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Les éléments constitutifs de l’hospitalité d’une ville : le point de vue des
touristes
Cottet Patrice
Maître de Conférences
Université de Reims/IUT de Troyes
REGARDS
Lichtlé Marie-Christine
Professeur des Universités
Université de Montpellier 1
MRM-CR2M
Espace Richter
Avenue Raymond Dugrand
CS59640
34360 Montpellier cedex2
Plichon Véronique
Maître de conférences
IUT de Tours (Université de Tours)
CERMAT EA2109
Les éléments constitutifs de l’hospitalité d’une ville : le point de vue des touristes
Résumé :
L’objectif de cet article est de définir et d’identifier les éléments constitutifs de l’hospitalité
d’une ville, d’après les perceptions des touristes. Après avoir proposé une synthèse de la
littérature sur le concept d’hospitalité, une étude qualitative exploratoire met en évidence
quatre éléments constitutifs : la construction du contact avec l’hôte, les conditions logistiques,
l’offre touristique et la facilité de recherche d’information sur les lieux et les hébergements
touristiques.
Mots-clés : hospitalité, tourisme, ville, éléments constitutifs, étude qualitative.
The constitutive elements of the hospitality of a town : the point of view of tourists
Abstract :
The aim of this paper is to define and to identify the constitutive elements of the hospitality of
a town, according to tourists’perceptions. After having suggested a literature review on the
hospitality concept, a qualitative study underlines four constitutive elements: the
establishment of a contact with an host, the logistic conditions, the touristic offer and the
easiness to search information on touristic places and accommodation.
Key-words: hospitality, tourism, town, constitutive elements, qualitative study.
1
Introduction
« Entrer en ville, c’est d’abord franchir une zone plus ou moins vaste où les espaces
commerçants s’ajoutent aux surfaces marchandes, dans un agglomérat, souvent disgracieux,
de tôles, d’enseignes lumineuses et de cubes dits encore « boîtes à chaussures » (Gibout,
2008). Quelles peuvent être les perceptions d’une telle ville quand celui qui entre est un
touriste ? Plus précisément, peut-il qualifier cette ville d’hospitalière ou d’inhospitalière ?
Dans l’affirmative, quels sont les critères qui définissent, pour un touriste, l’hospitalité d’une
ville ? Doit-on plutôt insister sur l’environnement physique, les animations qui créent du lien
social, le personnel des organismes du tourisme…. ? Telles sont les questions auxquelles cette
recherche tentera d’apporter une réponse.
Ces interrogations sont d’autant plus importantes que l’hospitalité a une influence sur la
satisfaction à l’égard d’une destination (Pizam, Neuman et Reichel, 1978 ; Yuksel, 2001) et
qu’elle constitue l’un des facteurs déterminants de l’attrait d’un site touristique (Viard, 2000).
Toutefois, l’hospitalité d’une destination n’a souvent été mesurée que par les relations
humaines des touristes avec la population locale et les personnels en contact (Cinotti, 2008,
2011) et les mesures sont le plus souvent focalisées sur un élément spécifique de l’offre
touristique (hôtel, restaurant...) (Spielmann, Laroche et Borges, 2011). Mais si on se place à
l’échelle d’une ville, il est possible que d’autres éléments permettent de qualifier une ville
d’hospitalière ou d’inhospitalière. Notre objectif sera de les mettre en évidence.
D’un point de vue théorique, notre but est de vérifier s’il n’est pas indispensable d’adopter
une vision plus large que celle à laquelle fait référence l’hospitalité d’une destination, en
incluant d’autres critères constitutifs.
Cette recherche a un intérêt managérial : ses résultats aboutiront à une définition de
l’hospitalité du point de vue du touriste et permettront d’aider les municipalités à déterminer
les critères à privilégier pour avoir l’image d’une ville hospitalière.
2
Cet article sera structuré en deux parties. En premier lieu, une synthèse des théories sur
l’hospitalité sera proposée. Dans un second temps, les résultats d’une étude exploratoire ayant
mis en évidence les éléments constitutifs de l’hospitalité d’une ville seront présentés.
1. Mieux comprendre le concept d’hospitalité
1.1. « Vous êtes, ici, chez vous » : un rapide retour à l’histoire
Pour les Grecs, un peuple civilisé est celui qui sait accueillir son ennemi, quand ce dernier
devient un hôte. Ainsi, l’hospitalité consiste à accueillir l’étranger, à lui offrir le gîte et le
couvert et à veiller à ce qu’il ne manque de rien ; c’est un devoir fondamental et sacré. Cette
loi de l’hospitalité (thémis xeinon) existe universellement dans l’Antiquité, comme l’illustrent
les textes d’Homère et d’Hérodote. Avec le christianisme, l’hospitalité devient une des façons
de concrétiser la sainte adjuration «Aimez-vous les uns les autres». Selon Daniélou (1951),
dans l’hospitalité, celui qui est le plus comblé, ce n’est pas l’étranger qui vient, mais celui qui
le reçoit. Recevoir un hôte est une faveur, une grâce, d’autant que derrière la figure de l’hôte,
se trouve celle du Christ.
1.2. Comment définir l’hospitalité ?
Même si le concept d’hospitalité intéresse depuis la fin du siècle dernier les chercheurs dans
le domaine de la sociologie, de la philosophie, de l’histoire, de la littérature et même de la
théologie (Cinotti, 2008), Ottenbacher, Harrington et Parsa (2009), soulignent l’absence de
consensus sur la définition de l’hospitalité ce qui conduit à la coexistence de plusieurs
perspectives. Comme nous l’avons vu, historiquement, l’hospitalité désigne « l’hébergement
gratuit et l’attitude charitable qui correspond à l’accueil des indigents, des voyageurs »
(Gotman, 2001). Dans un contexte menaçant, il s’agit alors de l’action de donner le gîte et le
couvert à l’étranger de passage avec l’accord tacite de non agression entre hôtes et invités
3
(King, 1995). Pour Ricoeur (1998), l’hospitalité correspond au partage du « chez soi ». Ce
courant d’analyse, fondé sur l’ouverture du « chez soi » à l’étranger pourrait être un bon
indicateur de l’hospitalité perçue (Cova et Giannelloni, 2010). Il s’agit d’« une interaction
sociale temporaire consistant à accueillir chez soi un étranger et à lui offrir sécurité, confort
matériel et bien-être psychologique pour le temps de son séjour » (Touzani et Giannelloni,
2010).
Selon d’autres approches complémentaires, l’hospitalité peut être considérée comme :
- Une manière de vivre, régie par des règles, des rites, des lois (Montandon, 2004) ;
- Une activité privée ou publique, dont la vocation est d’accueillir des publics divers
(tourisme et loisir, santé, formation…) et de leurs faire vivre une expérience. Gilmore
et Pine (2002) parlent d’ailleurs d’expérience d’hospitalité. Raffestin (1997) utilise le
terme « d’hospitalité immédiate », celle à laquelle le nouvel arrivant – touriste ou non
touriste- est immédiatement confronté.
Le principe de gratuité de l’hospitalité a fait l’objet de multiples débats. En effet, de
nombreux chercheurs français pensent qu’elle doit obligatoirement être gratuite (Buzon,
1999 ; Milon, 2001 ; Montandon, 2001). L’histoire montre cependant qu’elle implique
souvent une idée de contrepartie et serait donc marchande. C’est ce que sous-entendent les
anglo-saxons : le secteur « hospitality » englobe tous les services de fourniture de nourritures,
de boissons ou d’hébergement (Lashley, 2000). Il peut même inclure le transport, les loisirs,
les spectacles, les jeux et l’organisation de réunions professionnelles (Ottenbacher, Harrington
et Parsa, 2009).
1.3. Quelles sont les dimensions de l’hospitalité ?
Certains chercheurs se sont interrogés sur les dimensions constitutives de l’hospitalité. Ainsi,
plusieurs approches coexistent :
4
- Selon les auteurs qui se concentrent sur l’échange, l’hospitalité peut être considérée
comme un élément unique, une relation (King, 1995). Hepple, Kipps et Thomson
(1990) en définissent quatre caractéristiques : la présence d’un accueillant et d’un
accueilli hors de chez lui, une interaction entre eux, la combinaison de facteurs
tangibles (nourriture, boisson) et intangibles (ambiance, empathie) et le fait que
l’accueillant assure la sécurité, le confort physique et moral de l’accueilli.
- Reuland, Choudry et Fagel (1985) ont une définition plus large et distinguent trois
éléments constitutifs de l’hospitalité : des produits (nourriture, boissons…), un
comportement (relation d’échange) et un environnement physique (le territoire
partagé).
- Lugosi (2008) ajoute une nouvelle dimension expérientielle : la nourriture, la boisson,
un abri et une animation sociale sont les éléments centraux auxquels s’ajoute une
expérience communautaire et émotionnelle.
- Brotherton (2006), quant à lui, identifie quatre dimensions : une spatiale (le lieu de
l’hospitalité), une comportementale (les motivations et rapports humains), une
temporelle (les occasions d’hospitalité) et une physique (les produits associés).
- Enfin, selon Hemmington (2007) cinq facettes caractérisent l’hospitalité dans un cadre
commercial à visée expérientielle : la relation hôte-invité, le niveau de générosité, le
degré de théâtralisation de l’offre, les effets de surprise et le contexte sécurisant.
Parmi les convergences de ces différentes recherches émergent la nature de l’offre, le cadre de
l’échange, et surtout la dimension relationnelle. L’hospitalité est toutefois un concept qui peut
avoir plusieurs domaines d’application. Ses composantes peuvent donc varier selon le
contexte.
1.4. Quelles applications pour ce concept ?
5
Les principaux domaines d’application
Lashley (2000) et Morrison (2002) proposent trois domaines d’application liés les uns aux
autres : le domaine social public, le domaine domestique privé et le domaine commercial.
Slattery (2002) trouve cette approche réductrice et suggère trois autres niveaux d’analyse :
l’activité (l’hôtellerie, le casino, la compagnie de transport, les services publics), l’entreprise
(une chaîne ou un prestataire indépendant) et l’offre (produit, service, expérience).
Lugosi (2008) identifie plusieurs niveaux d’hospitalité : le plus élémentaire est l’offre
d’aliments, de boissons, et du gîte. A un niveau intermédiaire, on trouve une hospitalité
orientée vers la relation de service. Le niveau ultime (qu’il appelle « meta-hospitalité »)
correspond au lien social qui recouvre les expériences communautaires et émotionnelles
partagées. Ainsi, il différencie l’hospitalité (« hospitality ») et le comportement hospitalier
(« hospitableness »).
Les niveaux d’analyse du concept d’hospitalité ne sont donc pas les mêmes selon les auteurs.
Notre étude empirique permettra de vérifier si les perceptions de l’hospitalité d’une ville par
les touristes correspondent à l’un de ces niveaux d’analyse.
L’hospitalité dans le tourisme
Dans le tourisme comme dans d’autres domaines, l’hospitalité est une manière de vivre et une
activité. L’hospitalité peut être considérée comme « un label pour l’industrie », ou « le
jugement des touristes concernant les rencontres dans une destination où ils se considèrent
comme étrangers » (Cinotti, 2008).
- L’hospitalité doit être distinguée de l’accueil. Selon Gouirand (1996) en effet, le
processus d’accueil en tourisme est composé de trois éléments : la reconnaissance (« le
touriste souhaite être reconnu comme celui que l’on désire recevoir»), l’hospitalité
(c’est-à-dire l’équivalent du sentiment d’appartenance à la communauté qui
accueille) ; le maternage (qui implique des actions de dévouement et de sacrifice de la
6
part de l’hôte). L’hospitalité touristique serait donc, d’après cet auteur, un élément de
l’accueil.
Selon Cinotti (2011), l’hospitalité touristique territoriale peut se définir de deux manières :
- du coté des résidents : il s’agit « du partage du territoire avec les touristes étrangers, la
prise en compte de leur « étrangeté » lors des échanges, mais également dans les
supports de service,
- du point de vue des touristes, l’hospitalité s’appréhende comme un jugement
concernant les rencontres dans une destination où ils se considèrent comme étrangers.
Dans le tourisme comme dans d’autres domaines, on retrouve la distinction de Lashley (2000)
et Morrison (2002) : il existe une hospitalité publique, par les institutions touristiques, une
hospitalité privée (les résidents) et une hospitalité commerciale (les professionnels du
tourisme). De la même manière, les niveaux d’analyse mis en évidence par Slattery (2002)
existent dans ce secteur : l’hospitalité n’est pas la même selon l’activité (hôtel ou restaurant
par exemple), l’entreprise (hôtel international ou chambre d’hôte) ou l’offre (buffet ou repas
servi à table).
Quelles sont les dimensions de l’hospitalité touristique ?
Cinotti (2008, 2011), lorsqu’il s’intéresse à l’hospitalité d’une destination, considère qu’elle
met en jeu plusieurs éléments : le touriste étranger (il évalue l’hospitalité d’une destination,
porte un jugement sur les personnels en contact et les supports physiques) et les résidants, qui
jouent un rôle primordial. En effet, en étudiant l’hospitalité touristique territoriale, cet auteur
met en évidence les trois dimensions qui la composent : l’absence d’hostilité, l’effort vis-à-vis
des touristes étrangers et l’effort linguistique. Il insiste ainsi sur l’aspect « comportemental »
de l’hospitalité. Les autres composantes de l’hospitalité, notamment la dimension spatiale,
temporelle et physique (Brotherton, 1999) ne sont pas étudiées.
7
Dans le tourisme, la distinction de Lugosi (2008) entre éléments centraux et dimension
expérientielle a également son importance (Cova et Giannelloni, 2008) : « hospitality » en tant
que mise à disposition d’un service pour le client, « hospitableness » en tant qu’émotion
partagée avec le client. Il sera intéressant de vérifier si cette dimension est importante pour
qualifier une ville d’hospitalière.
Heal (1990) souligne que l’hospitalité dans le champ touristique, induit un paradoxe entre la
générosité, consubstantielle du processus idéal de l’hospitalité et l’activité marchande et ses
échanges monétaires. Ce paradoxe doit être intégré dans la gestion des relations avec les
touristes.
Selon Cova et Giannelloni (2008), dont le but a été de définir la place et le rôle de l’hospitalité
dans la consommation touristique, deux nouvelles dimensions doivent être prises en compte :
imaginaire et ludique. Ainsi, l’hospitalité touristique est également, selon ces auteurs, une
représentation sociale. Qu’en est-il maintenant lorsque les touristes choisissent une ville de
destination ? Retrouve-t-on également ces dimensions dans les éléments constitutifs de
l’hospitalité d’une ville ? L’hospitalité est-elle, pour le touriste, considérée comme une
contre-partie située dans la sphère marchande ? Ou bien la voit-on plutôt comme une
caractéristique culturelle de la ville ?
L’hospitalité d’une ville
L’hospitalité d’une ville peut être définie de la manière suivante : « l’échelon municipal
comme territoire de négociation et de décision pertinent en matière d’accueil et
d’intégration » (El Kenz & al., 2001). Nous avons toutefois fait le choix de nous placer non
pas du point de vue de l’étranger qui souhaite être intégré dans une ville française, mais de
celui du touriste, qui souhaite visiter une ville hospitalière. En effet, si de nombreuses
recherches, notamment en urbanisme, ont analysé cette capacité d’intégration de l’étranger
8
dans la ville (Gotman, 2004 ; El Kenz & al., 2001), peu d’entre elles portent sur l’hospitalité
touristique d’une ville et aucune, à notre connaissance sur la perceptions qu’en ont les
touristes. Selon Raffestin (1997), l’hospitalité d’une ville pourrait comprendre plusieurs
facettes : l’hospitalité informationnelle, offerte par les autorités politiques et administratives,
mais aussi, parfois, par les habitants, source de connaissances pour les étrangers. Cette
hospitalité officielle passe aussi par la sécurité du lieu. Le degré d’hospitalité pourrait
également s’apprécier au coût engendré par la découverte des richesses urbaines. Plus le coût
sera bas, plus la ville fera don de la connaissance. L’hospitalité générale de la ville passe
encore par l’urbanisme, autrement dit, par l’aménagement général des paysages urbains et par
l’organisation des lieux publics. Tel un forum romain, la ville d’hier accueillait des lieux
extérieurs (place de la cathédrale, place de marché, place civique…), « vides organisés » qui
prenait la forme et le caractère de tout ce qui s’y faisait selon les heures de la journée et les
saisons de l’année. C’était un lieu hospitalier par excellence. Malheureusement la place
moderne, avec l’expansion automobile et le développement des télécommunications aurait
largement perdu son caractère hospitalier. Elle n’est plus un lieu de spectacle, de rencontres,
d’échanges gratuits du face-à-face, du dialogue. Cette approche de Raffestin (1997) n’a
toutefois pas été appréhendée empiriquement. Il nous semble donc important de la vérifier en
la confrontant à la perception des touristes urbains. Le touriste urbain peut-il encore ressentir
l’hospitalité d’une ville ? Si oui, comment la définit-il et quelles en sont les dimensions ?
2. L’hospitalité d’une ville : une étude exploratoire
2.1. Méthodologie
La revue de la littérature a mis en évidence l’intérêt d’enrichir le concept d’hospitalité dans le
cadre d’une destination touristique. Ainsi, sur le plan méthodologique, il apparaît pertinent
d’identifier la perception du concept d’hospitalité d’une ville du point de vue de touristes
9
potentiels. Les démarches qualitatives étant peu utilisées dans les travaux sur l’hospitalité
(Oh, Kim et Shin, 2004) nous avons retenu l’entretien semi-directif comme outil de recueil
d’information. En intégrant le critère de saturation sémantique nous aboutissons à un
échantillon de vingt-huit interviewés (annexe 1). Afin d’appréhender les diverses
représentations possibles du concept d’hospitalité, nous avons également veillé à un large
spectre de situation professionnelle (12 statuts professionnels différents), d’âge (âge moyen :
38,6, écart type : 18,14), de statut familial (5 catégories présentes) et de sexe (43 % de
femmes et 57% d’hommes). Pour créer les meilleures conditions d’échange les interviews ont
été menés à domicile et enregistrés afin de permettre leur retranscription exhaustive. Deux
rubriques majeures comportant des sous-thèmes constituent la trame de l’entretien semi-
directif. La première rubrique porte sur l’appréciation indirecte d’hospitalité d’une ville de
destination. Les sous-thèmes étant centrés sur les critères de choix pour cette destination, le
récit de son dernier voyage. La seconde rubrique concerne directement l’hospitalité perçue
d’une ville, intègre les sous-thèmes renvoyant à l’expérience vécue de villes ressenties comme
hospitalières ou inhospitalières, notamment les éléments qui génèrent cette hospitalité et
inhospitalité, ainsi que les voies d’amélioration d’une ville décrite comme inhospitalière.
L’étude des discours des consommateurs s’appuie, dans une première étape, sur une analyse
thématique manuelle. Dans une seconde étape, une analyse lexicologique est menée en
utilisant le logiciel de statistique textuelle Alceste. Ainsi ces deux approches complémentaires
permettent de mettre en évidence les axes sémantiques majeurs et de structurer les verbatims
en classes d’énoncés significatifs en se fondant sur un découpage en unités de contexte du
corpus.
2.2. Résultats
La synthèse de l’analyse thématique : la ville hospitalière comme apport de ressources
10
L'identification des thèmes majeurs issus de l’analyse thématique tant au niveau intra-
interview que transversale conduit au repérage de quatre pôles (annexe 2) qui peuvent être
reliés au cadre d’analyse d’Arnould (2005). En effet, selon cet auteur, la conception d’une
offre de service (principalement la distribution mais aussi le tourisme) peut s’articuler autour
de quatre macrocatégories de ressources culturelles facilitant la poursuite du projet identitaire
du consommateur qui est très présent dans la consommation de tourisme selon MacCannell
(2002). En conséquence, la perception d’une ville par le touriste peut être décrite comme une
combinaison de ces quatre ressources. Ainsi, les ressources économiques font écho au
discours intégrant les coûts d’accès à la ville, de l’hébergement et de la consommation de
l’offre touristique (musées, monuments historiques etc.). Alors que certains auteurs
(Montandon, 2001) associent la notion d’hospitalité à la sphère non marchande ; les propos
des touristes, dans le cadre de notre investigation, l’ancrent résolument dans un contexte
marchand. Toutefois les ressources économiques évoquées par les interviewés constituent le
socle permettant de vivre une hospitalité à saveur non marchande (échange, sourire, partage et
convivialité authentiques….).
Les ressources utopiques sont particulièrement en phase avec un projet de visite de ville
(Costa, 1997) où l’imaginaire, la représentation d’une hospitalité idéalisée gouvernent le désir
d’échapper à son quotidien en s’immergeant dans des lieux et cultures différents et en vivant
une expérience d’hospitalité touristique atypique voire extraordinaire. La confrontation avec
la réalité peut néanmoins entacher l’hospitalité attendue et nuire à l’activation des ressources
utopiques. Ces ressources renvoient aussi aux frontières réelles et imaginaires de la sphère
privée et de la sphère publique.
Les ressources ludiques s’illustrent par la perception de la ville comme un terrain de
découverte où la relation individuelle à la ville, où le plaisir des échanges avec les
autochtones permet d’explorer de multiples facettes du touriste. Il lui est alors possible de
11
vivre des interactions qui peuvent modifier temporairement ou durablement sa représentation
de la réalité et éventuellement sa propre représentation de touriste.
Enfin, les ressources temporelles renvoient aux différents styles de temps du consommateur et
mais également à son orientation temporelle. La ville hospitalière est décrite comme
facilitatrice des flux d’accès mais offrant la possibilité de perdre ses repères temporels,
d’éprouver de la nostalgie de voyager dans le temps et dans l’espace par la visite de lieux
culturels comme le confirment également Joy et Sherry (2003).
L’apport de l'analyse lexicologique : l’identification de deux classes dominantes
Nous avons utilisé le logiciel Alceste qui analyse le corpus (près de 49000 mots) en se basant
sur les formes textuelles réduites (dites unités de contexte élémentaire (uce)) et procède à des
regroupements itératifs (double classification descendante hiérarchique). L’analyse lexicale a
classé 85 % des uce correspondant aux normes attendues dans le cadre d’un entretien semi-
directif. Quatre classes structurent le corpus des 932 uce. Les classes une et trois regroupent la
majorité du discours lié au cœur du concept d’hospitalité. Les classes deux et quatre se
rattachent plus aux dimensions logistiques propices à la concrétisation de l’hospitalité.
Lexique spécifique Désignation de la classe
66,52 % des u.c.e
Gens, accueillir, sentir,
parler, accueil, venir, sens
« La co-production de
l’expérience d’hospitalité »
Tableau 1. La classe 1
La première classe (tableau 1) domine nettement la partition élaborée par Alceste. Elle
confirme et renforce l’approche du concept d’hospitalité en soulignant la recherche et la
construction du contact avec l’hôte. Il y a un souhait de symétrie relationnelle comme l’atteste
12
quelques extraits de verbatims : « L’hospitalité c’est l’humeur des gens, s’il sont
sympathiques, leurs générosités » (informant n°13), « Quand tu croises des gens, ils te
sourient, te disent bonjour, t’aident» (informant n°2), « Au fin fond de l’Afrique ce sont des
gens naturellement accueillants » (informant n°11). Mais le lexique spécifique de la classe 1
peut aussi être associé, minoritairement, à un contexte négatif où l’expérience de l’hospitalité
peut ne pas aboutir et où des émotions négatives sont générées : « je ne me sens pas bien, pas
dans un esprit de découverte, d’échange » (informant 25), « on ne peut jamais être certain de
la sincérité, de la gentillesse, c’est souvent en contrepartie d’autres chose » (informant 1),
« ça peut te mettre mal à l’aise si tu tombes sur des gens trop gentils» (informant 7)
Lexique spécifique Désignation de la classe
5,91 % des u.c.e
Transport, prix, métro, qualité,
accessibilité, taxi, train, temps
« L’organisation »
Tableau 2. La classe 2
Les noms du lexique associés à la deuxième classe (tableau 2) recouvrent la dimension
logistique de l’hospitalité de la ville. Le poids de cette classe est réduit et ne constitue pas le
noyau central des propos sur l’hospitalité mais permet de créer les conditions de l’hospitalité
en optimisant l’allocation du temps contraint et du temps plaisir : « Il faut que cette ville ne
soit pas trop éloignée parce que je souhaite passer du temps sur place et pas dans les
transports » (informant 5), « Pouvoir partir dans un temps extrêmement réduit » (informant
19), « c’est très important qu’il y ait des métros, trains, bus » (informant 7).
13
Lexique spécifique Désignation de la classe
20,60 % des u.c.e
Visiter, histoire, choisir, monument, musée,
paysage, mer, collection, attrait
« L’offre touristique »
Tableau 3. La classe 3
La troisième classe (tableau 3) associe l’hospitalité d’une ville à son offre touristique. En
effet, si la classe une a montré l’importance de l’intangible dans l’expérience d’hospitalité les
répondants évoquent abondamment les éléments tangibles qui contribuent à définir une ville
hospitalière comme l’attestent les verbatim : « je visite tout ce qui est monument historique,
cathédrale, chapelle, sites archéologiques » (informant 3), « j’aime voir les châteaux, les
palais, les paysages, les espaces verts, la mer » (informant 4), « une ville dans laquelle il y a
de la verdure ça rafraîchit » (informant 6), « ces petits ruelles sont magnifiques et là on est
vraiment dans un cadre exceptionnel » (informant 8).
Lexique spécifique Désignation de la classe
6,97 % des u.c.e
Internet, guide, information,
site, renseigner, trouver,
consulter
« La recherche d’information »
Tableau 4. La classe 4
A l’instar de la classe deux, la quatrième classe (tableau 4) n’est pas associée directement au
cœur de l’hospitalité vécue mais contribue à évaluer le potentiel d’hospitalité d’une ville en
aidant à opérer les arbitrages possibles lors du choix notamment par les avis des
professionnels ou des autres consommateurs ce que souligne une brève sélection des
discours : « Internet est un bon moyen d’avoir l’avis des autres personnes qui sont déjà allées
dans cette ville » (informant 18), « Tant que je peux trouver un endroit pour dormir ça me
va » (informant 24), « Je trouve les infos sur Internet, sur les offices de tourisme sur les sites
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du style guide du routard, comme il y a beaucoup de gens qui laissent des commentaires sur
les lieux qu’ils ont visités, sur ce qu’il y a à faire et à éviter » (informant 7), « Moi je suis très
information papier donc je prends des guides » (informant 20).
Conclusion
L’objectif de cet article a été d’identifier les éléments constitutifs de l’hospitalité d’une ville
pour des touristes. Les résultats montrent tout d’abord que la notion d’hospitalité est, pour ces
répondants, ancrée dans la sphère marchande. Plusieurs éléments fondamentaux ont été mis
en évidence et permettent de caractériser l’hospitalité d’une ville : le premier est la
construction du contact avec l’hôte, élément fondamental dans la définition même du concept
d’hospitalité qui est essentiel pour caractériser l’expérience d’hospitalité (Gilmore et Pine,
2002). D’autres éléments constitutifs de l’hospitalité d’une ville ont émergé : les conditions
logistiques, qui doivent éviter le temps contraint au profit du temps plaisir ; l’offre touristique
et la facilité de la recherche d’information. On retrouve donc l’environnement physique et la
relation d’échange mis en évidence par Reuland, Choudry et Fagel (1985), ainsi que certaines
des dimensions identifiées par Brotherton (2006) : spatiale, comportementale (rapports
humains) et physique (les produits associés, ou l’offre touristique dans notre cas).
Cette recherche présente plusieurs intérêts, sur les plans théorique et managérial. D’un point
de vue théorique, elle permet de définir l’hospitalité d’une ville, et surtout de mettre en
évidence ses principaux éléments constitutifs, du point de vue du touriste. De tels éléments
n’avaient pas encore été identifiés dans la recherche académique.
D’un point de vue managérial, les municipalités savent désormais que pour favoriser une
impression d’hospitalité, certes le contact avec les habitants est important, mais ce n’est pas le
seul élément. S’il est évident que l’offre touristique doit être développée, il ne faut pas
oublier, non plus, de favoriser les conditions de circulation des touristes et de faciliter leur
15
recherche d’information sur les lieux d’hébergement et les endroits touristiques. C’est à ces
conditions que la ville pourra être considérée comme hospitalière.
Même s’il s’agit d’une première phase exploratoire permettant de mieux comprendre ce que
peut être l’hospitalité d’une ville, cette recherche comporte des limites, qui laissent entrevoir
des voies de recherche futures. En premier lieu, nous avons simplement interrogé des
Français. Or, il est probable que la perception de l’hospitalité d’une ville varie en fonction de
l’origine culturelle du répondant. Il sera donc important, à l’avenir, d’étudier les différences
de perception liées à la culture des répondants. En second lieu, le mode de traitement choisi a
ses propres limites : par exemple, la désignation des thèmes peut être influencée par les
propres schémas d’interprétation du chercheur. Il serait donc intéressant de vérifier les
conclusions que nous avons formulées par une autre méthode. Une voie possible est d’avoir
recours à des experts. De même, l’entretien en face à face induit des processus de
rationalisation peu identifiables in situ. Il conviendrait de s’appuyer sur d’autres modes de
recueil d’information pour enrichir la compréhension du concept d’hospitalité d’une ville. Les
outils de l’ethnomarketing (journaux de bord, récits introspectifs etc.) permettraient
d’identifier des axes peu repérables par les méthodes qualitatives traditionnelles notamment
les états intérieurs vécus pendant la co-construction de l’expérience d’hospitalité. Litvin,
Goldsmith et Pan (2008) soulignent l’importance du e-bouche à oreille dans le management
de l’hospitalité. En effet l’évaluation pré-consommation est difficile car nous sommes dans le
cadre de produits d’expérience. Aussi l’analyse des avis de consommateurs sur la servuction
touristique d’une ville pourrait être menée par une approche netnographique (blogs, forum de
discussion etc.) telle que la recommandent Poria et Oppewal (2003).
En transformant les espaces publics urbains, les urbanistes des villes cherchent à privilégier
les expériences, les sensations, les rencontres et à appréhender le visiteur comme un nouvel
16
acteur de la vie urbaine (Vlès, 2011). Cette recherche représente une première étape
permettant d’identifier le point de vue du touriste sur la meilleure façon d’aménager ces
espaces afin de les rendre plus hospitaliers.
Bibliographie :
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21
Annexe 1. - Le descriptif de l'échantillon
Numéro
répondant
Sexe PCS Age Statut Enfants
1 Féminin Retraitée 62 Mariée Deux enfants
2 Masculin Retraitée 69 Marié Pas d’enfant
3 Féminin Vendeuse 63 Célibataire Trois enfants
4 Masculin Etudiant 20 Célibataire Pas d’enfants
5 Masculin Profession libérale 42 Marié Trois enfants
6 Masculin Etudiant 18 Célibataire Pas d’enfants
7 Masculin Chômeur 23 En couple Pas d’enfants
8 Masculin Profession libérale 49 Marié Quatre enfants
9 Féminin Retraitée 62 Mariée Un enfant
10 Masculin Cadre 49 Divorcé Deux enfants
11 Féminin Logisticienne 45 Concubinage Deux enfants
12 Masculin Cadre 55 Concubinage Trois enfants
13 Masculin Etudiant 17 Célibataire Pas d’enfant
14 Masculin Militaire 50 Célibataire Pas d’enfant
15 Masculin Etudiant 23 Célibataire Pas enfant
16 Féminin Assistante maternelle 52 Mariée Pas d’enfant
17 Féminin Etudiant 20 Célibataire Pas d’enfant
18 Féminin Assistante commerciale 24 Célibataire Pas d’enfant
19 Masculin Etudiant en pharmacie 23 Célibataire Pas d’enfant
20 Masculin Médecin 64 Marié Deux enfants
21 Féminin Retraité 64 Mariée Trois enfants
22 Masculin Etudiant 20 Célibataire Pas d’enfant
23 Féminin Conseiller de clientèle 48 Divorcée Deux enfants
24 Féminin Etudiante 22 Célibataire Pas d’enfant
25 Masculin Etudiant 20 Célibataire Pas d’enfant
26 Masculin Etudiant 20 Célibataire Pas d’enfant
27 Féminin Conseiller de clientèle 28 Célibataire Pas d’enfant
28 Féminin Chef de produit 29 Célibataire Pas d’enfant
22
Annexe 2. – Illustrations des thèmes dominants l’analyse thématique
Types de ressources
(selon Arnould, 2005)
Quelques verbatims caractéristiques N° interviewé
Ressources
économiques
Le prix était attractif aussi. Et l'intérêt touristique me semblait évident. Je
vais sur tous les sites de voyages et je fais des comparaisons de voyages
et de prix aux mêmes dates Mais le bémol c'est toujours un peu le prix
des excursions.
1
Le prix est important parce qu'il faut prendre en compte le prix d'un hôtel
il faut aussi pouvoir faire ses courses si on veut à aller au restaurant si
on veut acheter des souvenirs si on veut voir des spectacles visiter des
bâtiments dans certaines villes quand même ça coûte assez cher comme à
Londres où les restaurants sont assez chers il faut savoir trouver les bons
hôtels donc pour moi le prix est important…
6
Ressources
utopiques
…c'est toujours des sourires, c'est toujours des petits hellos. Hanoi c'est
aussi une ville un peu spéciale…avec de grands parcs. Très sympathique,
avec des petits quartiers où il y a des marchés extraordinaires, avec des
toiles d'araignée au-dessus de la tête avec les fils électriques qui se
croisent dans tous les sens en dépit du bon sens. Et ça marche quand
même... Mais tout ça dans la bonne humeur et puis un aspect sympa et
c’est le côté hospitalier de la ville
2
.. enfin il y a des paysages, qui sont extraordinaires entre les volcans, la
mer, les barrières de corail… on est un peu coupé donc ce qui fait qu’on
oublie un peu tout ce que l’on peut avoir chez soi c’est très
agréable…c’est vraiment agréable j’ai vraiment déconnecté.
7
j'adore regarder la mer c'est quelque chose qui me repose qui me détend
et ne serait-ce que ça, que ce spectacle qui est tellement beau, je suis
ailleurs.
9
J’étais satisfaite par l’ambiance, le soleil, la ville, je ne sais pas c’était
magique, une toute autre culture. Ça vit le jour, ça vit la nuit. C’est
extraordinaire.
18
Ressources
Ludiques
...j’ai surtout essayé de vivre à la réunionnaise de ne pas être là bas en
touriste mais s’intégrer plus dans la vie quotidienne pour voir ce que
c’était réellement la vie sur place
7
La première chose c'est d’effectivement d'être ouvert… se fondre dans
l'ambiance, il y a des endroits où on peut aller passer un moment il y a
des terrasses formidables des endroits où on peut on peut voir, prendre la
mesure de la ville voir les gens vivre et puis je pense que ceux qui veulent
communiquer arrivent à communiquer.
8
Ressources
temporelles
… il faudrait que cette ville ne soit pas trop éloignée si c’est pour un long
week-end parce que je souhaiterais passer du temps sur place et pas dans
les transports.
5
Elle avait très bien cerné notre personnalité. Et elle était extrêmement
disponible pour nous expliquer toutes les visites qu’elle nous proposait
en fonction de notre temps.
21
…j’attendais d’un voyage comme ça, un trajet court, une organisation de
l’aéroport à l’hôtel, sur place on a pu visiter la ville avec des pass qui
nous on fait gagner beaucoup de temps…l’hospitalité d’une ville c’est
déjà l’infrastructure pour arriver dans la ville, que ce ne soit pas au bout
du monde.
23
23
Annexe 4. - AFC d’Alceste (Contribution aux axes) - Présentation des verbatims
emblématiques des classes
