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Institut d’études politiques - Université Lumière Lyon II Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac- Rhône Mémoire de recherche de Master 2 de Sociologie politique Kumeda Maryna 2008-2009 Sous la direction de Lilian Mathieu Soutenu le 12 juin 2009

Les fluctuations de l'engagement militant : le cas des militants de l

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Institut d’études politiques - Université Lumière Lyon II

Les fluctuations de l’engagement militant :le cas des militants de l’association Attac-Rhône

Mémoire de recherche de Master 2 de Sociologie politiqueKumeda Maryna

2008-2009Sous la direction de Lilian Mathieu

Soutenu le 12 juin 2009

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Table des matièresRemerciements . . 5Introduction . . 6Chapitre I. Attac Rhône, expression locale d’une dynamique altermondialiste nationale . . 18

1. Sociohistoire de l’association Attac . . 181.1. La naissance d’Attac . . 191.2. La définition des statuts et des objectifs . . 211.3. Le développement d’Attac au niveau local . . 231.4. Les crises internes à Attac . . 261.5. Attac, figure de proue fragilisée de l’altermondialisme français . . 31

2. Attac-Rhône – traduction d’une logique nationale au niveau local . . 392.1. La fondation d’Attac Rhône . . 392.2. Les fluctuations des effectifs d’Attac Rhône . . 422.3. L’offre d’activités militantes . . 44

Chapitre II. L’association Attac-Rhône aujourd'hui. « Déclin ou mutation ? » . . 501. Ces adhérents « invisibles » . . 50

1.1. Présentation de l’enquête . . 521.2. Profil sociographique . . 531.3. Rapport au champ partisan . . 571.4. Eléments de socialisation politique . . 58

2. Les activités actuelles d’Attac-Rhône . . 593. Les représentations politiques des militants d’Attac-Rhône . . 67

3.1. La socialisation politique des militants d'Attac-Rhône. Démocratie dans unecommunauté restreinte . . 683.2. Le positionnement d’Attac dans le champ politique . . 703.3. « Faire de la politique autrement » : éducation populaire, production del’expertise, construction du débat public . . 723.4. La place d’Attac-Rhône dans l’espace militant de Lyon . . 76

Chapitre III. L’engagement et ses fluctuations : le cas des adhérents et des militantsd’Attac-Rhône . . 80

1. Les approches sociologiques contemporaines du militantisme . . 802. Les facteurs des fluctuations de l’engagement . . 82

2.1. Générations militantes . . 852.2. Cadre organisationnel de l’engagement . . 892.3. L’épuisement . . 912.4. Les moments forts du militantisme . . 942.5. Ruptures biographiques . . 962.6. L’inscription du militantisme dans l’espace des pratiques sociales ordinaires . . 1002.7. Variabilité des rétributions militantes . . 1022.8. Formes de sociabilités . . 1052.9. Désengagement . . 107

3. La fin d’Attac-Rhône ? . . 109

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Bibliographie . . 113Méthodologie . . 113Sources académiques . . 113Dossiers : . . 116Sources journalistiques : . . 117Sources Attac: . . 117Autre : . . 118Site internet : . . 118

Liste des sources . . 120Entretien № 1. Mathieu . . 120Entretien № 2. Julien . . 120Entretien № 3. Jérôme . . 120Entretien № 4. Lucie . . 121Entretien № 5. Romain . . 121Entretien № 6. Florian . . 121Entretien № 7. Delphine . . 122Entretien № 8. Azzedine . . 122Entretien № 9. Amandine . . 122Entretien № 10. Nicolas . . 123Entretien № 11. Hélène . . 123Entretien № 12. Charlotte . . 124Entretien № 13. Daniel . . 124Entretien № 14. Alice . . 124Entretien № 15. Michael . . 125Entretien № 16. Cédric . . 125Entretien № 17. Manuel . . 125

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Remerciements

Maryna Kumeda - 2009 5

RemerciementsJe tiens à remercier

M Lilian Mathieu

pour sa surveillance précieuse et très instructive de notre travail de recherche,

Delphine, Lucia, Eddy, Yoann

pour leur soutien et encouragement.

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Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône

6 Maryna Kumeda - 2009

Introduction

Objet d’enquêteEn s’inscrivant dans la sociologie de l’engagement militant, la présente étude porte

sur les fluctuations des engagements des militants du comité local d’Attac-Rhône. Lesengagements, au pluriel, puisque ce sont ses fluctuations et la variété de ses formesque nous allons essayer de comprendre et d’expliquer. Ayant abordé notre terrain parune rencontre avec des militants de l’association avec le questionnement sur l’élémentidéologique dans l’engagement militant, nous avons été amenée du fait de l’état des activitéset des effectifs de l’association à nous pencher vers l’exploration d’un phénomène plussaillant aux multiples facettes : le désengagement. Autant le discours des militants engagésactuellement que la reconstruction rétrospective par les désengagés de leur militantismepassé et la désaffection de l’association, mais aussi l’analyse quantitative du profil desadhérents actuels et l’exploration de leur rapport aux activités de l’association vont nouspermettre de mieux comprendre le phénomène de l’engagement militant comme activitésociale particulière, ses logiques, déterminants, modes de déroulement et conséquences.L’instabilité et les fluctuations de l’engagement militant est un objet d’autant plus intéressantaujourd'hui que la participation électorale est en baisse constante (quelle sera la dynamiquede celle-ci lors de la consultation de ce juin 2009 ?) et que la démocratie représentativeperd ainsi de sa légitimité.

L’association Attac est un terrain particulièrement propice pour l’étude de notreobjet. Attac (Association pour la taxation des transactions pour l'aide aux citoyens) estune organisation altermondialiste constituée en France en 1998 et existant aujourd'huidans une cinquantaine de pays avec 100 000 membres. Elle a été un vrai phénomènedans la vie politique française avec son essor impressionnant et l’adhésion de 30 000membres en quatre ans. Ensuite, l’association a connu une baisse du nombre d’adhésions,l’accroissement des divergences internes, résultant en « crise » interne, très médiatisée,en 2006. Elle se trouve aujourd'hui avec près de 10 000 membres et 215 comités locaux 1.L’association Attac, l’attractivité de laquelle était confirmée quantitativement au départ, maismise en cause ensuite dans les propos des médias et par le décroissement double de seseffectifs, présente ainsi un terrain propice pour l’étude des fluctuations de l’engagement.

L’état des lieux.Le phénomène Attac n’a pas pu échapper au regard des chercheurs. Néanmoins, ce

sont surtout des jeunes chercheurs-doctorants, à quelques exceptions près, qui en ont faitl’objet de leurs enquêtes. Leur attention a été portée sur l’émergence de l’association2,ses militants3, les pratiques de son fonctionnement interne4 et des formes de participation

1 10650 adhérents à jour de cotisation au 30 septembre 2008. Dans la brochure d’Attac de 2009 nous voyons que « en France,près de 15 000 personnes ont adhéré en 2007 » www.france.attac.org

2 ANCELOVICI, Marcos, “Organizing against Globalization: the Case of ATTAC in France”, Politics & Society, 2002, vol. 30,n.3, p.427-463.

3 CRUZEL, Elise, « Passer à l’Attac » : Eléments pour l’analyse d’un engagement altermondialiste, Politix, Volume 17 –n 68/2004, p. 135-163 ; RULLIERE Sonia, “Géographies d’ATTAC”, mémoire pour l’obtention du titre de maitrise à l’Institut degéopolitique, Université Paris-VIII-Vincennes (dir.Laurent Carroué), 2003 ; BAROTTE Nicolas et BENHABRI Mehdi, « Les militants

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Introduction

Maryna Kumeda - 2009 7

des militants5, mais aussi sur le « système d’Attac »6 et la position d’Attac dans l’espacemilitant et son travail discursif (ou « idéologique », selon l’appellation de l’auteur)7. Unevaste étude a été mené par Raphael Wintrebert dans le cadre de sa thèse sur l’« histoireet la crise d’une organisation militante »8. Ensuite, simultanément à l’atténuation de l’intérêtmédiatique envers Attac, le regard sociologique s’est déplacé vers d’autres phénomènesaltermondialistes, entre autres les forums sociaux mondiaux et régionaux, et d’autres objetsde la sociologie de l’engagement militant.

Dans leur ensemble, les études du mouvement altermondialiste — dont l’essor estgénéralement daté dès la fin des années 1990 avec la manifestation contre le sommetde l’Organisation Mondial de Commerce (OMC) à Seattle9, l’apparition d’Attac en Franceet l’organisation des premiers Forums sociaux à Porto Alegre — sont nombreuses. Touten instaurant sa continuité avec des mouvements sociaux et revendications anciennes10,elles cherchent à expliquer son émergence et constitution de l’espace altermondialiste11,prennent en compte le contenu de sa critique12, ses formes d’action et d’organisation13,

d’Attac et la mondialisation. Enquête par entretien auprès de 10 militants », mémoire pour l’obtention du diplôme de l’IEP de Paris,2001 ; MARTY Thomas, « ATTAC Toulouse : Les conditions sociales de la mobilisation d’un capital militant », mémoire pour le DEA« Politique comparée et Sociologie politique » (dir.Bernard Lacroix), Université Paris-X-Nanterre, 2001-2002.

4 TRAUTMANN, Flore, Internet au service de la démocratie ? Le cas d’ATTAC, Cahiers du CEVIPOF, 30, 2001.5 SZCZEPANSKI, Maxime, « Du militantisme à la militance. Une étude microsociologique des modalités de participation des

militants ‘antimondialisation’ », Regards sociologiques, 24,2002.6 GERVAIS, Julie. Les acteurs et le « système d’Attac » : entre mutations du militantisme et nouveaux engagements citoyens.

D.E.A. de Science politique de Lyon, septembre 20017 WATERS Sarah, « A l’attac : globalization and ideological renewal of the French Left », Modern & Contemporary France, 2006,

05, vol. 14, n°2, pp.141-156; WATERS Sarah, “Mobilising against Globalisation. Attac and the French Intellectuals”, West EuropeanPolitics, Vol. 27, no. 5, 2004.

8 WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement? Enquête sur l’histoire et la crise d’une organisation militante, Paris,Editions La Découverte, 2007 ; WINTREBERT Raphael, « Attac France et le mouvement altermondialiste », Courrier hebdomadaire,2007/1978-1979, n ° 1978-1979, p.5-62.

9 BARLOW M., Clarke T., 2000, La Bataille de Seattle. Sociétés civiles contre mondialisation marchande, Paris, Fayard.LOSSON L., QUINIO P., Génération Seattle. Les rebelles de la mondialisation, Grasset, Paris, 2002.

10 AGRIKOLIANSKY Eric, FILLIEULE Olivier, MAYER Nonna (dir.), L’altermondialisme en France. La longue histoired’une nouvelle cause, Paris, Flammarion, 2005 ; AGRIKOLIANSKY Eric, FILLIEULE Olivier et MAYER Nonna, « La dynamiquealtermondialiste en France », L'Économie Politique, 2005/1 - n°25, p.82-90.

11 L. MATHIEU, « La constitution du mouvement altermondialiste français », Critique internationale, n° 27, 2005 ; BRUNEAUIvan, « La Confédération paysanne et le « mouvement altermondialisation », Politix, Vol 17-n 68 / 2004, p.111-134 ; MAYER Nonnaet SIMEANT Johanna, « L’espace de l’altermondialisme », Revue française de science politique, vol. 54, n° 3, juin 2004, p. 373-378.

12 BECK Ulrich, Pouvoir et contre-pouvoir à l'ère de la mondialisation, Paris, Aubier, 2003; BOLTANSKI Luc et CHIAPELLOEve, Le Nouvel Esprit du capitalisme, Paris, Gallimard, 1999 ; NEGRI Antonio et HARDT Michael, Empire, 2002 ; FOUGIER Eddy,« Perceptions de la mondialisation en France et aux Etats-Unis », Politique étrangère, n 3 / 2001, p.569-585 ; FOUGIER Eddy,« Mondialisation : l’ère des refus », Politique étrangère, n 3-4 / 2003, p.627-641 ; COUVRAT Christine, L’essor de l’altermondialisme,Paris, l’Harmattan, 2007.

13 « Seattle, Florence, Porto Alegre : l'autre mondialisation », Mouvements, n°25-2003/1, 2003, p.5-91 ; WIEVIORKA M, Unautre monde. Contestations, dérives et surprises dans l’antimondialisation, Balland, Paris, 2003.

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Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône

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dressent le profil des militants altermondialistes14. Cette thématique était également àl’origine de nombreux projets de réflexion collective15. L’intérêt a diminué depuis quelquesannées, à rare exception16, et le mouvement, tout en étant moins visible médiatiquement,suscite aujourd'hui les débats autour de l’hypothèse de son « essoufflement »17.

En ce qui est de la place qu’occupe notre objet de recherche, les fluctuations del’engagement et le désengagement18, dans la sociologie de l’engagement militant, l’intérêty porté sous cet angle est relativement récent. Ainsi, Olivier Fillieule, qui depuis longtempsnourrit un programme de recherche fondé sur l’« analyse processuelle de l’engagementindividuel »19, a dirigé un ouvrage collectif sorti en 2005 sous l’intitulé Le désengagementmilitant, qui est un fruit d’une journée d’études dans le cadre du Groupe d'études et derecherches sur les mutations du militantisme (GERMM)20 en 2001. Mais la portée de cetouvrage, selon son directeur, est plus grande que de recenser des facteurs et des modalitésdu désengagement – c’est la curiosité sociologique pour les logiques sous-jacentes auxphénomènes sociaux qui définissent sa direction : « L’entrée par le désengagement s’inscritici plus largement dans une tentative de poser d’une manière renouvelée la question dumilitantisme comme activité sociale spécifique, avec ses phases de recrutement et sesmoments de déprise »21. Ainsi, l’apport de cette approche d’analyse du militantisme parle désengagement est incontestable. Tout d’abord, selon Fillieule, cela permet d’éviterl’analyse synchronique de l’organisation ou du mouvement, qui pourrait être réductrice,

14 AGRIKOLIANSKY Eric et SOMMIER Isabelle (dir.), Radiographie du mouvement altermondialiste. Le deuxième Forum socialeuropéen, La Dispute, 2005 ; GOBILLE Boris, « Les altermondialistes : des activistes transnationaux ? », Critique internationale, N°27,avril-juin 2005, p.131-145 ; FILLIEULE Olivier; BLANCHARD Philippe; AGRIKOLIANSKY Eric; BANDLER Marko; PASSY Florence;SOMMIER Isabelle, « L'altermondialisation en réseaux. Trajectoires militantes, multipositionnalité et formes de l'engagement: lesparticipants du contre-sommet du G8 d'Evian », Politix, vol.17, n°68, 2004, p. 13-48 ; DELLA PORTA Donatella, « Démocratie enmouvement. Les manifestants du Forum social européen, des liens aux réseaux », Politix, vol.17, n°68, 2004, p. 49 – 77.

15 Colloque international : "Les mobilisations altermondialistes" (3-5 décembre 2003) organisé par le GERMM à l’AFSP, desdossiers dans les revues : « Les ONG face aux mouvements altermondialistes » dans la Revue française de science politique,vol.54, 2004-3 ; « Militants de l'altermondialisation » dans le Politix, vol.17, n°68 en 2004 ; « Les altermondialismes » dans la Critiqueinternationale, n°27-2005/2.

16 Le numéro intitulé « Altermondialisme(s) oublié(s) » de la revue Cultures et conflits a réuni des travaux qui portent le regardsur les formes du mouvement altermondialiste du Sud. Voir n°70, été 2008.

17 AGRIKOLIANSKY Eric, « L’altermondialisme en temps de crise. Réflexions sur un déclin annoncé », Mouvements, 2007/2,N° 50 ; FOUGIER Eddy, « Où en est le mouvement altermondialiste ? Réflexion sur l’essoufflement », La vie des idées, le 3 mars2008, www.laviedesidées.fr , PLEYERS Geoffrey, « L’altermondialisme : essoufflement, ou reconfiguration ? Réponse à Eddy Fougier», le 21 mars 2008, www.laviedesidees.fr .

18 Malgré la définition dans la langue courante de désengagement comme « une action de se désengager », il nous semblequ’en sociologie prévaut l’approche processuel d’analyse de ce phénomène.

19 Il explique sa motivation par le fait que tant l’intérêt accordé aux mécanismes d’enclenchement et d’entrée dansl’engagement est grand, l’évolution de celui-ci en cours d’action n’est que très peu étudié. Il insiste sur la nécessité de rajouter unedimension temporelle dans l’analyse de ce phénomène, ce qui pourrait, ainsi, permettre d’aborder la question de désengagementet des conséquences biographiques de l’engagement (dans FILLIEULE Olivier, « Propositions pour une analyse processuelle del’engagement individuel », Revue française de science politique, vol.51, n°1-2, février-avril 2001, p.199-217.)

20 http://www.afsp.msh-paris.fr/activite/groupe/germm/germm.html21 FILLIEULE Olivier, « Introduction » in FILLIEULE Olivier (dir.), Le désengagement militant, Paris, Belin, 2005, p.11.

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Introduction

Maryna Kumeda - 2009 9

n’offrant pas la possibilité de prendre en compte ni les effets de sélection 22 , niles effets de la durée de l’engagement. Ensuite, cela permet la prise en compte desconséquences biographiques de l’engagement, des possibilités et des façons de reconvertirles ressources militantes acquises. Cela coïncide avec l’intérêt pour le concept de l’espacedes mouvements sociaux23, où les répertoires d’action, les militants, les ressources etles cadres circulent et sont interdépendants. De plus, la connaissance du devenir desdésengagés va enrichir l’image de leurs engagements passés en ce qu’elle « renseignesur les possibles entrouverts, freinés ou censurés auparavant par l’appartenance politique,et qui sont désormais facilités »24. De plus, O. Fillieule envisage ici la possibilité pour lasociologie des mouvements sociaux de dépasser son « splendide isolement », en intégrant,par exemple, les acquis de la sociologie de socialisation ou de la sortie des rôles25. Il dresseune liste détaillé de la multitude des courants et champs d’études des sciences de l’homme,où peuvent être puisés des éléments pour enrichir l’analyse du désengagement26.

Dans notre analyse nous allons nous servir des concepts développés, ou empruntésdans d’autres disciplines, et appliqués aux études empiriques par les auteurs de cet ouvrage

collectif. Ainsi, l’analyse par générations militantes (cohortes 27 ) permet de prendre en

compte l’effet du moment de l’entrée dans l’organisation et de la durée de l’engagement,

et met, ainsi, en lumière le phénomène d’épuisement, voire de burn out 28 , chez des

militants appartenant généralement aux premières générations. La prise en compte de la

multipositionnalité de l’acteur social dans des sphères de vie 29 et la tension

30 , matérielle et22 La corrélation entre les configurations organisationnelles, idéologiques ou humaines d’un groupe, le profil des engagés et

le caractère de leur engagement : « (…) ceux qui sont là ne sont sans doute pas « identiques » à tous ceux qui sont partis », inFILLIEULE Olivier (dir.), Le désengagement militant, op.cit., p.12.

23 MATHIEU, Lilian, « L’espace des mouvements sociaux », Politix, n° 77, 2007.24 GOTTRAU X Philippe, « Autodissolution d’un collectif politique. Autour de Socialisme ou Barbarie » in FILLIEULE

Olivier (dir.), Le désengagement militant , op.cit. , p.89.25 FILLIEULE Olivier, « Temps biographique, temps social et variabilité des rétributions » in FILLIEULE Olivier (dir.), Le

désengagement militant, op.cit., p.47.26 Ce sont les approches biologiques (notamment, les approches structuralo-fonctionnalistes du développement personnel), les

approches macro-sociales (R.Turner, J.Gusfield, A.Hirschman, D.Labbé et M.Croisat), les théories des rôles sociaux (J.-C.Kauffman,H.R.Fuchs-Ebaugh), les travaux sur les conséquences biographiques de l’engagement (J.Whalen, McAdam, Ch.Tilly), et enfin, lesapproches de la psychologie sociale sur le maintien de l’engagement (B.Klandermans, R.Kanter), dans FILLIEULE Olivier, « Tempsbiographique, temps social et variabilité des rétributions » in FILLIEULE Olivier (dir.), Le désengagement militant, op.cit., p.17-47.

27 WHITTIER Nancy, « Political générations, Micro cohorts and the Transformations of Social Movements », AmericanSociological Review, vol.62, n°5, oct.1997, p.760-778 ; LABBE Dominique et CROISAT Mauric, La fin des syndicats ?, Paris,l’Harmattan, coll. « Logiques sociales », 1992 cité in FILLIEULE Olivier (dir.), Le désengagement militant, op.cit., p.26-27, 255.

28 Appliqué à l’étude sur la défection des bénévoles des associations de lutte contre le sida, ce concept est emprunté parO.Fillieule dans une étude de 1974 pour désigner « l’épuisement professionnel des soignants » (FREUDENBERGER H.J., « StaffBurn-Out », Journal of social Issues, 30, 1974, p.187-196 ; MASLACH C., Burnout : The Cost of Caring, Englewoods Cliffs, N.J.,Prentice-Hall, 1982, cite in FILLIEULE Olivier (sous dir.), Le désengagement militant, op.cit., p.257, 280-281.

29 PASSY Florence, “Interactions sociales et imbrications des sphères de vie”, in Fillieule Olivier (dir.), Le désengagementmilitant, op.cit., pp.111-130.

30 GOTTRAUX Philippe, « Autodissolution d’un collectif politique. Autour de Socialisme ou Barbarie » in FILLIEULE Olivier(dir.), Le désengagement militant, op.cit., p.75-93.

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identitaire, qui en découle expliquerait, y compris du point de vue de la psychologie sociale31,les transformations identitaires32 que vit l’acteur et qui peuvent entraîner son éloignement,voir sa défection. L’ouverture ou l’absence des possibilités de reconversion des capitauxmilitants 33 est une autre variable explicative des fluctuations de l’engagement, que nousappliquerons. Nous allons également essayer d’intégrer dans notre analyse les apportsd’Albert Hirschman34 pour expliquer le jeu des facteurs structurels à travers les mécanismesindividuels psychologiques, tels que ceux résultant dans un sentiment de déception.

Ces réflexions théoriques et méthodologiques nous renvoient à l’état des lieux de lasociologie de l’engagement militant 35 aujourd'hui. Sans dresser la liste des travaux dansce domaine ni les transformations qu’il avait vécues et les tendances actuelles, ce qui étaitrécemment fait par Frédéric Sawicki et Johanna Siméant36, nous voudrions rappeler lesdéfis, tels que les auteurs les ont définis, pour la recherche aujourd'hui. Premièrement, lacentralisation des recherches en sociologie de l’engagement sur les « nouvelles » formesdes militantismes, souvent encadrées par des « organisations assez faibles » a aboutià un manque de considération des « effets d’organisation » : d’une part, l’impact de laconfiguration organisationnelle, sélectionnant et structurant le militantisme en son sein37,d’autre part, les capitaux militants et leur actualisation selon la structure organisationnelle38.Dans notre enquête nous allons essayer d’éviter ces lacunes en mobilisant les élémentsde la sociohistoire de l’association et l’expérience des acteurs liée à leur vécu dans cetteassociation et dans leurs autres engagements, aussi que dans d’autres espaces de vie.Deuxièmement, les auteurs appellent à mettre en lien les changements macrosociaux etles transformations affectant l’engagement. Ainsi, nous allons essayer de rapporter desfluctuations de l’engagement des militants aux transformations affectant l’organisation Attac,le mouvement altermondialiste dans son ensemble et le contexte sociopolitique français.

F.Sawicki et J.Siméant remarquent que le sentiment du déclin39 de certaines formesde militantisme (« réputées « traditionnelles » » : partisan, syndical, professionnel)

31 KLANDERMANS Bert, « Une psychologie sociale de l’exit » in FILLIEULE Olivier (dir.), Le désengagement militant, op.cit.,p.95-110.

32 VOEGTLI Michael, « Du Jeu dans le Je : ruptures biographiques et travail de mise en cohérence », Lien social et Politiques,n° 51, 2004, p. 145-158.

33 MATONI Frédérique et POUPEAU Franck, « Le capital militant. Essai de définition », Actes de la recherche en sciencessociales, n° 155, 2004/5, p.4-11.

34 HIRSCHMAN Albert, Bonheur privé, action publique (Shifting Involvements. Private Interest and Public Action), trad. M.Leyriset JB.Grasset, Paris, Fayard, 1983.

35 L’ «engagement militant » est défini par F.Sawicki et J.Siméant comme « toute forme de participation durable à une actioncollective visant la défense ou la promotion d’une cause », in SAWICKI Frédéric, SIMEANT Joanna, « Décloisonner la sociologie del’engagement militant. Note critique sur quelques tendances récentes des travaux français », Sociologie du travail, n° 51, 2009, p. 98.

36 SAWICKI Frédéric, SIMEANT Joanna, « Décloisonner la sociologie de l’engagement militant. Note critique sur quelquestendances récentes des travaux français », art.cit., p. 97–125.

37 Ou, en d’autres termes, comment les organisations « travaillent les individus et sont travaillées par eux », voir SAWICKIFrédéric, SIMEANT Joanna, « Décloisonner la sociologie de l’engagement militant. Note critique sur quelques tendances récentesdes travaux français », art.cit., p. 115.

38 Ibid., p. 101.39 PERRINEAU Pascal (dir.), L'engagement politique: déclin ou mutation ? Paris : Presses de la Fondation nationale des

sciences politiques, 1994.

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Introduction

Maryna Kumeda - 2009 11

ou d’apparition des nouvelles (« engagement distancié »40) est lié au regard biaiséque portent des chercheurs sur l’espace des mouvements sociaux, en privilégiantd’étudier le militantisme pour les « causes globales » (les mouvements altermondialiste,environnemental, la défense des « sans », l’engagement humanitaire) plutôt que celui pourles causes locales (l’engagement dans des associations du quartier, des consommateurs),ou encore les mouvements de gauche plutôt que de droite ou apolitiques (syndicatspatronaux, clubs de type Rotary)41, en accordant les fausses explications42 aux « mutationsdu militantisme », faute d’éléments pour élaborer et comprendre l’image de l’ensembledes transformations du contexte sociopolitique. Sur une autre échelle, à l’hypothèse del’« essoufflement » du mouvement altermondialiste, E.Agrikoliansky répond qu’elle est dueaux représentations tronquées que se font certains chercheurs, journalistes ou acteurs surson ensemble et ses acteurs. Ainsi, la perception du déclin d’Attac, repérable tant dansl’espace médiatique que dans les propos des acteurs, est-elle un reflet exact de la réalité deschoses ? Quelles formes prend-il et comment peut-on l’expliquer ? Ce sont des questionsauxquelles nous nous sommes intéressées au départ.

De tels questionnements renvoient aux préoccupations plus globales dans lesdémocraties occidentales du déclin de la participation citoyenne, tant dans sa formequi est le fondement de leur légitimité (le vote) que dans sa dimension contestataire(les mouvements sociaux). Cette dernière, elle aussi, en ce qu’elle témoigne de l’intérêtdes citoyens pour le politique et, donc, du sentiment de pouvoir y peser, contribue à lalégitimation du système politique actuel. Enfin, cela renvoie à la question du rapport aupolitique des citoyens et à la définition même de ce qu’on peut considérer comme politique.

Problématique et hypothèsesAinsi, en partant de l’hypothèse du déclin de l’association Attac-Rhône, nous avons

été amenée à analyser les fluctuations de l’engagement des militants, de son intensité etde la variété de ses formes d’expression, de sa perception et de son interprétation parles militants eux-mêmes, de ses éléments constitutifs, tout en les confrontant à l’état del’espace militant de Lyon et au contexte politique plus général. Ainsi, tout en appliquant lesacquis riches de la sociologie de l’engagement, nous tenterons de comprendre l’état actuel

40 ION Jacque, La fin des militants? , Paris, Editions de l’Atelier, 1997. Pour la critique de son analyse, voir COLLOVALD Annie,« Pour une sociologie des carrières morales des dévouements militants », in Annie Collovald (dir.), L’humanitaire ou le managementdes dévouements. Enquête sur un militantisme de « solidarité internationale » en faveur du Tiers-Monde, Presses Universitaires deRennes, Rennes, 2002, p.177-229.

41 SAWICKI Frédéric, SIMEANT Joanna, « Décloisonner la sociologie de l’engagement militant. Note critique sur quelquestendances récentes des travaux français », art.cit., p. 98.

42 A.Collovald l’explique par des biais méthodologiques et par l’enfermement paradigmatique, mais aussi par un manque descientificité et l’adoption des catégories discursives des acteurs, ainsi la « distanciation » étant comprise non pas au sens sociologiqued’une « distance au rôle », mais « la distance, arbitrairement créée, avec un passé montré comme contre exemplaire ». Son verdict :« L’analyse dont le modèle de l’engagement distancié est la conclusion, déjà infidèle à l’ « histoire réelle », autorise, grâce au jeu demiroir inversé qui lui sert de fil conducteur, à alterner les regards portés sur les situations passées et présentes, à passer de l’uneà l’autre du « misérablisme » au « populisme » et, ce faisant, à généraliser, sur la base de l’apparente identité de leur formulation,l’aspect positif des revendications actuelles d’autonomie personnelle à tous les groupes sociaux ». Enfin, pour elle l’engagement estaujourd'hui « déstabilisé » plutôt que « distancié », entre autres par : les changements des politiques d’emploi, d’éducation, sociales,des transformations de la scène politique (reconversion de la gauche au néolibéralisme, propagation des thèmes d’insécurité et d’unadversaire immigrant, et même, la contribution académique dans l’image de la crise du syndicalisme. Voir COLLOVALD Annie, « Pourune sociologie des carrières morales des dévouements militants », in Annie Collovald (dir.), L’humanitaire ou le management desdévouements. Enquête sur un militantisme de « solidarité internationale » en faveur du Tiers-Monde, op.cit., p.177-229.

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Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône

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des engagements au sein du bureau local d’Attac-Rhône, dans le contexte plus large del’activisme altermondialiste moins visible et de vérifier quelques hypothèses.

Est-ce que le sentiment du déclin est lié au désinvestissement effectif dansl’engagement à Attac chez ses adhérents et ses militants?

Est-ce que le militantisme au sein d’Attac-Rhône a dépéri, ou s’est-il reconverti end’autres formes d’engagements et trouve éventuellement un prolongement sous d’autresformes, par exemple au sein des partis politiques et des organismes d’éducation populaire ?

Ou alors, a-t-il été l’effet d’une mode sans conséquences biographiques et politiquespour les carrières militantes de ses anciens affiliés ?

Qui sont ceux qui y militaient et configuraient le cadre de son fonctionnementauparavant et qui est-ce qu’on y trouve maintenant ? En quoi se distinguent des militants du« noyau dur » (les plus anciens), de la deuxième génération et des plus récemment arrivés(se distinguent-ils les uns des autres ?) et quelles ont été les conséquences (si il y en a eu)de tels changements de son recrutement sur le fonctionnement de l’association ?

MéthodologieAyant choisi pour l’objet d’analyse les fluctuations de l’engagement des militants

d’Attac-Rhône, nous voulions aborder ce phénomène d’un angle vaste. Au niveau théorique,cela consistait en un effort pour concilier, d’une part, l’approche interactionniste dansl’observation de la discussion et de l’action en train d’être construite par les acteurs, et,d’autre part, la recherche des configurations structurelles de l’engagement chez les militantset les adhérents d’Attac-Rhône, tout en intégrant les éléments du contexte plus généralsociopolitique, aussi que la position de l’association dans l’espace militant43. Ainsi, dans lechoix de méthode nous avons essayé d’associer les techniques quantitatives et qualitativesde recueil des données. Quatre grands types de méthodes en sciences sociales : recherchedocumentaire, observation, questionnaire, entretien – ont été appliquées dans notre travailde terrain.

Les analyses du contexte politico-économique et relatives aux transformations duchamp militant étaient repérées dans le corpus des travaux académiques françaisabondants. Les données concernant notre terrain plus particulièrement, le comité localAttac-Rhône, étaient recueillies de façons différentes. Pour nous familiariser au débutet ensuite pour approfondir la connaissance du milieu et des normes qui le régissent,nous avons observé entre octobre 2008 et mai 2009 des réunions du Bureau et duConseil d’administration, l’Assemblée générale le 13 décembre 2008, le travail des groupesinternes de réflexion, le déroulement des réunions des collectifs et des initiatives dontest souscripteur Attac-Rhône, des manifestations avec la participation des militants,d’autres activités organisées par Attac-Rhône (le Forum social Lyonnais, les cafés-débats,la projection-débat d’un documentaire44). Nous nous sommes servies des documents

43 Ainsi, on suit le programme proposé par P.Corcuff de construction des « nouvelles sociologies » qui permettrait de dépasserle placement classique aux antipodes des approches structuraliste et interactionniste, mais on tente également de répondre au défid’articuler des différents niveaux d’observation : « les niveaux micro (les individus et leurs interactions en face-à-face), méso (lesgroupes et les organisations plus ou moins institutionnalisés) et macrologique (les transformations socioéconomiques, culturelles etpolitiques) ». Voire : SAWICKI Frédéric, SIMEANT Joanna, « Décloisonner la sociologie de l’engagement militant. Note critique surquelques tendances récentes des travaux français », art.cit., p. 97–125 ; CORCUFF Philippe, Les nouvelles sociologies : constructionsde la réalité sociale, Paris, Nathan, 1995.

44 La projection-débat a été organisé par Attac-Rhône le 2 février 2009 du documentaire de O.Azam et D.Mermet « Chomskyet cie » (d’après un reportage radio de GivAnquetil et Daniel Mermet pour “là-bas si j’y suis” France Inter) à la Maison des Passages.

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internes45 ou accessibles sur le site internet d’Attac-Rhône46 et d’Attac France47, desdocuments statutaires de l’association, des comptes-rendus des réunions, des messagesdiffusés sur les listes électroniques (« Attac-Rhône », et « Attac69-Actifs »), des articlesde presse.

Pour entrer sur notre terrain, nous avions pris contact en envoyant des courriersélectroniques aux responsables des groupes de travail, indiqués sur la liste des groupesde 200948. Or, à nos trois demandes, nous avions reçu une seule réponse, favorable, etpouvions, ainsi, venir observer le travail du groupe « Construction Européenne », le groupele plus actif, comme nous l’avions découvert plus tard. Ensuite, nous étions venue à laréunion du Bureau un mercredi soir, avions été très bien accueillie et continuions notreobservation en cours de l’année49.

Nous avons également réalisé un questionnaire50 auprès 37 adhérents et militantsd’Attac-Rhône présents lors de l’Assemblée générale, le 13 décembre 2008 à la Boursedu travail de Lyon. Le questionnaire contenait 20 questions, dans la majorité fermées,à l’exception de quelques questions, notamment sur le rapport aux valeurs et au rôled’Attac: en tout, 8 questions sur les déterminants sociaux, 12 questions sur l’engagementà Attac-Rhône et les différentes dimensions de politisation des interrogés. Toutefois, nousvoulons souligner que cet échantillon de 37 personnes n’est pas représentatif de l’ensembled’adhérents du bureau local d’Attac-Rhône (309 personnes ayant payés leurs cotisationsen 2008), ni de l’ensemble d’adhérents du mouvement Attac51. Parmi les présents à l’AG(à part des militants actifs) on peut supposer un engagement plus important de par leurprésence un samedi, pour une réunion durant toute la journée. Ils ont ainsi manifesté leurvolonté de s’impliquer dans la vie de l’association, en intervenant, en votant les motionset en élisant les membres de Conseil d’administration. Le passage de ce questionnairevisait à repérer quelques caractéristiques du profil sociologique des adhérents les plus actifsd’Attac-Rhône, repérer certaines dimensions de leur adhésion à l’association (l’année et lemotif d’adhésion, le rapport au rôle de l’association) et de leur politisation (rapport au champpartisan et militant, plus généralement, lecture des médias, positionnement sur l’échelledroit-gauche), ainsi que de tester certaines hypothèses et faits déjà connus à propos del’engagement militant, et plus particulièrement, celui d’Attac. Plus globalement, cette partie

45 Qui nous ont été transmis aimablement par des membres du Bureau d’Attac-Rhône.46 Qui a été brièvement inaccessible et déplacer vers un autre serveur en cour de l’année : http://attac69.org47 www.france.attac.org48 Liste des groupes de travail d’Attac-Rhône, 2008 (Voir l’Annexe).49 Nous avons pu profiter de l’ouverture et de la transparence du fonctionnement du comité Attac-Rhône, fixées dans l’article 8-5

des Statuts : « Tout adhérent [et même, comme le confirme notre expérience, non-adhérent] peut assister à une réunion du Conseil oudu Bureau. Il peut y intervenir, mais ne prend pas part aux votes ». Statuts d’Attac-Rhône, adoptés en septembre 2001. (Voir l’Annexe).

50 Le manuel utilisé pour constitution du questionnaire : SINGLY François, L’enquête et ses méthodes : le questionnaire, 2e

ed., Armand Colin, 2006. Le logiciel SPSS a été utilisé pour traiter les données recueillies à l’aide de questionnaire.51 Les quelques peu d’enquêtes comparatives qui existent sur le profil des adhérents et la composition des comités locaux,

témoignent d’une différenciation géographique importante et de l’impossibilité de transposer les résultats concernant un comité localsur l’ensemble des adhérents d’Attac France.

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de notre enquête visait à prendre en compte les adhérents52, souvent les moins visiblespour les chercheurs qui travaillent sur le militantisme.

Si les questionnaires servent pour expliquer, les entretiens servent pour comprendre,remarque F.Singly dans son manuel53.Nous avons conduit dix-sept entretiens semi-directifsd’une durée moyenne d’une heure avec des anciens et actuels militants d’Attac-Rhône. Lepremier entretien exploratoire a été conduit avec une personne qui nous a été connue,en vue de balayer le terrain, de repérer l’information principale sur le fonctionnement del’association aujourd'hui et d’avoir un avis sur les interlocuteurs potentiellement accessiblespour de futurs entretiens. Compte tenu de notre intérêt de départ pour des formes etfluctuations de l’engagement militant, donc, caractéristiques des militants assez impliquésdans la vie de l’association (à l’opposé des simples adhérents), nous avons cherché descontacts essentiellement avec des militants, présents ou désengagés, d’un fort degréd’implication au sein d’Attac-Rhône. Les entretiens ont été conduits dans des locaux d’Attac-Rhône, dans le lieu d’habitation ou de travail des interviewés, dans des cafés, en fonction dedegré de connaissance (il est plus facile d’inviter quelqu'un qui est connu chez soi), ou selonla densité de l’emploi du temps (quand il est plus facile de se déplacer pour un retraité ou unétudiant, que pour un professionnel). Les personnes sollicitées se sont montrés quasimenttous très favorable au passage de l’entretien, quelquefois précisant, avant de donnerla réponse affirmative, sur quoi porte l’enquête. Un militant actif, lors de notre premièreobservation dans le groupe « Construction Européenne », après avoir découvert l’objectif denotre présence, s’est « porté bénévole » pour l’entretien, ayant expliqué sa bonne volontépar le fait d’être actuellement en thèse et l’intérêt pour des enquêtes sociologiques, mêmeen tant qu’objet d’étude. Les militants actifs, que nous avions connus lors des réunions àAttac-Rhône, ont été sollicités face-à-face, et avaient tous été d’accord d’être interviewé,tandis que les militants désengagés54 ont été contacté par courrier électronique au nombrede cinq, dont un est resté sans réponse.

Parmi les dix-sept interviewés, nous pouvons distinguer cinq désengagés, auparavanttrès impliqués dans l’association Attac-Rhône, et douze militants actifs ou en processustransitoire, qui hésitent à s’autodéfinir. Il nous a manqué probablement de la profondeur despropos recueillis en 50-90 minutes, les entretiens plus longs auront pu être plus appropriéspour une telle analyse. Cependant, nous avons pu à travers des entretiens plus nombreuxrecenser plus de trajectoires, surement moins détaillés, mais permettant de voir plus dediversité des parcours, des trajets militants, des logiques individuelles des acteurs.

Dans la conduite de l’entretien, nous nous sommes inspirée d’une technique proposéepar Jean-Claude Kauffman d’un entretien « compréhensif »55, qui permettrait d’instaurer uneambiance confidentielle entre l’interviewé et l’intervieweur, dont nous avions besoin pourpouvoir parler des motivations et sentiments des acteurs par rapport à leur engagement.Traitant de l’efficacité d’interaction entre l’enquêté et l’enquêteur, Kaufmann s’oppose àla non-personnalisation de l’entretien, le principe de l’entretien compréhensif est, donc,

52 Qui sont « souvent négligés dans les enquêtes quantitatives sur le militantisme, empêchant ainsi de tester la validité desvariables mises en avant pour expliquer le passage à l’action », in SAWICKI Frédéric, SIMEANT Joanna, « Décloisonner la sociologiede l’engagement militant. Note critique sur quelques tendances récentes des travaux français », art.cit, p. 113.

53 SINGLY François, L’enquête et ses méthodes : le questionnaire, 2e ed., Armand Colin, 2006.54 La liste de tous les militants avec une brève description de leur passage et le statut actuel à Attac-Rhône nous a été procurée

par un militant actif, ancien président, qui, plus généralement, sans assignation d’une telle tâche officiellement, officieusement assurel’accueil des nouveaux arrivés à l’association.

55 KAUFMANN Jean-Claude, L’entretien compréhensif, Nathan, Paris, 1996, réed. 2001.

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l’engagement actif de l’enquêteur, avec, des fois, la prise même de position sur les questionsadressées à l’interviewé. Ainsi, lors de nos entretiens avec des militants, nous avons pu,selon la personnalité de l’interviewé, faire certains, plus hésitants de s’exprimer suite à nospropres suggestions ou prises de position56. Nous avons laissé d’autres, ayant l’habitude deparler de leur engagement57, de s’exprimer, tout en orientant leur propos vers les élémentset les dimensions qui nous intéressent de leur militantisme.

Une telle approche à la construction des rapports interviewé-intervieweur nous apermis de construire notre objet d’étude selon le modèle de la « théorie fondée sur lesdonnées issues du terrain (grounded theory) »58 et dépasser des a priori et des préjugéstout faits. En outre, comme l’entretien incite à « la production d’un discours in situ »,cela le transforme en « situation sociale de rencontre et d’échange et non pas un simpleprélèvement d’information »59. Nous avons pu, donc, bénéficier de la spécificité de l’entretiencomme technique, qui consiste en ce qu’il « va à la recherche des questions des acteurseux-mêmes, fait appel au point de vue de l’acteur et donne à son expérience vécue, à salogique, à sa rationalité, une place de premier plan »60. En ayant recours aux entretiens nousvoulions étudier les représentations, mais aussi repérer les pratiques, passées et ancréesdans la mémoire des acteurs. Tout en permettant de recueillir ces faits sociaux, les systèmesde représentations et les pratiques sociales, l’entretien avait permis alors de lier et d’articulerles deux.

Pendant la réalisation des entretiens nous nous sommes trouvées confrontée àquelques difficultés, dont nous avaient prévenue A.Blanchet et A.Gotman. Tout d’abord,nous avons pu repérer des éléments du « processus d’objectivation », quand l’interviewéopère en produisant son discours « une transformation de son expérience cognitive,passant du registre procédural (savoir-faire) au registre déclaratif (savoir-dire) »61. Toutefois,si on tient en compte l’existence de ces rationalisations a posteriori, ces « illusionsbiographiques »62 peuvent être confrontées à d’autres éléments et données recueillis.Deuxièmement, les auteurs nous préviennent de faire attention au phénomène de la« régionalisation des représentations », ou « régionalisation des comportements »63 :quand en fonction du lieu, du temps ou d’autres circonstances matérielles, de recueil despropos (le fait de parler de son militantisme dans les locaux de l’organisation va structurer

56 Selon la lecture avec une grille interactionniste des rapports intervieweur-interviewé : « …L’informateur a besoin de repèrespour développer son propos. C’est d’ailleurs une loi bien connue de l’interaction : à défaut de pouvoir typifier son interlocuteur, l’échangene peut se structurer », BERGER P., LUCKMANN T. La Construction sociale de la réalité, Paris, Méridiens-Klincksieck, 1986, cité inKAUFMANN Jean-Claude, L’entretien compréhensif, op.cit., p. 49.

57 Plusieurs interviewés témoignent avoir été interviewés auparavant, par les étudiants, journalistes, et, entre autre, au moins,deux lors de l’enquête de R.Wintrebert sur Attac.

58 GLASER Barney G. et STRAUSS Anselm L., The discovery of grounded theory: strategies for qualitative research. Chicago:Aldine, 1967.

59 BLANCHET Alain, GOTMAN Anne, L’Enquête et ses méthodes : l’entretien, Paris, Nathan, 1992, rééd., Armand Colin, 2e

éd., 2007, p.15.60 Ibid., p.20.61 Ibid., p.26.62 BOURDIEU Pierre, « L’illusion biographique », Actes de la recherche en sciences sociales, n°62-63, juin 1986, p.69-72.63 GOFFMAN E., La Mise en scène de la vie quotidienne, Paris, Editions de Minuit, 1973 pour la traduction française, tome 1.

La présentation de soi., cité in BLANCHET Alain, GOTMAN Anne, L’Enquête et ses méthodes : l’entretien, op.cit., p.27.

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inévitablement le discours de l’interviewé), ils vont être formulés différemment, sans quel’interviewé en est conscient.

L’interprétation des données est une étape important dans le travail de chercheur.Compte tenu de la spécificité de notre échantillon, d’un capital culturel moyen assezélevé, nous avons plusieurs écueils à éviter. Premièrement, la reprise du vocabulaire et del’interprétation des faits par les interviewés64. Ensuite, dans l’interprétation des données,il s’agissait de dépasser l’« évidence »65 des faits observés ou des propos recueillis, encherchant les logiques et structures sous-jacentes qui permettront non simplement dedécrire mais d’interpréter et d’expliquer la réalité étudiée.

En outre, la difficulté de garder une approche critique, « un scepticisme de principeà l’égard des analyses « généralistes » et des découpages préétablis du monde social »66

étaient du à la spécificité de notre échantillon. Militants d’un mouvement critique envers laréalité sociale des choses, eux-mêmes, transfèrent souvent cette approche critique dansleur discours sur leurs pratiques et représentations.

Contrairement à l’expérience de J.Gervais qui n’a pas du se confronter auxthéorisations par les interviewés a posteriori de ce « qu’ils avaient dû gérer au jour le jour,de manière pragmatique »67, nos interviewés souvent déviaient leur récit pour expliqueret monter en généralité les expériences, les comportements et les événements, comme cemilitant : « Comme tu me poses la question, du coup je construis mon histoire comme si…depuis tous les jours j’avais eu envie de faire ça, mais j’avais d’autres centre d’intérêt àl’époque aussi »68. Cela est sans doute du, en partie, au temps d’enquête, 2001 où enquêtaitJ.Gervais, le temps d’activités importantes au quotidien dans l’association, et 2008-2009pour nous, le temps beaucoup moins intense dans la vie des militants d’Attac-Rhône.

L’autre divergence avec l’expérience de J.Gervais69 est l’absence des efforts d’établirun rapport de force par nos interviewés. Tout en ayant reçu les mêmes questions par lesinterviewés qu’elle, à propos de notre problématique, notre méthode et l’approche adoptée,nous les avions perçues comme les signes d’une simple curiosité, bienveillante, parfois parune curiosité sociologique, car certains interviewés possèdent des connaissances ou fontde la recherche en sciences sociales.

Dans l’analyse des entretiens nous avons associé l’analyse linguistique et l’analysede contenu 70, tout en faisant attention à d’autres indices sur le non-dit, les réticences,

64 Parmi les dix-sept interviewés : cinq sont chercheurs dans les Sciences sociales ou appliquées, une étudiante en Sociologieet un auteur de bande dessinée d’intervention politique, donc, presque la moitié de notre échantillon possédant des outils acquisprofessionnellement d’analyse et de synthèse. Les autres les ont acquis également, mais dans la moindre mesure, à travers leurexpérience militante à Attac.

65 BEAUD Stéphane, WEBER Florence, Guide de l’enquête de terrain, Paris, La découverte, 2003, p.9.66 Ibid., p.10.67 GERVAIS, Julie. Les acteurs et le « système d’Attac » : entre mutations du militantisme et nouveaux engagements citoyens.

D.E.A. de Science politique de Lyon, septembre 2001, p.17.68 Florian, militant, 31 ans, doctorant en histoire, enregistré le 25 novembre 2008 à Lyon.69 GERVAIS, Julie. Les acteurs et le « système d’Attac » : entre mutations du militantisme et nouveaux engagements citoyens,

op.cit., p.18.70 Dans l’analyse linguistique l’attention est centrée sur les structures formelles du langage, l’analyse du contenu étudie et

compare « les sens des discours pour mettre à jour les systèmes de représentations véhiculés par ces discours», voir BLANCHETAlain, GOTMAN Anne, L’Enquête et ses méthodes : l’entretien, op.cit., p.89.

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etc., les liant à la posture de l’interviewé pendant la discussion, ses interventions dansdes réunions à Attac-Rhône. Tout en se garant des présupposés et des biais que notreregard subjectif pouvait apporter pour les matériaux recueillis et pendant leur analyse, nousnous rappelions, que « la reconnaissance d’un biais fondamental n’est pas la marque del’invalidité d’une méthode mais, au contraire, la condition nécessaire pour que cette méthodeatteigne un statut scientifique. Une méthode étant précisément caractérisée par la maîtrisedes distorsions auxquelles elle soumet les faits »71.

Ainsi, nous allons présenter les résultats de notre enquête en trois parties.Dans la première partie de notre raisonnement, nous allons présenter la sociohistoire (la

fondation, l’essor et les moments militants clés) contextualisée de l’association Attac Franceet la constitution du bureau local d’Attac-Rhône. Cela en vue de situer historiquementl’institution qui est au cœur de cette analyse, et qui nous aiderait à comprendre la situationactuelle, les enjeux de son fonctionnement et sa position dans le champ militant, le rapportque les militants peuvent entretenir avec l’association, qui inclut aussi son passé.

Ensuite, dans la deuxième partie de notre démonstration, dans le respect d’unecohérence chronologique, nous allons, premièrement, présenter le profil sociologique desmilitants et adhérents actuels d’Attac-Rhône, pour donner à l’association sa dimensionhumaine, et, en deuxième partie, analyser les activités principales du comité, et de là,essayer de dégager les représentations des militants de ce que doit être l’association Attacet démontrer la négociation continue dont fait l’objet l’identité d’Attac-Rhône, et puis, leseffets que de tels remaniements exercent sur les militants.

Enfin, dans la troisième partie, à travers la grille d’analyse de l’engagement militant quiprend en compte ses divers éléments constitutifs, en sollicitant principalement le discoursdes acteurs, nous tenterons d’analyser les fluctuations du militantisme au sein d’Attac-Rhône, ses éventuelles reconversions dans d’autres investissements et les conséquencesbiographiques pour les désengagés, mais aussi pour l’organisation et le maintien de sonactivité.

71 Ibid., p.115.

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Chapitre I. Attac Rhône, expressionlocale d’une dynamique altermondialistenationale

« Attac est fondée sur un certain nombre de paradoxes qui peuvent contribuer ànotre dynamisme ou générer des paralysies »72.

L’essor impressionnant d’Attac en France, durant les premières années, la croissanceexponentielle du nombre de ses adhérents, fut une surprise. Néanmoins, son apparitionsur la scène politique française peut être expliquée par des facteurs tels que la conjoncturesociopolitique et économique, la configuration de l’espace des mouvements sociaux, maisaussi l’ancrage des actions concrètes de certains des acteurs de ce processus dans uneconjoncture favorable. Ainsi, dans cette partie de notre travail nous allons présenter lesétapes de l’apparition et de l’institutionnalisation de l’association, compte tenu du contexteet des acteurs qui y ont joué un rôle. Nous nous focaliserons, dans un second temps, surl’histoire du comité local Attac-Rhône.

1. Sociohistoire de l’association AttacSi nous en tiendrons à marquer l’événement clé pour l’émergence d’Attac, nous devronsmentionner surement l’éditorial d’Ignacio Ramonet « Désarmons les marchés »73 qui en

décembre 1997 a paru dans le journal Le Monde diplomatique 74 .Crée en 1954 lejournal, étant destiné au départ à la lecture du personnel des ambassades, change sonregistre avec l’arrivée de Claude Julien au poste de rédacteur-en-chef en 1973. Gardantun discours critique et visiblement « idéologiquement » marqué, il est considéré d’avoircrée une grille de lecture critique de la mondialisation, ainsi, ayant favorisé la constitutionde l’altermondialisme en France, aussi qu’une plateforme de rencontre transversale desuniversitaires, militants et journalistes, « une communauté référentielle »75, qui donneraensuite lieu à la création d’Attac notamment.

72 Proposition d’Attac Var en vue d’améliorer le fonctionnement de la Conférence nationale des comités locaux, mars

2004, cité in WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement?Paris, Editions La Découverte, 2007, p.169.73 RAMONET Ignacio, « Désarmer les marchés », Le Monde diplomatique, 01/12/1997, p.1. Cet article peut-être récupéré surwww.france.attac.org74 SZCZEPANSKI-HUILLERY Maxime, “Les architectes e l’altermondialisme. Registres d’action et modalités d’engagement au Mondediplomatique », in AGRIKOLIANSKY Eric, FILLIEULE Olivier, MAYER Nonna (dir.), L’altermondialisme en France. La longue histoired’une nouvelle cause, Paris, Flammarion, 2005, p.143-173.75 WATERS Sarah, « A l¹attac : globalization and ideological renewal of the French Left », Modern & Contemporary France, 2006,05, vol. 14, n°2, pp.143.

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Chapitre I. Attac Rhône, expression locale d’une dynamique altermondialiste nationale

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Nous ne pourrons pas comprendre le phénomène d’Attac sans évoquer les conditionspréalables, celles qui ont favorisé la réponse rapide des milliers des lecteurs, l’envoi deschèques et des propositions d’action concrète. Nous en tiendrons aux événements clés del’émergence d’Attac d’abord, et nous expliciterons les caractéristiques de cette conjonctureen deuxième temps.

1.1. La naissance d’AttacDans son éditorial, I.Ramonet dénonce l’« Etat mondial », « un pouvoir sans société »,« tenu par les marchés financiers et les entreprises géantes », plus précisément, quatreinstitutions internationales que sont le Fonds monétaire international (FMI), la Banquemondiale, l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE)et l’Organisation mondiale du commerce (OMC) : « Le désarmement du pouvoir financierdoit devenir un chantier civique majeur si l’on veut éviter que le monde du siècle à venirne se transforme en une jungle où les prédateurs feront la loi ». Pour instaurer le contrôlesur les spéculations financières, il propose trois solutions : « suppression des «paradisfiscaux» ; augmentation de la fiscalité des revenus du capital ; taxation des transactionsfinancières ». L’idée de cette dernière, l’instauration de la taxe Tobin, est empruntée au PrixNobel américain d’économie Tobin, qui l’avait proposée dès 1972. Le mécanisme serait« de taxer, de manière modique, toutes les transactions sur les marchés des changespour les stabiliser et, par la même occasion, pour procurer des recettes à la communautéinternationale ». De là, la proposition suivante concluait l’article : « Pourquoi ne pas créer, àl’échelle planétaire, l’organisation non gouvernementale Action pour une taxe Tobin d’aideaux citoyens (Attac) ? En liaison avec les syndicats et les associations à finalité culturelle,sociale ou écologique, elle pourrait agir comme un formidable groupe de pression civiqueauprès des gouvernements pour les pousser à réclamer, enfin, la mise en œuvre effectivede cet impôt mondial de solidarité ».

Suite à cet article la rédaction du journal a reçu plus de 2 500 courriers de lecteurs,tous manifestant leur soutien et exprimant l’envie de faire partie d’une telle initiative76. Ladirection du journal, plus particulièrement son directeur général, Bernard Cassen, chargépar le journal, a décidé d’encadrer la constitution de l’organisation.

R.Wintrebert parle d’un espace du « débat intellectuel » crée par le Monde diplomatique,qui avait contribué à une telle réaction à l’appel d’Ignacio Ramonet, d’une sorte de« libération cognitive »77. La base du succès du mouvement Attac était constituée par lagrille de lecture de la réalité économique et politique proposée dans des journalistes duMonde diplomatique, mais aussi par le nombre important et la disposition à l’engagementde ses lecteurs78.

Les acteurs, réunis par Le Monde diplomatique au départ étaient des titres de presses(Charlie hebdo, Politis, Transversales/Science/ Culture, Témoignage chrétien, Alternativeséconomiques et Politis), mais aussi les syndicats (des fédérations de la CGT et de la

76 Parmi nos 17 interviewés sept ont fait partie de ces premiers adhérents d’Attac, dont trois sont toujours militants du comitélocal Attac-Rhône.

77 Le concept de libération cognitive renvoie à une prise de conscience de l’ouverture de la structure des opportunités politiquespour une mobilisation. Voir McADAM Doug, Political Process and the Development of Black Insurgency, Chicago, Chicago UniversityPress, 1982.

78 AGRIKOLIANSKY Eric, FILLIEULE Olivier, MAYER Nonna (dir.), L’altermondialisme en France. La longue histoire d’unenouvelle cause, op.cit., p.172, et WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement?, art.cit., p.13-15.

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CFDT, Fédération des finances CGT, la FSU, SNES, SNESup, SNUipp, les Groupe desdix Solidaires, SUD-PTT, SNUI, la Confédération paysanne, Modef), les organisations deproduction de l’expertise et de diffusion de l’information (CEDETIM, AITEC, CRID, Raisonsd’agir), les associations phares des mouvements sociaux des années 1990 (DAL, AC !,Droits devant !!, MNCP, APEIS) et d’autres (CADAC, les Amis de la Terre, etc), aussique les personnalités éminentes (José Bové, Manu Chao, Susan George, Gisèle Halimi,Daniel Mermet). Ils se réunirent au cours de printemps 1998 pour définir la forme et lesprincipes du fonctionnement de l’organisation, ses thématiques de travail et ses modesd’action. Le Monde diplomatique prévoyait déjà la future association comme un « lieu decollecte, de diffusion et de vulgarisation des informations » : « Attac agira d’abord parl’information, en produisant des argumentations et des propositions – du livre à la brochure,à l’article et au tract – qui constitueront autant d’outils de réflexion et de combat pourles organisations membre et les adhérents individuels ». 79 Mais les questions abordéespendant les premières réunions concernaient surtout la forme organisationnelle et le statutdu nouvel organisme. La nécessité d’assurer l’équilibre entre les membres fondateurs,disparates tant dans leurs sensibilités idéologiques que leurs formes organisationnelles etmodes d’action, - était soutenue par l’ensemble des acteurs. B.Cassen explique le choix decréer une association loi 1901 d’organisations déjà existantes pour « garantir la pérennité,pour stabiliser »80:

« En ce qui concerne la formation de notre collectif de départ, les membresfondateurs, nous avons délibérément privilégié les personnes morales pourinstaller l’association dans la durée et pour que, grâce à leur diversité, se formeun système auto-équilibrant. Dans le même esprit, les statuts d’Attac prévoientqu’une majorité des membres du conseil d’administration soit issue du collège

des fondateurs : c’est la garantie de notre pluralisme » 81 .

La diversité des membres-fondateurs et la nécessité de les organiser dans l’actioncommune ont configuré l’architecture spécifique d’Attac : les organisations-membresmandatent une personne pour y participer, qui, une fois élue au conseil d’administration,représente l’ensemble des adhérents d’Attac. Ainsi, « Attac n’est ni une fédération niune coordination d’organisation. Il s’agit d’une association d’adhérents »82, avec un statutde personne moral pour une organisation-membre et un statut de personne physiquepour un adhérent individuel. Le statut d’une association est pensé à l’opposé d’un statutde cartel d’organisations, dont l’exemple était le membre-fondateur d’Attac AC ! ou laCCAMI (Coordination contre l’AMI), avec qui Attac était dans des rapports conflictuels et,comme en témoignent les militants, même concurrentiels83, et où, selon B.Cassen, « y ena qui coordonnent plus que les autres »84. La visée très ambitieuse, ainsi, distingue les

79 Un article et une lettre aux potentiels membres fondateurs dans Le Monde diplomatique, cité dans WINTREBERT Raphael,Attac, la politique autrement?, op.cit., p.39 et 47.

80 Entretien avec B.Cassen, 2003, cité dans WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement? op.cit., p.24.81 « Attac : une réussite tactique ? » Propos de B.Cassen recueillis par Grégory Delannes, Confluences pour une

alternative progressiste, mai 1999, p.6, cité dans WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement? op.cit., p.51-52.82 WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement?Paris, Editions La Découverte, 2007, p.25.83 Ibid., p.42-44.84 Entretien avec B.Cassen, in Ibid., p.43.

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fondateurs d’Attac dès le départ, et les amènent parfois à positionner Attac dans une logiqueconcurrentielle dans l’espace militant.

1.2. La définition des statuts et des objectifsDans la constitution de nouvelle organisation, le choix a été fait de s’appuyer surles organisations et réseaux existants, qui apporteraient « quelques moyens matérielsinitiaux »85 et serviraient de « relais naturels de communication »86, mais ce qui était aussiune façon de « manifester publiquement le caractère fédérateur de la taxe Tobin »87. Et enmême temps, la direction du Monde diplomatique avait dans l’idée de créer une organisationnouvelle et autonome vis-à-vis du champ partisan. La tension inhérente consistait déjà dansl’objectif de réunir les nombreuses organisations, déjà insérées dans le champ politique etayant leurs propres enjeux, tout en garantissant l’indépendance de nouvelle organisationdans ce champ. Le statut de l’association d’adhérents et la création du Collège desfondateurs étaient appelés à résoudre ce problème : « Le Collège des fondateurs comprendles personnes physiques et morales qui ont créé l’Association et celles qu’elles désigneront,à la majorité des deux tiers, pour les compléter ou les remplacer, le cas échéant »88.

En plus de son pouvoir de proposer au Conseil d’administration « les grandesorientations et lignes d’action de l’Association»89, le Collège des fondateurs avait contrôlesur deux tiers des sièges au conseil d’administration (18 des 30 sièges90). Du faitde parrainage par le Monde diplomatique de ses réunions organisationnelles et lepoids symbolique de sa neutralité, B.Cassen suggérant les statuts des Amis du Mondediplomatique (AMD) comme modèle, - n’a pas vu d’opposition. La clause sur le Collège desfondateurs provient de là, puisque le journal voulait alors protéger l’accès aux ressourcesfinancières et l’indépendance de sa ligne rédactionnelle91. Premièrement, ce principe, selonBernard Cassen92, est démocratique en ce qu’il était censé de garantir, malgré la diversitédes membres fondateurs d’Attac, la recherche du consensus, en donnant ainsi un équilibreet une stabilité à Attac. Deuxièmement, il assurait la démocratie dans la mesure où ilprotégeait d’entrisme par des organisations politiques dans le but de s’emparer du pouvoir.

Dans ses débats sur les formes d’organisation d’Attac se jouait l’enjeu important del’identité du mouvement. Avec une position assez autonome des organisations membresd’Attac (« celles-ci sont à la fois constitutives d’Attac et extérieures à elle » : « les décisionsauxquelles elles participent dans Attac ont des effets en leur sein, et inversement »93)et la multipositionnalité des acteurs dans l’espace des mouvements sociaux, la diversitéde leurs affinités – les débats autant sur les positions que les modes d’action étaient

85 Attac, mode d’emploi, le 1 juillet 1998, www.france.attac.org (Voir l’Annexe).86 Lettre aux adhérents d'Attac, 28/09/1998, www.france.attac.org87 Attac, mode d’emploi, le 1 juillet 1998, www.france.attac.org (Voir l’Annexe).88 Statuts de l’association, le 3 juin 1998, www.france.attac.org (Voir l’Annexe).

89 Ibid.90 Liste arrêté par le Collège des fondateurs des 18 candidatures au Conseil d’administration national, qui doit être votée ou

rejetée par l’Assemblée générale nationale des adhérents.91 WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement? op.cit., p.54.92 CASSEN Bernard, « On the Attack », New Left Review, n 19, janvier-février 2003, pp.43-44; www.newleftreview.net93 WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement? op.cit., p.63.

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importants. Attac s’est ainsi posée plusieurs défis, relatifs à cette contradiction dans sonsein : le défi « de tenir ensemble ces deux types de temporalité irréductibles et parfoiscontradictoires – le temps (long) de la réflexion et du consensus, et le temps (court oumoyen) de l’action à proprement parler » et le défi de créer un cadre de coopération entre lesorganisations concurrentes sur leur champ d’action, - ces défis, l’accomplissement desquelssensés être « bénéfique » pour le mouvement social94. La question de conciliation d’unetelle diversité dans la construction identitaire et dans la définition des vecteurs d’action étaitaussi pertinente pour le mouvement altermondialiste, dans son ensemble.

Ainsi, le 3 juin 1998 a eu lieu l’Assemblée générale constitutive d’Attac, dont lenom officiel devient « Association pour la taxation des transactions financières pourl’aide aux citoyens. ». Ont été adoptés les Statuts et la Plate-forme d’Attac, élaboréspendant les premières rencontres des membres fondateurs. Le Collège des fondateurs avaitégalement proposé un premier calendrier d'activités, avait élu le Conseil d'administration etla direction provisoires d'Attac95. Ainsi, les Statuts définissaient « les règles du jeu » et laconfiguration organisationnelle de l’association. Etant pensés par beaucoup comme rigideset antidémocratiques, ils étaient appelés à garantir l’équilibre entre les membres fondateurset la stabilité. L’existence éventuelle de l’association au niveau local n’était pas prévue dansles Statuts. Quoi qu’il en soit, les Statuts, comme le montre dans son étude R.Wintrebert,n’ont pas empêché ni l’apparition des comités locaux, ni l’évolution générale des formesorganisationnelles d’Attac.

La Plate-forme d’Attac, à son tour, définissait le cadre d’interprétation à partirduquel l’association a orienté ses analyses ultérieures. La Plate-forme avait condamnéla substitution par des logiques spéculatives des activités visant la réalisation de l’intérêtgénéral, autant en ce qui concerne le fonctionnement des institutions d’Etat que l’accèsdes citoyens à la définition de ces choix publics. Pour arrêter ce processus la Plate-formeappelle à la création de « nouveaux instruments de régulation et de contrôle » et à unesorte de « sursaut civique et militant »96. L’objectif général, annoncé dans les Statuts del’association, est de « produire et communiquer de l’information, ainsi que de promouvoir etmener des actions de tous ordres en vue de la reconquête, par les citoyens, du pouvoir quela sphère financière exerce sur tous les aspects de la vie politique, économique, sociale etculturelle dans l’ensemble du monde »97.

Un des appels principaux à l’aube de l’apparition d’Attac, instaurer la taxe Tobin surles transactions financières, une mesure économique, était elle aussi justifiée comme uneaction redonnant le contrôle sur les activités financières et qu’elle « alimenterait des logiquesde résistance, redonnerait des marges de manœuvre aux citoyens et aux Etats et, surtout,signifierait que le politique reprend le dessus », c'est-à-dire permettrait de « reconquérir lesespaces perdus par la démocratie au profit de la sphère financière »98. Ainsi, Attac s’estconstituée « à la fois comme une « single issue organization » sur le modèle anglo-saxon,et comme une association à vocation beaucoup plus généraliste »99. En même temps, pourAttac, contrairement à The Tobin Tax Initiative, une organisation américaine, « la taxe Tobin

94 WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement? op.cit., p.63-64.95 Attac, mode d’emploi, le 1 juillet 1998, www.france.attac.org (Voir l’Annexe).96 Plate-forme de l’Association ATTAC, le 3 juin 1998, www.france.attac.org (Voir l’Annexe).97 Statuts de l’association, le 3 juin 1998, www.france.attac.org (Voir l’Annexe).98 Plate-forme de l’Association ATTAC, le 3 juin 1998, www.france.attac.org (Voir l’Annexe).99 WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement? op.cit., p.76.

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est, en quelque sorte, une mesure pédagogique, symbolique (redistribution des richesses,notamment entre le Nord et le Sud) et politique (une proposition « pour » et non pas unedénonciation de ce qui existe) »100, le cadre de référence à travers lequel elle aborde unegrande variété de problèmes liés à la mondialisation libérale. La preuve étant l’abandonde référence à la taxe Tobin dans son appellation plus tard. Ainsi, R. Wintrebert constateune tendance dans le développement de l’association : son « passage d’une associationspécialisée et restreinte à un vaste mouvement généraliste »101 et, ainsi, élargissant laproduction de l’expertise du champ économique à d’autres domaines de la vie sociale.

1.3. Le développement d’Attac au niveau localAyant été créé comme association loi 1901, Attac a obtenu une licence d’associationd’éducation populaire102, qui était sa mission principale, définie par ces fondateurs comme

tournée vers l’action 103 ,et a procédé à l’institutionnalisation du flux d’initiatives etdes volontés d’agir pour « se réapproprier ensemble l’avenir de notre monde »104. Bienavant l’Assemblée constitutive, les groupes locaux commençaient apparaître. Dans unelettre adressée aux adhérents B.Cassen annonce la nouvelle priorité de procéder à uneconstitution des comités locaux (CL)105. Le 17 octobre 1998 première rencontre nationaleà La Ciotat, à côté de Marseille, rassemblait les adhérents locaux (3 500 qui ont payésleur cotisation à ce jour), environ 1 000 présents, qui ont pu ainsi se rencontrer et débattredes modes de s’organiser ensuite. Avec la constitution des nombreux comités locaux, quin’étaient pas prévu par les fondateurs au départ, et l’accroissement de leur nombre enprogression géométrique, les débats sur la nécessité d’adaptation de réglementation à laréalité des deux niveaux institutionnels de fonctionnement d’Attac et sur l’élaboration demode de leur interaction se sont ouverts. L’évolution d’Attac au niveau local avait très tôtcrée les tensions, liées à la lutte pour leur place par des militants locaux dans les instancesde décision nationales.

Cette lutte pour l’adaptation du projet d’Attac avait abouti au vote lors de l’Assembléegénérale de St.Brieuc en octobre 2000 des deux vœux : premièrement, l’instauration d’uneConférence nationale des comités locaux (CNCL)106, et, deuxièmement, une commission de

travail pour réfléchir sur la modification des statuts 107 et l’amélioration du fonctionnement

100 Ibid., p.78.101 Ibid., p.82.

102 Agrément ministériel du 4 février 2002, www.france.attac.org103 La Charte des relations entre l’association Attac et les comités locaux d’Attac, novembre 2002, www.france.attac.org (Voirl’Annexe).104 Plate-forme de l’Association ATTAC, le 3 juin 1998, www.france.attac.org (Voir l’Annexe).105 Attac, mode d’emploi, le 1 juillet 1998, www.france.attac.org (Voir l’Annexe).

106 « Celle-ci devra se réunir trois fois par an avec une représentation d’une personne minimum par comité local. CetteConférence permettra aux comités locaux d’occuper toute leur place dans la vie de l’association, tant par les débats qui devront y avoirlieu qu’autour des orientations sur les actions que nous devons mener ensemble. Elle permettra un échange fructueux des comitéslocaux entre eux, avec le Conseil d’administration et le Bureau et d’avancer ainsi concrètement dans la réflexion et l’action”, in Charte– Présentation, le 22 juin 2001, www.france.attac.org

107 Selon les témoignages recueillis par R.Wintrebert, malgré l’intitulé souhaité par des militants locaux d’un groupe pourréfléchir à « une modification des statuts », B.Cassen a accepté de faire voter le vœu n°2 sur condition de son appellation d’un groupe

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démocratique d’Attac (Commission mixte CA / CL (Conseil d'administration / Comitéslocaux)). Significatif est le fait que le travail de la dernière a abouti non pas à la modificationeffective des statuts, mais à la Charte pour réglementer les relations entre l’association Attacet les comités locaux.

Le fait de ne pas prévoir le développement des comités locaux, selon B.Cassen, étaitplutôt positif dans ses conséquences politiques :

« Le système auquel on a abouti finalement est excellent, parce que ça crée deuxniveaux de pouvoir : le niveau national qui cadre, qui a la compétence, l’expertisehumaine, les ressources humaines, mais qui n’est pas responsable devant lescomités, et on a des comités qui ne sont pas subordonnées au national, qui ontleur personnalité juridique propre, et qui peuvent nous envoyer promener s’ilsle veulent. Le seul argument qu’on a c’est le nom, on peut leur retirer ça, bon,on peut le faire. Nous, on est une association d’adhérents, pas de comités. Lescomités n’ont pas le droit d’adhérer à Attac en tant que comités»108.

Ainsi, en grande partie les activités d’une redéfinition des « règles du jeu » entre le siègecentral et les comités locaux étaient liées, premièrement, à la détermination du poidsde la CNCL et, deuxièmement, aux résultats du travail de la Commission mixte sur unepossible modification des statuts. Pour organiser une action vaste les adhérents étaientobligés de passer par le siège central, qui possédait des ressources organisationnelles etfinancières importantes, mais l’implication des militants à la CNCL leur ouvrait une possibilitéde contourner le national et de construire un espace de coopération avec d’autres comitéslocaux. L’enjeu autour de mise en place et institutionnalisation de la CNCL était la possibilitéde créer un « contrepoids » aux instances nationales et s’imposer dans le mouvement Attac.Mais une des difficultés consistait dans le rapport très différent des comités locaux enversla CNCL, allant de ceux qui y voyaient clairement l’enjeu du fonctionnement de l’association

jusqu’à ceux qui ne se chargeant même pas d’y envoyer un représentant 109 .

Ainsi, différentes stratégies ont été adoptées par les comités locaux pour rééquilibrerles rapports des forces: des affrontements directs avec la direction nationale et lesrevendications des changements radicaux dans le fonctionnement de l’organisation, parles uns, et un plus grand investissement visant la structuration et l’institutionnalisation dela CNCL, par les autres. Selon R.Wintrebert, cette deuxième stratégie a permis de factole rééquilibrage des forces entre le « national » et le « local », et a donné à la CNCL uncertain poids dans le fonctionnement de l’organisation, tout en faisant une réserve, que « ledéveloppement d’Attac est toujours le fruit de compromis, de consensus et de rapports deforce provisoires et instables entre différents acteurs »110.

Le travail de la Commission mixte a été beaucoup critiqué par les militants locauxégalement. Déjà selon les Statuts, les conditions de leurs modifications111 étaient difficiles

pour réfléchir sur « l’opportunité d’une réforme des statuts ». Cette commission, en outre, comportait seulement 12 membres, quiensemble, devaient réfléchir à une question d’une telle importance pour l’association, in WINTREBERT Raphael, Attac, la politiqueautrement? op.cit., p.145.108 Entretien avec B.Cassen, cité in WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement? op.cit., p.57-58.109 WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement? op.cit., p.162.

110 Ibid., p.170-171.111 « Les décisions de l’Assemblée générale extraordinaire relatives à la modification des statuts ou à la dissolution, sont prises

à la majorité des deux tiers des membres [souligné par nous], présents ou représentés. L’Assemblée générale extraordinaire ne peut

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à accomplir. Finalement, le groupe de travail a renoncé à son objectif initial, « mettant cettequestion entre parenthèses »112 et a commencé le travail sur le texte de la Charte descomités locaux, le moment où B.Cassen s’est désengagé du travail de ce groupe, en n’yvoyant plus d’enjeux, probablement. La Charte des relations entre l’association Attac et lescomités locaux d’Attac est adoptée lors de l’Assemblée générale à La Rochelle en 2002113.

La Charte définit séparément l’association Attac, équivalent de son siège central, et lemouvement Attac, qui inclut également les groupes et comités locaux. Ce document définitles relations entre le siège central et les comités locaux comme un « engagement contractuelmutuel où chaque partie, autonome, se reconnaît d’un même mouvement : le mouvementAttac » et dont la logique de fonctionnement « associe la démocratie représentative, ladémocratie participative et la recherche des convergences »114. La Charte met l’accentsur la possession des droits de propriété du logo et du nom Attac par le siège central.Ainsi, toute association locale voulant bénéficier du statut de « comité local d’Attac » et serevendiquant du mouvement Attac, devra signer et respecter la Charte, mais aussi rédiger etcommuniquer un règlement intérieur, le faire vérifier et valider par le Conseil d’administrationd’Attac France. Le comité local, selon la Charte, a une double mission politique : de« stimuler et coordonner les actions visant à réaliser les objectifs de l’association Attac ;veiller à la pluralité de points de vue et à l’ouverture, ainsi qu’au respect de la plate-formefondatrice d’Attac »115. « La place politique » des comités locaux est définie notammentpar leur représentation au sein de la Conférence Nationale des Comités Locaux (CNCL),« un lieu d’échange et de débats entre les comités locaux », mais aussi le moyen de « miseen œuvre des décisions prises par l’Assemblée générale annuelle des adhérent(e)s » où« des orientations nationales peuvent (…) être élaborées, débattues et validées, y comprispar un vote »116.

En réalité, un an après son adoption, en septembre 2003, selon Jean-Louis Sounes,directeur administratif d’Attac, la Charte a été signée par pas plus qu’un tiers des CL, etn’était, donc, pas perçue comme un instrument réel de peser sur les décisions au niveaunational. Les enjeux autour de la CNCL étaient plus importants dans ces conditions-là. Lesavis sur son adoption étaient néanmoins partagés :

« Du point de vue des militants critiques qui souhaitaient rééquilibrer lespouvoirs entre direction nationale et CL, il s’agit d’un échec : échec au niveaunational, et même affaiblissement au niveau local dans la mesure où le nationala un droit de regard plus fort. (…) Pour certains militants cependant, le travailde la commission a permis d’ouvrir d’autres espaces d’expression et dereconnaissance pour les comités locaux. Leur but était avant tout de formaliseret de poser explicitement la question de la place des comités locaux et de la

délibérer que si les deux tiers des membres de l’association sont présents ou représentés, sur première convocation, et de moitié surles suivantes », Statuts de l’association, le 3 juin 1998, www.france.attac.org . (Voir l’Annexe).

112 CA du 17 mars 2001, http://www.france.attac.org/spip.php?article300 .113 La Charte des relations entre l’association Attac et les comités locaux d’Attac, novembre 2002, www.france.attac.org .

(Voir l’Annexe).114 Ibid.115 Ibid.116 La Charte des relations entre l’association Attac et les comités locaux d’Attac, novembre 2002, www.france.attac.org .

(Voir l’Annexe)

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« démocratie interne ». Il s’agissait surtout de « marquer le débat, laisser une

trace qui pourra être reprise » 117 .

L’apparition du niveau local avec l’accroissement rapide et inattendu des adhésionsindividuelles et les réunions de constitution des comités locaux ont finalement aboutià son institutionnalisation dans la Charte. Cette formalisation était une façon de gérerle déséquilibre entre les deux échelons d’existence d’Attac. Et « ce déséquilibreorganisationnel revêt un caractère d’autant plus politique qu’il advient dans un groupeassociatif où les principes de « démocratie participative » sont mis en avant comme modèlepour la société tout entière. Attac est ainsi aisément soupçonnée de suivre la « loi d’airain

de l’oligarchie » 118 , ironie du sort pour une association qui entend la dénoncer chez les

autres »119.Les débats sur les modifications des Statuts persistent. Ainsi, le projet des modifications

des Statuts, proposé par le Conseil d’administration national en 2006, visait à « améliorersa situation financière; de renforcer le poids des adhérents et des comités locauxdans le fonctionnement de l’association; d’assouplir les règles permettant de modifierles statuts. »120 Les modifications concernaient le débat autour du poids du Collègedes fondateurs par rapport aux comités locaux et les adhérents. Il était donc prévud’augmenter le nombre de candidats élus au Conseil d’Administration parmi les adhérents(le passage de 12 à 24), mais aussi la démocratisation de l’accès au poste de président,qui auparavant devait être choisi parmi les membres fondateurs. Il s’agissait aussi dereconnaître statutairement un rôle plus important de facto du Conseil d’Administration et del’Assemblée Générale des adhérents dans la définition des « grandes orientations et lignesd’action » de l’association, auparavant conviées au Collège des fondateurs. Néanmoins, le17 juin 2006, lors de l’Assemblée générale extraordinaire les modifications des statuts n’ontpas été adoptées avec le quorum non-atteint (quelques centaines de votes manquants à unquorum de 10724). Le délai prolongé pour le vote n’a pas permis de l’atteindre121. Commeprévu au cas du non-vote des modifications des Statuts, les 24 premiers sur la liste d’élusdes adhérents étaient quand même intégrés au CA. La campagne a été reprise122 et le votesur les modifications des statuts est prévu lors de l’Assemblée générale de 2009.

1.4. Les crises internes à AttacDans l’institutionnalisation des « règles du jeu » de l’association et la redéfinition desrapports de forces, R.Wintrebert distingue deux périodes : de 1998 à 2002 où apparaissentles comités locaux et, en revendiquant leur prise en compte juridique et empirique,parviennent à s’imposer dans l’association Attac et en créer le mouvement, et puis, de 2003à 2006 – marquée par la division au sein de la direction nationale aboutissant à une « crise ».

117 Entretien avec un militant du Calvados, février 2004, cité in WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement?

op.cit., p.148.118 MICHELS Roberto, Les Partis politiques : essai sur les tendances oligarchiques des démocraties, Flammarion, Paris, 1971 (1911).119 WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement? op.cit., p.68.

120 Pourquoi une modification des statuts ?, le 10 mars 2006, www.france.attac.org121 Le CA du 11 décembre constate les quelques 259 voix manquants.122 « Vote sur la réforme des statuts », Lignes d’Attac, n°74, avril 2009. (Voire l’Annexe).

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La crise interne d’Attac, qui a culminé avec la « fraude » électorale, était très relayéepar les médias. Au point qu’elle était souvent la première référence à Attac qu’évoquaientceux à qui nous avons parlé de notre objet d’enquête. D’autant plus difficilement elle étaitvécue par les adhérents. C’était un processus long et complexe, qui révélait non seulementdes aspirations personnelles de B.Cassen et J.Nikonoff, mais également d’autres facteurs,tels que les transformations dans l’espace militant, les tâtonnements et les interrogationsau sein des mouvements altermondialistes.

R.Wintrebert distingue quatre facteurs de la division dans la direction nationale, quis’accroissait depuis 2002 : « une structure organisationnelle et un équilibre politique initialprécaire; une évolution du mouvement, non prévue, qui a profondément transformé sonprojet initial; des personnalités qui coopèrent plus ou moins bien entre elles ; un contextepolitique électoral qui modifie les stratégies des acteurs »123. B.Cassen ayant exercé deuxmandats pendant quatre ans et demi (au lieu de six mois comme c'était prévu au départ)affirme avoir décidé un an auparavant de ne pas se représenter aux élections, « parce que

je n’en pouvais plus, tout simplement » 124 . D’autres acteurs soulignaient ses aspirations

croissantes axées sur le niveau international et les forums sociaux mondiaux (FSM), dont ilétait un des fondateurs et organisateurs125. Quoi qu’il en soit de ses raisons personnelles,ici, nous ne pouvons que nous intéresser aux conséquences. B.Cassen en proposant, «au nom du Monde diplomatique », une candidature de J.Nikonoff, méconnu de beaucoupde membres des instances nationales, croyait avoir trouvé « la personne capable »126.En faisant cette proposition, aussi tard qu’il pouvait, B.Cassen explique avoir voulu éviterles conflits à propos de la candidature entre les membres. Or, selon certains, par l’envied’exercer encore une fois son pouvoir et s’affirmer symboliquement. Lui-même répondait àl’accusation de la non-démocratie de telle démarche : « En fait ce n’est pas la procédure,c'est évident, tu sais très bien que des questions de procédures cachent toujours desquestions de fond (…) Ce qui leur posait problème ce n’était pas une question de procéduresdémocratiques, au contraire, c'était que Tarta, Khalfa, Aguiton, Annick Coupé ne puissentpas dire : « Camarades, qu’est-ce qu’on fait ? » et là j’aurais été coincé, j’aurais été obligéou bien de rompre, en ayant dévoilé mes cartes, ou bien de leur lâcher un morceau, ce queje ne voulais pas… »127. R.Wintrebert conclut que mise à part des lettres de P.Tartakowsky,un communiqué de G10-Solidaires et un texte écrit par le Conseil scientifique, critiquantla méthode de Cassen, les mécontentements se sont concentrés dans les couloirs etpersonne s’est confronté directement avec B.Cassen lors d’une réunion. J.Nikonoff, peuconnu et, donc, fort de seule légitimité par B.Cassen, dès son entrée au poste du président(fin 2002) a voulu rationaliser et structurer l’organisation, mais aussi, prendre plus decontrôle sur les activités des comités locaux, élaborer une « planification stratégique » desfuturs actions d’Attac128. Or, la mise en pratique de ses stratégies et la façon de gérerl’association par Nikonoff, encore plus rigides que celles de Cassen, appréciées par lesuns et critiquées par les autres, selon R.Wintrebert, elles ont surtout approfondi et éclairé

123 WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement? op.cit., p.189.124 Entretien avec B.Cassen, août 2003, cité in WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement?op.cit., p.193.125 CASSEN Bernard, Tout a commencé à Porto Alegre, Paris, Mille-et-une-nuits, 2003.126 Entretien avec B.Cassen, aout 2003, cité in WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement?Paris, Editions La

Découverte, 2007, p.194.127 Entretien avec B.Cassen, aout 2003, cité in WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement? op.cit., p.197.128 WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement? op.cit., p.208-217.

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« un clivage au sein des instances nationales autour d’une question centrale : commentgérer la diversité des profils, des parcours, des références, des projets au sein d’Attac,et entre Attac et les autres organisations du mouvement altermondialiste ? Il en découledes considérations politiques (quel(s) débouché(s) politique(s) Attac peut-elle envisager ?)et tactiques (quelles alliances est-il nécessaire ou possible de faire ?)»129. Cela a donnélieu à un projet de réflexion sur la « nouvelle dynamique pour Attac »130 : rééquilibragedu poids des membres fondateurs au sein des instances nationales, le mode de prises dedécision au consensus, le fonctionnement des comités locaux, etc. Ces réflexions, renvoientaux questions plus générales de formes organisationnelles qui seraient effectives pourle mouvement altermondialiste, lui-même en constante évolution, de son rapport avec lesyndicalisme, le champ partisan et les débouchés pour le mouvement.

La première confrontation ouverte est survenue après la condamnation par J.Nikonoff131

de certaines actions radicales lors du rassemblement de Larzac qui, selon lui, aurait puamener à associer le mouvement altermondialiste à la « vieille extrême gauche ». Cet articleétait très mal accueilli au sein d’Attac, et notamment, critiqué par le CA, lors de l’universitéd’été et par les vice-présidents, S.George, G.Massiah et F.Dufour. Ce conflit ouvre unesérie de confrontations autour de la question des modes de prise de décision et formesd’organisation pour Attac, son positionnement dans l’espace de l’altermondialisme.

Un autre événement ressuscite le même débat - l’idée de présenter en 2004 leslistes « 100% altermondialistes pour une Europe solidaire » à l’occasion des électionseuropéennes du 13 juin 2004, qui, selon R.Wintrebert, proviennent, officiellement, de troispersonnes : M.Le Glatin, responsable du domaine « culture » d’Attac, C.Ventura, salariéd’Attac, et D.Mourlaine, membre élu au CA en 2002-2006132. S’emparant du sigle « % »et des beaucoup d’éléments de critique d’Attac, l’initiative est entreprise par quelquesadhérents, qui néanmoins, ne se sont jamais référés comme représentants d’Attac. Ellea suscité une critique virulente par des adhérents, par le camp opposé à B.Cassen, maisaussi par d’autres Attac du monde. Malgré la négation par B.Cassen de son rôle dans cetteaffaire, l’avis partagé des adhérents est que c’est « B.Cassen, en liaison avec J.Nikonoff,avait lancé les listes dites « 100% altermondialistes » qui se confondaient aisément, etpour cause, avec Attac elle-même. Cette initiative, montée sans débats dans le dos del’association, avait à l’époque provoqué une crise importante »133. Finalement, ces listesn’ont pas été déposées134, mais le précédent, qui a révélé publiquement une tension interne

129 Ibid., p.214.130 « Perspectives pour une nouvelle dynamique d'Attac », le 21 septembre 2004, http://www.france.attac.org/spip.php?

article3549 .131 NIKONOFF Jacques, « Après le Larzac, de nouveaux défis », Libération, le 18 aout 2003.132 WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement? op.cit., p.227.133 BRUN Thierry, « Attac en danger de mort ! », Politis, le 31 aout-6 septembre 2006.134 Outre que le manque des ressources financières, ces initiateurs expliquent qu’un autre facteur avait défini leur choix, plus

précisément « le comportement, malheureusement classique, de la plupart des médias qui n'ont à aucun moment parlé du contenudes propositions des listes 100 %, mais ont consacré des colonnes entières... au débat que ces listes provoquaient chez certainsmembres d'Attac ! Nous avons eu beau rappeler en permanence que nous ne parlions pas au nom de cette association, qui l'a elle-même confirmé à plusieurs reprises, rien n'y a fait : les médias ont délibérément occulté le fond pour se consacrer à l'anecdote.Eux aussi portent une grave responsabilité dans une dépolitisation des citoyens sur laquelle ils versent par ailleurs des larmes decrocodile. Enfin, encouragées par ce travestissement médiatique de notre projet, certaines polémiques qui se sont développées ausein d'Attac, et qui, à ce que nous en savons, semblent parfois aussi avoir servi à traiter d'autres problèmes internes. Celles et ceux

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forte autour de la question des débouchés potentiels pour Attac, était une occasion deprésenter et de tester la réception potentielle d’une telle conception de l’association parcertains acteurs du mouvement et a abouti à l’échec. Cet événement a mis en lumière lestatut problématique d’Attac vis-à-vis de l’action politique. Ayant réunis en son sein desmilitants et des organisations avec un rapport très différent au champ partisan, allant desa réfutation (pour ceux, Attac est devenu une substitution de l’action politique partisane)jusqu’à l’envie de trouver des débouchés politiques à la critique d’Attac (ceux à l’initiativedes Listes ou participant aux élections à titre personnel), elle se trouve ainsi au croisementdes chemins pour son action future. Nous allons voir que sa position reste toujours ambiguë.

La campagne électorale interne d’Attac en 2006 était l’étape finale de la crise.R.Wintrebert souligne que la crise à Attac n’est pas « politique » à proprement parler « ausens où elle opposerait des blocs constitués par rapport à des thématiques spécifiques(paradis fiscaux, OGM, OMC, taxes globales, etc.) », mais une crise « délibérative »,« c'est-à-dire portant sur les manières de collaborer, de décider et de dépasser d’éventuelsdésaccords dans les instances dirigeantes »135. Or, nous ne sommes pas d’accord aveccette définition, dans le sens où la crise n’a pas comme seul facteur les modes de gestionautoritaires de Cassen ou Nikonoff, qui n’étaient pas appréciés par d’autres membres. Elleétait également liée à la diversité des sensibilités que l’association a réunies en son seinet la difficulté croissante avec le développement du mouvement de les unir et agir avec unprojet de société commun.

Dans l’ensemble, les conflits de cette période concernent pas plus qu’une centaine desmilitants parmi 21 000 (pour les confrontations physiques, et entre 80 et 300 personnespour les rencontres électroniques, selon les listes de discussion), les plus impliqués, del’expérience politique et organisationnelle importante. Plus précisément, ils avaient diviséle CA en deux camps, celui de J.Nikonoff (avec B.Cassen et M.Dessenne) et, à l’opposéS.George, P.Khalfa et G.Massiah. Ainsi, Nikonoff n’ayant pas trouvé le support unanime ausein du Collège des fondateurs et y voyant une menace pour sa réélection, commence unecampagne136, qui durait de l’été 2005 au printemps 2006 et visait «l’autonomie » interned’Attac vis-à-vis des membres fondateurs, dans l’objectif de minimiser le rôle du collège. N’yétant pas parvenu, il s’est réorienté stratégiquement pour changer les procédures électives.Parmi les comités locaux, seulement une cinquantaine des 230 était impliqué plus oumoins dans ces conflits (une quinzaine des CL a pris une position publique pour J.Nikonoff,une autre quinzaine - pour P.Khalfa). Malgré le petit nombre des militants impliqués, labataille était vive : environ 60 emails par jour sur les listes Local, Orientations, Statuts, CA-Fondateurs, soit 18 000 messages entre mars et décembre 2006137.

Le jour de l’Assemblée Générale extraordinaire de 17 juin 2006 pour annoncer lesrésultats de vote sur les modifications des statuts et l’élection du CA, les « aberrationsstatistiques » ont été constatées. J.Nikonoff est élu à plus de 60% de voix, maisl’inversement de tendance dans les bulletins pendant quelques jours du dépouillement, très« favorables » à sa candidature, ont semé les soupçons, et vingt élus ont refusé de siéger

d'entre nous (une petite minorité de nos colistiers) qui sont membres de cette association déplorent vivement le trouble inutile qu'elley a provoqué ». Voir « Au-delà des listes aux élections européennes. Le rapport du mouvement Altermondialiste au champ politique :un débat enfin dévérrouillé », le 10 juin 2004, www.alter-m.org . L’association politique Alter a été crée suite à cette initiative.

135 WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement? op.cit., p.232.136 Ibid., p.243-273.137 WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement? op.cit., p.271.

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jusqu’à l’éclaircissement de la situation. La moitié restante des administrateurs s’est réunitet a voté la candidature de J.Nikonoff au poste de président.

Suite à des nombreux débats et analyses des possibilités et causes probables des« aberrations statistiques », le rapport interne de R.Passet, synthèse des trois expertises, aconclu à la fraude: « tous les experts s’accordent à reconnaître l’existence d’anomaliestroublantes liées aux dates de dépouillement du scrutin ; ils estiment que la probabilitéstatistique des écarts enregistrés se situe à des niveaux qui relèvent de l’impossible et qu’ily a donc eu « manipulation » : jamais les écarts enregistrés et concentrés dans le tempsn’auraient été possibles sans l’intervention providentielle de quelque «main invisible »138.La Commission d’enquête139 a abouti à la même conclusion. Le rapport graphologique deG.Duménil et D.Lévy a constaté: « L’analyse - plus particulière mais non exclusive - des lotsréputés atypiques a fait apparaître des ensembles de bulletins suspects [une centaine]dont l’examen a révélé qu’ils avaient été massivement réalisés par deux ou trois mains etdont le contenu a révélé des « stratégies » évidentes »140. Le 2 octobre 2006 onze élus duCA du camp de Nikonoff démissionnent. Lors des élections de décembre la liste « Avenird’Attac : pour une Attac deuxième génération » proche à J.Nikonoff obtient en tout 4 placessur 42 au CA. Le principe de co-présidence a été instauré (coprésidents : A.Trouvé et J.-M.Harribey).

Le réseau « Avenir d’Attac »141, « une sensibilité organisée au sein de l’associationAttac », réunissant des militants « qui se reconnaissaient dans le projet porté par lesdeux premiers présidents d’Attac, Bernard Cassen et Jacques Nikonoff », existait ausein d’Attac et a été dissout le 6 décembre 2007. Le 24 mai 2008 J.Nikonoff a crée leMouvement Politique d’Education Populaire (M’PEP)142 avec un positionnement différentde celui d’Attac : « Si le Mouvement politique d’éducation populaire (M’PEP) n’est pasun parti politique, ni un organisme d’éducation populaire, il ressemble cependant, parcertains aspects, à un parti politique et à un organisme d’éducation populaire. C’est encela que le M’PEP veut marquer son originalité à la fois sur la scène politique françaiseet dans le secteur de l’éducation populaire en s’identifiant comme un « mouvementpolitique d’éducation populaire» ». Ayant la composition semblable à celle d’Attac, dans sesobjectifs le mouvement souligne, à l’opposé, vouloir « donner un débouché politique à leurengagement ».

Ainsi, la conclusion de R.Wintrebert est que cette crise n’est en rien une crisepolitique, mais une crise d’organisation, puisque, riche des provenances diverses de sescomposantes, l’association n’a pas su créer un « cadre de délibération qui permetted’identifier, de clarifier, de dépasser ou de mettre de côté ces différends, bref de les traiter.S’il est vrai que la crise qu’a traversée Attac s’explique par des orientations politiquesdifférentes (en termes d’alliances, de stratégies, de conceptions de ce que doit devenir

138 PASSET René, "Elections ATTAC: synthèse des rapports d’experts », le 23 août 2006, http://yonne.lautre.net/spip.php?article1882&lang=fr

139 PASSET René et ALBALA Nuri, « Rapport Commission d'enquête sur les élections au C. A. d'Attac », le 29 septembre2006, www.france.attac.org

140 PASSER René et ALBALA Nuri, « Rapport Commission d'enquête sur les élections au C. A. d'Attac », le 29 septembre2006, www.france.attac.org

141 « Figé » depuis le 12 décembre 2007, le site d’ « Avenir d’Attac » « reste accessible au titre de la mémoire d’Attac »,http://www.avenirdattac.net/

142 www.m-pep.org

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Attac), il n’en reste pas moins que le fond du problème se situait en amont : commentaccepter la diversité des références et des projets sans scléroser l’association, sansrenoncer à élaborer de véritables propositions politiques ? Quels modes d’organisation,de discussion et de décision mettre en place pour y parvenir ? »143. Les questionsconflictogènes comme « le nucléaire », « le voile » ou le passage à l’action politique - ontrévélé la tension dans Attac et le choix entre son rôle d’« espace des convergences » oud’élaboration de son propre projet. Ainsi, en vue d’une « nouvelle dynamique d’Attac »144,les militants revendiquent le rôle d’Attac dans la « construction de convergences » dansl’espace altermondialiste : « Nous récusons la vision d’Attac, qui oppose la constructiond’Attac et celle du mouvement altermondialiste et qui conduirait à isoler Attac et quelquesfois même à opposer Attac au mouvement altermondialiste sous prétexte d’éviter unedilution de l’association ». Ainsi, il faudrait prendre en compte les processus dans le champaltermondialiste pour comprendre les débats qui animent l’association.

La vie interne de l’association, le centre de notre attention jusqu’ici, était autant leproduit des interactions entre ses acteurs, qu’elle subissait l’influence des facteurs externes.Elle a pu devenir le lieu des luttes aussi intenses à cause des enjeux accrus dus àson importance croissante sur la scène politique française et son audience au niveauinternational. En décembre 1998 la première réunion internationale avait eu lieu, à l’issue delaquelle « Plateforme internationale d’Attac » a été publiée, et en juin 1999 les Rencontresinternationales ont réuni 2 000 personnes de 80 pays. Aujourd'hui les organisations Attacexistent dans une cinquantaine de pays et se développent selon des logiques propres àchaque espace national. Attac, plus particulièrement B.Cassen145 et ses amis brésiliens,étaient aux origines des Forums sociaux mondiaux (FSM) à Porto Alegre, où 15 000personnes se sont réunies pour un contre-sommet à celui du sommet économique du Davosen 2001. En 2001 également Attac se mobilise dans une vaste campagne contre l’Accordgénéral sur le commerce des services (AGCS). En novembre 2002 le premier Forum socialeuropéen (FSE) a eu un succès important à Florence. En 2005 après un débat sur lanécessité de prise de position suivi de vote, Attac se lance dans la campagne pour le « Non »au référendum sur le Traité constitutionnel européen (TCE) qui a abouti à un rejet de celui-ci le 29 mai. Tout en étant un grand succès, très médiatisé, pour Attac, la participation danscette campagne a suscité la désaffection de ceux qui n’étaient pas d’accord avec cetteposition. Actuellement, dans la panique suscitée par la « crise financière » mondiale, Attacse réactive dans la critique des spéculations financières et réfléchit, en vue des électionsau CA cette année, sur « l’approfondissement du projet d’Attac dans la nouvelle situationcréée par la crise globale que le monde connaît »146.

1.5. Attac, figure de proue fragilisée de l’altermondialisme françaisR.Wintrebert distingue trois phases de développement d’Attac au regard du nombred’adhésions: une croissance exponentielle des effectifs de juin 1998 à fin 2001, unestagnation entre 2002 et 2004, et enfin un déclin à partir de 2005-2006. Il faut distinguer,néanmoins, le renouvellement et les nouvelles adhésions. Le taux de nouvelles adhésions

143 WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement? op.cit., p.301.144 « Perspectives pour une nouvelle dynamique d'Attac », le 21 septembre 2004, http://www.france.attac.org/spip.php?

article3549145 CASSEN Bernard, Tout a commencé à Porto Alegre, Paris, Mille-et-une-nuits, 2003.146 « Appel à contributions préparatoires à l’AG 2009 », le 19 mai 2009, http://www.france.attac.org/spip.php?rubrique1140

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se maintenait à environ 10 000 personnes de 1999 à 2003, et a baissé ensuite (4 848 en2004, 4 077 en 2005 et 2 366 en 2006). R.Wintrebert remarque l’effet différent que certainsévénements dans l’histoire d’Attac ont exercé sur le taux de nouvelles adhésions : suiteà un très médiatisé rassemblement au Larzac en été 2003 - 1 793 nouveaux adhérentsont rejoint Attac en juillet 2003 à l’opposé de seulement 412 en juillet 2002, par contre,le même taux d’adhésions nouvelles s’est maintenu dans la période entre avril et aouten 2004 et 2005 (1 820 et 1937 conséquemment), malgré la réussite de la campagneréférendaire. Néanmoins, les changements du rapport des adhérents à Attac ne peuventpas être expliqués seules par les activités de l’association. Il faudrait porter un regard plusvaste sur les transformations de l’espace politique et contestataire.

D’importants changements sociopolitiques ont précédé et contribué à l’apparitiond’Attac, leur prise en compte est nécessaire pour mieux comprendre ce phénomène.L’émergence et la constitution du mouvement altermondialiste, résultant du processus del’autonomisation et de la consolidation de l’espace des mouvements sociaux147, éclairerontdavantage les difficultés, les conflits et la crise qu’avait vécus l’association.

La naissance du mouvement altermondialiste, qui est souvent datée des mobilisationsde Seattle en 1999148 et du mouvement contre l’AMI149, trouve, selon E.Agrikoliansky, sesracines dans les mouvements tiers-mondistes des années 1970, et le point de départd’une « configuration nouvelle d’acteurs » étaient la manifestation contre le sommet G7à Paris et la campagne pour l’annulation de la dette du tiers monde le 8 juillet 1989150.Dans l’objectif de dépasser les biais d’une « vision téléologique » de cette approche,L.Mathieu décrit151 le processus de l’émergence du mouvement altermondialiste commerésultant des recompositions152 dans l’espace des mouvements sociaux153. La vague desmobilisations des années 1990, quoique hétérogènes, après « l’atonie militante de ladécennie précédente » signifiait le « retour de la question sociale » (à travers la critique de laprécarité, de la dégradation de qualité de vie et des conditions de travail, du démantèlementde l’Etat-Providence), était marquée par une tendance chez ses mouvements de désigner

147 MATHIEU Lilian, « La constitution du mouvement altermondialiste français », Critique internationale, N°27, avril-juin 2005,p.147-161.

148 BARLOW M., CLARKE T., La Bataille de Seattle. Sociétés civiles contre mondialisation marchande, Paris, Fayard, 2000 ;LOSSON L., QUINIO P., Génération Seattle. Les rebelles de la mondialisation, Grasset, Paris, 2002.

149 MOUCHARD Daniel, « Les mobilisations contre l’AMI : un « moment fondateur » du mouvement altermondialiste ? »,communication lors du colloque international « Les mobilisations altermondialistes » organisé par le GERMM, Paris, 3-5 décembre2003.

150 AGRIKOLIANSKY Eric, « Du tiers-mondisme à l’altermondialisme : genèse(s) d’une nouvelle cause », in AGRIKOLIANSKYEric, FILLIEULE Olivier, MAYER Nonna (dir.), L’altermondialisme en France. La longue histoire d’une nouvelle cause, op.cit., p.43-73.

151 MATHIEU Lilian, « La constitution du mouvement altermondialiste français », art.cit., p.147-161.152 Le dossier « Militants de l’altermondialisation » de Politix. (Vol. 17, N°68, 2004) est consacré à l’étude des conditions

de l’émergence du nouveau mouvement « au confluent de traditions militantes nationales et de courants idéologiques anciens, quitrouvent dans ce nouveau combat des espaces de reconversion, tant au niveau de la formulation des causes que des trajectoiresmilitantes » in « Militants de l’altermondialisation », Politix. Vol. 17, N°68, 2004, p.9.

153 L’espace des mouvements sociaux est « un univers de pratique et de sens distinct au sein du monde social – etdistinct notamment du champ politique partisan – à l’intérieur duquel les différents mouvements sont unis par des rapports fluctuantsd’interdépendance ». De la consolidation de cet espace témoignaient l’apparition de son « autoréférence », souciée de se distinguerde l’espace partisan, et le développement des liens entre ses composants, voir MATHIEU Lilian, « La constitution du mouvementaltermondialiste français », art.cit., p.150.

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comme coupable les politiques néolibérales, et témoignait des possibilités restreintes del’engagement dans l’espace partisan de gauche (où le Parti socialiste a vécu une conversionau néolibéralisme, où de Parti communiste ne restait qu’une ombre, et l’effritement del’extrême-gauche n’était guère plus attrayant pour l’engagement).

Au calme relatif qui régnait sur la scène des mouvements sociaux depuis la déceptionsocialiste et jusqu’à 1995 a succédé la montée sur tous les fronts des contestations, socialemais aussi intellectuelle, « l’esprit de l’époque », bien synthétisée par un militant d’AttacFrance :

« Moi, mon engagement dans Attac il est dans la foulée des mouvements de 95,de l’engagement de Bourdieu…c'est-à-dire qu’au début des années 90 il y a euce bulldozer intellectuel qui essayait de nous convaincre de la fin de l’Histoireet puis…l’homme n’est plus le moteur de l’Histoire, c'est comme ça et puis on avu ce qui commençait au Chiapas et tous ces mouvements…ça a fait que y avaitquand même une résistance intellectuelle, on ne peut pas accepter les chosestelles qu’elles sont…y a des choses qui sont insupportables, il faut qu’on agisse.Et Attac, ça s’inscrit toujours dans cette réaction à ne pas accepter les choses

telles qu’elles sont » 154

Les interconnexions entre ces mouvements étaient favorisées non seulement par lasimilitude de leur critique, mais également par « la multipositionnalité de certainsresponsables agissant comme des « courtiers » (brokers)155 ». Contre l’hypothèse dela conversion directe des anciens mouvements en une nouvelle identité altermondialisteL.Mathieu oppose trois arguments. D’abord, non seulement les mouvements contre laprécarité se trouvent dans la mouvance altermondialiste, mais aussi ceux des sensibilitésécologistes et tiers-mondistes, survivants des années 1980. Ensuite, tous les mouvementsclés des années 1990 ne l’ont pas rejoint, comme par exemple Act Up. Enfin, il soulignele « caractère tâtonnant, et non linéaire » de construction de la critique altermondialiste,dont témoigne l’orientation vers le niveau européen d’abord (appel de Bourdieu « Pour unmouvement sociologie européen »156) et le passage au niveau international ensuite (maisaussi un autre moment critique comme l’appellation du mouvement : « antiglobaliste »au début, et puis renégociée au moins révolutionnaire « altermondialiste », ensuite157).Le « cadre dominant » (master frame)158qui aurait réunis le mouvement altermondialiste,n’existait pas préalablement, mais les lieux d’élaboration de la critique de la mondialisationnéolibérale étaient nombreux. Cette critique émergeait dans les interventions multipliéesdes « intellectuels engagés », dont exemplaire est P. Bourdieu, mais aussi des groupes

154 WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement? op.cit., p.98.155 Le concept qui désigne « des acteurs aptes à connecter des unités contestataires antérieurement isolées » est emprunté parl’auteur dans McADAM Doug, TARROW Sidney, TILLY Charles, Dynamics of Contention, Cambridge, Cambridge University Press,2001, cité in MATHIEU Lilian, « La constitution du mouvement altermondialiste français », art.cit., p.150.156 BOURDIEU Pierre, Contre-feux 2, Paris, Editions Raisons d’agir, 2001.157 Arnaud Zacharie, le porte-parole d’Attac Belgique, est considéré l’inventeur de cette appellation, qui se répand depuis2002 et était réapproprié par le mouvement. Voir PLEYERS Geoffrey, « Le mouvement altermondialiste liégeois », Colloque"Les mobilisations altermondialistes", GERMM, Paris, 3-5 décembre 2003, http://www.afsp.msh-paris.fr/activite/groupe/germm/collgermm03txt/germm03pleyers.pdf .158 SNOW David A., BENFORD Robert D., “Master Frames and Cycles of Protest”, in MORRIS Aldon D. et MUELLER Carol (dir.),Frontiers in Social Movement Theory , New Haven, Yale University Press, 1992, pp.133-155.

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de production de l’expertise et de diffusion de l’information, tels que le Club Merleau-Ponty(1994), le Réseau d’alerte sur les inégalités (1995), Raisons d’agir (1995), l’Appel deséconomistes pour sortir de la pensée unique (1996), l’Observatoire de la mondialisation(1996), enfin, la Fondation Copernic (1998), ou encore le Conseil scientifique d’Attac.L’expertise devient un mode d’action des organisations sans effectifs militants importants,qui construisent ainsi la légitimité de leur contestation sur l’objectivité de leur production,alternative à la réalité des choses159. Ces groupes de réflexion et d’expertise n’étaient pasà l’aune du mouvement altermondialiste, mais ont apparu plutôt en réponse à la « penséeunique » imposée par des think tanks légitimant les politiques néolibérales.

Enfin, les syndicats ont trouvé leur place dans le mouvement altermondialiste, qui, enmême temps, revendique toujours son autonomie de l’espace partisan. Les recompositionsvécues par les syndicats à partir des années 1980 font que ceux qui sont outsiders160 dans leur champ d’action, faibles et en manque des ressources et de légitimité (lesdissidents de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), le Groupe desdix, la Confédération paysanne) cherchent à se positionner et créer des alliances, et setrouvent ainsi parmi les membres fondateurs d’Attac. La coopération entre ces syndicatset des associations se construisait autour de questions d’exclusion, dont AC ! est uncas exemplaire. Les associations comme AC !, DAL ou Droit devant sont marginauxen ce qu’elles « défendent les populations les plus démunies et les plus stigmatisées(chômeurs, étrangers sans papiers) et qu’ils restent peu institutionnalisés et faiblementdotés en ressources »161, surtout en comparaison avec les Restos du cœur ou ATD-Quart Monde. Ces outsiders cherchent également des ressources en termes d’expertise,de réseaux ou encore, à travers la nouvelle dimension internationale des revendications, à« se régénérer » et « ennoblir » les luttes. Ainsi, Attac était un « aboutissement » en quelquesorte « du rapprochement, opéré depuis les années 1980, entre le mouvement syndical etle mouvement associatif »162.

Le rapport au champ partisan est plus compliqué, marqué « par une très forteambivalence, quand ce n’est pas par une sourde hostilité témoignant d’une volontéde clôture de l’espace des mouvements sociaux », qui s’explique par « le discréditdes partis, la crainte de la « récupération » de la critique altermondialiste à des finsélectorales et la volonté de préserver un espace de militantisme « désintéressé » cardénué d’enjeux de carrière »163. Néanmoins, l’autonomie s’est avérée difficile à préserverdu fait de la « porosité entre espace des mouvements sociaux et champ politique », lamultipositionnalité de ses acteurs, et la reprise par des partis politiques des éléments de lacritique altermondialiste. En outre, certains des acteurs du mouvement altermondialiste ontcommencé à promouvoir et revendiquer le déplacement des activités altermondialistes dansle champ d’action politique. Dans le champ partisan les positions envers l’altermondialismesont hétérogènes. Les groupes Attac ont été crée à l’Assemblée Nationale et au ParlementEuropéen. Il existe toujours une certaine proximité entre le PCF et la LCR (actuellement

159 CRETTIEZ Xavier et SOMMIER Isabelle, La France rebelle, Michalon, Paris, 2002.160 AGRIKOLIANSKY Eric, FILLIEULE Olivier et MAYER Nonna, « La dynamique altermondialiste en France », L'Économie

Politique, 2005/1 - n°25, p.82-90 ; AGRIKOLIANSKY Eric, FILLIEULE Olivier, MAYER Nonna (dir.), L’altermondialisme en France. Lalongue histoire d’une nouvelle cause, op.cit.

161 AGRIKOLIANSKY Eric, FILLIEULE Olivier et MAYER Nonna, « La dynamique altermondialiste en France », art.cit., p.87.162 WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement? op.cit., p.25.163 MATHIEU Lilian, « La constitution du mouvement altermondialiste français », art.cit., p.155.

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le NPA), dont certains leaders et membres adhèrent à Attac et se positionnent commealtermondialistes. En même temps le cadre organisationnel d’Attac était préalablementréfléchi en termes de son protection d’entrisme, y compris par des partis politiques.Cette tension au sein du mouvement altermondialiste renvoie à une hypothèse de sonessoufflement.

Ainsi, Eddy Fougier164 analyse deux phénomènes qui témoigneraient de l’essoufflementactuel de l’altermondialisme : l’indifférence croissante des médias et le sentiment dudéclin éprouvé par les militants altermondialistes eux-mêmes165, divisés dès lors en deuxcamps : les partisans du « statut quo », ou « consensus altermondialiste »166, réclamantl’autonomie altermondialiste du champ partisan, et les partisans de la « rupture », ou du« post-altermondialisme », qui soulignent la nécessité du recours à l’action politique. Ledésintérêt des médias s’explique, selon E.Fougier, par « la logique médiatique », qui neleur permet plus éclairer dans la même proportion le répertoire d’action altermondialiste,routinisé et moins spectaculaire. Cette perte d’intérêt médiatique est due également aufait du déplacement de FSM de la ville du budget participatif Porto Alegre, très attirantesymboliquement, et de la décentralisation ultérieure (le FSM « polycentré » de 2006 avaitlieu à Bamako, Caracas et Karachi et le FSM « décentralisé » de 2008), de l’absence deporte-parole et de la déclaration finale. D’autres facteurs, plus étroitement liées avec lascène politique française, sont l’indifférence croissante des hommes politiques envers leFSM, la crise d’Attac de 2006 et l’échec de la candidature de J.Bové aux présidentielles de2007. Une autre dimension de l’essoufflement du mouvement serait la déception induite parles attentes élevées à l’égard du mouvement. La Charte des principes du FSM stipulait lerefus des instances dirigeantes et hiérarchisées et l’autonomie du mouvement de champpartisan traditionnel167. Or, selon E.Fougier, ce « consensus altermondialiste » s’est délitéavec la déception des attentes portées dans les FSM et compte tenu de mise en œuvrede certaines des propositions altermondialistes dans les pays d’Amérique Latine (HugoChavez au Venezuela, Lula au Brésil, Evo Morales en Bolivie ou Rafael Correa à Equateur).Il souligne que le premier à critiquer l’inefficacité des FSM était un de ses fondateurs,B.Cassen168. Déjà en 2005, lors d’une conférence de presse, B.Cassen expliquait que« Manifeste de Porto Alegre » censé de « donner un coup d’accélérateur vers une traduction

164 FOUGIER Eddy, « Où en est le mouvement altermondialiste ? Réflexion sur l’essoufflement », La vie des idées, le 3 mars2008, www.laviedesidees.fr

165 “Le Forum social se disperse”, Politis, le 17 janvier 2008, ou B.Cassen tenant le discours critique sur Attac, les Forumssociaux mondiaux et le mouvement altermondialiste, en général, à la défense du « post-altermondialisme ».

166 Terme employé par l’auteur. Probablement, lui-même, l’ayant emprunté chez B.Cassen, qui proposait d’appeler « consensusde Porto Alegre », en opposition au « consensus de Washington », « l’élaboration progressive, au niveau mondial, d’un corpus deplus en plus largement partagé par les acteurs sociaux […] d’analyses et de propositions en rupture avec les politiques libérales », inCASSEN Bernard, « Jusqu’où ira Porto Alegre ? », La Rivista del Manifesto, n°32, octobre 2002 et CASSEN Bernard “Repenser le“format” des Forums sociaux, passer à l’acte politique”, Libération, le 12 janvier 2004.

167 « Le Forum Social Mondial est un espace pluriel et diversifié, non confessionnel, non gouvernemental et non partisan,qui articule de façon décentralisée, en réseau, des instances et mouvements engagés dans des actions concrètes, au niveaulocal ou international, visant à bâtir un autre monde», Charte de Principes du Forum Social Mondial, le 9 avril 2001, http://www.forumsocialmundial.org.br/main.php?id_menu=4&cd_language=3

168 Il parle d’ « un certain essoufflement de la formule inaugurée en 2001 », in CASSEN Bernard, « Le « Manifeste de PortoAlegre » et l’avenir des Forums sociaux mondiaux », Grain de Sable, n°521, 6 juillet 2005.

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politique de nos propositions »169, une thèse rejetée par son ami fondateur de FSM, CandidoGrzybowski. De plus, si on prend en compte le rôle décroissant de Cassen à Attac et soninvestissement important et, donc, l’ambition centrée sur le niveau international, on pourraitcomprendre que son avis ne serait pas le reflet de celui du mouvement altermondialistedans son ensemble. E.Fougier justifie sa thèse sur le sentiment d’essoufflement (ou même« la fin »170) chez les altermondialistes, de manière pas très convaincante, en s’appuyantsur la critique par H.Chavez et B.Cassen et de par son implication dans l’organisation« Mémoire des luttes »171, aboutissant à un colloque organisé à Paris le 26 janvier 2008« Altermondialisme et post-altermondialisme. Vers un socialisme du XXIe siècle »172. Lamoindre visibilité des FSM, la présence à ce colloque de sept des dix-neuf signatairesde « Manifeste de Porto Alegre »173pour réfléchir au « post-altermondialisme » et laproclamation de la « nécessité d’entrer dans un post-altermondialisme de combat pourdégager les perspectives d’un socialisme du XXIe siècle »174 - sont, selon lui, significatifsd’une fracture importante dans le mouvement altermondialiste qui peine à trouver lesdébouchés, marqué par « l’impuissance et la marginalisation », et de la « fin de cycle »dominé par les forums sociaux175.

Cette analyse et son argumentation sont biaisées par un regard centré sur lascène française, où l’acteur principal du mouvement altermondialiste, Attac, a vécuune crise profonde, mais aussi par un choix de sources, limitées majoritairement auxdiscours de B.Cassen, un acteur par ailleurs relativement discrédité176 dans le mouvementaltermondialiste. Or, quelques événements témoignent que les activités altermondialistesrestent encore importantes, et, même, se propagent géographiquement. Ainsi, la plusimportante mobilisation autour du G8 dans le Nord-est de l’Allemagne avait rassembléen juin 2007 environ 75 000 personnes. En outre, la position d’Attac Allemagne est plusforte que celle de son homologue français. 19 000 membres fin 2007 (contre 15 000 enFrance), un succès que G.Pleyers attribue à un choix pour « une démarche citoyenne

169 L’Humanité, le 31 janvier 2005, cité in FOUGIER Eddy, « Où en est le mouvement altermondialiste ? Réflexion surl’essoufflement », La vie des idées, le 3 mars 2008, www.laviedesidees.fr .

170 CASSEN Bernard, «L’altermondialisme, c’est terminé», Propos recueillis par N.Buzdugan, www.nouvelobs.com , le 24août 2007.

171 « Mémoire des luttes » est une association créée à l’initiative de Gunter Holzmann le 7 janvier 2000, l’association étantégalement membre fondateur d’Attac. http://medelu.org/

172 Colloque « Altermondialisme et postaltermondialisme. Vers un socialisme du XXIe siècle », Paris, 26 janvier 2008, http://www.utopie-critique.fr/index.php?option=com_content&-task=view&id=19&Itemid=33

173 Bernard Cassen, Ignacio Ramonet, Samir Amin, Walden Bello, François Houtart, Emir Sader et Riccardo Petrella. OrG.Pleyers souligne la déconnexion de certains « leaders médiatiques », qui sont souvent « intellectuels militants cosmopolites trèsmobiles » n’ayant pas de liens réels avec les mouvements de bases et ne pouvant dès lors représenter un mouvement quelconque.Le « Manifeste » était signé par 19 intellectuels, dans un palace de la ville et non pas au sein du FSM. « Cependant, (…) le mouvementne s’est jamais limité à ces leaders qui semblent plutôt avoir perdu de l’influence au cours des dernières années ». Voir, PLEYERSGeoffrey, « L’altermondialisme : essoufflement, ou reconfiguration ? Réponse à Eddy Fougier », le 21 mars 2008, www.laviedesidees.fr

174 « Vers un Manifeste pour un socialisme du XXIe siècle », http://medelu.org/spip.php?article21175 Or, en 2009 lors de FSM à Belém, Brésil, ont participé entre 100 000 et 133 000 personnes, selon les sources.176 Suite aux soupçons de “fraude” lors des élections en juin 2006, selon G.Pleyers, « la réunion du Conseil International

du Forum Social Mondial de janvier 2007 a attesté de la perte d’influence (…) pour Bernard Cassen au sein de cette instance dumouvement international ». Voir PLEYERS Geoffrey, « L’altermondialisme : essoufflement, ou reconfiguration ? Réponse à EddyFougier », art.cit.

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et collégiale plutôt que l’organisation du mouvement autour de leaders », en évoquant ladémission au profit de la nouvelle génération de quelques principaux membres fondateurs.En outre, les forums sociaux investissent de nouveaux sites : les continents africain et nord-américain, avec le premier Forum Social de la République Démocratique du Congo ayantréuni 1500 participants, le FSM à Nairobi en 2007177, le premier Forum Social des Etats-Unis (10 000 participants), le Forum Social national du Mexique (7 000 personnes) lors duFSM décentralisé de 2008.

Tout en constatant le manque des mobilisations lors de la semaine de FSM de 2008en Europe occidentale et en Inde, E.Fougier tire la conclusion que « le mouvementaltermondialiste est aujourd'hui bien moins dynamique dans quelques-uns de ses fiefshistoriques, mais il continue de toucher de nouveaux territoires qui pourraient constituer lespôles d’une nouvelle dynamique du mouvement »178. Cette visible baisse de dynamiqueest analysée par G.Pleyers en termes des reconfigurations du mouvement altermondialisteplutôt que de son déclin, l’approche, « qui ne pourrait refléter la complexité d’un acteurorganisé en réseau et actif simultanément à différents niveaux »179. G.Pleyers définit troisniveaux de ce processus : les bases géographiques du mouvement180, le changementdu niveau d’activités vers les réseaux et l’action locales181 et le renouveau du débat surl’action politique182. Ainsi, il insiste sur la nécessité d’affiner l’hypothèse de l’essoufflementde l’altermondialisme et nous rappelle que « davantage que dans les acteurs ou les forumssociaux, c’est dans les idées qu’il a portées et dans les enjeux sociétaux qu’il a pointés queréside l’altermondialisme », l’identification du mouvement avec des acteurs et organisationsisolés produit un biais méthodologique important183.

E.Agrikoliansky, pour sa part, explique le diagnostic du déclin de mouvement nonseulement dans les médias, mais chez les militants mêmes et les chercheurs, par un

177 POMMEROLLE Marie-Emmanuelle et SIMEANT Johanna, « Voix africaines au Forum social mondial de Nairobi. Leschemins transnationaux des militantismes africains », Cultures et conflits, n°70, été 2008.

178 PLEYERS Geoffrey, « L’altermondialisme : essoufflement, ou reconfiguration ? Réponse à Eddy Fougier», art.cit.179 Ibid.180 Géographie primaire de l’altermondialisme se basant en France, Italie, ensuite Inde et Brésil, est reconfigurée autour

d’autres pôles : Allemagne, Etats-Unis, pays d’Afrique. « Certes, (…) cet élargissement géographique a pour contrepartie une plusgrande hétérogénéité, engendre des problèmes de coordination et des difficultés pour déterminer des lignes communes », mais,d’autre part, le mouvement altermondialiste s’est pensé comme un « espace ouvert », et non pas comme un mouvement unifié,centralisé et hiérarchisé, souligne-t-il. Ibid.

181 Ainsi, le mouvement altermondialiste a trouvé sa réalisation en plus de soixante Forums sociaux nationaux ou régionauxentre janvier 2006 et mars 2008, en l’augmentation des espaces de vie et de la consommation alternative, de commerce équitable, enla propagation de logiciels libres, des médias alternatifs, en persistance des réseaux et des organisations de production de l’expertise,etc. Ces formes d’action sont moins hiérarchisées, plus locales, - ce qui explique leur moindre médiatisation.

182 La tendance du mouvement altermondialiste et ses acteurs, qui prônent l’action politique, souvent plus médiatisés, commeB.Cassen, ne « l’a cependant pas emporté », dont sont significatif l’échec de la liste « 100 % altermondialiste », la candidature deJ.Bové aux présidentielles, ou la distanciation du mouvement des sans-terre de Lula et l’affirmation de l’indépendance du FSM en2007 à Nairobi.

183 « Ceux qui l’ont identifié avec certains personnages ou partis politiques en reviendront immanquablement déçus, commece fut le cas de plusieurs mouvements latino-américains. Ceux qui ont trop directement identifié le mouvement à l’une ou l’autreorganisation (comme Attac France) ou à quelques leaders intellectuels verront le mouvement décliner avec les déboires de cesacteurs », in PLEYERS Geoffrey, « L’altermondialisme : essoufflement, ou reconfiguration ? Réponse à Eddy Fougier », art.cit.

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décalage entre les représentations de ce qui devait être et ce qu’il est en réalité184. Laprégnance des représentations qui ont été faites de l’altermondialisme à l’aube de sesévénements clés (Seattle et Porto Alegre) a comme conséquence que ces « illusions »« servent depuis une dizaine d’années de cadres cardinaux pour décrire et percevoir lesmouvements altermondialistes, leur réalité et leur avenir »185. La première illusion sur lecaractère international du mouvement a été démentie par les études des FSE en Italieet France186 qui témoignent de la domination du public local et des logiques du champpolitique national lors de ses événements. La composante transnationale du mouvementaltermondialiste, souligne L.Mathieu, est définie plutôt dans « son niveau de préoccupationet de revendication (sous forme spécialement d’imputation de responsabilité d’une situationjugée négative à des acteurs de niveau transnational, tels l’OMC et le FMI, voir de miseen scène symbolique) que dans son assise organisationnelle »187. Ainsi, S.Tarrow décritles altermondialistes comme des « cosmopolites enracinés » (rooted cosmopolitans)188 quisont « enracinés dans le contexte spécifique national, mais qui s’engagement régulièrementdans des activités qui nécessitent leur implication dans les réseaux transnationaux ». Lestentatives de tisser des liens organisationnels ont été faits, à travers la création du Conseilinternational du FSM et l’Assemblée européenne de préparation, mais la réalité de sescoopérations restent loin des images enchantées dont elles sont l’objet.

En outre, la coopération transnationale des Etats dans la répression s’est avéréeréelle189, et a eu pour effet d’infléchir « très notablement la trajectoire des mobilisationsaltermondialistes qui ont du même coup perdu une partie importante de leur public initial :celui plus jeune, plus radical mais aussi plus festif et spectaculaire, qui occupait les ruesdes grandes villes européennes et nord américaines entre 1999 et 2001 »190.

La deuxième illusion enchantée sur l’émergence (selon une conception immaculéede l’altermondialisme) d’un nouveau « mouvement des mouvements », un melting pot,rompant avec le passé, organisé en réseau et fonctionnant selon les procédures de laminimisation de la délégation, à la recherche du consensus, souvent au prix de la « montéeen abstraction », qui, néanmoins, n’assure la délivrance complète des logiques procéduraleset donc, rétablissent le jeu classique d’une organisation, comme on l’a vu dans le casd’Attac. La campagne référendaire d’Attac France, à cet égard, reste exceptionnelle, selonE.Agrikoliansky. « La difficulté d’articuler autour d’un projet, un candidat ou une organisationaltermondialiste une candidature unitaire à l’élection présidentielle, et l’impossibilité d’unevaste recomposition de la « gauche de la gauche » autour de cette dynamique, ne doit doncau final pas être interprétée comme un indice de l’échec du mouvement altermondialisteou de son incapacité à évoluer, donc d’une crise de celui-ci. Il est plutôt inscrit dans lalogique même de son histoire : c’est la diversité et l’hétérogénéité de cette nébuleuse qui

184 Agrikoliansky Eric, « L’altermondialisme en temps de crise. Réflexions sur un déclin annoncé », Mouvements, 2007/2, N° 50.185 Ibid., p.35.186 Agrikoliansky Eric et Isabelle Sommier (dir.), Radiographie du mouvement altermondialiste. Le deuxième Forum social

européen, La Dispute, 2005 ; ADRETTA A., DELLA PORTA D., REINER H., Global, Non Global, New Global, Rome/Bari, Laterza, 2002.187 MATHIEU Lilian, « La constitution du mouvement altermondialiste français », art.cit., p.157.188 TARROW Sidney, « Rooted Cosmopolitan, Transantional Activists in a World of States » http://falcon.arts.cornell.edu/

sgt2/contention/documents/tarrow.doc189 FILLIEULE Olivier et DELLA PORTA Donatella (dir.), Police et manifestants : maintien de l’ordre et gestion des conflits,

Presses de Sciences po, Paris, 2006.190 Agrikoliansky Eric, « L’altermondialisme en temps de crise. Réflexions sur un déclin annoncé », art.cit., p.38.

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a fait sa force, mais en même temps sa faiblesse »191. Sans prendre parti dans le débat,on voudrait seulement remarquer ici que, selon l’analyste de la crise d’Attac, R.Wintrebert,c’est précisément l’incapacité de gérer cette diversité qui a été son facteur principal: « Lacrise qu’a traversée Attac n’était donc pas à proprement parler politique au sens où elleopposait des blocs constitués par rapport à des thématiques spécifiques, mais une crisedélibérative, c’est-à-dire portant sur les manières de collaborer, de décider et de dépasserd’éventuels désaccords dans les instances dirigeantes»192.

On a vu à travers la sociohistoire de l’émergence et de l’institutionnalisation del’association Attac les logiques qui étaient à l’aune de son apparition et qui se transformaientdans l’interaction et l’action des acteurs concrets. Ces mêmes logiques, régissant lescomportements des acteurs d’Attac, porteurs de leurs vécus organisationnels et militantspassés et de leurs multi-inscriptions dans l’espace des mouvements sociaux, traversaientles mouvements altermondialistes dans leur ensemble (ou plutôt dans leur hétérogénéité).Elles sont aujourd'hui l’enjeu de définition des divers acteurs du mouvement, des médias,voire, des chercheurs. Compte tenu de ses facteurs dans le développement de l’associationAttac France et de la configuration de l’espace altermondialiste dans son ensemble, nousallons présenter la façon dont ses processus se sont traduits au niveau local dans laconstitution et l’évolution du comité local d’Attac-Rhône. Cela est une étape nécessairepour ensuite procéder à l’analyse des dynamiques des engagements individuels et leurconditionnement des transformations de l’association, et pour tester l’hypothèse de sondéclin.

2. Attac-Rhône – traduction d’une logique nationaleau niveau local

2.1. La fondation d’Attac RhôneLe comité local d’Attac-Rhône s’est constitué en s’inscrivant dans la vague de réactionsenthousiastes à l’éditorial d’Ignacio Ramonet. Mais le terrain était déjà en quelque sortepréparé. Un groupe de militants, qui travaillaient alors sur les questions des spéculationsfinancières et de la taxe Tobin, organisait deux ateliers thématiques dans le cadre d’uncontre-sommet lors de la Conférence des Nations Unies en 1998, l’année de l’émergenceet de l’institutionnalisation d’Attac. Parmi ces trois militants se trouvait le futur éminentprésident d’Attac-Rhône. Ainsi, tout en faisant partie de l’espace militant de Lyon, ils ontsuivi l’appel et étaient à l’initiative du lancement du bureau local à Lyon :

« La première réunion de tous les gens, qui étaient, en fait, adhérents, s’esttenu à la Ciotat. Ca devait être fin juin ou juillet, je me souviens plus, je mesouviens pas. Et là…y avait énormément de monde, je crois qu’ils attendaient 500personnes, on avait plus de 1000. (…) Je te raconte ça, parce que, quand je suisallé à la Ciotat, j’ai réussi à prendre la parole, j’ai réussi, parce que y avait un tel

191 Ibid., p.41.192 WINTREBERT Raphael, « Attac France et le mouvement altermondialiste », Courrier hebdomadaire, 2007/1978-1979, n

° 1978-1979, p.42.

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bordel, etc., difficile. En disant, on prépare, et il y ait la 10 e conférence de laCNUCED à Lyon. Nous avons organisé un sommet off, il y a un atelier sur la taxeTobin, on voudrait quelqu'un, y avait déjà eu l’association Attac, était un bureau,quelqu'un qui a présenté Attac France, qui vienne à cette conférence pour lancer

le…lancer Attac à Lyon. (…) Moi, je réclame ça, quand même 193 …Alors, je

te raconte ça simplement parce que ça faisait qu’il y a des gens, qui étaient là,que je connaissais pas, un mec qui parlait qui disait que je suis de Lyon. Donc,ils sont venus me voir, parce que ils étaient de Lyon. (…) Et assez rapidement ons’est vus, mais comme ça, on s’est vus…(…)Et on a envoyé, je sais plus, on a duenvoyer moins de 100 courriers. Et pour convoquer cette réunion à la Maison deRancy, y avait plus de 100 personnes. Et donc, voila, c'est parti.»194.

Ainsi, à cette première réunion dans la salle des Rancy devaient être présentsmajoritairement ceux qui avait répondu à l’éditorial d’I.Ramonet et ont adhéré à AttacFrance dans l’année 1998195. Donc, le participant à cette réunion était le plus probablementlecteur du Monde diplomatique, ayant envie si non pas d’agir, au moins de faire partiede la nouvelle initiative audacieuse d’instauration d’un outil de contrôle démocratique desmarchés, la taxe Tobin, à travers la création d’un « groupe de pression civique auprèsdes gouvernements »196. Effectivement, les plus investis dans la vie de l’association (quirestent actifs, pour quelques uns, encore aujourd'hui), « les dinosaures d’Attac-Rhône » telsqu’ils se désignent, se trouvaient parmi les participants à cette première réunion. Nous nesavons pas combien de ceux qui étaient à la salle des Rancy ont participé effectivementdans la création du bureau local, mais, selon les témoignages, l’ambiance qui y régnait étaitenthousiaste:

« Moi, j’ai encore souvenirs intacts du lancement d’Attac-Rhône, réunion, donc,via Monde diplomatique, à l’initiative de Nicolas et de deux autres personnes, jesais plus qui c'était…D. je crois, un syndicaliste de la FSU…ils convoquent lesgens qui sont intéressés à la réunion, salle Rancy, c'est 3e arrondissement, et jeme rappelle y avait 150 personnes, et là, une sorte de caléidoscope de la sociétémilitante de cette époque-là, avec des chevelus, j’imagine, soit libertaires, soitsoixante-huitards et puis aux tout-venants…Et ça discute, et ça hurle, et ça…eten fin de la réunion, on a rien décidé du tout. Donc, la capacité de s’organisercollectivement…C'est quand même assez surprenant… Et à ce moment-là,Nicolas et les deux autres disent, « on peut pas ressortir de cette salle sans avoirdécidé quelque chose ». Donc, ils décident de trois thèmes différents, je merappelle plus lesquels, trois feuilles de papier, trois stylos, et on invite les gensà s’inscrire dans des groupes de travail. On a pas encore formé l’association. Etj’attends que tout le monde sorte, pour voir qu’est-ce qui avait pu…avec un pointd’interrogation…je sais pas, et les feuilles sont pleines. Ça veut dire que les gens193 Souligné par nous.194 Nicolas, ancien militant, 55 ans, au chômage, enregistré le 16 décembre 2008.195 Comme l’explique Nicolas les adresses pour envoyer la convocation à cette réunion ont été demandées au siège national, donc,contenaient la liste des adhérents d’Attac France à ce moment-là.196 RAMONET Ignacio, « Désarmer les marchés », Le Monde diplomatique, 01/12/1997, p.1. Cet article peut-être récupéré surwww.france.attac.org

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s’engagent à l’équipe…personne se connaît quasiment, mais avec au moins, lavolonté de se dire, d’un travail de réflexion. Après, on l’appellera comme on veut,idéologique, intellectuel, ce qu’on veut… mais n’empêche il existe »197.

Tous les participants à cette réunion ne sont pas revenus à Attac par la suite. Un militant,ayant pris sa carte dès l’apparition d’Attac, étant venu à la réunion de Rancy à Lyon,pourtant, ne s’est pas engagé. Plus tard, quand il est revenu à Attac-Rhône en 2000, il s’estautoformé dans le groupe « Services public » et il est, dès lors, devenu l’expert de référencesur cette question. C’est l’indisponibilité biographique, ou plus exactement la concurrenced’un engagement préalable (en l’occurrence syndical) accapareur de temps et d’énergie, ajoué en défaveur de son engagement au départ :

« J’ai été membre d’Attac depuis la création. J’ai fait partie des gens qui ontécris une petite lettre suite à l’édito d’Ignacio Ramonet. Voila. J’ai… donc, jedevais avoir la carte six cent et quelque…Dans les premiers adhérés à Attac. SurLyon, j’avais été à la réunion de lancement d’Attac-Rhône. J’y n’avais pas prispart, parce qu’à ce moment-là, effectivement, je m’investissais plus au niveausyndical. Donc, quand y a eu le projet de privatisation [de la Compagnie Nationaldu Rhône, où il est salarié], je me suis dit, un, c'est vraiment dans les thèmesd’Attac : la financiarisation, etc., la privatisation. Deuxièmement, si la CNR, lesmilles personnes qu’on est, restent-là à se battre, on va se faire laminer, donc, il

faut ouvrir…” 198 .

Formellement le comité local Attac-Rhône a été crée le 16 janvier 1999, et, depuis, commel’annonce le site Internet, réunit « des femmes et des hommes, tous adhérents, venusd’horizons différents, qui ont en commun la volonté de se réapproprier le droit d’exercer lepouvoir qui fonde la réalité de la démocratie : le pouvoir politique du citoyen »199. La diversitédes provenances de ces militants étaient effectivement confirmé par des interviewés200, unesorte de « melting pot », un « brassage d’idées »201 s’est constitué. Mais, et ça a été le cas auniveau national, au départ également, ne posait pas de problème pour la prise des décisionssur les thèmes et les modes d’action. De plus, suite au système très flexible d’interactionentre les niveaux national et local au départ, les comités locaux se sont institutionnalisés,de façons très différentes l’un de l’autre, dans l’indépendance des directives d’en-haut,aboutissant à un mélange des cultures organisationnelles et des expériences militantes deses fondateurs:

« Ah, bah, c'était très chouette, c'était une très bonne expérience, parce queon faisait partie des gens qui montaient l’association, en fait. Donc, on avaitune grande indépendance par rapport à Attac national, pas trop de comptes àrendre. Je pense que de façon assez étonnante, il s’est passé quelque choseoù tout le monde était à peu près d’accord sur les objectifs, tout le monde étaità peu près d’accord politiquement… Q : Même si, déjà, ils venaient de… -d’horizons différents ? Oui. Q : Des partis, syndicats, des …ou les gens pas du197 Manuel, ancien militant, 50 ans, chargé d’affaires à EDF-GDF, enregistré le 20 mars 2009 à Lyon.198 Daniel, ancien militant, 43 ans, technicien à la CNR, enregistré le 10 mars 2009 à Lyon.199 www.local.attac.org/rhone200 Les syndicats (la CGT, la FSU, le SNI), les associations (MRAP, Survie), etc.201 Alice, militante, 60 ans, à la retraite, enregistré le 11 mars 2009 à Lyon.

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Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône

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tout politisés. Politisés, je veux dire… organisés ? Oui, oui. Et même ! y avait,dans le panel des gens de gauche représentés, y avait des gens qui allaient desensibilités plutôt de la gauche, du parti socialiste, à des sensibilités beaucoupplus à gauche ou d’extrême-gauche, mais tout le monde était assez d’accordquand même… Il y a jamais eu à Attac-Rhône, à mon sens, de discussionspolitiques sur les fondamentaux, en fait. Tout le monde était assez d’accord surl’idée qu’il fallait faire une expertise du fonctionnement économique et restituerce qu’on avait appris. Donc, le côté éducation populaire était vraiment très fortau départ, et puis, l’idée de lutter contre le néo-libéralisme, d’analyser les tenantset les aboutissants des politiques menées, de voir, ce qu’on pouvait proposer,pareil, ça faisait pas discussions, en fait. Mais….comme y avait pas de modèled’organisation ni de calendrier, ni de thèmes qui descendait du national, ons’organisait nous-mêmes, on montait les groupes nous-mêmes, on faisait cequ’on avait envie de faire, et c'est…des façons assez étonnantes, ces envies se

recoupaient à Attac-Rhône, ça créait pas de problème. 202

Outre l’accord sur les modes d’action, selon les témoignages, la « dimension humaine qui

était chouette » 203 , favorisaient la cohésion du groupe.

Les quelques premières années étaient décrites par les militants de la manière trèssemblables : « On se réunissait une fois par semaine, on était très nombreux, et y avait desdiscussions de fond, donc, on se réunissait de 19h à 22h, et… à la Bourse la cloche sonnait

toujours, on n’avait jamais fini, donc, ça allait vraiment jusqu’au bout » 204 . « On avait des

ordres du jour sur la Bourse du travail, c'était infernal quoi. Je sais pas comment fonctionneles multinationales, mais je pense que on a fonctionné sans savoir comment on fonctionne.On revissait de 8h à 10h, c'est des pompiers qui nous viraient de la Bourse du travail,mais sinon on y serait encore »205. L’exaltation émanant du sentiment d’appartenance à unimportant projet collectif, a marqué dès lors la mémoire des fondateurs d’Attac-Rhône206,en rendant la tâche du maintien de l’engagement dans les conditions du militantisme plusroutinisé au sein d’un mouvement affaibli plus difficile.

Le développement du comité local Attac-Rhône suivait celui du siège national, avec lapremière période de l’essor de l’association, la croissance des effectifs et la multiplicité desactivités proposées par l’association.

2.2. Les fluctuations des effectifs d’Attac Rhône

202 Michael, ancien militant, 37 ans, auteur-dessinateur des bandes dessinées, enregistré le 12 mars 2009 à Lyon.203 Michael, ancien militant, 37 ans, auteur-dessinateur des bandes dessinées, enregistré le 12 mars 2009 à Lyon.

204 Alice, militante, 60 ans, à la retraite, enregistré le 11 mars 2009 à Lyon.205 Manuel, ancien militant, 50 ans, chargé d’affaires à EDF-GDF, enregistré le 20 mars 2009 à Lyon.206 Aussi qu’avait enrichi le rang des bandes dessinées d’intervention politique, car l’histoire de création d’Attac-Rhône, ayant

marqué la mémoire d’un de ces acteurs principaux, est dès lors présente en dessins. SQUARZONI Philippe, Zapata, en temps deguerre, Les Requins Marteaux, Albi, 2003, p.24-29. (Voir l’Annexe).

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Chapitre I. Attac Rhône, expression locale d’une dynamique altermondialiste nationale

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Les statistiques207 des adhésions nous montrent l’accroissement rapide du nombred’adhérents pour atteindre son maximum en 2002 avec 1155 adhérents, et la diminutiondes effectifs quasi-symétrique avec un rebondissement léger (le surcroit de 80 personnespar rapport à l’année précédente) en 2006. Elle suit ainsi les tendances de niveau national.

Une baisse de 35% des effectifs en 2007 peut être expliquée par un bilan de 2006 trèsnégatif pour Attac avec un aboutissement de la crise interne par une « fraude » lors desélections au CA en juin.

Tableau 1. Les dynamiques d’adhésions au comité local d’Attac-Rhône208

Ces tableaux sont à consulter sur place au Centre de DocumentationContemporaine de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon

Tableau 2. Le renouvellement des adhésions d’une année à l’autreLa variable du taux de « renouvellement des adhésions d’une année sur l’autre » ne

peut que montrer, d’une manière très limitée, la continuité de l’adhésion d’une année surl’autre209 et non pas une dynamique du maintien de l’engagement au long terme, et ainsi,est corrélative des logiques plutôt conjoncturelles que structurelles. Ainsi, le « sursaut » desrenouvellements en 2006 peut être interprété comme une réaction favorable à une vastecampagne pour le « non » au TCE, menée par Attac-Rhône un an plus tôt.

La variation visible du taux de renouvellement sur le tableau 2, n’est pas significative,en réalité, si nous prenons en compte les valeurs absolues, et non pas relatives, et sinous analysons leur variation. Ainsi, nous nous apercevons qu’il y a deux fois moins denouveaux adhérents en 2004 (226 nouvelles adhésions en 2004 comparé à plus de 450nouveaux adhérents tous les ans entre 1999 et 2003), la première baisse importante decette catégorie d’adhésions. Ensuite, la part des nouvelles adhésions reste stable (la mêmepour les années 2004 et 2005, avec une légère augmentation en 2006), qu’on peut expliquerpar la visibilité et la réussite de la campagne référendaire de 2005. La baisse suivante,encore plus importante, a lieu en 2007 avec seulement 68 nouvelles adhésions (et 460du nombre total d’adhésion, une diminution importante par rapport à l’an 2006, où 706adhérents ont payé leurs cotisations), qui est probablement une répercussion de la crisedont les événements marquants eurent lieu dans la première moitié de l’an 2006, et qui avu sa résolution à la fin de la même année.

Ce tableau est à consulter sur place au Centre de Documentation Contemporaine del'Institut d'Etudes Politiques de Lyon

Tableau 3. Dynamiques des types d’adhésions selon l’année.

207 Les statistiques ont été enregistrées depuis la création du comité local Attac-Rhône par un militant et nous ont été transmisesaimablement par ce même militant (Voir l’Annexe).

208 Statistiques internes du comité Attac-Rhône (Voir l’Annexe).209 Selon R.Wintrebert, le taux de réadhésion à Attac France était plus ou moins stable : entre 67% et 75% avec un pic à

81,4% en 2004. Or, Attac a mené une étude interne pour comprendre ce non-renouvellement de 25-30%: 1025 adhérents dans l’année2002, n’ayant pas renouvelées leur adhésion en 2003, ont été contactés. Parmi les raisons déclarées de non-réadhésion prédominaitl’« oubli » (42%), des « raisons personnelles et non liées à Attac » (24%) (« manque de temps, problèmes financiers, double adhésiondans un couple, participation à une autre association »), et, enfin, pour des « raisons politiques concernant leur comité local oul’association nationale » n’ont pas réadhéré 14% (« manque de convivialité et d’intérêt des réunions locales ; contrôle du comitépar une tendance politique ; divisions dans le comité ; n’a jamais été contacté par le comité »), in WINTREBERT Raphael, Attac, lapolitique autrement? op.cit., p.70.

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Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône

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Nous voyons qu’à partir de l’année 2004 le nombre d’adhésions a commencé à baisser,un an avant le début du déclin au niveau national. Les mémoires des réunions animéesdans une salle pleine à la Bourse de travail jusqu’à la fermeture de celle-ci et de l’agendarempli par des activités trouvant un très favorable accueil à Lyon font dès lors partie de lamémoire collective. Elles font partie de l’identité d’un militant d’Attac-Rhône, nostalgique etfier en même temps, si il y a participé, et alourdi à endosser pour un nouvel arrivant.

Quels événements clés en font partie ? Tout d’abord une quinzaine de groupes deréflexion s’est constituée au départ pour travailler sur des questions telles que la taxe Tobin,les paradis fiscaux, l’énergie, la santé, le transport, l’éducation, les institutions mondiales.Leur travail trouvait sa réalisation à l’extérieur de l’association à travers les événements detype conférence, café-débat, les contre-sommets et les actions locales selon le calendrierdes forums sociaux mondiaux, et même en une pièce de théâtre altermondialiste « Superpromo – global planète ».

2.3. L’offre d’activités militantesTout d’abord, l’événement le plus important dans la vie de l’association était « Les Assisesdes services publics »210, dix soirées d’assises, organisées par un collectif des organisationslyonnaises (Attac Loire et Attac Rhône, Agir contre le chômage (AC !), Ligue des Droitsde l’Homme (LDH), Association des Consommateurs d'Eau du Rhône (ACER), A GaucheAutrement (AGA), Association Internationale des Techniciens, Experts et Chercheurs(AITEC), CFDT Transports, UD CGT (Union départementale de la CGT du Rhône), FSU(Fédération Syndicale Unitaire), Groupe des 10 Solidaires du Rhône, Syndicat Nationalde l'Enseignement Supérieur (SNESup), Le Syndicat National Unitaire des Instituteurs,Professeurs des écoles et Pegc (SNUIPP), L’Union nationale des étudiants de France –Indépendante et démocratique (Unef-ID) Lyon, LCR (Ligue Communiste Révolutionnaire°, Parti Communiste Français Vénissieux (PCF), Parti Socialiste du Rhône (PS), Verts duRhône, etc.), subventionnées par Ville de Lyon, COURLY211 et la Région Rhône-Alpes, etqui ont eu lieu le 19-26 octobre 2001.

Premièrement, du fait d’un grand investissement des militants d’Attac-Rhône dansson organisation, et, deuxièmement, puisque c'était une bonne occasion de réaliser àl’extérieur, dans l’esprit de la mission d’ « éducation populaire tournée vers l’action »,le travail du groupe de réflexion sur les questions liées aux services publics212. Cetévénement s’inscrivait également dans la campagne menée par le mouvement Attac partouten France contre l’AGCS (l’Accord Général sur le Commerce des Services) et avait pourobjectif : « comprendre l’AGCS, ses mécanismes, sa logique et ses enjeux, mettre enlumière les politiques de démantèlement des services publics déjà à l’œuvre au niveaumondial, européen et local, définir ce que nous attendons des services publics, interpellerle gouvernement, la Commission Européenne et le Conseil »213. Pour l’association Attac-Rhône, cet événement alors était « le chantier prioritaire, à l'ordre du jour de toutes les

210 Le projet était hébergé par le site internet d’Attac-Rhône, http://www.local.attac.org/rhone/agcs211 Ancienne appellation du Grand Lyon, www.grandlyon.com .

212 Les groupes « Energie », « Santé », « Education », « Culture », « Transports », « Communications », « Eau », étaitconstitués pour préparer les interventions lors des Assises, qui se sont ensuite réunis en groupe de réflexion « Services publics » ausein d’Attac-Rhône. Depuis la fondation d’Attac-Rhône existait un groupe sur les questions économiques, avec un sous groupe quitravaillait sur « l’impact local de la mondialisation », qui débattait sur les mêmes questions.

213 « Assises des services publics », http://www.local.attac.org/rhone/agcs/ (Voir l’Annexe).

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Chapitre I. Attac Rhône, expression locale d’une dynamique altermondialiste nationale

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réunions » 214. Elle assurait une grande partie de communication de l’événement : articlesdans le « Grain de Sable » 215, l’hébergement du projet par le site internet de l’association,la diffusion de l’information dans tous les comités locaux et auprès le siège national.S’ouvrant par une soirée avec Susan George, les Assises continuaient par des soiréesportant sur les transports, les services publics dans la construction Européenne, l’éducation,la santé, l’énergie, eau et assainissement (avec notamment l’intervention un militant, réputéspécialiste d’Attac-Rhône sur cette question, Jean-Louis Linossier).

Ainsi, les militants d’Attac-Rhône étaient au cœur de cet événement, tant dansla dimension organisationnelle que dans le travail de réflexion et de synthèse sur lesthématiques abordées pendant la semaine. L’idée des Assises, selon les témoignages,provenait du président d’alors d’Attac-Rhône, Nicolas, qui ensuite, s’est occupé par larecherche des financements et d’équipements pour l’événement. Le premier grand chantierparrainé par Attac-Rhône, donc, a permis à l’association et ses militants de mettre en avantleur travail préalable (les résultats du travail du groupe de réflexion sur « l’impact local dela mondialisation »), tisser des liens et élargir le réseau avec d’autres organisations, enfin,adresser le projet concret et recevoir un soutien financier, ainsi, une reconnaissance devaleur publique de leur travail par les pouvoirs locaux:

« On faisait une semaine de conférences, de débats sur la question des servicespublics avec, donc, des réunions thématiques. Donc, moi, je me suis occupé,par exemple, de tout ce qui était énergie. Aussi, des réunions beaucoup plustransverses, type, Union Européen et services publics. Donc, pendant unesemaine, avec énormément de partenaires, on a réunis…de mémoire…25associations et partis politiques, y compris le PS, à l’époque, etc., sur cettequestion-là. Donc, un gros travail qui a été fait en amont, on a fait six mois de préparation…Nous, par exemple, sur le groupe « Energie », on a produit desfiches thématiques, etc. Donc, une soirée qui était organisée, ensuite, tout untravail pour sortir des actes, qui ont été, d’ailleurs, publiés, grâce à un budgetde la région « Rhône-Alpes », (…) un petit livre rouge qui s’appelait « Assisesdu service public à Lyon », je crois. ( …) Fin, donc, gros gros travail là- dessus,qui m’a permis, d’ailleurs, d’entrer en contact, par exemple, avec des gens del’AITEC, association des ingénieurs techniciens et chercheurs, qui est uneassociation qui avait beaucoup travaillé sur les services publics. Et donc, parexemple, la personne sur Lyon, moi, j’ai rencontré, connaissait beaucoup ledomaine de l’énergie. Comme ça m’intéressait, on a resté en contact. Voila. Donc,ça m’a permis de dans des questions de services publics, et dans l’énergie,de tisser un peu des liens. ( …)Et puis, c'est là où a commencé à prendre plusd’importance le travail sur l’AGCS. On a rencontré les élus, fait prendre desmotions sur l’AGCS, etc. »216.

Un autre événement qui s’est gravé dans la mémoire des militants d’Attac-Rhône estles Rencontres pour une autre mondialisation (RAM)217. Les Rencontres pour une autremondialisation est un événement, l’idée duquel était également émise à Attac-Rhône, et qui

214 Compte-rendu du Collectif "Assises des services publics", le 16 juillet 2001, http://www.local.attac.org/rhone/215 Le bulletin bimestriel du comité Attac-Rhône.

216 Daniel, ancien militant, 43 ans, technicien à la CNR, enregistré le 10 mars 2009 à Lyon.217 Voire brochure RAM dans l’Annexe.

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Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône

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consistait en une succession des soirées militantes, beaucoup plus informelles que cellesdes Assises, pour relayer les discussions du Forum social mondial avec des projections desfilms et activités dans des librairies, des interventions des spécialistes invités et des débatsqui s’en suivaient, organisées conjointement par un collectif d’une trentaine d’associationslyonnaises218, financées cette fois par les cotisations des membres de ce collectif (Amis dela Terre, Artisans du Monde, Attac-Rhône, Vétérinaires Sans Frontières, Survie, LDH, AC !Rhône, Greenpeace, Bioforce, Handicap International, CADTM, CCO Villeurbanne, CinéTravail, Cinéma le Zola, Confédération Paysanne, les MJC (Ménival, Oullins, Pierre Bénite,O Totem Rillieux la pape, Vieux Lyon), Contresens, Casseurs de Pub, etc.).

Il y a eu lieu six éditions des RAM au mois de janvier, de 2001 jusqu’à l’année 2006. 800personnes ont participé à la première édition219 (1 200, selon les organisateurs). Les RAMétaient très orientées non seulement vers la diffusion de l’information, mais au débat avecles citoyens, « surtout non militants », précise une lettre de présentation220. Un autre apportdes RAM, comme l’ont indiqué les militants, était leur potentiel d’attraction du public plusjeune. Le type des activités proposées y contribuaient : la projection des films, les soiréesfestives, les concerts et les animations théâtralisées, - et tout en fort lien avec le déroulementdes Forums sociaux mondiaux, qui attirait largement le public jeune.

Ce tableau est à consulter sur place au Centre de Documentation Contemporainede l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon

Tableau 4. « Les RAM en chiffre »221

La dernière édition des RAM a eu lieu en 2006, elles se sont éteintes petit à petit, avecles difficultés croissantes d’organisation. Lors d’une tentative d’organiser l’action lors duFSM en janvier 2008 place de la République: « il y avait personne»222. Mise à part le facteurde l’usure, un militant émet l’hypothèse sur le rôle qu’avait pu jouer l’ouverture d’Attac-Rhôneà la LCR en ce que les associations du Collectif RAM ne l’ont pas rejoint dans cette action :

« Et puis, enfin, donc, les Rencontres, ont les a abandonnées. Elles sont tournéesun petit peu d’elles-mêmes, parce que là aussi, l’usure, et puis c'était aussiun très fort investissement pareil là-dessus...Et en redémarrant un peu danscette idée quand-même par rapport à ce qu’on a fait au mois de janvier...Ona fait une première petite manifestation, place de la République...Mais c'étaitbeaucoup plus modeste que ce qu’on avait à nos Rencontres pour une autremondialisation! Et bon, c'était un peu les mêmes et tous ce qui nous ont rejointet qui formaient l’ancien collectif RAM - ouvrons aux portée aux formationspolitiques, donc on a été rejoint par LCR...Alors oui, tu vois bien, maintenant218 L’association Attac-Rhône, dans l’organisation de ses deux événements, jouait le rôle de plate-forme de coopération et de l’allianceentre les organisations très diverses. Le collectif des Assises, incluant les organisations comme AITEC, avait préparé une action plutôtdans l’esprit de l’expertise préalable, suivant par la présentation et le débat, avec les interventions des spécialistes, comme S.George,P.Khalfa, des représentants d’AITEC, des députés et un membre du Conseil d’Etat. Le collectif des RAM, à son tour, aussi dans sacomposition que les activités proposées lors de l’événement, était orienté vers l’action plutôt dans le cadre d’éducation populaire,adapté au public non-militant, voir non-politisé, d’un caractère divertissant et festif.

219 Millénaire – Le Centre Ressources Prospecitves du Grand Lyon http://www.millenaire3.com/RAM-Rencontres-pour-une-Autre-Mondialisation.298+M5d9d69919d3.0.html

220 La brochure RAM, http://www.local.attac.org/rhone/IMG/pdf/doc-323.pdf . (Voir l’Annexe).221 La brochure RAM, http://www.local.attac.org/rhone/IMG/pdf/doc-323.pdf . (Voir l’Annexe).222 Lucie, militante, 20 ans, étudiante en sociologie en Master 1, enregistré le 12 novembre 2008 à Lyon.

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qu’on est en période électorale, ils profitent de la circonstance. On a répété

l’opération (…) sur la place de St Jean 223 , et la LCR est venue quand-même,

et venue à nouveau, pardon (…) On a su franchir cette étape-là, mais ça n’a pasété très facile. Certains, censés d’avoir comme argument, « oui, c'est peut-être laraison pour laquelle des associations comme, d’autres associations qui étaientdans le collectif RAM, nous ont pas rejoint, pour cet éventuel redémarrage, -initiative qu’on prend, toute proportion gardée, beaucoup plus modeste... »224

Ainsi, même ouvert à la coopération avec des partis politiques dans l’organisation desévénements, l’association avait vu avec le temps ses capacités de fédérer diminuerconsidérablement.

Un débouché particulier du travail d’Attac-Rhône s’est trouvé dans la réalisation d’unepièce de théâtre « Tout est à vendre » (« Super promo-global planète » depuis 2003). L’idéeétait de montrer les conséquences dévastatrices de l’AGCS et des politiques de privatisationimposées par l’OMC, mais de manière plus accessible pour la population qui n’a pas lesconnaissances et les compétences sur le sujet, aussi que dans un cadre interactif, car lareprésentation envisageait la participation des spectateurs. Donc, le choix de cette formed’ « éducation populaire tournée vers l’action » révélait d’une réflexion225 sur les manièresd’aborder un public non-militant et non-politisé, et le lieu de sa première présentation enest significatif, - la place Terreaux. La pièce a été également présentée dans des MJCde Lyon et aux alentours, des festivals locaux, lors des « Assises des services publics »,du Forum Social Européen à Paris Saint-Denis en 2003, lors de l’Assemblée générale de2007 à Lyon, des CNCL, mais aussi est invité, par exemple, à être présenté dans descomités d’entreprise ou pendant un événement organisé par la région Rhône-Alpes endécembre 2007 - une Rencontre Mondiale « la démocratie participative du local au global,pour quelle mondialisation ?»226. Le spectacle est un des anciens produits d’Attac-Rhônequi est toujours en vie et continue d’être représentée, après avoir été retravaillé en 2003,restant le seul lien de certains de ses ex-militants avec l’association :

« Dès l’instant où j’ai découvert l’OMC, l’AGCS, j’ai dit, c'est pas possible,c'est une monstruosité, cette histoire. Monstruosité par contenu, par lesméthodes d’application, antidémocratiques, totales, euh. Peu d’information,pas d’information du tout…et on s’était dit (…), faut qu’on fasse quelquechose. Ça, c'est 2000, la réflexion commence en 2000. Et on avait déjà monté

223 Forum Social Local, pl.St.Jean, en septembre 2008 à l’écho de FSE de Malmö, dont nous présenterons les résultats

dans le deuxième chapitre.224 Romain, militant, 66 ans, à la retraite, enregistré le 13 novembre 2008 à Lyon.

225 Voir la fiche de présentation du spectacle « Super promo, Globale planète » dans l’Annexe.226 Les mémoires de cette représentation sont, néanmoins, pas très positive : « On l’a joué à la région, la seule fois où on

a été payé, la région nous a acheté le spectacle. Pour l’année dernière, sur la démocratie participative mondiale. Alors, on était pastrès content, parce que la région l’avait collé à la culture au moment des repas et tout le monde mangeait, 400-500 personnes, quiavait le crieur public, qui était là aussi, qui annonçait le spectacle et on a même pas eu 20 personnes, et qu’on avait une salle de400 places. Et si les gens ont poussé leur curiosité à venir voir le spectacle, ça aurait été intéressant. Mais on a eu même pas 20personnes. Si sur une scène, t’avais 400 chaises, ça faisait un peu vide. Bon, on avait joué, on était payé, on avait joué… (rire) (…)C'était des conférences, les débats, et puis, bon, la culture, on l’avait mis à 13h30, les gens mangent encore ”, Charlotte, militante,45 ans, formatrice dans une association d’accompagnement à l’insertion professionnelle, enregistré le 18 décembre 2008 à Lyon.Rencontre mondiale démocratie participative à Lyon, décembre 2007, http://www.democratie2007.rhonealpes.fr/ .

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Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône

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plusieurs actions sur ces questions-là et on s’était rendus compte rapidementqu’on touchait que des milieux militants, le réseau militant, c'est-à-dire, que lapopulation, on a eu du mal. Et après on a réfléchi, comme d’autres ont réfléchiavant nous, dans les années 1970, voire dans les années 1960, - comment faired’une réflexion politique, comment on peu… pas la diffuser, - la proposer. (…) Ons’était dit que, ça pouvait passer que par l’optique culturelle. C'est-à-dire, mêmepas par la présentation politique. C'est l’outil culturel. (…) Et la première fois,on l’a fait, c'est donc, en 2000 ou 2001, avec un nom, il s’appelait, « Tout est àvendre ». Et on était intervenu place des Terreaux-là. Et voila, un samedi. Et çaa tellement bien marché, que personne n’a compris. Tout le monde a cru qu’onvendait tout : la mairie, les fleuves, tout, et vrai, des bons, les gens ont cru qu’ilsavaient gagné. C'est pas possible, cette époque. » 227

Ayant été abandonné pour quelques années et après avoir été retravaillé et avoir intégréune comédienne professionnelle et d’autres personnes en dehors d’Attac, dans l’objectifde « créer un spectacle avec peu de logistique, qui puisse être réactualisé, et qui puisseêtre déconcentré » 228, la pièce « Super promo-Global planète » a repris et est représentéedepuis 2003.

La campagne pour le « non » au référendum sur le Traité constitutionnel européen de2005, comme au niveau national, était autant une période du fort investissement militant229,récompensé par le succès, qu’un facteur de divisions internes. Les militants décrivent cettecampagne comme une période d’exaltation, comparable à celle de l’émergence d’Attac pourles plus anciens. Après avoir fait un travail de renseignement et d’analyse du projet, lesmilitants ont mis en place un calendrier des interventions et des rencontres-débats à Lyon,mais aussi dans le département (Tarare, l’Arbresle, Craponne)230.

« Il y avait la campagne du referendum, qui, pour le coup, nous a donné un superdébouché. On s’est formé à ça, et ça nous a permis, en fait, de vraiment contribuer trèsactivement à la campagne de referendum d’Attac-Rhône. Moi, j’ai fait à l’époque des débats(…) j’ai représenté Attac dans des débats, ce que je n’aurais pas pu faire si j’avais pas faitce travail au sein de groupe Europe.

Q : Des débats au niveau..Rhône. Bon, j’en ai fait deux dans la Drôme aussi, mais c’était essentiellement àLyon, oui. (…) Vraiment on avait l’activité assez important, on allait même faireune journée supère, on est allés faire une demi-journée, un samedi matin, aTarare pour former les copains de là-bas. Là, c’était vraiment super. Ca veut direque nous, on avaient décortiqué le Traité, on connaissaient quasiment par cœur,et c’est pas qu’un mot, on avaient tout d’un tas d’articles qu’on maitrisés quand

227 Manuel, ancien militant, 50 ans, chargé d’affaires à EDF-GDF, enregistré le 20 mars 2009 à Lyon.228 Ibid.

229 Pour l’anecdote, une militante, qui n’a « jamais autant milité de [sa] vie » que pendant la campagne pour le « non » auréférendum sur le Traité Constitutionnel Européen, coïncidant avec sa grossesse (son enfant né le 5 juin), nous a raconté qu’ils sedisaient entre les militants, que « quand A. allait naître, elle dirait seulement « non », parce que on avait tellement milité pour le« non » » (Delphine, militante, 30 ans, doctorante en histoire, A.T.E.R. à Lyon 2, enregistré le 8 décembre 2008 à Lyon)

230 Pour l’exemple, ce flyer présente 17 rencontres avec des militants d’Attac-Rhône entre le 3 et le 25 mai 2005 (voir l’Annexe,« Calendrier des réunions et débats » TCE, 2005).

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Chapitre I. Attac Rhône, expression locale d’une dynamique altermondialiste nationale

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même très très bien. Et surtout qu’on connaissait par cœur la structure. On avaittrès très bien en tête la structure du Traité. Et puis, aussi, l’articulation avec lestraités préexistants et puis on avait aussi l’historique des traités en tête, on avaitvraiment une idée de l’empilement du Traité et de la sédimentation en fait, de cestraités au fil de l’histoire de la construction Européenne. Donc, on était quandmême assez calés là-dessus. Et on a pu y faire la formation. On a fait aussi desinterventions à MJC. Donc, ça, c’était bien ça. C’était un bon moment. Mais unefois le 29 mai 2005 passé, je continuais en fait d’animer ce groupe en essayant delui donner une autre orientation. On a essayé de,.. on a eu l’idée.. je sais pas sic’était moi qui a proposé ça au groupe - d’essayer de faire un travail en communavec d’autres Attacs Européens. C’était vraiment, fous de 29 mai, on se disaitqu’on allait construire l’Europe cette fois-ci, qu’on allait arrêter de rigoler. (rire)Donc, on étaient très très ambitieux »231.

Donc, un moment fort pour les militants d’Attac-Rhône, qui avait eu, nous l’avons vu à partirdes statistiques, un impact positif dans l’accroissement tant des nouvelles adhésions que lerebondissement du nombre total d’adhésions. Cette période a produit les effets divers surles militants, amenant un groupe poursuivre la réflexion sur la « Construction Européenne »jusqu’à l’élaboration du Plan P, un projet de la constitution pour les peuples d’Europe232, etd’autres – se désengager, faute de percevoir d’autres débouchés et formes d’investissementau sein d’Attac-Rhône. Nous allons voir ces diverses reconfigurations d’espace militantd’Attac-Rhône dans le chapitre suivant.

Dans ce chapitre, ayant abordé la sociohistoire d’Attac France et la constitution,l’évolution et les événements clés du comité local d’Attac-Rhône, nous avons étudiél’idée à l’origine de l’association, la configuration du champ sociopolitique et de l’espacemilitant, qui ont contribué et ont également modifiée cette idée dans sa réalisation, leslogiques organisationnelles et celles des acteurs individuels, qui forgeaient et guidaientAttac dans son évolution. Nous avons vu que si le comité local Attac-Rhône dans ledéveloppement de ses effectifs suivait celui d’Attac France, ce n’étaient pas tout à faitles mêmes logiques organisationnelles qui la traversaient. Si les instances nationales,quasiment dès le début, se sont confrontées au problème de gestion de la diversité dessensibilités et des projets de ses composantes, Attac-Rhône était guidé par une autrecontrainte, liée aux difficultés d’attirer le public non-militant et à la décroissance de seseffectifs. La réflexion sur les formes d’action, qui était ressentie dès le début et est toujourstrès présente dans les discussions formelles, mais aussi dans les réflexions personnellesdes interviewés, s’explique par l’épuisement et la tendance à la baisse des afflux d’adhésionaprès la croissance exponentielle jusqu’à 2002. Sans ce passage nécessaire avec l’objectifde donner une dimension historique à notre objet d’étude, il ne serait pas possible decomprendre les interrogations, les débats et les actions qui l’animent aujourd'hui.

231 Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.232 Le plan P, une constitution pour les peuples d’Europe, le 25 mars 2009, http://local.attac.org/rhone/article.php3?id_article=1104 .

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Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône

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Chapitre II. L’association Attac-Rhôneaujourd'hui. « Déclin ou mutation ? »

Dans ce chapitre nous allons présenter le fonctionnement du comité local Attac-Rhôneaujourd'hui : sa composition, ses activités, les militants qui les animent et les adhérents quipar le paiement des cotisations et par la fréquentation des activités, le soutiennent. D’abord,à travers la présentation du profil sociologique des adhérents et des militants actuels d’Attac-Rhône, pour lui donner sa dimension humaine. Ensuite, à partir d’analyse des activités del’association et des représentations que les militants se font de leur engagement, nous allonsessayer de comprendre ce qui guide les acteurs dans leur action, et comment l’identité del’organisation en question est résultante de la négociation continue entre les logiques quianiment ses acteurs, son passé et le contexte environnemental sociopolitique et militant.

1. Ces adhérents « invisibles »Tout d’abord le fonctionnement de l’organisation a un cadre juridique. Les Statuts adoptésen septembre 2001 et le Règlement intérieur de 2002233 régissent celui d’Attac-Rhône.Association loi 1901234, elle a été créée lors de l’Assemblée constitutive des adhérents à laBourse du Travail de Lyon le 16 janvier 1999. Une des spécificités de la forme associativedu fonctionnement est une plus grande souplesse de son cadre institutionnel. Ainsi, « ceslogiques institutionnelles sont destinées à réduire l’instabilité d’une structure qui peut êtreremise en cause par ses membres et ne bénéficie pas des garde-fous dont peuvent seprévaloir d’autres organisations où les relations interpersonnelles sont beaucoup pluscodifiées dans des règles qui préexistent aux acteurs »235. Le principe de la structureet du fonctionnement associatifs souples, tant revendiqués au moment de création del’association, sont en vigueur à Attac-Rhône. Les procédures statutaires, telles que lesélections, les réunions du Conseil d’administration, du Bureau sont respectées, mais, parexemple, certains militants ne se rappellent pas la personnalité qui occupait le poste duprésident (il y en avait que huit en tout, y compris les co-présidents en 2007 et 2008)ou la composition du CA (y compris leurs propres périodes d’exercice du mandat). Ainsi,les normes internes du fonctionnement, la configuration des responsabilités et la façond’occuper un poste particulier sont maniables et changent selon les acteurs actifs dansl’association. J. Gervais a démontré que les modifications des statuts-types, proposéspar le siège national aux comités locaux, ont abouti à la matérialisation dans les textes

233 Voir l’Annexe.234 « L'association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d'une façon permanente,leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices. Elle est régie, quant à sa validité, par lesprincipes généraux du droit applicables aux contrats et obligations». Loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006069570&dateTexte=vig235 LAVILLE Jean-Louis, SAINSAULIEU Renaud (dir.), Sociologie de l’association, Paris, Desclée de Brouwer, 1997, p.70.

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Chapitre II. L’association Attac-Rhône aujourd'hui. « Déclin ou mutation ? »

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réglementaires du pouvoir de président beaucoup moins prononcé qu’au niveau national236.Et en pratique, son exercice, surtout dans le comité Attac-Rhône, est encore plus soupleque celui qui avait abouti à une crise d’Attac France en 2003-2006.

Etant née d’une réunion dans la salle des Rancy et de l’Assemblée constitutive à laBourse du Travail, le comité local Attac-Rhône a pu s’installer au local, partagé avec « LesAlternatifs », à l'Espace St.Georges Communication (ESCG) 237 (actuellement la Maison desPassages), 44 rue St.George, un lieu historique important dans l’espace militant de Lyon238.Les militants des syndicats ayant adhéré à d’Attac-Rhône au moment de sa fondation, quiy avaient aussi leurs locaux, ont émis cette proposition, aboutissant à une implantation delongue terme d’Attac-Rhône à cette adresse.

Un autre élément constituant l’association, qui n’était pas prévu au moment dela fondation d’Attac France, mais reconnu et intégré plus tard, est le niveau local dumilitantisme à Attac et la transformation de l’association en organisation de masse, avecun nombre d’adhérents important et à prendre en compte. Outre le soutien financier qu’ilsapportent à l’association, ils sont également l’indicateur de la demande, de l’intérêt etde l’approbation de leur action pour les militants d’Attac-Rhône. Cela se reflète dansles discussions récurrentes sur le nombre des fréquentations d’une activité organiséepar Attac-Rhône, sur les modalités pour engager leur participation plus active, sur lanécessité de « faire la pub » de l’association, etc. Les adhérents, ainsi, sont un facteurimportant pour le fonctionnement de l’association dans un sens double. Premièrement,parce qu’ils apportent un soutien matériel : par le paiement des cotisations, principalement,mais aussi en tant qu’une source, d’une part, de militants potentiels, déjà sensibiliséspar les causes défendues à Attac, mais non-impliqués dans l’action, et, d’autre part, desmilitants « dormants », anciens militants ayant arrêté leur engagement actif au sein del’association et potentiellement activables selon la disponibilité biographique, la réactionaux actions gouvernementales et à l’actualité, et d’autres facteurs, dont nous allons parlerdans le dernier chapitre. Deuxièmement, parce que ils apportent un soutien symbolique :le nombre d’adhésions, l’activité sur les listes électroniques de discussion, la fréquentationdes activités d’Attac-Rhône servent de repères pour les militants de l’efficacité, voir dela nécessité de leur action, et sont un élément important dans l’auto-évaluation de leurengagement, une de ses « dimensions gratifiantes »239, qui le conditionne. La question desadhésions est particulièrement sensible pour Attac : du fait du déclin en moins de dix ansde leur nombre après une croissance exponentielle. L’apparition des comités locaux et les

236 GERVAIS, Julie. Les acteurs et le « système d’Attac » : entre mutations du militantisme et nouveaux engagements citoyens.D.E.A. de Science politique de Lyon, septembre 2001, p.117.

237 Procès-verbal du Bureau, le 10 février 1999.238 Ainsi, entre 1970 et 1978 il accueillait le siège de la Fédération du Rhône du PSU (Parti Socialiste Unifié), des premières

radios pirates lyonnaises, Radio Canut puis Radio Léon, du Comité Larzac, du Comité Malville, du Groupe de Libération desHomosexuels, du Comité Irlande Libre, du Mouvement pour la Liberté de l'Accouchement de l'Avortement et de la Contraception, etc.Entre 1995 et 2005 l’Espace Saint Georges Communication (ESGC), qui devient un centre associatif et accueille des artistes, desorganismes de formation, des organisations politiques (Alternatifs, PAG69, PS du 5ème pour les municipales 2001), de l’éducationpopulaire (ATTAC), des associations du quartier (Dragons Saint Georges, Shido Go). Depuis 2005 il est géré par la Maison des

passages. Aujourd'hui, c’est un des lieux de plus fort militantisme à Lyon, de pair avec le quartier de la Croix-Rousse, le 7e

arrondissement et la Bourse du Travail. Voir Les Journées Européennes du Patrimoine à La Maison des Passages, http://www.maison-des-passages.com/media/journees_patrimoine.pdf .

239 KLANDERMANS Bert, « Une psychologie sociale de l’exit », in Fillieule Olivier (dir.), Le désengagement militant, Paris,Belin, 2005, p.96.

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adhésions individuelles, par leur nombre, ont produit un tel effet que d’une association deproduction d’expertise, telle qu’elle a été pensée d’abord, Attac a devenu un mouvement demasse et a adopté une identité respectif. La désaffection ultérieure invite à revisiter tant leprofil de ceux qui y sont toujours, que l’évolution et l’état du fonctionnement de l’associationaujourd'hui.

1.1. Présentation de l’enquêteDans le premier chapitre nous avons vu la dynamique des adhésions dans Attac-Rhône. Maintenant nous allons regarder au plus près qui sont les adhérents. Danscette présentation nous allons partir des résultats obtenus suite à la réalisation d’unquestionnaire240 auprès des adhérents et des militants présents lors de l’Assembléegénérale, « l’organe souverain de l’association »241, qui avait eu lieu le 13 décembre 2008à la Bourse du travail de Lyon242. Il faut toutefois remarquer que cet échantillon de 37personnes n’est pas représentatif de l’ensemble des adhérents243 du bureau local d’Attac-Rhône (309 personnes en 2008), ni de l’ensemble ou d’un groupe de population française.Selon l’INSEE, si 33,6% de Français se déclaraient engagés associatifs en 1998, seulement8,6% étaient adhérents des organisations politique ou syndicales244. En 2002, une personnesur deux est membre d’une association245.

Parmi les adhérents venus à l’Assemblée élective de l’année, nous supposons unengagement plus important de par leur présence un samedi, pour une réunion durant toutela journée. Ils ont ainsi manifesté leur volonté de s’impliquer dans la vie de l’association, enintervenant, en votant les motions, l’approbation du bilan d’activités et le budget de l’annéeprécédente, en élisant les membres du Conseil d’administration. Ainsi, ce sont les adhérentsqui ne sont pas simplement payeurs de la cotisation, mais sont plus tangibles pour lesmilitants d’Attac-Rhône de par leur fréquentation et réactivité aux activités de l’association.

240 Nombre de répondants : 37 (aucun refus à notre sollicitation de remplir le questionnaire). Le questionnaire compose 20 questions :8 questions sur les déterminants sociaux, 12 questions sur l’engagement à Attac-Rhône et les différentes dimensions de politisation. 5questions ouvertes, 1 nécessite une précision en forme écrite et 14 questions fermées à réponses préformées. (Voir le questionnaireainsi que les résultats dans l’Annexe).241 Article 11-6 des Statuts d’Attac-Rhône, adoptés en septembre 2001. (Voir l’Annexe).242 Selon le compte des administrateurs (qui étaient treize : anciens, reconduits et nouveaux élus (4)), 35 adhérents étaient présentset 53 représentés à l’AG (le nombre diminué d’adhérents par rapport à 73 présents et représentés lors de l’AG de décembre 2007,avec le nombre d’adhésions étant de 460 et 309 consécutivement). Ainsi, notre questionnaire a été rempli non seulement par desadhérents, mais également par des militants.243 Le passage d’un questionnaire auprès tous les adhérents pour leur interroger sur le degré de leur implication à Attac-Rhône, lesformes de participation qu’ils privilégient, d’autres lieux d’investissement et d’engagement donnerait les résultats plus complets sur lepublic d’Attac-Rhône, mais n’était pas faisable dans le cadre de ce mémoire.244 PROUTEAU L. et WOLFF F.-C., « La participation associative au regard des temps sociaux », Economie et statistique, n° 352-353,2002. http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/ES352-353C.pdf .245 « Une personne sur deux est membre d'une association en 2002 », INSEE Première, 2003, http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?reg_id=0&ref_id=ip920 .

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Chapitre II. L’association Attac-Rhône aujourd'hui. « Déclin ou mutation ? »

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Dans la mesure du possible, nous avons tenté de comparer nos données aveccelles du profil des participants du Forum Social Européen de Paris en 2003246. Le choixméthodologique du groupe des chercheurs est justifié par ce qu’« aucune organisation nepeut prétendre incarner à elle seule l’altermondialisme » : il fallait donc procéder « à laradiographie d’un événement »247. Nous nous rendons compte néanmoins de la spécificitéde l’échantillon étudié lors d’un événement aussi particulier que le FSE, par son ampleur,sa durée, sa localisation, et gardons la réserve d’une telle comparaison avec le profil desadhérents d’un comité local d’une association altermondialiste.

1.2. Profil sociographiqueLa moitié des adhérents, venus à l’Assemblée générale de 2008, se définissent comme« militants ». Malgré que le recensement des activités, qu’engage la participation à l’AG del’association, rapproche leur engagement de l’« adhésion » au « militantisme », la moitiése déclare adhérents.

Ces tableaux sont à consulter sur place au Centre de DocumentationContemporaine de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon

En croisant la variable du temps qu’occupe l’engagement à Attac-Rhône avec ladéfinition que se font les adhérents de leur engagement, nous pouvons constater que senommer militant (en tout, 51,35% de répondants, soit une vingtaine de personnes) signifiepour 38% des adhérents d’accorder quelques heures et plus chaque semaine. Pour 13.5%,néanmoins, être militant signifie une participation occasionnelle, le militantisme est comprisici comme l’adhésion à la cause et ne se traduit pas par la présence physique dans lesactivités de l’association. Les autres 32,4% dans ce cas s’identifient comme adhérents.

Plus d’un tiers d’adhérents présents à l’Assemblée générale ont adhéré à l’associationdans l’année de sa fondation et de son institutionnalisation à Lyon, en 1999. Un autre tiersd’adhérents avaient adhéré dans les trois années qui ont suivi. Le taux d’adhésion à Attac-Rhône a commencé à baisser depuis 2003248. Cette baisse a été également confirmée lejour de l’AG : seulement une ou deux personnes, parmi les présents, adhéraient pendantl’année de la période néfaste entre 2003 et 2008. Ainsi, ce sont les plus fidèles, depuis1999, qui constituent la part des adhérents toujours intéressés par l’activité de l’association.L’association n’a pas renouveler ses effectifs.

Parmi les adhérents d’Attac-Rhône, les hommes sont surreprésentés par rapport auxfemmes (62% contre 38%), par ailleurs, un fait établi pour l’engagement dans l’espacepublic249. La prise en charge dans l’agenda d’Attac des idées féministes, tant au niveau

246 AGRIKOLIANSKY Eric et SOMMIER Isabelle (dir.), Radiographie du mouvement altermondialiste. Le deuxième Forumsocial européen, La Dispute, 2005.

247 Les données utilisées dans la comparaison, proviennent des 2 200 questionnaires à 40 questions, sur un principed’échantillonnage aléatoire – un des quatre dispositifs de recherches adoptés dans l’enquête. Voir AGRIKOLIANSKY Eric et SOMMIERIsabelle (dir.), Radiographie du mouvement altermondialiste. Le deuxième Forum social européen, La Dispute, 2005, p.7-16.

248 Statistiques internes du comité Attac-Rhône (Voir l’Annexe).249 La prédominance des hommes parmi les militants et les adhérents associatifs est confirmée par les études quantitatives,

cf. : PROUTEAU L. et WOLFF F.-C., « La participation associative au regard des temps sociaux ». Les auteurs remarquent la variationde l’engagement féminin selon le type d’association, allant de plus important dans les associations de parents d’élèves, humanitaireset religieuses (où les femmes sont majoritaires) – à beaucoup plus faible dans les associations sportives, culturelles et surtout dans

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national que les activités locales, en même temps que la « masculinité » de ses effectifspersiste, met l’association en position ambiguë. Le manque de parité homme-femme estsujet des blagues et des remarques récurrentes lors des réunions de Bureau et de Conseild’administration d’Attac-Rhône, ce qui signifie une préoccupation250 pour cette question, etest considéré comme un des indicateurs du fonctionnement démocratique de l’organisation,chez les militants.

Ces tableaux sont à consulter sur place au Centre de DocumentationContemporaine de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon

Nous pouvons constater une prédominance parmi les répondants de personnes âgéesde plus de 50 ans251. Les personnes ayant plus de 50 ans sont deux fois plus nombreusesque celles, entre 20 et 50 ans. Ce ratio assez significatif du profil d’âge des adhérentsd’Attac-Rhône, est également sujet des blagues252. Remarquons que seuls deux adhérentsont entre 20 et 29 ans (ce sont deux militants, que nous avons interviewés ensuite). Lavariable d’âge est corrélative dans notre cas avec le degré d’implication militante, car aumoins la moitié des administrateurs de l’an 2009 ont entre 20 et 50, par rapport à un tiersde la même tranche d’âge chez les adhérents.

En croisant la variable d’âge avec la définition de leur engagement au sein d’Attac-Rhône par les adhérents, on peut constater que ceux qui s’identifient militants sontgénéralement plus jeunes (21.6% d’adhérents-« militants » ont entre 20 et 50 ans par rapportà seulement 8.1% dans cette tranche d’âge s’identifiant simplement comme adhérents).Dans une tranche d’âge de 50 et plus, 29.7% s’identifient comme militants, et 37.8% commeadhérents. Ainsi, la disponibilité biographique253 des retraités ne garantit pas en elle-mêmel’implication militante plus importante. D’ailleurs, le public du FSE de 2003, l’événementqui demande le déplacement, fréquenté plus souvent par des militants plus actifs, avec unprogramme de l’intensité importante, - est beaucoup plus jeune (50,3% ont moins de 35ans) et a une plus grande représentation des femmes (51% contre 49% hommes)254.

En ce qui concerne, l’hypothèse sur le capital culturel élevé des adhérents et desmilitants d’Attac, elle se trouve confirmée pour notre échantillon. Parmi les adhérents, seulun membre n’est titulaire que d’un diplôme du BEPC (l’équivalent du diplôme national dubrevet aujourd’hui). Nous pouvons constater une quasi parité entre les titulaires du BAC,ceux ayant suivi une formation professionnelle (de type BTS, IUT), et ceux qui ont passé 2

les groupes politiques et syndicaux, où elles ne constituent que le quart des membres. VoirEconomie et statistique, n° 352-353, 2002.http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/ES352-353C.pdf .

250 Le Conseil d’administration de 2008 avait trois hommes et six femmes, tandis que pour l’année 2009 ils sont sept hommeset quatre femmes. L’envie d’assurer la parité se réalise en ce que le poste du président est proposé à des femmes (en 2007 étaientcoprésidents homme-femme, probablement, à l’image de coprésidence d’A.Trouvé et J.-M.Harribey à Attac France ; en 2008 étaientcoprésidentes deux femmes, en 2009 le poste est occupé par une femme).

251 Selon l’étude de l’INSEE en 2000 presque 50% des personnes âgées de plus de 60 ans sont membres d’une association.Voir L’engagement associatif après 60 ans; H. Michaudon, Insee Première, n° 737, 2000, http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/IP737.pdf .

252 « Je rappelle que pour Attac l’âge est plus proche de la très grande sagesse », l’auteur du compte-rendu a fini par cetteremarque la description de présentation et proposition de coopération par l’association « Génération Palestine », où les membresdoivent avoir statutairement moins de 30 ans. Compte-rendu du Bureau, le 25 février 2009.

253 MCADAM D., « Recruitement to High-Risk Activism : The Case of Freedom Summer », American Journal of Sociology,vol.92, n°1, 1986, p.64-90.

254 GOBILLE Boris et UYSAL Aysen, « Cosmopolites et enracinés », in AGRIKOLIANSKY Eric et SOMMIER Isabelle (dir.),Radiographie du mouvement altermondialiste. Le deuxième Forum social européen, La Dispute, 2005, p.105-126.

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Chapitre II. L’association Attac-Rhône aujourd'hui. « Déclin ou mutation ? »

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à 3 ans à l’Université. Nous observons une prédominance de personnes ayant poursuivi lesétudes supérieures pendant plus de 3 ans et de diplômés de grandes écoles : ils sont 60%255

(10,4% pour l’ensemble de population française256) contre 40% d’adhérents appartenant àd’autres catégories représentées.

Profil socioprofessionnelQuoique nous constations la forte présence des retraités (35.1%), les actifs (à temps

plein ou partiel) étaient deux fois plus nombreux le jour de l’administration du questionnaire.Parmi les militants actifs, les personnes à la retraite, que nous aurions attendues êtrenombreuses de par leur disponibilité biographique, sont seulement une ou deux personnes.Parmi les adhérents d’Attac France, ils sont 17% en 2002257.

Les études antérieures sur Attac avaient révélé l’appartenance de ses militants aux« classes des professions intellectuelles » : 38% provenant du secteur public, presque unquart (23%) étant enseignants, et seulement 3% des ouvriers et 1% des agriculteurs258.Dans notre cas, en conformité avec les données précédentes, parmi les adhérents d’Attac-Rhône, présents à l’AG, il n’y avait pas d’agriculteurs, ni d’artisans, ni d’ouvriers, mais,par contre, 8% d’employés. Ces catégories étaient également sous-représentées au FSE àParis: les agriculteurs représentaient 0,4%; les artisans, commerçants et chefs d’entreprises- 1,5%. Par ailleurs, la sous-représentation des ouvriers (2,2%) et des employés (8,4%)au FSE était encore plus significative, si nous prenons en compte la part de 56,5% deces deux catégories dans l’ensemble de population259. Les professions intermédiaires sontreprésentées par 21.5% d’adhérents d’Attac-Rhône (44,1% parmi les participants du FSE),et presque deux tiers d’adhérents sont cadres ou exercent des professions intellectuelles260

(contre 42% au FSE).Les adhérents travaillant dans l’éducation sont les plus nombreux (37,1%), auxquels

on peut ajouter ceux travaillant dans le domaine de la recherche (14,3%)261, ce quireprésente une part importante de plus de la moitié d’adhérents (51.4%) ayant une activitéprofessionnelle liée à l‘enseignement. Cela renvoie aux conclusions de l’étude menée

255 Ils sont 51,6% parmi les participants du FSE. GOBILLE Boris et UYSAL Aysen, « Cosmopolites et enracinés »,in AGRIKOLIANSKY Eric et SOMMIER Isabelle (dir.), Radiographie du mouvement altermondialiste. Le deuxième Forum socialeuropéen, La Dispute, 2005, p.107.

256 Diplômés de plus de 2 ans de l’Université, http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATTEF07232257 Les données à partir des fichiers d’Attac consultés en 2002. Voir RULLIERE Sonia, « Géographies militantes d’Attac »,

Hérodote, 2004/2, n°113, p.152-173.258 Institut d’études européennes, “Attac. Une enquête : Qui sont ses adhérents ? Que veulent-ils ? », Document provisoire

publié pour le colloque du 24 mai 2002 organisé à l’Université Paris 8, cité in WATERS Sarah, « A l’Attac. Globalisation and IdeologicalRenewal on the French Left », Modern & Contemporary France, Vol.14, No. 2, May 2006, p.151.

259 GOBILLE Boris et UYSAL Aysen, « Cosmopolites et enracinés », in AGRIKOLIANSKY Eric et SOMMIER Isabelle (dir.),Radiographie du mouvement altermondialiste. Le deuxième Forum social européen, La Dispute, 2005, p. 107-108.

260 L’inconvénient majeur de la formulation de cette question sur les PCS est le fait qu’il était possible de répondre « Inactif,retraité », cela ne permettant pas de repérer le statut socioprofessionnel des cinq répondants qui l’ont choisi.

261 Les discussions informelles et les entretiens révélant que la plupart des militants qui identifient leur secteur d’activité comme« Recherche », sont également enseignants.

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par Thomas Marty sur le bureau local de Toulouse262. Dans son analyse, il montre que,provenant massivement des milieux enseignants, les militants percevaient leur engagementcomme une forme de militantisme intellectuel. Un tiers (31.4%) d’adhérents proviennentdes secteurs de l’administration publique, de la santé et de l’action sociale, à l’opposéde seulement quelque personnes du secteur de commerce, hôtellerie et restauration, etaucun du domaine des finances, de l’immobilier ou de la construction. Nous pouvonsémettre l’hypothèse que leur intérêt à s’informer et à débattre sur des questions politiques,économiques et sociales provient d’une prédisposition et d’une sensibilité liées à leurexpérience professionnelle et leur proximité à la gestion des problèmes sociaux liés àl’accroissement de la précarité et du recul de l’Etat social.

Ces tableaux sont à consulter sur place au Centre de DocumentationContemporaine de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon

Ainsi, nous pouvons rejoindre les nombreux chercheurs263, ayant démontré une mobilitésociale ascendante264 et la situation professionnelle plus ou moins stable, dans leurconclusion que l’altermondialisme « s’ancre en réalité beaucoup plus dans un « radicalismede classe moyenne » qu’il n’est un mouvement issu de populations fortement fragilisées »265.

Notre hypothèse sur la provenance des adhérents d’Attac des courants catholiquesd’éducation populaire ou tiers-mondistes n’était pas confirmée, au moins dans la mesureoù l’autodéfinition comme « non-croyant » prévaut chez les adhérents d’Attac-Rhône266. Il ya trois non-réponses à cette question, ce qui nous rappelle la sensibilité liée aux questionsreligieuses dans le mouvement altermondialiste267.

262 MARTY Thomas, « Le militantisme intellectuel des membres d’ATTAC Toulouse. Disposition enseignante, autodidaxieet légitimité dans un « comité local » », Colloque «Les mobilisations altermondialistes », GERMM, Paris, 3-5 December, http://www.afsp.msh-paris.fr/activite/groupe/germm/collgermm03txt .

263 GOBILLE Boris et UYSAL Aysen, « Cosmopolites et enracinés », in AGRIKOLIANSKY Eric et SOMMIER Isabelle(dir.), Radiographie du mouvement altermondialiste. Le deuxième Forum social européen, La Dispute, 2005, p.105-112. Voirégalement : FILLIEULE Olivier; BLANCHARD Philippe; AGRIKOLIANSKY Eric; BANDLER Marko; PASSY Florence; SOMMIERIsabelle, « L'altermondialisation en réseaux. Trajectoires militantes, multipositionnalité et formes de l'engagement: les participants ducontre-sommet du G8 d'Evian », Politix, vol.17, n°68, 2004, p. 13-48 ; COTGROVE Stephen et DUFF Andrew, « Environmentalisme,middle class radicalism and politics », Sociological Review, n°28-2, 1980.

264 Les résultats de notre enquête démontre une tendance d’ascension sociale chez les répondants, ayant, nombreux d’entreeux, au moins un parent ouvrier (14 réponses, soit 38%).

265 GOBILLE Boris et UYSAL Aysen, « Cosmopolites et enracinés », in AGRIKOLIANSKY Eric et SOMMIER Isabelle (dir.),Radiographie du mouvement altermondialiste. Le deuxième Forum social européen, La Dispute, 2005, p.112.

266 Contrairement à une socialisation religieuse forte, même si remise en question, qu’avait démontrée E.Cruzel dans son étudedes comités locaux de Bordeaux et de Toulouse. Voir CRUZEL, Elise, « Passer à l’Attac » : Eléments pour l’analyse d’un engagementaltermondialiste, Politix, Volume 17 – n 68/2004, p. 135-163.

267 En témoigne la difficulté de se positionner par rapport à T.Ramadan et la question sur le port de voile, qu’il a finalement étédécidé d’éviter à Attac. (Voir WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement?Paris, Editions La Découverte, 2007). La divergencesur cette question dans les milieux altermondialistes (et plus généralement, dans la gauche en France) s’est révélée également dansl’histoire d’Attac-Rhône. Lors d’une soirée commune avec l’association « Diversité » pour débattre sur l’affaire liée à la « loi sur le voileislamique », cette dernière ayant invité T.Ramadan : « Ça a fait hurler des gens à Attac, qui ont claqué la porte » (Delphine, militante,30 ans, doctorante en histoire, A.T.E.R. à Lyon 2, enregistré le 8 décembre 2008 à Lyon), « Ca était un bordel monstrueux. Y a desgens qui nous ont fait ch… pour ça. Fin, c'est tout juste si ils voulaient pas nous jeter dans le Rhône, parce que on avait fait une soiréedébat contradictoire avec Tarik Ramadan. », (Nicolas, ancien militant, 55 ans, au chômage, enregistré le 16 décembre 2008).

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Chapitre II. L’association Attac-Rhône aujourd'hui. « Déclin ou mutation ? »

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1.3. Rapport au champ partisanDans les mouvements altermondialistes et plus particulièrement à Attac268, le rapportavec le champ partisan est marqué par l’ambigüité269, entre le refus d’être associé àl’activité intéressée des grosses machines électorales et l’envie d’avoir un débouchépolitique à son engagement, qui a trouvé une expression dans le projet des listes « 100%altermondialistes » ou dans la participation des militants à des élections dans une démarcheindividuelle. Parmi les adhérents d’Attac-Rhône, la majorité (51,4%) déclarent n’avoir jamaisété membre d’un parti politique. Un tiers d’adhérents ont été et ne sont plus dans unparti politique270 (16,2% parmi les participants du FSE271), ainsi la plupart d’adhérents(83.8%) n’est pas membre d’un parti politique au moment du questionnaire. Nous pouvonsavancer l’hypothèse que l’engagement au sein d’Attac-Rhône provient de l’envie de « fairela politique autrement », où nous amènent les inscriptions et les remarques révélatrices, del’air presque coupable : « PCF (1978) », « un court terme », « PLUS (Hamen) », « PLUS(j’ai honte) »272. tion précédente dans le questionnaire)ciatifs est confirmée par les és. umoins en votant Et seulement 16.2% (18% des participants du FSE en 2003)273 cumulentl’adhésion à Attac-Rhône avec celle à un parti politique, en l’occurrence, le MouvementEcologiste Independent, Parti de gauche (sont indiqué aussi les collectifs AUDACES etGauche Alter Lyon).

Ces tableaux sont à consulter sur place au Centre de DocumentationContemporaine de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon

Cette répulsion peut être expliquée, en partie, par l’autodéfinition à l’extrême-gauchedes adhérents d’Attac-Rhône, où l’espace partisan est moins important et moins bienstructuré, qu’à la gauche modérée ou centre. Le tiers (31.3%) des adhérents d’Attac-Rhônese situent à l’extrême gauche (case 1) sur l’échelle de 9 grades d’identification partisanegauche/droite. Les deux tiers (68.7%) se positionnent dans les cases de 2 à 4 sur l’échelle.Parmi les cinq non réponses (13.5%) à cette question, la réaction était la suivante: aucunecase n’a été marquée pour trois des répondants ; dans le quatrième, l’absence de réponseest accompagnée par une remarque : « Ni gauche, ni droite = altermondialiste », ou,dans le dernier cas, l’échelle tout simplement barrée. Une autre remarque laissée par unrépondant se positionnant à l’extrême gauche, est : « avec armes pacifiques ». Ainsi, nosdonnées ont confirmé le rapport ambigu aux partis politiques chez les adhérents et lesmilitants d’Attac-Rhône. Nous verrons au plus près le rapport des militants de l’associationau champ partisan et à l’action politique dans la partie suivante de notre raisonnement.

268 E.Cruzel a démontré la tendance anti-institutionnaliste chez les fondateurs d’Attac à Bordeaux et à Toulouse, qui, en cherchantde réaliser leur intérêt pour le politique, s’investissent à Attac. Voir CRUZEL, Elise, « Passer à l’Attac » : Eléments pour l’analyse d’unengagement altermondialiste, art.cit., p. 135-163.269 MATHIEU Lilian, « La constitution du mouvement altermondialiste français », Critique internationale, art.cit., p.147-161.270 Quatre anciens partisans du Parti communiste français (PCF), deux provenant du Parti socialiste unifié (PSU), du Parti socialiste(PS), du Parti des Verts et de Gauche Alter Lyon, mais aussi de la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR), Parti de Gauche (PG)et le Parti des travailleurs (PT).271 GOBILLE Boris, « Les altermondialistes : des activistes transnationaux ? », Critique internationale, N°27, avril-juin 2005, p.141.272 Ainsi, l’analyse qualitative des données quantitatives peut s’avérer source des nouvelles données. Voir, FAVRE Pierre et OFFERLEMichel, « Les performances cognitives des étudiants français », Revue française de science politique, n°2-3, vol.52, 2002, p. 201-232.273 28,7% du PCF, 27% du PS, 16,9% de la LCR et 12,1% des Verts. Voir GOBILLE Boris, « Les altermondialistes : des activistestransnationaux ? », art.cit., p.141.

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Parmi les adhérents d’Attac-Rhône nous pouvons remarquer une certaine corrélationentre l’adhésion à un parti politique et leur positionnement sur l’échelle gauche-droite.Parmi ceux qui se sont mis à l’extrême gauche, 28,2% ne sont pas membre d’un parti

politique (21.9% ne l’ont jamais été), parmi ceux qui sont en 2ème et 3ème position del’extrême gauche, 34.4% et 21.9% ne sont pas membres de parti politique au moment duquestionnaire.

Nous pouvons constater que parmi les adhérents se déclarant d’extrême gauche,28.1% définissent leur engagement comme militantisme. Par ailleurs, parmi les partisansd’extrême gauche 21.9% n’ont jamais été membre d’un parti politique. Nous pouvons doncsupposer que l’engagement à Attac constitue pour eux une forme d’activité politique, enopposition à la forme « traditionnelle » de l’engagement politique au sein de parti.

1.4. Eléments de socialisation politiqueRien d’étonnant d’avoir des lecteurs assidus parmi des militants au capital culturel élevés’engageant dans une organisation d’éducation populaire et de production et diffusion del’expertise. Parmi les médias les plus lus sont Politis et Le Monde diplomatique (15 et16 répondants, respectivement). Les autres journaux les plus lus sont « Le Monde » et« Le Canard enchaîné » (8 répondants pour chacun), « Siné hebdo » (7 répondants) et« Alternatives économiques » (6 répondants). Politis est presque unanimement acceptécomme un journal digne, nous avons envie de dire, d’être lu par les militants d’Attac274. Parailleurs, il est considéré d’être « très proche d’Attac, ca veut dire que c’est tendance trèsaltermondialiste, très écolo » : « ils ont soutenu la candidature Bové, par exemple, en 2007.Fin, c’est plus compliqué que ça, parce qu’ils ont pas voulu trancher entre Bové, Besancenotet Buffet, mais bon, si on lisait plutôt entre les lignes, ils étaient plutôt pour Bové. Puis, jecrois que dans le dernier numéro, ils ont pris position pour Bové.(…) De toute façon, c’estdes gens [Michel Husson, Jean-Marie Harribey, et d’autres membres du Conseil Scientifiqued’Attac] qui font des chroniques dans la « Politis » justement. (…) Certains membres duCS écrivent des chroniques en « Politis ». Il faudrait même le dire dans le sens inverse :tous ceux qui font des chroniques économiques à « Politis », sont membres du Conseil

Scientifique d’Attac, c’est plus dans ce sens-là que je voulais dire » 275 . Ainsi, nous pouvons

constater que la lecture de Politis s’est substituée au Monde diplomatique dans son rôleprépondérant du facteur de socialisation du militant d’Attac.

Le questionnaire a permis de confirmer l’hypothèse sur la multipositionnalité desadhérents d’Attac-Rhône, un fait établi pour les militants altermondialistes276, et plus

274 Pendant les entretiens, la mention des journaux comme « Le Monde », « Le Monde Diplomatique » est suivi par des réservescomme « j’ai aussi un peu feuilleté « Le Monde diplomatique », je le lis un peu de temps en temps », « Ça m’énerve prodigieusementde lire le Monde en fait », « je ne suis plus abonné ». Par contre, le Politis, lu par quasiment tous les militants d’Attac-Rhône, est pourun interviewé le seul journal auquel il est abonné, pour l’autre le seul journal qu’il lit, à côté d’autres médias comme « Acrimed » (ActionCritique Média) et « Plan B ».275 Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.

276 AGRIKOLIANSKY Eric et SOMMIER Isabelle Sommier (dir.), Radiographie du mouvement altermondialiste. Le deuxièmeForum social européen, La Dispute, 2005 ; AGRIKOLIANSKY Eric, FILLIEULE Olivier, MAYER Nonna (dir.), L’altermondialisme enFrance. La longue histoire d’une nouvelle cause, Paris, Flammarion, 2005.

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généralement, pour les adhérents des associations en France277. Seulement septpersonnes ne sont membre d’aucune autre organisation qu’Attac-Rhône. La majorité(81%)278 des adhérents participent à d’autres types d’organisations ou de syndicats, et ilssont 35% à appartenir à plus d’une organisation à part Attac-Rhône. 15 répondants (41%) sont syndiqués (SNES FSU, Confédération paysanne, SGEN, CGT, CFDT, Solidaires,SUD recherche, SNUI impôts, SNUIPP FSU, SNESUP). Sept (19%) sont membre d’uneorganisation antiraciste, pour les sans-papiers ou de solidarité avec les étrangers :Réseau éducation sans frontières (RESF), Mouvement Solidarité Internationale (MSI),Tiberius Claudius, Forum des quartiers populaires. Cinq (13,5%) sont impliqués dans lesorganisations de solidarité Tiers Monde/action humanitaire : France Cuba ou encore duComité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD). Quatre sont dansl’organisation écologiste et, ou antinucléaire : Sortir du nucléaire, Démographie et écologie,Agir Ici OXFRAM, Les Amis de la terre. Deux sont membre d’Agir contre le chômage (AC !)de Lyon279.

Ainsi, les adhérents et militants d’Attac-Rhône ressemblent au public altermondialistedu FSE de Paris, et correspondent, en grande partie, à l’image médiatique des militantsd’Attac : au capital culturel important, ils exercent des professions intellectuelles etappartiennent aux classes moyennes, sont caractérisés par un rapport majoritairementméfiant au champ partisan et une multi-appartenance aux associations d’action sociale,humanitaire ou groupes syndicaux. Par contre, ils sont plus âgés et non-croyants, sont plusnombreux à être passé par un parti politique.

Quels types d’action déploient les militants d’Attac-Rhône envers un tel public et quelest le rapport entretenu entre l’organisation et ses adhérents ?

2. Les activités actuelles d’Attac-RhôneMaintenant que nous avons dressé le profil des adhérents du comité Attac-Rhône,récepteurs de la production du travail militant et indicateurs de la demande qu’existe pourun tel travail, nous pouvons mieux comprendre le fonctionnement de l’association et ledéroulement de l’engagement des militants en son sein.

Le comité d’Attac-Rhône est « réputé pour être assez dynamique » lors de l’enquêtemenée en 2001 par J.Gervais; il « compte plus de huit cents adhérents et préside lacoordination Méditerranée qui regroupe un ensemble de comités travaillant sur les relations

277 Parmi les adhérents associatifs 30% sont membres de deux ou plus d’associations. Voir PROUTEAU L. et WOLFF F.-C., « La participation associative au regard des temps sociaux », Economie et statistique, n° 352-353, 2002. http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/ES352-353C.pdf .

278 Parmi les participants du FSE en 2003 à Paris, 78% déclarent appartenir à au moins une organisation, et 65% y sontmembres actifs. Voir FILLIEULE Olivier et BLANCHARD Philippe, « Carrières militantes et engagements contre la globalisation »,in AGRIKOLIANSKY Eric et SOMMIER Isabelle Sommier (dir.), Radiographie du mouvement altermondialiste. Le deuxième Forumsocial européen, La Dispute, 2005, p.157-183.

279 L’appartenance au syndicat est la 2e réponse la plus répandue (24%) après « le mouvement altermondialiste » chezles participants du FSE. Ensuite suivent « mouvement humanitaire/aide au développement » (22%) et « mouvement écologiste/antinucléaire » (18%). Voir FILLIEULE Olivier et BLANCHARD Philippe, « Carrières militantes et engagements contre la globalisation »,in AGRIKOLIANSKY Eric et SOMMIER Isabelle Sommier (dir.), Radiographie du mouvement altermondialiste. Le deuxième Forumsocial européen, La Dispute, 2005, p.162.

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avec l’Afrique du Nord » et « entretient des relations relativement « harmonieuses » avecles instances nationales »280, contrairement au comité de l’Isère, par exemple.

A ce jour, nous savons que trente neuf personnes sont adhérentes à Attac-Rhônedepuis 1999 sans interruption281. Nous supposons, qu’ils incluent, d’une part, les persistants282 , les militants qui restent actifs malgré la désaffection des adhérents et le turn over

283

militant et maintiennent le fonctionnement de l’organisation284, et ceux, d’autre part, qui luigardent une fidélité d’intensité suffisante pour renouveler l’adhésion pendant dix ans : quiont été majoritairement, il nous semble, militants actifs d’Attac-Rhône dans le passé et sesont désengagés pour un des facteurs que nous allons analyser au plus près dans le dernierchapitre.

Le nombre des administrateurs qui siègent au Conseil d’administration était prévu parle Règlement intérieur285 comme vingt (14 personnes physiques et 6 personnes morales)et a été respecté pendant les années d’essor de l’association286. L’an 2008 ils étaient neuf(huit personnes physiques et une organisation, Comité pour l'annulation de la dette duTiers Monde (CADTM)287, pour l’année 2009 ils sont onze avec, notamment, l’élection dequatre nouveaux élus (et relativement plus jeunes, dans une tranche d’âge 20-35 pour deuxd’entre eux) et la réélection d’une adhérente en tant que représentante de l’association AC !de Lyon. Cela, il nous semble, a contribué à raviver l’association. Si à la fin de l’année2008 les militants expliquaient le manque d’activités par l’insuffisance des ressourceshumaines, l’arrivée des nouveaux élus, mais aussi la nouvelle conjoncture sociopolitique,plus propice à l’activité militante et à la création des convergences et à l’alignementdes efforts communs288, - semblent susciter plus d’effort d’organisation des événements

280 GERVAIS, Julie. Les acteurs et le « système d’Attac » : entre mutations du militantisme et nouveaux engagements citoyens.D.E.A. de Science politique de Lyon, septembre 2001, p.15.

281 Statistiques internes du comité Attac-Rhône (Voir l’Annexe).282 KLANDERMANS Bert, « Une psychologie sociale de l’exit », in Fillieule Olivier (dir.), Le désengagement militant, Paris,

Belin, 2005, p.107.283 Le concept de turn over renvoie aux cycles de désaffection et de renouveau des effectifs militants, de successions des

cohortes militantes. (Voir FILLIEULE Olivier, « Propositions pour une analyse processuelle de l’engagement individuel », Revuefrançaise de science politique, vol.51, n°1-2, février-avril 2001, p.213-214). Cohortes sont définies non pas comme « communautéd’âge », mais la « communauté d’adhésion », dans FILLIEULE Olivier (dir.), Le désengagement militant, Paris, Belin, 2005, p.255.

284 Ils sont six interviewés dans notre échantillon d’avoir participé à la fondation d’Attac-Rhône (entretiens N° 2, 5, 10, 14, 15et 17) et trois y sont actifs toujours aujourd'hui (N° 2, 5 et 14).

285 Règlement intérieur de 2002. Voir l’Annexe.286 Un militant d’Attac-Rhône témoigne que étant statutairement 13 au bureau, ils étaient toujours une vingtaine, et avec une

composition de 20 au CA, les réunions réunissaient une quarantaine de personnes. Entretien cité in GERVAIS, Julie. Les acteurs etle « système d’Attac » : entre mutations du militantisme et nouveaux engagements citoyens. D.E.A. de Science politique de Lyon,septembre 2001, p.115.

287 Fichiers du comité Attac-Rhône.288 La structure des opportunités politiques est un concept élaboré à partir des années 1970 pour désigner le lien entre

la configuration du champ politique et les mobilisations sociales. Le degré d'ouverture et de vulnérabilité du système politique auxmobilisations, favorable ou non, est défini selon quelques critères : la réceptivité et la tolérance du système politique, la stabilitédes alliances politiques, les moyens de relais et la capacité d'un système politique à développer des politiques publiques. Pour lacritique du concept voir : MEYER David et GAMSON William « Framing Political Opportunity », in Doug McAdam, J.McCarthy, M.ZaldComparative Perspectives on Social Movements. Political Opportunitites, Mobilizing Structures, and Cultural Framings, Cambridge,

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(des collectifs et des convergences à l’image de l’ « Appel des appels »289 ou CollectifUnitaire des Travailleurs Sociaux (CUTS) et de prise en charge des questions spécifiquesà débattre (les quelques dernières réunions du CA étant consacrées à la discussion desthématiques spécifiques : les services publics et la Palestine le 21 janvier ; les réformes del’enseignement, les services publics et la Palestine290 le 18 février ; le rôle d’Attac dans latraduction des politiques européennes au niveau hexagonal et sur les services publics, laveille de la grève national, le 18 mars ; le projet de la Constitution européenne « Plan P »élaboré par le groupe « Construction Européenne , le 22 avril ; la réforme des statuts d’Attacet le Manifeste pour les « produits de haute nécessité » le 27 mai).

Les réunions du CA, qui ont lieu toujours, même s’il n’y a plus besoin du fait du petitnombre des participants, à la Bourse du Travail, et servent souvent pour faire le pointsur les activités passées ou planifiées, débattre sur une question, tandis que les réunionsdu Bureau, ont lieu dans les locaux à la Maison des Passages et sont généralementconsacrées à la gestion administrative de l’association, à la dimension organisationnelledes événements. Si les réunions du CA font souvent venir un plus grand nombre d’élusaussi que deux ou trois adhérents ou anciens militants, les réunions du Bureau sont moinsfréquentées, mais, néanmoins, plus animées dans la nouvelle année 2009. Les comptes-rendus des bureaux et du CA respectent les exigences formelles de restitution de la réunion,sans manquer de l’humour :

« Y. nous à speaker de l’intercompréhension de las linguas. Méthode que nousmettrons très rapidement en pratique à Attac Rhône. Le groupe Constructioneuropéenne associé à d’autres groupes travaillant sur l’Europe en Europe,prévient le CA d’un prochain devoir. Leur travail, plan P, pour plan du peuple,constitution idéale, sera bientôt à apprendre par cœur.”291 Ou encore, « Étaientprésent-e-s : Amandine, A. (échappée in extremis des griffes des brutespolicières), N, Y. (le news homme), C. (et son doudou portable), S., Fabien,O. (scribe de la réunion). Était excusé : F. (qui s’est réuni seul, cette semaineà la Bourse du travail)… Rendez-vous Attac Rhône [pour la manifestation

du 1 er mai] à 9 h 45 devant l’école primaire place Jean Jaurès. Au cas oùvous croiseriez des syndicalistes, il faudra les photographier, car nous ne lesreverrons pas de sitôt (dans cinq mois au mieux)»292.

Cet aspect créatif fait partie d’une dimension culturelle significative dans les activités d’Attac-Rhône293 et dans la mouvance altermondialiste294 plus généralement.

Cambridge University Press, 1996; MATHIEU, Lilian, « Rapport au politique, dimensions congitives et perspectives pragmatiques dansl’analyse des mouvements sociaux », Revue française de science politique, vol.52, n 1, février 2002, p.75-100.

289 Appel de convergence des luttes des domaines allant du travail social jusqu’à la culture, http://www.appeldesappels.org/290 Néanmoins, l’initiative de susciter une « discussion plus politique et économique sur la Palestine » avait eu « 7 réponses

dont 3 Attac Rhône ». Compte-rendu du Bureau, le 11 février 2009.291 Compte-rendu du Bureau, le 11 février 2009: “Resoconto die Vergadering of the 11th febrero”292 Compte-rendu du Bureau, le 29 avril 2009.293 Attac-Rhône, très impliqué dans le groupe Méditerranée, ayant été fortement engagé pour les problèmes du fonctionnementd’Attac Tunisie, a parvenu à organiser une action théâtralisée d’occupation de Tunis Air, cité in GERVAIS, Julie. Les acteurs et le« système d’Attac » : entre mutations du militantisme et nouveaux engagements citoyens. D.E.A. de Science politique de Lyon,septembre 2001, p.137-138.294 Pleyers G. (2006) Sujet, expérience et expertise dans le mouvement altermondialiste, Thèse de doctorat, EHESS.

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Pour attirer le public aux réunions il est souligné dans le calendrier, renvoyé sur laliste « Rhonediffuser », qu’elles sont ouvertes « à tout-e-s ». Les réunions du bureau« permettent de travailler, de réfléchir et de discuter les actions et les thèmes en préparationà Attac Rhône ». Mise à part les rencontres, un autre moyen important du maintien delien avec les adhérents, sympathisants et d’autres, est la communication électronique295.Nous avons trouvé une hiérarchie des listes existantes de diffusion assez révélatrice de lastructuration du public d’Attac-Rhône. La liste « Rhonediffuser » a environ 800 inscrits, c’estune liste de diffusion globale d’Attac Rhône. La liste « Actifs » avec environ 80 inscrits estune liste de diffusion du travail mené par les militants, l’inscription sur laquelle est faite surdemande au bureau. Enfin, la liste « Travail » avec une quinzaine d’inscrits, membres duCA et proches, n’est destinée qu’à faire passer des documents techniques pour validationpar le CA296. On peut estimer le nombre des militants actuellement plus ou moins impliquésdans la vie de l’association équivalent au nombre des inscrits à cette dernière liste, donc,une quinzaine.

L’autre moyen de communication est le « Grain de sable », le bulletin bimestriel d’Attac-Rhône qui sort depuis mars 1999, informant les adhérents sur « le travail de l’associationet du mouvement altermondialiste », où « les articles peuvent être proposés par l’ensembledes adhérent-e-s »297. Il a passé à un tirage de 500 exemplaires en 2009 de 1000 en l’annéeprécédente (250 était le nombre le nombre des photocopies de la première édition en mars1999298). Sa production matérielle est en grande partie confiée à un militant, qui en arrivantà l’association en 2002, cherchait et a trouvé la façon de s’investir et d’être utile, mais a l’aird’élaborer une certaine critique envers son monopole sur l’édition actuellement :

« Et puis, tout s’est reposé sur moi. I. aussi, à un moment donné, a un peu lâchéla main du journal. Et bah, tout m’est tombé dessus, en fait. Donc, aujourd’hui jesuis rédacteur-en-chef, maquettiste et presque, je mets ce que je veux dedans, enfait. Je fais ma propre propaganda » 299 .

Les groupes de travail se composent de plusieurs adhérents intéressés par certainequestion qui se réunissent pour s’informer, discuter, formuler les problématiques et définirle mode de travail du groupe, qui, ensuite, peut déboucher à des actions dirigées versl’extérieur. Ils étaient une quinzaine dans la période de l’essor du bureau d’Attac-Rhône(1998-2002) avec des dizaines de participants chacun. Avec la diminution des effectifs et ledépart des militants, leur nombre s’est réduit, les actions à l’extérieur ont diminué, jusqu’àce qu’il en reste quatre, qui se réunissent effectivement, à la fin de 2008: le groupe surla Construction Européenne, le groupe « Ecologie et société », le groupe « Eau/CCSPL(Commission consultative des services publics locaux du Grand Lyon) », et le groupe dutravail sur l’émission radio. D’autres groupes, toujours inclus dans la liste en 2008300, sont

295 Sur le lien entre le principe démocratique et l’usage de l’Internet à Attac, voir : Trautmann (Flore), Internet au service dela démocratie ? Le cas d’ATTAC, Cahiers du CEVIPOF, 30, 2001.

296 Compte-rendu du Bureau, le 11 février 2009: “Resoconto die Vergadering of the 11th febrero”297 Liste des groupes de travail d’Attac-Rhône, 2008 (Voir l’Annexe).298 Procès-verbal du Bureau, le 14 mars 1999.

299 Jérôme, militant, 38 ans, agent administratif à temps partiel dans une association, enregistré le 7 novembre 2008 à

Lyon.300 Liste des groupes de travail d’Attac-Rhône, 2008 (Voir l’Annexe).

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considérés encore « existants », mais en « état off », par les uns, et « coquilles vides »301,par les autres.

Pour comprendre les logiques du fonctionnement d’Attac-Rhône aujourd'hui, le plusinstructif, il nous semble, serait de se centrer sur les deux suivants, « ConstructionEuropéenne » et le groupe de production de l’émission à la radio. Ils sont les plus actifs etrévèlent plus que les deux autres les liens entre le travail militant et le public, mais aussiles logiques de l’engagement des acteurs au sein d’Attac-Rhône qui se matérialise dans letravail au sein de ces groupes.

Le groupe « Construction européenne », un des deux groupes qui travaillaient pendantla campagne référendaire de 2005 sur le thème d’Europe, mais sous les angles différents302,- est le plus productif en textes. Le plus grand chantier de ce groupe, un projet d’une« constitution des peuples européens » Plan P303 avait pour le but « de lancer le débatet de proposer des solutions pour ne pas uniquement s'opposer aux propositions de nosgouvernements»304 et a été mené en collaboration avec des militants d’Attac Torino. Laconférence de presse pour présenter le projet, le 12 mai 2009 à la MJC du Vieux Lyon,

a attiré deux médias (Métro et Radio Lyon 1ère)305, et le café-débat au Café des TablesClaudiennes, le 18 mai, « deux personnes, hormis les membres du CA ». Le soir du 19 mai laprésentation, à la librairie Terre des Livres, du livre édité par Attac France « Europe à quitteou double », par le co-auteur, militant du groupe – a réuni trois personnes. « Décevant sur lenombre de présents mais les personnes qui sont venues étaient cependant intéressées. Le

groupe Europe continue par ailleurs son travail sur les pages Europe de Wikipédia 306 , dont

la fréquentation augmente ces derniers temps»307. Or, ce groupe, les fruits du travail duquelne suscite pas tant d’intérêt d’adhérents, est très apprécié par les militants d’Attac-Rhône.Aujourd'hui, impliqué également dans la Commission nationale Europe, collaborant avecd’autres groupes locaux européens, ayant envoyé un représentant à l’Université des Attacd’Europe à Sarrebruck en aout 2008, il monopolise l’attention, le poids symbolique comme« celui qui travaille », mais aussi est le seul lieu, où se définit la position de l’association surles questions liées à l’Europe, depuis l’arrêt de l’autre groupe, dont l’orientation est toujoursplus proche pour certains militants :

301 Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.302 L’autre groupe « Politiques européennes », comme son nom en témoigne, se centrait sur le contenu des politiques

néolibérales menées par l’Union Européenne et existait entre 2002 et 2005, ses membres s’étant petit-à-petit démobilisés après lavictoire le 29 mai, tandis que le groupe « Construction Européenne » explique le défaut démocratique dans l’Europe par les structuresorganisationnelles existantes qui ne sont pas capable d’assurer la réalisation de la volonté des peuples. L’approche différente desdeux groupes constitue un véritable « clivage » (qui se montre moins avec l’arrêt du fonctionnement du groupe sur les politiqueseuropéennes, mais existe toujours), les adeptes du premier accusant le deuxième d’être « idéaliste » et avoir une approche trop« abstraite », Florian, militant, 31 ans, doctorant en histoire, enregistré le 25 novembre 2008 à Lyon.

303 Présentation du projet « Le plan P, une constitution pour les peuples d’Europe », le 25 mars 2009, http://local.attac.org/rhone/article.php3?id_article=1104 .

304 Compte-rendu du Bureau, le 8 avril 2009.305 Compte-rendu du Bureau, le 13 mai 2009.306 Un autre axe de travail de ce groupe est la rédaction des articles (le Parlement européen, la Commission européenne, la

Court de Justice européenne et le Conseil européen) sur Wikipédia.307 Compte-rendu du Bureau, le 20 mai 2009.

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Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône

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« Certains étaient dans la logique suivante : il y a un groupe de travail, laissonsles travailler, c’est formidable ce qu’ils font, qu’ils travaillent, mais surtout qu’onne s’intéresse, qu’on cherche même pas à saisir de leur position, on cherchemême pas à en faire un objet de débat, de toute façon, l’importance c’est qu’ilstravaillent. A la limite, ils représentent Attac-Rhône, c’est même presque ça,c’était presque logique comptable, je sais pas. Il y a une espèce de logique : oh, ily a un groupe d’Attac-Rhône qui travaille. En plus de ça, ils arrivent à porter leurstravaux au niveau de la Commission nationale et ça c’est vrai. J’avais toujoursmal à comprendre comment est-ce qu’ils arrivent à trouver un débouché, maisc’est vrai. (…) Je sais très bien que S., il arrive à porter, il arrive à défendre cestravaux, à défendre ce qu’il fait, défendre ses idées à la Commission nationale sur

l’Europe. » 308

Un autre groupe, le plus fréquenté par des militants, est groupe radio qui prépare lesémissions, homonyme au bulletin, « Grain de sable », diffusées de 2000 à 2005 sur Plurielfm91.5, ensuite de 2005 à la fin de 2008 sur RCT 99.3Mhz, avant son passage au numériqueet « sa mutation vers "rct cap sao" »309. Les objectifs de ce mode d’action sont de « relayerl’actualité d’Attac-Rhône, réaliser des émissions thématiques pouvant servir de supportpédagogique, action de communication »310. Le responsable de RCT a estimé en 2006 letaux d’audience de la radio comme 0.5 d’audimat, soit 6 500 auditeurs311. Auparavant leplus souvent les émissions présentaient les résultats du travail des groupes de réflexion,donc, portaient sur les thèmes d’écologie, sur l’agriculture, la Politique agricole commune(PAC), la finance, les services publics. Aujourd'hui, le plus souvent, les thématiques sontdéfinies en fonction de disponibilité et d’accès aux interlocuteurs, les questions intéressantles membres du groupe, ou des hasards, comme c’était le cas après la rencontre d’unmilitant du Parti Communiste Iranien, qui a donné lieu à l’émission « Répression politiqueet syndicale en Iran »312. Jusqu’à que la question de continuité entre le comité Attac-Rhôneet le travail du groupe radio surgit :

« Il me semble, que la question qui se pose, c’est peut-être plus, de savoirdavantage si, quand on fait de la radio, vraiment, on est dans l’Attac. Est-ce quevraiment on fait du, est-ce que c’est une émission d’Attac, ou est-ce que c’estun travail de groupe qui s’est complètement autonomisé, est sorti finalement dela logique d’association. Bon, il me semble qu’on est un peu entre les deux. Jepense que d’abord, il y a une espèce de, il y a vocabulaire reflexo-militant qui estcomplètement présent, une façon de s’exprimer… Parfois, j’ai l’impression queça m’échappe presque, qu’il y a une façon de poser des questions, une façon deraisonner peut-être tout simplement qui me vient encore, en partie, d’Attac. Unesprit militant, tout simplement, il y a un esprit militant qui guide les émissions.Bon, après, ça se mélange peut-être avec d’autres choses, peut-être d’autres

308 Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.309 « Grain de Sable radio », http://www.local.attac.org/rhone/rubrique_texte.php3?id_rubrique=93 .310 Ibid.311 Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.312 Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon. Pour écouter l’émission : http://www.local.attac.org/rhone/article.php3?id_article=1286 .

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types d’émissions, ou une autre façon de faire des émissions. Mais après, dansle sens inverse, dans quelle mesure est-ce que la radio peut produire des chosesen direction d’Attac-Rhône et vraiment des membres d’Attac-Rhône. Bah, s’ilsécoutent les émissions, ils peuvent en faire ce qu’ils veulent, mais on sait qu’il ya peu de gens qui nous écoutent au sein d’association, donc… De toute façon,la radio, elle a été à une époque, l’émission, je veux dire, elle a été assez bien,il me semble, à une époque elle a été un peu intégrée dans le groupe, le noyaumilitant, parce que il y en avait quand même des personnes qui nous écoutaient.Pas énormément, mais disons que dans le noyau militant y en avaient certainsqui nous écoutaient. Aujourd’hui c’est plus le cas. »313

Fin 2008 la diffusion est arrêté sur RCT, et le groupe se charge pour trouver une autre radio.Finalement, la reprise de l’émission est prévue le 26 mai sur la radio Canut, 102.2FM aprèsde longues négociations des conditions de cette collaboration. L’équipe de la radio Canut,ne voulant pas que «la plus rebelle des radios!» soit associée à Attac, qui n’est, à leurs yeux,pas assez anarchiste et critique314, a demandé la moindre identification avec l’associationpossible. Cela a donné lieu à une discussion agile dans un Conseil d’administration d’Attac-Rhône le 22 avril 2009 et a abouti à des concessions, telles que l’absence de mention dunom « Canut » sur le site Internet d’Attac-Rhône, où est maintenant annoncé que « nosémissions reprendrons bientôt sur "la plus rebelle des radios" de Lyon sur 102.2 Mhz »315,ou l’absence de référence à Attac au cours de l’émission. Ainsi la mention sur la provenancede l’émission de l’« association Attac-Rhône » dans le générique est la seule référence aucomité qui est gardée. L’argumentation316 lors de discussion et la décision prise relève d’unmalaise des militants qui oscillent entre une volonté commune de poursuivre la mission (etaussi, regagner un des modes de communication, qui suscite toujours de l’initiative desmilitants) et la réticence devant la condition d’anonymat.

Ces deux exemples relèvent les logiques du fonctionnement d’Attac-Rhône aujourd'hui,en décalage entre le projet des militants et les contraintes exercées par le manque desmoyens de relayer l’action militante et de la réceptivité du public.

Entre autre, le rôle fédérateur des mouvements et organisations, joué par Attac depuissa fondation, a été tenté d’être repris, notamment, dans son implication d’organiser uneaction à l’écho du Forum Social Mondial décentralisé le 26 janvier 2008, dans la constitutiondu collectif « Appel pour la Poste 69 » pour relayer la campagne lancée au niveau national,et à travers l’organisation d’une action en parallèle au Forum social européen de Malmö le27 septembre 2008, le Forum Social Local (FSL). Le résultat du dernier, ayant suscité plutôtdes réactions positives des organisations participantes, a reçu un « avis plutôt négatif »des militants d’Attac-Rhône, du fait que « la place n’était pas adéquate pour ce genre demanifestation car peu passante ; beaucoup de travail et peu de retour, peu de public… ;gros manque de communication ; manque d’implication de plus d’associations et des

313 Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.314 Selon les témoignages des militants d’Attac-Rhône.315 http://www.local.attac.org/rhone/rubrique.php3?id_rubrique=93 .316 Selon nos notes prises pendant l’observation : « Pour pouvoir intégrer à un tel milieu militant comme Canut, il faut assouplirla référence identitaire à Attac . C’est le contenu et pas la forme, et c’est cette dernière qui risque de coincer. De toute façon surRCT on l’annonçait pas, le mot « Attac ». Pourquoi insister maintenant ? – Etant donné que Canut est venu nous chercher... », laréunion du CA, le 22 avril 2009.

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syndicats » 317 . Ainsi, si l’avis de organisations comme « Les Alternatifs », Audaces, la

LCR, Pro-Fal 69 ou Man sont plutôt positifs, les militants d’Attac-Rhône ont exprimé leurdéception en manque d’intérêt de la part du public, probablement, du aux attentes plusélevées que celles des organisations précitées : « d’autant plus qu’à rentrée, la premièreréunion laissait espérer plus de monde et donc un événement fort »318, selon Attac.

Nous apercevons, à travers ces exemples, un certain décalage entre les effortsdéployés envers le public, et le manque de réaction de sa part, encore plus pesant pourdes militants de « vielle garde », conservant dans la mémoire les temps de fréquentationimportante. D’une part, cela peut être expliqué par la difficulté croissante d’entretenir, dediversifier et d’accroitre l’offre des activités dans les conditions de diminution des effectifsmilitants et adhérents : le « noyau dur » est peu nombreux. Nous nous apercevons quedans le calendrier envoyé quasiment toutes les semaines sur la liste de diffusion : parmi lesévénements annoncés, seul sont organisés par Attac-Rhône les bureaux, les réunions duCA, la diffusion du « Grain de Sable » (qui, rappelons n’avait pas eu lieu entre le 20 décembre2008 et le 26 mai 2009), une conférence sur la crise dans le Groupe Attac Sud-Ouest et unerencontre (conjointement avec l’association Formation Action Citoyenne (FAC)319) avec lecollectif SDF Alsace, organisées en novembre 2008, deux café-débats : sur la Poste et le« Plan P », une projection-débat du film sur N.Chomsky. Sinon, le nom Attac apparaît pourles projections du cycle « Autres regards » (Attac-Rhône fait partie du collectif) ou encorepour l’annonce des activités de la FAC (où sont impliqués de nombreux anciens militantsd’Attac-Rhône). Les activités proprement “atakiennes”320 sont moins nombreuses que dansles années précédentes, et la réceptivité diminuée de la part de l’ancien public pèse sur lesanciens militants : nous ressentons cela dans l’esprit de «dépérissement » dans les proposet les activités des militants. Cela est expliqué souvent par eux par un repli sur soi-même, lemanque des modes de diffusion auprès du grand public, en partie du à la capacité moindrede rassembler les organisations et monter les actions communes.

« Alors, le G8, il était en juin 2007, donc l’invitation, on avait du commencéça en février. Donc, voila c’était entre février et juin, on a fait ça. On voulaitfaire un événement, une espèce de contre-sommet à Lyon avec un événementassez imposant, etc. On avait envoyé l’invitation à toutes les organisations,associations, syndicats, partis politiques. Peu qui ont répondu. Ca a tombépendant les Présidentielles et tout. On a fait énormément de travail pourfinalement aboutir à écrire qu’un tract, qui était signé par 5 ou 6 organisationset Attac, on était les seuls à avoir diffusé. Ça a pas été un gros succès, assez

catastrophique (rire).” 321

317 Compte rendu bilan FSM, 29 octobre 2008 (Voir l’Annexe).318 Ibid.319 L’association d’éducation populaire Formation Action Citoyenne (FAC) organise des conférences et des cycles des cours

sur les thématiques diverses, proches de celles travaillées par Attac : les conditions de travail, l’éducation populaire, l’Europe, la crisefinancière, etc. « Depuis l’origine, FAC, association d’éducation populaire, s’est donné pour objectif de travailler pour que les citoyensles plus précarisés puissent retrouver les moyens de comprendre la société dans laquelle ils vivent et se réapproprient des moyensd’agir sur le monde ». www.la-fac.org

320 Adjectif emprunté dans une convocation au Conseil d’administration, mars 1999.321 Lucie, militante, 20 ans, étudiante en sociologie en Master 1, enregistré le 12 novembre 2008 à Lyon.

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Le nombre de militants actifs en diminuant ces dernières années a eu un impact importantsur le fonctionnement de l’organisation. La division du travail militant permet l’organisationplus effective des actions, car souvent elle est opérée selon les capitaux militants322 acquisprécédemment et aptitudes et préférences individuelles. Dans les conditions des ressourcesmilitantes limitées, l’initiative d’une action souvent demande une personne de s’occuperde toutes les dimensions organisationnelles, tuant l’idée en germe. Les effectifs militantsprésents s’occupent de la gestion administrative de l’association, des initiatives que nousavons décrites jusqu’ici, mais la présence d’Attac-Rhône dans l’espace militant Lyonnaisne peut pas être limitée à cela. Les anciens militants (leur provenance d’Attac-Rhône esttoujours soulignée) véhiculent le nom de l’association lors de leurs activités, notamment à laFAC. Les administrateurs actuels d’Attac-Rhône, sont, à leur tour, contraints par les tachesadministratives au quotidien et le maintien de l’activité du comité :

« Si je pouvais faire en sorte de ne plus être élu, mais de continuer être actif,ça m’intéresserait beaucoup, sauf qu’il y a plus personne pour se présenter.(…) On trouve plus personne pour se présenter pour venir dans les bureaux. Al’époque où je suis arrivé (…) les réunions étaient pleines, quand on avait les CAà la Bourse de travail, y avait facilement 40-50 personnes, donc ce que tu voisaujourd’hui le mercredi – c’est difficile à vivre pour nous, et c’est pour ça que jeveux, (…) qu’il faut qu’on arrête de faire, de traiter l’administrative parce qu’onva… faire qu’un travail qui est routinier et pénible et qu’il faut qu’on s’y mettentà nouveau à réfléchir et qu’on puisse intervenir à l’extérieur, ce qu’on est pascapable de faire. Aujourd’hui, quand on a besoin de quelqu'un pour parler definances et d’économie, on se tourne vers L., quand on a besoin de quelqu'unpour parler de l’eau, on se tourne vers J., fin …y a un vrai problème. On faittourner Attac, on arrive à organiser des tas de choses, mais on a pas la capacitéà intervenir nous-mêmes. Alors, les premiers des premiers d’Attac, ils se sontformés, ils ont rapidement pris, ils on écrit les petits livrets, ils ont fait pas mal

de choses. Donc, c’est ce vers quoi j’aimerais bien revenir.” 323

L’intensité des activités du comité Attac-Rhône n’est évidemment pas la même qu’à sonessor et l’adhésion de plus de 1000 adhérents. Les contraintes matérielles pèsent dès lorssur la décision de se lancer dans toute action. Les militants de l’association, hétérogènesselon le moment d’adhésion, vivent différemment cette condition, et l’arrivée des nouveauxélus en 2009 a visiblement ranimé les activités.

3. Les représentations politiques des militants d’Attac-Rhône322 « Le capital militant désigne, par delà la diversité des formes d’engagement, des savoir-faire acquis en particulier grâce à despropriétés sociales permettant de jouer, avec plus ou moins de succès, dans un espace qui est loin d’être unifié », se construit desdiverses expériences et s’acquiert « pour une bonne part dans le champ politique, qui s’y valorise, mais aussi qui se reconvertitailleurs, en cas d’exit ». MATONTI Frédérique et POUPEAU Franck, « Le capital militant. Essai de définition », Actes de la rechercheen sciences sociales, n° 155, 2004/5, p.4-11.323 Jérôme, militant, 38 ans, agent administratif à temps partiel dans une association, enregistré le 7 novembre 2008 à

Lyon.

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A travers l’analyse du rapport au politique et des représentations que les militants se fontde leur engagement à Attac-Rhône, nous allons pouvoir comprendre leur action, l’emprisede l’imaginaire et des dispositions incorporées sur leurs attitudes. Les vecteurs de travailchoisis tels que la production de l’expertise et l’éducation populaire ou le principe defonctionnement interne en démocratie participative révèlent des valeurs que soutiennentet mettent en œuvre les militants, mais aussi l’image de la société qui les guide dans leuraction.

3.1. La socialisation politique des militants d'Attac-Rhône. Démocratiedans une communauté restreinte

Une certaine méfiance à l’égard du système de démocratie représentative, l’anti-institutionnalisme324, le refus de délégation et la revendication de participation active àla politique, sont, selon J.Gervais, caractéristiques des militants d’Attac325, encore plusfacilement repérables dans le fonctionnement au quotidien des comités locaux, ces« laboratoires d’une démocratie participative ». Nous avons pu également observer lavolonté commune chez les militants d’« élaborer une véritable réflexion » autour deréalisation du principe démocratique dans le fonctionnement de l’organisation326. Mais lasouplesse de fonctionnement revendiquée par les militants d’Attac aboutit à des biais, quand« en faisant trop reposer le processus de décision sur la participation active des militants, lapratique conduit à accorder un rôle central aux personnes qui s’investissent et s’impliquentfortement dans l’association »327, et contribue ainsi à la constitution du « noyau dur ». Siau moment de l’essor d’Attac et de la période fleurissante du comité Attac-Rhône, les luttespour imposer sa vision ou orienter l’association avaient pu être importantes et le « noyau dur

à tendance oligarchique 328 » était critiqué329, cela n’est plus le cas. L’appellation « noyau

dur »330 a pris plutôt une connotation positive pour parler de ceux qui arrivent à « tenir lecoup »331.

Sinon, l’analyse des façons d’occuper le poste de président par différentes personnesdans l’histoire d’Attac-Rhône confirme la souplesse du fonctionnement interne. Par ailleurs,sa définition dans les Statuts ne se réalise pas de la même manière selon la personnalitéqui l’occupe. Ainsi en témoigne l’ancien président d’Attac-Rhône, qui a statutairement une

324 CRUZEL, Elise, « Passer à l’Attac » : Eléments pour l’analyse d’un engagement altermondialiste, Politix, Volume 17 – n 68/2004,p. 135-163.325 GERVAIS, Julie. Les acteurs et le « système d’Attac » : entre mutations du militantisme et nouveaux engagements citoyens.D.E.A. de Science politique de Lyon, septembre 2001, p.59-60.326 Ibid., p.106.327 Ibid., p.113.328 MICHELS Roberto, Les Partis politiques : essai sur les tendances oligarchiques des démocraties, Flammarion, Paris, 1971 (1911).329 GERVAIS, Julie. Les acteurs et le « système d’Attac » : entre mutations du militantisme et nouveaux engagements citoyens.op.cit., p.76.330 Pour désigner les militants actifs les plus anciens, fondateurs mais aussi ceux qui ont commencé à militer plus tard et ont vécudes moments clé de l’histoire d’Attac-Rhône.331 Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.

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voix prépondérante332, une des rares fois où le résultat du vote dépendait de sa voix, il aréclamé de revoter333. L’exercice par les mêmes personnes des plusieurs mandats334 au CAn’est pas volontaire, voire l’objet de critique, et est expliqué par l’envie de ne pas laissertomber Attac:

« J’ai pas envie d’aller voir ailleurs, j’ai envie de continuer le travail ici, parce quele travail ici n’est pas fini, sinon, ça serait le monde idéal, y aurait des nuagesroses partout, et voila. Donc, je considère que le travail n’est pas fini à Attac,qu’on a encore du travail à fournir, qu’on peut essayer de transmettre ce qu’on

nous, on a appris à d’autres » 335 .

Le principe démocratique dans le processus de délibération et de prise de décision estrevendiqué par Attac dès sa naissance, du fait de la diversité des provenances de sescomposantes. La culture du consensus336, la nécessité duquel est très souligné au momentd’institutionnalisation de l’association, étant au centre des débats au moment de la crise,ne semble plus poser de problème à Attac-Rhône. Si en période d’essor l’intensité desdébats, voire tensions, créait, selon une militante, une « atmosphère dure », avec les gens« peu abordables » et qui « intimidaient beaucoup »337, mise à part le cas particulier de laparticipation aujourd'hui d’un militant considéré comme « très conflictuel »338, peu de foisles débats sortent du cadre de délibération posée et argumentée.

Un autre militant parle de la domination de ceux qui possèdent certains capitaux(scolaires ou militants), ou acquièrent leurs positions à l’aide des stratégies déployées (nonpas l’acception de leur vision suite à une argumentation élaborée avec tous les antagonistes,mais en proposant la motion à voter par un bureau, tous les membres duquel ne sont pasforcément conscients des enjeux sous-jacents de la question) :

332 Article 8-5 : « Le Président a voix prépondérante en cas de partage égal des voix. », Statuts d’Attac-Rhône, adoptés enseptembre 2001. (Voir l’Annexe).

333 Entretien cité in GERVAIS, Julie. Les acteurs et le « système d’Attac » : entre mutations du militantisme et nouveauxengagements citoyens, op.cit.

334 La réélection des élus est récurrente et ne contredit pas les Statuts d’Attac-Rhône dans la mesure où elle advient dans lesconditions de manque des candidatures. Voir Article 8-4 « Sauf en cas de manque de candidats, les administrateurs sont rééligiblesune seule fois », Statuts d’Attac-Rhône, adoptés en septembre 2001. (Voir l’Annexe).335 Jérôme, militant, 38 ans, agent administratif à temps partiel dans une association, enregistré le 7 novembre 2008 à

Lyon. Militant à Attac depuis 2002, trois mandats au CA (2002-2003, 2006-2007, 2008-2009), rédacteur-en-chef du « Grain de

Sable », membre du groupe Radio et « Ecologies et sociétés », ancien président d’Attac-Rhône (2006).336 La décision élaborée dans la discussion et l’argumentation, suite à lesquelles elle serait l’expression de la volonté commune etdevrait convenir à chaque participant. Ce principe de prise de décision reflète le choix par Attac d’être une structure d’« alliance »des organisations et courants existants : « Si Attac n’est pas un cartel d’organisations, elle n’est pas non plus un espace où tousles chats sont gris, où les identités sont niées, où les différences ne doivent plus s’exprimer. Bien au contraire, ces différences sontune richesse, à condition que chacun ait la volonté de travailler ensemble à des objectifs communs. D’où l’importance du mode dedécision au consensus qui force chacun à transcender son point de vue de départ dans la confrontation avec les autres. Dans sapratique passée, Attac n’a jamais confondu le consensus avec une unanimité paralysante ». Voir « Perspectives pour une nouvelledynamique d'Attac », le 21 septembre 2004, http://www.france.attac.org/spip.php?article3549337 Hélène, militante, 57 ans, assistante de la direction scientifique à INRETS, enregistré le 17 décembre 2008 à Lyon.338 Après être passé par « quasiment toutes les organisations militantes et politiques » de Lyon, d’où « il était mis dehors », ense présentant depuis trois années à l’Assemblée générale élective, il fut élu finalement le 13 décembre 2008 et exerce son mandatactuellement.

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« Et j’ai vraiment été frappé par, ou en tous cas, travaillé par cette questiondu rapport au savoir en fait, du rapport au savoir des individus, du rapport ausavoir des militants, du rapport au savoir même des gens qui étaient avec moi,des copains du Rhône qui étaient montés avec moi. Et du coup, la question dela structure militante, c'est-à-dire, le fait que les positions soient inégalementdistribuées, qu’il y a des positions vraiment, une espèce de hiérarchie dans lamilitance y compris au sein d’une association comme Attac-Rhône. Et moi, avecce que j’avais pu faire sur l’Europe, que je connais très bien, accéder à certainespositions. Mes des positions qui rapportent rien, peut importe, on est pas dansla rétribution, de toute façon, il n’y a pas d’enjeu de pouvoir à Attac. Mais il n’enreste pas moins, que les individus ont un tel rapport, ont un certain rapport ausavoir, qui fait que justement ils alimentent ces positions. Tout le monde alimenteces positions-là, quelque soit sa position. Ca veut dire qu’il y a ceux qui, en gros,se positionnent, possesseurs d’un certain savoir militant, qui sont en capacitéd’articuler, d’exprimer, de véhiculer un savoir militant, et qui donc vont fairedes émissions à la radio, qui vont monter sur une estrade, prendre un micro,etc., etc. Et puis, il y a tous les autres, qui sont en position de récepteur, deconsommateur, comme j’ai dit toute à l’heure, et puis, y en a certains, qui, c’est à

ceux que je pense, c’est là qui m’ont fait le plus travailler, plus réfléchir” 339 .

Le principe de démocratie participative s’est compromis quelquefois comme principede fonctionnement aux différents moments dans l’histoire d’Attac France, aussi commeun moyen de construction du consensus sur l’identité et les principaux axes d’action.Aujourd'hui, dans les conditions d’épuisement des ressources militantes, ceux quipersistent, se trouvent malgré eux accapareurs des activités de l’association. Ainsi, les biaisnégatifs que sa mise en place produit dans la réalité des pratiques militantes, malgré toutela volonté des acteurs, avaient du contribuer au départ de certains militants340.

3.2. Le positionnement d’Attac dans le champ politiqueSelon le rapport à la politique, les militants d’Attac peuvent être divisés schématiquementen deux groupes, par rapport à l’intensité et radicalité de leurs opinions sur la luttepolitique341. Le premier groupe déplore « les dérives multiples des partis politiques » maispensent qu’ils doivent rétablir leur rôle important pour les démocraties, notamment grâceà l’action critique d’Attac. Le deuxième est plus radical dans sa critique et s’oppose àtoute collaboration. Les adeptes du mouvement altermondialistes partagent généralementdes humeurs anti-institutionnels. Les résultats du questionnaire parmi les adhérents etles militants d’Attac-Rhône confirment cette hypothèse. En outre, tout en étant d’accordsur le caractère politique de leur action (qu’elle soit en forme d’éducation populaire ouproduction d’analyses), les militants souligne la différence entre la « politique citoyenne » et

339 Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.340 Mais aussi adhérents, car, selon les témoignages, certains adhérents exprimaient leur désaccord avec l’intervention d’Attac dansune campagne référendaire en 2005, l’action dont une consultation pourtant a été organisée auprès des adhérents et militants del’association.341 GERVAIS, Julie. Les acteurs et le « système d’Attac » : entre mutations du militantisme et nouveaux engagements citoyens.op.cit., p.52-59.

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la « politique politicienne »342. Ils critiquent les vices qui sont imputés aux partis politiquesnotamment en ce que la logique fonctionnelle l’importe sur les objectifs annoncés à l’aunede la lutte politique :

« Mais vraiment leur seul objectif, des logiques institutionnelles financièresqui sont, à mon avis, extrêmement puissantes : en gros, on a besoin d’argentpour continuer… Surtout, ça fait vivre aussi, ça fait vivre l’appareil, ça permet derenouveler peut-être un peu l’effectif militant. Mais après, la logique dominantec’est quand même celle-là, c’est celle de la reproduction du capital électoral. Jetrouve ca terrible. »343

D’autre part, les militants d’Attac-Rhône peuvent aussi bien collaborer avec des formationspolitiques lors de l’organisation des forums sociaux locaux ou collectifs, que garder un reculcritique vis-à-vis d’une action politicienne344.

En même temps la campagne référendaire en 2005, où les actions communes ont étéorganisées avec les partis politiques, a remis la question du rapport au champ partisan sur latable. L’espoir de la refondation de la gauche a amené plusieurs militants de s’investir dansles collectifs pour une candidature unitaire antilibérale, l’initiative ayant abouti à l’échec.Quelques uns d’anciens et de militants actuels ont fait partie des listes « AUDACES »345 ou« La gauche autrement » lors des élections législatives de 2007 et municipales de 2008.Ainsi, le rapport au champ partisan, comme pour le mouvement altermondialiste dans sonensemble, reste ambigu.

« Au sein d’Attac il y a une position assez apolitique. Je l’ai senti, de toutefaçon, en 2007 à deux ou trois reprises. Et d’ailleurs, c’est une des raisons pourlesquelles, alors ça c’est peut-être la rationalisation à posteriori, en tous cas, jesais que j’ai quitté Attac, fin, j’ai quitté, le CA d’Attac… En 2007, il y a des choses,pour moi, j’ai du mal à accepter. On avait fait une consultation, on s’était poséla question pour savoir si on devait appeler à voter contre Sarkozy au deuxièmetour. Pardon, c’est Attac-France qui avait consulté les comités locaux, en leurdemandant si il fallait appeler à voter contre Sarkozy. Et dans le Rhône en fait,on avait fait une consultation sur la liste de « Diff », la liste « Actifs », pardon, laliste des actifs du Rhône, et la majorité a fini par se dégager pour ne pas appelerà voter contre Sarkozy. (…) Il y a une forme d’apolitisme, de défiance enversles partis, et que surtout on est des purs, on se mêle pas à ça. Et ça, moi, ça ajamais été ma conception d’Attac. (…) J’ai toujours considéré, de toute façon,que la finalité d’Attac, c’est une finalité politique, et que la finalité surtout d’Attacc’est de travailler avec des partis politiques. Alors, de travailler avec des partispolitiques dans les conditions très précises, très balisées. C’est sur qu’il y ades dangers, que c’est des questions très très périlleuses, mais en tous cas,

342 GERVAIS, Julie. Les acteurs et le « système d’Attac » : entre mutations du militantisme et nouveaux engagements citoyens.op.cit., p.59.343 Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.344 Voir l’Annexe pour une lettre invitant à signer la pétition nationale pour les services publics, lancé par un député PS, et qui aapparu sur la liste de diffusion d’Attac-Rhône et a suscité la critique importante.

345 Collectif regroupant la LCR, la Gauche Alter, les Objecteurs de Croissance et des militants de gauche et écologistes. Listesoutenue par Olivier Besancenot, José Bové et Philippe Ariès.

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j’ai jamais considéré que c’était comme ça, d’être autonome, de produire dela réflexion comme ça dans le désert, sans véritablement justement maîtriserun tant soit peu les effets que ça pouvait avoir dans les discours politiques etsurtout la manière dont ça pourrait être éventuellement récupéré dans le discourspolitique par des partis»346.

Ce rapport ambigu au champ partisan dans une association qui « fait de la politique »mais « autrement », avait attiré au début de son histoire un grand nombre de personnesaux sensibilités différentes. Cette tension non-résolue, qui montait au fil du temps, avait ducontribuer au départ de certains militants et à la désaffection des adhérents, qui s’en sontrendus compte. Tout en étant dans cette position ambivalente vis-à-vis de l’action politique,les militants d’Attac tentent « d’instaurer un nouveau rapport à l’espace politique », de « fairele lien entre la réalité de la société et l’univers de sa représentation politique »347. La missiond’éducation populaire est révélatrice de la revendication d’un « sursaut citoyen »348 en vuede « reconquérir les espaces perdus par la démocratie »349.

3.3. « Faire de la politique autrement » : éducation populaire,production de l’expertise, construction du débat public

L’institutionnalisation de la pratique d’éducation populaire350, les racines de laquelle setrouvent dans le rapport de Nicolas de Condorcet de 1792 sur l’« organisation généralede l’instruction publique », remonte à 1866 à la création par Jean Macé de la Ligue del’enseignement. Après la Deuxième guerre mondiale le mouvement d’éducation populaires’est épanoui avec l’apparition des nombreux organismes et fédérations d’associations :« Peuple et Culture » en 1945, Fédération Françaises des Maisons de Jeunes et dela Culture (FFMJC) en 1948, la Fédération Nationale Léo Lagrange en 1951, Aideà Toute Détresse – Quart Monde (ATD-Quart Monde) en 1952. A partir des années1960 l’animation socioculturelle et l’éducation permanente substituent en partie le travaildes organismes auparavant puissants d’éducation populaire. Les années 1990 voient lerenouveau d’éducation populaire351, porté par des petites associations, hors les grandesfédérations. Et « c’est au moment où certains militants, membres ou non de mouvements

d’éducation populaire regroupés au sein du CNAJEP 352 s’interrogent sur la pertinence

346 Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.347 GERVAIS, Julie. Les acteurs et le « système d’Attac » : entre mutations du militantisme et nouveaux engagements citoyens,op.cit., p.122.348 Agir local, penser global : les citoyens face à la mondialisation, Paris : Mille et une nuits, 2001.349 Plat-forme adoptée par l’Assemblée générale constitutive le 3 juin 1998, www.france.attac.org .350 La notion d’ « éducation populaire » renvoie aux activités éducatives, non encadrées par les structures traditionnelles, telles quela famille, l’école ou l’université. Elles ont lieu dans un cadre collectif et souvent dans l’esprit du « temps de loisir ». Voir « Educationpopulaire : le retour de l’utopie », Politis, n°29, février-mars 2000.351 Parmi ces agents les plus importants sont recensés : les Universités populaires du « réseau Onfray », Université populairede ATD-Quart Monde, Université d’été citoyenne d’Attac, AFEV (Association de la fondation des étudiants pour la ville), Les Petitsdébrouillards, les Foyers ruraux, ou encore le mouvement hip-hop. Voir le dossier « Education populaire : le retour de l’utopie », Politis,n°29, février-mars 2000.352 Comité pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et d’éducation populaire (CNAJEP)

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de cette dénomination que, précisément, Attac la revendique »353. Puisque, selon lui, àtravers ce vecteur d’action, Attac, en coopération avec d’autres mouvements sociaux, qui« se veulent des acteurs directs de la citoyenneté active » (mouvements sociaux contre laprécarité, altermondialiste ou l’action humanitaire), pouvait mieux accomplir la mission dela formation de la citoyenneté et contribuer à la création et le renforcement du lien social.Attac se veut devenir l’« université populaire à l’échelle du pays ».

Ainsi, la mission d’émancipation citoyenne à l’aide d’Attac, qui permettra aux citoyenstous ensemble de renverser la logique existante des choses a trouvé son reflet dans l’ancienlogotype d’Attac.

En 2006 400 associations détiennent un agrément « Jeunesse et Education populaire »- les fédérations historiques comme la Ligue de l’enseignement, Léo Lagrange ou Peupleet Culture, aussi que des petites associations. Les représentations sous-jacentes à lamission d’éducation populaire : les connaissances peuvent être acquises par tout le monde.Significatif ici est le fait qu’à l’Université populaire, mise à part le cours presque classiqueuniversitaire suivi d’un débat entre le lecteur et le public, a été mis en place une autreforme d’intervention, selon le témoignage d’un de ses fondateurs à Lyon Philipe Corcuff :la réflexion du groupe à partir des textes mis en disposition par animateur354. Ainsi, leprésupposé d’un idéal démocratique se trouve dans le produit d’une réflexion collective.

Selon Jacques Ion355, l’éducation populaire vit une crise en raison des transformationsdes représentations et modèles « d’émancipation civique ». Auparavant, se basant surl’idéal d’une « libre discussion d’individus débarrassés de leurs attachements primaires,informés par le savoir raisonnable et exerçant donc leur raison »356, l’éducation populaires’incarnait dans l’animation socioculturelle prise en charge par l’Etat ou dans une traditionsocialiste. Avec à partir des années 1970 l’effondrement de l’Etat social et le croissantsentiment de l’insécurité, la précarisation des conditions de vie et du travail, l’émergencedu nouveau sujet357, portant tout seul la responsabilité de sa vie et cherchant à se réaliser,à trouver sa dignité et la mettant en avant dans l’espace public, avec l’entrée croissantedes exclus, dépourvus des ressources traditionnellement admises, dans l’espace politique- autant de facteurs qui suscitent la transformation du rapport au politique et des principesd’éducation populaire. Les interrogations de Ion animent autant les militants d’Attac-Rhône :« Le politique relève-t-il encore de l’éducable ? Autrement dit, s’il peut y avoir de l’universeldans le singulier, si l’abstraction des conditions particulières n’est pas un pré requis de lapensée du bien commun, si le détour par l’apprentissage des codes de la sphère politiquen’est plus la seule voie d’expression politique, alors y a-t-il encore un avenir pour l’éducationpopulaire ? »358

353 CASSEN Bernard, « Attac : d’abord comprendre », Politis, n°29, février-mars 2000.354 « Universités populaires. Le renouveau », Politis, le 12-18 juin 2008.355 ION Jacques, « Peut-on encore parler d’éducation populaire ? Idéal éducatif, engagements publics et socialisation

politique », in (coll.) Un engagement à l’épreuve de la théorie: Itinéraires et travaux de Geneviève Poujol, Harmattan, 2008, p.221-230.356 ION Jacques, « Peut-on encore parler d’éducation populaire ? Idéal éducatif, engagements publics et socialisation

politique », in (coll.) Un engagement à l’épreuve de la théorie: Itinéraires et travaux de Geneviève Poujol, Harmattan, 2008, p.223.357 EHRENBERG Alain, La fatigue d’être soi, Odile Jacob, Paris, 1998 ; KAUFMANN Jean-Claude, L’invention de soi. Une

théorie de l’identité, Armand Colin, Paris, 2004 ; LASCH Christopher, La culture du narcissime, Climats, Paris, 2000 (trad., 1ère

éd.1979) ; SENNET Richard, Les tyrannies de l’intimité, Le Seuil, Paris, 1995 (trad.).358 ION Jacques, « Peut-on encore parler d’éducation populaire ? Idéal éducatif, engagements publics et socialisation

politique », art.cit., p.228-229.

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La difficulté croissante d’attirer le public, qui pourtant s’est montré très intéressé parle projet Attac au départ, à participer dans la réflexion, - démontre les limites qu’imposel’usage des codes « légitimes » du langage et de la participation politique « traditionnelle ».Ainsi, la mission d’éducation populaire devient « un slogan abusif »359 :

« Par contre, une question récurrente à laquelle on répond jamais, mais jepense, qu’y a pas de réponse, c'est que chaque fois…régulièrement, on revient,sur le fait, on touche pas les gens dans les banlieues, les machins…et ça, jepense que c'est de l’utopie, par contre. Euh, je ne vois pas au nom de quoiet avec quels arguments, et avec quels…sauf à faire une croisade, commeau temps…du Moyen Age, on irait dire à des gens qui ont des problèmes,qu’on peu dire connaître, mais c'est pas vrai non plus. Un monde meilleur estpossible, enfin, je caricature là, et voila, ce qu’il faut faire, il faut réfléchir, il fautcomprendre les choses, il faut voter, il faut agir autrement, il faut s’impliquerdans les mouvements. Moi, je me sens pas du tout cette légitimité. Et je penseque c'est vraiment utopique. »360

Les mécanismes de légitimité du capital culturel continue à structurer même le militantismedans ce monde de « démocratie radicale ». On le devine dans la distribution des tâches chezles militants au sein de l’association. Cela est explicité même dans le discours des militants :

« Je pense que j’arrive bien à faire un journal, mais pas encore à l’écrire.J’aimerais bien savoir l’écrire, c’est les choses sur lesquelles je vais essayerde me pencher aujourd’hui, mais je ne sais pas écrire, donc je laisse faire à lesgens. Et en plus, les articles qu’on demande, fin, qu’on essaye de faire écrire auxcopines et copains, soient un peu fouillés, il faut un peu maîtriser les choses. Etmoi, j’ai une culture qui est plutôt bonne, très générale et pas très spécifique sur

un sujet” 361 .

Par contre, les modes alternatifs de porter la mission d’éducation populaire, tels que lesprojections-débats des documentaires (cycle « Autres regards ») ou activités plus festives,qui engagent parallèlement des réflexions ou discussions, comme c’était le cas pour lesRencontres pour une autre mondialisation, qui, rappelons, se sont éteint jusqu’à 2006 parmanque de moyens organisationnels, – suscitent un public plus ou moins stable.

Le défaut des moyens d’intervention et de diffusion de la production d’Attac-Rhôneest lié autant aux contraintes des ressources matérielles et en termes des effectifs, que,inversement, est conséquence d’autocensure, quand les militants s’interrogeant sur lacapacité d’Attac-Rhône d’attirer le public nouveau, se limitent aux lieux d’investissementsconnus et comptent sur le public des sympathisants déjà acquis, souvent constitué par desmilitants avérés:

« C’est vrai quand on regarde la façon de fonctionner d’Attac-Rhône et lafaçon dont on a toujours fonctionné : on a investi toujours les mêmes lieux,les réunions ont lieu toujours aux mêmes endroits, quand on fait des caféspolitiques, parce que ça, pour le coup, je crois que ça continue – c’est un des

359 Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.360 Hélène, militante, 57 ans, assistante de la direction scientifique à INRETS, enregistré le 17 décembre 2008 à Lyon.361 Jérôme, militant, 38 ans, agent administratif à temps partiel dans une association, enregistré le 7 novembre 2008 à

Lyon.

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modes d’expression, de communication d’Attac qui continue à exister. Mêmequand on fait des cafés c’est toujours aux mêmes endroits, de l’Autre côtédu Pont dans le 7e, et puis les Tables Claudiennes dans le 1er. Voila, quandon va tracter c’est toujours aux mêmes endroits, de toute façon, on tractepas beaucoup. Mais quand on tracte c’est sûr, qu’on va pas tracter dans desbanlieues, etc. Quand on organise des conférences, on les organise toujoursdans les mêmes endroits, soit au 44 rue St.George, soit à la Bourse du Travail.Bon, en même temps, on n’a pas forcément d’autres possibilités peut-être, mais ily a toute une considération qui rentre en jeu. »362

Néanmoins, pour certains militants, Attac-Rhône a longtemps perdu son pied sur le terraind’éducation populaire, dont l’indicateur était la désaffection des adhérents, et a devenu lieu« élitiste »363 de militantisme intellectuel364, de production d’un « savoir engagé », d’« undiscours qui est scientifique et engagé »365.

La production de contre-expertise366 comme une mode d’action remonte auxmouvements écologistes antinucléaires des années 1980367, et a vu la constitution denombreux groupes d’experts dans la vague des mouvements sociaux des années 1990.Se voulant au départ un « groupe de pression civique auprès des gouvernements »368,par l’isomorphisme369 aux régimes de légitimation des politiques néolibérales assurés parles think tanks, Attac a établi un Conseil scientifique en son sein370, « garant de la rigueurscientifique des études produites et diffusées par ATTAC »371. Avec la croissance deseffectifs et l’évolution d’Attac en organisation de masse, cet aspect de son fonctionnementa resté un appui dans son action d’éducation populaire ou son action de critique etd’interpellation des hommes politiques. La baisse des adhésions a mis en cause soncaractère d’organisation de masse372.

Du fait de fort capital scolaire de ses membres, nous pouvons supposer que, commel’indique un militant, sociologue de formation, la conclusion des chercheurs sur la faible

362 Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.363 Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.364 MARTY T, « Le militantisme intellectuel des membres d’ATTAC Toulouse. Disposition enseignante, autodidaxie et légitimité dansun « comité local » », art.cit.365 Florian, militant, 31 ans, doctorant en histoire, enregistré le 25 novembre 2008 à Lyon.

366 Expertise est définie comme un « savoir spécialisé pour aider à trancher dans une conjoncture problématique », CASTELRobert, « Savoirs d’expertise et production des normes, in CHAZEL François et COMMAILLE Jacques (dir.), Normes juridiques etrégulation sociale, Paris, L.G.D.J., 1991.

367 OLLITRAULT Sylvie, « Les écologistes français, des experts en action », Revue française de science politique, vol. 51,n° 1-2, février-avril 2001, p. 105-130.

368 RAMONET Ignacio, « Désarmer les marchés », Le Monde diplomatique, 01/12/1997, p.1.369 BOLTANSKI Luc, CHIAPELLO Eve, Le nouvel esprit du capitalisme, Paris, Gallimard, 1999.370 Dans la même logique, les éléments de la critique altermondialiste étaient élaborés par d’autres groupes de réflexion,

d’expertise et de diffusion d’information. Voir MATHIEU Lilian, « La constitution du mouvement altermondialiste français », art.cit.371 Article 12. Statuts de l’association, adoptés par l’Assemblée générale constitutive le 3 juin 1998, www.france.attac.org

(Voir l’Annexe).372 Environ 7 000 adhésions enregistrées au premier trimestre 2009. www.france.attac.org .

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emprise d’Attac sur les classes populaires est connue, et commence à s’intégrer dans lediscours des militants. Ainsi, à l’opposé de l’objectif de « s’approprier ensemble l’avenir denotre monde» par les citoyens, l’accent est mis sur un autre vecteur de l’activité d’Attac, laproduction de l’expertise.

« Je pense que les travaux qui ont été faits sur Attac qui indiquent le profilsociologique, composition sociologique de l’association, de toute façon, tendentà montrer que l’association n’a pas emporté dans une classe populaire. Jepense que ça a fait son effet. Je pense qu’il y a quand même une prise deconscience surtout sur sa faible prise sur les groupes populaires. Donc, estdifficile après, quand on prend conscience de ça, et puis quand on a en plus, unecertaine démonstration dans les travaux de chercheurs, autant plus difficile derevendiquer, étiqueter d’éducation populaire. C’est que c’est pas le cas »373.

Si le problème de manque d’échange et de délibération entre les récepteurs et lesproducteurs des analyses dans le cadre de diffusion des propos d’Attac est ancien, ladiminution importante des effectifs militants pose un nouveau défi. Le vecteur d’activité deproduction de l’expertise trouve l’appui chez des militants, autant anciens que les nouveauxarrivés. Moins sont les capacités qualitatives et quantitatives de l’association de relayerses analyses dans la population. Serait-il un signe de transformation de l’association eninstitution du militantisme intellectuel ?

Les capacités d’Attac-Rhône de construire un débat public sont limitées pour les mêmescauses qu’autres modes d’action. « La soirée militante », comme « mode de transmissiondu savoir militant »374 le plus caractéristique à Attac, a un présupposé sous-jacent de sonvisée du public converti, militant, et non pas le grand public. Sinon :

« Il y a les manifs. Je crois qu’elles sont le moyen d’Attac-Rhône pour produirele débat public. Déjà, tout ce qui est manif, on tracte. Une première chose. Il ya les cafés politiques. Il y a des conférences. Il y a aussi les événements qu’onorganise de façon un peu spontanée en s’appuyant sur un agenda qui n’est pasle nôtre. Ca veut dire, sur l’agenda gouvernemental ou politique. Je vais prendreles exemples. C’est G8, par exemple. C’est typiquement le type d’événement dontse saisie Attac. C’est un des modes d’action d’Attac ”375.

Or, nous avons pu voir que ces actions sont très limitées, ainsi est l’emprise d’Attac-Rhônesur l’agenda militant de Lyon. Dès lors, « changer l’air du temps » à travers les analyses376

est pensé comme une mission primordiale par les militants, y ayant trouvé leur compte.

3.4. La place d’Attac-Rhône dans l’espace militant de LyonMise à part les activités directement assurées par des militants d’Attac-Rhône, elles sefont à travers les collectifs et les organisations dont elle fait partie, ou même à traversl’activité de ses anciens militants gardant l’étiquette d’ « attakiens ». Ainsi, Attac-Rhôneest membre du Conseil d’administration et reçoit régulièrement des comptes-rendus de ses

373 Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.374 Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon. Ce militant a insisté à

plusieurs reprises que c’est une action type d’Attac-Rhône.375 Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.376 Florian, militant, 31 ans, doctorant en histoire, enregistré le 25 novembre 2008 à Lyon.

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représentants auprès du Centre d’initiatives et d’informations (CIRDEL)377, de la FormationAction Citoyenne (FAC)378, du cycle cinématographique « Autres regards », mais aussi estfondatrice du Collectif de soutien au peuple Palestinien379 (y ayant une représentante), deRES'OGM380, de l’organisation du «Soutien aux sans papiers », l’Observatoire Lyonnaispour la défense des libertés fondamentales en Tunisie, n’existant plus.

La continuité d’action d’Attac-Rhône, soulignée par les militants actuels, dans les« Autres regards », à la FAC, ou encore à travers la démonstration du spectacle « Superpromo global planète », est justifiée par l’évocation de l’implication des anciens (etquelquefois actuels) membres de l’association dans la fondation et le fonctionnement deses organisations. Ainsi, le cycle cinématographique « Autres regards », co-organisé parAttac-Rhône, Ciné Travail, Cinéma le Zola, - est fait avec la participation d’un ancien militantd’Attac-Rhône, animateur du groupe de réflexion « Culture », qui sur ce nouveau terraina trouvé un moyen de reconversion de ses compétences militantes et de réalisation deson intérêt, aussi qu’une meilleure appréciation (les projections accueillent un public devingtaine-trentaine de personnes) :

« J’ai fait parti du groupe « Culture » pendant très longtemps, quasiment jusqu’àqu’il est terminé. C’était P. qui s’occupait de ça, P. qui s’occupe de festival, dusite « Autres regards ». Bah, au moment donné, P. en avait marre de…pareil,c’est un peu une lassitude de faire toujours la même chose, donc il a décidéd’arrêter le groupe. Ils ont continué à quelques membres du groupe à fairetourner, continuer à faire le cycle « Autres regards »381.

En outre, le passage à l’action politique est entrepris par certains militants, anciens et actifs,dans une démarche individuelle. Plusieurs militants ont participé aux listes AUDACES lorsdes élections municipales en 2008, ou encore à « La gauche autrement » aux municipalesen 2001, en tant que candidats ou dans les comités de la campagne pour José Bové lorsdes élections présidentielles en 2007.

Non seulement les militants d’Attac se sont investis dans d’autres organismes,ce qui produit le dépérissement de l’activité propre d’Attac-Rhône, mais le contexteenvironnemental est changé également. Dès lors que nous prenons en compte lamultipositionnalité d’un militant altermondialiste, il serait logique que celui à Lyon s’informe

377 L’organisation veut construire une large mobilisation contre les quatre lois (La loi Sécurité Quotidienne, La loi d’Orientation etde Programmation pour la justice, La loi Sécurité Intérieure, Le projet de loi Perben). Les axes suivants d’action sont envisagés : letravail de réflexion collective et « des actions pour dénoncer publiquement la dangerosité de ces textes », « création d’un réseau devigilance contre les atteintes aux libertés individuelles et collectives que ces diverses lois vont faciliter ». « Manifeste du CIRDEL :Centre d’initiative et de réflexion pour la défense des libertés », http://cirdel.lyon.free.fr/ .378 Formation Action Citoyenne (FAC), www.la-fac.org379 http://collectif69palestine.free.fr .380 « Association rhônalpine, née d’une rencontre entre une quinzaine de structures liées au monde agricole et à l’environnement,créée en 2005. Suite à l’assurance d’un soutien financier de la Région Rhône-Alpes, Rés’OGM Info a développé des projetsd’information sur les OGM (organismes génétiquement modifiés) et de valorisation des alternatives aux OGM ». Le champ d’actionest vaste : de constitution d’une bibliothèque des documents écrits et vidéo et des expertises sur la question à l’organisation desconférences, débats et formations. www.resogm.org .381 Jérôme, militant, 38 ans, agent administratif à temps partiel dans une association, enregistré le 7 novembre 2008 à

Lyon.

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et s’investisse dans des projets et organismes suivant, ou créant, l’offre du militantisme etson évolution.

Entre autres, l’Université populaire de Lyon382 constitue une alternative pour ceux quiveulent s’informer et se former. Les universités populaires, dont l’idée remonte au XIXsiècle, refont leur apparition383 : à partir des 1960 l’Association des universités populairesde France384 se développe, s’étant associée plus tard à la Ligue de l’enseignement et àEuropean Association for Education of Adults385. A l’initiative du philosophe Michel Onfray386,dans l’objectif de faire propager un « savoir critique » par une action d’éducation populaire,dans le contexte de la présence renversante de Le Pen au second tour des électionsprésidentielles, la première Université populaire est fondée à Caen en 2002. L’idée estreprise par Françoise Bressat et Philip Corcuff à Lyon en 2005. Dans les Universitéspopulaires du réseau « Onfray » on compte un nombre important des retraités, nombreuxemployés et professions intellectuelles, de rares ouvriers387, un public au capital culturelrelativement élevé (« la moitié des auditeurs sont des étudiants, des enseignants ou destravailleurs sociaux » de l’âge moyen de 40 ans388) - un public qui ressemble à celuid’Attac-Rhône. L’Université populaire, de pair avec Attac, a des difficultés de saisir le publicprovenant des « classes populaires » : ayant pu « étendre le public habituel de l’université(vers diverses catégories de salariés : techniciens, employés, voire quelques ouvriers etchômeurs) », elle « rencontre aussi des limites. Ne s’intéressent à nos cours que ceuxqui, par une démarche d’autodidacte ou par une certaine pratique de la lecture après lasortie du système scolaire, ont maintenu des liens avec les savoirs que nous enseignons.Par ailleurs, nous ne nous sentons pas capables de rattraper les effets des mécanismessociaux de l’échec scolaire ». Néanmoins, les interventions à l’Université populaire semblentaccueillir un public important, voir remplir389 la salle du Lycée Diderot dans le quartier de laCroix Rousse de Lyon. Compte tenu que sa fréquentation n’exigerait pas autant d’effort etd’implication dans le projet d’autoformation, qu’il serait nécessaire de déployer pour le travaildans un groupe de réflexion à Attac-Rhône, nous estimerons que les deux organismesd’éducation populaire ont pour le cible un public proche, qui préfère néanmoins le cadremoins attachant et ne nécessitant l’implication au long terme de l’Université populaire, àl’image de l’« engagement distancié » dont parle J.Ion.390 Ainsi, sans nier la demande pourl’action d’éducation populaire dans la population, nous supposons que le développement del’offre plus diversifié depuis la création d’Attac avait pu faire son ancien public vers d’autresorganismes.

382 L’Université populaire de Lyon, http://uplyon.free.fr/ .383 « Universités populaires. Le renouveau », Politis, le 12-18 juin 2008.384 l’Association des universités populaires de France (AUPF), www.universitepopulaire.eu .385 L’AUPF compte aujourd'hui plus de 100 universités et 110 000 auditeurs, www.eaea.org .386 Communauté philosophique : manifeste pour l’université populaire, Galilée, 2004, http://pagesperso-orange.fr/

michel.onfray/UPcaen.htm .387 « Universités populaires. Le renouveau », Politis, le 12-18 juin 2008.388 Selon les résultats d’une enquête de type journalistique (155 questionnaires), menée par des étudiants de l’IEP de Lyon,

lors d’une séance assurée par P.Corcuff en janvier 2005, voir « L’alliance conflictuelle de l’Université et du populaire », entretien avecP.Corcuff, Agora, n°44, p.41.

389 « Entre 40 et 200 personnes (en fonction des cours) assistent à chaque séance chaque semaine », voir « L’allianceconflictuelle de l’Université et du populaire », entretien avec P.Corcuff, Agora, n°44, p.36-44.

390 ION Jacques, La fin des militants ?, Paris, Ed.de l’Atelier, 1997.

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Chapitre II. L’association Attac-Rhône aujourd'hui. « Déclin ou mutation ? »

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L’organisation Attac-Rhône s’est sans doute transformée depuis sa fondation. Sesmilitants se sont que très peu renouvelé, et le nombre d’adhérents est en baisse constante.Ayant pu proposer un cadre d’interprétation391 de la réalité social qui avait suscité uneadhésion massive des individus, l’association au cours de son évolution n’a pas su lesgarder. Processus naturel pour toute organisation, le turn over, un cycle de désaffectionmilitante, ne s’est pas substitué par un autre, d’adhésion de nouveaux venus. Or, celasemble avoir beaucoup influencé le fonctionnement interne de l’association. S’étant affaiblieen interne dans ses effectifs militants, elle mène une réflexion sur les possibilités dereprendre son poids d’avant.

Ayant pris connaissance avec les conditions d’émergence, de l’essor et de l’état actuelde l’association Attac-Rhône, nous avons parcouru les événements principaux de sonhistoire, les débats et les tensions manifestés dans son activité, l’insérant également dansle contexte de la place occupée par Attac dans l’espace militant et altermondialiste enFrance. Nous avons présenté le profil de ces adhérents et ces militants, aussi que leursreprésentations de leur engagement et de sa portée politique. Ainsi, maintenant que nousavons restitué la configuration structurelle, l’évolution historique et la dimension humainede cet important projet citoyen, nous pourrons, dans le dernier chapitre, analyser les effetsdifférenciés des diverses éléments de l’engagement militant sur ses fluctuations.

391 “Cadres d’interprétation” servent “d’attribuer un sens et d’interpréter les événements et les situations”, et peuvent ainsicontribuer à la mobilisation suite à un « alignement des cadres ». Voir SNOW A., ROCHFORD Burke, WARDEN K. Steven, BENFORDD. Robert, “Frame Alignment Process, Micromobilization, and Movement Participation”, American Sociological Review, 51, 1986,p.464-481; SNOW David A., BENFORD Robert D., « Ideology, Frame Resonance, and Participant Mobilization », International SocialMovement Research, 1, 1988, p.197-217.

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Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône

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Chapitre III. L’engagement et sesfluctuations : le cas des adhérents etdes militants d’Attac-Rhône

Nous avons pu faire jusqu’ici connaissance avec l’histoire de l’association Attac-Rhône,son essor et ses signes actuels de déclin. Dans la partie de notre analyse qui suit, nousallons nous centrer sur les logiques individuelles qui amènent des acteurs à rejoindrel’association, à s’engager activement ou à suivre ses activités sans participer à l’action, oubien à s’éloigner voire à la quitter pour éventuellement s’investir dans d’autres domaines.Le militantisme, comme toute autre activité sociale, est déterminé par de multiples facteurs,et c’est précisément l’interaction et l’effet commun de ses multiples éléments, que noussouhaitons mettre en lumière.

1. Les approches sociologiques contemporaines dumilitantisme

Comprendre les fluctuations de l’engagement nécessiterait son « analyse processuelle»392,

qui implique une approche longitudinale 393 et permet de dépasser des limites d’une« coupe synchronique »394. Ce qui est vécu comme déclin par les uns (nostalgiques dutemps de décollage d’un mouvement), ne suscite pas les mêmes sentiments chez lesautres, apportant leur enthousiasme et leur envie de s’impliquer. Le fait d’« historiciser lesinvestissements politiques » permet de prendre en compte le contexte environnemental:la conjoncture politique, la configuration des forces dans l’espace politique et la positionqu’occupe l’organisation dans des moments spécifiques de son histoire. L’investissementmilitant chez un acteur et l’engagement dans une association particulière varient selon les

392 FILLIEULE Olivier, « Propositions pour une analyse processuelle de l’engagement individuel », Revue française de sciencepolitique, vol.51, n°1-2, février-avril 2001, p.199-217.393 « Les approches longitudinales ont pour caractéristique l’étude d’événements ou d’états, objectifs ou subjectifs, dansleur succession et leurs interactions, en rapport avec un temps historiquement défini, survenus à une même entité (individu,famille, organisation...), au sein d’un groupe bien défini (génération, promotion) », Daniel COURGEAU, Eva LELIEVRE, Analysedémographique des biographies, Paris, Editions de l’INED, 1972, cité in Anne MUXEL, L’expérience politique de jeunes, Paris, Pressesde Sciences Po, 2001, p.114, cité in FILLIEULE Olivier, « Propositions pour une analyse processuelle de l’engagement individuel »,art.cit., p.202.394 Elle « ne peut jamais décrire qu’un système défini par un équilibre ponctuel, ce qui revient à laisser échapper ce que ce systèmedoit à son passé, et par exemple, le sens différent que deux éléments semblables dans l’ordre des simultanéités peuvent tenir deleur appartenance à des systèmes différents dans l’ordre des successions », BOURDIEU Pierre, CHAMEBOREDON Jean-Claude etPASSERON Jean-Claude, Le métier de sociologue, Paris, Mouton, 1968, p. 73, cité in FILLIEULE Olivier (dir.), Le désengagementmilitant, op.cit., p.12-13.

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Chapitre III. L’engagement et ses fluctuations : le cas des adhérents et des militants d’Attac-Rhône

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périodes. Une telle approche va également permettre de prendre en compte les effets de

sélection 395 et les effets de la durée de l’engagement. Ensuite, cela permet la prise en

compte des conséquences biographiques de l’engagement, des possibilités et des modesde reconversion des ressources militantes acquises. Cela coïncide avec l’intérêt pour leconcept de l’espace des mouvements sociaux396, où les répertoires d’action, les militants,les ressources et les cadres circulent et sont interdépendants.

Dans cette approche, O.Fillieule souligne la nécessité d’articuler « une analysecompréhensive des raisons d’agir avancées par les individus à l’objectivation des positions

successivement occupées par ces individus »397. Le concept de carrière militante 398

permettrait d’articuler au mieux la trajectoire individuelle et le contexte, organisationnelet militant, de son déroulement. C’est à travers l’articulation des propos recueillis avecle contexte de l’énonciation même, mais aussi des faits récoltés dans d’autres sourceset les déterminants sociaux dégagés, que nous allons essayer d’éviter les « illusionsbiographiques »399 produites par des interviewés. Un avantage incontestable de la méthodebiographique, selon O.Fillieule et N.Mayer, est qu’elle permet « de mettre en œuvre uneconception du militantisme comme processus. Autrement dit, de travailler ensemble lesquestions des prédispositions au militantisme, du passage à l’acte, des formes différenciéeset variables dans le temps prises par l’engagement, de la multiplicité des engagements lelong du cycle de vie et de la rétraction ou extension des engagements »400.

Pour étudier les fluctuations de l’engagement à l’aide d’un concept de carrière laméthode de recueil des récits de vie, que nous avons choisie, est la plus adaptée, dansla mesure où elle, par « la mise en ordre temporelle des différents registres d’expérience,permet de rendre compte du jeu des rencontres entre des dispositions particulières et descirconstances changeantes »401. Le comportement d’un acteur ne peut être expliqué nicomme résultant de ses déterminants sociaux, ni comme le produit de sa volonté libre. « Toutau long de son parcours il doit faire des choix. A chaque étape, ces choix se révèlent être

395 La corrélation entre les configurations organisationnelles, idéologiques ou humaines d’un groupe, le profil des engagés et lecaractère de leur engagement : « (…) ceux qui sont là ne sont sans doute pas « identiques » à tous ceux qui sont partis », dansFILLIEULE Olivier (dir.), Le désengagement militant, op.cit., p.12.396 MATHIEU, Lilian, « L’espace des mouvements sociaux », Politix, n° 77, 2007.

397 FILLIEULE Olivier, « Propositions pour une analyse processuelle de l’engagement individuel », Revue française de sciencepolitique, vol.51, n°1-2, février-avril 2001, p.214.

398 Howard Becker dans son ouvrage Outsiders (1963) a repris le concept de carrière (professionnelle) chez Everett Hughes,qu’il définit de façon suivante : « dans sa dimension objective, une carrière se compose d’un série de statuts et d’emplois clairementdéfinis, de suites typiques de positions, de réalisations, de responsabilités et même d’aventures. Dans sa dimension subjective, unecarrière est faite de changements dans la perspective selon laquelle la personne perçoit son existence comme une totalité et interprètela signification de ses diverses caractéristiques et actions, ainsi que tout ce qui lui arrive ». Becker a reformulé et adapté la notion de

carrière pour l’appliquer dans l’étude de la déviance (BECKER Howard, Outsiders, Paris, Métailié, 1985, p.126 (1re éd. : The FreePress of Glencoe, 1963), cité in Fillieule Olivier, « Propositions pour une analyse processuelle de l’engagement individuel », art.cit.,p.200.

399 BOURDIEU Pierre, « L’illusion biographique », Actes de la recherche en sciences sociales, n°62-63, juin 1986, p.69-72.400 FILLIEULE Olivier, MEYER Nonna, « Devenir militants. Introduction », Revue française de science politique, vol.51, n°1-2,

février-avril 2001, p.24.401 FILLIEULE Oliver et BROQUA Christophe, « La défection dans deux associations de lutte contre le sida : Act Up et AIDES »,

in FILLIEULE Olivier (dir.), Le désengagement militant, Paris, Belin, 2005, p.216.

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Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône

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le produit complexe de conditions liées à un ensemble de propriétés à la fois personnelleset contextuelles. Chaque choix contribue ensuite à déterminer les opportunités futurespar les changements induits en termes de comportement, d’expériences acquises et deperspectives. Autrement dit, à chaque étape de la biographie, les attitudes et comportementsont déterminés par les attitudes et comportements passés et conditionnent à leur tour lechamp des possibles à venir, resituant ainsi les périodes d’engagement dans le cycle devie »402. En outre, cette méthode permet de repérer les représentations des acteurs de leuractivités, le sens qu’ils y attribuent, les interprétations et les conséquences de leurs actions,alors que la perception de la réalité par les acteurs permet de mieux, que les dimensionsobjectives de cette réalité, expliquer leur comportement, et qu’elle est au fondement des

faits sociaux, car les idées sont des prophéties auto-réalisatrices 403 .

2. Les facteurs des fluctuations de l’engagementNous avons décidé de ne pas établir des types404 de militants ou de trajectoires desmilitants venus, engagés, actifs ou partis d’Attac-Rhône, mais plutôt d’analyser les diverséléments qui conditionnent l’engagement et ses fluctuations dans l’association. Quitte àne pas donner une réponse claire à la question sur l’état de l’association, nous voulonsprésenter les dynamiques à l’œuvre dans les fluctuations de l’engagement. Si nous devronsdéfinir les interviewés de notre échantillon, douze sont des militants actifs ou en processustransitoire et cinq désengagés, auparavant très impliqués à Attac-Rhône. Or, parmi ces cinqdésengagés, au moins trois gardent un lien, symbolique mais repérable, avec l’association,dans la mesure où lors des interventions diverses dans des événements militants et desconférences à Lyon, ils s’identifient comme « militants d’Attac-Rhône », qu’un ancien militantva participer à l’Assemblée générale d’Attac France, ou encore, lors de représentationsdu spectacle, monté à Attac-Rhône, dont s’occupe toujours un ancien militant. Parmi lesdouze actifs, huit peuvent être définis comme impliqués, mais alors selon une intensité trèsvariable, car ils sont au moins deux à faire partie des « dinosaures »-fondateurs d’Attac-Rhône, deux autres sont des nouveaux arrivés entre 2007 et 2008, et quatre se sontengagés à des moments intermédiaires de l’histoire de l’association. Cependant, dans lespropos d’au moins quatre actifs ressortaient des doutes, des prises du recul ou le tempspassé des verbes dans la description de leurs activités militantes, alors que deux d’entre euxont des mandats et des responsabilités au bureau. Ainsi, « le désengagement ne renvoie ni

402 Ibid, p.217.403 MERTON Robert K., Social theory and social structure, New York, 1957.

404 B.Klandermans souligne que malgré l’existence de nombreux ouvrages sur le déclin des mouvements, à sa connaissance, sonétude de défection dans un mouvement pour la paix aux Pays-Bas en période du déclin était « la première tentative menée […] pourcomprendre et mesurer les étapes de la défection à différents points dans le temps, pour comprendre qui part à tel ou tel moment,qui reste, et pourquoi ». Ainsi, il a pu distinguer trois profils : 1) les persistants qui restent dans l’organisation en déclin et continuentà maintenir son fonctionnement, 2) les mobiles la quittent pour s’engager dans un autre mouvement, 3) les disparus arrêtent toutengagement. (Voir KLANDERMANS Bert, « Une psychologie sociale de l’exit », in FILLIEULE Olivier (dir.), Le désengagement militant,Paris, Belin, 2005, p.107. KLANDERMANS Bert, « Transient Identities ? Membership Pattern in the Dutch Peace Movement », dansLarana E., Johnston H., Gusfield J.R. (eds), New Social Movements. From Ideology to Identity, Philadelphia, Temple University Press,1994, p.168-184. KLANDERMANS Bert, OEGEMA D., “Potentials, Networks, Motivations and Barriers: Steps towards Participation inSocial Movements”, American Sociological Review, vol.52, n°4, 1987, p.519-531.)

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Chapitre III. L’engagement et ses fluctuations : le cas des adhérents et des militants d’Attac-Rhône

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à une situation claire ni à un état définitif. Il faut l’entendre plutôt comme un processus qui,des premiers doutes à la rupture effective, peut s’étirer sur plusieurs années et prendre desformes inattendues »405. Une démonstration de la justesse de cette thèse est fournie par unmilitant, qui tout en étant assez présent lors de nos observations durant l’année 2008-2009,se définit comme « ayant pris la distance »406 avec l’association Attac-Rhône.

De là, nous nous assurons de l’état hautement indécis de l’engagement à Attac-Rhône,aggravé par les signes extérieurs du déclin de l’association. Ainsi, nous allons voir lacomplexité d’éléments qui influencent sa définition par un(e) (ex)militant-e. Il y a quelquesdifficultés dans ce chemin. Tout d’abord, une difficulté à discerner les facteurs prépondérantspour les transformations de l’engagement ou le désengagement : lequel nourrit les doutes etest source des déceptions, lequel était élément déclencheur, quelles raisons indiquées sontprofondes et lesquelles relèvent de l’ordre de la justification qu’on avance publiquement.Pour mieux comprendre ces dernières, O.Fillieule propose de discerner les motivations, lesraisons profondes du changement de comportement, et des motifs, qui sont un produit d’une« verbalisation permettant, en situation, de produire des justifications du comportement »407, et dépendent du contexte culturel et des catégories et usages du langage. Une autredifficulté, nous l’avons vu, est liée à l’ambigüité de la parole sur soi et son militantisme,selon le moment d’interrogation, l’état d’esprit et d’autres facteurs qui peuvent créer uneimage isolée dans un moment précis et ne pas permettre de saisir la complexité de l’étatde l’engagement d’un acteur.

En vue de dépasser cela, nous avons essayé d’articuler les propos exprimés parles acteurs avec d’autres informations recueillies, de les inscrire dans la trajectoire del’interviewé et la réalité observable de ses activités dans l’association, ou encore sesréinvestissements militants pour ceux qui se déclarent « désengagés » d’Attac-Rhône408.

Les fluctuations de l’engagement sont conditionnées par la multiplicité des facteurs,autant internes de l’association (l’étape de son développement et les conditions matériellesdu fonctionnement, la capacité et les stratégies du recrutement et de renouvellementdes effectifs, l’encadrement organisationnel des activités, les modes d’intégration et lesformes de sociabilité militante), qu’externes (le statut d’organisation de masse et lafréquentation des activités proposées au public, l’image médiatique et la perceptiondans l’opinion publique de l’organisation, liées à l’offre de militantisme dans le champde lutte et dans l’espace militant géographique respectifs, mais également au contexte

405 FILLIEULE Oliver et BROQUA Christophe, « La défection dans deux associations de lutte contre le sida : Act Up et AIDES », inFILLIEULE Olivier (dir.), Le désengagement militant, Paris, Belin, 2005, p.191.406 Ce militant, alors que de par sa présence physique dans l’association pourrait être défini comme « actif », se dit d’avoir été militantd’Attac-Rhône : « Moi j’ai pris la distance par rapport à Attac. Donc voila, j’ai milité à Attac, j’y suis toujours. En fait je m’occupe de laradio aujourd’hui à Attac. Alors ce que je fais, je fais essentiellement ça. », Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques,enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon. Ses premières déceptions remontent à l’après-campagne référendaire de 2005 et prennent,ainsi, de plus en plus de corps, même s’il est encore très impliqué dans le groupe radio. C’est concernant l’état d’avancement desnégociations avec la radio Canut et autres pistes, qu’il venait aux réunions, pour informer et avoir l’approbation pour la poursuite.Voir Chapitre 2.)

407 FILLIEULE Oliver et BROQUA Christophe, « La défection dans deux associations de lutte contre le sida : Act Up et AIDES »,in FILLIEULE Olivier (dir.), Le désengagement militant, op.cit., p.281-282.

408 La connaissance sur le devenir des désengagés va alors enrichir l’image de leurs engagements passés dans la mesureoù elle « renseigne sur les possibles entrouverts, freinés ou censurés auparavant par l’appartenance politique, et qui sont désormaisfacilités ». GOTTRAU X Philippe, « Autodissolution d’un collectif politique. Autour de Socialisme ou Barbarie » in FILLIEULEOlivier (dir.), Le désengagement militant , op.cit. , p.89.

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Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône

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changeant sociopolitique et économique). Les transformations de l’engagement peuventêtre rapportées également aux dynamiques proprement individuelles de l’acteur : leschangements des rétributions perçues du militantisme, les possibilités de reconversionsdes capitaux militants409, la routinisation, la fatigue et la déception dans son engagement,la réorientation et l’attachement à de nouvelles causes, les événements biographiques etles changements d’équilibre d’investissements dans des sphères de vie410 diverses. Laprise en compte des trois dimensions de l’attachement411 au groupe est important pourcomprendre les mécanismes de défections : 1) le maintien de l’attachement dépend du coûtde la défection412, lui-même évalué en fonction des renoncements et des efforts investis413

par le militant dans son engagement, 2) la cohésion dans un groupe, conséquence de larenonciation et de la communion, et 3) le contrôle de l’engagement par l’organisation à l’aidede divers mécanismes pour aboutir à l’adhésion414.

Le fait de distinguer les générations (cohortes) 415 des militants au sein de l’associationpermet de mieux comprendre les motivations et le déroulement de l’engagement, deprendre en compte le moment de l’entrée et la durée de l’engagement, mais aussi leseffets du recrutement et de la sélection dans l’association, la trajectoire et la transformationde l’identité de l’organisation avec le remplacement des générations militantes. Selon lecontexte économique et politique le fait de s’engager ne signifie pas la même chose et nevise pas les mêmes objectifs. Selon la période où se trouve l’organisation, l’engagement

409 Le capital militant est « incorporé sous forme de techniques, de dispositions à agir, intervenir, ou tout simplement obéir,il recouvre un ensemble de savoirs et de savoir-faire mobilisables lors des actions collectives, des luttes inter ou intra-partisanes,mais aussi exportables, convertibles dans d’autres univers, et ainsi susceptibles de faciliter certaines « reconversions ». MATONTIFrédérique et POUPEAU Franck, « Le capital militant. Essai de définition », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 155,2004/5, p.8.

410 Les sphères de vie sont les « différents espaces qui ont leurs frontières réelles et symboliques, leur logique et dynamiquepropre ». Leur dimension objective se révèle dans l’appartenance d’un acteur à des groupes (famille, travail, amis, association, etc.),alors que la dimension subjective est liée au sens que l’acteur attribue à ces appartenances et aux interactions qu’elles entraînent. Lathèse de Passy est celle que tout changement dans la structure relationnelle de l’acteur entraîne des remaniements identitaires, et,ainsi, contribue aux transformations du sens que l’acteur attribue à son engagement politique et aux transformations de celui-ci. PASSYFlorence, “Interactions sociales et imbrications des sphères de vie”, in Fillieule Olivier (dir.), Le désengagement militant, op.cit., p.115.

411 Fillieule précise que l’attachement est ici utilisé dans le sens du terme anglais “commitment” pour distinguer le mécanisme dumaintien de l’engagement du processus de l’entrée dans celui-là. FILLIEULE Olivier, « Temps biographique, temps social et variabilitédes rétributions » in FILLIEULE Olivier (dir.), Le désengagement militant, op.cit., p.40.

412 HIRSCHMAN Albert, Défection et prise de parole. Théorie et applications, Paris, Fayard, 1995.413 L’effet « surgénérateur de l’engagement » fait partie du processus de l’attachement au groupe, dans la mesure où

« l’obtention de gratifications personnelles est intimement liée à l’accomplissement des activités partisanes ». GAXIE Daniel,“Economie des partis et rétributions du militantisme”, Revue française de science politique, février, vol.27, n1, 1977, p.123-140.

414 KANTER R.M., “Commitment and Social Organisation: A Study of Commitment Mechanisms in Utopian Communities”,American Sociological Review, 33, 1968, p.499-517 cite in FILLIEULE Olivier, « Temps biographique, temps social et variabilité desrétributions » in FILLIEULE Olivier (dir.), Le désengagement militant, art.cit., p. 40-42.

415 Le terme de génération, ou cohorte, est défini non pas comme une « communauté d’âge », mais comme « communautéd’adhésion ». N.Whittier a analysé par cohortes le mouvement féministe de Columbus, Ohio. D.Labbé et M.Croisat dans l’étude de ladésyndicalisation prennent en compte la variable d’appartenance à une génération militante spécifique sur l’engagement. (WHITTIERNancy, « Political générations, Micro cohorts and the Transformations of Social Movements », American Sociological Review, vol.62, n°5, oct.1997, p.760-778 ; LABBE Dominique et CROISAT Mauric, La fin des syndicats ?, Paris, l’Harmattan, coll. « Logiques sociales »,1992 cité dans FILLIEULE Olivier (dir.), Le désengagement militant, op.cit., p.26-27, 255).

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Chapitre III. L’engagement et ses fluctuations : le cas des adhérents et des militants d’Attac-Rhône

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d’un militant peut avoir des motivations différentes. Selon ce qu’il y a vécu et selon le tempsde son militantisme, son lien avec l’organisation et ses autres militants peut varier, ce quiinfluence considérablement le coût de la sortie.

2.1. Générations militantesQuoique l’ancienneté du comité local Attac-Rhône soit restreinte, nous pouvonsschématiquement distinguer les quelques générations selon le moment de l’entrée, quiest généralement corrélatif avec le registre de motivation et révèlent quelques autresdéterminants sociographiques. Dans notre cas nous pouvons distinguer le « noyaudur »416, la deuxième génération et les nouveaux arrivés récemment. Selon les conclusionsde E.Cruzel, la génération fondatrice d’Attac417 « obéit à une logique de reconversionde pratiques et de savoir-faire militants », tandis que l’engagement postérieur à Attac« correspond davantage à « une phase interstitielle de la vie sociale »418 (reconversionsocioprofessionnelle, passage en retraire, entrée ou retour dans la vie active) ». Nous avonspu confirmer ses conclusions sur notre échantillon, ce que nous allons voir ensuite.

L’existence du « noyau dur » ressort le plus souvent dans les propos non seulementde ses représentants, mais aussi de ceux arrivés plus tard, voire, des nouveaux arrivés,ayant été socialisés au langage « attakien ». D’une part, cette génération est celle desfondateurs d’Attac-Rhône, donc de personnes ayant un poids symbolique important commeprécurseurs et pionniers d’Attac, mais également ayant vécu les déceptions liées à la crise,à la baisse des effectifs et au déclin des activités de l’association. L’effet de ce poidssymbolique se révèle dans les propos de ce militant, engagé depuis 2002, qui regrettene pas avoir vécu le moment du début, le « big bang », « la folie » de la fondation del’association :

« C’est ça le noyau d’Attac-Rhône, en fait. C’est un mode d’engagement qui s’estpas vraiment régénéré. Parce que, le noyau militant il s’est pas énormémentrégénéré. Mais je pense que c’est ça qui est intéressent, d’ailleurs. Franchement.Déjà, moi, je suis la deuxième génération pour Attac-Rhône. J’ai toujours trèsfortement ressenti ça. Quand je suis arrivé, il y avait quatre années qui s’étaientécoulées avant, et pendant ces quatre années il s’était passé l’essentiel del’histoire d’Attac-Rhône. Voila, j’ai l’impression de ne pas avoir connu l’essentielde l’histoire d’Attac-Rhône. Pourtant, je pourrais me dire que, voilà, ça fait 6 ansque, de près ou de loin, je milite à Attac, donc, je porte quand même une bonnepart de l’histoire d’Attac-Rhône, mais en fait, pas vraiment. Parce que l’essentielde l’histoire d’Attac-Rhône, c’est le feu d’artifice de départ, le big bang, d’un seulcoup, rapidement, on monte à 1 000 adhérents, et puis, déjà en 2001 il y avait des

416 Nous reprenons l’expression utilisée par les interviewés, qui décrit le mieux la caractéristique de ces acteurs.417 Dans les comités locaux de Toulouse et Bordeaux qu’elle avait étudiés. CRUZEL, Elise, « Passer à l’Attac » : Eléments pourl’analyse d’un engagement altermondialiste, art.cit.418 AGRIKOLIANSKY Eric, « Carrières militantes et vocation à la morale : les militants de la LDH dans les années 1980 », Revuefrançaise de science politique, n°51(1-2), 2001, p.39, cité in CRUZEL, Elise, « Passer à l’Attac » : Eléments pour l’analyse d’unengagement altermondialiste, art.cit., p. 163.

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événements assez forts. Donc, moi, vraiment je sais que je suis un militant dedeuxième génération.”419

Or, leur vécu dans l’association, la substitution des temps forts par les déceptions, commedans la vie ordinaire, de par sa durée importante et des événements vécus, malgré le départdéfinitif des uns, ou la persistance accompagnée du sentiment de la fatigue et des mémoiresnostalgiques des autres, leur avait crée un lien consistant avec Attac-Rhône. Certains,encore actifs, n’ayant pas trouvé d’autre domaine plus valorisé pour s’investir à leurs yeux,sont ceux que nous appelons les persistants (qui s’auto-désignent comme « dinosaures »)et qui font « toujours partie des meubles »420 :

« Je suis toujours là quoi, quand même, j’ai toujours un pied dedans, parce que jepourrais pas ne pas y être, je pense. »421

D’autres, partis définitivement, gardent un lien affectif et social, et fréquentent encorecertaines activités :

« Et puis, aujourd'hui, en ce moment, on va voir-là, samedi y a une assembléegénérale d’Attac-Rhône, à un moment je suis ailleurs, dans une autre réunion,mais j’ai envie de venir faire un tour quoi. Parce que en fait, même si s’est passétout ce qui s’est passé, bah, moi, je reste, profondément marqué par cette…au sens positif du terme, par cette aventure. Je me définis aujourd'hui dans unespace politique où je milite, comme militant altermondialiste. Et je reste trèsattaché à, voila, ce qu’on a construit. Je reste très attaché à l’histoire d’Attac etje reste attaché à un groupe de personnes qui sont toujours actifs dans l’Attac.Voila, le parcours… »422

Plusieurs des militants désengagés, réputés spécialistes sur des questions spécifiquesqu’ils avaient travaillées dans des groupes d’Attac-Rhône, sont sollicités par l’associationou encore s’identifient lors des interventions pendant les événements publics commemilitants d’Attac-Rhône. Alors, qu’en réalité ils ne sont plus présents physiquement dansl’association, l’auto-identification à Attac persiste et l’identité publique d’Attac-Rhône estencore suffisamment attirante pour eux pour continuer à s’y identifier :

« Là, en ce moment, depuis quelques mois, compte tenu le contexte international,compte tenu la crise dite financière, Attac à Lyon est sollicité, sur la question decrise financière. C'est généralement, sollicité pour une soirée ou une autre, qu’ils’agisse de conférence-débat, qu’il s’agisse de petit, moyen, plus grand format,ou de débat contradictoire, - c'est généralement moi, qui y vais. Parce que, bon,c'est la question de la dérégulation financière avec ses conséquences, c'estquelque chose sur quoi je travaille depuis 5-6 ans. Voila. Ça, c'est un héritaged’Attac pour moi…”423

La mémoire de l’association et sa continuité, dont sont porteurs ceux appartenant au noyaudur, fait d’eux également des porteurs de la représentation d’un « déclin » et les agentsd’une quasi-matérialisation de l’idée de l’impasse où se trouverait Attac-Rhône, alors que

419 Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.420 Alice, militante, 60 ans, à la retraite, enregistré le 11 mars 2009 à Lyon.421 Ibid.422 Nicolas, ancien militant, 55 ans, au chômage, enregistré le 16 décembre 2008.423 Ibid..

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les nouveaux arrivés (et rappelons qu’ils sont très peu nombreux424) ne partagent pas, depar leur expérience militante précédente ou sans en avoir aucune, ce sentiment. Un militant,précédemment très engagé à Attac Lausanne, puis Attac Suisse, entre 2004 et 2007, suiteà son expérience militante moins orientée vers les adhérents et plus liée à la réflexion etsurtout l’action très médiatisée425, démontre cette contrainte qu’exerce l’expérience passéesur l’interprétation de l’état actuel :

« Ah, ouais, y a 700 personnes qui reçoivent le mail d’Attac-Rhône 426 , ouais.

Y en a 300 qui reçoivent les mails d’Attac Liban. Et y en a 700 qui reçoivent lesmails d’Attac Lausanne. Mais alors, l’assemblée générale d’Attac Lausanne, y

a 10 personnes 427 . Q : Ah, donc, c'était un succès hier, parce que… Bah,

parce que c’est eux, le problème c'est eux par rapport à leur histoire, commentils étaient avant. C'est l’évolution qu’il faut voir. Evidemment ils sont une grossesection, ah, les sections d’Attac, elles sont petites souvent. Mais, bon, c'est eux,évidemment. Y avait 1000 membres y a 5 ans, et y a 300 maintenant, bon, c'est unpeu bizarre, je comprends. Mais moi, c'est une assemblée générale plutôt pleine.Même Attac Suisse en entier, y a pas autant de gens à l’assemblée générale.Pourtant y a plus de monde”428.

Nous considérons significatif les propos d’une autre militante récente (juin 2007), qui, ellenon plus, n’a pas adhéré au discours des « meilleurs temps passés » d’Attac-Rhône, etexplique la désaffection des effectifs par un désenchantement généralisé et le sentimentd’impuissance dans la population. D’autre part, les deux nouveaux arrivés ne peuvent pasadhérer au discours sur le déclin, de par la nouveauté de leur militantisme à Attac-Rhône,et puisque, au cas contraire, leur engagement tomberait dans l’insignifiance :

« En fait, j’ai eu aussi la sensation que…que de manière générale, en tous casen France, parce que j’ai seul le point de vue de ce qui se passe en France.Bah, ce qui est mis en place par les gouvernements successifs, et en particulierpar le dernier gouvernement, ça attaque tellement de tous les cotés, que j’ail’impression que les gens savent pas trop… quoi faire. Et…se sentent un peudémunis, ont plus envie de participer activement à des associations, ont pasenvie de bouger, sachant que on voit bien que ça ne sert pas vraiment à grandechose. J’ai un peu la sensation que c'est lié à quelque chose comme ça quoi »429.

Sa propre envie de s’engager dans l’espace public, sans expérience militante précédente,avait été longtemps nourrie par les réflexions et le sentiment croissant d’être « démunie ».

424 Deux, qui ont commencé à militer en 2007-2008, parmi nos interviewés, et 6 des 37 adhérents venus à l’AG de 2008, qui ontadhéré après 2003.425 L’affaire à Attac Suisse, où les militants menant une enquête sur l’entreprise Nestlé Suisse ont été espionnés par cette entreprise,a abouti à un non-lieu auprès de la justice. Le recours a été déposé et y est en cours de traitement.426 En réalité, 800 personnes inscrites sur la liste de diffusion « Rhônediffuser », parmi lesquelles non pas toutes les

inscriptions sont effectives (par exemple, emails anciens et non plus consultés)427 Rappelons, qu’il y avait approximativement 35 adhérents présents et 53 représentés, aussi que treize élus lors de l’AG

le 13 décembre 2008 d’Attac-Rhône.428 Azzedine, militant, 29 ans, postdoc à l’ENS en physique, enregistré le 14 décembre 2008 à Lyon.429 Amandine, militante, 28 ans, postdoc à Lyon 1 en physique, enregistré le 15 décembre à Lyon.

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Exerçant son activité professionnelle dans le domaine de la recherche et de l’enseignementsupérieur, elle suit attentivement et participe, notamment cette année, aux mobilisationscontre les réformes de CNRS et celles portées par trois décrets à l’application de la LRU(loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités). Nous pouvonssupposer ainsi un lien entre ses dispositions, le capital scolaire élevé, l’appartenanceprofessionnelle à un domaine social perturbé par des réformes libérales les quelquesdernières années (lequel ne l’est pas ?) et l’entrée dans le militantisme à Attac-Rhône, qui,pour elle, représente une organisation qui oriente la réflexion générale sur les problèmesde la société et en même temps organise l’action.

Une autre militante, engagée depuis relativement longtemps, 2005, s’aperçoit quele relâchement de la tension antérieure, liée à la présence d’un grand nombre desmilitants, des provenances et des façons de militer différentes, au contraire, - contribue àla redynamisation de l’association :

« Généralement, les gens plus âgés, ils sont habitués à des trucs très carrés,à des réunions, « tac-tac ». Maintenant beaucoup moins, mais quand je suisarrivée à Attac-Rhône, on faisait un ordre du jour pour chaque bureau… Déjà, ily avait un ordre du jour qui était envoyé, alors que maintenant c’est absolumentplus le cas, c’est (rire)… On fait l’ordre du jour le soir en arrivant-là, alorsqu’avant on envoyait un ordre du jour, quelqu'un faisait l’ordre du jour, et pourproposer, les dernières modifications - devaient arriver avant lundi soir pour lesmercredis, sinon les points après, n’étaient pas discutés (rire)… Enfin, c’étaitune organisation super carrée. Non, après bien sur, y a des différences dans lesmodes de fonctionnement parce que forcément on a une autre culture politiquequ’eux donc, on a pas les mêmes modes d’action. Et généralement, nous, lesjeunes, on a milité aussi dans les mouvements étudiants, donc, forcément, ona d’autres moyens d’action que… C’est vrai qu’on aime que ça bouge un petitpeu plus, c’est vrai qu’Attac, c’est quand même … Maintenant, ça commence unpetit peu à bouger mais c’est quand même, jusqu’à maintenant c’était très trèslong quoi… on fait des conférences-débats, conférences-débats, conférences-débats… on invite un économiste, un type qui vient parler pendant 2 heures etvoila quoi. Maintenant, ça commence à soulever un peu, on fait beaucoup plus dechoses…”430

Ainsi, pour elle, habituée à l’action moins formaliste étudiante, la diminution du corps militantjoue à la faveur dans le changement des modes du fonctionnement de l’organisation, dèslors moins procédural.

En règle générale, le moment de l’entrée et la durée de l’engagement exerce un effetimportant sur ses fluctuations. Les militants ayant participé à la fondation de l’association et àses moments clés, y sont plus attachés, plus prédisposés à persister dans leur engagement,sauf en cas d’une déception importante, mais aussi plus critiques du fait de la désaffectionde ses effectifs et de la diminution des capacités d’action. Les générations arrivées plustard n’ont pas de poids de ses « meilleurs temps passés » sur leurs épaules, et donc,en fonction de leur expérience militante précédente et les capacités de transformer lamotivation dans l’action, sont plus libres à construire leur engagement et guider l’associationdans les transformations qu’elle vit.

430 Lucie, militante, 20 ans, étudiante en sociologie en Master 1, enregistré le 12 novembre 2008 à Lyon.

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2.2. Cadre organisationnel de l’engagementLes dimensions proprement organisationnelles doivent être prises en compte pourcomprendre les fluctuations de l’engagement : d’une part, la position de l’organisation dansl’espace des mouvements sociaux, qui, en cas d’accueil favorable acquiert le gain d’unpoids symbolique important, et contribue au renforcement de l’engagement, et vice versa,et, d’autre part, la dynamique propre de la structure organisationnelle, conditionnée par sataille, ses modes de fonctionnement et ses logiques de sociabilité internes, qui exercent uneinfluence sur le ratio coûts-rétributions de l’engagement.

Le fonctionnement interne, souple ou formalisé, accompagné par des dispositifsmatériels 431 de l’engagement dans l’association ou s’exerçant en mode de libre participationouverte à tout le monde, - le cadre organisationnel exerce un effet important surl’engagement. C’est, en partie, ce cadre institutionnel qui définit comment les organisations« travaillent les individus et sont travaillées par eux »432. La souplesse du fonctionnementinterne d’Attac-Rhône nous a été soulignée à maintes reprises. Cependant, autant celacontribue à des mœurs très démocratiques internes de participation et d’expression,souligné par des acteurs d’autres provenances organisationnelles, autant cela peut aussicontribuer à ce que un nouveau visiteur, militant potentiel, ne trouve sa place et ne sachecanaliser son action. Plusieurs interviewés sont venus, ou même ont participé activement,durant une période entre quelques mois et un an dans les activités de l’association, sansprendre une carte d’adhérent. Ceux qui ont pris des responsabilités au sein du Conseild’administration, le plus souvent, ont été sollicités pour présenter leur candidature par lesmembres actifs, faute de candidature volontaire. Plus rarement, ils expliquent la prise deresponsabilité par l’envie de manifester leur soutien aux « persistants » fatigués par lagestion administrative, ou, parfois, par le sentiment de la responsabilité pour la gestion la vieadministrative de l’association. Ou encore, cela provenait de l’envie de « formaliser » leurengagement et participer à la prise des décisions : « formaliser le fait que de toute façonje viens une fois par moi au CA, et que je trouve ça un peu bizarre comme fonctionnementque j’ai pas le droit de vote quand ils veulent prendre des décisions»433 .

L’encadrement organisationnel et les normes internes du fonctionnement peuvent êtrefavorables à l’intégration434 des nouveaux arrivés par l’offre des activités et la distribution

431 Dans leur étude du désengagement dans les associations de lutte contre le sida, O.Fillieule et C.Broqua montrent commentà l’opposé d’une simple procédure d’adhésion par la prise d’une carte d’adhérent à Act Up, la mise en place à AIDES d’une procédurede « tampon » pour marquer la période d’éloignement du bénévole et, ensuite, si il le décide, le départ, exerce un certain effetdans la prise de décision et dans l’auto-définition par des militants de leur appartenance à l’organisation. Voir, FILLIEULE Oliver etBROQUA Christophe, « La défection dans deux associations de lutte contre le sida : Act Up et AIDES », in FILLIEULE Olivier (dir.),Le désengagement militant, op.cit., p.192.

432 SAWICKI Frédéric, SIMEANT Joanna, « Décloisonner la sociologie de l’engagement militant. Note critique sur quelquestendances récentes des travaux français », Sociologie du travail, n° 51, 2009, p. 115.

433 Azzedine, militant, 29 ans, postdoc à l’ENS en physique, enregistré le 14 décembre 2008 à Lyon.434 D.Gaxie soulignait l’importance de la fonction d’intégration assurée par le parti, qui contribuerait au renforcement du

sentiment d’appartenance au groupe, une des rétributions militantes importantes. « Bien des inclinations idéologiques peuvent ainsirester sans suite si, en l’absence de contacts sociaux, l’adhérent virtuel ne parvient pas à s’introduire dans l’univers des militants etbien des adhésions répondant à des « mobiles idéologiques » restent fragiles si ces derniers ne sont pas relayés et soutenus parde nouvelles incitations matérielles ou symboliques ». GAXIE Daniel, “Economie des partis et rétributions du militantisme”, Revuefrançaise de science politique, février, vol.27, n1, 1977, p.137-138, 145.

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des tâches, l’accueil des initiatives. Ainsi, l’engagement tout de suite intense d’un ancienmilitant à Attac Suisse a été favorisé par ces dispositifs :

« Ce qui s’est passé, c'est que l’association Attac en Suisse, elle est trèshorizontale, elle est très participative, comme je disais hier, c'est plus vrai enSuisse, qu’en France. Et disons, que j’ai très vite été très très très actif, quoi. Aubout d’un an, j’étais au secrétariat de la section de Lausanne, et un an plus tard,j’étais au secrétariat national d’Attac Suisse. Et y avait…bon, après, j’ai fait…j’aibeaucoup travaillé…y a eu des périodes où j’avais…où je dormais très très peu.

Pas à cause de mon travail, mais parce que j’ai milité beaucoup, tu vois…” 435

Ce même militant, très vite et très activement engagé à Attac Suisse, parce que il y « a eu unappel », un projet, - ne trouve pas cela à Attac-Rhône, où il aperçoit le « manque d’idées ».

La souplesse et la bonne volonté des militants pour la prise des responsabilités, lapossibilité de participer sans formaliser son engagement dans l’association, ont permis àcertains de partir avec plus de facilité n’ayant pas d’autre connexion à l’association quel’attachement à certaines de ses causes, après avoir monté et accompli un projet en sonsein, tout en justifiant le départ dans le registre de légitimation par Attac-Rhône de ce modede fonctionnement :

« J’avais déjà été en fait, pendant toute cette période qu’Attac-Rhône…c'estquand même pas très formaliste, donc, sans être élu au conseil d’administrationou au bureau je participais pratiquement à toutes les réunions, pratiquementcomme si j’y étais déjà, donc, ça faisait déjà un moment que je trainais mesguêtres là-dedans. (…) Et le dernier élément, c'est que je suis toujours…je pensetoujours que un mandat et après on laisse sa place. Euh, que, qu’il faut aussilaisser du sang neuf. Et puis parce que on était en gros, dans la période aussi quia pas été facile…euh…où il y a eu toutes les problèmes internes, avec la fraude

etc.” 436

Une dimension du fonctionnement organisationnel d’Attac, qui avait attiré et, en certainscas fasciné, des militants, était son rôle fédérateur et rassembleur des sensibilités etorganisations diverses. Cela avait eu, pour certains, un intérêt symbolique, car potentield’échange d’idées et des débats, et plus stratégique pour les autres (tout en étantsymbolique), de par ses capacités matérielles de mobilisation et de diffusion de ses idées(ce qui contribue également au renforcement de son importance symbolique, reconnue suiteà cela médiatiquement). Un syndicaliste très engagé, adhérent et suivant l’activité d’Attac-Rhône dès sa fondation, est arrivé seulement en 2000 avec le « dossier CNR sous le bras »,chercher de l’appui dans son engagement contre la privatisation de la CNR, l’appui desressources analytiques et en termes des capacités d’organiser un front critique :

« J’ai été membre d’Attac depuis la création. J’ai fait partie des gens qui ont écritune petite lettre suite à l’édito d’Ignacio Ramonet. Voila. Donc, je devais avoir lacarte six cent et quelque…Dans les premiers adhérés à Attac. Sur Lyon, j’avaisété à la réunion de lancement d’Attac-Rhône. J’y n’avais pas pris part, parce qu’àce moment-là, effectivement, je m’investissais plus au niveau syndical. Donc,quand y a eu le projet de privatisation, je me suis dit, un, c'est vraiment dans435 Azzedine, militant, 29 ans, postdoc à l’ENS en physique, enregistré le 14 décembre 2008 à Lyon.436 Daniel, ancien militant, 43 ans, technicien à la CNR, enregistré le 10 mars 2009 à Lyon.

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les thèmes d’Attac : la financiarisation, etc., la privatisation. Deuxièmement,si la CNR, les milles personnes qu’on est, restent-là à se battre, on va se fairelaminé, donc, il faut ouvrir… Disons, voila, on est perdu quelque part, il faut qu’ons’ouvre. Et un des moyens, c'est éventuellement, avoir une caisse de résonnanceau travers d’Attac, donc, les deux étant liés. Donc, c'est comme ça que je suisarrivé à Attac-Rhône»437.

Mais alors, n’ayant pas su structurer et animer cette diversité, donner une direction à sontravail constructif, gérer les divergences et dépasser les divergences sur certaines questionsconflictogènes, ayant perdu petit à petit ses organisations membres438, qui servaient souventde relais pour ses actions, l’association a également perdu cette valeur rajoutée aux yeuxde ces effectifs :

« Ah oui. La CGT qui était quand même partie prenante…Et si on a pu faire desmanifestations à Lyon contre l’OMC avec du monde dans les rues, c'est parceque la CGT mobilisait, il faut le dire. C'est pas parce que Attac mobilisait. Bon, àpartir du moment où la CGT commençait à prendre circule vis-à-vis d’Attac, ça adevenu beaucoup difficile. Mais de même, et Parti Socialiste. PS au départ nousa rencontrés, on a travaillé avec eux. Euh, maintenant on est sur la liste noire,ils veulent plus nous rencontrer. Voila. C'est des changements aussi, extérieurs,en quelque part, qui ont, sans doute, aussi…je pense que…Attac n’est pas toutblanc. Ça veut dire aussi qu’à un moment on s’est mal positionnés, qu’il y a desincompréhensions, mais le constat, c'est ça »439.

Le cadre organisationnel exerce un effet structurant l’engagement, autant que lui-mêmedans la pratique est structuré par les engagements. Sa souplesse peut contribuer à laconfiguration du fonctionnement de l’organisation par ses membres actuels, mais, en mêmetemps, faute d’encadrer leurs engagements, laisse à la multiplicité d’autres facteurs, voirehasards, définir la persistance des engagements en son sein. Les militants d’Attac-Rhône,ainsi, deviennent souvent des « électrons libres »440 dans leur trajectoire. En outre, s’étantaffaibli dans l’espace militant et ayant perdu ses capacités fédératrices, Attac-Rhône a dèslors perdu des appuis et des relais pour son action, aussi que l’attractivité pour s’y déployerson action.

2.3. L’épuisementLa dynamique de départ, ayant suscité beaucoup d’enthousiasme dans l’espace militantde Lyon, a culminé quantitativement avec près de 1200 adhérents et un volume d’activitésimportant441, avant de commencer à se ralentir et, finalement, prendre le tournant d’undéclin affirmé. Le départ et le non-renouvellement des effectifs a abouti à l’épuisement :l’épuisement des activités et le manque d’idées pour les nouvelles actions, et la fatigue

437 Ibid.438 Les personnes morales membres d’Attac-Rhône entre 1999 et 2003: CADR, MRAP de Lyon, SNESUP Lyon, SUD-PTT Rhôneet Ain, UD-CGT du Rhône, FSU, AC !, CADTM. En 2008 il y restait seulement CADTM, rejoint par AC! pour l’année 2009.439 Daniel, ancien militant, 43 ans, technicien à la CNR, enregistré le 10 mars 2009 à Lyon.440 Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.441 Les militants, selon le degré de l’implication, allaient à 1-4 réunions par semaine.

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psychologique (burn out) 442 des militants qui s’en suit. Plusieurs militants désengagésindiquent parmi les raisons de départ cet épuisement et non-renouvellement d’activitéset l’absence de nouvelles idées. Les groupes avaient travaillé les questions théoriques,certaines personnes avaient acquis des connaissances importantes des thématiques, - ilscommençaient à « tourner en rond »443 :

« Bah, ça s’est arrêté [le travail du groupe « Services publics »]…alors à Lyon,sur les services publics d’abord parce que on a tourné en rond au bout d’unmoment. Ensuite, parce que là aussi, au bout d’un moment, au bout de quelquesannées à avoir travaillé sur la question, j’étais devenu tellement spécialiste, qu’onfaisait des réunions, tout le monde me regardait en me disant, chef, faut direquoi…C’est toi qui sait, donc, ça allait plus, c'était plus un groupe de travail.Voila, donc. Bon, au bout d’un moment. Ça…on a cherché à faire évoluer, mais çaa jamais marché.”444

Le travail des groupes de réflexion, ayant abouti à un certain nombre d’actions et débouchés(cafés-débats, livrets, conférences, émissions radio, autres interventions extérieures),souvent s’arrêtait, épuisé et en manque d’idées, mais probablement aussi du fait de moindrefréquentation de ses activités. « Les groupes de travail ont commencé à s’éteindre lesuns après les autres »445. C’était le cas de beaucoup de groupes, y compris au niveaunational. L’épuisement du potentiel d’autoformation et de diffusion de connaissances dansdes groupes de réflexion et la mise en question de la pertinence de mission d’éducationpopulaire qui s’en suivit :

« Je crois je voyais plus tellement l’utilité. Ça avait fait son temps. Le fait detravailler comme ça dans des petits groupes. Je crois que j’ai pas vraiment réussià proposer autre chose. »446

En outre, l’épuisement était double : il a autant été ressenti de l’intérieur, par les militantsfatigués et dépourvus d’idées, qu’à l’extérieur, dans la baisse des adhésions et la diminutionde l’assistance aux actions publiques. Cette diminution a posé de nouvelles questions àAttac-Rhône : pourquoi avait-t-elle lieu et comment arrêter le processus ? Ces débats, qui,donc, datent depuis longtemps, ont lieu toujours aujourd'hui, et sont menés en termes decomment « faire la pub » et comment faire venir le public et les adhérents. La persistance decette préoccupation démontre l’importance de l’approbation extérieure de l’action militante,surtout dans le mouvement d’éducation populaire dont se revendique toujours Attac.Certains militants l’ont adoptée et participent à cette réflexion collective, d’autres l’onttrouvée (ou trouvent) inutile, interprétant autrement le projet et l’identité d’Attac :

442 Appliqué à l’étude sur la défection des bénévoles des associations de lutte contre le sida, une implication au coût psychologiqueélevé en soi, ce concept est emprunté par O.Fillieule dans une étude de 1974 pour désigner « l’épuisement professionnel dessoignants » (FREUDENBERGER H.J., « Staff Burn-Out », Journal of social Issues, 30, 1974, p.187-196). Pour C.Maslach la réponsenégative en forme de burn out est lié au stress qui suit l’exercice d’un rôle et se traduit par la fatigue, le sentiment d’incompétence, laperte de motivation et de productivité. MASLACH C., Burnout : The Cost of Caring, Englewoods Cliffs, N.J., Prentice-Hall, 1982, citein FILLIEULE Olivier (sous dir.), Le désengagement militant, op.cit., 280-281.443 Daniel, ancien militant, 43 ans, technicien à la CNR, enregistré le 10 mars 2009 à Lyon.444 Ibid.445 Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.446 Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.

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« Enfin, moi, je donnais mon avis et je pensais qu’on passait trop de temps àréfléchir au fonctionnement d’Attac-Rhône. Et je pensais que une des erreurs quefaisaient certains d’entre nous dans leurs analyses, c'était de réfléchir à commentimpliquer les adhérents qui juste payaient leurs cotisations, et comment essayerde faire qu’ils deviennent plus actifs. Et, je pense que ça se passe pas commeça, je pense que les gens, ils sont contents d’adhérer, pour certains d’entre eux,et que le simple fait d’adhérer leur suffit et c'est très bien. Et, c'est des gens quideviendront pas actifs et on a multiplié à travers nos activités, ou le journal qu’onfaisait, « Le Grain de Sable », des appels à s’investir qui ont jamais abouti. Eton a passé du temps, de l’argent et de l’énergie à ça, et moi, je pensais que ça aservi à rien, je pensais que si ces gens-là devaient s’investir un jour ou l’autre,ça viendrait de l’extérieur. Un peu comme ce qui s’est passé à Gènes, commece qui s’est passé pour les anglo-saxons avec la guerre en Iraq, et que nous,on les poussera pas à s’engager. Que c’était une perte du temps et que il valaitmieux qu’on réfléchisse à des questions politiques, qu’on accepte de perdre desadhérents, qu’on accepte de perdre…des militants actifs, mais qu’on perde pasdu temps et de l’énergie à chercher à faire venir des gens qui, à mon sens, neviendraient pas, et d’ailleurs, ils sont pas venus”. 447

Le sentiment général d’épuisement de l’association, en termes d’effectifs et de capacitésdélibératives, concernait aussi les modes d’action, et se traduisait en la diminution desrétributions, qu’elle avait dorénavant en disposition pour ses militants :

« Du coup, il y avait jamais un débat à Attac-Rhône. Voila. C’est aussi pour ça queje crois que je suis allé au PS même si aujourd’hui comme je vous l’ai expliquéj’y trouve pas mon compte. Au moins, au PS les gens, ils s’engueulent. Ça onpeut être sûr. Non, mais c’est vrai, pour moi, il y a des gens qui confrontentdes positions. Attac-Rhône on est presque en une espèce totale de dialectique.A mon avis, il y a plus de débat, il y a plus de confrontation de points de vue.Donc, c’est vrai que ça pose la question, ça fait réfléchir sur la capacité ou sur lapossibilité que peut donner l’association à ses militants pour progresser…”448

Lié au sentiment d’épuisement, subjectivement ressenti par les militants, mais aussiconfirmé en termes plus matériels par la diminution des activités et la défection desadhérents, le phénomène de l’épuisement est d’autant plus saillant, si on le compare àl’effervescence de l’essor du mouvement ou d’autres moments forts du militantisme à Attac-

Rhône. L’effet surrégénérateur 449 du militantisme provient de « l’obtention de gratifications

personnelles (…) intimement liée à l’accomplissement des activités partisanes »450. Lephénomène du burn out est autant surgénérateur de la déception, que le militantisme delui-même. « Tenir le coup »451, « un devoir moral de continuer à assumer »452, devient

447 Michael, ancien militant, 37 ans, auteur-dessinateur des bandes dessinées, enregistré le 12 mars 2009 à Lyon.448 Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.449 GAXIE Daniel, “Economie des partis et rétributions du militantisme”, art.cit., p.140.450 Ibid.451 Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.452 Lucie, militante, 20 ans, étudiante en sociologie en Master 1, enregistré le 12 novembre 2008 à Lyon.

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Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône

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un sentiment propagée dans les rangs de ces militants, souvent, soit appartenant à lagénération des fondateurs d’Attac-Rhône, soit à ceux qui avaient vécu des moments fortsdans la vie de l’association. La routine, le manque de relais et de la demande extérieure, ladéfection des copains militants aggravent le sentiment :

« Non, non, mais aujourd’hui c’est quand même pas mal. On se réunitrégulièrement, on fait un planning ensemble, on choisit ensemble les émissions.Après le problème c’est que souvent les émissions, au dernier moment posentproblème, parce que l’intervenant ne peut plus venir, et généralement c’est moique me retrouve, qui me coltine le problème. C’est vrai que, bon, on est une petitedizaine, on est 7-8 quoi, bien investis dans le truc mais avec des engagementsquand même inégaux. Et en gros, quand il y a des problèmes, des fois j’ail’impression d’être le seul concerné… Même si les autres, c’est des amis, descopains. En tous cas, dans ces sept-huit il y en a qui font que de la technique parexemple. Donc, déjà au niveau vraiment de l’animation et de la programmation,en fait, on est essentiellement trois, oui, pour l’essentiel. Et parmi ces trois autrespersonnes, c’est avec les deux autres … Voila, donc autant que je me sens obligéde le faire, parce que de toute façon si je le faisais pas je pense que l’émissionse cassera la gueule quoi. Voila, c’est toujours comme ça. Au bout d’un moment,il faut arriver à tenir le coup, parce qu’il y a des phases.... Après c’est vrai quej’aime bien la radio, j’aime bien, mais c’est vrai qu’on a peut-être mal a en fairequelque chose de bien, et puis, on n’a pas progressé en plus, et on s’en donnevraiment pas les moyens, en plus»453.

Les nouveaux arrivants contribuent à la remontée de l’esprit, au rafraichissement dumilitantisme, réactivent les anciens fatigués, en leur montrant les possibilités d’agir,inconsciemment ou, des fois, étant pleinement conscients de la nécessité de le faire, commel’a fait un militant s’étant présenté (sans en être demandé) aux élections au CA en décembre2008 après avoir prononcé un discours motivant, qui souligne vouloir “rendre public, le faitqu’il y a des gens qui viennent »454.

2.4. Les moments forts du militantismeNous avons démontré, dans les chapitres précédents, l’impact positif des projets et descampagnes de forte mobilisation et de succès pour l’afflux des adhérents et la réactivationde l’engagement des militants. Les activités importantes d’Attac-Rhône dans les années2000-2003 ou encore la campagne référendaire de 2005 (« moment exceptionnel »,« dynamique fantastique »455, « inexplicable », « période euphorique »456) lui ont procuréune visibilité, courte mais importante, des nouveaux militants et le renforcement desengagements des militants actifs. Des campagnes aussi poussées et orientées à un objectifprécis, clairement défini et sémantiquement très fort (« non ! »), aussi qu’un très bien choisi

453 Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.454 Azzedine, militant, 29 ans, postdoc à l’ENS en physique, enregistré le 14 décembre 2008 à Lyon.455 Et cette définition appliquée à la campagne référendaire par un militant avéré, participant à un rassemblement de Larzac, despremiers FSM de Porto Alegre, premier président d’Attac-Rhône.456 Daniel, ancien militant, 43 ans, technicien à la CNR, enregistré le 10 mars 2009 à Lyon.

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sigle d’« Attac », contribuent également au renforcement de l’unité intérieure du collectif,s’impliquant, de manière aussi intensive dans une lutte :

« J’étais contre – faire campagne pour le « non » au départ. (…) Disons, c'estpas le boulot d’Attac. Quelque part. La décision était prise – j’ai suivi la décision,mais quelque part j’étais pas content…(…) Je pense que effectivement, on achangé le registre. Parce que quand on est dans une campagne, on est danscampagne, donc, on force le trait, on y va quoi…Et, c'était plus tout à fait leAttac qui expliquait les choses. On avait pris position. Je pense que ça a été unevictoire, plus je pense, que ça a pas été bien compris. Et en plus, ça a servi lesgens qui étaient un peu adversaires à Attac, qui disaient mais regardez, vousvoyez – c'est un parti en fait. Q: Donc, en suivant la décision prise, vous avezadhéré à l’idée même ? - Disons que j’ai été fait campagne, et puis qu’une foisj’ai été dedans, j’étais bien quelque part. Q: Vous auriez pu vous distancier decette campagne en particulier? Oui, mais je…Voila. Je pense que à un moment,je suis collectif…on a beaucoup discuté, il y a une position qui est prise – on yva. J’avais travaillé quand même sur les argumentaires, notamment : le rôle desservices publics sur un certain nombre de choses. J’ai été aussi à l’époque unedes personnes, parce que c'est souvent, rare qu’ils acceptaient d’aller animerdes soirées, se mettre sur une tribune et parler devant beaucoup du monde.Donc, voila, en termes de ressources. Et puis, à quelque part, une fois passéesmes doutes, quelque part…On rentre dans une dynamique. Donc, au bout d’unmoment (…) bon, j’étais dans la campagne »457.

D’autres événements, en particulier ceux qui rassemblent des militants, tels que desuniversités d’été, des forums sociaux458, des manifestations et des contre-sommets, sontdes périodes importantes pour plusieurs raisons. Premièrement, les « communautésimaginaires »459 se dévirtualisent et prennent corps, un aspect important égalementdans ses conséquences relationnelles et socialisatrices militantes. Les connaissances sefont, les réseaux se construisent, les plateformes de la coopération ultérieure s’édifient.Deuxièmement, des dispositifs d’apprentissage et d’échange des outils et de modes dediffusion se mettent en place. Ainsi, parmi nos dix-sept interviewés, six se sont rendus auxforums sociaux, de niveau européen ou mondial, et quasiment tous ont participé aux forumssociaux locaux. Ces événements sont, donc, des « moments puissants », « exceptionnels »,«le bouillonnement »460, en somme, - les « temps forts de militantisme »461, une impulsionpour le ré-enchantement et la reprise de motivation :

« Et les forums sociaux européens, c'était aussi…c'était très riche, bon,maintenant je peux pas en parler comme ça, mais tous ceux que j’ai faits…Disonsque moi, en tant que militant de Attac-Rhône, c'est quelque chose qui apportait

457 Ibid.458 DELLA PORTA Donatella, « Démocratie en mouvement. Les manifestants du Forum social européen, des liens auxréseaux », Politix, vol.17, n°68, 2004, p. 49 – 77 ; AGRIKOLIANSKY Eric et SOMMIER Isabelle (dir.), Radiographie du mouvementaltermondialiste. Le deuxième Forum social européen, La Dispute, 2005.459 ANDERSON Benedict, Imagined communities, London/New York, 1991.460 Cédric, ancien militant, 67 ans, à la retraite, enregistré le 18 mars 2009 à Lyon.461 Alice, militante, 60 ans, à la retraite, enregistré le 11 mars 2009 à Lyon.

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un certain nombre d’éléments, de connaissances qui nous servait à rameneraux autres, à repartir, disons, que c'est quelque chose qui vivifiait un petit peu…qui ravivait un petit peu notre mouvement, dans le sens où on échangeait, onapprenait les choses nouvelles, on s’y intéressés, on allait voir de plus près, ony retravaillait à Attac-Rhône. Donc, c'était un élan, pour nous vraiment c'était unélan, je pense. »462 « C'était un pole, ce forum social, pour moi c'était un peu, fin,l’illustration de ce qu’on déclarait tout le temps, fin, des discours tenus au seind’Attac et en public …Mais là, je veux dire, c'était illustré par des gens que eux,étaient d’autres pays et qui venaient nous expliquer qu’en définitive, c'était pareil,fin, sous d’autres formes, mais c'était pareil. Donc, ça a consolidé vraiment, fin,ce sentiment et cette…oui, ce sentiment développé par Attac d’une possibilité,euh, de construire quelque chose d’autre. Construire quelque chose d’autre,parce que la situation était malgré les apparences, sur le fond, sont quand mêmeassez identiques. »463

Ces événements revitalisants de l’engagement étaient notamment représentés par desRencontres pour une autre mondialisation, organisée à Lyon entre 2001 et 2006 à l’écho desforums sociaux mondiaux et européens. Elles se sont éteints, ayant abouti à une présenced’une dizaine de personne lorsqu’une action semblable en janvier 2008 à l’écho de FSMdécentralisé. Les FSE se passaient plus loin et moins régulièrement ces dernières années(Londres (2004), Athènes (2006), Malmö (2008)), les FSM deviennent « décentralisé » et« polycentré ». Dans les conditions de la défection continue de l’engagement au sein d’Attac-Rhône l’absence des moments revitalisants militants pareils, ne permet pas de ralentir etde renverser la tendance.

2.5. Ruptures biographiquesLe rôle endossé par l’acteur dans son engagement subit les transformations. Du momentde l’arrivée et de l’adhésion au moment de prise de distance et départ le militant, sonmilieu d’’engagement et l’organisation elle-même changent464. P. Gottraux propose unconcept de tension inhérente à l’engagement politique: « La tension est autant matériellequ’idéelle ou identitaire. Matérielle, car le militant (...) est confronté à des contraintesobjectivement déterminées par la pluralité de ses insertions (...). Idéelle, car les divers lieuxd’insertion sont pour le militant autant d’espaces où il va puiser des bouts d’identité qui,tout aussi logiquement, peuvent entrer en conflit entre eux, ou exiger des compositions etdes compromis (...) La tension idéelle est donc bien identitaire, du fait que l’acteur se voitobligé de chercher des repères pour se définir dans des lieux dont les logiques ne sont paséquivalentes et partiellement contradictoires »465. Selon la structure organisationnelle del’organisation et son système idéologique, selon l’hétérogénéité de structure des espacessociaux dont fait partie le militant, - l’intensité de ces tensions n’est pas statique, peut

462 Ibid..463 Cédric, ancien militant, 67 ans, à la retraite, enregistré le 18 mars 2009 à Lyon.464 Ainsi, F.Passy souligne la nécessité de « prendre en considération sur le long terme les interactions et les transformations deconstruction de sens des acteurs », dans PASSY Florence, “Interactions sociales et imbrications des sphères de vie”, in FILLIEULEOlivier (dir.), Le désengagement militant, art.cit., p.112.465 GOTTRAUX Philippe, « Autodissolution d’un collectif politique. Autour de Socialisme ou Barbarie », in Fillieule Olivier (dir.), Ledésengagement militant, op.cit., p.80.

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varier et se manifester de manières diverses. Dans l’interaction des multiples facteursexternes à l’association et dynamiques internes propres à elle-même, son identité, définiepar ses membres et aperçue dans l’espace public, change. Ainsi, nous apercevons sestransformations quelquefois importantes dans le rapport des militants à l’association et àleur engagement, et supposons qu’ils traversent les mutations identitaires significatives. Cesréaménagement identitaires — qui peuvent parfois prendre la forme de véritables « rupturesbiographiques »466 - peuvent avoir un impact important sur les fluctuations de l’engagement.

Ces phénomènes collectifs et individuels identitaires peuvent être liés aux événementset prises de position, telle que la participation dans la campagne référendaire de 2005, la« crise » interne ou l’abstention de prise de position pour le « non » au vote pour Sarkozy lorsdes élections présidentielles en 2007, ou, encore, peuvent être dues aux transformationsde relativement longue durée.

La crise interne de 2006, comme l’avait remarqué R.Wintrebert467, a touché lesplus impliqués des militants locaux468, ayant une expérience politique et organisationnelleimportante, qui comprenaient les enjeux des luttes au siège national. Ainsi, parmi ceuxque nous avons interrogés, deux militants, maintenant anciens, semblent avoir étéparticulièrement touchés par les événements de cette période. Généralement, les militantslocaux et les adhérents469 avait été choqués effectivement par la « fraude » aux élections,« inconcevable » et « inconfessable »470, laquelle les a fait « cauchemarder », et qui a suscité« une tristesse infinie » d’avoir eu lieu à Attac. De façon générale, les militants locaux l’ontvécue « à la fois de loin et de près » et n’avaient « pas vraiment envie… d’en savoir plus »471.

Le vécu de la crise pour le plus impliqué, le fondateur, le premier président est unehyperbole de ce qu’ont vécu, dans la moindre mesure, d’autres militants, selon leur degréd’implication dans l’association, de compréhension et du décryptage de la crise nationale -celle que lui interprète comme « la vraie raison de la fusion des effectifs d’Attac France etnotamment des effectifs militants ». Personnellement, du fait de sa très forte implication àAttac-Rhône, il a vécu une pression psychologique importante résultant en un fort sentimentde déception. La déception l’avait emporté sur le dévouement à Attac et sur les rétributions

466 Les moments de bifurcations dans la carrière d’un acteur social entraînent des recompositions identitaires. M.Voegtli souligneque l’utilisation de ce concept « pourrait aboutir à faire l’impasse sur le travail de mise en cohérence effectué par l’acteur » (en mêmetemps, il démontre ce travail sur les cas de départ à la retraite ou d’une maladie de sida, où l’acteur n’aurait d’autre choix que de fairece travail, tandis que l’offre du militantisme laisse une marge de manœuvre plus importante pour un militant déçu par son organisationd’appartenance). Néanmoins, nous appliquons ici ce concept, toutefois avec précaution, pour souligner le rôle que ses transformationspeuvent jouer dans la carrière militante. Voir VOEGTLI Michael, « Du Jeu dans le Je: ruptures biographiques et travail de mise encohérence », Lien social et Politiques, n° 51, 2004, p. 145-158.

467 WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement? op.cit., p.271.468 Ainsi ce noyau du moment à Attac-Rhône avait pris la position contre le « camp de Nikonoff » et ont été considéré des

« boutons noirs d’Attac » (Julien, militant, 55 ans, électronicien à CNRS, enregistré le 4 novembre 2008 à Lyon). Suite à une prise deposition, ils se sont « fait traités des menteurs, de plein de noms, on nous a insultés, on nous a dit qu’on voulait détruire Attac » (Lucie,militante, 20 ans, étudiante en sociologie en Master 1, enregistré le 12 novembre 2008 à Lyon).

469 Il était souligné que Attac « a perdu près de 4 500 adhérents sur 30 000 » suite à la crise interne et la « fraude » lorsdes élections. La validité de ce postulat est contestable, cependant la baisse a été significative. BRUN Thierry, « Attac la dérive »,Politis, 31 aout-6 septembre 2006.

470 Lucie, militante, 20 ans, étudiante en sociologie en Master 1, enregistré le 12 novembre 2008 à Lyon.471 Hélène, militante, 57 ans, assistante de la direction scientifique à INRETS, enregistré le 17 décembre 2008 à Lyon.

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reçues de son engagement en son sein, et le coût de la sortie s’est avéré d’être moindreque le travail de rétablissement :

« En 2006, quand il y a eu la fraude, moi, je me suis pas représenté. J’ai…et là,juin 2006, l’Assemblée générale de la fraude, elle marque pour moi une ruptureforte avec Attac. Q : Avec Attac France, mais également ?... Avec Attacen général. Alors, avec une position un peu difficile. Comment la qualifier ?Ambiguë, c'est-à-dire que à la fois je rompe avec l’organisation, j’en suistoujours adhérent, je continue payer mes cotisations, j’ai des liens forts aveccette organisation. Il a fallu…c'est un peu comme un deuil, quoi, que je fassemon deuil. Et puis j’ai des liens forts avec un certain nombre de militantes etmilitants qui sont à l’intérieur d’Attac, ici, à Lyon ou à Paris ou ailleurs, avec quije conserve des relations quoi. C'est avec des militants d’Attac qu’on a montécette association [ la FAC, où il milite actuellement]”472.

Un autre militant, s’étant désengagé dans la même période, témoigne d’un sentiment vécud’être «tombé de haut » et ressentir « le début de la fin d’Attac »473. Et si l’ancien présidentpense qu’Attac France « se relèvera pas »474, cet autre désengagé a dès lors « des grosdoutes sur l’utilité d’Attac”475

L’engagement peut ne pas survivre ou se voir affaibli à certains moments clés, quirévèlent à un militant le fossé qui existe entre ses représentations de son militantisme au seind’une organisation et l’identité collective dont est porteuse cette organisation dans l’espacepublic à des moments différents. Cela peut être une conséquence de réajustement de cetteidentité collective, suite à des événements extérieurs sur lesquels s’en suivent les débatset la prise de position :

« La question du rapport entre Attac et la politique que vous posez. Parce que,moi ça m’inspire cette question-là. Au sein d’Attac il y a une position assezapolitique. Je l’ai senti, de toute façon, en 2007 à deux ou trois reprises. Etd’ailleurs, c’est une des raisons pour lesquelles…Alors ça, c’est peut-être larationalisation a posteriori. En tous cas, je sais que j’ai quitté Attac, 'fin, j’aiquitté, le CA d’Attac en 2007. Il y a des choses pour moi, j’ai du mal à accepter.On avait fait une consultation, on s’était posé la question pour savoir si on devaitappeler à voter contre Sarkozy au deuxième tour. Pardon, c’est Attac-France quiavait consulté les comités locaux, en leur demandant si il fallait appeler à votercontre Sarkozy. Et dans le Rhône, en fait, on avait fait une consultation sur la liste(…) des actifs du Rhône, et la majorité a fini par se dégager pour ne pas appelerà voter contre Sarkozy. Et moi, je trouve que c’était une connerie, de mon pointde vue. Surtout, si je vous dis ça, vraiment j’avais l’impression de ressentir ceque peut-être, moi, ce qu’à l’époque j’avais appelé (…) une forme d’apolitisme.(…) Il y a une forme d’apolitisme, de défiance envers les partis, et que surtouton est des purs, on se mêle pas à ça. Et ça, moi, ça a jamais été ma conceptiond’Attac. Peut-être, je suis venu à Attac, parce que je me retrouvais plus dans472 Nicolas, ancien militant, 55 ans, au chômage, enregistré le 16 décembre 2008.473 Daniel, ancien militant, 43 ans, technicien à la CNR, enregistré le 10 mars 2009 à Lyon.474 Nicolas, ancien militant, 55 ans, au chômage, enregistré le 16 décembre 2008.475 Daniel, ancien militant, 43 ans, technicien à la CNR, enregistré le 10 mars 2009 à Lyon.

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les partis ou j’arrivais pas à faire la démarche d’entrer dans un parti (…), maistoujours est-il, j’ai toujours considéré, de toute façon, que la finalité d’Attac,c’est une finalité politique, et que la finalité surtout d’Attac c’est de travailleravec des partis politiques. Alors, de travailler avec des partis politiques dans lesconditions très précises, très balisées. C’est sur qu’il y a des dangers, que c’estdes questions très très périlleuses, mais en tous cas, j’ai jamais considéré quec’était comme ça, d’être autonome, de produire de la réflexion comme ça dans ledésert, sans véritablement justement maîtriser un tant soit peu les effets que çapouvait avoir dans les discours politiques et surtout la manière dont ça pourraitêtre éventuellement récupéré dans le discours politique par des partis.”476

Aujourd'hui, la question palestinienne a beaucoup de l’emprise à Attac-Rhône477 :l’association est fondateur et participe au collectif Palestine 69, y compris financièrementdans ses projets478, a participé à la manifestation pour la paix en Palestine en janvier 2009à Lyon (ayant été choqué, suite à cela, par les slogans du genre « Hamas la Résistance » !).Or, cette question, étant véhiculée par plusieurs membres actuels de l’association, nesuscite pas l’enthousiasme de tout le monde. De tels changements dans les orientationscollectives peuvent contribuer à la détérioration de l’auto-identification à l’organisation et audépart de certains :

« Parce que, bon, je veux dire, en rester aux généralités, le droit international, etc,ça, ça me gène pas du tout. Maintenant, est-ce qu’on doit aller dans des manifsavec des gens qui disent « Vive le Hamas ! » - ça, c'est autre chose. Ça, ça ajamais été discuté. A ma connaissance. Et je crois que ça le mériterait, pourtant. Q : On y était, et après on en a parlé au bureau, en fait. Voila. Maintenant,mais c'est maintenant, je veux dire, alors que cette question-là aurait pu êtreabordée…donc, bon. Et puis, c'est vrai que moi, je me dis bon, bah, Palestine,c'est bien, mais je vois pas…fin, on a beau me dire, oui, colonialisme, aspectéconomique, oui, je sais pas. C'est…pour moi, c'est quand même pas…surtoutaujourd'hui, là, où il faudrait mettre des forces quoi. Les gens de nous attendentpas sur la Palestine, Attac. Lyonnais de base, je veux bien aller dans la rue etdonner un tract sur la Palestine, mais je pense que ça serait beaucoup plus, onaurait beaucoup plus de légitimité aujourd'hui avec quelque chose sur la crise

financière. Et ça, ce travail, il est pas fait. Au-delà de quelques éléments” 479 .

476 Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.477 Rappelons que plusieurs militants d’Attac-Rhône sont partis avec une mission civique (de 22/12/2002 au 3/01/2003) en Palestine,et se sont impliqués dans le groupe Méditerranéen et l’imposition de la question Palestinienne sur l’agenda d’Attac France. (Pourla brève description de ce processus, voir WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement? op.cit., p.114-117 ; Historique duGroupe Méditerranée, 01/06/2007, http://www.france.attac.org/spip.php?article7200 )478 La decision a été prise de participer à hauteur de 100 euros dans le projet « New Askar »du collectif Pamestine, compte-rendu duBureau le 1 avril 2009. « Le projet consiste a faire venir en France, pendant un mois, un groupe d'enfants qui font partie d'un groupede danses traditionnelles dans la region de Naplouse en Cis-Jordanie. Ils participeront, ici a differentes activites, dont des spectaclesde danse traditionnelle», compte-rendu du Bureau le 4 mars 2009.479 Daniel, ancien militant, 43 ans, technicien à la CNR, enregistré le 10 mars 2009 à Lyon.

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La transformation d’identité collective est vécue par certains, à l’inverse, en termesd’« évolution personnelle »480, où ils découvrent qu’ils ne s’identifient plus à Attac-Rhône :

« J’y retournais cette année [à l’Assemblée générale], mais en soir, repartant,j’étais, je me suis dit que j’aurais pu ne pas y aller…ça aurait fait pareil… Non, ily a plus de vie. Je trouve que c'est plus…y a plus…voila…les questions qui s’yposent me semblent pas être des questions…de ce que j’ai vu à l’AG, et même dece que je vois circuler sur les listes, je me reconnais plus. »481

S’engageant dans une organisation, l’acteur social à ce moment-là, entre autres processus,se trouve capable à s’identifier à cette organisation, son image publique, s’aligner au cadred’interprétation de la réalité sociale qu’elle offre et endosser l’identité d’un militant de cetteorganisation. Or, ces catégories changent avec l’évolution de cette organisation, avec leturn over militant et, de ce fait, les transformations que vit l’identité et l’agenda de cetteorganisation. Des changements et des événements qu’avait vécu le comité Attac-Rhône etAttac France, plus généralement, n’ont pas toujours été intégrés dans l’identité adossée parses militants préalablement, et, dans le contexte d’affaiblissement des rétributions militantesdans leur ensemble, ont provoqué la défection de certains.

2.6. L’inscription du militantisme dans l’espace des pratiques socialesordinaires

Depuis que D.Gaxie a fait remarquer que « l’ensemble des pratiques sociales tendentà s’effectuer à travers »482 le militantisme, il avait été étudié également comme une despratiques sociales ordinaires, donc, s’inscrivant dans le rythme de la vie ordinaire, trouvantsa place parmi, ou assurant sa priorité sur, d’autres activités. Son caractère propre et laconfiguration des rétributions dont les militants en bénéficient sont en relation étroite avecson inscription dans d’autres pratiques sociales et d’autres sphères de vie d’un acteur.

Ainsi, nous avons repéré des transferts des implications au sein de l’association oules changements de l’intensité de l’engagement dus aux facteurs biographiques. L’arrivéà Attac-Rhône de la deuxième génération notamment était conditionnée par de tels

changements, traduite dans une disponibilité biographique 483 : l’installation à Lyon(pour cinq de nos interviewés), le chômage et la possibilité de reconversion des acquisprofessionnels484, ou le départ à la retraite. Cependant, il nous semble que le facteurbiographique, qui aurait contraint ou favorisé le militantisme à Attac-Rhône, n’est pasprépondérant. Au contraire, nous avons remarqué, au moins dans le passé, la primauté pour

480 Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.481 Daniel, ancien militant, 43 ans, technicien à la CNR, enregistré le 10 mars 2009 à Lyon.482 GAXIE Daniel, “Economie des partis et rétributions du militantisme”, art.cit., p.138.

483 MCADAM D., « Recruitement to High-Risk Activism : The Case of Freedom Summer », American Journal of Sociology,vol.92, n°1, 1986, p.64-90.

484 Jérôme, militant, 38 ans, agent administratif à temps partiel dans une association, enregistré le 7 novembre 2008 à Lyon.S’étant trouvé au chômage et depuis longtemps réfléchissant sur les questions de la société, Jérôme, en arrivant à Attac-Rhône, avouen’avoir pas été « sûr que j’ai ma place ici ». Ancien agent administratif dans le domaine journalistique, il s’est proposé de s’occuperdu bulletin, ainsi, ayant trouvé sa niche, a pu s’intégrer et préserver son engagement.

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beaucoup de militants très impliqués auparavant de l’engagement sur d’autres domainesd’activités, professionnelles485, ou familiales :

« C'est vrai que avant c'était… pendant des années-là…pendant, je sais plus, 4-5 ans, c'était…mais qu’est-ce que je dis, 4-5 ans – plus. Euh, peut-être 9ans , ça était, c'était des réunions 4 fois par semaine, le week-end avec desmanifestations, des conférences…donc, c'était un peu la vie d’enfer, ah, la viemilitante. Voila, donc, ma fille s’en souvient un peu, parce que..15 ans, elle, elleétait à la maison, et nous, on allait à une réunion tous les deux, donc… »486

Le modèle de l’« engagement distancié »487 se trouve mis en question par ces casde remise de soi et de l’attachement à la cause dévoué importants chez les militantsd’Attac, pourtant l’organisation qui ne le demande ni l’encadre. Une militante, engagéeactivement pendants sa grossesse pour la campagne référendaire, ou un autre militant,dont l’intensité d’engagement, maintenant ancien, était tellement important, en termes detemps consacré, que sont fils, à une question sur l’occupation professionnelle de son père,avait répondu « il travaille à Attac »488. Deux militants apprenaient alors l’anglais pourpouvoir participer aux rencontres internationales, ou encore une militante s’est mise auportugais avant de se rendre au FSM de Porto Alegre. Chez un autre militant, très socialiséà l’international par ses origines et par les séjours, universitaires et professionnels, àl’étranger, la sensibilité aux conséquences de la globalisation néolibérale, s’est matérialisée,probablement, sous contraintes matérielles de sa mobilité géographique, dans la préférencedu mode de l’engagement, très intensif, mais dispersé et plutôt intellectuel, par lesappartenances à plusieurs organisations et mouvements (Attac Liban, Attac Suisse, Attac-Rhône), interventions ponctuelles et très dispersées géographiquement (les FSE à Athènes(2006) et Malmö (2008), Forums sociaux méditerranéens). Pourtant, s’étant installé pourune période relativement longue à Lausanne, il s’est engagé très activement dans desactivités d’Attac Lausanne, puis d’Attac Suisse, aujourd’hui, depuis le début 2008, à Attac-Rhône.

Une autre jeune militante, ayant été socialisée dans la culture « attakienne » dèsses 15 ans, donc, très jeune et très vite s’étant impliquée, à travers l’accumulationdes responsabilités et des formes d’investissement au sein d’Attac (mandat au Conseild’administration, (co)présidence la troisième année consécutive, animation d’Attac-campusentre 2005 et 2007 et de la coordination nationale d’Attac-campus (2007-avril 2008),participante régulière à la CNCL et même quelque fois au Conseil d’Administration d’Attac-France), s’est épuisée physiquement :

« L’année dernière, en fin de l’année universitaire, j’ai complètement craqué.J’en pouvais plus, autant moralement que physiquement c’est plus possible.J’avais plus de vie sociale en dehors de militantisme et là j’ai dis « stop, on valâcher des choses. (…)J’étais vraiment arrivé à un état d’épuisement notammentphysiquement, que j’étais à un point où soit je faisais un break soit j’étais

485 Un militant nous a témoigné avoir repris le travail à temps partiel après une longue période de chômage pour se procurerdu temps pour militer. Un autre militant a passé à temps partiel dans sa boîte, où « ça marchait même trop bien, ça nous demandaittrop de temps. J’avais plus temps pour me livrer à mes autres occupations, qui ont toujours été importantes. C'était les occupationsmilitantes.” (Nicolas, ancien militant, 55 ans, au chômage, enregistré le 16 décembre 2008).486 Alice, militante, 60 ans, à la retraite, enregistré le 11 mars 2009 à Lyon.487 ION Jacques, La fin des militants ?, Paris, Ed.de l’Atelier, 1997.488 Daniel, ancien militant, 43 ans, technicien à la CNR, enregistré le 10 mars 2009 à Lyon.

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Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône

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tellement dégoutée du militantisme que j’allais tout arrêter, ce que je voulaisabsolument pas. Parce que j’ai envie de continuer à militer. Et je suis très bien àAttac, et j’ai envie de continuer à donner mon temps pour Attac. Et là, il fallait que

je fasse une pause. » 489 .

Ainsi, pour cette militante (et pour d’autres s’étant engagés sur le mode de « remise desoi »), qui mentionne n’avoir pas « imaginé absolument »490 le plaisir qu’il peut y être à militer,« les délices (et les frayeurs) de ce mélange d’expériences, totalement insoupçonnées audépart, jouent sans doute un rôle déterminant dans le surengagement, et expliquent, plusgrave encore, cette dépendance vis-à-vis de la vie publique que l’on observe fréquemmentchez les néophytes en la matière »491.

2.7. Variabilité des rétributions militantesLes militants, anciens et actifs, d’Attac-Rhône semblent, plus généralement, avoir leurimplication transformée sous l’effet d’autres facteurs, liées à la pratique militante même. Endéveloppant l’idée de Mansur Olson d’ « incitations indépendantes » (separate incentive)492,D.Gaxie avait souligné la difficulté d’expliquer l’action militante seulement par les mobilesidéologiques : « d’autres incitations viennent les appuyer et les renforcer »493, des avantagesd’ordre matériel ou symbolique. Surtout, ces incitations ne sont pas figées une fois pourtout dans une organisation donnée, mais sont conditionnées par des périodes que vitl’organisation, le degré de cohésion et les normes de fonctionnement du groupe, lesdéterminants propres de celui qui bénéficie de ces rétributions. Si dans la période del’essor d’Attac-Rhône les rétributions militantes étaient beaucoup nourries par le sentimentde la demande pour leur action militante, par l’accroissement des adhésions et par lafréquentation massive des événements organisés, en période du déclin, le militantisme,ayant perdu la plupart de ces éléments incitatifs, s’affaiblit également.

Ici, il faut préciser que le poids spécifique des rétributions du militantisme telles qu’ellessont perçues par le militant dans son engagement, est corrélé à d’autres dimensions de sonexistence : la multiplicité des espaces sociaux d’existence de l’individu, des rôles occupés,les conséquences identitaires de l’interaction et de l’ajustement de ces rôles, et d’autresfacteurs environnementaux. La dynamique des changements dans ces autres espaces devie « se traduisent par une nouvelle cotation des rétributions attendues, sachant que lavaleur de celles-ci dans une sphère co-varie avec la valeur qu’on leur prête dans toutes lesautres sphères »494.

L’effet surrégénérateur du militantisme est effectif, il semble, dans des périodesfavorables pour l’organisation, dans des conditions d’implication importante des militants,

489 Lucie, militante, 20 ans, étudiante en sociologie en Master 1, enregistré le 12 novembre 2008 à Lyon.490 Ibid..491 HIRSCHMAN Albert, Bonheur privé, action publique (Shifting Involvements. Private Interest and Public Action), trad. M.Leyriset JB.Grasset, Paris, Fayard, 1983, p.174.492 OLSON Mancur, Logique de l’action collective, Paris, PUF, 1978 (Cambridge, Harvard University Press, 1965).493 GAXIE Daniel, “Economie des partis et rétributions du militantisme”, art.cit., p.128.

494 FILLIEULE Olivier, « Temps biographique, temps social et variabilité des rétributions », in FILLIEULE Olivier (dir.), Ledésengagement militant, op.cit.,p.45-46.

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Chapitre III. L’engagement et ses fluctuations : le cas des adhérents et des militants d’Attac-Rhône

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comme dans le cas d’une jeune étudiante, arrivée à Lyon pour ces études et très viteenchantée par des plaisirs du militantisme dévoué :

« On se laisse très vite bouffer en fait, par militantisme, je me suis renduecompte, quand on est dedans on s’en sort pas…Quand on commence vraimentà s’engager, c’est très difficile de s’en sortir, parce que on s’attache au niveau

affectif aussi, à l’organisation, alors c’est… » 495

Les gratifications symboliques, procurées par l’implication et l’appartenance à unmouvement d’envergure qu’avait Attac-Rhône auparavant, avaient eu l’effet également surle degré de désirabilité d’un poste (dans un mouvement anti-institutionnel et très horizontal),occupé au sein de l’association – alors que aujourd'hui rares sont des volontaires à seporter candidate, et la désignation du président est faite sur le mode de motivation et depersuasion. Ayant laissé le titre du président, son premier porteur a pris un mandat auCA d’Attac national et s’est impliqué plus dans la Commission internationale. Pourtant, ilavoue n’avoir pas voulu le laisser, tout en pointant une telle nécessité. L’exercice de cetteresponsabilité lui avait explicitement procuré la joie d’accomplissement personnelle :

« Moi, j’ai été…président, le premier président d’Attac-Rhône. Et dès le débutj’ai dit et répété, mais je…j’étais pas le seul, que comte tenu de ce qui était cetteassociation, je…il faudrait, je ne devrait pas rester trop longtemps président.Et je le disait aux efforts pour être sur de…d’être entendu et pour être…pourque ce soit…même pour moi quoi…Tu peux pas. Quand t’as dis quatre fois lamême chose à quatre places différentes, tu es engagé, tu es contraint. Parce que,en fait, quand j’ai quitté la présidence au bout de trois ans, j’avais pas envie laquitter, forcément, ça se passait bien quoi, c'était…voila. Pourquoi la quitter. Maisbon, je l’ai quitté quand même, ah, parce que (…) Alors, non, le fait de quitter laprésidence, il a pas changé. Il a un peu changé. Je suis resté très investi à Attac-Rhône, très investi dans le CA, ce qui pouvait peut-être d'ailleurs un problème,parce que, euh, le copain qui a pris la présidence…oui, bon, je vais dire leschoses comme elles sont, comme moi, je pense comme elles sont. Ayant marqué,ayant bénéficié d’une période particulièrement dynamique, étant quelqu'un quia pas une personnalité effacée, bah, j’avais marqué cette présidence et le faitque je sois encore là, ça rendait sans doute pas les choses faciles pour celui qui

prenait la présidence après moi.” 496

Un de ses successeurs l’avait vécu différemment, comme une responsabilité importante,lourde, ainsi, après avoir accompli deux mandats au poste du président, avait laissé leConseil d’administration et est parti fonder un groupe d’Attac du quartier. D’une part, celapeut être du à ses perceptions individuelles d’accomplissement des responsabilités, trèsexigeantes, d’autre part, la période de son mandat, les années 2004-2005, étaient marquéespar plus de divergences et, ainsi, était plus lourde à gérer au sein de l’association. Or,l’avis souvent exprimé dans les justifications de ceux ayant laissé leurs responsabilitésadministratives, est la nécessité de laisser la place aux autres.

En règle générale, « les mécanismes d’occultation des intérêts objectifs que lesadhérents ont dans leur organisation résultent donc de l’identification même aux buts de

495 Lucie, militante, 20 ans, étudiante en sociologie en Master 1, enregistré le 12 novembre 2008 à Lyon.496 Nicolas, ancien militant, 55 ans, au chômage, enregistré le 16 décembre 2008.

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l’organisation »497. Et si, dans le cas d’Attac-Rhône, les objectifs, qui sont celui d’éducationpopulaire tournée vers l’action et la production des analyses, dès lors que la demandepublique et la capacité de relais de ces actions par l’association diminuent, les militants setrouvent désorientés et démotivés. Et la preuve de la prégnance de ce facteur se trouvedans l’emprise de la réflexion sur les possibilités de « toucher les classes populaires » 498

dans les propos de nos interviewés et les débats des militants actifs aujourd'hui.Comme dans tout autre domaine de la vie sociale, activité professionnelle, scolaire ou

vie affective, - il y a des fluctuations du degré de son appréciation, de notre sentiment de soi-même par rapport à cette activité et notre place vis-à-vis les autres dans son exercice, toutesces dimensions, qui, elles aussi, dépendent de l’imbrication, interaction et reconfigurationdans d’autres espaces de vie. Il y a « des jours avec et des jours sans »499 comme l’avaitexprimé une militante, présente à Attac-Rhône depuis 2003:

« Si, forcément, mais…je me dis que si on arrête…ça fait une petite force demoins dans le paysage…je trouve que c'est dommage. Bon, après, je suis un peucomme Julien, ah, y a des jours avec et des jours sans, quoi…Les jours où jeme dis, bah, pfff, ça se bouge pas, les gens, ils ronronnent, ils s’occupent de…mais même, fin…même au boulot, je veux dire, des fois y a des choses, bon, lesgens laissent passer…ça m’a toujours surprise, mais après c'est une question decaractère aussi je pense, ah. Donc, je me dis que, par exemple, d’être à l’initiativede collectif…c'est bien…comme la Poste, là, si on arrive à faire se rencontrer dessyndicats qui se rencontreraient pas, c'est quand même un rôle qui est important,

et que personne ne tiendra…et donc… » 500

La plupart des militants interviewés avouent la nécessité d’y avoir du « plaisir à militer »501

et de pouvoir en « retirer quelque chose », que « l’intérêt vraiment personnel »502 se trouveau fondement de son engagement pour une cause:

« Alors, suivant les gens, on retire pas la même chose. Donc, on retirait del’intérêt intellectuel, on peut en retirer du pouvoir, on peut en retirer de laconsidération, fin, bon, toute la panoplie…A partir du moment, où…on commenceà plus venir, fin, à trouver moins d’intérêt, je crois qu’il faut passer à autrechose. »503

D’autres, critiquent l’intérêt pour l’autoformation par certains, leur posture d’un« consommateur » vis-à-vis du travail de l’association, tout en étant minoritaires dans ce

497 GAXIE Daniel, “Economie des partis et rétributions du militantisme”, art.cit., p.152.498 Lucie, militante, 20 ans, étudiante en sociologie en Master 1, enregistré le 12 novembre 2008 à Lyon.499 Hélène, militante, 57 ans, assistante de la direction scientifique à INRETS, enregistré le 17 décembre 2008 à Lyon.

500 Hélène, militante, 57 ans, assistante de la direction scientifique à INRETS, enregistré le 17 décembre 2008 à Lyon..501 Nicolas, ancien militant, 55 ans, au chômage, enregistré le 16 décembre 2008.502 “Le militantisme, pour moi, en tous cas, ça part d’un sentiment égoïste, tu vois. Et, parce que ça m’intéresse, parce que jeconsidère que, voila, c'est la société dans laquelle je vis, etc. », Azzedine, militant, 29 ans, postdoc à l’ENS en physique, enregistréle 14 décembre 2008 à Lyon.503 Cédric, ancien militant, 67 ans, à la retraite, enregistré le 18 mars 2009 à Lyon.

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projet de « scotomisation »504. Dans des conditions de déclin et de difficultés à accomplir desfinalités annoncées, des militants « idéalistes » auraient plus de difficulté de faire durer leurengagement, si l’exploitation de tous les éléments, générateurs potentiels des rétributionsmilitantes, ainsi, des engagements dans l’association, n’ont pas lieu.

2.8. Formes de sociabilitésLa sociabilité militante505 dans une organisation est elle tout autant un facteur structurantde l’engagement. « L’intégration dans une micro-société avec tous les avantagespsychologiques et sociaux qui lui sont associés apparaît ainsi comme le bénéfice le plusgénéral retiré de l’appartenance à une organisation »506.

Tout d’abord, l’appartenance à une communauté des valeurs et des intérêts communset le pouvoir de construire une contestation fondée sur cette plateforme est un renforcementimportant identitaire et une rétribution en soi. Parmi les militants nous apercevons despratiques associées à la mouvance altermondialiste, telle que la préférence des produitsde commerce équitable, des pratiques quotidiennes d’orientation écologiste, des formes departicipation et de délibération, inspirée par la recherche du consensus, l’expression librede tous, tournées de prise de parole, etc.

Et puis, des liens d’amitié se tissent (rappelons que la majorité des militants actifs sont àAttac-Rhône depuis au moins cinq ou six ans), un « groupe humainement (…) chouette »507

s’est constitué, des soirées festives508 rendent les réunions plus attractives. « Au fur et àmesure de l’intégration des militants au groupe et du resserrement de celui-ci, sociabilitéscollective et interpersonnelle se confondent. Cette confusion intervient d’autant plus que lesrésultats de la mobilisation diminuent (…), car elle contribue à la persistance du groupe ».509

Le groupe s’occupant de l’émission de radio s’avère être un groupe d’amis aujourd'hui, quise réunissent souvent au bar « militant » « De l’autre côté du pont » ou pour un repaschez un des membres. Au cas de désengagement, il ne s’agit plus simplement d’arrêterde militer, mais de mettre en question la continuité des liens amicaux et des réseaux desinterconnaissances :

504 Par utilisation de ce terme D.Gaxie veut souligner la dualité de place des rétributions dans le militantisme : elles sont « à la foiscensurées, refoulées, déniées et refusées, mais aussi confusément aperçues, explicitées et identifiées, dans la gêne, la mauvaisefoi, la confusion et l’approximation », dans GAXIE Daniel, « Rétributions du militantisme et paradoxes de l’action collective », Revuesuisse de science politique, vol.11, printemps 2005, p.173.505 Pour G.Renou, la sociabilité militante « relève plutôt de routines incorporées, non conscientes au moment de l’action ». Etantsouvent considérée comme secondaire de l’activité de l’organisation, selon l’auteur elle constitue « une dimension productrice destructuration sociale » et de l’objectivation du groupe. De là, l’intérêt pour l’étudier. Dans son étude des formes de sociabilité à SUD-PTT il aboutit à une conclusion que « cette organisation semble tenir tout autant par les ethos sociables, principales bases descoordinations pratiques, que par ces principes rationnellement fondés ». Voir RENOU Gildas, « L’institution à l’état vif. Sociabilités etstructuration des groupes dans un syndicat de salariés », Politix, n° 63, 2003, p.53-77.506 GAXIE Daniel, “Economie des partis et retributions du militantisme”, art.cit., p.138.

507 Michael, ancien militant, 37 ans, auteur-dessinateur des bandes dessinées, enregistré le 12 mars 2009 à Lyon.508 Soirées sous forme d’ « auberge espagnol » sont souvent pratiquées par des militants, ou est réalisé le principe de

participation de chacun dans le repas par ce qu’il apporte, mais également symboliquement de par ses interventions.509 DURIEZ Hélène, « Modèles d’engagement et logiques de structuration des réseaux locaux de la gauche mouvementiste

à Lille », Politix, n°68, 2004, p.198.

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« Ça m’a fait réfléchir aussi. Finalement, tu fais de la politique, mais qu’est-ceque tu fais ? Tu vas voir des potes ou tu fais de la politique ? A Attac, au boutd’un moment, on se posait des questions. Surtout quand on est plus captivédans le milieu militant, et d’ailleurs, ça me fait penser que la semaine dernièrej’étais, j’ai discuté avec un des copains du groupe Radio. Bon, je lui expliquaisque j’avais un peu du mal en ce moment, que je me posais la question de lasurvie du groupe, et puis on est venus à se dire, je lui ai dit : «en même tempsj’ai pas du tout envie d’arrêter de voir ce groupe parce que on est quand mêmedeux potes ». Je dis ça, mais sérieusement, c’est un lieu où on se retrouvait, lesgens comme Jérôme, U., D., ceux qui composent le groupe. Je sais que je lesvois ailleurs, on se fait des bouffes et tout, mais il n’en reste pas moins, commeça, avec le groupe, c’est un des lieux où on peut se voir. Et que si on enlève legroupe Radio, on perd un des lieux où on se voit. Donc, là, on est vraiment surdes considérations qui sont complètement privées, amicales, tout ce qu’on veut.

Et on est loin de l’universalité du combat politique » 510

Chez une autre militante, manifestant un grand intérêt pour la cause écologique, qui,néanmoins, ne poursuivait pas l’animation du groupe après le départ d’une personne trèsactive (mais activement engagée dans la transmission des messages concernant les OGMsur la liste « Actifs »), ne va pas à l’université d’été seule, même si intéressée, s’il n’y apas d’autres pour tenir la compagnie, n’est jamais allée à la CNCL, ni aux FSE prochesgéographiquement, tout en ayant eu deux mandats consécutifs au CA, membre du Bureauet trésorière, depuis plusieurs années :

« Si, si, mais j’ai pas l’impression qu’y a beaucoup de monde qui a du y allerd’Attac-Rhône. C'est vrai que, c'est sympa quand on y va à plusieurs. On avaitfait du covoiturage…ça, c'est pas retrouvé…non, non, ça m’a était intéressant.Euh, des sujets…oui, oui, non, c'était bien les sujets, et puis, de rencontrerdu monde d’un peu partout, et puis des sujets intéressants, bien traités…trèspédagogiques, présentés d’une manière très pédagogiques. Non, non, cette

année, j’ai failli y aller, puis je me suis pas poussée toute seule, quoi…” 511

Les formes de sociabilités, ainsi, s’avèrent être pour certains facteurs décisifs des modesde leurs engagements et de leur intensité. Il nous a paru intéressant de remarquerune divergence dans la perception de l’accueil, décrit par des militants : auparavant -

« atmosphère dure »512, « personne me dit bonjour au revoir » 513 , et très chaleureux depuis

plusieurs années et tel que nous l’avons vécu, assuré notamment par un ancien président,très soucieux par cette dimension de fonctionnement de l’association. La réflexion sur lesmodes d’accueil et d’intégration des nouveaux venus est présente à même titre que celle,sur les façons d’attraction du nouveau public, signe des efforts déployés à renforcer et fairepersister l’activité, ainsi, leur propre engagement, par des militants d’Attac-Rhône

510 Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.511 Hélène, militante, 57 ans, assistante de la direction scientifique à INRETS, enregistré le 17 décembre 2008 à Lyon.512 Hélène, militante, 57 ans, assistante de la direction scientifique à INRETS, enregistré le 17 décembre 2008 à Lyon . (militantedepuis 2003)513 Jérôme, militant, 38 ans, agent administratif à temps partiel dans une association, enregistré le 7 novembre 2008 à Lyon. (militantdepuis 2002)

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2.9. DésengagementLe désengagement est un processus qui se noue dans la séquence des petites frustrations,suivies des réflexions et des requalifications concessive de son militantisme, la formulationdes nouveaux objectifs et l’ajustement de ses aspirations, la manifestation discursive de sesgriefs et de la justification de son éloignement ou départ. Un tel exemple serait la façon deparler de son désengagement progressif de ce militant, très actif autrement et très exigeanten ce qui concerne le dévouement militant :

« Oui, et puis j’avais plus envie de continuer cette animation [du groupe Europe,après 2005]. Je voulais faire autre chose. Je voulais me recentrer sur la radio.Et puis, c’était à l’époque aussi où je m’étais..je continuais à m’investir dansune autre association qui s’appelle Formation Action Citoyenne. Et puis, voila,c’est une juxtaposition d’engagements et des lieux d’investissement. Voila, jevoulais arrêter ça. Parce que, bon, en plus de ça,c’est vrai que je ressentaisquand même une certaine contraction que j’avais du mal à surmonter peut-êtredans mon propre engagement, et puis aussi parrapport à l’engagement desautres. C'est-à-dire que j’ai senti bien qu’il y avait encore des gens qui étaient làdans une attitude un peu d’autoconsommation. Et puis les gens ne savaient pastrop comment, peut-être, no bossaient pas trop entre les réunions. C’était pasforcément facile à porter. Je pense qu’on avançait pas vraiment beaucoup. Etpuis, surtout simplement je crois parce que je voyais plus la fidélité du groupe.Pour moi ça était son tort. Et puis, c’était à l’époque où les groupes de travailont commencé à s’éteindre les uns après les autres. Donc on sentait bien quela dynamique n’était plus là. De toute façon, plus simplement, je crois quevraiment.. »514

Ces propos en général démontrent son positionnement actif et authentique par rapport àson militantisme, selon un modèle de la « remise de soi ». Cette revendication d’adhésiontotale à l’institution du militantisme lui a coûté une forte déception. Etant née dans la critiquede ceux qui prennent une position des « consommateurs » vis-à-vis de l’association etayant grandi dans les conditions de la décroissance des effectifs et de désengagementdes militants, le sentiment de « vexation » a débouché sur l’adoption d’une position de« désengagé ». Ce militant reste chargé de l’émission à la radio, participe activement dansles négociations avec Radio Canut pour y transmettre la diffusion de l’émission, intervientà ce propos dans les bureaux et, ainsi, reste assez présent physiquement dans la vie del’association, mais se définit comme « désengagé », comme un « électron » libre. Ce militant,déçu également, après ne pas avoir trouvé d’autres vecteurs de travail pour le groupe« Europe » qu’il avait animé, de ne pas avoir pu argumenter et imposer son axe de travailsur les politiques européennes, n’a pas perdu d’intérêt pour la question (il écrit des articlesthématiques à Grain de sable, intervient à la FAC sur ce thème), mais continue à s’investirdavantage dans le groupe radio. Le facteur décisif du désengagement dans les conditionsde déception est défini par des possibilités de reconversions au sein de l’organisation,qui pourrait contribuer, comme dans le cas évoqué, à la persistance de l’engagement. Siune possibilité de la reconversion survient dans d’autres espaces, cela peut susciter undésengagement de l’organisation source de déceptions. Et parmi les désengagés il y aeffectivement ceux qui ont trouvé des possibilités de reconversion ailleurs:

514 Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.

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Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône

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« Pour moi, c'était bien, je me suis éclaté, complet, étudié le thème, mais je suispas sur, que l’impacte derrière, il est important. Alors, ça a servi, parce quemaintenant je m’en ressers, quand je fais des formations, j’en ai fait pour la FAC 515 , sur le service public, sur l’énergie, là, j’en ai une qui est programmée. Enfait, c'est tout le travail d’Attac aujourd'hui, qui est vulgarisé par ce travers-là enquelque part.”516

Le désengagement peut être un aboutissement d’un processus d’accumulation desdéceptions, lié aux changements du contenu des activités, enclenché par une possibilité dereconversion. Dans un cas d’un ancien militant, très engagé auparavant, la reconversionavait eu lieu dans son activité professionnelle, la production des bandes dessinéesd’intervention politique, où il avait trouvé « plus de satisfaction dans mon activitéprofessionnelle au niveau politique, que dans les réunions d’Attac, ce qui était pas le casavant »517.

L’augmentation de l’offre de l’engagement militant et associatif accroit la concurrencepour le recrutement et le maintien de l’engagement des militants d’Attac-Rhône. Ledegré de spécialisation518 des organisations dans le champ militant change l’équilibre dupotentiel concurrentiel entre Attac et d’autres acteurs. Le vaste champ d’intervention d’Attaca favorisé les flux des adhérents arrivés par motivations très diverses au départ. Or,aujourd'hui, dans les conditions d’émergence et de développement des organismes plusspécialisés dans chacune de ses actions (éducation populaire, production de l’expertise,diffusion de l’information ou interventions politiques à vocation culturelle, etc.), avait puattirer des militants, très attachée à un type action ou une cause particulière. Beaucoup demilitants sont passé à l’action proprement politique et ont participé aux élections.

Ainsi, c’est le cas pour les anciens militants d’Attac-Rhône, s’occupant aujourd'hui ducycle « Autres regards », favorisant l’action à dimension culturelle, ou encore pour d’autresanciens militants d’Attac-Rhône, adeptes de la formation citoyenne par l’action d’éducationpopulaire, ayant transféré leur centre d’intérêt vers la FAC:

« Et, bien, moi, je pense qu’il faut les deux. Donc, justement je crois quequand Attac était au top, il avait réussi à lier les deux. On avait beaucoup detravail de fond, mais on avait aussi beaucoup d’actions. Et, ça marchait bien.Donc, moi, je pense qu’il faut les deux. Et actuellement, bah, je trouve qu’on amalheureusement, presque ni l’un ni l’autre. Moi, j’ai été plus déçu par le faitque même à Attac-Rhône…Alors, c'est peut-être lié aussi au nombre moinsd’adhérents, au fait que les adhérents qui étaient aussi, vraiment, qui travaillaientsur le fond et sur des sujets précis dans le fond, sont un peu partis vers la FAC.Donc, on peut dire que la FAC, elle nous a un petit peu aspiré des forces. Et du

515 Parmi nos interviewés, quatre sont intervenants et un militant de la FAC (deux sont anciens militants d’Attac-Rhône et

un est en transition par rapport à son militantisme à Attac-Rhône).516 Daniel, ancien militant, 43 ans, technicien à la CNR, enregistré le 10 mars 2009 à Lyon.517 Michael, ancien militant, 37 ans, auteur-dessinateur des bandes dessinées, enregistré le 12 mars 2009 à Lyon.

518 Ainsi, l’apparition des nombreuses associations visant le public plus limitée, telle que les femmes ou les homosexuelsmalades de sida, avait entraîné le départ des bénévoles de Act Up et AIDES, organisations généralistes. Voir FILLIEULE Oliver etBROQUA Christophe, « La défection dans deux associations de lutte contre le sida : Act Up et AIDES », in FILLIEULE Olivier (dir.),Le désengagement militant, op.cit., p.225.

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Chapitre III. L’engagement et ses fluctuations : le cas des adhérents et des militants d’Attac-Rhône

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coup, bon, moi, je trouve que… j’ai moins de plaisir à aller à Attac, parce que jetrouve que y a moins de discussion vraiment de fond où on peut se permettre dedire des choses…fin, avant ce qui était bien, c'est que…ça réagissait…on disaitles choses, jamais personne ne prenait les choses pour soi, parce que ellesétaient dites pour elles-mêmes. C'était vraiment du fond. Et y a eu un moment, où

ça a basculé, c'était plus tout à fait ça” 519 .

Ainsi, le désengagement des militants peut être mieux compris, si nous mettons la baissedes rétributions militantes dans le contexte de l’accroissement de l’offre dans l’espacemilitant de Lyon, voire sa diversification par les anciens militants d’Attac-Rhône. Si aumoment de sa fondation Attac était dans une situation d’un quasi-monopole, ayant présentéla possibilité des reconversions pour des anciens militants assoiffés par des années del’« atonie » militante et pour les nouveaux de s’engager, depuis le marché du militantismes’est développé, y compris grâce aux militants désengagés d’Attac-Rhône.

3. La fin d’Attac-Rhône ?Le débat sur la nécessité de mettre la « clé sous la porte », qui a eu lieu pendant au moinsles trois dernières assemblées générales520 avec les adhérents, quelquefois entre soi, estun garde-feu, une possibilité de prise de distance par rapport à son engagement (qui pouvaitêtre très dévoué, nous l’avons vu), de repérer les positions des autres sur cette question,de se rassurer et de continuer. Cet auto-questionnement trouve, grâce aux expressions desadhérents lors des AG, la réponse négative et la revendication de continuer. La justificationest construite notamment sur la transversalité de l’efficacité d’action « attakienne » dans lesactivités de la FAC ou « Autres regards », ou de la propagation de la critique et des savoirsproduits et acquis au sein d’Attac à travers ses anciens militants dans d’autres mouvements.En soumettant cette question avec l’insistance aux adhérents et en l’élevant entre soi, lesmilitants démontrent ainsi la présence du regard critique envers l’apport de l’associationdans l’espace militant et politique, ainsi que, pourvu que personne ne s’exprime en soutiende cette proposition, obtiennent une approbation à continuer, et donc, en quelque sorte unecontinuité de la demande sociale pour leur action. Leur militantisme, ainsi, est justifié nonseulement par un plaisir de militer purement égoïste, assuré par des formes de sociabilitéet l’entre soi favorable à la perpétuité de l’engagement.

Le travail du groupe sur ses membres se révèle à travers le discours d’une militante,arrivée assez récemment, en 2007, qui reproduit ce raisonnement sur l’importance qu’il estde continuer le travail de l’association :

« En fait, je pense que ça donnera tellement une mauvaise image pour toutes lesassociations qui travaillent sur Lyon, de voir que Attac à Lyon a fermé…a misla clé sous la porte, que je pense qu’on le fera pas (…) Et, en fait, on est tous là,on devrait céder en fait, à continuer à faire des actions, et si y en a un qui a uneimage forte, parce que on est petit en fait, dans nombre, mais on a quand même519 Alice, militante, 60 ans, à la retraite, enregistré le 11 mars 2009 à Lyon.520 « Rappel. Aux AG de 2006 et de 2007, échanges sur l’opportunité de continuer notre activité à Attac Rhône, en raison de labaisse du nombre d’adhérents et du nombre décroissant d’élus au conseil d’administration ». Voir l’Annexe « Document d’introductionpour l’AG, le 13 décembre 2008 ».

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une image importante. Si nous, on ferme, alors, y a plein d’autres petits…lesgens qui seront peut-être choqués par ça. Et du coup, je pense pas qu’on ferait,parce que…à cause de ça, et puis aussi parce que on a quand même envie decontinuer, mais c'est plus que… je crois que c'est difficile…Au fur et à mesure del’année de toujours travailler et savoir qu’en gros on est une dizaine, tu vois, àtous les bureaux. On est pas très nombreux. Et, c'est ça qui est difficile, c'est çaqui fait que chaque année on a envie de dire, « bah, stop, moi, je veux arrêter »,en fait, personnellement, on a tous un petit peu envie d’arrêter, tu vois(…) Maison avait discuté une fois(…) On disait, moi, des fois, j’ai envie d’arrêter, parce quec'est fatiguant de venir tous les mercredis, et d’organiser des trucs, et puis, onvoit pas grand monde quand on organise un café. Y a quelques personnes, maistu vois, y a pas, cinquante personnes qui viennent. Du coup, on a envie des foisd’arrêter, mais en même temps, arrêter c'est…tu peux pas revenir en arrière, tupeux pas arrêter et après recommencer, si t’arrêtes, t’arrêtes vraiment, et…enmême temps, c'est ça, moi, je voudrais, personnellement, je voudrais, euh, qu’ilest plus de monde qui vient, que ça se passe différemment, tu vois, que y a desactivités dynamiques, qu’on fasse plein de trucs, mais…à dix, tu peux pas faire

plein de trucs, parce que c'est trop fatiguant. ” 521

D’autre part, le problème qui continue à diviser, mais de façon moins conflictuelleaujourd'hui, et d’affaiblir le mouvement, est le projet d’Attac, plus généralement, qui avaitabouti à une crise en 2006, comme nous l’avons vu dans le premier chapitre. Dansle cadre de la réflexion sur la « nouvelle dynamique pour Attac », Nikonoff prévenaitdéjà contre certaines tendances du développement de l’organisation comme : « dilutiond’Attac dans les multiples collectifs auxquels elle participe ; infiltrations, roitelets locaux ;Attac apparaît comme supplétif du mouvement syndical et des partis politiques, certainsadhérents attendent qu’Attac s’engage dans la recomposition de la gauche », et de lanécessité de « repréciser la nature du projet d’Attac »522. Quel débouché pour Attacaujourd'hui : être un « laboratoire d’idées »523, mouvement d’éducation populaire, ou setransformer en organisation politique ?

« Ce qui est réel, et ce qui a posé problème dans le débat à cette période-là, c'estque, une fois qu’on a mis le doigt sur des vrais problèmes de fonctionnementde la démocratie, sur les problèmes de fonctionnement de la financesinternationales, et qu’on a pointé des organismes internationaux, qui devraientêtre revus complètement, modifiés etc. Beaucoup nous disaient, c'est bien, vousavez compté ça, mais on fait quoi maintenant pour transformer ? Qui est-ce quiprend le relais de transformation ? Si c'est pas un parti politique, c'est qui ? Bon,ça, ça reste vrai. Ça reste vrai, mais c'était surement pas Attac, qui avait cette

capacité de…fin, je continue à penser ça.” 524

521 Amandine, militante, 28 ans, postdoc à Lyon 1 en physique, enregistré le 15 décembre à Lyon.522 « Un rapport détaillé sur la situation globale et locale des effectifs », réunion du CA, le 26 avril 2003, www.france.attac.org523 Tel ont défini le rôle d’Attac quelques répondants à notre questionnaire. La majorité des réponses portaient sur le rôle de diffusionde l’information et d’action d’éducation populaire comme rôle principal d’Attac aujourd'hui.524 Cédric, ancien militant, 67 ans, à la retraite, enregistré le 18 mars 2009 à Lyon.

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Chapitre III. L’engagement et ses fluctuations : le cas des adhérents et des militants d’Attac-Rhône

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Nous avons vu dans ce chapitre comment l’imbrication des facteurs organisationnel, celuilié au contexte sociopolitique du fonctionnement de l’association et proprement individuelsproduisent le rapport à son activisme à un moment donné et détermine son instabilité.D’un très souple encadrement organisationnel, l’association Attac-Rhône, n’ayant pasrenouvelé ses effectifs, dans les conditions d’affaiblissement des rétributions militanteset l’accroissement de l’offre dans l’espace militant de Lyon, est un lieu des fluctuationsimportantes des engagements de ses militants, avec une tendance de désengagement.

C’est en articulant la tension, matérielle et idéelle 525 , le coût et les rétributionsdu militantisme que nous pourrons « concevoir une réalité multidimensionnelle, oùinterviennent dans les conditions de possibilité de l’engagement l’insertion professionnelledes acteurs, les engagements concurrents d’ordre privé ou associatif, ainsi que la situationdes militants dans les étapes de la vie, en sachant que ces autres insertions fournissentelles aussi des rétributions, partiellement concurrentes »526.

ConclusionsPour notre enquête nous nous sommes intéressés aux fluctuations des engagements

chez les militants de l’association Attac-Rhône. Nous voulions savoir si le sentiment dedéclin est lié au dépérissement effectif de l’engagement à Attac : s’il s’est reconverti end’autres formes d’engagements ou, alors, s’il a été l’effet d’une mode sans conséquencesbiographiques pour les carrières militantes de ses anciens affiliés ? Pour cela, nous voulionssavoir si le changement des générations militantes avait eu lieu : si les militants du « noyaudur » se distinguent de la deuxième génération et des plus récemment arrivés, et si un telchangement a eu des conséquences sur le fonctionnement de l’association ?

L’état du « déclin » du comité local Attac-Rhône est confirmé par une tendance à labaisse des adhésions depuis 2003, par une visibilité médiatique très faible d’Attac-Rhône,des capacités affaiblies de l’organisation et des ressources diminuées pour ses activités.En tant qu’élément d’autodéfinition des militants, il se traduit par l’état de l’épuisement desanciennes générations militantes et les contraintes qu’exercent sur les peu de nouveauxmilitants le dépérissement, matériel et moral, du groupe. Ce déclin est un produit autant del’histoire de l’association, que du vécu de ses militants et du contexte environnemental.

Tout d’abord, l’association n’a su renouveler ses effectifs que très partiellement. Laplupart des anciens sont partis, et n’ont pas été substitués par de nouveaux effectifs,porteurs de nouvelles idées et de capacités pour leur mise en œuvre.

Les anciens militants d’Attac-Rhône — s’y étant formé et ayant obtenu des acquisanalytiques, de synthèse, d’intervention publique — sont pour certains partis ailleurs,bénéficiant des possibilités accrues pour les reconversions militantes du fait d’unediversification de l’offre d’engagement anti-libéral au sein de l’espace militant de Lyondepuis l’apparition d’Attac-Rhône. Ils assurent ainsi une continuité de ce qu’incarnait Attacauparavant dans d’autres organisations et mouvements.

Un des facteurs de l’affaiblissement de l’association, l’auto-identification préalable àAttac par une nébulosité des mouvements très différents, caractéristique de l’ensembledu mouvement altermondialiste, d’une part, est considéré comme son trait authentique etgarant de sa richesse et sa perpétuation, d’autre part, est un obstacle à l’aboutissement àdes acquis réels, du fait de l’absence d’un programme commun d’actions. Cette diversité à

525 GOTTRAUX Philippe, « Autodissolution d’un collectif politique. Autour de Socialisme ou Barbarie », in Fillieule Olivier (dir.), Ledésengagement militant, op.cit., p.80.526 Ibid., p.84-85.

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Attac n’était pas encadrée institutionnellement, ce qui a abouti à des tensions, notamment auniveau national, et finalement à une crise. Autant le cadre institutionnel souple a été propicepour une libre expression et une mise en œuvre du principe de démocratie participative,autant il ne permettait pas de gérer les différentes façons de militer, de débattre et depréserver le mouvement et les engagements des militants. Or, c’est peut-être là, l’une dessources de sa richesse et de sa perpétuité : dans la nébulosité et la diversité des sensibilités.Comme l’avait énoncé E.Agrikoliansky, chercheur spécialiste de l’altermondialisme : «ladifficulté d’articuler autour d’un projet, un candidat ou une organisation altermondialiste unecandidature unitaire à l’élection présidentielle, et l’impossibilité d’une vaste recompositionde la « gauche de la gauche » autour de cette dynamique, ne doit donc au final pas êtreinterprétée comme un indice de l’échec du mouvement altermondialiste ou de son incapacitéà évoluer, donc d’une crise de celui-ci. Il est plutôt inscrit dans la logique même de sonhistoire : c’est la diversité et l’hétérogénéité de cette nébuleuse qui a fait sa force, mais enmême temps sa faiblesse »527.

La force du mouvement et l’engagement en son sein est conditionnée par l’ensemblede facteurs, comme nous avons pu le voir dans notre analyse. Aujourd'hui, le comité localAttac-Rhône est ravivé par l’arrivée des quelques nouveaux militants, par la conjoncturesociopolitique changeante, suscitant la contestation, plus généralement de l’ensemble desmouvements sociaux. Est-ce que les dispositions et dynamiques individuelles vont pouvoirtrouver leur matérialisation dans l’engagement à Attac ou l’association ne se révèlera pasde sa « chute » ? Ainsi, nous voyons aujourd'hui, qu’Attac Allemagne, ayant choisi un modeplus horizontal du fonctionnement, connu pour ses actions récentes médiatiquement bienrépercutées, semble à l’abri du dépérissement que connaît son correspondant français.

Un des arguments pour démentir l’hypothèse de l’essoufflement du mouvementaltermondialiste consiste à dire qu’il ne constitue pas un mouvement homogène. Lanébulosité des mouvements qui s’y identifient, sont organisés en réseaux, coopèrent defaçon relativement horizontale et leur action se régionalise, ne permettant pas repérer uneorganisation pouvant être l’objet de représentation médiatique. Les logiques axiologiquesrégissant les comportements individuels doivent être étudiées pour mieux comprendre ladimension qui réunit les mouvements hétérogènes altermondialistes dans une logique etune action commune.

527 Agrikoliansky Eric, « L’altermondialisme en temps de crise. Réflexions sur un déclin annoncé », Mouvements, 2007/2, N° 50, p.41.

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PASSET René et ALBALA Nuri, « Rapport Commission d'enquête sur les élections auC. A. d'Attac », le 29 septembre 2006

Autre :

Charte de Principes du Forum Social Mondial, le 9 avril 2001, http://www.forumsocialmundial.org.br/main.php?id_menu=4&cd_language=3

Colloque « Altermondialisme et postaltermondialisme. Vers un socialisme duXXIe siècle », Paris, 26 janvier 2008, http://www.utopie-critique.fr/index.php?option=com_content&-task=view&id=19&Itemid=33

Les Journées Européennes du Patrimoine à La Maison des Passages, http://www.maison-des-passages.com/media/journees_patrimoine.pdf .

PROUTEAU L. et WOLFF F.-C., « La participation associative au regard des tempssociaux », Economie et statistique, n° 352-353, 2002. http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/ES352-353C.pdf .

« Une personne sur deux est membre d'une association en 2002 », INSEE Première,2003, http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?reg_id=0&ref_id=ip920

L’engagement associatif après 60 ans; H. Michaudon, Insee Première, n° 737, 2000, http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/IP737.pdf .

SQUARZONI Philippe, Zapata, en temps de guerre, Les Requins Marteaux, Albi, 2003,p.24-29.

Site internet :

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Attac France www.france.attac.org

Alter www.alter-m.org

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« Mémoire des luttes », http://medelu.org/

Mouvement Politique d’Education Populaire (M’PEP) www.m-pep.org

Page 119: Les fluctuations de l'engagement militant : le cas des militants de l

Bibliographie

Maryna Kumeda - 2009 119

Millénaire – Le Centre Ressources Prospectives du Grand Lyon, http://www.millenaire3.com

L’Université populaire de Lyon, http://uplyon.free.fr/ .

l’Association des universités populaires de France (AUPF), www.universitepopulaire.eu.

Page 120: Les fluctuations de l'engagement militant : le cas des militants de l

Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône

120 Maryna Kumeda - 2009

Liste des sources

Entretien № 1. MathieuEnregistré le 20 octobre 2008.

Durée : 1h45min.36 ans, doctorant en Sciences politiques.ATTAC : militant depuis 2002, élu au Conseil d’administration 2005-2007, ancien co-

président (2007), membre du groupe radio, ancien membre (2002-2005) et animateur(2004-2005) du groupe « Politiques européennes ».

Parcours militant : ancien membre du CDS, actuellement au PS (depuis 2007),engagement à Survie-Rhône (environ 2001-2002), court passage à l’Amnesty InternationalLyon, intervenant à la FAC.

Entretien № 2. JulienEnregistré le 4 novembre 2008.

Durée : 42min.55 ans, électronicien-ingénieur à CNRS, IUT (électronique).ATTAC : militant depuis 1999, élu au CA (1999-2003, 2006-2007, 2008-2009), trésorier

(1999-2001), maintien du site Internet d’Attac-Rhône, diffusion des lettres d’information,membre du groupe radio, animateur du groupe « Logiciels libres » (en état off), participaità la commission nationale du fonctionnement (2005-2006).

Parcours militant : membre du PT (POI) dans les années 1970, syndiqué au SUD-recherche.

Entretien № 3. JérômeEnregistré le 7 novembre 2008.

Durée : 1h26min.38 ans, BTS « Action commerciale » (non-achevé), agent administratif dans une

association-traiteur « Cannelles et piments » à temps partiel, depuis 2007.ATTAC : militant à Attac depuis 2002, élu au CA (2002-2003, 2006-2007, 2008-2009),

trésorier (2003, 2009), rédacteur-en-chef du « Grain de Sable », membre du groupe Radio,membre du groupe « Ecologies et sociétés », ancien président d’Attac-Rhône (2006).

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Liste des sources

Maryna Kumeda - 2009 121

Parcours militant : à Attac depuis 2002, participait au comité de campagne de JoséBové pour les élections présidentielles en 2007, sur les listes AUDACES lors des élections

municipales de 2008 pour le 7e arrondissement.

Entretien № 4. LucieEnregistré le 12 novembre 2008.

Durée : 59min.20 ans, BAC+4, étudiante en sociologie en M1 à l’Université Lyon 2.ATTAC : militante d’Attac-Rhône depuis 2005, élu au CA (2006-2007, 2008-2009),

présidente en 2009, co-présidente (2007, 2008), responsable Attac-campus 2005-2007(en état off), animatricede la coordination nationale d’Attac-campus (2007-avril 2008),représentante d’Attac-Rhône à la CNCL (2006-2008), participais (parfois) au Conseild’Administration d’Attac-France.

Parcours militant : adhérente d’Attac Isère depuis 2004, militante du SUD-étudiant(2006-2007).

Entretien № 5. RomainEnregistré le 13 novembre 2008.

Durée : 1h33min.66 ans, BEPC (Brevet d’études du premier cycle), retraité (ancien employé dans la

distribution alimentaire).ATTAC : militant depuis 1999, élu au CA (2003 -, 2009-2010), actif au Bureau,

responsable des relations presse, représente ATTAC au CIMAD, animateur du groupe« Institutions mondiales » (état off), ancien représentant d’Attac-Rhône au Collectif 69Palestine.

Parcours militant : mission en Bosnie en 1993 avec une association d’aidehumanitaire, membre du Mouvement fédéraliste mondial (MFM), ancien membre del’association « Citoyens du Monde », sur les listes « La gauche autrement » lors desélections municipales de 2001 pour le Tassin-la-demi-Lune.

Entretien № 6. FlorianEnregistré le 25 novembre 2008.

Durée : 1h45min31 ans, doctorant en histoire, assistant à l’Université de Genève.

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Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône

122 Maryna Kumeda - 2009

ATTAC : adhérent depuis 2002, militant et membre actif du groupe « Constructioneuropéenne » (depuis 2006), élu au CA (2009-2010).

Parcours militant : première manifestation en avril 2002 en France, ensuite à NewYork contre la guerre en Iraq en 2003, intervenant à la FAC.

Entretien № 7. DelphineEnregistré le 8 décembre 2008

Durée : 1h16min30 ans, BAC+5, doctorante en histoire, A.T.E.R. à Lyon 2.ATTAC : militante (2001-2002 en France, 2002-2003 en Allemagne), fondatrice du

groupe Attac ENS, élue au CA (2005-2008), co-présidente en 2008, animatricedu groupe« Ecologie et société »

Parcours militant : syndiquée au SNESUP, impliquée dans l’association des parentsd’élèves FCPE, représentante dans la copropriété de son immeuble.

Entretien № 8. AzzedineEnregistré le 14 décembre 2008

Durée : 53 min29 ans, BAC+8, postdoc (CDD) à l’ENS en physiqueATTAC : militant d’Attac-Rhône depuis le début 2008, élu au CA 2009-2010, secrétaire

(2009), participe au groupe « Ecologie et société », actif sur la question palestinienne.Parcours militant : sympathisant d'Attac et LO étant étudiant à l'ENS Paris,

militant d’Attac Lausanne, puis Attac Suisse en 2004-2007, membre d’Attac Liban,« semi-syndiqué » au SUD-recherche, organisateurs des forums sociaux méditerranéens,bénévole-interprète de « Babels » pour le FSE de Athènes (2006), Malmö (2008)

Entretien № 9. AmandineEnregistré le 15 décembre 2008

Durée : 29min28 ans, BAC+8, postdoc (CDD) à l’Université Lyon 1 en bioinformatiqueMilitante, 28 ans, postdoc (CDD) à l’Université Lyon 1 en bioinformatique, enregistré

le 15 décembre 2008.ATTAC : militante depuis juin 2007, élu au CA 2008-2009, secrétaire en 2009, participe

au groupe « Ecologie et société », a rejoint groupe « Radio » en mai 2009.

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Liste des sources

Maryna Kumeda - 2009 123

Parcours militant : participait dans les manifestations, participait sur la liste AUDACES

pour le 3e arr. dans les élections municipales en 2008.

Entretien № 10. NicolasEnregistré le 16 décembre 2008

Durée : 1h10min55 ans, au chômage (ancien salarié de la FAC jusqu’au novembre 2008), DESS

d’épidémiologie.ATTAC : ancien militant (1998-2006), fondateur d’Attac-Rhône, premier président

d’Attac-Rhône (1999-2001), membre de la Commission international d’Attac France(référent sur la question Méditerranéenne), membre du groupe Méditerranéen, membre dela mission d’Attac en Palestine, élu au CA national (2003-2006) sans droit de vote, fondateurde la FAC Formation Action Citoyenne (fondé en 2003, salarié en 2006-2008).

Parcours militant : pendant les années de l’université était à la LCR, 1973-1975participait dans le mouvement de solidarité avec Amérique du Sud, rencontre avec Lambert(fondateur de la Confédération Paysanne) et participation à la mobilisation antimilitaristede Larzac) (fin 1970-début 1980), un mois de prison pendant deux mois passés à l’arméepour avoir distribué des tractes appelant à la création de comité des soldats ; années 1980bénévolat aux « Vétérinaires sans frontières »/SIGDA) ; participait dans les mouvementssociaux de 1995, les contre-sommets de G7 (en 1996 à Lyon) ; organisait les ateliers en

contre-sommet pendant la 10e conférence de la CNUCED tenait à Lyon en 1998 ; participantdes FSM à Porto Alegre (2001, 2002) et au FSE à Florence (2002), à Paris (2003), à Athènes(2006).

Entretien № 11. HélèneEnregistré le 17 décembre 2008

Durée : 25min.57 ans, assistante de la direction scientifique à INRETS, BAC + 2 (école des

secrétaires-traductrices).ATTAC : militante à Attac depuis 2003, élue au CA et Bureau (2005-2006, 2007-2008),

trésorière (2007-2009), animatrice du groupe « OGM » (2004-2007, en état off), participaitdans l’organisation de l’association RES’OGM.

Parcours militant : déléguée de classe pendant son parcours scolaire, déléguée desparents d’élèves à la FCPE, ancienne syndiquée à la CFDT, actuellement syndiquée àSolidaires (depuis 2004), représentante du personnel dans l’INRETS.

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Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône

124 Maryna Kumeda - 2009

Entretien № 12. CharlotteEnregistré le 18 décembre 2008

Durée : 1h03min45 ans, formatrice dans une association d’accompagnement à l’insertion

professionnelle, BEP sanitaire et social, 1998 reprise d’études en licence de Science del’éducation (validation des acquis par l’expérience).

ATTAC : militante depuis 2000, élu au CA (2008), élu au CA comme représentanted’AC! (2009-2010), secrétaire en 2008, ancien membre du groupe « Politiques migratoires »et du groupe de spectacle « Super promo-Global planète » (s’appelait « Tout est à vendre »avant 2003) sur l’OMC et l’AGCS.

Parcours militant : ancienne syndiquée à la CGT, militante de AC !

Entretien № 13. DanielEnregistré le 10 mars 2009.

Durée : 1h07min43 ans, technicien au département environnement à la Compagnie Nationale du Rhône,

BTS « Agricole. Production forestière ».ATTAC : adhérent d’Attac depuis 1998, ancien militant (2000-2007), organisateur des

« Assises des services, publics »ancien vice-président (2005), animateur des groupes« Services publics », « Energie » (en état off).

Parcours militant : syndiqué à la CFDT (1996), secrétaire général de la section CFDT,plus tard syndiqué à la CGT, ancien membre de l’association « Droit à l’énergie. Stop auxcoupures », candidat aux municipales 2008, intervenant à la FAC.

Entretien № 14. AliceEnregistré le 11 mars 2009

Durée : 1h09min60 ans, à la retraite (ancienne directrice d’école primaire), Bac + 2.ATTAC : militante depuis 1998, ancienne élue au CA (1999-2001, 2003, 2006) et

secrétaire au bureau (2003, 2006), ancien membre du groupe Méditerranée, a monté etanimait le groupe « Europe » (2002-2004), participait dans les groupes « Eau », « Servicespublics », « Logement », organisatrice des Assises des services publics (référente pour legroupe « Eau »), représente Attac-Rhône à la CNCL, actuellement représente Attac-Rhôneau collectif « Palestine 69 » et au collectif de convergence des services publics.

Parcours militant : lycéenne en terminale participait aux débats pendant mai 68,syndiquée brièvement : SGEN-CFDT (Syndicats généraux de l'Éducation nationale),

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Liste des sources

Maryna Kumeda - 2009 125

SNUIpp (Syndicat National Unitaire des Instituteurs, Professeurs des écoles et Pegc),représente Attac-Rhône au CA du collectif « Palestine 69 » (participante d’une mission enPalestine en mai 2007), participante des FSE de Florence (2002) et de Paris (2003), FSMà Porto Alegre en 2005.

Entretien № 15. MichaelEnregistré le 12 mars 2009

Durée : 31 min37 ans, auteur et dessinateur des bandes dessinées d’intervention politique, maison

d’édition « Les Requins Marteaux » (« Torture blanche », 2004 ; « Dol », 2006), BAC+2(DEUG en Lettres modernes).

ATTAC : ancien militant (1998-2005), élu au CA (2000-2001, 2003-2004), référent dugroupe « Taxation des mouvements de capitaux » (en état off) et ancien membre « Servicespublics », participait aux « Rencontres pour une autre mondialisation ».

Parcours militant : Attac-Rhône.

Entretien № 16. CédricEnregistré le 18 mars 2009

Durée : 1h01min67 ans, à la retraite (ancien technicien, puis cadre au département RH à Rhône-

Poulenc), brevet industriel.ATTAC : ancien militant ( entre 2000 et 2007), membre puis animateur du groupe sur

les questions économiques, élu au CA (2003-2005), président d’Attac-Rhône (2004-2005),représentait Attac-Rhône au CA de la FAC, fondateur du groupe du quartier de Sainte-Foy-lès-Lyon.

Parcours militant : syndiqué à la CFDT (CFTC, à l’âge de 16 ans), représentant dupersonnel, secrétaire d’un comité d’entreprise (détaché à temps plein), "court passage"dans les années 1980 au PS, participant au FSE de Paris (2003), FSM de Bombay (2004),actuellement militant de la FAC.

Entretien № 17. ManuelEnregistré le 20 mars 2009

Durée : 49 min50 ans, chargé d’affaires à EDF-GDF

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Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône

126 Maryna Kumeda - 2009

ATTAC : ancien militant (entre 1999 et 2004), élu au CA/Bureau en 1999-2002,initiateur du bulletin « Grain de sable », un des auteurs du spectacle « Super promo-Globalplanète » ( s’appelait « Tout est à vendre » avant 2003) sur l’OMC et l’AGCS.

Parcours militant : militant de la CGT 1980-1984, carte reprise en 1998.Ces annexes sont à consulter sur place au Centre de Documentation

Contemporaine de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon