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© Masson, Paris, 2006. Gastroenterol Clin Biol 2006;30:925-928 925 ANALYSES COMMENTES Les exacerbations au cours de l’hépatite C chronique seraient-elles plus fréquemment associées au génotype 2 ? Are the reactivation during chronic hepatitis C more frequently associated with genotype 2? RUMI MG, DE FILIPPI F, LA VECCHIA C, DONATO MF, GALLUS S, DEL NINNO E, et al. Hepatitis C reactivation in patients with chronic infection with genotype 1b and 2c: a retrospective cohort study of 206 untreated patients Gut 2005; 54: 402-6. évolution naturelle de l’hépatite C chronique était habi- tuellement décrite comme relativement linéaire avec une vitesse de progression de la fibrose qui peut aug- menter avec l’âge, la surconsommation d’alcool, la survenue d’une co-infection avec le virus de l’hépatite B (VHB) et le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Les transaminases sont habi- tuellement fluctuantes entre une et cinq fois la limite supérieure de la normale. Cependant, il a été décrit dans la littérature de façon ponctuelle des cas d’exacerbation biologique chez des malades ayant une hépatite C chronique sans autre étiologie retrouvée. La physiopathologie pourrait être liée à des variations de la réaction immunitaire puisque les lésions hépatiques dans l’hépatite C chronique sont principalement immunomédiées. Leur significa- tion pronostique est également inconnue : une détérioration his- tologique est-elle plus rapide chez ces malades, sur le modèle de l’hépatite B chronique où l’existence d’exacerbations fréquentes est un facteur de risque d’évolution rapide de la fibrose ? Rumi et al. [1] avaient déjà décrit précédemment 2 cas d’exacerbations biologiques aiguës chez des malades infectés par un génotype 2, associées à une détérioration histologique rapide après 8 et 15 ans d’évolution lente de la fibrose, suggé- rant l’influence du génotype. Cette étude rétrospective monocen- trique comparait dans une cohorte de malades non traités, 100 malades infectés par un génotype 2c à 106 malades infec- tés par un génotype 1b, en l’absence des facteurs de risque habituels d’évolution rapide de la fibrose (infection par le VIH ou le VHB, surconsommation d’alcool, auto-immunité associée). Ces malades ont été suivis 71 mois (extrêmes 24-144) par un exa- men clinique, un dosage semestriel de transaminases, voire plus en cas d’exacerbation. L’exacerbation était définie par une aug- mentation des ALAT supérieure à 400 UI/mL ou un rapport « valeur maximale/valeur minimale » supérieur ou égal à 8. La fin de l’exacerbation était définie par une diminution des ALAT de 50 %. Les autres causes de cytolyse aiguës étaient systémati- quement éliminées : virus de l’hépatite A, VHB, cytomégalovirus, Epstein Barr virus, herpès simplex virus, recherche des facteurs de contamination et nouvelle détermination du génotype viral C pour rechercher une surinfection, auto-immunité, hépatotoxicité secondaire à la prise d’alcool, de toxiques et de médicaments). L’analyse multivariée prenait en compte les variables suivantes : âge, sexe, durée d’infection, sévérité des lésions histologiques, mode de contamination, niveau initial des ALAT, anticorps anti- HBc, génotype, nombre d’exacerbations. Les transaminases restaient normales chez 9 % et élevées chez 72 % des malades. Trente neuf exacerbations ont été obser- vées (19 %). Trente et un malades étaient infectés par un géno- type 2c (55,6/1000/an) et 8 par un 1b (15/1000/an). Onze malades avaient initialement des transaminases normales et 28 des transaminases élevées. Une à 4 exacerbations/malade étaient observées avec un délai médian de survenue de 47 mois (12-126), 5 à la fin de la 1 ère année de suivi et ultérieurement pour les 34 autres malades. La durée de l’exacerbation, évaluable chez seulement 22 malades, était en moyenne de 6 mois, avec un niveau médian d’ALAT de 460 (201-2200) UI/L. La sévérité des exacer- bations était comparable quel que soit le génotype, sans décom- pensation dans cette cohorte. Il n’y avait pas de corrélation entre la survenue des exacerbations et les variables précédentes en dehors du génotype : le risque relatif d’exacerbation était de 6,49 en cas de génotype 2 par rapport au 1. Cinquante-deux malades ont eu une biopsie hépatique pendant le suivi dont 16 après une exacerbation. Les scores histologiques des 1 re et 2 e biopsies étaient comparables quel que soit le génotype. Le pourcentage de malades ayant une augmentation du score de fibrose (exprimé en score d’Ishak) de plus de 2 points était de 63 % chez les malades ayant eu une exacerbation et de 19 % chez les autres (P = 0,003). La vitesse de progression de la fibrose hépatique était plus élevée chez les malades ayant eu une exacerbation (0,414 vs. 0,190, P = 0,02). Soixante-quatre malades infectés par un génotype 2c et 58 par un génotype 1b ont été traités par interféron en monothé- rapie avec une réponse virologique soutenue chez respective- ment 31 et 7 % des malades. Chez les 17 malades ayant eu une exacerbation, ce pourcentage était de 53 % sans détail en fonc- tion du génotype. Cette étude souligne l’existence d’un profil biologique évolutif caractérisé par des exacerbations qui sont plus fréquentes en cas de génotype 2 par rapport au génotype 1. Ces exacerbations seraient responsables d’une progression plus rapide de la fibrose hépatique. Cette corrélation est peut- être spécifique de l’Italie et devrait être vérifiée dans d’autres zones géographiques, d’autant plus qu’elle n’a pas été précé- demment décrite. Ces exacerbations biologiques pourraient être expliquées par des variations de la réponse immunitaire (comme dans l’hépatite chronique B) peut-être induites par la diversité génomique de la souche virale. Ces malades devraient peut-être être traités même si les lésions histologiques initiales sont minimes afin d’éviter une évo- lution histologique péjorative, d’autant plus que le génotype 2 est fréquemment éradiqué par le traitement actuel de référence. Commentaires Cette étude a comme originalité de souligner l’existence d’un profil évolutif biologique particulier de l’hépatite C chronique caractérisé par des épisodes de cytolyse plus ou moins impor- L’

Les exacerbations au cours de l’hépatite C chronique seraient-elles plus fréquemment associées au génotype 2 ?

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© Masson, Paris, 2006. Gastroenterol Clin Biol 2006;30:925-928

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ANALYSES COMMENTÉES

Les exacerbations au cours de l’hépatite C chronique seraient-elles plus fréquemment associées au génotype 2 ?

Are the reactivation during chronic hepatitis C more frequently associated with genotype 2?RUMI MG, DE FILIPPI F, LA VECCHIA C, DONATO MF, GALLUS S, DEL NINNO E, et al.Hepatitis C reactivation in patients with chronic infection with genotype 1b and 2c: a retrospective cohort study of 206 untreated patients Gut 2005; 54: 402-6.

évolution naturelle de l’hépatite C chronique était habi-tuellement décrite comme relativement linéaire avecune vitesse de progression de la fibrose qui peut aug-

menter avec l’âge, la surconsommation d’alcool, la survenued’une co-infection avec le virus de l’hépatite B (VHB) et le virus del’immunodéficience humaine (VIH). Les transaminases sont habi-tuellement fluctuantes entre une et cinq fois la limite supérieure dela normale. Cependant, il a été décrit dans la littérature de façonponctuelle des cas d’exacerbation biologique chez des maladesayant une hépatite C chronique sans autre étiologie retrouvée. Laphysiopathologie pourrait être liée à des variations de la réactionimmunitaire puisque les lésions hépatiques dans l’hépatite Cchronique sont principalement immunomédiées. Leur significa-tion pronostique est également inconnue : une détérioration his-tologique est-elle plus rapide chez ces malades, sur le modèle del’hépatite B chronique où l’existence d’exacerbations fréquentesest un facteur de risque d’évolution rapide de la fibrose ?

Rumi et al. [1] avaient déjà décrit précédemment 2 casd’exacerbations biologiques aiguës chez des malades infectéspar un génotype 2, associées à une détérioration histologiquerapide après 8 et 15 ans d’évolution lente de la fibrose, suggé-rant l’influence du génotype. Cette étude rétrospective monocen-trique comparait dans une cohorte de malades non traités,100 malades infectés par un génotype 2c à 106 malades infec-tés par un génotype 1b, en l’absence des facteurs de risquehabituels d’évolution rapide de la fibrose (infection par le VIH oule VHB, surconsommation d’alcool, auto-immunité associée). Cesmalades ont été suivis 71 mois (extrêmes 24-144) par un exa-men clinique, un dosage semestriel de transaminases, voire plusen cas d’exacerbation. L’exacerbation était définie par une aug-mentation des ALAT supérieure à 400 UI/mL ou un rapport« valeur maximale/valeur minimale » supérieur ou égal à 8. Lafin de l’exacerbation était définie par une diminution des ALATde 50 %. Les autres causes de cytolyse aiguës étaient systémati-quement éliminées : virus de l’hépatite A, VHB, cytomégalovirus,Epstein Barr virus, herpès simplex virus, recherche des facteursde contamination et nouvelle détermination du génotype viral Cpour rechercher une surinfection, auto-immunité, hépatotoxicitésecondaire à la prise d’alcool, de toxiques et de médicaments).L’analyse multivariée prenait en compte les variables suivantes :âge, sexe, durée d’infection, sévérité des lésions histologiques,mode de contamination, niveau initial des ALAT, anticorps anti-HBc, génotype, nombre d’exacerbations.

Les transaminases restaient normales chez 9 % et élevéeschez 72 % des malades. Trente neuf exacerbations ont été obser-vées (19 %). Trente et un malades étaient infectés par un géno-type 2c (55,6/1000/an) et 8 par un 1b (15/1000/an).Onze malades avaient initialement des transaminases normaleset 28 des transaminases élevées. Une à 4 exacerbations/maladeétaient observées avec un délai médian de survenue de 47 mois(12-126), 5 à la fin de la 1ère année de suivi et ultérieurementpour les 34 autres malades.

La durée de l’exacerbation, évaluable chez seulement22 malades, était en moyenne de 6 mois, avec un niveaumédian d’ALAT de 460 (201-2200) UI/L. La sévérité des exacer-bations était comparable quel que soit le génotype, sans décom-pensation dans cette cohorte. Il n’y avait pas de corrélation entrela survenue des exacerbations et les variables précédentes endehors du génotype : le risque relatif d’exacerbation était de6,49 en cas de génotype 2 par rapport au 1.

Cinquante-deux malades ont eu une biopsie hépatiquependant le suivi dont 16 après une exacerbation. Les scoreshistologiques des 1re et 2e biopsies étaient comparables quelque soit le génotype. Le pourcentage de malades ayant uneaugmentation du score de fibrose (exprimé en score d’Ishak) deplus de 2 points était de 63 % chez les malades ayant eu uneexacerbation et de 19 % chez les autres (P = 0,003). La vitessede progression de la fibrose hépatique était plus élevée chezles malades ayant eu une exacerbation (0,414 vs. 0,190,P = 0,02).

Soixante-quatre malades infectés par un génotype 2c et58 par un génotype 1b ont été traités par interféron en monothé-rapie avec une réponse virologique soutenue chez respective-ment 31 et 7 % des malades. Chez les 17 malades ayant eu uneexacerbation, ce pourcentage était de 53 % sans détail en fonc-tion du génotype.

Cette étude souligne l’existence d’un profil biologique évolutifcaractérisé par des exacerbations qui sont plus fréquentes en casde génotype 2 par rapport au génotype 1.

Ces exacerbations seraient responsables d’une progressionplus rapide de la fibrose hépatique. Cette corrélation est peut-être spécifique de l’Italie et devrait être vérifiée dans d’autreszones géographiques, d’autant plus qu’elle n’a pas été précé-demment décrite. Ces exacerbations biologiques pourraient êtreexpliquées par des variations de la réponse immunitaire (commedans l’hépatite chronique B) peut-être induites par la diversitégénomique de la souche virale.

Ces malades devraient peut-être être traités même si leslésions histologiques initiales sont minimes afin d’éviter une évo-lution histologique péjorative, d’autant plus que le génotype 2 estfréquemment éradiqué par le traitement actuel de référence.

Commentaires

Cette étude a comme originalité de souligner l’existence d’unprofil évolutif biologique particulier de l’hépatite C chroniquecaractérisé par des épisodes de cytolyse plus ou moins impor-

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tants mais à des niveaux parfois très élevés et parfois de duréeprolongée. Comme l’ont fait remarquer les auteurs, il est impor-tant d’éliminer les autres causes d’exacerbation classiques et unepossible réinfection par un autre génotype en cas de persistancedu facteur de risque de contamination.

L’existence de ce profil est un argument supplémentaire con-tre l’évolution linéaire initialement décrite. Il est actuellementreconnu que la vitesse de progression de la fibrose n’est paslinéaire mais tend à augmenter principalement avec l’âge,expliquant une évolution de la fibrose plus rapide chez les mala-des âgés [2]. Il n’y a pas de corrélation prouvée entre le niveaudes transaminases et la progression de l’hépatopathie maisl’influence d’exacerbations biologiques, à des niveaux aussi éle-vés que dans cette étude, n’avait pas été étudiée.

Cette aggravation est d’autant plus importante à prouverqu’elle constitue un argument supplémentaire pour débuter untraitement chez ce type de malades, en particulier s’ils sont infec-tés par un génotype 2. En effet, le pourcentage de réponse viro-logique prolongé, dans ce cas, est actuellement de 90 % après24 semaines du traitement actuel de référence (bithérapie parinterféron-alpha pégylé et ribavirine) [3]. Certaines études préli-minaires ont même suggéré que, dans certains cas, des duréesplus brèves de traitement pourraient être aussi efficaces [4]. Cesconstatations, malgré une tolérance moyenne du traitement, per-mettent de traiter des malades infectés par ce génotype quelleque soit la sévérité histologique de la maladie, c’est-à-dire sansnécessité d’une évaluation histologique d’après les recomman-dations de la conférence de consensus, en l’absence de contre-indication et en fonction du désir du malade [5]. Cependant, lesmalades infectés par ce génotype ne représentent que 10 % desmalades ayant une hépatite C chronique en France [6] et il estprobable que la plupart de ces malades vont être de plus en plussouvent traités dans l’avenir en raison de ces excellents résultatsvirologiques. Le problème devrait persister de façon plus impor-tante pour les malades infectés par un génotype 1 qui ne sontrépondeurs à long terme que dans 50 % des cas. S’ils présententun profil biologique d’exacerbations plus ou moins récurrentes,2 arguments sont en faveur de l’indication thérapeutique : éviterune aggravation histologique et une meilleure réponse virologi-que à la bithérapie d’après les résultats de cette étude.

L’existence de cette aggravation histologique peut être rap-prochée de celle constatée dans d’autres hépatopathies, compre-nant de façon habituelle, dans leur évolution des périodesd’exacerbation. On sait, en effet, que dans les hépatiteschroniques B ou les hépatites auto-immunes, l’évolution histologi-que est d’autant plus sévère qu’il y a des exacerbations biologi-ques s’accompagnant à chaque fois de la constitution de lésionsde fibrose évoluant au fur et à mesure vers des lésions de fibrosesévères et de cirrhose. Cependant, il est admis que certaines deces lésions de fibrose « jeune » peuvent aussi régresser, aumoins partiellement, à distance de l’épisode aigu. Ceci explique,par exemple, la régression de lésions de fibrose sévère et de cir-rhose après le traitement d’une hépatite auto-immune ou del’arrêt de la réplication virale B. Dans l’hépatite C chronique, cesexacerbations biologiques peuvent être comparées à cellesobservées chez les femmes dans la période du post-partum.Dans ce cas, il a été décrit des détériorations histologiques dansles mois suivant ces épisodes mais sans qu’il ait été prouvé defaçon formelle de détérioration à long terme à distance de l’épi-sode [7]. Dans cette étude, comme l’ont suggéré les auteurs,l’aggravation des lésions de fibrose a pu être surestimée puisquechez les 16 malades ayant eu une exacerbation et une2e biopsie, 6 d’entre eux ont été biopsiés au moment de l’exa-cerbation et les 10 autres au moins 6 mois après. De plus, ceteffectif est relativement faible.

L’explication physiopathologique de ce profil biologiquen’est pas claire mais repose probablement sur des variations

immunologiques chez ces malades. En effet, on sait que leslésions histologiques secondaires à l’infection chronique par leVHC sont principalement immunomédiées. Même si la physiopa-thologie de l’hépatite B chronique diffère de celle de l’hépatite C,des exacerbations biologiques et histologiques sont décrites danscette pathologie. Mais, contrairement à l’hépatite C chroniqueoù l’éradication virale spontanée est exceptionnelle au stadechronique, ces exacerbations, dans l’hépatite B chronique, peu-vent aboutir à un arrêt spontané de la réplication virale, voire àune séroconversion HBe ou HBs au moment d’un rebond immu-nitaire. Le facteur déclenchant de ce rebond est rarement expli-qué en dehors de quelques cas où ils surviennent à l’arrêt d’untraitement immunosuppresseur. Au contraire, ces exacerbationspeuvent aussi survenir au moment d’une réactivation virale B,déclenchée, par exemple, par un traitement immunosuppresseur.Le fait que les malades ayant eu une exacerbation biologiquedans cette étude ait une meilleure réponse virologique prolongéeque les autres peut être un argument majeur en faveur d’unetolérance immunitaire vis-à-vis du VHC plus faible que chez lesautres et ces exacerbations pourraient être des rebonds immuni-taires malheureusement inefficaces contre le VHC. On pourraitaussi supposer que si le génotype 2 est dit « bon répondeur » autraitement par bithérapie, c’est parce que la tolérance immuni-taire est d’une façon générale plus faible avec ce génotypequ’avec les autres, mais ceci n’a pas été prouvé.

La raison pour laquelle ce profil est plus fréquent chez lesmalades infectés par le génotype 2 n’est pas claire mais lesauteurs suggèrent le rôle d’une plus grande hétérogénéité géno-mique chez les malades infectés par un génotype 2. En particu-lier, dans le génotype 2c, cette hétérogénéité serait à l’originede mutations fréquentes dans la région hypervariable HVR1 oùles épitopes sont impliqués dans la réponse immunitaire del’hôte [8].

Il reste un paradoxe entre la fréquence plus grande de cesexarcerbations chez les malades infectés par un génotype 2conduisant à une détérioration histologique plus grande, et lefait que ce génotype n’a jamais été individualisé comme unfacteur de risque de fibrose plus sévère dans les grandes étudessur l’évolution naturelle de l’hépatite C chronique. En effet, lerôle du génotype comme facteur de risque de progression de lafibrose reste controversé puisque, dans certaines études legénotype 1 a été individualisé comme facteur de risque defibrose, mais le génotype 2 n’a jamais été mis en cause. La fai-ble prévalence globale de ce génotype peut peut-être expliquerces résultats.

En pratique, il semble logique de rester plus vigilant chez desmalades ayant des exacerbations biologiques de ce type. Faut-ilrapprocher la surveillance, avec un examen biologique tous les6 mois ou plus alors que la conférence de consensus recom-mande un examen annuel chez les malades non traités et noncirrhotiques ? Faut-il réaliser une évaluation histologique (ou bio-chimique ou élastométrique) plus rapprochée que tous les 5 anscomme c’est également recommandé ? Faut-il proposer plusrapidement un traitement anti-viral chez ce type de maladesmême s’ils n’ont pas de lésions histologiques initiales moyennesà sévères ? S’il est relativement facile de répondre à cette ques-tion pour les malades infectés par un génotype 2, puisque laréponse virologique est obtenue dans 90 % des cas après unedurée de traitement relativement brève de traitement, il est plusdifficile d’y répondre pour les malades infectés par un génotypemauvais répondeur. D’autres questions restent également nonrésolues. Quelle est la fréquence et l’importance pronostique deces exacerbations chez les malades infectés par des génotypesnon-1b, non-2c ? La connaissance des mécanismes physiopatho-logiques qui différencient le génotype 2 des autres génotypes etsurtout les malades ayant des exacerbations biologiques desautres profils de malades pourraient améliorer notre compréhen-

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Analyse commentée

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sion des mécanismes immunologiques de défense de l’hôte etd’éradication virale spontanée ou post-thérapeutique.

Hélène FONTAINE, Anaïs VALLET-PICHARDService d’Hépatologie adulte, Hôpital Necker, 149, rue de Sèvres,

75015 Paris.

RÉFÉRENCES

1. Rumi MG, de Filippi F, La Vecchia C, Donato MF, Gallus S,del Ninno E, et al. Hepatitis C reactivation in patients with chronicinfection with genotype 1b and 2c: a retrospective cohort study of206 untreated patients Gut 2005;54:402-6.

2. Poynard T, Bedossa P, Opolon P. Natural history of liver fibrosisprogression in patients with chronic hepatitis C. The OBSVIRC,METAVIR, CLINIVIR and DOSVIRC groups. Lancet 1997;349:825-32.

3. Manns MP, McHutchison JG, Gordon SC, Rustgi VK, Shiffman M,Reindollar R, et al. Peginterferon alfa-2b plus ribavirin compared

with interferon alfa-2b plus ribavirin for initial treatment of chronichepatitis C: a randomised trial. Lancet 2001; 358:958-65.

4. Von Wagner M, Huber M, Berg T, Hinrichsen H, Rasenack J,Heintges T, et al. Peginterferon-alpha-2a (40KD) and ribavirin for16 or 24 weeks in patients with genotype 2 or 3 chronic hepatitis C.Gastroenterology. 2005;129:522-7.

5. Conférence de consensus : traitement de l’hépatite C, Paris septembre2002. Gastroenterol Clin Biol 2002;26:B303-11.

6. Payan C, Roudot-Thoraval F, Marcellin P, Bled N, Duverlie G,Fouvhard-Hubert I, et al. Changing of hepatitis C virus genotypepatterns in France at the beginning of the third millenium:the GEMHEP GenoCII study. J Viral Hepat 2005;12:405-13.

7. Fontaine H, Nalpas B, Carnot F, Brechot C, Pol S. Effect ofpregnancy on chronic hepatitis C: a case-control study. Lancet 2001;356:389-90.

8. Brambilla S, Bellati G, Asti M, Lisa A, Candusso ME, D’Amico M,et al. Dynamics of hypervariable region 1 variation in hepatitis C virusinfection and correlation with clinical and virological features of liverdisease. Hepatology 1998;27:1678-86.

Traitement pharmacologique de la dyspepsie fonctionnelle : la route est encore longue

A placebo-controlled trial of itopride in functional dyspepsiaHOLTMANN G, TALLEY NJ, LIEBREGTS T, ADAM B, PAROW C N Engl J Med 2006;354:832-40.

a dyspepsie fonctionnelle est une pathologie fréquente,source de dépenses élevées aussi bien en médecinegénérale qu’en gastroentérologie [1]. Les progrès

récents enregistrés dans ce domaine portent essentiellement surle démembrement des symptômes et sur la compréhension desmécanismes physiopathologiques impliqués dans la survenue deces symptômes parfois invalidants [2].

Globalement, le traitement pharmacologique de la dyspep-sie fonctionnelle reste très décevant. Quelques malades peuventtirer bénéfice des anti-sécrétoires gastriques (anti-histaminiquesH2 ou inhibiteurs de la pompe à protons), de l’éradication deHelicobacter pylori, voire des prokinétiques tels que le dompéri-done ou le métoclopramide. Le cisapride était un médicamentparfois très utile, mais qui est désormais retiré du marché.

Le développement de nouvelles molécules pour le traitementde cette affection est donc indispensable : malheureusement,comme pour le syndrome de l’intestin irritable, les effets secon-daires des nouvelles molécules à l’étude ont pesé plus lourd queleurs avantages thérapeutiques, pour déterminer l’arrêt ou lalimitation de leur commercialisation.

Une étude positive publiée dans le New England Journal ofMedicine semblait donc une heureuse nouvelle pour les maladessouffrant de dyspepsie fonctionnelle.

L’itopride est un analogue structural du cisapride, prescritdepuis plusieurs années au Japon pour le traitement de la dys-pepsie fonctionnelle. Son mode d’action est celui d’un antago-niste des récepteurs dopaminergiques D2, avec également uneffet inhibiteur de l’acétylcholinestérase.

L’étude rapportée dans le NEJM est une étude de phase IIb,visant à évaluer l’efficacité et la sécurité de l’utilisation de cettemolécule dans une population d’origine caucasienne.

L’essai a été mené en Allemagne, et les malades étaientinclus par des médecins libéraux : le diagnostic de dyspepsiefonctionnelle était basé sur les critères de Rome II, et une causeorganique potentielle des symptômes était éliminée par la réali-sation d’une gastroscopie et d’une échographie abdominale.Cinq cent cinquante-quatre malades ont été randomisés entre4 groupes de traitement : placebo, 50, 100 et 200 mg d’itopride3 fois par jour pendant 8 semaines.

Le critère principal de jugement était composé de3 variables : amélioration du score de symptômes LDQ (LeedsDyspepsia Questionnaire), évaluation globale d’efficacité par lemalade, et un critère composite de réponse basé sur l’évolutionde la douleur et de la plénitude post-prandiale. L’étude évaluaitégalement la qualité de vie (échelle NDI, Nepean DyspepsiaIndex), et la sécurité (en particulier biologique et cardiaque).

Le premier point très rassurant est la bonne tolérance del’itopride : les effets secondaires étaient aussi fréquents dans legroupe placebo que dans les groupes itopride (environ 30 %), etaucune anomalie ECG n’était notée (en particulier, aucun allon-gement du QTc, principal problème du cisapride). Une augmen-tation significative de la prolactinémie (sans conséquenceclinique) était notée dans les 2 groupes de malades recevant laplus forte dose d’itopride.

Sur le plan de l’efficacité, l’amélioration du score de symptô-mes LDQ était globalement plus importante chez les maladessous itopride par rapport au placebo, avec une meilleure effica-cité pour les 2 doses de 100 et 200 mg, mais l’essai n’était pasconçu a priori pour démontrer une différence entre chaquegroupe itopride et le groupe placebo. Environ 60 % des maladesétaient globalement satisfaits avec l’itopride, contre 41 % dans legroupe placebo, et le taux de réponse par rapport au critèrecomposite douleur/plénitude était de 73 % dans le groupe ito-pride, contre 63 % dans le groupe placebo.

Sur le plan méthodologique, cette étude parait adaptée: unnombre suffisant de malades a été inclus, le nombre de maladesavec un reflux (environ 20 %) ou un syndrome de l’intestin irrita-ble (13 %) associé est suffisamment faible. L’analyse a été faitecorrectement en intention de traiter. Le taux de réponse au pla-cebo (40 %) est celui attendu et le bénéfice thérapeutique (entre

L