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www.forumeco.fr ACTUALITÉS - LE JOURNAL DU PALAIS DE BOURGOGNE FRANCHE-COMTÉ - 8 DU 25 AU 31 MAI 2020 - N° 4708 Les entreprises face à un Brexit dur ? Avis d’expert. La crise sanitaire n’a pas empêché les travaux à distance afin de préparer les meilleures conditions de relations avec le Royaume-Uni après la confirmation le 31 janvier de son départ au 1er janvier 2021. L e 31 janvier dernier, le Brexit a été confirmé et le droit de l’Union euro- péenne (UE) cessera de s’appliquer au Royaume- Uni à partir du 1er janvier 2021. Mais, qu’en sera-t-il réellement ou de façon sous-jacente pour les entreprises surtout avec la reprise d’un certain manque de volonté bri- tannique comme pour blâmer l’UE d’avoir provoqué cela et devant ses propositions sans doute trop inscri- tes dans une certaine continuité ? La période de transition, qui pour- rait être étendue jusqu’à la fin de l’année 2021 ou 2022, par une déci- sion prise avant le 1er juillet 2020, ne change rien pour les citoyens, les consommateurs, les entreprises, les investisseurs, les étudiants et les chercheurs tant dans l’UE qu'au Royaume-Uni. Il n’y aura pas d’in- cidence en matière de douanes ou de fiscalité pendant la période de transition. Les dépenses de recher- che continuent à être éligibles, les périmètres d’intégration fiscales demeurent inchangés, les opéra- tions intracommunautaires conti- nuent, des modifications ou rem- boursements de TVA pourront être demandés auprès de l'administra- tion britannique, les mini-guichet TVA (MOSS) fonctionneront et l'a- chat d'un véhicule professionnel au Royaume-Uni sous couvert d’attes- tation de TVA restera applicable. QUELS IMPACTS ? Quel que soit le scénario envisagé, cette sortie provoquera des pertur- bations et des impacts administra- tifs, logistiques et financiers impor- tants. Le Covid-19, qui semble peut-être désormais maitrisé dans sa propagation, ne repoussera sans doute pas les dates fixées, même dans le domaine médical. La Com- mission européenne et les États- membres réalisent une communi- cation en ce sens depuis 2018 avec une liste de contrôle détaillée. Même si le Covid-19 nous a habitué au rétablissement ponctuel des frontières, il semble parfois difficile d’imaginer la fin de la libre circula- tion des capitaux, des marchandises notamment sur les normes sanitai- res et phytosanitaires, des services, des personnes et de la liberté d’éta- blissement avec ce pays si voisin et coutumier aux échanges. En cas d'absence d'accord, les marchan- dises en provenance ou à destina- tion du Royaume-Uni seront traitées comme des importations et expor- tations en provenance/à destination d'un “pays tiers” et non plus mem- bre de l’UE. Des droits de douane, de la TVA et des droits d'accise seront prélevés à l'importation, tan- dis que les exportations à destina- tion du Royaume-Uni seront exo- nérées de la TVA. POUR QUI ? Sont donc concernées toutes les entreprises vendant des biens ou fournissant des services au Royaume-Uni, achetant des biens ou utilisant un prestataire de servi- ces établi au Royaume-Uni, utilisant des autorisations de mise sur le mar- ché ou des homologations détenues par des entreprises britanniques ou obtenues auprès d’entités britan- niques, disposant d’une filiale ou effectuant des missions au Royaume-Uni ; employant des sala- riés français au Royaume-Uni ou britanniques en France, transpor- tant des personnes ou des marchan- dises, dépositaire de brevets ou de marques européennes actifs au Royaume-Uni (marques européen- nes, indications géographiques, cer- tificats d’obtention végétale, etc.). Aussi, comme le rappellent certains sites officiels, ces entreprises devraient évaluer les risques poten- tiels et prévoir la manière d'y réagir afin de les atténuer, sans oublier, en termes de risque coût, délai perfor- mance, de bien vérifier la chaîne complète de ses clients ou fournis- seurs, voire d’en profiter pour en changer… Il convient de savoir si ces entreprises disposent des capa- cités techniques et humaines néces- saires pour appliquer les règles et procédures, obtenir divers enregis- trements et autorisations pour faci- liter leurs activités commerciales en cas de participation du Royaume- Uni dans leur chaîne d'approvision- nement, prendre contact avec leur autorité douanière nationale pour déterminer les autres mesures qui peuvent être prises pour se préparer. Il incombe aux entreprises de véri- fier, notamment sur le site de leur gouvernement, la validité des contrats, les éléments de propriété intellectuelle, de protection des données, des prestations Urssaf, les conditions d’emploi, la sécurité sociale, les relations avec les syndi- cats, les clauses touchant les pro- fessions réglementées, les formalités douanières, les contrôles sanitaires et phytosanitaires, la circulation des marchandises, l’adaptation des infrastructures portuaires et le transport routier. Sans attendre, en dans l’optique d’une sortie sans accord, les insti- tutions européennes ont prévu par règlement des mesures temporaires d’urgence à la fois calendaires, bud- gétaires et techniques en prévoyant notamment que le fonds de solida- rité puisse aider les États-membres les plus touchés par une sortie sans accord et que le fonds d'ajustement à la mondialisation puisse soutenir les entreprises, les travailleurs par compensation notamment sur les transports terrestres, aériens, l’agri- culture et la pêche et la participation aux programmes de l’Union dont Euratom. Un règlement prévoit aussi une aide financière pour assu- rer dans tous les cas la finalité des programmes Erasmus+, Peace et Interreg ainsi que les investisse- ments d’infrastructure déjà engagés. Par ailleurs, le Conseil a adopté une modification du règlement pour l'exportation de certains biens à double usage afin d'inclure le Royaume-Uni dans la liste des pays tiers à faible risque visés par les autorisations générales d'exporta- tion de l'UE. UN NOUVEAU LABEL ? Pour autant, tout reste encore pos- sible pour prévoir certains allège- ments en vue d’un possible accord sans précédent de libre-échange, ni forcément modèle norvégien ni canadien, sans droit de douanes, ni quotas, pour tous les biens et pré- server les standards de protection sociale et environnementale, même si les positions restent souvent divergentes entre les parties. Mais un partenariat très large, bien au- delà du commerce des biens et ser- vices, mais avec des positions équi- librées et de “fair-play”, semble être difficile quand les Britanniques, demandent des conditions favora- bles à certaines professions et d’é- changes de données sans contre- parties ni garanties notamment sur la pêche. Peut-être faudra-t-il créer un nouveau label ou une certifica- tion “organisation compatible Brexit” ? Peut-être faudra-t-il trouver le meilleur passage pour réduire les temps d’attente des routiers et pour- quoi pas par l’Irlande dont la fron- tière connaitra sans doute certains aménagements avec laquelle il faut éviter de raviver les anciennes ten- sions, la Commission restant quant à elle attachée au filet de sécurité conservant la zone de l’Irlande du Nord dans un cadre européen, découpant du même coup le Royaume-Uni aux yeux de nombre de Britanniques, avec les risques d’implosion sous-jacents liés ensuite à l’Ecosse ? Peut-être fau- dra-t-il revoir les zones de pêche sans raviver d’anciennes guerres internes au sein de l’UE sur d’autres côtes ? Peut-être faut-il revoir dès à présent le statut britannique dans les partenariats de recherche qui inclut certes des pays tiers bien au- delà de l’Europe ? Et Peut-être fau- dra-t-il envisager certains tunnels spécifiques notamment dans la défense pour préserver le traité de Lancaster House entre les deux grandes nations militaires euro- péennes, rappelant aussi que le Royaume-Uni avait récemment choisi de confier son programme nucléaire à la France avec un par- tenariat avec le CEA de Valduc en Côte d’Or plutôt qu’aux États- Unis ? Par François Charles, Coach et conseil en stratégie et management, Président de l’IRCE. DR 4708FBOUR_08.qxp_913FBOUR_08 PB OK 22/05/2020 17:20 Page6

Les entreprises face à un Brexit dur...2020/05/29  · entreprises vendant des biens ou fournissant des services au Royaume-Uni, achetant des biens ou utilisant un prestataire de

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    - L E J O U R N A L D U P A L A I S D E B O U R G O G N E F R A N C H E - C O M T É -

    8 DU 25 AU 31 MAI 2020 - N° 4708

    Les entreprises face à un Brexit dur ?

    Avis d’expert. La crise sanitaire n’a pas empêché les travaux à distance afin de préparer lesmeilleures conditions de relations avec le Royaume-Uni après la confirmation le 31 janvier de son

    départ au 1er janvier 2021.

    Le 31 janvier dernier, leBrexit a été confirmé et ledroit de l’Union euro-péenne (UE) cessera des’appliquer au Royaume-

    Uni à partir du 1er janvier 2021.Mais, qu’en sera-t-il réellement oude façon sous-jacente pour lesentreprises surtout avec la reprised’un certain manque de volonté bri-tannique comme pour blâmer l’UEd’avoir provoqué cela et devant sespropositions sans doute trop inscri-tes dans une certaine continuité ?La période de transition, qui pour-

    rait être étendue jusqu’à la fin del’année 2021 ou 2022, par une déci-sion prise avant le 1er juillet 2020,ne change rien pour les citoyens, lesconsommateurs, les entreprises, lesinvestisseurs, les étudiants et leschercheurs tant dans l’UE qu'auRoyaume-Uni. Il n’y aura pas d’in-cidence en matière de douanes oude fiscalité pendant la période detransition. Les dépenses de recher-che continuent à être éligibles, lespérimètres d’intégration fiscalesdemeurent inchangés, les opéra-tions intracommunautaires conti-nuent, des modifications ou rem-boursements de TVA pourront êtredemandés auprès de l'administra-tion britannique, les mini-guichetTVA (MOSS) fonctionneront et l'a-chat d'un véhicule professionnel auRoyaume-Uni sous couvert d’attes-tation de TVA restera applicable.

    QUELS IMPACTS ?Quel que soit le scénario envisagé,

    cette sortie provoquera des pertur-bations et des impacts administra-tifs, logistiques et financiers impor-tants. Le Covid-19, qui semblepeut-être désormais maitrisé danssa propagation, ne repoussera sansdoute pas les dates fixées, mêmedans le domaine médical. La Com-mission européenne et les États-membres réalisent une communi-cation en ce sens depuis 2018 avecune liste de contrôle détaillée.Même si le Covid-19 nous a habituéau rétablissement ponctuel desfrontières, il semble parfois difficiled’imaginer la fin de la libre circula-tion des capitaux, des marchandisesnotamment sur les normes sanitai-res et phytosanitaires, des services,des personnes et de la liberté d’éta-blissement avec ce pays si voisin etcoutumier aux échanges. En casd'absence d'accord, les marchan-dises en provenance ou à destina-tion du Royaume-Uni seront traitéescomme des importations et expor-tations en provenance/à destinationd'un “pays tiers” et non plus mem-

    bre de l’UE. Des droits de douane,de la TVA et des droits d'acciseseront prélevés à l'importation, tan-dis que les exportations à destina-tion du Royaume-Uni seront exo-nérées de la TVA.

    POUR QUI ?Sont donc concernées toutes les

    entreprises vendant des biens oufournissant des services auRoyaume-Uni, achetant des biensou utilisant un prestataire de servi-ces établi au Royaume-Uni, utilisantdes autorisations de mise sur le mar-ché ou des homologations détenuespar des entreprises britanniques ouobtenues auprès d’entités britan-niques, disposant d’une filiale oueffectuant des missions auRoyaume-Uni ; employant des sala-riés français au Royaume-Uni oubritanniques en France, transpor-tant des personnes ou des marchan-dises, dépositaire de brevets ou demarques européennes actifs auRoyaume-Uni (marques européen-nes, indications géographiques, cer-tificats d’obtention végétale, etc.).Aussi, comme le rappellent certainssites officiels, ces entreprises

    devraient évaluer les risques poten-tiels et prévoir la manière d'y réagirafin de les atténuer, sans oublier, entermes de risque coût, délai perfor-mance, de bien vérifier la chaînecomplète de ses clients ou fournis-seurs, voire d’en profiter pour enchanger… Il convient de savoir sices entreprises disposent des capa-cités techniques et humaines néces-saires pour appliquer les règles etprocédures, obtenir divers enregis-trements et autorisations pour faci-liter leurs activités commerciales encas de participation du Royaume-Uni dans leur chaîne d'approvision-nement, prendre contact avec leurautorité douanière nationale pourdéterminer les autres mesures quipeuvent être prises pour se préparer.Il incombe aux entreprises de véri-fier, notamment sur le site de leurgouvernement, la validité descontrats, les éléments de propriétéintellectuelle, de protection desdonnées, des prestations Urssaf, lesconditions d’emploi, la sécuritésociale, les relations avec les syndi-cats, les clauses touchant les pro-fessions réglementées, les formalitésdouanières, les contrôles sanitaires

    et phytosanitaires, la circulation desmarchandises, l’adaptation desinfrastructures portuaires et letransport routier.Sans attendre, en dans l’optique

    d’une sortie sans accord, les insti-tutions européennes ont prévu parrèglement des mesures temporairesd’urgence à la fois calendaires, bud-gétaires et techniques en prévoyantnotamment que le fonds de solida-rité puisse aider les États-membresles plus touchés par une sortie sansaccord et que le fonds d'ajustementà la mondialisation puisse soutenirles entreprises, les travailleurs parcompensation notamment sur lestransports terrestres, aériens, l’agri-culture et la pêche et la participationaux programmes de l’Union dontEuratom. Un règlement prévoitaussi une aide financière pour assu-rer dans tous les cas la finalité desprogrammes Erasmus+, Peace etInterreg ainsi que les investisse-ments d’infrastructure déjà engagés.Par ailleurs, le Conseil a adopté unemodification du règlement pourl'exportation de certains biens àdouble usage afin d'inclure leRoyaume-Uni dans la liste des pays

    tiers à faible risque visés par lesautorisations générales d'exporta-tion de l'UE.

    UN NOUVEAU LABEL ?Pour autant, tout reste encore pos-

    sible pour prévoir certains allège-ments en vue d’un possible accordsans précédent de libre-échange, niforcément modèle norvégien nicanadien, sans droit de douanes, niquotas, pour tous les biens et pré-server les standards de protectionsociale et environnementale, mêmesi les positions restent souventdivergentes entre les parties. Maisun partenariat très large, bien au-delà du commerce des biens et ser-vices, mais avec des positions équi-librées et de “fair-play”, semble êtredifficile quand les Britanniques,demandent des conditions favora-bles à certaines professions et d’é-changes de données sans contre-parties ni garanties notamment surla pêche. Peut-être faudra-t-il créerun nouveau label ou une certifica-tion “organisation compatibleBrexit” ? Peut-être faudra-t-il trouverle meilleur passage pour réduire lestemps d’attente des routiers et pour-quoi pas par l’Irlande dont la fron-tière connaitra sans doute certainsaménagements avec laquelle il fautéviter de raviver les anciennes ten-sions, la Commission restant quantà elle attachée au filet de sécuritéconservant la zone de l’Irlande duNord dans un cadre européen,découpant du même coup leRoyaume-Uni aux yeux de nombrede Britanniques, avec les risquesd’implosion sous-jacents liésensuite à l’Ecosse ? Peut-être fau-dra-t-il revoir les zones de pêchesans raviver d’anciennes guerresinternes au sein de l’UE sur d’autrescôtes ? Peut-être faut-il revoir dèsà présent le statut britannique dansles partenariats de recherche quiinclut certes des pays tiers bien au-delà de l’Europe ? Et Peut-être fau-dra-t-il envisager certains tunnelsspécifiques notamment dans ladéfense pour préserver le traité deLancaster House entre les deuxgrandes nations militaires euro-péennes, rappelant aussi que leRoyaume-Uni avait récemmentchoisi de confier son programmenucléaire à la France avec un par-tenariat avec le CEA de Valduc enCôte d’Or plutôt qu’aux États-Unis ?

    Par François Charles,Coach et conseil en stratégie

    et management,Président de l’IRCE.

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