1 – Les souhaits des étudiants en termes de formation

Formation proposée OUI NON NSPP*

Témoignages de créateurs d’entreprise 84 % 12 % 4 %

Réalisation d’un projet fictif 87 % 10 % 3 %

Cours sur la création d’entreprise 77 % 20 % 3 %

* NSPP: ne se prononce pas.

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l’individu, reste marqué par un certaindéterminisme. Sans reprendre les vingt der-nières années de la littérature en manage-ment stratégique, tout n’est pas délibéré etl’émergent intervient dans l’action. L’actionpeut même dépasser et intervenir avant l’in-tention (voir la présentation des travaux deGiddens par Rojot, 2003).Enfin, les résultats des analyses compara-tives mettent en évidence une comparaison,à un instant t, entre des étudiants sensibili-sés et non sensibilisés à l’entrepreneuriat.

Cette méthode ne permet pas d’affirmerque les différences observées sont bienconsécutives à la formation et ne sont pasantérieures à celle-ci. Pour y remédier unprolongement est en cours visant à étudierl’évolution des croyances des étudiants etde leurs intentions de carrière suite à uneformation à l’entrepreneuriat. Nous espé-rons qu’il permettra d’approfondir notreconnaissance de l’impact de la formationsur le développement d’une conscienceentrepreneuriale.

42 Revue française de gestion – N° 180/2008

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