7
ILLUSTRATIONS : KATY LEMAY ans curiosité, l’humanité ne serait sûrement pas ce qu’elle est devenue. Il en a fallu une bonne dose à Christophe Co- lomb pour qu’il s’embarque vers l’inconnu, et au moins au- tant à Thomas Edison pour tester 6 000 matériaux avant de trouver celui qui convien- drait pour le filament de l’am- poule électrique. Aujourd’hui, la curiosité continue d’être la bougie d’allumage qui pousse l’être humain à s’intéresser aux au- tres et au monde qui l’entoure, à acquérir connaissances et compétences. Et c’est un moteur extraordinaire. Chaque été, alors que la plupart des jeunes ne pensent qu’à se baigner, à paresser ou à faire du vélo, d’autres assistent au camp d’été Folie Technique, à l’École polytech- nique de Montréal. Il faut voir les ados ins- crits sous le thème de l’aéronautique. Dans la salle de classe convertie en atelier, sur des tables couvertes de carton-mousse et de matériel électronique, ils terminent la construction d’avions téléguidés dont ils ont eux-mêmes dessiné les plans. L’exci- tation est palpable : ils sauront bientôt si leur engin vole. Pour en dessiner les pièces, ces garçons d’à peine 14 ans ont appris, en moins d’une semaine, le fonctionnement d’un logiciel de design utilisé par les vrais ingénieurs ! Le psychologue états-unien Todd Kash- dan, un des rares spécialistes de la curiosité, croit même que nous gagnerions tous à de- 18 Québec Science | Octobre 2010 Les gens curieux sont non seulement plus heureux, mais aussi en meilleure santé et plus intelligents que les autres. Et si la curiosité était un facteur de réussite scolaire? Par Catherine Dubé

Les gens curieux sont non seulement plus heureux, … · ce soit au travail, dans nos loisirs ou dans nos relations sociales, la curiosité rend ... Les chercheurs Nico Bunzeck et

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Les gens curieux sont non seulement plus heureux, … · ce soit au travail, dans nos loisirs ou dans nos relations sociales, la curiosité rend ... Les chercheurs Nico Bunzeck et

ILLU

STR

ATIO

NS

: K

ATY

LEM

AY

ans curiosité, l’humanité neserait sûrement pas ce qu’elleest devenue. Il en a fallu unebonne dose à Christophe Co-lomb pour qu’il s’embarquevers l’inconnu, et au moins au-tant à Thomas Edison pourtester 6 000 matériaux avantde trouver celui qui convien-drait pour le filament de l’am-

poule électrique. Aujourd’hui, la curiositécontinue d’être la bougie d’allumage quipousse l’être humain à s’intéresser aux au-tres et au monde qui l’entoure, à acquérirconnaissances et compétences. Et c’est unmoteur extraordinaire. Chaque été, alors que la plupart des jeunes

ne pensent qu’à se baigner, à paresser ou à

faire du vélo, d’autres assistent au campd’été Folie Technique, à l’École polytech-nique de Montréal. Il faut voir les ados ins-crits sous le thème de l’aéronautique. Dansla salle de classe convertie en atelier, surdes tables couvertes de carton-mousse etde matériel électronique, ils terminent laconstruction d’avions téléguidés dont ilsont eux-mêmes dessiné les plans. L’exci-tation est palpable : ils sauront bientôt sileur engin vole. Pour en dessiner les pièces,ces garçons d’à peine 14 ans ont appris, enmoins d’une semaine, le fonctionnementd’un logiciel de design utilisé par les vraisingénieurs!Le psychologue états-unien Todd Kash-

dan, un des rares spécialistes de la curiosité,croit même que nous gagnerions tous à de-

18 Québec Science | Octobre 2010

Les gens curieux sont non seulement plus heureux,mais aussi en meilleure santé et plus intelligents que les autres. Et si la curiosité était un facteur de réussite scolaire?

Par Catherine Dubé

Page 2: Les gens curieux sont non seulement plus heureux, … · ce soit au travail, dans nos loisirs ou dans nos relations sociales, la curiosité rend ... Les chercheurs Nico Bunzeck et
Page 3: Les gens curieux sont non seulement plus heureux, … · ce soit au travail, dans nos loisirs ou dans nos relations sociales, la curiosité rend ... Les chercheurs Nico Bunzeck et

venir (ou à redevenir) un peu plus curieux.C’est ce qu’il explique dans Curious ?, unintrigant bouquin à la couverture jaune ca-nari publié l’an dernier par Harper Col-lins. En ajoutant du piment à nos vies, quece soit au travail, dans nos loisirs ou dansnos relations sociales, la curiosité rendl’existence beaucoup plus intéressante etsatisfaisante, écrit-il. La science semble lui donner raison.

L’équipe de recherche qu’il dirige au dépar-tement de psychologie de l’université GeorgeMason, en Virginie, a interrogé des milliersde personnes, étudiants ou travailleurs de

tous milieux, jeunes et vieux, hommeset femmes. La conclusion de ces étudesest la même : «Les gens curieux se sen-

tent plus en contrôle de leur vie etils considèrent que leur exis-tence a un sens», dit le cher-cheur. Leur curiosité lespousse à explorer – ce quileur ouvre un monde depossibilités – et à entre-prendre des actions qui

comptent à leurs yeux. Todd Kashdan prêche par l’exemple.

Avant de devenir chercheur en psychologie,il était courtier à la bourse de New York. Ila démissionné et est retourné à l’universitéle jour où il a réalisé que ses longues dis-cussions du week-end sur la psyché hu-maine le passionnaient beaucoup plus quele cours des actions.Les centaines de patients anxieux qu’il a

rencontrés depuis l’obtention de son diplômel’ont convaincu d’une chose : l’an xiété et lacuriosité fonctionnent en tandem et sonten fait deux façons différentes de réagir àla nouveauté. L’individu anxieux préfèredemeurer en terrain connu pour éviter lesrisques, alors que la personne curieuseconsidère que le gain potentiel surpasse ledanger. «La plupart des gens se situent en-tre les deux et ressentent un mélange d’émo-tions devant une situation nouvelle», ditTodd Kashdan. Qu’il s’agisse de partir sacau dos pour la Tanzanie, de changer d’em-ploi, de faire de la planche à neige pour lapremière fois ou de parler à un étranger. «Les gens les moins curieux sont en fait

intolérants à l’incertitude», souligne le psy-chologue. En restreignant leur univers, ilsévitent le stress lié à l’inconnu. Bien diffi-cile de se défaire de cette anxiété qui a sibien servi nos ancêtres. «À l’époque deschasseurs-cueilleurs, ceux qui s’inquié-

taient d’un bruit étrange ou de quelquechose d’inhabituel avaient de meilleureschances de survie», note le chercheur. Carla curiosité a un prix. En goûtant de nou-velles plantes, les plus audacieux ont faitavancer l’espèce humaine, mais quelque-fois au péril de leur vie.

aradoxalement, on peut jugu-ler l’anxiété en cultivant la cu-riosité, croit Todd Kashdan quil’a constaté avec ses patients.La recherche d’informationpourrait même être un méca-nisme psychique déclenché pré-

cisément dans le but de réduire l’anxiété. Cequ’on connaît fait moins peur. «Notre cerveau est conçu pour répondre

à la nouveauté», dit Frances Aboud, pro-fesseure au département de psychologie del’Université McGill et chercheuse au Cen-tre de recherche en développement humain.Il suffit qu’une image inconnue entre dansnotre champ de vision pour qu’un feu d’ar-tifice s’amorce dans notre boîte crânienne.On le voit clairement en soumettant des vo-lontaires à une session d’imagerie par ré-sonance magnétique fonc tion nelle : leursneurones s’activent plus lorsqu’ils voientdes photos pour la première fois quelorsqu’ils observent des images connues.Les chercheurs Nico Bunzeck et Emrah Dü-

20 Québec Science | Octobre 2010

Curiosité etsantéEntretenue tout au long de la vie,la curiosité contribue à conserverla vivacité d’esprit et pourraitmême avoir des effets positifs surla santé. Pendant 5 ans, lechercheur Gary Swan, rattaché auCentre pour les sciences de lasanté, à l’Institut de recherche SRIInternational, en Californie, a suiviplus de 2000 personnes âgées de60 à 86 ans. Il a déterminé leurdegré de curiosité par des testspsychologiques standardisés, puisles a revues cinq ans plus tard. Les plus curieux avaient de bienmeilleures chances que les autresd’être toujours vivants, même entenant compte de nombreuxfacteurs de risque, comme le poidset le tabagisme. On a observé le même genre de

résultat avec des rats delaboratoire ; ceux qui semblent lesplus intéressés par la nouveauté,comme explorer des labyrinthesou s’amuser avec des objetsdéposés dans leur cage, viventplus longtemps. Même parmi deslignées de rats génétiquementmodifiés pour développer destumeurs, les plus curieux vivent25% plus longtemps.

MAU

RO F

ERM

ARIE

LLO

/SPL

7

Page 4: Les gens curieux sont non seulement plus heureux, … · ce soit au travail, dans nos loisirs ou dans nos relations sociales, la curiosité rend ... Les chercheurs Nico Bunzeck et

zel, du University College London, auRoyaume-Uni, qui ont publié ces résultatsdans Neuronen 2006, ont identifié les struc-tures les plus actives à ce moment. Il s’agitde l’aire tegmentale ventrale et de la subs-tance noire.Ces deux petites structures enfouies au mi-

lieu du cerveau produisent de la dopamine,le carburant de la curiosité. «C’est diffi-cile à croire, mais la source des grandesquêtes humaines est un neurotransmetteurprovenant des parties les plus primitivesde notre cerveau», souligne le psychobio-logiste Jaak Panksepp, dans son ouvragede référence Affective Neuroscience. Ce neurotransmetteur, il existe depuis

des lustres et on le partage avec tous les ani-maux. Sans lui, on n’est plus motivé à fairequoi que ce soit, même pas à se nourrir,comme l’ont démontré des expériences surdes rats. Par contre, quand il enflamme nosneurones, on se sent capable de tout. Unesensation que connaissent bien les ama-teurs de cocaïne et d’amphétamines, deuxdrogues qui activent précisément le sys-tème dopaminergique.La dopamine est un élément clé du circuit

cérébral de la récompense qui est libéréaussi bien lorsqu’on satisfait nos besoinsprimaires, comme boire et manger, quelorsqu’on lit un roman policier. «La do-pamine est relâchée avant la satisfaction, aumoment où on anticipe la récompense»,précise la docteure Roberta Palmour, pro-fesseure au département de psychiatrie del’Université McGill. Ce neurotransmetteurnous encourage donc à poursuivre notrequête, quelle qu’elle soit. À peu de chosesprès, la soif de connaissances répond aumême impératif que la soif tout court!Des expériences de laboratoire semblent

confirmer que la source de la curiosité re-pose dans un coin précis de l’encéphale,entre l’aire tegmentale ventrale et le noyauaccumbens du circuit de la récompense.Quand on stimule électriquement cette pe-tite zone, au centre du cerveau, les volon-taires éprouvent une sensation agréable,comme si un événement vraiment intéres-sant et excitant avait lieu. Un rat de labo-ratoire stimulé de la même manière se metà renifler et à fouiner dans les moindres re-coins de sa cage. Pas si étonnant, puisque la dopamine est

également essentielle au bon fonctionne-ment des neurones moteurs : elle donne-rait l’impulsion nécessaire pour passer àl’action. Tous ces éléments forment ce que Jaak

Panksepp appelle le «seeking system», niplus ni moins que le support biologique detoute quête. Ce système serait à l’œuvreaussi bien chez le raton laveur qui fait l’in-

ventaire de notre poubelle, que chez l’êtrehumain qui sonde le cosmos en se deman-dant si la vie existe ailleurs. Si l’humain a des quêtes plus ambitieuses,

purement intellectuelles, c’est à cause deson cortex préfrontal, beaucoup plus dé-veloppé que celui de l’animal. Cette zone,située juste derrière le front, est le siège desopérations cognitives complexes, telles quela résolution de problème, et elle regorge derécepteurs à la dopamine.

e système motivationnelfonctionne à plein régimedurant les premières annéesde l’existence. «Tous les bé-bés sont curieux», affirmeFrances Aboud. Ils ap-prennent ainsi un tas de

choses sans qu’on ait besoin de leur ensei-gner, par simple expérimentation, souligne-t-elle : «En cherchant à savoir combien decubes ils peuvent empiler avant qu’ils nes’écroulent, ils apprennent par exemple lanotion de gravité. Comme ils sont près dusol, ils observent aussi beaucoup les verset les fourmis. Ce sont de vrais petits scien-tifiques!»Avant même son premier sourire, le bébé

s’intéresse déjà à tout. «La palette d’émo-tions vécues par un nourrisson de trois se-maines est très limitée, fait remarquer PaulSilvia, chercheur en psychologie à l’uni-versité de Caroline du Nord, à Greensboro,auteur de Exploring the Psychology of In-

Octobre 2010 | Québec Science 21

Curiositéet intelligenceLes gens intelligents sont-ils pluscurieux? «Je dirais que c’estl’inverse, explique le psychologueTodd Kashdan. Les gens curieuxdeviennent plus intelligentspuisqu’ils intègrent sans cesse denouvelles connaissances pouvantensuite les aider à résoudre desproblèmes.» On a mesuré l’intelligence et la

curiosité de 1 795 enfants à 3ans, puis plusieurs années plustard, alors qu’ils en avaient 11.Indépendamment de leur scoreau test d’intelligence en bas âge,c’étaient les plus curieux quiavaient le plus haut QI à 11 ans.Les plus fouineurs du groupeavaient en moyenne 12 points deplus que les autres.

C’est la dopamine qui pousse les rongeurs

– et les humains – à explorer l’inconnu et àfaire des découvertes.

SEX

TOAC

TO/S

TOC

KPH

OTO

Page 5: Les gens curieux sont non seulement plus heureux, … · ce soit au travail, dans nos loisirs ou dans nos relations sociales, la curiosité rend ... Les chercheurs Nico Bunzeck et

terest. Le nourrisson peut ressentir de la dé-tresse ou du contentement, mais pas encorede tristesse ou de joie à proprement parleret encore moins des émotions complexescomme la fierté. En revanche, il est intéressépar ce qui se passe autour de lui, par les vi-sages, les objets. Heureusement, car le bébéest si dépourvu de moyens qu’il faut bienqu’il ait une motivation pour l’inciter à se dé-velopper!»Quelques mois plus tard, quand il dé-

couvre que, avec un peu d’efforts, il par-vient à attraper des objets et marcher à qua-tre pattes, il peut enfin aller voir dans lapièce d’à côté ou se hisser debout pour re-garder ce qui se trouve sur la table. Wow! Pour avoir envie d’explorer, l’enfant doit

cependant se sentir en sécurité. «La réac-tion à la nouveauté – crainte ou envie des’approcher – dépend de la confiance en

soi, dit le psychologue français StéphaneJacob. Pour que l’enfant développe cetteconfiance, il doit pouvoir compter sur lesoutien des adultes autour de lui et avoirla certitude qu’il sera secouru ou consolé sises explorations tournent mal. » Aucontraire, si les relations avec les personnesqui prennent soin de lui sont inconstanteset incertaines, l’enfant finira par percevoirla nouveauté de façon négative.

ans son ouvrage La curio-sité, éthologie et psycholo-gie, Stéphane Jacob relateune expérience faite par deschercheurs états-uniens ily a plus de 30 ans, mais quigarde toute sa pertinence.

Ces scientifiques ont d’abord déterminé lemode d’attachement entre des enfants et

leur mère à l’âge de un an. Puis, ils les ontrevus à cinq ans et les ont observés tandisqu’ils jouaient avec une boîte en bois mu-nie de loquets et de compartiments cachés.Ceux qui avaient un mode d’attachementsécurisé se sont montrés plus curieux queles autres.Cela dit, il est indéniable que certains en-

fants sont plus curieux que d’autres. C’estpeut-être génétique. Plusieurs études, dontdeux parues dans le même numéro de Na-ture Genetics en 1996, ont en effet trouvéun lien entre la curiosité et le gène codantpour le récepteur à la dopamine D4. Aprèsavoir soumis des volontaires à des tests psy-chologiques et génétiques, les deux équipes(une états-unienne, l’autre israélienne) ontconclu qu’une variante particulière de cegène était liée à ce trait de caractère. Plusieurs autres études ont cependant

22 Québec Science | Octobre 2010

Le corbeau calédonien est très débrouillard. Desscientifiques ont déjà pu observer une femelle encaptivité en train de fabriquer un crochet à partir

d’une tige de métal pour retirer de la nourriture placée aufond d’un tube. Une corneille a pour sa part été vue enIsraël, en train de pêcher avec des bouts depain qu’elle déposait à la surface de l’eaupour appâter les poissons.Le chercheur Louis Lefebvre, professeur

au département de biologie de l’UniversitéMcGill, a répertorié des milliers decomportements étonnants comme ceux-cipour déterminer quelles espèces d’oiseauxétaient les plus innovatrices. Au sommet du palmarès se trouvent les corneilles, lescorbeaux, les goélands et les buses. Cette inventivité va de pair avec une

certaine forme de curiosité. « Ce que l’onpeut affirmer, c’est que les oiseaux les plusinnovateurs sont les moins néophobes, ditLouis Lefebvre. C’est-à-dire qu’ils n’ont paspeur de la nouveauté. » Curiosité et capacité d’innover représentent des

avantages évolutifs non négligeables, car elles donnent àl’animal la possibilité de s’adapter à des environnementschangeants. Ce dernier peut même profiter des avancéestechnologiques, comme nos moineaux urbains qui ont

compris qu’il suffisait de voleter devant un œil électroniquepour ouvrir les portes d’une cafétéria !Comme chez l’humain, la curiosité animale varie avec

l’âge et les circonstances. Les jeunes corneilles sont très attirées par les nouveaux objets, qu’il s’agisse de

capsules, de bouts de verre, de grains de maïs, de pommes ou de morceaux decuir. Elles leur assènent des coups de bec et ne tardent pas à trouver les objetscomestibles dans le lot.À l’âge adulte, la corneille devient plus

craintive. « Elle s’approche de la chosenouvelle, puis recule, revient explorer, etrecule encore. Ce mélange de crainte etd’exploration est une stratégie qui mariele meilleur des deux mondes, dit LouisLefebvre. Elle est typique des oiseauxcharognards, qui se nourrissentd’animaux morts. Un animal qui estcouché n’est pas nécessairement mort;il ne faut pas s’approcher trop vite ! » La curiosité n’est cependant pas

essentielle au succès d’une espèce. Les rats sont de vraispoltrons qui n’osent manger quelque chose de nouveau quelorsqu’ils se sont assurés que le plus courageux d’entre euxy a déjà goûté. Ça ne les a pourtant pas empêchés deconquérir les égouts du monde entier.

Le rat et le corbeauLa curiosité, un gage de succès chez les animaux?

Pour avoir envie d’explorer, l’enfant doit se sentir en sécurité. La réaction à la nouveauté – la crainte ou l’envie de s’approcher –

dépend de la confiance en soi.

AGRA

ZI/I

STO

CKP

HO

TO

Page 6: Les gens curieux sont non seulement plus heureux, … · ce soit au travail, dans nos loisirs ou dans nos relations sociales, la curiosité rend ... Les chercheurs Nico Bunzeck et

échoué à confirmer cette association, cequi laisse croire que le gène DRD4 n’estpas le seul en cause dans cette histoire.N’empêche qu’on a trouvé le même gène

chez d’autres espèces. L’ornithologue al-lemand Bart Kempenaers l’a identifié chezles mésanges les plus intriguées par les ob-jets insolites (comme une petite panthèrerose en plastique) qu’il déposait devantelles. «Cette variante du gène a aussi étéassociée à la recherche de nouveauté chezles singes et les rongeurs», dit Roberta Pal-mour. Elle l’a pour sa part repérée dans unetout autre population, celle des humainsimpulsifs. En faisant le profil génétique dejeunes Montréalais suivis pour leurs com-portements agres sifs, elle l’a trouvée chezplus du tiers d’entre eux. La proportionétait semblable dans un groupe d’adultes at-teints de déficit de l’attention. Au fond, l’hyperactif qui ne tient pas en

place n’est peut-être qu’un curieux «ex-trême». Mais attention, car impulsivité et re-cherche de nouveauté peuvent donner nais-sance à un cocktail explosif. C’est le côtésombre de la curiosité: le gène DRD4 a aussiété associé aux abus d’alcool et de drogueainsi qu’à la recherche de sensations fortesen tout genre. Il y a 30 000 ans, agressivité

et impulsivité pouvaient être d’un grand se-cours lorsqu’on croisait une tribu ennemie,ce qui pourrait expliquer que cette variantedu gène se soit si bien répandue dans la po-pulation mondiale (20% des humains ensont porteurs) mais elle est beaucoup plus fré-quente dans les populations nomades quedans les populations sédentaires.

ais les curieux ne sontpas tous des premiersde classe. Le cadre ri-gide de l’école neconvient pas toujoursà des enfants débor-

dant d’imagination. «On leur demanded’acquérir des connaissances et encore desconnaissances, puis de passer un examenpour mesurer l’acquisition de ces connais-sances. Pour un jeune qui aime les défis etse creuser la tête pour trouver des solutions,c’est d’un ennui total», dit Rolland Viau,professeur à la faculté d’éducation de l’Uni-versité de Sherbrooke et spécialiste de lamotivation scolaire. «Je suis en faveur dela réforme de l’éducation, parce qu’ellelaisse plus de place à la découverte; mal-heureusement, on est en train de perdrel’esprit de cette réforme.»

Rolland Viau a analysé les motivations quiont animé les grands scientifiques commele physicien Albert Einstein, le psychana-lyste Carl Jung et le chimiste Linus Pau-ling. Parmi elles se trouve bien sûr la soif de

Octobre 2010 | Québec Science 23

Pour démythifi er la plus étonnante percée scientifi que de notre temps.

« Avec les cellules souches adultes, nous avons le potentiel régénérateur de faire du nouveau tissu sans risquer la formation de tumeurs. Il n’y a aucun doute dans mon esprit que le futur des cellules souches réside dans les cellules souches adultes. »

Christian Drapeau, chercheur et neurophysiologiste, répondant à une journaliste du TIME magazine.

Les cellules souches adultes sont-elles la prescription pour une santé absolue ?

TRADUCTION DU BEST-SELLER AMÉRICAIN CRACKING THE STEM CELL CODE

2:51 PM

Curiosité etbonheurLes chercheurs états-uniensMartin Seligman et ChrisPeterson ont interrogé desmilliers de personnes dans lemonde, en leur demandant surquelles forces l’être humainpouvait compter dans sapoursuite du bonheur. Sur les 24 forces évoquées, la curiositéfigurait parmi les 5 plusimportantes (avec entre autresl’enthousiasme et l’espoir), devantdes forces comme l’amour,l’intelligence émotionnelle, la bonté, la sagesse et lapersévérance.

Page 7: Les gens curieux sont non seulement plus heureux, … · ce soit au travail, dans nos loisirs ou dans nos relations sociales, la curiosité rend ... Les chercheurs Nico Bunzeck et

connaissances. Mais ils ont tousdétesté l’école… et l’école le leur abien rendu! Carl Jung s’y ennuyaità mourir; il a été traité d’étudiant stu-pide et on l’a accusé de plagiat. ThomasEdison a été étiqueté «hyperactif qui posetrop de questions»; il a fini par décrocheret a terminé lui-même son éducation en dé-vorant les livres de science de sa mère ins-titutrice.C’est en effet après les heures de classe

que ces grands esprits ont comblé leur ap-pétit de savoir. «Ils étaient tous des lecteursavides, confirme Rolland Viau. Dans sesnotes autobiographiques, Einstein ra-conte qu’à 11 ans, il lisait déjà les livressur la philosophie et la science que sononcle lui apportait, dont un ouvrage surla géométrie d’Euclide l’ayant tellementémerveillé qu’il a constitué un point tour-nant dans sa vie.»Leur passion a aussi rapidement pris des

formes concrètes, à travers l’exploration etl’expérimentation. Darwin a commencé àcollectionner les minéraux et les insectes à untrès jeune âge et Thomas Edison a fait sespremières expériences de chimie à 10 ans,dans le petit laboratoire aménagé dans lesous-sol de la maison familiale.

Tous ont eu des pa-rents qui leur ont offertun espace de liberté.« Ils les laissaient lireautant qu’ils voulaient,les laissait expérimen-ter», souligne RollandViau. Douze ans… C’est

l’âge de William, unjeune inscrit au campFolie Technique, dansl’atelier de biochimie. Avec son éloquence,on pourrait lui en donner 10 de plus. Seslectures le font déjà entrer dans des universd’une grande richesse. Il consulte des in-formations médicales sur le réflexe pha-

ryngé et cela l’amène à se renseigner sur lesavaleurs de sabre; puis les acrobates le mè-nent à la physique newtonienne. «Je lis

aussi beaucoup descience-fiction et jem’interroge sur ce quiest vrai ou pas. Je faisensuite des recherchespour savoir si mon in-tuition est bonne»,dit-il. Ce garçon ira loin…

à condition qu’il conti-nue d’aimer l’école.Car il est plus difficileaujourd’hui de faireune carrière de scien-tifique comme auto-didacte qu’au XIXe

siècle. «L’école d’au-jourd’hui peut formerde grands chercheurs,des gens brillants, quiperforment bien dans

ce système, dit Rolland Viau. Mais on perddes gens qui auraient peut-être été des gé-nies.» Combien y a-t-il de Thomas Edison parmi

nos décrocheurs ? �QS

24 Québec Science | Octobre 2010

B

PLUS DE 100 RÉPONSES SUR LA SEXUALITÉ POUR LES 12 ANS ET PLUS

SEXE : L’EXPO QUI DIT TOUT !

CentredesSciencesdeMontreal.com

et le

peuvent

être

stimulés dans

savoir plus...

Pour en

des pieds,

la plante

des genoux,

Même le derrière

nerveuses.

érogènes

Les parties

nombril

les joues

terminaisons

sont riches en

l’intimité.

Fig. 1.2 – Le désir

Curiosité et potinsLa curiosité pour les comméra -ges aurait une fonction socialeplus importante que l’on pense.«Les potins permettent de tisserdes liens dans le groupe,explique Todd Kashdan. Ils nousenseignent quels comporte mentssont acceptables et lesquels ne lesont pas dans notre milieu social.Ils peuvent aussi être utilisés pourdivertir et tenter d’obtenir desavantages.» Ils remonteraient àla nuit des temps et ne semblentpas près de disparaître.