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Les défis mondiaux du développement durable Stratégies en faveur des emplois verts Note d’information de l’OIT Conférence des ministres du travail et de l’emploi Niigata, Japon, du 11 au 13 mai 2008. Table des matières : Introduction Les défis posés par l’environnement sur la voie du développement durable L’impact sur l’emploi du changement climatique et des politiques d’adaptation et d’atténuation Le travail décent dans une économie plus verte Des opportunités et des défis pour l’emploi La dynamique du marché du travail Les réponses politiques L’initiative de l’OIT en faveur des emplois verts Le rôle de leader du G8 dans une stratégie mondiale en faveur des emplois verts A. Introduction 1. Cette note d’information traite des implications de la transition vers des modes de développement plus durables sur les politiques de l’emploi et du travail décent. Elle se concentre en particulier sur le changement climatique et la recherche de moyens permettant de conjuguer la croissance, la réduction de la pauvreté et un développement équitable d’une part, et une forte réduction des émissions de gaz à effet de serre d’autre part. Cette discussion repose sur le principe fondamental du développement durable qui a fait l’objet d’un accord au Sommet de Johannesburg en 2002, qui assumait « notre responsabilité collective, qui est de faire progresser, aux niveaux local, national, régional et mondial, le développement économique, le développement social et la protection de l’environnement, piliers interdépendants et complémentaires du développement durable ». 1 1 Paragraphe 5 de la Déclaration de Johannesburg sur le développement durable, dont il faut rappeler qu’elle contient également un paragraphe sur l’emploi : « 28. Nous convenons également de fournir une assistance en

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Les défis mondiaux du développement durable

Stratégies en faveur des emplois verts Note d’information de l’OIT

Conférence des ministres du travail et de l’emploi Niigata, Japon, du 11 au 13 mai 2008.

Table des matières :

Introduction

Les défis posés par l’environnement sur la voie du développement durable

L’impact sur l’emploi du changement climatique et des politiques d’adaptation et d’atténuation

Le travail décent dans une économie plus verte

Des opportunités et des défis pour l’emploi

La dynamique du marché du travail

Les réponses politiques

L’initiative de l’OIT en faveur des emplois verts

Le rôle de leader du G8 dans une stratégie mondiale en faveur des emplois verts

A. Introduction

1. Cette note d’information traite des implications de la transition vers des modes de développement plus durables sur les politiques de l’emploi et du travail décent. Elle se concentre en particulier sur le changement climatique et la recherche de moyens permettant de conjuguer la croissance, la réduction de la pauvreté et un développement équitable d’une part, et une forte réduction des émissions de gaz à effet de serre d’autre part. Cette discussion repose sur le principe fondamental du développement durable qui a fait l’objet d’un accord au Sommet de Johannesburg en 2002, qui assumait « notre responsabilité collective, qui est de faire progresser, aux niveaux local, national, régional et mondial, le développement économique, le développement social et la protection de l’environnement, piliers interdépendants et complémentaires du développement durable ».1

1 Paragraphe 5 de la Déclaration de Johannesburg sur le développement durable, dont il faut rappeler qu’elle contient également un paragraphe sur l’emploi : « 28. Nous convenons également de fournir une assistance en

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2. Quand on parle de la transition vers une trajectoire de développement durable pour l’économie mondiale, l’horizon est à moyen et long terme, bien qu’il soit urgent de mettre fin à la hausse continuelle des émissions de gaz à effet de serre. Après l’adoption à Bali en décembre 2007 de la feuille de route pour l’action internationale sur le changement climatique, les négociations ont été lancées pour aboutir à un accord à la Conférence des parties de Copenhague de décembre 2009. Le secrétaire exécutif de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques a récemment décrit ainsi le défi que représente ces négociations :

« d’après les travaux scientifiques du GIEC, les solutions que nous proposerons en suivant la feuille de route de Bali doivent augmenter de façon significative la capacité d’adaptation afin de réduire la vulnérabilité ; stopper l’augmentation des émissions mondiales d’ici 10 à15 ans; réduire considérablement les émissions au plus tard en 2050, et y parvenir d’une façon qui soit économiquement viable dans toutes les parties du monde. »2

3. Nombre de pays ont élaboré leurs programmes nationaux de développement durable en y incluant des réponses aux défis de l’évolution du climat. Il apparaît de plus en plus clairement que les politique du travail et de l’emploi peuvent contribuer à faciliter la transition vers une croissance plus durable en repérant les possibilités d’emplois verts, en rendant les emplois existants plus écologiques, et en facilitant la suppression progressive des emplois non durables. Les stratégies en faveur des emplois verts prendront de plus en plus de place dans les responsabilités des ministres du travail et de l’emploi et les activités des organisations d’employeurs et de travailleurs.

4. Il faut replacer les stratégies en faveur des emplois verts dans le contexte du défi de l’élaboration du volet social de la mondialisation qui a fait l’objet de discussions en 2007 à la conférence des ministres du travail et de l’emploi du G8 à Dresde, et au sommet de Heiligendamm. Les chefs d’état et de gouvernement du G8 se sont montrés convaincus « qu'une mondialisation complétée par le progrès social profitera durablement aussi bien aux pays industriels qu'aux pays en développement. Nous reconnaissons que nous avons la responsabilité de contribuer activement à cet objectif. C’est pourquoi nous soutenons l’Agenda pour le travail décent de l’Organisation internationale du travail (OIT), avec ses quatre objectifs d’égale importance : la mise en œuvre effective des normes du travail, en particulier des normes fondamentales du travail de l’OIT, la création d’emplois plus productifs, la poursuite du développement de régimes de protection sociale généralisés et l’appui au dialogue social entre les différents acteurs. »3

5. Parallèlement à la multiplication des préoccupations devant la faible proportion d’emplois décents produits par l’évolution actuelle de la mondialisation, l’idée que nous ne pouvons pas poursuivre la croissance au détriment de la qualité de l’environnement se répand. Nous sommes donc dans une période de transition, à la recherche de politiques et d’une volonté politique qui nous mettra sur la voie d’un développement durable dans lequel les dimensions sociales et environnementales de la

vue d'accroître les possibilités d'emplois générateurs de revenus, en tenant compte de la Déclaration de l'organisation internationale du Travail relative aux principes et droits fondamentaux au travail. 2 Déclaration de Yvo de Boer à l’ouverture des discussions de Bangkok sur le changement climatique le 31 mars 2008 http://unfccc.int/files/press/news_room/statements/application/txt/080331_statement_bkk.pdf 3 Déclaration du Sommet sur la Croissance et la responsabilité dans l’économie mondiale, 7 juin 2007, (paragraphe 22).

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mondialisation font partie intégrante des choix économiques. Les modifications des structures de l’emploi et des lieux de travail ont un rôle essentiel à jouer dans ce processus 4

6. La structure de l’emploi et les marchés du travail évoluent constamment en fonction de nombreux facteurs dont la technologie, le commerce, la finance, la démographie et l’environnement. L’une des responsabilités essentielles des ministres du travail et de l’emploi consiste à maintenir une politique cadre qui facilite et encourage cette évolution. Le changement climatique ainsi que d’autres questions relatives à l’environnement ajoutent une nouvelle dimension à ce processus d’évolution, dont on doit mieux comprendre les enjeux afin d’ajuster les politiques aux nouveaux défis qui se posent.

7. Cette note d’information présente l’état des connaissances sur les effets du changement climatique et des réponses politiques qui y seront apportées sur l’emploi. Dans sa conclusion, sont présentées certaines suggestions qui pourront faire l’objet d’un échange de vues et d’informations au niveau des ministres, et certains moyens qui permettraient aux dirigeants du G8 de renforcer l’initiative de l’OIT pour développer et mettre en œuvre une stratégie mondiale en faveur des emplois verts, en collaboration avec les agences internationales partenaires, et les comités tripartites nationaux.

B. Les défis posés par l’environnement sur la voie du développement durable

Le changement climatique

8. Les températures mondiales ont augmenté de 0,74 °C au cours du siècle dernier, ce qui représente le réchauffement le plus important et le plus rapide de l’histoire de la terre que les scientifiques ont détecté. Cette tendance s’accélère, et a affecté tous les continents et la plupart des océans. Il est possible que la hausse des températures par rapport aux températures de la période préindustrielle atteigne 3°C à la fin du siècle. 5 Il existe un long décalage entre les émissions et le réchauffement climatique. Si les émissions s’arrêtaient aujourd’hui, le changement climatique se poursuivrait dans le monde, mais dans une moindre mesure que si les émissions continuent. Il est donc inévitable de s’adapter au changement climatique pour essayer d’en réduire les effets néfastes.

9. La plupart des conséquences à court et à moyen terme proviendra de la plus grande variabilité de la météo, et de l’apparition plus fréquente des phénomènes météorologiques extrêmes comme les orages, les sécheresses, les inondations et les vagues de chaleur. Bien que les pays en développement ont historiquement le moins contribué aux émissions à l’origine du changement climatique, ce sont eux qui risquent d’en souffrir le plus en raison de leur vulnérabilité et de leur faible capacité à s’adapter à ces phénomènes météorologiques extrêmes. Les zones les plus à risque sont les régions surpeuplées comme les méga-deltas des pays en développement, et les

4 Discours de Juan Somavia, directeur général de l’Organisation internationale du Travail à l’occasion de la dixième session spéciale du Conseil d'administration du Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE) / Forum ministériel mondial sur l'environnement, Monaco, 20 février 2008. http://www.ilo.org/public/english/bureau/dgo/speeches/somavia/2008/unep.pdf 5 Quatrième rapport d’évaluation du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, Groupe de travail 1, 2007

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petits états insulaires. Les secteurs économiques les plus tributaires de la météo, comme l’agriculture et le tourisme, seront probablement les plus touchés, tout comme les établissements humains et les industries situées sur les zones côtières et les plaines alluviales inondables ou dans les zones fréquemment touchées par les orages.

10. D’après les projections à moyen et long terme à partir des tendances actuelles, le changement climatique entraînera des perturbations graves des activités socioéconomiques dans de nombreux secteurs et sur tous les continents. Cependant, il est techniquement et économiquement possible de réduire les émissions à des niveaux qui rendraient le changement climatique tolérable. Les mesures d’atténuation, visant à réduire les émissions ou à extraire les gaz à effet de serre de l’atmosphère sont à la fois nécessaires et plus économiques que l’inaction.6

11. D’après les scientifiques, afin d’éviter un changement climatique dangereux, potentiellement irréversible et qui s’autoalimente, les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère ne devraient pas dépasser 450 parties par millions (ppm)de CO2. Il en résulterait un réchauffement moyen de 2°C. Les scénarios de stabilisation montrent que pour respecter ce maximum de 450 ppm, les émissions mondiales doivent atteindre leur maximum dans les 10 à 20 prochaines années. Parallèlement, les scénarios de l’Agence internationale de l’énergie prévoient une augmentation de 60 pour cent de la demande mondiale d’énergie d’ici 2030, qui nécessitera un investissement total de 20 000 milliards de dollars des Etats-Unis, dont la moitié dans les pays en voie de développement.7 Historiquement, les pays industriels sont responsables de la majeure partie des émissions, mais les pays en développement, et tout particulièrement les pays qui s’industrialisent rapidement deviennent d’importants émetteurs au niveau agrégé, en dépit du faible niveau de leurs émissions par habitant. À elle seule, l’action des pays industriels ne sera donc pas suffisante, ce qui pose de façon aiguë la question de l’équilibre entre les engagements internationaux en faveur de la réduction de la pauvreté et l’atténuation du changement climatique.

12. Afin que la stabilisation du climat aille de pair avec la croissance économique et le développement, les économies du monde entier doivent devenir sobres en carbone. Réduire les émissions de moitié par rapport à la tendance actuelle imposerait une réduction de l’ordre de 60 à 80 pour cent des niveaux actuels d’émissions des pays industriels, et il faudrait encore abaisser de 30 pour cent les niveaux d’émissions des pays en développement. Le découplage de la croissance économique et des émissions requiert d’énormes progrès en matière de rendement énergétique pour les produits et les services, la production électrique, la construction et les transports, une augmentation significative du recours aux énergies renouvelables et une réduction des émissions provenant de l’utilisation de la terre. Il faudra de nouvelles technologies, notamment des technologies pour extraire le carbone et le stocker, accompagnées d’une augmentation de l’assistance au développement, surtout pour les pays les moins avancés.

6 Rapport Stern sur l’économie du changement climatique http://www.hm-treasury.gov.uk/independent_reviews/stern_review_economics_climate_change/stern_review_report.cfm 7 Rapport annuel de l’Agence internationale de l’énergie « World Energy Outlook 2007 » http://www.worldenergyoutlook.org/docs/weo2007/WEO_french.pdf

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13. L’équité s’avèrera probablement un élément déterminant du succès de la réponse au défi du changement climatique. Lors des réunions du FMI et de la Banque mondiale du printemps dernier, les ministres du Groupe des 24 pays en développement ont fait une déclaration en faveur d’une action collective urgente pour atténuer le changement climatique et s’y adapter. Toutefois, ils ont souligné que, « conformément au principe des responsabilités communes mais différenciées, l’action collective doit prendre en compte, de façon équitable, la contribution historiquement faible des pays en développement et leur consommation d’énergie par habitant encore plus modeste, ainsi que les effets particulièrement sévères du réchauffement sur ces pays et leurs besoins en développement non satisfaits. »8 Quant aux pays industrialisés, c’est dans la réponse aux mutations de l’emploi que l’équité sera essentielle pour assurer la pérennité et l’efficacité des politiques mondiales de réduction des gaz à effet de serre.

Ressources naturelles

14. Le prix des produits de base a beaucoup augmenté ces quatre ou cinq dernières années, et celui de l’énergie et des intrants industriels a pratiquement doublé. Après un déclin presque continu ces trente dernières années, le prix des produits alimentaires a brutalement augmenté. Le prix des produits de base est traditionnellement soumis à de fortes oscillations cycliques, mais le rapport du FMI « World Economic Outlook » d’avril 2008 souligne que la hausse actuelle des produits de base est longue, importante et porte sur une large gamme de produits comparativement aux précédentes.

15. Il est probable qu’on assistera à quelques ajustements à la baisse et à des fluctuations, mais tout semble indiquer que les prix des produits de base, et donc des intrants de l’industrie et des services, se maintiendront à un niveau élevé à l’avenir. Pour un certain nombre de produits, on arrive à la fin de l’exploitation à bas coût des ressources de meilleure qualité. Il est possible que la production de pétrole mondiale ait déjà dépassé son point le plus élevé. La rareté des matières premières et leurs prix vont probablement provoquer des ajustements au niveau de la structure et des processus de production. Le recyclage et la réutilisation deviendront de plus en plus compétitifs par rapport aux matières premières primaires.

16. La demande en produits alimentaires a beaucoup augmenté, essentiellement en raison du changement des habitudes des consommateurs, qui se tournent vers un régime alimentaire plus riche en protéines à mesure que leur revenu augmente dans les grands pays en développement à forte croissance comme la Chine et l’Inde. La sécurité alimentaire est une préoccupation internationale majeure, et certains pays ont pris des mesures pour tenter d’éviter les pénuries.

17. Il est impossible dans cette note d’information d’analyser en détail les implications des contraintes actuelles sur les ressources naturelles, cependant il est possible d’y voir le signe avant-coureur d’une pression accrue sur les ressources naturelles mondiales, montrant qu’il faut passer à un modèle économique qui recherche un plus grande productivité par rapport aux ressources. Quant au changement climatique, ses effets

8 Communiqué du 11 avril 2008 du Groupe intergouvernemental des Vingt-quatre pour les questions monétaires internationales et le développement http://www.g24.org/04-08FRE.pdf

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sur la structure de la production, la consommation, et par conséquent de l’emploi, sont significatifs.

18. Pour les pays en développement, et tout particulièrement pour les pays les moins avancés, la promotion de l’emploi rural pour réduire la pauvreté, qui fera l’objet d’une discussion à la Conférence internationale du travail de 20089, est un des éléments essentiels pour instaurer une économie durable du point de vue économique et social, et pour l’environnement. L’augmentation des prix des matières premières, et particulièrement des produits alimentaires, rend encore plus urgente la restauration de politiques permettant aux hommes et aux femmes qui travaillent dans les zones rurales d’améliorer leur niveau de vie, tout en contenant le coût de la vie pour les pauvres des zones urbaines. Le changement climatique représente une menace pour les sources de revenus dans les zones rurales de nombreux pays, mais des mesures d’adaptation bien conçues visant à mettre en place une résilience économique et sociale contribueraient grandement à augmenter les possibilités d’emploi décent dans les zones rurales. Il faudrait accroître l’assistance des donateurs internationaux afin de financer cette dimension urgente des stratégies de réduction de la pauvreté.

19. Les pays à revenus intermédiaires sont également confrontés à des mutations importantes sur la voie d’un développement permettant d’augmenter le niveau de vie dans une économie plus sobre en carbone. L’investissement étranger direct et les transferts de technologies qui en découlent joueront un rôle important. Mais il sera également nécessaire de développer l’innovation locale pour répondre aux possibilités spécifiques de production des pays en développement, notamment en renforçant les politiques de développement des ressources humaines. Cette question figure également à l’ordre du jour de la Conférence internationale du travail de 2008. 10

C. L’impact sur l’emploi du changement climatique et des politiques d’adaptation et d’atténuation

20. Le changement climatique en lui-même, l’adaptation qu’il nécessite et les efforts pour l’enrayer en réduisant les émissions ont des implications considérables sur le développement économique et social, les structures de la production et de la consommation, et donc sur l’emploi, les revenus et la réduction de la pauvreté. Ces implications recèlent des risques majeurs, mais également de grandes opportunités pour le travail décent dans tous les pays, mais surtout dans les pays les plus vulnérables que sont les PMA et les petits états insulaires.

21. L’un des risques les plus évidents concerne la sécurité alimentaire et économique, surtout dans les régions et les secteurs tributaires de l’agriculture. La rapport Stern a attiré l’attention sur le fait que 22 pour cent de la population mondiale dépendait de

9 Rapport IV : Promotion de l’emploi rural pour réduire la pauvreté, Conférence internationale du travail, 97e session, 2008, OIT Genève. http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---ed_norm/---relconf/documents/meetingdocument/wcms_092055.pdf 10 Rapport V : Aptitudes professionnelles pour une meilleure productivité, la croissance de l’emploi et le développement, Conférence internationale du travail, 97e session, 2008, OIT, Genève. http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---ed_norm/---relconf/documents/meetingdocument/wcms_092259.pdf

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l’agriculture,11 et que c’est dans secteur qu’on retrouve le plus grand nombre de pauvres dans le monde (75 pour cent des plus démunis, un milliard de personnes qui vivent avec moins d’un dollar des Etats-Unis par jour). En raison de ses effets sur les sources de revenus dans le secteur agricole, le changement climatique menace de remettre en cause la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement. Une autre des menaces pour les objectifs du Millénaire pour le développement est liée aux effets du changement climatique sur la santé, car la santé des travailleurs en sera affectée, notamment dans les pays en développement. Le tourisme est un autre secteur dépendant de la météo, où l’emploi a rapidement augmenté. Pour ces trois secteurs de l’agriculture, du tourisme et de la santé, les femmes seront probablement plus touchées que les hommes.

22. La fréquence accrue des catastrophes naturelles, et leur plus grande sévérité est susceptible de déclencher ou d’accélérer des flux migratoires, qui viendraient renforcer les tensions politiques et l’instabilité actuelles. La réponse à ces crises permettrait de renforcer la résilience des sociétés locales si elle vise à adapter les moyens d’existence au lieu de se concentrer sur une assistance humanitaire d’urgence avant de revenir à la situation initiale. L’accès aux systèmes de protection sociale de base permet également d’atténuer l’impact des catastrophes naturelles, et d’empêcher qu’une perte temporaire de revenus ne se transforme en pauvreté chronique.

23. Les grands investissements d’adaptation pourraient offrir un grand nombre d’emplois et de possibilités de revenus dans des domaines comme l’extension des protections côtières, le renforcement des bâtiments et de l’infrastructure, la gestion de l’eau et la récolte. Pour s’adapter, il faudra procéder aux transferts de nouvelles technologies sur une grande échelle, et au déplacement des établissements humains et des industries des zones à risque. Dans le secteur agricole, l’adaptation peut avoir un effet négatif ou positif sur l’emploi et les revenus en fonction des besoins en main d’œuvre des nouvelles cultures, des pratiques agricoles, et de leur compatibilité avec les petites exploitations agricoles. Pour qu’il soit possible d’investir dans l’adaptation, il est essentiel que les agriculteurs à faible revenus, les petites entreprises et les communautés pauvres aient accès à des financements dans des conditions acceptables.

24. Une étude, réalisée à la demande de l’OIT, du petit nombre d’évaluation quantitatives des effets des mesures d’atténuation sur les marchés du travail, qui portent essentiellement sur les pays industrialisés, montre que le passage à une économie sobre en carbone devrait entraîner une augmentation nette en terme d’emplois.12 Ce faible gain net est toutefois le résultat de profondes mutations des marchés du travail, induisant des pertes d’emplois considérables dans certains secteurs, compensées par une augmentation plus importante dans d’autres secteurs.13

11 L’OIT estime que 36 pour cent des emplois dans le monde étaient dans le secteur agricole en 2006. KILM 2008. 12 OIT : “The impacts of climate change on employment and incomes – A review of the literature” du Centre for Sustainable Production and Consumption, à la demande de l’OIT (à paraître). 13 « Changement climatique et emploi » avec l’appui de la DG Environnement, étude de la CES, Syndex, Istas, Wuppertal Institute, SDA (2007), http://www.etuc.org/a/3675 ; “Renewable energy sector in the EU: Its employment and export potential”, rapport final destiné à la DG Environnement, Ecotec study, Research & Consulting Ltd, United Kingdom, 2002, http://www.tuuleenergia.ee/uploads/File/employment%20and%20export.pdf ; S. Laitner, S. Bernow and J. DeCicco, 1998: “Employment and other macroeconomic benefits of an innovation-led climate strategy for the United States”, Energy Policy, 26(5), pp. 425–432; D.M. Kamman, K. Kapadia and M. Fripp, 2004: “Putting

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25. La plupart de ces mutations interviendront dans les secteurs économiques comme l’agriculture, la production d’électricité, les industries nécessitant beaucoup d’énergie, et les transports. Tous les aspects de l’adaptation et de l’atténuation nécessitent de nouvelles capacités techniques et souvent également de nouvelles aptitudes de la part des chefs d’entreprise. L’augmentation du rendement énergétique et des énergies renouvelables sera un élément essentiel de cette équation. Alors que le rapport du GIEC a souligné que les mesures d’adaptation et d’atténuation recélaient un gisement considérable d’emplois, l’emploi n’apparaît généralement que de façon marginale dans le débat sur le changement climatique, en tant qu’ « avantage accessoire » induit par les mesures d’atténuation. Cette vision néglige le fait que les avantages pour l’emploi et le développement sont essentiels pour rendre les mesures d’atténuation techniquement faisables, économiquement viables, socialement acceptables et pérennes au niveau politique.

26. Le changement climatique est un défi à l’échelle mondiale, mais y faire face exige des transformations profondes dans les entreprises au niveau local dans une perspective à moyen terme. Le réflexe de « réduire, réutiliser, et recycler » peut certes s’acquérir dans la culture de l’investissement, de la production et de l’emploi, mais il faudra pour cela la volonté des ministres du travail et de l’emploi, des entreprises et des syndicats. L’adoption d’une déclaration politique globale sur la promotion d’entreprises durables à la Conférence internationale du travail de 2007 a démontré le potentiel qu’offre le tripartisme à cet égard.14 De plus en plus d’entreprises incluent des objectifs de développement durable dans leurs objectifs d’entreprise, et dans leurs bilans. Il existe aussi des initiatives sectorielles visant à encourager dans les entreprises les pratiques responsables vis-à-vis de l’environnement, mais aussi de la main d’œuvre et des questions sociales.

27. Les liens entre le changement climatique et le développement sont encore au stade d’esquisse, mais on peut se faire une idée de leur potentiel, par exemple, dans les projets de l’Organisation des Nations Unies pour le Développement Industriel établissant un lien entre la production d’électricité et des programmes d’emploi des jeunes au Mexique et à Cuba, ou la promotion de l’énergie solaire réalisée par l’Association des femmes travailleuses indépendantes en Inde. L’OIT a été invité à participer à des programmes du système des Nations Unies en Chine et au Brésil, qui se rapportaient respectivement à l’efficacité énergétique et à la bioénergie. En Chine, ces programmes portent notamment sur la recherche de moyens d’améliorer l’efficacité énergétique de petites entreprises et les essais pratiques, en suivant les orientations définies dans le programme de l’OIT « Programme sur les améliorations du travail dans les petites entreprises (WISE) » , qui a eu du succès. Au Brésil, ce programme permettra d’évaluer le potentiel de la filière des biocarburants en matière d’emploi et de revenus, d’organiser les producteurs et de concevoir des programmes de développement encourageant la productivité et le travail décent. On reconnaît maintenant le potentiel qu’offrent les synergies et la nécessité d’intégrer la réponse au changement climatique dans les efforts plus larges destinés à mettre en place un développement durable. Cependant, il y a encore peu d’exemples d’utilisation véritable de ce potentiel, essentiellement en raison du rôle limité, voire de l’absence

renewables to work: How many jobs can the clean energy industry generate?”, Renewable and Appropriate Energy Laboratory (RAEL) report, University of California, Berkeley. 14 Conclusions concernant la promotion d’entreprises durables, Conférence internationale du travail, juin 2007. http://www.ilo.org/public/french/standards/relm/ilc/ilc96/pdf/pr-15.pdf

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des mandants de l’OIT dans la plupart des débats politiques.

28. Il nous faut élargir le débat sur le changement climatique pour y intégrer les conséquences sur l’investissement, la production et l’emploi des mesures d’adaptation et d’atténuation. La mutation vers une économie plus verte se fera dans les entreprises du monde entier là où le point de vue des mandants de l’OIT - les organisations d’employeurs et de travailleurs, et les ministres du travail et de l’emploi – déterminera avec quel succès on progresse vers les objectifs mondiaux.

D. Le travail décent dans une économie plus verte

29. Il est difficile de donner une définition stricte du terme « emploi vert », mais cette définition inclut à coup sûr l’emploi direct qui réduit l’impact sur l’environnement à des niveaux durables. Elle inclut les emplois qui contribuent à la réduction de la consommation d’énergie et des matières premières, décarbonent l’économie, protègent et restaurent les écosystèmes et la biodiversité, et réduisent la production de déchets et la pollution. Les emplois verts peuvent conduire à une réduction directe de l’impact sur l’environnement, par exemple dans le secteur des transports si les opérateurs des métros ou des chemins de fer offrent des transports publics suffisamment efficaces du point de vue énergétique, ou une réduction indirecte si les techniciens de l’industrie ou les responsables de la logistique dans le secteur des services réduisent la consommation d’énergie dans la production ou la fourniture de services.

30. Le profil de ces emplois verts couvre toute la gamme de qualifications, allant des postes hautement qualifiés de la recherche et développement et des fonctions de direction aux postes à qualification relativement faible, en passant par des postes techniques à qualification moyenne. La majeure partie des emplois verts existant ou à venir se concentre dans des secteurs directement liés à l’utilisation d’énergie, ou la production de matières premières :

• L’amélioration de la rentabilité énergétique, particulièrement dans le secteur du bâtiment (de la rénovation), de l’industrie et des transports

• Les énergies renouvelables

• La mobilité : les transports publics

• Le recyclage et la réutilisation

• L’utilisation durable des ressources naturelles : agriculture, forêts, et pêcheries

• Services environnementaux

31. Une conception plus large des « emplois verts » peut inclure tous les nouveaux emplois dans un secteur dont l’empreinte écologique est inférieure à la moyenne, qui contribue à l’amélioration des performances globales, même si ce n’est que d’une façon marginale. Cette notion plus relative donne du fil à retordre à ceux qui essaient de compter et de surveiller le nombre d’emplois verts. Par exemple, les ouvriers qui assemblent des voitures hybrides ou des voitures dont les émissions de CO2 sont inférieures à 120g/km par exemple ont des emplois plus « verts » que les autres

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travailleurs du secteur de l’automobile, parce que ces catégories de voitures contribuent nettement moins aux émissions de gaz à effet de serre. Cependant, si le volume des transports continue de croître selon les prévisions, un plus grand nombre de voitures, même si elles sont plus propres, ne permettra pas d’avoir une économie durable.

32. Ces différentes nuances de vert rendent le comptage compliqué, mais la véritable signification du concept d’ « emplois verts » ne dépend pas véritablement du nombre précis d’emplois verts créés, mais de la façon dont la recherche du développement durable transforme la structure de l’emploi et du marché du travail. Un nouvel emploi peut sembler plus vert, et ne pas l’être suffisamment au bout du compte. Cependant, il fait partie d’un processus positif continu.

33. Il faut également prendre en compte la qualité des emplois verts. Beaucoup d’emplois verts dans le recyclage, le bâtiment ou les biocarburants sont actuellement dans l’économie informelle. Le recyclage, particulièrement dans les pays en développement, est souvent synonyme d’emploi précaire, de risques graves pour la sécurité et la santé au travail, et de risques pour la santé publique, tout en générant des revenus et des salaires inférieurs au coût de la vie. Cultiver les plantes servant à produire des biocarburants peut aussi s’accompagner de charges de travail excessives, d’exposition à des produits chimiques dangereux, ou même de la violation des droits fondamentaux comme le recours au travail des enfants ou à l’esclavage. Voilà qui souligne la dimension de développement de toute voie vers la durabilité. Il n’est pas possible de traiter la dimension de l’environnement isolément sans se préoccuper des politiques socioéconomiques nationales et internationales nécessaires pour augmenter les possibilités de travail décent.

34. Les normes internationales du travail donnent des indications pratiques pour que les emplois verts soient également décents, notamment les instruments relatifs à la santé et à la sécurité, aux produits chimiques et aux conditions de travail. La transformation des économies et des lieux de travail peut être une bonne occasion d’appliquer plus largement les normes du travail grâce à la combinaison de plusieurs facteurs, la prise de conscience, la réglementation et l’inspection, et aussi la responsabilité sociale des entreprises.

35. La croissance verte et la production propre s’inscrivent dans un effort général pour s’orienter vers des modes de production et de consommation compatibles avec le développement durable, en passant par des mutations qui s’appuient sur les besoins de développement de chaque pays. Dans ce contexte de transformation l’un des défis majeurs est de veiller à ce que les emplois verts nécessaires au développement propre soient des emplois décents, pour contribuer ainsi à un développement socialement durable.

E. Des opportunités et des défis pour l’emploi L’efficacité énergétique

36. Historiquement, c’est l’amélioration de la rentabilité énergétique qui a le plus contribué à la réduction des émissions. Cela va exiger de transférer et de déployer de nouvelles technologies. Une grande partie du parc immobilier et des équipements a un long cycle de vie et un taux de renouvellement faible. L’amélioration significative des processus et des installations existants, souvent pour un coût réduit, ne pourra pas se

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faire sans la participation active des dirigeants et des travailleurs.

37. L’amélioration de la rentabilité énergétique est souvent consécutive à un investissement dans une meilleure technologie, mais il y a des grands potentiels souvent inexploités d’améliorations des méthodes de travail et des procédures. Des initiatives communes aux employeurs et aux travailleurs pour « rendre le lieu de travail plus vert » peuvent apporter des améliorations significatives de la rentabilité énergétique et de l’utilisation des ressources avec peu ou pas d’investissement en capital, et pour un coût global réduit. Il existe de nombreux exemples de ce genre d’actions réduisant la consommation de 15 pour cent ou plus. L’amélioration de la rentabilité énergétique peut se faire dans tous les secteurs, mais le potentiel est particulièrement important dans l’industrie, les transports et surtout dans le bâtiment.

38. Ce sont les bâtiments qui sont les plus grands consommateurs d’énergie. Ils sont généralement responsables de 30 à 40 pour cent de la demande, et d’une proportion identique des émissions de gaz à effet de serre. D’après le GIEC, ce sont les bâtiments qui représentent le potentiel le plus important de réduction des émissions, tous secteurs confondus. L’efficacité énergétique ces bâtiments peut souvent être améliorée de 50 pour cent ou plus. Dans de nombreux pays, les maisons à énergie zéro ou à énergie négative vont prochainement devenir la norme pour une augmentation du coût de la construction neuve de 5 à 10 pour cent, ce qui est très faible. Cependant, le cycle de vie utile d’un bâtiment va de 60 à 100 ans. Le parc immobilier de la plupart des pays est donc relativement vieux. La rénovation de ces bâtiments anciens requiert beaucoup de main d’œuvre, et un travail sur mesure habituellement fourni par des entreprises locales et des travailleurs qualifiés.

39. Plus de la moitié des économies d’énergie potentielles sur les bâtiments se situe dans les pays en développement, et presque un tiers des réductions d’émissions peuvent avoir un prix de revient net négatif sur un temps relativement court, c’est-à-dire qu’ils se remboursent avec les économies faites sur la facture d’énergie. Récemment, l’Allemagne vient de multiplier par quatre un programme de rénovation qui existait déjà depuis un certain nombre d’années. Dans ce programme - probablement le plus important au monde – à chaque fois qu’on investit 1 milliard d’euros dans le parc immobilier, 25 000 emplois sont créés ou maintenus. 15 Les partenaires sociaux du secteur de la construction ont joué un rôle important dans la conception et la mise en œuvre de ce programme. Une étude récente réalisée aux Etats-Unis montre que la rénovation des bâtiments exige des travailleurs qualifiés qui sont parmi les plus demandés, d’après le Département du Travail. Combinée à des programmes de formation et d’apprentissage, la rénovation peut permettre à des groupes de travailleurs risquant de tomber dans la pauvreté de s’en sortir puisque ces emplois sont relativement bien payés.16

40. En plus de ce potentiel au niveau de l’emploi, les mesures d’efficacité énergétique peuvent contribuer à la réduction de la pauvreté. Les ménages les plus pauvres dépensent souvent une part disproportionnée de leurs revenus en factures d’électricité, de chauffage et de transports. Améliorer l’efficacité énergétique se traduit souvent par

15 BMU (2007 ) What is the German government doing to boost energy efficiency ? Ministère Allemand de l’environnement (BMU) http://www.bmu.de/english/energy_efficiency/buildings/doc/38270.php 16 Greener Pathways: Jobs and Workforce development in the Clean Energy Economy, available from the Centre on Wisconsin at: http://www.cows.org/greenerpathways/

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une amélioration des revenus nets des plus pauvres.

Les énergies renouvelables

41. L’énergie renouvelable du vent, du soleil, l’énergie thermique, photovoltaïque, hydraulique à petite échelle et géothermique représentent avec la bioénergie la source d’emplois verts la plus facile à comptabiliser. Il existe déjà au moins 2,2 millions d’emplois dans la fabrication, l’installation et la gestion des équipements en matière d’énergie renouvelable, dont la moitié dans le monde en développement. Les investissements dans ce secteur augmentent de 20 pour cent par an, et l’emploi dans ce secteur devrait dépasser 20 millions d’emplois d’ici 2030.17 L’élasticité de l’emploi dans toutes les formes d’énergie renouvelable est sensiblement plus grande que pour les alternatives fossiles ou nucléaires par unité d’investissement, par unité de capacité installée et par unité de production. En général l’emploi se concentre moins dans la phase de production et d’installation des équipements, et fournit un emploi plus continu dans les opérations d’exploitation et de maintenance.

42. La bioénergie comme l’alcool produit à partir d’amidon ou de sucre, le biodiesel dérivé des cultures oléagineuses et utilisé comme carburant pour les automobiles, le bois ou la biomasse utilisés pour la production d’électricité ont le plus fort taux d’élasticité de l’emploi. Des études pour l’Inde par exemple, suggèrent que chaque hectare de culture destiné à la bioénergie peut créer un emploi à temps plein. La plupart du temps, ce sont des emplois verts. Sous les tropiques, à condition d’avoir des cultures et des modes de transformation efficaces, la bioénergie peut avoir un bilan énergétique favorable, et ses émissions sont nettement plus faibles que les combustibles fossiles. Par ailleurs, la bioénergie a tendance à entrer en concurrence avec la production alimentaire pour l’utilisation des terres agricoles, et est souvent associée à des revenus faibles et une très mauvaise qualité des emplois. Au moment où surgit la crise des prix alimentaires, cette question occupe le devant de la scène et fait l’objet de discussions urgentes au niveau national et international.

43. L’énergie renouvelable à petite échelle, y compris la biomasse, peut être utilisée pour produire de l’électricité de façon décentralisée pour les 1,6 milliards de personnes ou plus qui n’ont pas accès à une forme moderne d’énergie actuellement. Des projets montrent qu’il peut y avoir une amélioration de la qualité de vie des plus pauvres, des possibilités d’emploi et de revenus dans la production d’électricité et, ce qui est plus important, de nouvelles opportunités économiques pour le développement des petites entreprises une fois que les gens ont accès à l’électricité ou à d’autres formes d’énergie.

Le recyclage et l’économie circulaire

44. Le recyclage et l’économie circulaire sont essentiels pour éliminer progressivement les déchets et fermer le cycle matériel de production et de consommation. Le recyclage est déjà à la source d’une grande partie des emplois verts identifiables, et l’augmentation des prix des produits de base le rend de plus en plus compétitif. Les

17 Worldwatch Institute (à paraître) ‘Preliminary report: Green jobs – Towards Sustainable Work in a Low-carbon World’, December 2007 www.unep.org/civil_society/Publications/index.asp/

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matériaux, en particulier les métaux comme l’aluminium, mais aussi le verre et le papier, dont la production requiert beaucoup d’énergie, peuvent être recyclés de façon rentable, en réduire de façon significative la facture énergétique et les émissions. En Europe, les taux de recyclage de ces matériaux sont de 50 à 80 pour cent. Cela contribue à la protection de l’environnement naturel, et cette une source de matières premières s’avère dans de nombreux cas plus abordable que les ressources primaires.

45. En Chine par exemple, on estime à 10 millions le nombre de personnes employées dans le recyclage. Le segment du recyclage des produits de la technologie de l’information y est relativement récent, mais il se développe rapidement, et s’intègre à la chaîne de production mondiale. Dans ce cas, tout comme pour les chantiers de démolition des navires au Bangladesh, les conditions de travail sont généralement très mauvaises, et les risques pour la santé et pour l’environnement sont nombreux. Transformer le recyclage afin qu’il contribue au développement local durable et fournisse des emplois décents reste un vrai défi, mais c’est également une véritable opportunité.

46. On en est encore au début des approches plus avancées allant vers une économie circulaire comme la refabrication et l’approche globale de la production. Les pionniers dans ce domaine ont été des entreprises japonaises. Il y a eu très peu de recherches sur les implications de la refabrication, et de l’approche globale de la production sur l’emploi, mais une étude de cas européenne suggère que cela demanderait deux fois plus de main d’œuvre, et des aptitudes professionnelles plus élevées que pour la fabrication conventionnelle.

La gestion durable des ressources naturelles renouvelables.

47. La gestion durable des ressources naturelles renouvelables est un élément essentiel du point de vue de l’environnement, de la sécurité alimentaire et de l’emploi. L’agriculture et la sylviculture figurent au nombre des secteurs les plus touchés par le changement climatique, mais ils ont aussi grandement contribué aux émissions de gaz à effet de serre. La conversion des forêts en terres agricoles ou pour d’autres usages a été responsable de 20 à 25 pour cent des émissions de CO2. En Indonésie et au Brésil, les émissions dues à la déforestation sont particulièrement fortes, comparativement à celles de l’industrie et des transports.

48. Pendant des décennies, les stocks alimentaires ont été relativement négligés, mais avec leur déclin, l’agriculture et le développement rural attirent de nouveau l’attention. Il faudra faire de grands efforts pour développer des systèmes de production dans l’agriculture et la sylviculture qui fournissent des revenus et des moyens d’existence décents, tout en réduisant les émissions, en consommant moins d’eau et en préservant la fertilité des sols et la biodiversité. Ces systèmes de production durables ne vont probablement pas inverser la tendance au déclin de l’emploi dans le secteur agricole, mais les conditions de travail peuvent être améliorées. Il sera donc nécessaire de remettre l’emploi rural durable dans une perspective plus large. Une étude récente réalisée par le Centre pour la science et l’environnement à New Delhi (Centre for Science and Environment) sur la nouvelle Loi nationale garantissant l’emploi rural suggère que les programmes locaux de préservation de l’eau et de reboisement permettront d’augmenter l’impact sur la réduction de la pauvreté et la création de

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moyens d’existence durables. 18

F. La dynamique du marché du travail

49. Il existe déjà des millions d’emplois verts. Et ils se multiplient rapidement dans les secteurs comme les énergies renouvelables. La recherche sur les emplois verts s’est essentiellement concentrée sur les pays industrialisés, mais il semble que ce sont les mêmes mécanismes et les mêmes impulsions technologiques qui sont à l’origine des transformations dans les pays en développement, ce qui devrait aboutir à des résultats à peu près similaires en termes de création d’emplois. Alors que les emplois verts identifiables sont bien réels, et que ces secteurs semblent être une source d’emploi de plus en plus importante à l’avenir, il serait incorrect de se concentrer uniquement sur le nombre d’emplois verts directs. Leur signification pour l’économie et pour le marché du travail ne peut être évaluée qu’en adoptant une perspective plus large sur la transformation de l’économie dans laquelle les emplois verts jouent un rôle prépondérant.

50. Afin d’anticiper l’incidence des emplois verts sur les marchés du travail, il est nécessaire de reconnaître leur rôle de précurseur dans le verdissement de l’activité économique ; de prendre en compte les interactions de la création, la substitution, la destruction et la transformation d’emplois ; d’envisager leurs effets plus largement par le biais de l’emploi indirect, et la restructuration des économies vers une production qui nécessite plus de main d’œuvre et moins de ressources, et reconnaître le potentiel des emplois verts en matière de développement et de réduction de la pauvreté.

51. Le nombre d’emplois verts déjà comptabilisés, ou dont on prévoit la création dans les années à venir est certes substantiel, mais il reste modeste au regard de la taille des marchés du travail nationaux et mondiaux. 100 millions d’emplois verts ne représenteraient qu’à peine plus de 3 pour cent de la main d’œuvre mondiale, qui dépasse les 3 milliards de personnes. Ces emplois verts auraient une certaine importance s’ils étaient tous des emplois nouveaux supplémentaires, mais généralement, ils remplacent au moins en partie des emplois existants. C’est le cas par exemple des emplois dans le secteur des énergies renouvelables qui remplacent les emplois du secteur des énergies fossiles. L’impact direct de la substitution par des emplois verts est souvent favorable au bout du compte, car il y a généralement plus d’élasticité dans ces emplois, mais cela n’est pas d’une grande consolation pour les travailleurs déplacés de « l’économie du carbone ».

52. De plus, dans cette recherche d’une économie plus efficace au niveau des ressources et de l’énergie, et d’un impact moindre sur l’environnement, la croissance verte et la production propre vont transformer un grand nombre, voire la majeure partie des emplois. Plutôt que de remplacer les emplois existants par des emplois verts complètement différents, c’est le contenu des emplois, la façon dont on travaille, et les aptitudes des travailleurs qui vont devoir changer.

53. Les technologies vertes et les emplois verts ont un impact en tant que précurseurs sur les autres secteurs de l’économie et de l’emploi qui ne sont ni particulièrement bruns ni tout à fait verts. Les emplois dans le secteur des énergies renouvelables par exemple

18 NREGA Opportunities and Challenges, Natural resource Management and Livelihood Unit, Centre for Science and the Environment, New Delhi, 2008

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abaissent de façon significative l’empreinte écologique des secteurs en aval. Le secteur des technologies de l’information par exemple contribue aux émissions de gaz à effet de serre, certes encore modestement, mais sa part augmente rapidement. Se brancher sur des énergies renouvelables pour surfer sur l’Internet, travailler au bureau sur son ordinateur, ou recharger son téléphone portable ferait de ce grand secteur économique une activité à faible impact, et rendrait l’emploi dans les technologies de l’information plus durable. Brancher les voitures électriques sur des batteries photovoltaïques par exemple, réduirait de façon considérable l’impact du transport sur le climat. Les emplois verts dans l’efficacité énergétique, la réutilisation et le recyclage des matériaux et des produits ont des effets similaires. Ces effets structurels de l’emploi feraient glisser les économies vers un modèle qui utilise moins de ressources et plus de main d’œuvre, créant ainsi un nombre d’emplois significatifs en comparaison des systèmes de production conventionnels.

G. Les réponses politiques

54. Essayer d’anticiper la transformation de l’économie qu’induira le passage à des modes de production et de consommation plus durables, et les effets nets qui en résulteront sur la dynamique du marché du travail est une affaire complexe. Cependant, se lancer dans cet effort permet de sélectionner les éléments essentiels pour élaborer une politique, afin de les analyser de façon plus approfondie, comme le montrent les premiers résultats obtenus. Il faudra recourir à toute la gamme des politiques d’ajustement de l’emploi pour faciliter la mutation et l’encourager. Il sera nécessaire de mieux comprendre l’étendue, la vitesse et l’orientation des changements pour savoir comment les utiliser.

55. Les trois principaux outils qu’utilise l’OIT sont l’analyse du marché du travail, la protection sociale et le dialogue social. Pour concevoir une bonne politique, il est indispensable d’avoir une bonne analyse de son impact éventuel sur le marché du travail, les politiques de protection sociale permettent d’atténuer l’impact du changement pour ceux qui s’en trouvent affectés de façon négative, et comme le Directeur général de l’OIT l’a dit aux ministres de l’environnement au Conseil d’administration du PNUE à Monaco en février dernier, « il est nécessaire d’avoir un dialogue social entre les acteurs les plus concernés par ces mutations – les travailleurs, les employeurs et les gouvernements – afin de travailler à des politiques justes, efficaces et équilibrées dans leurs coûts et les avantages qu’elles apportent, car c’est ce qui les rendra durables. » 19

56. Une des questions qui se posent vient du fait qu’on ne comprend pas très bien l’impact sur les PME, qui sont les principaux employeurs. Il peut y avoir un risque de voir le changement structurel de l’économie induit par les politiques de croissance verte et le prix des matières premières et de l’énergie marginaliser les PME car seules les grandes entreprises, mieux informées, et plus sophistiquées, seraient en mesure de saisir les opportunités. En plus de l’assistance officielle au développement destinée à l’adaptation et à l’atténuation, il faudrait modifier les accords sur les transferts financiers comme le Mécanisme de développement propre dans le cadre du Protocole de Kyoto afin qu’ils deviennent accessibles aux PME, aux collectivités locales et aux initiatives bénéficiant directement aux plus démunis.

19 ibid

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57. De la même façon, le développement des aptitudes professionnelles va jouer un rôle essentiel pour que la croissance verte devienne réalité. Il y a d’ores et déjà un manque d’experts et de travailleurs qualifiés dans de nombreux pays, avec pour conséquence que les normes en matière de rendement énergétique ne sont pas respectées, que les améliorations en matière de rendement énergétique se font plus lentement, ainsi que le déploiement des énergies renouvelables et d’autres technologies à haute performance.

58. Pour faire face à la fréquence accrue des catastrophes naturelles et à leur plus grande sévérité, il est nécessaire de faire des investissements préalables pour renforcer la résilience des sociétés locales, y compris grâce à des systèmes de protection sociale de base. Les grands investissements en vue de l’adaptation pourraient offrir un grand nombre d’emplois et de possibilités de revenus dans des domaines comme l’extension des protections côtières, le renforcement des bâtiments et de l’infrastructure, la gestion de l’eau et la récolte, et le déplacement des habitations et des industries dans les zones à risque. Dans le secteur agricole, l’adaptation aura un impact négatif ou positif sur l’emploi et les revenus en fonction des besoins en main d’œuvre des nouvelles cultures, des pratiques agricoles, et de leur compatibilité avec des petites exploitations agricoles.

59. Des décisions politiques cruciales sur le changement climatique vont être prises dans les vingt prochains mois, au fur et à mesure de l’élaboration du nouveau système international relatif au climat après 2012. Les syndicats internationaux, les chefs d’entreprises et les organisations d’employeurs se sont efforcés d’établir un lien entre les dimensions économiques et sociales du développement et ces discussions internationales. Pourtant, l’emploi, le développement des entreprises, le dialogue social, la protection sociale et la réduction de la pauvreté sont rarement mentionnés dans ces négociations. Il existe aussi tout un potentiel largement ignoré de dialogue social et d’alliances au niveau national, sectoriel, au niveau des entreprises et des lieux de travail pour parvenir à des réponses politiques mieux adaptées et plus intégrées. Les tables rondes sectorielles nationales qui existent en Espagne pour discuter de la mise en œuvre des engagements de Kyoto sont un exemple des mécanismes tripartites permettant de faciliter cette mutation.

H. L’Initiative de l’OIT en faveur des emplois verts

60. Au cours de l’année 2007, l’OIT a accéléré son travail sur les emplois verts. Dans son rapport à la Conférence internationale du Travail, le Directeur général a souligné qu’il était important que les mandants de l’OIT travaillent de concert pour anticiper les changements en matière d’emploi qui seront engendrés par un développement plus durable pour l’environnement. 20 En novembre, le groupe de travail du conseil d’administration sur la dimension sociale de la mondialisation a invité pour une discussion sur le travail décent au service du développement durable – le défi du changement climatique, M. Achim Steiner, Directeur exécutif du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) et Sous-secrétaire général des Nations Unies, M. Michel Jarraud, Secrétaire général de l’organisation météorologique mondiale (OMM), M. Supachai Panitchapakdi, Secrétaire général de la Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement (CNUCED), M. Matthew Farrow, chef de l’environnement à la Confédération de l’industrie britannique (CBI),

20 Le travail décent au service du développement durable CIT 96-2007/ rapport I(A) http://www.ilo.org/public/french/standards/relm/ilc/ilc96/pdf/rep-i-a.pdf

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et M. Joaquin Nieto, secrétaire pour la sécurité, la santé et l’environnement professionnel de la Confédération syndicale des commissions ouvrières (Espagne). 21

61. L’OIT, de concert avec le PNUE, la Confédération syndicale internationale (CSI) et d’autres ont lancé une « Initiative en faveur des emplois verts ». Il s’agit d’une contribution à l’élaboration et à la mise en œuvre d’une stratégie sur le changement climatique pour le système des Nations Unies. L’objectif est d’encourager et de repérer les nombreuses innovations technologiques, les opportunités d’investissement, et les gisements d’entreprises et d’emplois de qualité sur la voie du développement durable. Cette initiative examinera également les besoins en matière d’adaptation et de protection sociale des entreprises et des travailleurs concernés par les changements de la production et de la consommation.

62. Le travail dans le cadre de cette initiative de l’OIT en faveur des emplois verts et en partenariat avec le PNUE, la CSI etc., comporte les éléments suivants :

• Un rapport sur les emplois verts préparé par l’institut Worldwatch à paraître en juin 2008.

• Repérer les conséquences sur le marché du travail : une analyse des options au niveau méthodologique. Une première application est prévue dans le cadre d’un plus vaste projet de l’ONU en Chine.

• Une première étude d’ensemble sur le rendement énergétique des bâtiments dans les pays en développement et les économies émergeantes.

• Le rendement énergétique et les PME – recherche et intégration des résultats dans les programmes en cours relatifs au développement des entreprises.

• Développement des aptitudes professionnelles : un examen préliminaire a été effectué pour le rapport sur les aptitudes professionnelles qui fera l’objet d’une discussion à la Conférence internationale du travail de juin 2008. Un grand rapport consacré à ce sujet essentiel sera préparé pour 2009.

• L’adaptation au changement climatique – impact sur les zones rurales : avec la FAO, l’OIT prévoit d’élaborer une méthodologie pour que l’emploi soit pris en compte dans les plans et les programmes nationaux d’adaptation au changement climatique. Le Bangladesh fait partie des pays où cette méthodologie doit être testée.

• La bioénergie et les petites exploitations agricoles : l’OIT a développé des outils pour évaluer les conséquences des biocarburants sur l’emploi et les revenus au Brésil. L’OIT a reçu une demande d’assistance de la part du

21 Voir le rapport de cette réunion http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---ed_norm/---relconf/documents/meetingdocument/wcms_087621.pdf et le document http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---ed_norm/---relconf/documents/meetingdocument/wcms_085038.pdf

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gouvernement de l’état de Bahia pour élaborer un programme de biocarburants durable destiné à améliorer le niveau de vie des petits agriculteurs. Ce programme comprend la recherche de critères et d’indicateurs sur la durabilité économique, sociale et environnementale afin de mesurer l’impact de la politique et de certifier les produits pour leur commercialisation et leur vente.

• Une documentation sur les bonnes pratiques : une étude sur le rôle des partenaires sociaux dans la mise en œuvre du Protocole de Kyoto en Espagne a été réalisée. D’autres études de cas sur le rôle du dialogue social et des emplois verts dans le développement sont en cours.

• Avec le Centre international de formation de l’OIT de Turin, un premier module de formation sur les emplois verts va être réalisé d’ici à fin 2008. L’objectif essentiel sera de former des capacités dans les ministères du travail, les organisations d’employeurs et de travailleurs, pour intégrer les stratégies en faveur des emplois verts dans les programmes par pays de promotion du travail décent.

• « Des emplois verts pour l’Asie et le Pacifique » est un programme réalisé par l’OIT, qui contribue ainsi à la priorité régionale mise sur la « croissance verte » et menée par l’ONU/CESAP. Une conférence régionale sur les emplois verts à Niigata du 21 au 23 avril 2008 a rassemblé une quarantaine d’experts des gouvernements nationaux et des collectivités locales, des organisations d’employeurs et de travailleurs, des instituts de recherche sur le travail, des universités et des ONG travaillant dans l’environnement et les questions sociales. La conférence a permis de définir un ordre du jour pour les recherches pertinentes pour les politiques de l’OIT et de ses partenaires dans la région, et a identifié des approches pour la promotion des emplois verts, qui peuvent s’intégrer dans les programmes par pays de promotion du travail décent de la région. Les experts ont également adressé un certain nombre de messages aux réunions du G8 de 2008 (voir l’annexe de ce document).

I. Le rôle de leader du G8 dans une stratégie mondiale en faveur des emplois verts

63. Relever les défis du changement climatique est l’une des plus hautes priorités de l’agenda international, mais il s’agit d’un des problèmes les plus épineux pour la coopération internationale. Le réchauffement mondial est directement lié à nos modes de travail, et on ne pourra y mettre fin qu’en changeant notre façon de travailler. Les politiques destinées à atteindre cette transformation radicale exigeront une étroite collaboration sur de nombreux domaines politiques. Les ministres du travail et de l’emploi devront participer à ces efforts nationaux et internationaux pour initier et faciliter le processus de changement sur les lieux de travail – les usines, les bureaux, les exploitations agricoles, les mines, et les installations de transport. C’est par une coopération entre employeurs et travailleurs, et leurs organisations que les objectifs mondiaux pourront se traduire par des progrès tangibles pour les trois piliers du développement durable.

64. Depuis la dernière réunion des ministres du G8 à Dresde et des chefs d’état et de gouvernement à Heilingendamm, l’interdépendance entre les volets économiques,

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sociaux et environnementaux du développement durable est apparue de plus en plus clairement au fil des mois dans le contexte de l’économie de marché mondialisée. Alors que les perspectives pour l’emploi semblent assez sombres pour l’année à venir, l’orientation des politiques vers la reprise crée une opportunité de modeler un nouveau cadre mondial pour un développement durable du point de vue économique, social et de l’environnement. Le plein emploi productif et le travail décent pour tous sont au centre de ce cadre.

65. Le rôle prééminent du G8 en matière d’emplois verts contribue grandement à l’arrêt, puis à l’inversion de la croissance des émissions de gaz à effet de serre. De plus, grâce à leur engagement dans des processus multilatéraux, les gouvernements du G8 et leurs partenaires peuvent renforcer la coopération, ce qui est crucial pour une action à long terme. Les ministres du travail et de l’emploi ont une contribution spécifique à apporter, en aidant leurs homologues des pays en développement à s’engager dans l’élaboration et la mise en œuvre de stratégies nationales en faveur des emplois verts, dans le cadre des programmes par pays en faveur du travail décent. À un moment de ralentissement mondial de l’activité et d’incertitudes économiques, il faut veiller à continuer d’avancer dans l’adaptation de la structure de l’emploi au développement durable, et c’est un autre volet des décisions politiques actuelles. 22 Dans ce contexte, il est essentiel d’accroître l’assistance au développement et de revenir aux engagements du G8 de Gleneagles de 2005 pour progresser en matière d’emplois verts dans les pays en développement.

66. Dans le cadre des stratégies en faveur des emplois verts, apparaissent les questions essentielles suivantes:

• Repérer les domaines qui connaîtront probablement des augmentations ou des baisses d’emplois à la suite des changements de politique visant à favoriser des modes de croissance plus durable ;

• Promouvoir au niveau national, sectoriel, au niveau des entreprises et des lieux de travail le dialogue sur le « verdissement » de l’emploi ;

• Réexaminer les politiques de formation professionnelle pour être en mesure de saisir les opportunités d’emplois ;

• Intégrer les approches relatives aux emplois verts dans les politiques de diversification des marchés de l’emploi ;

• Encourager les programmes destinés aux PME pour favoriser les économies d’énergie, une production plus propre et plus efficace vis-à-vis des ressources, le recyclage, etc. ;

• Inclure des mesures de promotion des emplois verts dans les politiques destinées à aller à l’encontre des cycles ;

• Instaurer le dialogue entre collègues des différents ministères au niveau

22 Voir la déclaration du Directeur général de l’OIT lors de la réunion du Comité monétaire et financier international et du Comité du développement, avril 2008 : http://www.ilo.org/public/french/bureau/dgo/speeches/somavia/2008/ifi.pdf

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national, particulièrement avec le ministère de l’environnement, à propos des initiatives visant à anticiper et à saisir les opportunités d’emploi ;

• Entamer le dialogue avec les collègues des ministères du développement et leurs homologues des pays en développement sur les systèmes de protection sociale de base par exemple, et la collaboration sur les investissements nécessitant beaucoup de main d’œuvre dans le cadre des programmes d’adaptation à l’évolution du climat (infrastructures résistantes au climat, réhabilitation des bassins versants, des mangroves, construction de protections contre les inondations, préservation de l’eau, etc.)

• Coopérer avec les collègues des ministères du développement et de l’environnement et leurs homologues des pays en développement pour repérer les voies qui mènent au développement propre, et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, tout en créant plus d’emplois et de meilleurs emplois et en réduisant la pauvreté. On pourrait progresser rapidement en décentralisant l’accès à l’énergie, en réhabilitant les taudis urbains et les logements sociaux pour économiser l’énergie, en évitant le déboisement, en mettant en place une agriculture durable, et en améliorant le rendement énergétique dans petites entreprises du monde rural.

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Annexe Conférence de recherche de l’OIT

« Des emplois verts pour l’Asie et le Pacifique »

Niigata, Japon, 21-23 avril 2008

Messages sur les politiques émergeantes à destination des réunions du G8 de 2008 La Conférence régionale de recherche de l’OIT sur « Les emplois verts pour l’Asie et le Pacifique », qui s’est tenu à Niigata du 21 au 23 avril 2008, a rassemblé une quarantaine d’experts des gouvernements nationaux et des collectivités locales, des organisations d’employeurs et de travailleurs, des instituts de recherche sur le travail, des universités et des ONG travaillant dans l’environnement et les questions sociales.23 Parmi ses conclusions figurent six messages politiques essentiels à présenter aux réunions du G8 organisées par le gouvernement du Japon en 2008 :

1. L’interdépendance entre les volets économiques, sociaux et environnementaux du changement climatique et d’autres politiques doit être inscrite dans le cadre politique.

La croissance verte dans la région Asie-Pacifique ainsi que les réponses nationales et mondiales au changement climatique vont entraîner une modification profonde des modes de production et de consommation. Ce qui aura un impact important sur les marchés du travail, les moyens d’existence et le développement social. Il s’agit d’un défi aussi important que ceux de la mondialisation ou du vieillissement de la population, et pourtant on accorde encore trop peu d’attention à la dimension sociale des décisions politiques en matière d’environnement.

2. La croissance verte et la lutte contre le changement climatique peuvent fournir

des possibilités d’emplois et de développement.

Le « verdissement » de la production et des emplois permettra aux entreprises et à l’emploi de devenir durable. Promouvoir activement les emplois verts peut engendrer plus d’emplois et de meilleurs emplois, et des possibilités de revenus. De nombreux exemples de la région Asie-Pacifique et d’ailleurs montrent que les emplois verts peuvent avoir une incidence significative sur le développement économique et la réduction de la pauvreté. Ils peuvent apporter une contribution importante à la réalisation des objectifs du Millénaire du développement n° 1 (réduction de la pauvreté), et n° 7 (protection de l’environnement), en les rendant complémentaires au lieu de les opposer.

3. La croissance verte et l’arrêt du changement climatique sont tributaires des

entreprises vertes et des emplois verts. Les entreprises plus vertes et les emplois verts sont un élément essentiel de la solution aux problèmes liés à l’environnement, y compris au changement climatique. On a tendance à négliger ce facteur dans les discussions sur la politique de l’environnement.

23 Vous trouverez les documents et les informations relatives à cette conférence à l’adresse suivante : http://www.ilo.org/public/english/region/asro/bangkok/events/greenjobs/index.htm

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Les objectifs en matière d’environnement ne pourront être atteints sans la volonté et l’initiative des employeurs et des travailleurs. Des expériences réalisées dans notre région et dans d’autres parties du monde montrent que les normes en matière de performances vis-à-vis de l’environnement et les objectifs en matière d’écoefficacité ne peuvent pas être atteints sans les aptitudes professionnelles nécessaires, ni sans une préparation des entreprises et des travailleurs à l’adoption de nouvelles technologies. Le manque d’aptitudes professionnelles freine la transition vers une production plus propre dans de nombreuses parties du monde. Inversement, les secteurs économiques et les entreprises individuelles peuvent apporter une contribution essentielle à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et de l’empreinte écologique en général au moyen d’initiatives de gestion du travail pour rendre les lieux de travail plus écologiques, souvent à un coût réduit. Dans de nombreux cas, les ressources investies par les pays pour répondre aux problèmes sociaux et aux problèmes du marché du travail sont supérieures aux coûts estimés des mesures d’atténuation du changement climatique. La mobilisation des synergies potentielles entre les politiques liées au changement climatique et les politiques de développement social pourrait entraîner des économies considérables en particulier au niveau des dépenses publiques.

4. Les marchés du travail et leurs institutions doivent se préparer au changement.

Contrairement à d’autres mutations auxquelles les marchés du travail ont dû s’adapter après coup, le défi du changement climatique peut être anticipé. Il est assez facile de comprendre les effets du changement climatique sur les économies nationales, les secteurs individuels et les régions. Dans les 18 mois qui viennent, vont être élaborées des politiques destinées à atténuer le changement climatique et réduire les émissions, elles peuvent prendre en compte les menaces sur l’emploi et les opportunités sur le marché du travail qui en seront la conséquence. Dans ce sens, il est urgent et indispensable d’anticiper les conséquences du changement climatique sur les marchés du travail, et également les effets des politiques d’adaptation et d’atténuation sur ce même marché du travail. Il faut particulièrement se pencher sur les aptitudes professionnelles qui seront nécessaires, et sur les modifications sectorielles. Pour ces dernières, il sera peut-être nécessaire d’adopter des mesures pour faciliter « une transition équitable » pour les entreprises, les travailleurs et les communautés.

5. Mettre l’accent sur l’équité et la nécessité de trouver des voies de développement propre. L’équité sera un élément essentiel pour aboutir à un accord international sur le changement climatique. Il s’agit à la fois du sentiment d’une partage équitable des charges, et de l’accès aux opportunités entre pays et au sein de chaque pays. Les emplois verts représentent un potentiel important pour favoriser le développement et contribuer à une amélioration générale du niveau de vie et à la réduction de la pauvreté. Les pays du G8, et notamment les ministres du travail peuvent aider les pays à profiter de ce potentiel. Ils peuvent aider leurs homologues des pays en développement et des économies émergeantes et favoriser la coopération Sud-Sud pour élaborer et mettre en œuvre des voies pratiques vers un développement propre accompagné de plus d’emplois et d’emplois de meilleure qualité.

6. Promouvoir des politiques cohérentes, donner aux acteurs des responsabilités et des moyens d’agir.

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Les politiques économiques, sociales et de l’environnement, sont fortement interdépendantes, mais les avantages qu’il est possible de tirer de ces synergies ne viendront pas automatiquement. Il est essentiel d’avoir une cohérence des politiques et il faudra dans ce sens un engagement au plus haut niveau politique. Les ministres du travail sont bien placés pour organiser ces relations et inclure la dimension sociale dans les discussions sur la politique de l’environnement, notamment le débat sur le climat, où sont établis les prix relatifs, les politiques industrielles et où sont prises les décisions essentielles en matière de transferts de technologies, de flux financiers et d’investissements. Les ministres du travail ont également un rôle essentiel à jouer auprès de leurs homologues de l’environnement pour instaurer les mécanismes du dialogue social, et des mesures qui permettront aux principaux acteurs - les employeurs, les travailleurs, les collectivités locales et les communautés - de contribuer à une prise de décision plus informée, qui sera suivie d’une mise en oeuvre plus efficace.