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Les normes de la construction: un etat des lieux Pascal Pichonnaz, Docteur en droit, Professeur a l'Universite de Fribourg Jean-Baptiste Zufferey, Docteur en droit, Professeur a l'Universite de Fribourg, Directeur de l'f nstitut pour le droit suisse et international de la construction I. Introduction II. Les "Conditions Generales pour la Construction" (CGC) A L'historique des Swissconditions B Le regime d'application des CGC 1. Le role vise par les CGC 2. La relation entre !es CGC et la norme SIA-118 C Quelques particularites des CGC 1. La partie generale des CGC a) La phase de la conclusion du contrat b) Les obligations des parties contractantes c) Le management de qualite d) La resolution des litiges e) La remuneration f) Les sOretes 2. La partie speciale des CGC 3. Les CGC et le contrat d'entreprise general Ill. Les reglements SIA 102/1031108 edition 2003: un aper!fu A Les raisons d'une nouvelle modification des RPH B Les principales modification de !'edition 2003 1. Une volonte de renforcer le caractere contraignant des RPH 2. Les divers modes de ca!cul des honoraires 3. Le calcul des honoraires d'apres le coot de l'ouvrage (art. 7) IV. Les normes et le droit public A Le panorama de la situation actuelle B Normalisation et autoregulation 1. Les tendances generales dans l'ordre juridique (suisse) 2. Quelques problemes concrets en droit de la construction C Les normes privees et les marches publics 1. Les normes contractuelles et leur negociation 2. Les formes alternatives de mise en concurrence V. Conclusion

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Page 1: Les normes de la construction: un etat des lieux

Les normes de la construction: un etat des lieux

Pascal Pichonnaz, Docteur en droit, Professeur a l'Universite de Fribourg Jean-Baptiste Zufferey, Docteur en droit, Professeur a l'Universite de Fribourg, Directeur de l'f nstitut pour le droit suisse et international de la construction

I. Introduction

II. Les "Conditions Generales pour la Construction" (CGC) A L'historique des Swissconditions B Le regime d'application des CGC

1. Le role vise par les CGC 2. La relation entre !es CGC et la norme SIA-118

C Quelques particularites des CGC 1. La partie generale des CGC

a) La phase de la conclusion du contrat b) Les obligations des parties contractantes c) Le management de qualite d) La resolution des litiges e) La remuneration f) Les sOretes

2. La partie speciale des CGC 3. Les CGC et le contrat d'entreprise general

Ill. Les reglements SIA 102/1031108 edition 2003: un aper!fu A Les raisons d'une nouvelle modification des RPH B Les principales modification de !'edition 2003

1. Une volonte de renforcer le caractere contraignant des RPH 2. Les divers modes de ca!cul des honoraires 3. Le calcul des honoraires d'apres le coot de l'ouvrage (art. 7)

IV. Les normes et le droit public A Le panorama de la situation actuelle B Normalisation et autoregulation

1. Les tendances generales dans l'ordre juridique (suisse) 2. Quelques problemes concrets en droit de la construction

C Les normes privees et les marches publics 1. Les normes contractuelles et leur negociation 2. Les formes alternatives de mise en concurrence

V. Conclusion

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--2 Pascal Pichonnaz/Jean-Baptiste Zufferey

Bibliographie selective D'autres sources sont citees occasionnellement dans les notes de bas de page qui accompagnent le texte.

A. BRUNNER, Die technischen Baunormen, BRT 1993 p. 21 ss.; E. CLERC, Management et assurance dans la qualite dans la construction, JDC 1995, II, p. 43 ss. ; Documentation SIAD 0206, Enquete sur le temps necessaire en heures 2004, Zurich 2004; A. EGLI, Das Architektenhonorar, Fribourg 1995 (cite: A. EGLI, Das Architektenhonorar); A. EGLI, Die revierten SIA-Ordnungen: System und Merkpunkte, BRT 2003, p. 53 ss.; P. GAUCH, Le contrat d'entreprise, adaptation franyaise par B. Carron, Zurich 1999; P. GAUCHID. PRADER/A. EGLJ/R. SCHUMACHER, Kommentar zur SIA-Norm 118, Art. 38-156, Zurich 1992; M. GEHRI, Die Verkniipfung Schweiz - Europa aufNormenebene, tec21 36/2004, p. 20;W. GROB, Qua­litatsmanagement, th., Fribourg 1995 (AISUF 148); A. HENNINGER, QualitatbeimBauen, BRT 1995 p. 48 ss.; R. HORLIMANN, Untemehmervarianten - Risiken und Problembereiche, BR/DC 1996, p. 3 ss.; R. JENATSCH, Neue Entwicklungen in der Baunormung: Das Projekt Swissconditions kurz vor dem Ziel, BR/DC 2003, p. 79 ss.; P. PICHONNAZ, Les reglements SIA 102/103/108, 112 revises et leurs nouveautes, JDC 2003, p. 53 ss.; Rapport annuel 2003 de l'ASN (cite: ASN); P. TERCIERI P. JOYE, Les revisions en cours, JDC 1983 II, p. 57 ss.; J.-B. ZUFFEREY, Les normes techniques de construction, JDC 1993 II, p. 14 ss.; J.-B. ZUFFEREY, Elements choisis du droit suisse, in: J.-B. ZUFFEREY/C. MAILLARDIN. MICHEL, Droit des marches publics, Fribourg 2002 (cite: J.-B. ZUFFEREY, Droit des marches publics).

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----Les normes de la construction 3

li'I * ** Introduction ·

Le droit de la construction est soumis a des reglementations tres diverses: lois, ordonnances, normes techniques, normes contractuelles et, parfois, usages locaux contraignants. La force obligatoire de ces diverses regles varie evidemment en fonction de l'organe qui les a edictees et de la maniere dont les parties s'y referent. La reglementation legale qui s'applique au domaine de la construction ne cesse d'evoluer; le droit administratif est tout particulierement touche par l'augmentation et l'adaptation inexorable des nombreuses lois et ordonnances. La reglementa­tion legale en droit prive marque en apparence une plus grande stabilite; les regles sur le contrat d'entreprise (CO 363 ss) ou celles sur le contrat de mandat (CO 394 ss) n'ont pas ete modifiees depuis leur adoption en 1907. II en va toutefois autrement des normes privees, dont le nombre ne cesse de croitre et qui font regulierement l'objet de revision plus ou moins importantes. Compte tenu des changements importants apportes en 2003 et 2004 aux normes contractuelles, un etat des lieux s'imposait.

Analyser les normes de la construction implique d'operer d'emblee quelques delimitations:

1° Des normes arretees par des organismes prives. En ce qui conceme le droit prive, nous nous limiterons a traiter des modifications des normes privees, laissant de cote toute la re­glementation legale, meme si celle-ci joue evidemment un role important en pratique et dans les decisions des tribunaux. La partie consacree a !'analyse du droit public portera toutefois aussi sur quelques developpernents interessants dans les reglementations legales.

2° Des normes contrnctuelles. Nous limiterons notre analyse aux normes contractuelles, c'est-a-dire aux conditions generales contractuelles amenageant les relations juridiques en­tre partenaires contractuels. Les normes techniques, qui ont pour but de codifier la solution technique a un problerne considere, ne font pas specifiquement l'objet de notre presenta­tion. Elles avaient d'ailleurs fait l'objet d'une analyse detaillee lors des joumees du droit de la construction de 19931. Nous ne les evoquerons des lors que pour mieux definir les nor­mes contractuelles et leur portee.

3° Le systeme et la portee juridique des normes. La grande nouveaute des Conditions ge­nera/es pour la construction (ci-apres: CGC) est de mettre sur pied un veritable reseau de normes. Il importe des lors d'en saisir le systeme et de rnettre en exergue la portee juridi­que de l'ensemble ainsi que les particularites dignes d'interet.

4° Une premiere analyse des consequences pratiques. La principale analyse pratique est celle de determiner s'il est approprie, utile ou au contraire dangereux de modifier le sys­teme et le regime des CGC. Cela nous permettra de donner une appreciation generale de l'utilite des CGC.

Meme si les Conditions Genera/es pour la Construction" (CGC) constituent sans nul doute la principale innovation en matiere de normes contractuelles de droit prive (I.), nous evoquerons egalement les nouveaux Reglernents SIA-102/103 du 21 juin 2003 (II.). Il sera alors temps d'evoquer le droit public (III.) sous deux aspects: les normes et la reglementation (III.A.) et les normes et les marches publics (III.B.). II sera alors temps de conclure.

Le Prof. Pichonnaz remercie Me Anne-Christine Fomage, assistante a la Faculte, pour l'aide qu'elle lui a apportee a la mise au point de ce texte.

Le Prof. Zufferey remercie M. Julien Le Fort, assistant a la Faculte, pour son appui lors de la mise au point finale du present texte.

J.-B. ZUFFEREY, Les normes techniques de construction, JDC 1993 II, p. 14 ss; A. BRUNNER, Die technischen Baunormen, BRT 1993 II, p. 21 ss.

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--4 Pascal Pichonnaz/Jean-Baptiste Zufferey

II. Les "Conditions Generales pour la Construction" (CGC) Les Conditions genera/es pour la construction (CGC) est le nom donne a la nouvelle serie de normes issues du projet "Swissconditions". Apres avoir rappele l'origine du projet Swisscondi­tions et son contexte, nous examinerons la portee et le champ d'application des CGC (A). Nous pourrons ainsi presenter le regime mis en place par les CGC (B.) et mettre en exergue certaines particularites (C.).

A L'historique des Swissconditions

Fonde en 1961, le Comite Eu:ropeen de Normalisation (CEN)2 regroupe les membres de l'Union europeenne et de l'AELE) et compte actuellement 28 Etats-membres3• Ces Etats lui ont delegue leur mandat de normalisation de normes techniques4. La Suisse fait partie du CEN de­puis sa fondation. Cela lui donne le droit de participer aux travaux de normalisation, mais lui impose egalement a l'issue de la procedure d'adoption par le CEN de transposer les nonnes ainsi adoptees dans son systeme national de normes5•

L'Association Suisse de Normalisation (ASN; schweizerische normen-Vereinigung = SNV), association de droit prive, coordonne l'activite de normalisation en Suisse et represente celle-ci au sein du CEN. Dans le domaine de la construction, elle a mandate la Societe suisse des inge­nieurs et architectes (SIA) pour le suivi des travaux et de la transposition des normes du CEN en Suisse6• Cela signifie des lors que la SIA doit regulierement adapter ses reglements.

La Societe suisse des ingenieurs et architectes (SIA) a ete mandatee par l'ASN pour participer aux travaux du CEN dans le domaine de la construction, a l'exclusion des routes et de la circu­lation qui sont a la charge du VSS (Association suisse des professionnels de la route et des transports). C'est a ce titre egalement que la SIA doit veiller a ce que Jes normes techniques soient conformes a celles adoptees par le CEN et, si tel n'est pas le cas, les adapter ou retirer celles qui sont obsoletes.

Dans le domaine de la construction de structures porteuses, le CEN a developpe un programme de revision des normes techniques sous le terme generique d'Eurocodes. En consequence, la SIA a du envisager la revision de plusieurs normes techniques dans ce domaine. La difficulte pour la SIA tenait toutefois au fait que bon nombre de normes SIA sont des normes mixtes, a savoir des normes qui contiennent deux types de dispositions:

Des normes exclusivement techniques. Ce sont celles qui traitent d'elements mecaniques, physiques, chimiques ou autres similaires, dans une perspective descriptive, quantitative et mathematique. Ces dispositions sont elevees au rang de regles generalement reconnues de la technique de construction et codifient une solution technique a un probleme considere, sur la base des connaissances techniques actuelles qui ont fait leurs preuves7.

Des conditions generales contractuelles. II s'agit de regles regissant les relations juridi­ques entre les partenaires contractuelles. Preformulees, elles ont pour but de regler !'exe­cution des prestations contractuelles, soit en reprenant le regime legal, soit en le comple­tant ou en y derogeant. La norme SIA-118 (1977/1991) constitue sans nul doute l'exemple-

2 http://www.cenorm.be/cenorm/index.htm (derniere visite le 12 janvier 2005).

Document Compass, septembre 2004, p. 6, accessible en ligne sur http://www.cenorm.be/cenorm/aboutus/information/otherpublications/compassfr.pdf (demiere visite le 12 janvier 2005).

J.-B. ZUFFEREY, JDC 1993 H, p. 19. 5 R. JENATSCH, p. 79; Document Compass, septembre 2004, p. 4, accessible en ligne sur http://www.cenorm.be/

cenorm/aboutus/information/otherpublications/compassfr.pdf (demiere visite le 12 janvier 2005).

ASN, p. 21.

Pour des details sur la notion de normes techniques, cf. J.-B. ZUFFEREY, JDC 1993 II, p. 24 s.

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type de conditions generales contractuelles uniques. Dans les normes mixtes, les disposi­tions ayant la nature de conditions generales contractuelles ont souvent pour but de com­pleter la norme SIA-118. Tel est le cas par exemple de la norme SIA-198 sur les travaux souterrains (ed. 1993) qui, outre les normes techniques, contient des "dispositions particu­lieres" ayant pour but de completer la norme SIA-118 (cf. art. 0.11 norme SIA-198); il en va de meme de la norme SIA-162 (ed. 1993) sur la construction en beton, la norme SIA-195 (ed. 1999) sur le forn;age de tubes ou encore la norme SIA-190 (ed. 2000) sur les ca­nalisations.

Afin de faciliter le travail de transposition des normes techniques, mais aussi pour respecter les principes generaux obligatoires du CEN, la SIA a done decide en 1998 de sepa.rer clairement les normes exclusivement techniques des conditions generales contractuelles, meme specifiques a certains travaux de construction. Sont ainsi apparus deux systemes paralleles de normes8 :

1° Les Swisscodes. Il s'agit des nouvelles normes relatives aux structures porteuses publiees en janvier 2003: les normes SIA-260 a SIA-2679, ainsi que les normes SIA-197 et SIA-19810, publiees en novembre 2004. Celles-ci sont une transpositions des normes des Euro­codes, mais qui sont d'usage plus agreable et qui sont surtout plus compactes que les nor­mes europeennes11 • Ces normes ne contiennent des lors plus que des normes techniques au sens ou nous les avons definies precedemment. Elles doivent evidemment etre utilisees en relation avec les CAN (Catalogues des articles normalises) respectifs qui, eux aussi, ont ete remanies dans le meme temps12•

2° Les Swissconditions. II s'agit de la nouvelle serie de normes SIA 118 disponible au l er

avril 2004 pour une partie et au ler novembre 2004 pour la norme SIA-118/19813 • Outre la norme SIA-118 (1977/1991), qui n'a pas ete modifiee, il ya maintenant des "Conditions genera/es pour la construction" complementaires pour les divers domaines de la construc­tion de structures porteuses.

Actuellement, i1 s'agit des normes suivantes: • SIA 118/262 (2004), Conditions generales pour la construction en beton;

• SIA 118/263 (2004), Conditions generales pour la construction en acier;

• SIA 118/265 (2004), Conditions generales pour la construction en bois;

• SIA 118/266 (2004), Conditions generales pour la construction en mar;onnerie;

e SIA 118/267 (2004), Conditions generales pour la geotechnique;

• SIA 118/198 (2004), Condition generales pour les constructions souterraines.

8 Pour une breve presentation des Swissconditions, cf. R. JENATSCH, p. 79 ss. 9 SIA-260 (edit. 2003) Bases pour l'elaboration des projets de structures porteuses; SIA-261(2003) Actions sur !es

structures porteuses; SIA-261/l (2003) Actions sur les structures porteuses - Specifications complementaires; SIA-262 (2003) Construction en beton; SIA-262/l (2003) Construction en beton - Specifications complementai­res; SIA 262.153 (2003) Adjuvants pour beton, mortier et coulis - Partie 3: Adjuvants pour mortier a mas;onner -Definitions, exigences, conformite, marquage et etiquetage; SIA-263 (2003) Construction en acier; SIA-263/l (2003) Construction en acier - Specifications complementaires; SIA-264 (2003) Construction mixtes acier-beton; SIA-264/l (2003) Construction mixtes acier-beton - Specifications complementaires; SIA-265 (2003) Construc­tion en bois; SIA-265/l (2003) Construction en bois - Specifications complementaires; SIA-266 (2003) Construction en Ma9onnerie; SIA-266/l (2003) Construction en Mas;onnerie - Specifications complementaires; SIA-267 (2003) Geotechnique; SIA-267/1 (2003) Geotechnique - Specifications complementaires.

10 Projets de tunnels, SIA-197 (2004); Constructions souterraines, SIA-198 (2004). 11 Dans ce sens, M. GEHRI, p. 20. 12 R. JENATSCH, p. 80. 13 Les normes CGC parlent d'entree en vigueur au l er avril 2004; en fait, il ne s'agit pas d'une entree en vigueur au

sens technique du terme, puisque ces normes ne valent que si les parties Jes integrent a leur contrat.

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... ---6 Pascal Pichonnaz/Jean-Baptiste Zufferey

Ces normes comprennent ainsi les conditions contractuelles et organisationnelles qui figu­raient precedemment dans les normes SIA correspondantes. Evidemment, elles ont ete adaptees et rediscutees.

Les CGC SIA-118/262 a 267 ont ete publiees en mars 2004. Actuellement il n'existe aucune version franyaise officielle, mais des travaux de traduction sont en cours. De meme, la norme SIA-118/198 (2004), parue en novembre 2004, n'est disponible pour !'instant qu'en allemand. La version francophone est en preparation. A l'avenir, on attend pres de 80 conditions genera­les14.

B Le regime d'application des CGC

Apres un rappel des buts vises par la SIA lors de la redaction des Conditions generales pour la construction (CGC) (1.), nous examinerons la relation de ces normes contractuelles avec la norme SIA-118 (2.).

1. Le role vise par les CGC

Comme l'indique la preface des diverses "Conditions generales pour la construction" (CGC), les normes SIA-118/262 a 267 et SIA-118/198 ont pour but de completer la norme SIA-118 "Conditions generales pour !'execution des travaux de construction". Comme le releve R. JENATSCH, directeur du projet Swissconditions, le but vise etait de ne pas modifier la norme SIA-118 qui fonctionne bien, mais de se horner a la preciser, ce qu'explicite egalement le choix de la numerotation des nouvelles normes: SIA-118/---15•

Selon les explications figurant en entete des CGC, celles-ci comprennent trois types de regles:

1° Des reg/es comptetant la norme SIA-118. En fonction des particularites des prestations visees par le contrat d'entreprise, les parties avaient l'habitude de completer la norme SIA-118 par des conditions generales qui lui etaient adjointes. Les CGC entendent desormais prevoir d'emblee des conditions generales contractuelles standardisees determinees par les particularites du type de construction consideree. Il s'agit en particulier des regles sur la remuneration de !'entrepreneur et de la determination des prestations comprises et non comprises dans les divers modes de calcul du prix. La volonte de la SIA etait ainsi de ne pas modifier la norme SIA-118, bien acceptee et utilisee en pratique.

2° Des conditions comptetant !es descriptifs de prestations du CAN. En particulier, les CGC permettent aux parties de concevoir, pour l'appel d'offres, des conditions completant le descriptif des prestations du CAN (cf. art. 1.1.4 SIA-118/262 p.ex.).

3° Des reg/es modifiant et rempla9ant celles de la norme SIA-118. Une enumeration des mo­difications expresses a la norme SIA-118 figure sous le chiffre 0.2 de chaque CGC. En outre, dans les dispositions specifiques des CGC, il est a nouveau fait expressement refe­rence a la derogation a un article specifique de la norme SIA-118.

Exemple: - norme SIA-118/263, art. 0.2 (cf. annexe A)

14 ASN, p. 21.

- puis, p.ex., SIA-118/263 art. 8.4.3.5: "Vaut en lieu et place de l'art. 66 al. 4 phrase 1 de la norme SIA 118: Le decompte relatif a !'augmentation des prix est en principe fourni avec la facture finale. Si les travaux se prolongent

15 R. JENATSCH, p. 80.

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sur une plus longue duree, le decompte relatif a l 'augmentation des prix peut etre fourni selon un autre reglement determine dans le contrat"16

On notera toutefois que certaines CGC contiennent egalement de simples conseils pratiques, sans aucune portee juridique. Ainsi en est-il par exemple de l'indication figurant a la fin de l'art. 0.2. SIA-118/163 qui conseille aux parties de faire figurer dans le contrat le fait que les regles derogatoires des CGC l'emportent sur la norme SIA-118.

Pour que les CGC puissent assumer leur role, il faut evidemment que les parties les integrent dans leur contrat. Cela amene trois remarques:

1° En principe, une integration expresse dans le contrat. Pour les contrats conclus en la forme ecrite -ce qui est la regle dans le domaine-, !'integration devra figurer expressement dans le contrat. En !'absence de forme specifique, il suffit que les parties puissent demon­trer leur commune volonte que les CGC ont ete integrees a leur contrat; une volonte ex­primee par actes concluants est alors suffisante17 •

2° Une integration specifique. Il ne suffit pas de se referer de maniere generale aux CGC, mais il faut integrer la norme SIA-118 specifique au type de construction considere: p.ex. SIA-118/262. Les CGC contiennent en outre un conseil (!) en vertu duquel lorsque des CGC derogent au regime de la norme SIA-118, le contrat doit indiquer specifiquement que "les regles de la norme SIA-118/198 ont le pas sur les regles de la norme SIA-118 pour autant qu'elles les remplacent expressement"18 .

3° Une integration indispensable de la norme SIA-118. Corn;ues comme un complement a la norme SIA-118, les CGC ne peuvent fonctionner correctement que pour autant que la norme SIA-118 ait egalement ete integree au contrat par les parties. II n'y a done pas de sens a integrer uniquement les CGC specifiques.

Le praticien ne doit ainsi pas perdre de vue que les "conditions general es pour la cons­truction" (CGC) ne vont pas sans les "conditions genera/es pour !'execution des travaux de construction" (norme SIA-118). Les nomenclatures sont malheureusement tres proches et pourraient dormer !'impression qu'une norme peut se passer de l'autre. II n'en est rien!

2. La relation entre les CGC et la norme SIA~118

La relation entre les CGC et la norme SIA-118 depend de l'ordre de priorite des documents contractuels. On sait qu'il s'agit la d'un probleme recurrent.

La premiere regle: La coherence des ordres de priorite des divers documents.

11 est essentiel que l'ordre de priorite indique dans le contrat de base corresponde a d'eventuels autres dispositions precisant l'ordre de priorite, en particulier celui prevu par l'art. 7 al. 3 SIA-118 pour les documents de soumission et l'art. 21 al. 1 SIA pour les documents du contrat.

Des lors, si l'on modifie l'ordre de priorite de la norme SIA-118, par exemple pour y incorporer une CGC, cet ordre de priorite n'aura aucun effet si l'ordre de priorite du contrat ne contient pas la reference a la CGC consideree (p. ex. norme SIA-118/262). En effet, aux termes de l'art. 21 al. 1 SIA-118, "le texte du contrat, signe par les deux parties, prime tout autre document". Il

16 Traduction officieuse du texte allemand: "'An Stelle von Art. 66 Abs. 4 Satz 1 Norm SIA 118 gilt: Die Teuerungs­abrechnung erfolgt mit der Schlussrechnung. Erstrecken sich die Arbeiten iiber liingere Zeit, kann die Teue­rungsabrechnung nach einer andern, im Vertragfestgelegten Regelung erfolgen".

17 BR/DC 1991, p. 99; P. GAUCHID. PRADER/A. EGLIIR. SCHUMACHER, Kommentar zur SIA-Norm 118, art. 38-156, n. 12.

18 Traduction officieuse du texte allemand de la nonne SIA-118/198, p. 9: "Regeln der Norm SIA-1181198 gehen Regeln der Norm SIA 118 insoweit vor, als sie diese ausdriicklich ersetzen".

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--8 Pascal Pichonnaz/Jean-Baptiste Zufferey

vaut des !ors mieux modifier l'ordre de priorite dans le contrat de base, puisque en cas de contradiction cet ordre de priorite l'emportera sur celui de la norme SIA-118.

La deuxieme regle: Les CGC font partie des autres "normes de la SIA II (art. 21 al. 1 ch. 5 let. b SIA-118)

L'art. 0.2 des CGC indique expressement le fait que dans l'ordre de priorite des art. 7 et 21 SIA-118, ces conditions genera/es pour la construction font partie des autres normes de la SIA. Elles tombent ainsi sous l'art. 21 al. 1 ch. 5 let. b SIA-118. En consequence, en cas de contra­diction, la norme SIA-118 l'emporte sur une CGC (p.ex. la norme SIA-118/262 ou la norme SIA-118/198). Cela s'explique d'abord par le fait que la volonte claire de la SIA etait de mainte­nir telle quelle la norme SIA-118, meme si celle-ci pourrait etre revisee sur l'un ou l'autre point. Le but principal des CGC n'etant que de preciser ou completer la norme SIA-118. Comme nous l'avons releve, les CGC modifient parfois expressement la norme SIA-118. Cela n'a toutefois pas pour effet de modifier automatiquement l'ordre de priorite, d'ou !'importance d'une troi­sieme regle.

La troisieme regle: Pour que les derogations a la norme SIA-118 puissent produire leur effet, ii faut expressement adapter l'ordre de priorite dans les documents contractuels.

Puisque l'ordre de priorite des documents contractuels prevoit que la norme SIA-118 l'emporte sur les autres normes SIA, les derogations prevues expressement par les CGC ne vaudront que si le contrat de base modifie l'ordre de priorite des documents contractuels. On peut le fait soit en integrant la disposition proposee par l'art. 0.2. de la norme SIA-118/263 dans le contrat de base, par exemple sous une rubrique conditions contractuelles particulieres, soit en mentionnant expressement dans ce meme document contractuel les dispositions de la norme SIA-118/263 qui l'emportent sur la norme SIA-118. Dans tous les cas, une modification du seul ordre de priorite de la norme SIA-118 ne suffira pas (cf. premiere regle).

On le voit, l'integration des CGC impose des lors un minimum de reflexions de la part des par­tenaires contractuels afin de s'assurer que le but recherche puisse etre atteint, a savoir que les regles plus precises des CGC s'appliquent au contrat considere.

C Quelques particularites des CGC

Dans un premier temps nous examinerons la partie generale des CGC (1.) afin de mettre en exergue leurs particularites les plus significatives. Nous traiterons ensuite brievement de la partie speciale des CGC (2.), avant d'aborder un probleme specifique lie a la coordination des CGC par un entrepreneur general (3.).

1. la partie generale des CGC

Les CGC (normes SIA-118/262 a 267) reprennent la structure de la norme SIA-118, en conser­vant la numerotation des chapitres. Ainsi, apres une partie consacree au champ d'application et aux termes techniques (art. 0), les CGC contiennent une deuxieme partie consacree au contrat d'entreprise proprement dit (art. l CGC). Celle-ci est subdivisee en cinq points: (art. 1.1) Ap­pel d'offre; (art. 1.2.) Offre de !'entrepreneur; (art. 1.3.) Devoirs des partenaires contractuels; (art. 1.4.) Management de qualite; (art. 1.5.) Resolution des litiges. Suit une troisieme partie consacree a la remuneration de l'entrepreneur (art. 2 CGC). Enfin, la partie generale se ter­mine par une quatrieme partie consacree aux sfiretes (art. 5 CGC). Nous examinerons brieve­ment chacune de ces dispositions.

a) La phase de la conclusion du contrat

L'art. 1.1. des CGC ne contient pas de derogations ou de complements a la norme SIA-118 sur l'appel d'offre (art. 4-14 SIA-118). Les divers alineas (1.1.1. a 1.1.7.) se boment a donner des

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indications sur les dispositions de la norme SIA-118 a respecter (cf. p.ex. art. 1.1.3.) ou des conseils de redaction du contrat (cf. p.ex. art. 1.1.5., 1.1.6. ou 1.1.7.). De telles dispositions n'ont pas deportee juridique propre; elles servent tout au plus aux parties lors de la redaction de leur contrat de base.

L'art. 1.1.1. des CGC est la seule disposition qui pourrait avoir une portee juridique lors de !'interpretation d'un contrat. En effet, elle dispose ce qui suit: "Les exigences qui vont au-dela de ce que prevoient les normes techniques doivent etre decrites dans les conditions particulieres ou dans la liste detaillee des prestations"19• Partant, toute exigence allant au-dela des normes techniques qui ne serait pas comprise dans les conditions particulieres du contrat ou le devis descriptif (SIA-118 8) n'auront aucune portee pour le contrat considere. Cela pose deux ques­tions:

1° Qu'en est-ii d'une modification de la norme SIA-262 (ed. 2004), ou d'une norme analogue, si celle-ci est annexee aux documents d'appel d'offre? Cette modification devrait, pour etre valable, figurer dans les conditions particulieres ou le devis descriptif. Sans cela, a bien lire l'art. 1.1.1 SIA-118/262 (par exemple ), la modification n'aurait aucune portee.

2° Comment integrer cette disposition dans le systeme general ? En effet, l'ordre de priorites que nous avons evoque implique qu'a defaut d'indication expresse de cette disposition des CGC dans le contrat de base, cette demiere doit ceder le pas face a la norme SIA-118. En effet, la norme SIA-118 ne parait pas imposer la meme consequence de nullite pour les exigences supplementaires qui ne figureraient que dans la version modifiee de la norme SIA-262 ou une norme analogue.

On le voit, !'interpretation du non-respect des exigences posees par cette disposition n'est pas aisee. D'une part, la consequence n'est pas clairement indiquee; d'autre part, les autres alineas de l'art. 1.1. ne contenant que des regles descriptives pour la redaction des contrats, le caractere contraignant de l'art. 1.1.1. s'en trouve affaibli.

L'art. 1.2. des CGC, relatif a l'offre de !'entrepreneur, complete les art. 15 a 22 de la norme SIA-118. Il porte sur deux elements:

1° Les calculs statistiques pour les installations de chantiers (art. 1.2.1. CGC). L'art. 124 al. 1 SIA-118 indique qu' "a la demande de la direction des travaux, !'entrepreneur lui presente les plans de ses installations de chantier et, au besoin, !es calculs techniques y relatifs." Les CGC commencent par souligner que les calculs statistiques pour les installations de chantier incombent a !'entrepreneur. Faut-il comprendre que ceux-ci sont dus meme en !'absence de demande de la direction des travaux? A notre avis, conformement aux princi­pes d'interpretation voulus par les redactions des CGC, en !'absence d'indication expresse, les CGC n'entendent pas deroger a la norme SIA-118. Partant, il faut comprendre l'art. 1.2.1 lere phrase comme rappelant !'exigence de l'art. 124 al. 1 SIA-118 pour les calculs statistiques.

Se pose alors la question de savoir qui supporte les couts de realisation de ces calculs. L'art. 9 al. 1 SIA-118 impose de prevoir des articles speciaux dans le devis descriptif pour les installations de chantier lorsque, comme en l'espece, il ne s'agit pas de finitions ou de second-reuvre. Partant, les installations de chantier feront l'objet d'un prix le plus souvent global ou forfaitaire (art. 43 al. 2 SIA-118). Ainsi, l'art. 1.2.1. des CGC qui indique que les couts de realisation des calculs sont consideres comme inclus dans le prix de l'ouvrage ex­plicite l'art. 43 al. 2 SIA-118. Comme toute prestation payee par le maitre d'ouvrage, celui­ci a en ensuite la libre disposition de l'ouvrage realise (in casu les calculs statistiques); c'est ce que confirme egalement l'art. 1.2.1. SIA-118.

19 Traduction officieuse du texte allemand : "Anforderungen, die weiter gehen als in technischen Normen festgelegt, sol/en in den besonderen Bestimmungen oder im Leistungverzeichnis beschrieben werden".

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2° Les variantes d'entrepreneur (art 1.2.2. et L2.3. des CGC). Il s'agit la d'un theme impor­tant en pratique20. Si elles ne sont pas interdites par la procedure d'appel d'offres, les va­riantes sont en principe admissibles lorsqu'elles correspondent au but poursuivi par l'adju­dicateur (OMP 22 Il)21 . Les CGC completement l'art. 15 al. 3 norme SIA-118 en exigeant que les variantes soient d'emblee soumises avec tous les documents permettant d'en appre­cier la portee financiere et technique et les exigences d'adaptation au contrat principal.

L'art. 1.2.3. CGC rappelle en outre que l'art. 5 let. a LCD22 sanctionne au titre de la concur­rence deloyale le fait "[d']exploite[r] de fm;on indue le resultat d'un travail qui a ete confie [au maitre], par exemple des offres, des calculs ou des plans". Les CGC rappellent en outre que le maitre d'ouvrage n'a pas le droit de faire evaluer par les concurrents dans la meme procedure d'appel d'offre une variante soumise par un entrepreneur et qu'il ne peut utiliser une variante d'un soumissionnaire evince. En effet, conformement a la doctrine, le maitre d'ouvrage porterait ainsi atteinte a la confiance etablie avec les soumissionnaires et devrait repondre a l'egard du soumissionnaire evince des dommages subis par celui-ci, au moins a concurrence des depenses consenties pour la variante23 • On notera toutefois que l'art. 1.2.3. ne cree pas de nouvelles obligations a charge des parties mais se limite a rappeler des exi­gences qui sont deja posees par l'ordre juridique suisse.

b) Les obligations des parties contractantes

L'art. 1.3. CGC relatif aux obligations des parties contractantes complete principalement les art. 23 a 27 de la norme SIA-118, mais rappelle OU complete egalement d'autres dispositions. n est subdivise en trois parties portant sur quelques generalites, puis sur la preparation de !'exe­cution et, enfin, sur l'execution de l'ouvrage.

Cette partie comprend trois types de dispositions:

1° Des conseils et rappels. Ce type de regle n'a pas deportee juridique propre, mais a pour seul but de rappeler aux parties contractantes certaines de leurs obligations ou de les ren­dre attentives a diverses variantes possibles. Le non-respect de ces dispositions n'entraine pas de sanctions autres que celles qui seraient deja prevues par la norme SIA-118. A notre avis, ce melange entre dispositions ayant une portee juridique propre et celles n'etant que de simples rappels ou conseils n'est pas ideal; il entraine une certaine dissolution de la force normative de ces CGC.

Ainsi, !'art. 1.3.1.1. dispose qu"'avant d'entreprendre planification et avant !'execution de l'ouvrage, les taches, les competences et les responsabilites des intervenants a la cons­truction sont reglees de maniere complete et coordonnee". Tout juriste sait toutefois que l'exhaustivite et l'absence de contradictions de documents contractuels regissant les rela­tions entre parties contractantes ne sont ni aisees, ni veritablement possibles en pratique. Il faut des lors clairement prendre cette disposition comme un rappel utile au praticien d'amenager clairement les relations juridiques entre partenaires avant de debuter un projet. Avec un peu d'ironie, on pourrait penser que le praticien qui lit l'art. 1.3 .1.1. est probable­ment deja dans le bon etat d'esprit !

Le renvoi global et implicite a la norme SIA-112 (cf. art. 1.3.1.2. des CGC) ou a l'art. 35 norme SIA-118 (cf. art. 1.3.1.2. CGC) a manifestement la meme fonction.

20 Surles variantes d'entrepreneur, cf. R. HDRLIMANN, p. 3 ss. 21 J.-B. ZUFFEREY, Droit des marches publics, p. 114 s. sur la distinction entre variante d'execution et variante de

conception, plus delicate a admettre; eg. P. GAUCHIH. ST6CKLI, p. 47 s. 22 Loi federale du 19 decembre 1986 contre la concurrence deloyale (RS 241). 23 P. GAUCH, Le contrat d'entreprise, n. 497.

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2° Des affirmations generales de principe. Il s'agit d'affirmation ayant pour but d'eviter de creer de nouvelles obligations qui iraient au-dela ou a l'encontre de celles decoulant de la norme SIA-118. Ainsi, !'art. 1.3.1.4. precise que !'enumeration des devoirs n'est pas ex­haustive et peut etre completee en fonction des objets specifiques; !'art. 1.3.1.5. souligne que tous les devoirs de l'entrepreneur n'ont pas a etre remuneres specifiquement, mais sont deja inclus dans le prix; !'art. 1.3.1.6. precise que le plan de controle ne constitue qu'un contr6le fonde sur des echantillons et ne libere pas !'entrepreneur de son obligation, impo­see par l'art. 174 al. 3 SIA-118, de faire toutes les verifications necessaires a prouver que l'ouvrage repond aux exigences posees. Enfin, !'art. 1.3.1. 7. precise que les devoirs enume­res ne creent pas une obligation de surveillance de l'entrepreneur a charge du ma1tre d'ou­vrage. Cela irait en effet au-dela de ce que permet l'art. 34 al. 2 SIA-11824• En particulier, le devoir d'avis de l'entrepreneur subsiste en cas de survenance de circonstances pouvant compromettre !'execution de l'ouvrage (art. 25 SIA-118).

3° Une enumeration des devoirs respectifs des parties. Les art. 1.3.2. et 1.3.3. enumerent les devoirs reciproques du maitre d'ouvrage, de la direction generale qu'il a mandate ou des concepteurs specifiques, ainsi que ceux de l'entrepreneur. On peut regretter que cette liste de devoirs, relativement longue, n'ait pas ete harmonisee avec les prestations des phases partielles des reglements SIA-102/103/108, eux-meme conformes aux subdivisions du re­glement SIA-112 sur les modeles de prestations. En effet, elle comporte indirectement des devoirs pour la direction generale (cf. la formulation de l'art. 1.3.2.1.: "Lemaitre d'ouvrage (respectivement la direction generale qu'il a mandatee)"25 , alors que celle-ci n'est pas partie au contrat d'entreprise auquel les CGC sont incorporees.

Certes, i1 n'y a pas de parallelisme absolu possible. Toutefois, il eut ete utile, par exemple, de faire un renvoi au ch. 311.1 du modele de prestations (SIA-112) pour la determination de la procedure et des exigences du management de qualite a charge du maitre de l'ouvrage ou de son representant prevue a !'art. 1.3.2.1. 2e tiret. Cela aurait permis de faire un lien di­rect vers les prestations et honoraires des architectes et ingenieurs26 •

En revanche, comme pour le reglement SIA-112, cette liste de devoirs precise utilement les obligations des parties contractuelles, par rapport ace qui decoule de la norme SIA-ll8. Cela devrait reduire en partie le recours aux conditions contractuelles specifiques. Le fait que ces listes ne soient pas exhaustives, mais exemplatives, affaiblit quelque peu ce cons­tat.

c) Le management de qualite

L'art. 1.4. porte sur le management de qualite27 . Le management de qualite est aujourd'hui un element essentiel de la politique d'entreprise, mais surtout un aspect determinant lors du choix des entrepreneurs pour de grands projets, tels ceux relatifs aux structures porteuses (CGC).

En vertu de l'art. 1.4.1., le ma1tre d'ouvrage a le choix entre trois niveaux de management de qualite (QM) en fonction de la complexite et des risques de l'ouvrage considere et du principe de la proportionnalite:

24 Sur le fait de savoir si cette disposition cree ou non une obligation de surveillance, cf. notamment P. GAUCH, Le contrat d'entreprise, n. 2058.

25 Traduction officieuse du texte allemand: "Der Bauherr (bzw. der von ihm beauflragte Gesamtleiter) ". 26 Sur le fonctionnement, cf. P. PICHONNAZ, JDC 2003, p. 60 ss; A. EGLI, BRT 2003, p. 48 ss. 27 Pour une analyse generale du management de qualite, cf. notamment P. GAUCH, Le contrat d'entreprise, n. 2558

ss; E. CLERC, Management et assurance dans la qualite dans la construction, JDC 1995, II, p. 43 ss; A. HEN­NINGER, Qualitat beim Bauen, BRT 1995 II, p. 48 ss; W. GROB, Qualitatsmanagement, th., Fribourg 1995 (AI­SUF 148),passim.

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Pour le niveau I, aucun systeme de qualite n'est exige, mais evidemment !'entrepreneur doit s'organiser de maniere coherente, en fonction des reglements, normes et directives ap­plicables.

Pour le niveau II, !'entrepreneur doit avoir adopte un systeme de management de qualite et le documenter.

Pour le niveau III, !'entrepreneur doit avoir adopte un systeme de management qualite fonde sur la norme SN EN ISO 9001 certifiee.

Conformement a l'ordre de priorite, le choix du niveau de QM doit figurer dans les conditions particulieres. En effet, cette exigence de qualite est une exigence supplementaire par rapport a ce que prevoit la norme SIA-118. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'art. 4.1.3. des CGC prevoit que, pour !es niveaux II et III, le maitre d'ouvrage doit prevoir dans les conditions parti­culieres les exigences pour les divers genres de travaux et d'activites determinant pour la quali­te, ainsi que les exigences minimales du plan de QM de !'entrepreneur.

L'art. 1.4.4. 2e tiret met a charge du maitre une authentique obligation de surveillance, allant au-dela de l'art. 34 al. 2 SIA-11828 • Lemaitre doit ainsi surveiller le resultat du management de qualite et prendre, au besoin, des mesures de correction. TI s'agit d'une obligation supplemen­taire par rapport a la norme SIA-118 et derogeant implicitement a l'art. 34 al. 2 SIA-118. L'or­dre de priorite imposerait a notre avis de faire figurer cette obligation dans !es conditions parti­culieres du contrat, en depit du fait que les CGC n'en fassent pas expressement mention.

La remuneration pour les obligations de surveillance par !'entrepreneur allant au-dela de ce qui fait partie des conditions generales de l'art de construire doivent etre remunerees specifique­ment (art. 1.4.5. des CGC).

Enfin, l'art. 1.4.6. prevoit un regime analogue a celui de l'art. 366 al. 2 CO pour le cas ou l'en­trepreneur n'execute pas les mesures auxquelles il s'est engage dans le cadre du plan de QM. Or, pour que le but de qualite soit atteint, celles-ci doivent etre prises par l'entrepreneur. Partant, la situation est comparable a celle dans laquelle il est a prevoir avec certitude durant les travaux que l'ouvrage sera execute d'une fa<;on defectueuse par l'entrepreneur. nest des lors tout a fait juste que l'art. 1.4.6. prevoit, a l'instar de l'art. 366 al. 2 co, la possibilite d'une execution par substitution a defaut d'execution des mesures dans le delai prevu. n s'agit des lors d'une concretisation de l'art. 98 al. 1 CO, siege general de telles mesures. Sans l'art. 1.4.6., la preuve de l'existence des conditions de l'execution par substitution serait plus difficile a apporter, puis­qu'il faudrait demontrer la certitude d'une execution defectueuse (art. 366 al. 2 in initio CO). On peut la aussi se poser la question du caractere contraignant de la disposition, sachant qu'un tel droit en faveur du maitre de l'ouvrage n'est pas prevu par la norme SIA-118. Cette derogation au regime de la norme SIA-118 devrait, pour valoir, etre specialement mentionnee dans les condi­tions particulieres du contrat. Sans quoi le risque serait qu'un tribunal considere que cette dero­gation demeure sans effet, puisque la norme SIA-118 l'emporte sur les autres normes SIA (cf. supra).

La meme remarque vaut a notre avis pour l'art. 1.4.7. qui permet au maitre d'ouvrage de faire suspendre les travaux lorsque des erreurs ou des defauts se produisent a reiterees reprises au cours des travaux. Cette extension des droits, par rapport a la norme SIA-118 d'une part, et a l'art. 366 al. 2 CO d'autre part, doit figurer expressement dans !es conditions particulieres du contrai29•

28 Sur cet article, cf. notamment P. GAUCH, Le contrat d'entreprise, n. 2058. 29 P. GAUCH, Le contrat d'entreprise, n. 596 : le droit d' exiger un retardement des travaux doit avoir ete convenu.

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d) La resolution des litiges

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Conformement a la tendance moderne de resolution des litiges, l'art. 1.5. preconise d'appliquer les regles de resolution de litiges sur les chantiers, en renvoyant a la recommandation SN 641.510 de la VSS. Mentionnons a cet egard le ch. 13 des conditions generates du reglement SIA 112 qui donne aux parties la possibilite d'inserer une clause de mediation dans le contrat.

Une fois de plus, il s'agit ici d'une regle qui encourage les parties a deroger au regime de l'art. 37 de la norme SIA-118, puisque cette demiere disposition prevoit uniquement le reglement judiciaire des differends. La mediation n'est pas prevue specifiquement. Ainsi, pour avoir force contraignante, les regles sur la resolution des litiges devraient figurer dans les conditions parti­culieres. Il ne suffira toutefois pas de reprendre la formulation de l'art. 1.5., puisque celui-ci se borne a "conseiller" une procedure. Sous cette forme, l'art. 1.5. n'a evidemment aucune forme contraignante.

Ainsi, pour contraindre les parties a recourir a la mediation, il faut necessairement prevoir des regles sur la mediation dans les conditions particulieres et indiquer qu'elles derogent a l'art. 37 SIA-118.

e) La remuneration

L'art. 2.1. des CGC, portant sur la remuneration, merite une attention particuliere des partenai­res contractuels en ce qu'il complete ou deroge aux art. 38 ss de la norme SIA-118.

1° La remuneration pour les tests. Selon l'art. 2.1.1., les documents d'appel d'offres doivent indiquer quels sont les tests de materiaux qui sont compris clans les prix et quels sont ceux qui doivent etre remuneres specifiquement. Cette partie generale n'indique toutefois pas quelle est la regle applicable en cas d'absence d'indication. L'ordre de priorite impose de chercher d'abord la reponse dans la norme SIA-118. En fonction du mode de remuneration choisi (prix globaux, forfaitaires ou unitaires), on appliquera les regles des art. 39, 40 ou 41 SIA-118. Qu'en est-il des lors avec des frais lies a des tests de matenaux lorsque le contrat est a prix global? En principe, sauf dispositions particulieres, les frais seront inclus dans le prix global. On decouvre toutefois avec surprise a l'art. 8.1.2.2. SIA-118/263 (dans la partie speciale de cette norme) que "les coilts engendres par les preuves de qualite selon la norme SIA-263/1 doivent etre supportees par le maitre d'ouvrage sauf indications contraires". A notre a vis, une telle indication devra des lors se trouver dans les conditions generates, des lors qu'elle deroge au regime general de la norme SIA-118.

2° Le ca/cul des acomptes. L'art. 2.1.3. contient une derogation expresse a l'art. 43 de la norme SIA-118 qui joue un role dans le calcul du montant des acomptes selon l'art. 146 SIA-118 (contre-valeur des prestations). En effet, lorsque un devis descriptif contient des positions qui excluent de conserver un montant global ou forfaitaire durant toute la periode du chantier, l'art. 146 SIA-118 relatifs a la contre-valeur des prestations pour les installa­tions de chantier s'applique aussi aces positions.

3° Les effets des modifications des prescriptions ligates ou des normes techniques. Selon l'art. 2.1.4. CGC, lorsque ces prescriptions ou normes se modifient ou entrent en force apres la date de reference (art. 62 al. 1 SIA-118), maitre d'ouvrage et entrepreneur doivent s'entendre sur une remuneration supplementaire OU reduite. Contrairement a l'art. 66 SIA-118, qui prevoit expressement de quels elements ont doit tenir compte (salaires et charges sur salaires, prix des materiaux, prix des transports, pris des installations de chantier, im­pots sur les transactions), les CGC paraissent prendre en compte n'importe quelle modifi­cation ou introduction de prescriptions legales ou de normes techniques. Certes, les art. 66 ss SIA-118 prevoient deja la maniere d'adapter les effets de la plupart des prescriptions le­gales, mais comment reagir si une prescription legale ou une norme technique a un impact sur le prix de realisation de l'ouvrage sans que cela tombe sous le coup d'une modification

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des prix des materiaux au sens strict de l'art. 74 SIA-118? L'ordre de priorite imposerait neanmoins de retenir uniquement les variations qui peuvent etre rattachees a la norme SIA-118, a moins que les conditions particulieres du contrat ne prevoient specialement la pos­sibilite d'aller au-dela.

Une fois de plus, la lecture des CGC (partie generale) pourrait induire les parties contractuelles en erreur sur les droits qu'elles ont, si elles omettent de considerer strictement l'ordre de priorite des normes. A notre sens, ce resultat en partie insatisfaisant provient du melange entre disposi­tions ayant une force contraignante independante de la norme SIA-118 (parce qu'elles y dero­gent expressement) et les simples rappels ou conseils. Tel est le cas pour l'art. 2.1.2. qui rap­pelle que l'evacuation de l'eau de meteores n'est pas remuneree specialement si l'evacuation est possible sans mesures speciales. L'art. 43 al. 3 SIA-118 qui prevoit une remuneration calcu­lee a des prix unitaires pour les frais des installations d'evacuation avait deja le meme contenu. La difference de formulation pourrait toutefois creer des incertitudes dans les cas limites.

f) Les so retes

Cette partie n'appelle pas de remarques specifiques, puisque les CGC renvoient de maniere generale a la norme SIA-118 (cf. art. 5.1. des CGC). Les sfuetes qui seraientjustifiees par des risques techniques importants OU par des risques financiers devraient de toute maniere etre re­gles dans le contrat de base, comme le releve a juste titre l'art. 5 .2. Celui-ci precise que les par­ties pourront suivre a cet egard le cahier technique SIA 2020 sur les sfuetes de !'entrepreneur dans le contrat d'entreprise.

2. La partie speciale des CGC

Outre une partie generale commune a toutes les CGC, chacune des normes SIA-118/262 a 267 contient une partie dite speciale qui contient de nouvelles indications plus specifiques en fonc­tion du type de construction envisage par la norme consideree.

Nous n'allons pas traiter de l'ensemble des points presentes dans les parties speciales des cinq normes CGC. Nous nous bornerons a faire trois remarques:

1° Les prestations comprises et non comprises. Chacune de ces normes precise de maniere tres detaillee les prestations qui sont comprises dans la remuneration de base et celles qui ne le sont pas. Il s'agit le plus souvent de precisions utiles par rapport aux contenus des de­vis descriptifs.

On decouvre toutefois quelques curios it es. Ainsi, dans les prestations non comprises dans la remuneration contractuelle figure souvent des complements, des modifications deman­dees specifiquement par le maitre, parfois avec !'indication que celles-ci doivent avoir lieu apres la date determinante ("nachtriiglich"). Il s'agit par exemple du deplacement d'echa­faudages (art. 8.2.1. SIA-118/262), mais aussi de mesures a prendre par basses temperatu­res (art. 8.2.4. SIA-118/262)30• Ces deux exemples illustrent bien la difficulte: ou bien il s'agit d'une modification de commande (par exemple d'une modification des conditions d'execution au sens de l'art. 87 SIA-118) qui entraine l'entente sur un prix (unitaire) com­plementaire, ou bien il s'agit d'une modification des circonstances (par exemple des condi­tions meteorologiques defavorables au sens de l'art. 60 SIA-118) et la norme SIA-118 de­termine s'il y a ou non remuneration supplementaire ( exclue sauf convention des parties dans l'hypothese des basses temperatures).

On le voit, soit les precisions tombent sous le coup d'une disposition de la norme SIA-118 et elles valent, soit elles y derogent et ne vaudront que si les conditions particulieres le precisent expressement. On notera egalement que la modification de l'art. 60 SIA-118 qui

30 Voir aussi l'art. 8.2.5. SIA-118/262 sur les effets des orages.

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resulte de l'art. 8.2.4. SIA-118/262 indique ci-dessus ("mesures en cas de basses tempera­tures") n'est pas annoncee expressement comme une derogation a la norme SIA-118. Par­tant, la proposition faite dans la norme d'indiquer que les articles derogeant expressement a la norme SIA-118 l'emporte sur cette derniere serait insuffisante pour permettre a cet art. 8.2.4. de l'emporter sur la norme SIA-118. Le resultat risque des /ors d'inciter les parties a inserer toute une serie de dispositions dans les conditions particulieres reduisant du meme coup l'interet des CGC !

1° Les mesures de surveillance. La partie speciale des CGC decrit de maniere detaillee les obligations des parties contractantes. Elles completent ainsi la partie generale, dont nous avons parle precedemment. Outre les remarques que nous avons deja faites, cela entraine des difficultes de coordination entre les deux parties, puisqu'il existe dans les memes CGC deux listes complementaires d'obligations des parties. Cette partie speciale met aussi a charge du ma1tre d'ouvrage toute une serie d'obligations d'examen qui ne decoulent pas di­rectement de l'art. 34 al. 2 SIA-118 (on y parle d'un droit pour la direction des travaux de surveiller tous les travaux et non d'une obligation). Quelle est alors la portee juridique des ces obligations d'examen imposees par les CGC? Pourrait-on y voir la source pour retenir une responsabilite en cas de defaut ou de dommage pour le ma1tre d'ouvrage qui n'a pas ef­fectue cet examen durant la realisation? On peut en douter. En effet, c'est encore l'entre­preneur qui doit repondre de la bonne realisation de l'ouvrage. On modifierait totalement la fonction du contrat d'entreprise en fondant une responsabilite du maitre s'il n'a pas examine divers aspects de l'ouvrage durant les travaux. En outre, cela derogerait a la norme SIA-118, sans que les CGC ne l'indiquent expressement.

Tout au plus, pourrait-on considerer que ces obligations d'examen detaille pourraient valoir pour la phase de la reception et concretiseraient certaines etapes de la verification de l'art. 158 SIA-118. Certaines formulations utilisees laissent entrevoir que telle n'est pas la vo­lonte des redacteurs des CGC. Par exemple, l'art. 8.3.2.l. SIA-118/262 precise sous "Exe­cution": "Le maftre de l'ouvrage (resp. les personnes de la branche qu'il a mandatees) a !es devoirs suivants : - l 'examen de l 'execution conforme de l 'echafaudage et des coffrages" ou encore - "la surveillance des modifications de formes aux coffrages et echafaudages durant les etapes de betonnage"31 •

3° Les variations de prix. Les parties speciales des CGC relatives a la remuneration varient fortement d'une CGC a l'autre. La seule a traiter specifiquement des variations de prix est la norme SIA-118/263. Elle envisage a l'art. 8.4.3. les modifications des salaires et du prix des materiaux, en precisant les references pour leurs variations (Index-ASM, indications de la Coordination des Services federaux de la construction et de l'immobilier [ci-apres: KBOB]). Pour les prix des materiaux toutefois, l'art. 8.4.3.3. entend prendre comme quan­tite determinante celle au moment de l'achat ("les modification des prix des materiaux sont determines au moment de l'achat d'apres la quantite determinee effectivement"32 alors que l'art. 74 SIA-118 indique les "quantites utilisees durant la periode consideree". Nous voyons la une derogation de la norme SIA-118/263 a la norme SIA-118. Sans mention spe­cifique de l'art. 8.4.3.5. dans les conditions particulieres du contrat de base, c'est le prin­cipe de l'art. 74 SIA-118 qui s'appliquera ! L'art. 8.4.3.5. SIA-118/263 deroge en revanche expressement a l'art. 66 al. 4 1 ere phr. SIA-118 en prevoyant un decompte pour les varia­tions de prix unique au moment du decompte final.

31 Traduction officieuse de la version allemande: "Der Bauherr (bzw. Die van ihm beaufiragten Fachleute) hat folgende Aufgaben: - Priifen der fachgerechten Ausfahrung des Lehrgeriists und der Schalungen .... -Oberwachen der Formiinderungen an Schalungen und Gerusten wiihrend der Betonieretappen".

32 Traduction officieuse de la version allemande : "Materialpreisiinderungen werden auf der tatsiichlich betrojfenen Menge zum Zeitpunkt des Einkaufs ermittelt".

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3. Les CGC et le contrat d'entreprise general

Les quelques remarques evoquees a propos des parties speciales des CGC montrent combien elles peuvent varier l'une de l'autre. Si la partie generale est commune a toutes les CGC, il n'en est vraiment rien des parties speciales.

Ces divergences peuvent etre justifiees dans la perspective d'une relation simple entre maitre d'ouvrage et entrepreneur, elles prennent toutefois une dimension bien plus inquietante dans la perspective d'un contrat d'entreprise general. Une breve explication s'impose.

Le contrat d'ent:reprise general (mais aussi le contrat d'entreprise totale) suppose necessaire­ment une cascade de plusieurs contrats. Le contrat d'entreprise general lui-meme passe entre le maitre d'ouvrage et l'entrepreneur general. Ce contrat pourra etre conclu selon divers modeles. On peut notamment envisager deux hypotheses:

1° Le modele de /'Association Suisse des Entrepreneurs Generaux (ASEG/3• II s'agira alors d'un contrat qui s'inspire largement de la norme SIA-118, a laquelle il renvoie expresse­ment a titre subsidiaire (art. 2.2.1. CGC du contrat d'entreprise generale ASEG).

2° Le modele fonde sur la norme 112 du modele de prestations (contrat SIA 1012/3 par exemple)34. Il s'agir alors d'un contrat en harmonie avec les reglements d'honoraires et de prestations (RHP) (Reglement SIA 102, 103 et 108). La norme SIA-118 sera souvent aussi integree si un architecte joue le role d'entrepreneur total (preparation d'un plan).

Les contrats avec les sous-traitants constitueront la deuxieme serie de contrats. Ces contrats pourront alors integrer notamment les CGC specifiques selon les types de travaux. Il est alors tout a fait possible d'avoir, d'une part, la norme SIA-118, sans veritable modification, applicable entre le maitre d'ouvrage et !'entrepreneur general, et, d'autre part, la norme SIA-118 en partie modifiee entre !'entrepreneur general et les sous-traitants. C'est la que les choses deviennent complexes, en particulier lorsque les divers sous-traitants ont integre d'autres CGC impliquant des derogations differentes de la norme SIA-118 mentionnees dans les conditions particulieres du contrat de sous-traitance!

Nous avons vu que les obligations du maitre ou de la direction des travaux peuvent varier par rapport a la norme SIA-118. Cela peut notamment signifier que l'entrepreneur general est oblige a plus dans ses rapports avec les sous-traitants que ce que lui impose la norme SIA-118 ou le contrat d'entreprise generale passe avec le maitre d'ouvrage. La belle unite du systeme assuree par la norme SIA-118 vole ainsi en eclats.

n est possible que la pratique s'accommode finalement tres bien de ces reglementations diffe­renciees. Il ne faut pas oublier en effet que des modifications standardisees de la norme SIA-118 sont souvent utilisees en pratique et qu'elles varient elles aussi d'une entreprise ou d'un domaine d'activite a l'autre. Si le but des Swissconditions etaient d'apporter plus de clarte dans les relations contractuelles, nous ne sommes en tout cas pas certains qu'il soit vraiment atteint dans l'hypothese de l'entreprise generale.

m. Les reglements SIA 102/103/108 edition 2003: un aper~u En 2003, les joumees de la construction avaient consacre une conference a option aux regle­ments SIA 102/103/108, 112 revises et a leurs nouveautes35 . Nous n'entendons pas reprendre ici tout ce qui a ete presente a cette occasion. 11 se justifie uniquement de traiter particulierement les modifications apportees par !'edition 2003 aux reglements edition 2001. Nous rappellerons

33 La deuxieme edition revisee date de 1995. 34 Pour une presentation du regime, cf. P. PICHONNAZ, JDC 2003, p. 53 ss. 35 P. PICHONNAZ, JDC 2003, p. 53 SS et en part. p. 77 pour Jes honoraires; A. EGLI, BRT 2003, p. 53 SS.

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d'abord les raisons qui ont amene la SIA a modifier a peine deux ans apres l'edition 2001 les "Reglements concemant sur les prestations et honoraires" (ci-apres: RPH) des architectes (SIA-102), des ingenieurs (SIA-103) et des ingenieurs mecaniciens et electriciens, ainsi que des in­genieurs specialises dans les installations du batiment (SIA-108) (A.).

A Les raisons d'une nouvelle modification des RPH

Les nouveaux reglements SIA-102, 103 et 108 sont le resultat d'une evolution en trois etapes:

1° Une modification de /'art. 6 Statuts SIA. En particulier pour repondre aux vreux de l'an­cienne Commission des Cartels, l'assemblee generate de la SIA avait modifie l'art. 6 des Statuts de la SIA en juin 1996, afin que les reglements concemant les honoraires n'aient plus qu'un caractere facultatif. En effet, l'art. 5 al. 3 let. a LCart.36 interdit les "accords cartelaires sur les prix"37•

2° Une adaptation des RPH (1984) dans /'edition 2001. Evidemment, la modification de l'art. 6 des statuts SIA ne suffisait pas encore pour eviter toute poursuite pour accord cartelaire sur les prix si le calcul des honoraires se faisait de la meme maniere pour tous les mem­bres. Une adaptation des RPH 1984 etait des lors necessaire. Les reglements 2001 indi­quaient ainsi clairement dans leur introduction que "/es bases de convention des honorai­res et autres remunerations constituent des directives pour leur determination dans les contrats individuels". Le point principal des nouveaux RPH 2001 portait plutot sur !'har­monisation des prestations avec le reglement SIA-112 sur les modeles de prestations que sur le calcul des honoraires. Celui-ci avait toutefois ete modifie sur plusieurs points et, en particulier, sur le fait que le calcul des honoraires d'apres les couts de construction n'etait plus automatique (art. 5.3. SIA-102 [2001]) ou encore sur la modification des pourcentages attribues aux di verses phases38•

3° Une revision des art. 5 a 7 des RPH (2001). De maniere informelle, la Commission fede­rale de la concurrence ( ci apres : ComCo) a rendu la SIA attentive au fait que les Regle­ments RPH 2001 pourraient ne pas repondre aux exigences de l'art. 5 al. 3 let. a LCart., au vu notamment des decisions rendues pour d'autres associations professionnelles. En effet, le calcul des prix en fonction des couts de construction dependait essentiellement de la valeur des facteurs Kl et K239• Or, en publiant ces facteurs, la SIA donnait une indication permettant d'atteindre un accord de fait sur les prix. Le probleme etait identique pour l'in­dication du taux horaire SIA pour le calcul des prix en fonction du temps utilise. En de­cembre 2002, la SIA (avec l'USIC et la FAS) informait ses membres par courrier qu'elle ne pouvait plus publier ni les valeurs Kl et K2, ni les taux horaires SIA. Ces valeurs ne furent des lors pas publiees pour 2003 et la SIA entreprit de redefinir le calcul des prix dans les reglements 201/103 et 108. L'ironie veut que les valeurs K furent neanmoins communi­quees au public par d'autres organes, puisque le Dipartimento del territorio du canton du Tessin a publie les valeurs Kl et K2 et les taux horaires que les architectes et ingenieurs devaient respecter pour les ouvrages payes par l'Etat ou pour lesquels celui-ci versait des subventions40 !

36 Loi federate du 6 octobre 1995 sur les cartels et autres restrictions a la concurrence (Loi sur les cartels, LCart.; RS 251).

37 Art. 5 al. 3 LCart: " Sont presumes entrainer la suppression d'une concurrence efficace dans la mesure ou ils reunissent des entreprises effectivement ou potentiellement concurrentes, les accords: a. qui fixent directement ou indirectement des prix [ ... ] ".

38 Cf. le tableau comparatif des phases, P. PICHONNAZ, JDC 2003, p. 91, annexe 2. 39 Documentation SIAD 0206, p. 39. 4° FUCT 22/2003 du 18 mars 2003, p. 2095 s.; eg. http://www.ti.ch/CAN/argomenti/FU/l-f.htrnl.

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Ainsi, seuls les articles relatifs aux honoraires (art. 5, 6 et 7) ont ete revises pour repondre aux exigences de la loi sur les Cartels. La modification des art. 5 a 7 des Reglements SIA-102, 103 et 108 a ete adoptee par l'assemblee des delegues le 21 juin 2003.

B Les principales modification de l'edition 2003

La raison principale de la revision de 2003 est de conformer les Reglements SIA-102, 103 et 108 aux exigences posees par la Loi sur !es cartels de 1995 et d'eviter le grief d'accord de fait sur les prix que lui avait fait (informellement) la ComCo.

1. Une volonte de renforcer le caractere contraignant des RPH

En modifiant !'art. 6 des Statuts SIA, la SIA avait renonce a rendre contraignant !'usage des Reglements SIA 102, 103 et 108 pour ses membres. En 2003, nous avions evoque le fait que !'usage du terme "Reglement" comme titre des RPH en lieu et place du terme "norme" ou "di­rectives" nous paraissait approprie, parce qu'il entretenait l'idee du caractere contraignant de !'application des Reglements41 •

La revision partielle des Reglements SIA-102, 103 et 108 n'a pas modifie ce point. Cela ne tient pas uniquement au fait qu'il s'agissait d'une revision uniquement partielle des Reglements, mais aussi a une volonte de la Direction de la SIA de rendre a nouveau plus contraignante !'utili­sation des nouveaux Reglements SIA-102, 103 et 108, edition 2003.

En effet, clans un courrier de decembre 2003, la SIA indique que "la direction veut imposer ces nouveaux reglements". Elle a ainsi decide que "!es contrats conclu desjanvier 2004 sur la base des RPH 2001 et anterieurs ne seront plus soutenus par !es conseils du servicejuridique de la SIA" et qu'en outre des "plaintes relatives au non-respect des regles de comportement peuvent etre adressees au secretariat general de la SIA". Parmi ces regles de comportement figurent notamment celle-ci: " [1.] Les membres de la SIA et les autres professionnels qui appliquent les normes et reglements SIA actuels (instruments de la SIA) ou s'y referent en cas de litige, utili­sent egalement les regles actuelles pour etablir leurs offres d'honoraires et de prestations"' puis plus loin "[2.] ( ... ) L'estimation [du temps de travail] est effectuee en toute connaissance et conscience. Le temps prevu est presente respectivement justifie, de far;on comprehensive et separement dans chaque offre d'honoraire (selon SIA-102, 103, 104, 108, 110, 111, 112; d'apres le temps necessaire, d'apres le cout de l'ouvrage)". TI apparait des lors que la SIA entend rendre plus contraignante !'utilisation des RPH.

En outre, dans un document du 1 er decembre 2004 destine aux medias et intitute "Valeurs Z adaptees pour 2005. Enquete du KOF: temps necessaire revu a la hausse", le president de la commission speciale pour les honoraires de la SIA indique ce qui suit: "Les associations de concepteurs exhortent done leurs membres a presenter des ojfres conformes aux nouveaux re­glements sur !es honoraires. De meme, !es mandants et tout particulierement les pouvoirs pu­blics sont incites a ne demander et a n'accepter que des offres repondant ace critere"42•

Si, conformement a l'art. 6 des Statuts, les RPH ne sont pas contraignants, force est de constater que de facto ils tendent a le devenir.

Quelles peuvent etre les raisons de cette volonte ? Nous en voyons au moins deux:

41 P. PICHONNAZ, JDC 2003, p. 58. 42 SIA, information aux medias du ler decembre 2004, http://www.sia.ch/f/actuel/newslkof.pdf?Lang=f&ID=

5070672, p. 4.

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1° Les RPH 2003 devraient augmenter la prise de conscience du taux horaire. Contrairement aux Reglements concernant les prestations et honoraires de 1984 et partiellement de 2001, les RPH 2003 permettent un calcul des honoraires en fonction de la structure des coil.ts du bureau pour des projets detailles et, partant, permettent aux acteurs de prendre conscience du temps de travail effectivement consacre a un projet 43 • Le calcul reste en partie normali­se comme nous le verrons encore brievement.

2° Les RPH 2003 devraient favoriser une saine concurrence. C'est du moins ce qui pourrait decouler d'un calcul lie a la taille d'un bureau d'une part, au nombre d'heures consacrees a un projet et au taux horaire qui peut varier selon les divers acteurs et l'endroit ou ils exer­cent. Contrairement au RPH anterieurs, il n'y a toutefois pas un calcul fonde uniquement sur un pourcentage du cout de construction; l'analyse est done plus fine et a notre sens plus proche de la realite economique. C'est d'ailleurs ce qu'affirme un communique de presse de la SIA du 1 er decembre 200444:

"Le ca/cul des honoraires selon le temps necessaire, ainsi que la communication se­paree et detaillee du volume d 'heures et de leur taux horaire accroissent la transpa­rence et la valeur informative des offres que /es concepteurs presentent a leurs man­dants. n s'agit d'un modele qui avantage en premier lieu /es professionnels serieux, car ii met plus facilement au jour des pratiques de sous-encheres evidentes. II oblige aussi le maitre de l'ouvrage a se montrer plus critique face aux offres qui lui sont re­mises. Compte tenu dufait que /es couts d'etude ne representent qu'unefraction des couts de construction et d 'exploitation, mais qu 'ifs injluencent notablement ces der­niers, un examen global des offres par le maitre de I' ouvrage devrait toutefois all er de soi."

Suite a une enquete d'avril 2004, la SIA a toutefois constate que nombre des membres entrepri­ses n'utilisaient pas les Reglements SIA 102, 103 et 108 edition 2003. On peut evidemment envisager toutes sortes de raisons. Selon le communique de presse du 1 er decembre 2004, cela serait en partie due au fait que les honoraires calcules etaient generalement inferieurs que ceux obtenus avec l'ancienne methode. La raison de ces montants dans l'ensemble systematiquement inferieurs a ete identifiee par la SIA et corrigee pour 2005. En effet, les temps necessaires eta­blis sur la base des valeurs Z publiees se situaient nettement au-dessous des volumes horaires de travail effectifs45 • Pour 2005, ce facteur a ete augmente en moyenne entre 15 et 28% en fonction des domaines et il sera regulierement reexamine46•

2. Les divers modes de calcul des honoraires

Comme la version 200147, les Reglements SIA-102, 103 et 108 edition 2003 prevoient trois modes de calcul des honoraires48 :

1° Le calcul des honoraires d'apres le temps employe effectif(art. 6).

43 Cf. News du 21.12.2004 "Modifications des statuts, budget 2005 et elections", a consulter sur le site http://www.sia.ch/f/actuel/news/modification.cfm?Lang=f&ID= 1788004 ( demiere consultation le 12 janvier 2005).

44 SIA, infonnation aux medias du 1 er decembre 2004, http://www.sia.ch/f/actuel/news/kof.pdf?Lang=f&ID= 5070672, p. 3.

45 IBIDEM, p. 1 s. 46 IBIDEM, p. 3. 47 Sur une breve analyse de celle-ci, cf. P. PICHONNAZ, JDC 2003, p. 77 ss; A. EGLI, BRT 2003, p. 59 ss; pour la

version anterieure, cf. notamment P. TuRCIERIP. JOYE, Les revisions en cours, JDC 1983 II, p. 57 ss; A. EGLI, Das Architektenhonorar, p. 295 ss.

48 La methode du calcul des honoraires selon le volume de l'ouvrage, rarement utilisee, avait deja ete abandonnee dans !'edition 2001.

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Ce calcul est recornmande pour les etudes et mandats dont l'ampleur est difficile a prevoir OU lorsque le COUt de l'ouvrage est si faible que la remuneration en fonction du COUt serait inequitable. La SIA recornmande de l'utiliser quand les couts des travaux ne depassent pas 500'000 francs. Ce mode de calcul est lui-meme subdivise en trois variantes:

Le calcul d'apres /es categories de qualification (art. 6.2.). Ce mode de calcul se prete particulierement aux prestations a convenir specialement, aux phases de definition des objectifs [art. 4.1.], d'etudes preliminaires [4.2] et d'exploitation de l'ouvrage [4.6]), ainsi qu'a d'autres situations enumerees par l'art. 6.2.1. Les mandataires utilisent leurs propres tarifs horaires en fonction de categories de qualification allant de A a G. La modification de la nomenclature "categorie de remuneration" en "categorie de qualifi­cation" permet de mieux exprimer l'idee que le critere est celui de la fonction exercee par une personne dans l'accomplissement du mandat (art. 6.2.4.). Les attributions des fonctions aux diverses categories n'ont cependant pas change (art. 6.3.5.).

Des lors que la SIA ne publie plus les honoraires moyens pour chaque categorie, cha­que bureau peut fixer ses propres criteres et negocier ou non !'adaptation des honorai­res au rencherissement (art. 6.1.6.). La KBOB a toutefois emis des Recommandations relatives aux honoraires pour 2005, dans lesquelles figurent des montants horaires par categories qui peuvent servir de points de reference49•

Le ca/cul d'apres /es salaires (art. 6.3.). Ce mode de calcul sert avant tout a remunerer des collaborateurs mentionnes nominalement qui sont engages pour des taches compa­rables a celles du point precedent (art. 6.3.1.). Le mandataire peut ajouter un pourcen­tage, specifique a son bureau, pour les frais generaux, le risque et les profits (art. 6.3.2.). Dans l'edition 2001, la SIA s'engageait encore a publier les pourcentages.

Le ca/cul d'apres la remuneration horaire moyenne (art. 6.4.). Ce mode de calcul est adapte surtout "lorsque le mandant peut definir dans une large mesure l'objectif et le but des etapes, des phases OU !'ensemble du mandat" et que "le mandant et l'architecte ont une identite de vues quant aux donnees du problemes et aux exigences" (art. 6.5.1.). Le mode de calcul n'a pas varie, meme si la formule utilise d'autres lettres dans l'edition 2003 (cf. art. 6.4.3.). Pour cette variante egalement, la KBOB a emis un chif­fre (140 francs) dans ses recommandations pour 200450•

2° Le calcul des honoraires forfaitaires (sans prise en compte du rencherissement) ou glo­baux (avec prise en compte du rencherissement) est aussi mentionne a l'art. 5.2.1., sans toutefois etre defini par les Reglements SIA-102, 103 ou 108. Cette lacune est comblee par la formule de contrat 1002 (art. 2.2.). Pour choisir ce mode de calcul, il importe qu'il y ait "un accord prealable sans ambiguite sur les objectifs, les resultats attendus et sur les pres­tations a fournir pour les atteindre" (art. 5.2.4. [2001]). Cette mise en garde est importante, meme s'il est difficile a priori de considerer que les objectifs, les resultats attendus ou les prestations a fournir ont ete definies sans ambiguite. Les consequences d'une execution partielle sur le prix forfaitaire ne sont pas indiquees. Or, le mandant peut revoquer le man­dat a divers moments du processus sans devoir indemniser l'architecte, ce qui entraine des risques importants d'adaptation du prix forfaitaire. Certes, l'art. 5.2.4. dispose qu' "une adaptation des honoraires est a convenir par avance en cas de modification ulterieure des objectifs, des resultats ou des prestations", mais la difficulte de tenir compte des diverses hypotheses auraient du inciter les concepteurs du reglement SIA-102 (2003) a fixer des presomptions pour aider les parties51 •

49 Recommandations KBOB relatives au honoraires 2005 du 16 decernbre 2004, http://www.kbob.ch/ de/publikationen/pdf/honorarempfehlung_ 2005 _ d.pdf ( derniere consultation le 12 janvier 2005).

50 IBIDEM.

51 Pour une analyse des diverses hypotheses, cf. notamment A. EGLI, Das Architektenhonorar, n. 897 ss.

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3° Le calcul des honoraires d'apres le coftt de l'ouvrage (art. 7). L'art. 5.2.3. souligne que !'experience demontre qu'il existe un rapport "entre les couts de construction d'un ouvrage et le temps employe necessaire a l'architecte pour fournir les prestations ordinaires". Ce rapport permet ainsi de determiner le temps moyen necessaire adequat par rapport aux couts de l'ouvrage. Contrairement a l'edition 2001, i1 ne s'agit done pas d'un calcul des ho­noraires selon les couts de construction, mais plutot d'un calcul fonde sur le temps prevu qui lui-meme est estime a partir du cout de l'ouvrage. L'art. 7 .1. indique que ce mode de calcul est adapte pour les phases d'avant-projet, de projet et de realisation (phase 3, 4 et 5). Ce mode de calcul entend done constituer la regle lorsque l'architecte assume la direction des travaux.

La grande difference de l'edition 2003 tient done au reamenagement du calcul des honoraires d'apres le cout de l'ouvrage (art. 7). Nous y consacrons des lors quelques reflexions.

3. Le calcul des honoraires d'apres le coot de l'ouvrage {art. 7)

Le calcul des honoraires d'apres le cout de l'ouvrage est en fait un calcul fonde sur le temps de travail previsible pour la realisation d'un ouvrage determine. Or, prevoir le temps de travail n'est pas chose aisee. La SIA a constate que le temps employe pour les prestations ordinaires des phases 3, 4 et 5 etait en relation avec les couts de l'ouvrage projete. Ce temps moyen (Tm) est ensuite adapte en fonction des specificites et de la composition de l'equipe de travail impliquee dans le projet (facteur i) pour donner le temps prevu (Tp).

Le nouveau mode de calcul des honoraires selon le cout de l'ouvrage depend des lors de deux variables statistiques:

1° Les coefficients Zl et Z2. Ils remplacent les variables Kl et K2 de l'edition 2001. Ils sont deduits de series statistiques testees par le centre d'etude conjoncturelle de l'EPFZ (Kon­junkturforschungsstelle, ci-apres: KOF). L'enquete 2004 a ete menee aupres de membres de la SIA, de l'USIC (Union Suisse des lngenieurs-Conseils) et de la FAS (Federation des Architectes Suisses). Afin de determiner le temps moyen necessaire, quelque mille objets ont ete retenus et evalues. Par le biais des facteurs de ponderation lies a la nature du man­dat, au type de construction et a son environnement, le temps necessaire attribuable a un mandat defini a ete standardise. Le KOF a ensuite applique une analyse de regression a ces resultats normalises pour en deduire le temps moyen necessaire en fonction du cout de l'ouvrage52•

Ces facteurs sont importants pour calculer le facteur de base pour le temps necessaire (p). Celui-ci se determine avec les coefficients Zl et Z2 et le cout de l'ouvrage, TV A exclue (variable B) selon la formule etablie par l'art. 7.2.2.: p = Zl + Z2/iJ3

2° Le facteur n relatif au degre de difficulte selon la division en categories d'ouvrages selon la liste figurant aux art. 7.7. et 7.8. n s'agit d'une variable statistique, puisque decider quel facteur donner a quel batiment depend d'une appreciation statistique de la difficulte de re­alisation des divers types d'ouvrages.

Aces facteurs statistiques s'ajoutent des facteurs qui dependent des caracteristiques du manda­taire ou de l'equipe consideree:

1° Le facteur de groupe i. Ce facteur tient compte de l'ecart au temps moyen necessaire spe­cifique a un groupe (art. 7.11.). Ce facteur est presume egal a 1. L'architecte OU l'ingenieur doit pouvoir justifier le fait qu'un groupe specifique implique un facteur i superieur a 1, ce qui aurait pour consequence d'augmenter le temps prevu (Tp) selon la formule: Tp =Tm* i

52 Documentation SIAD 0206, p. 39.

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(art. 72.3.). Le facteur i est done une donnee individuelle a un bureau specifique et a un groupe specifique pour le projet considere.

2° Le facteur du taux ho:raire h. Le taux horaire offert (h) est defini comme dans le tarif­temps (6.4.3.). Il s'agira en principe d'un tarif/temps moyen lorsqu'une equipe est concer­nee. Les Recommandations 2004 de la KBOB fixent ce taux horaire a Fr. 140.-.

3° Le facteur d'ajustement r, qui est un facteur d'ajustement applique aux honoraires correspondant aux prestations ordinaires pour tenir compte de certaines circonstances exte­rieures rendant la tache de l'architecte ou de l'ingenieur plus difficile ou au contraire plus simple: des circonstances liees au programme, au mandant ou au milieu (topographies, prescriptions speciales etc.). La ponderation se fera entre 0,8 et 1,2 (art. 7.10.3.).

4° Le facteur de part des prestations q. La totalite des prestations des phases 3, 4 et 5 donne le 100% des honoraires calcules selon la methode fondee sur les couts de l'ouvrage. Partant, si un architecte ou un ingenieur n'execute qu'une partie des prestations ordinaires prevues par ces phases OU une partie de ces phases, le pourcentage d'honoraire doit etre re­duit d'autant. Les pourcentages avaient ete modifies dans l'edition 2001, ils n'ont des lors pas ete modifies dans !'edition 2003 (art. 7.9) et sont coherents avec les phases decrites egalement dans le Reglement SIA-112 des modeles de prestations.

En consequence, le nouveau mode de calcul tient bien plus compte des particularites d'une equipe, d'un groupe d'architecte et surtout du temps de travail, tout en le mettant en lien avec le coilt de l'ouvrage.

En effet, le montant d'honoraires total (H) se calcule selon la formule suivante:

H= Tp *s * h

ou Tp =Tm*!

ou Tm= B * p/100 * n * q/100 * r

p etant le coefficient-cle traduisant le cout de l'ouvrage en temps moyen a l'aide des

variables Z

En d'autres termes: H = B * p/100 * n * q/100 * r * i * s * h. Ce qui signifie que dans la rneme formule le coftt de l'ouvrage est mis en lien avec le taux horaire moyen d'un bureau tout en te­nant compte des specificites de l'ouvrage a realiser (n), de specificites du groupe considere (i), des prestations speciales (s) et des ajustements imposes par des difficultes specifiques (r).

Par rapport a la situation de l'edition 2001, l'avantage de cette formule est double:

1° Une plus grande transparence des valeurs statistiques. Elle est fondee sur des valeurs statistiques Zl et Z2 qui sont communiquees et qui font l'objet d'analyses conjoncturelles regulieres. La SIA entend en effet suivre l'evolution du temps consacre a la realisation des ouvrages pour ajuster ce facteur Z selon les besoins. Tel a ete le cas par exemple pour 2005. En effet, suite aux remarques des membres considerant que le montant des honorai­res calcules selon cette methode etait inf erieur a un calcul selon un taux horaire, la SIA a requis une analyse du KOF de l'EPFZ qui a conduit a accroitre pour 2005 les facteurs Zl et Z2 de maniere differenciee selon les professions entre 15 et 28%. L'idee de la SIA est d'as­surer un suivi regulier.

2° Une plus grande prise en compte des particularites des equipes. Sans renoncer au lien avec le cout de l'ouvrage a realiser, cette methode permet de tenir compte d'un taux horaire specifique a chaque bureau, favorisant une saine concurrence, dans la mesure ou le man-

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Les normes de la construction 23

dant dispose du montant des heures envisagees pour la realisation de l'ouvrage et peut ju­ger si le nombre d'heures indique est ou non realiste. En outre, l'existence des Recomman­dations de la KBOB permet d'avoir des valeurs indicatives pour les plus petits bureaux fa­cilitant leur travail. Toutefois, le but meme de cette methode est d'inciter chaque bureau a etablir ses propres valeurs de references, soit de maniere autonome53 , soit a l'aide d'un lo-.. 154 gicie .

Alors qu'en conclusion de la conference a option de 2003, nous predisions la fin de la methode de calcul des honoraires selon le cout de construction, nous devons aujourd'hui reconnaitre que la solution proposee constitue un bon compromis entre les exigences de normalisation du calcul des honoraires face a des ouvrages a chaque fois differents et a l'obligation d'etablir des devis et le besoin d'assurer une certaine concurrence entre les mandataires potentiels. Il nous semble que l'art. 7 des Reglements SIA-102, 103 et 108 a trouve ici une option tout a fait seduisante.

IV. Les normes et le droit public

A Le panorama de la situation actuelle

Si l'on examine dans quelle mesure les developpements decrits jusqu'ici en matiere de normali­sation et de Conditions generales en particulier exercent une influence sur le droit public, on parvient aux constats principaux suivants :

1. Les collectivites publiques n'ont pas developpe de "Conditions generales" et encore moins de "Conditions generales pour la construction". Cela tient au fait que chacune d'elles a ses propres interets et qu'elles ne sont pas groupees en une corporation professionnelle, qui se­rait chargee de defendre la position economique d'une branche.

2. TI serait faux de croire cependant que les Conditions generales au sens large ne jouent pas de role dans l'activite contractuelle des collectivites publiques. Elles sont en effet souvent des maitres de l'ouvrage tres importants et - comme le font souvent ces demiers - elles pre­formulent des clauses qu'elles integrent ensuite dans tous leurs contrats. Ce processus leur permet non seulement d'ameliorer leur position dans le processus pre-contractuel, mais en­core de garantir une unite de doctrine entre toutes les subdivisions administratives qui les representent.

3. Les collectivites sont alors confrontees aux memes problemes juridiques - desormais bien connus - que les autres maitres de l'ouvrage en matiere de contrats d'adhesion; il s'agit en effet de contrats de droit prive. Concretement : quelle est la portee contraignante de dispo­sitions contractuelles preetablies et incorporees dans le contrat par renvoi a des annexes? Quels sont les moyens de defense du partenaire contractuel qui n'en a pas pris connaissance ou qui n'a pas ete en mesure de les discuter ? Dans quelle proportion est-il judicieux ou au contraire risque pour un ma1tre de l'ouvrage de deroger a la loi, voire aux Conditions gene­rales d'autres entites (SIA) que l'on integre au contrat et qui sont elles-memes deja diffe­rentes de la loi ? Depuis pres de trente ans que les Journees suisses du droit de la construc­tion a Fribourg existent, elles ont pratiquement chaque fois aborde ces questions recurren­tes.

4. La situation change cependant quelque peu lorsque ce processus contractuel prend place au sein ou a la suite d'une procedure administrative d'adjudication soumise au droit des

53 Cf. egalement les statistiques de !'Office federal de la statistique et les statistiques de frais generaux et de temps de travail theorique de la documentation SIA DO 178 ( enquete de 200 l ).

54 La SIA propose le logiciel "SIA Too!Contrats" et "usic Calculus" pour calculer le cofit horaire de chaque collabo­rateur et estimer les honoraires pour un projet. Ces programmes sont presentes dans le no 14/2004 de tec21, p. 36.

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marches publics. En effet, les candidats a l'adjudication ne sont alors pas en position de dis­cuter les conditions enoncees dans l'appel d'offres. Voila qui explique sans doute pourquoi le droit des marches publics presente actuellement des developpements importants dans l'optique d'un assouplissement des regles qui limitent les relations entre l'adjudicateur et les soumissionnaires.

5. Les legislateurs (Confederation et cantons) sont desormais confrontes a des problemes si techniques dans le domaine de la construction, qu'ils ont de plus en plus tendance a se refe­rer a des normes privees - essentiellement des normes techniques - dans les reglementa­tions qu'ils adoptent. Cette tendance a la delegation eclaire d'un jour accru les problemes traditionnels de l'autoregulation en droit public.

Ce sont ces deux demiers phenomenes qui font l'objet des paragraphes B. et C. qui suivent.

B Normalisation et autoregulation

Integrer des normes techniques privees dans la reglementation etatique est une forme d'autore­gulation; son developpement est une tendance generale perceptible dans notre ordre juridique (1.). elle pose des problemes concrets dans le secteur specifique de la construction (2.).

1. Les tendances generales dans l'ordre juridique (suisse)

L'anglicisme "autoregulation" designe le mecanisme par lequel le legislateur renonce a regle­menter l'etat de fait pour lequel il a identifie un besoin d'intervenir et deceme un mandat correspondant a un organisme professionnel, qui edictera a cet effet des normes privees. Ce mecanisme se rattache a toutes les formes de delegation que les ordres juridiques pratiquent depuis longtemps, en proie qu'ils sont a la complexite des situations dans notre societe haute­ment technicisee. Il en va ainsi en particulier de toutes les clauses generales (Blankettnormen) de renvoi a des dispositions techniques quand le juge applique la loi55• L'autoregulation est un phenomene de coreglementatfon, en ce sens que l'Etat accompagne les professionnels dans leur regulation, par opposition a la situation ou ces demiers se debrouillent seuls, sans inter­vention legislative. Le processus actuel tres soutenu de normalisation, standardisation et certifi­cation dans tous les secteurs d'activite contribue a multiplier les cas d'application de ces techni­ques par lesquelles l'ordre juridique integre et officialise des normes privees.

L'admissibilite de cette delegation fait depuis toujours l'objet de controverses dogmatiques en droit public, en particulier pour ce qui a trait a sa base legale, son etendue et son controle56• Le droit suisse n'est a cet egard pas tres formaliste: le Tribunal federal a toujours admis la delega­tion, du moins lorsqu'elle est propre a atteindre le but de la loi et si son application n'a pas pour effet d'enteriner une derogation a des regles edictees dans l'interet public57•

Ces demieres annees, l'autoregulation a globalement gagne en importance. On en veut pour preuve que la Societe suisse des juristes a mis ce theme a l'ordre du jour de son congres 2004 a Bale. Les rapports presentes a cette occasion examinent tous la portee actuelle de l'autoregula­tion dans les divers domaines du droit, y compris dans ceux qui touchent a la construction comme le droit de la protection de l'environnement58•

55 Sur Jes divers mecanismes de delegation en droit suisse, cf. p. ex. BRUNNER, p. 25 ss; MARTI A., Selbstregulie­rung anstelle staatlicher Gesetzgebung?, p. 561 ss.

56 En droit suisse, cf. KNAPP, La collaboration des particuliers et de l'Etat a !'execution des taches d'interet general, p. 367 ss; plus generalement, p. ex. MAXWELL et alii., Self-regulation and Social Welfare: The Political Economy of Corporate Environmentalism, p. 583 ss.

57 ATF 107 lb 129; 105 IV 264. 58 Cf. U. BRUNNER, Regulierung, Deregulierung und Selbstregulierung im Umweltrecht, RDS 2004 II, p. 328 ss; A.

FLDCKIGER, Regulation, deregulation, autoregulation: l'emergence des actes etatiques non obligatoires, RDS 2004

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Ils mettent en lumiere les avantages et inconvenients suivants :

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1. Au chapitre des avantages, on relevera que : (1) l'autoregulation s'inscrit parfaitement dans le processus de neo-corporatisme en cours depuis les annees 70. Elle est le meilleur support des normes de comportement que la deontologie professionnelle cree spontanement. Dans de nombreux marches, elle correspond a une longue tradition, ce qui est un acquis non ne­gligeable en terme de securite juridique et d'effectivire de !'intervention. (2) L'autoregula­tion presente la souplesse necessaire pour s'adapter a !'evolution incessante, a la diversite et la complexite des secteurs industriels. (3) Lorsque l'etat de fait a reglementer presente un caractere international, l'autoregulation s'avere une forme d'intervention precieuse, compte tenu des limites de juridiction, des difficultes que pose encore la coordination inter-etatique et de la facilite qu'a desormais le marche des produits et des services a s'affranchir geogra­phiquement d'une legislation desavantageuse.

2. Pour ce qui est des limites: (1) l'autoregulation peut devenir un moyen d'eviter ou de retar­der une intervention etatique qui pourrait s'averer defavorable aux interets du secteur eco­nomique vise. Si tel est le cas, l'autoregulation ne peut alors plus garantir qu'elle poursuit un but d'utilite generale. (2) L'autoregulation ne peut compter sur aucun autre instrument de sanction que les mecanismes sociaux, tels que la reprobation, le boycott ou la desaffecta­tion. Ceux-ci doivent leur efficacite uniquement a la pression que le marche leur octroie. Or, cette pression n'est pas importante pour les acteurs peu soucieux de leur reputation. (3) Les organismes professionnels manifestent une certaine tendance a adapter leurs normes aux imperatifs commerciaux de la concurrence; il n'est alors plus possible de dire que l'au­toregulation tient egalement compte des interets des consommateurs. ( 4) L'autoregulation equivaut a une reglementation et un controle des professionnels par leurs pairs, qui sont aussi leurs concurrents. Elle peut ainsi etre un moyen d'introduire des distorsions de concurrence, par des restrictions d'acces au marche; dans ce cas, elle contrevient a l'objectif de protection que le Iegislateur poursuit.

2. Quelques problemes concrets en droit de la construction

Le droit public de la construction a l'habitude de faire appel aux normes privees tres specifi­ques, tres techniques et pour lesquels les standards de production evoluent rapidement. Quel­ques exemples dans divers domaines de la construction, qui attestent que cette reception des normes privees se rencontre tant en droit federal qu'en droit cantonal (communal); sans sur­prise, ce sont les normes de la SIA et de la VSS qui sont visees :

1. A l'art. 32 OPB, le Iegislateur impose au maitre de l'ouvrage d'un nouveau batiment de s'as­surer que !'isolation acoustique des elements exteneurs et des elements de separation des locaux a usage sensible au bruit, ainsi que des escaliers et des equipements, satisfont aux "regles reconnues de la construction". A cet effet, les exigences de la Norme SIA 181 sont expressement applicables (al. 1 in fine).

2. En vertu du ch. 512 de !'Annexe 2 de l'OPair, lors de la construction d'une installation d'elevage, il y a lieu de respecter les distances minimales jusqu'a la zone habitee, requises par les regles de l'elevage. Sont notamment considerees comme telles les recommandations de la Station federale de recherche d'economie d'entreprise et de genie rural.

3. A l'art. 41 du Reglement d'application de la Loi vaudoise sur l'amenagement du territoire et les constructions (RATC), le legislateur declare obligatoire les regles relatives a la protec­tion thermique des batiments en hiver, telles qu'etablies par la SIA (document SIA 380/1).

II, p. 179 ss; L. MADER, Regulierung, Deregulierung, Selbstregulierung: Anmerkungen aus legistischer Sicht, RDS 2004 II, p. 36 ss; A. RUCH, Regulierungsfragen der Gentechnologie und des Internet, RDS 2004 II, p. 419 ss; J.-B. ZUFFEREY, (De-, re, sur-, auto-, co-, inter-) reglementation en matiere bancaire et financiere - theses pour un etat des lieux en droit suisse, RDS 2004 II, p. 588 SS.

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4. En vertu de l'art. 40a du meme Reglement cantonal, les communes ont desormais !'obliga­tion d'inserer dans leur planification des prescriptions qui limitent les places de pare. Si el­les ne le font pas, c'est alors la Norme VSS N° 640 290 qui s'applique automatiquement. Cette demiere adopte une optique environnementale puisqu'elle impose des facteurs de re­duction en fonction de l'offre en transports publics qui existe dans le secteur conceme; !'impact de cette norme est tres fortement ressenti par les promoteurs des projets genera­teurs de grand trafic (centres commerciaux, installations sportives ou de loisir) et elle tran­che completement par rapport a l'approche traditionnel du droit de l'amenagement du terri­toire (art. 19 LAT) qui imposait au contraire de prevoir un nombre de places correspondant a celui des utilisateurs potentiels.

Ce type de normes privees et la multiplication de leur integration dans le droit public de la construction exacerbent les problemes rappeles ci-dessus (ch. 1):

1. D'abord, ce serait un leurre de croire que renvoyer a des normes techniques evite tous les problemes d'application dans chaque cas concret. Les juridictions administratives seront confrontees aux memes questions que lorsqu'elles appliquent le droit etatique : il s'agira pour elles d'interpreter la norme, de verifier qu'elle ne genere pas une atteinte a la propriete disproportionnee et qu'elle n'aboutit pas a un resultat arbitraire. Ainsi en matiere d'odeur du betail et de distance minimale par rapport aux installations d'elevage59•

2. Qui dit droit administratif et restriction de la propriete des administres dit principe de lega­lite. Or, les exigences de cette demiere ne sont pas toujours pleinement satisfaites ou en tout cas pas de maniere evidente pour le citoyen non specialise. Trois illustrations :

Lorsque la legislation designe expressement les normes techniques applicables, mais que celles-ci ne sont pas faciles a consulter. Ainsi pour les prescriptions de !'Office fe­deral de l'environnement, des forets et du paysage qui renvoient a des normes euro­peennes. Au demeurant, il faut ici souligner que le processus de normalisation genere une reception toujours plus forte du droit europeen en droit public suisse de la cons­truction, nonobstant le fait que notre pays demeure en dehors de !'Union europeenne.

Si la legislation mentionne bel et bien une norme privee, mais que cette demiere a change depuis lors. On ne peut que suggerer au Iegislateur d'utiliser une formulation de renvoi aussi generale que possible, car il ne sera pas en mesure de modifier la legisla­tion chaque fois qu'une norme privee est adaptee a !'evolution des techniques de cons­truction et de planification.

Lorsque la disposition Iegale litigieuse ne mentionne pas expressement la norme tech­nique que l'autorite applique spontanement. Ainsi lorsque l'autorite cantonale vaudoise se rerere a la Norme VSS N° 640 065 sur le trafic des vehicules a deux roues legers pour imposer a partir de l'art. 32 RATC des equipements de parcage dans les nouvelles constructions. A lire cet art. 32, on a le sentiment qu'il ne s'agit pas d'une norme envi­ronnementale, mais bien plutot d'une regle classique de police des constructions au meme titre que les prescriptions en matiere de chauffage, buanderie et ventilation.

3. Toujours sous l'angle de la Iegalite, l'autorite ne saurait passer outre les prescriptions lega­les de rang superieur en appliquant des normes techniques a un cas concret, ceci meme lorsque ces demieres sont designees expressement dans la legislation applicable. Il existe ainsi un risque d'incompatibilite, que le Tribunal federal a deja eu !'occasion de reconnai­tre60. Ce risque est cependant restreint dans les cas ou ladite legislation contient des clauses generales; la norme technique peut alors etre consideree comme !'expression du standard

59 Exemples: TF 12.11.2001; DEP 2002, p. 97 =BR/DC 2002, p. 125 N° 356; TF 3.10.2001; RDAT 1-2002, N° 68 =BR/DC 2002, p. 125 N° 359.

60 DEP 1999, p. 264 apropos de la Norme SIA 181 en lien avec les art. 11et15 LPE.

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actuel, de la regle de l'art de batir. Exemple concret : en matiere de protection de l'environ­nement contre la pollution atmospherique, l'art. 11 al. 2 LPE demande a tous les detenteurs d'installations de limiter les emissions dans la mesure que permettent l'etat de la technique et les conditions d'exploitation et pour autant que cela soit economiquement supportable (principe de prevention); il doit des lors etre possible d'appliquer aux procedures de planifi­cation du territoire les Normes VSS sur les places de stationnement (et leur reduction) lors­que le secteur est bien equipe en transports publics et que la pollution atmospherique y de­passe les valeurs limites d'immission61 •

4. Meme si la norme privee appliquee dans un cas concret correspond effectivement au stan­dard technique actuel, le risque demeure qu'elle ne tienne pas compte de tous les interets en presence ou ne les pondere pas dans le sens de l'interet public (risque de :rep:resentativite). Dans les autres domaines du droit qui connaissent un probleme similaire, la doctrine sug­gere de mettre en place un processus de validation des normes privees, au cours desquels les destinataires de ces dernieres sont imperativement consultes62 • Pour l'heure, i1 faut constater que les "consommateurs" en matiere de produits, travaux et services de construc­tion ne sont pas organises pour assurer la defense de leurs inten~ts.

C Les normes privees et les marches publics

Depuis que le droit des marches publics a pris son essor en Suisse (1 er janvier 1996), les normes privees (techniques et contractuelles) soulevent des problemes; ils sont globalement lies a leur integration dans le processus de mise en soumission. Le theme le plus immediat a ete celui des "specifications techniques", car leur caractere national ou local en fait un instrument tentant de discriminer les soumissionnaires etrangers voire de les exclure totalement. A suivre les deve­loppements recents de la jurisprudence et de la pratique, deux questions ont gagne en impor­tance et genereront vraisemblablement des changements legislatifs a terme : la negociation contractuelle (1.) et le dialogue competitif (2.).

1. Les normes contractuelles et leur negociation

De maniere generale, le droit des marches publics n'aime pas les negociations contractuelles, car il y voit un risque de discrimination entre les candidats et done de distorsion de concur­rence. En droit cantonal, les legislations exigent en principe que les offres soient faites par ecrit et remises sous pli ferme; elles ne peuvent ensuite plus etre rnodifiees. Dans la meme concep­tion, l'art. 11 lit. c AIMP interdit les negociations sur les prix, les remises de prix et les modifi­cations de prestations. En droit federal, les negociations ne sont permises que si elles sont an­noncees expressement au debut de la procedure et moyennant des conditions de forme tres strictes.

Ce carcan s'accommode mal de la realite des marches publics, qui est certes une procedure ad­ministrative mais greffee sur une realite de nature contrnctuelle : les grands adjudicateurs integrent leurs Conditions generales et leurs contrats pre-formules dans les documents d'appel d'offres, puis procedure de soumission les incitent a modifier ces documents en fonction des offres qu'ils res;oivent. On voit des lors se developper de multiples formes de "negociation" au sens large, qui sont le support de pourparlers inevitables entre futurs partenaires sur un projet.

En voici le repertoire63 :

61 Dans ce sens, cf. la decision du Conseil d'Etat vaudois en date du 4 juin 2004. 62 Pour plus de details, L. THEVENOZ, Pas d'autoreglementation sans consultation, in Heritier Lachat/Hirsch (edit.),

De lege ferenda, Reflexions sur le droit desirable en l'honneur du Professeur Alain Hirsch, Geneve 2004, p. 300 SS.

63 Pour un excellent arret qui offre une vue d'ensemble, TA VD du 4 juillet 2003 (affaire GE 2003/0038).

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1. La procedure d'epuration des offres, qui a pour objectif de les rendre comparables les unes aux autres, et qui implique parfois que les soumissionnaires foumissent des explications complementaires a l'adjudicateur.

2. C'est dans cette phase d'epuration que peut intervenir la correction d'erreurs evidentes, tel­les des erreurs de cakul ou d'ecriture.

3. Les modifications de projet, voire des offres elles-memes avant l'echeance du delai fixe pour leur depot. Il n'y a pas d'obstacle a une modification de projet, pour autant que celui-ci soit annonce a !'ensemble des soumissionnaires et que le delai pour le depot des offres soit adapte en consequence.

4. Les modifications posterieures a l'ouverture des offres sont possibles pour autant que cer­taines conditions soient respectees : information non-discriminatoire a tous les soumission­naires retenus; temps suffisant pour qu'ils recalculent l'integralite de leur offre; modifica­tion qui ne porte que sur des elements limites, sans consequence pour l'economie generale du projet.

5. La mise au point du contrat posterieurement a l'adjudication, qui doit cependant rester tres limitee et ne porter que sur des points secondaires.

6. A mentionner egalement le renouvellement de l'appel d'offres si aucune offre n'est com­plete, une procedure en complement des offres ou encore l'adjudication de gre a gre des marches complementaires, pour de nouvelles prestations convenues apres !'adjudication du marche de base.

En soi, il faut saluer ces possibilites. Il est en effet primordial que les projets puissent vivre et profiter au maximum aux adjudicateurs; ces demiers doivent done pouvoir s'impliquer dans leur developpement et ne pas rester bloques passivement derriere les prescriptions du droit des mar­ches publics.

2. Les formes alternatives demise en concurrence

Dans la meme perspective contractuelle, on voit se developper desormais diverses formes de procedures alternatives destinees a permettre aux futurs partenaires d'optimiser leur projet et leurs relations.

Le droit europeen des marches publics lui-meme donne le la lorsque dans ses directives revi­sees de 2004, il introduit officiellement la procedure du dialogue competitif ( der wettbewer­bliche Dialog)64• Elle designe une procedure dans laquelle l'adjudicateur conduit un dialogue avec les candidats, en vue de developper une ou plusieurs solutions aptes a repondre a ses be­soins et sur la base de laquelle les candidats selectionnes seront invites a remettre une offre. Cette procedure est reservee pour les projets particulierement complexes, l'adjudicateur doit prevoir des prix ou des paiements pour les candidats qui participent au dialogue et leurs droits de la propriete intellectuelle doivent etre respectes.

D'autres solutions encore existent pour assouplir les regles d'adjudication actuelles et permettre le dialogue necessaire aux grands projets, en particulier pour les prestations de conception. Contrairement a ce qui se passe par exemple en droit allemand, le droit suisse ne les dispense en effet pas des procedures de soumission65 • L'idee serait que les legislateurs suisses officiali­sent ces possibilites, les norment et les mettent ainsi a disposition des adjudicateurs, qui les

64 Pour une presentation des chapitres les plus importants de ces nouvelles directives, cf. les diverses contributions rassemblees in La nouvelle Directive europeenne 2004/18/CE vue de la Suisse, BR/DC 4/2004, p. 161 ss.

65 Tout au plus voit-on certains droits cantonaux introduire un plafond du gre a gre plus eleve pour Jes prestations de services qui comportent des elements de conception; ainsi en droit valaisan (cf. G. Fauchere Jacquemin, Mar­ches publics: !es nouveautes les plus marquantes de la legislation valaisanne, BR/DC 2/2004, p. 76 ss).

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choisiraient dans le respect des exigences de la transparence. On peut les classer en trois cate­gories66:

1. Les marches et prestations dont l'adjudicateur est en mesun~ de definir avec precision tant l'objet que l'objectif. En plus des procedures ordinaires (ouverte OU selective), l'adju­dicateur aurait a disposition l'appel d'offres avec variantes, l'appel d'offres remunerees (les soumissionnaires doivent foumir des services d'etude ou de conception pour 6laborer leur offre ), l'appel d'offres plafonnees (les soumissionnaires foumissent des offres dont le contenue differe fortement du point de vue qualitatif) et la soumission fonctionnelle (l'ad­judicateur ne decrit que l'objectif et laisse aux soumissionnaires le soin de definir les moyens de l'atteindre; cette procedure ne convient que pour des prestations de travaux).

2. Les marches et prestations dont l'adjudicateur peut definir l'objectif, mais pas l'objet car il s'agit de services intellectuels. Seule la procedure de concou:rs ( d'etudes ou d'etudes et de realisation) est alors adequate67•

3. Les marches et prestations incluant ou portant sur des services particulierement com­plexes dont l'adjudicateur n'est en mesure de decrire ni l'objet ni l'objectif. lei, le legislateur devrait songer a developper une procedure de "dialogue concurrentiel", a l'image de ce que le droit europeen propose desormais.

V. Conclusion Il est temps de conclure par une appreciation des nouveautes que nous avons commentees. Pour ce qui est du droit prive, nous ferons ainsi deux constats et formulerons un vreu.

1° Les CGC avaient pour but de ne pas modifier la norme SIA-118, tout en concevant des conditions generales specifiques a certains domaines de la construction. Le resultat obtenu ne nous parait pas totalement satisfaisant pour deux raisons au moins:

a) L'incertitude sur la portee obligatoire des dispositions pour les praticiens. En melant des conseils aux praticiens avec de veritables regles de droit, les CGC creent une in­certitude pour le praticien de la construction sur les regles qui ont vraiment force obligatoire pour lui. Cette incertitude est encore accrue par le fait que des regles clai­res, mais qui derogent a la norme SIA-118, ne valent que si elles sont expressement reprises dans les conditions particulieres du contrat. Or, de nombreuses dispositions derogent a la norme SIA-118, le plus souvent sans le dire, parfois sous forme de pre­cisions qui de fait modifient le regime de la norme SIA-118. Le resultat pratique sera probablement une incertitude importante sur la portee respective des diverses regles.

b) L'augmentation du nombre des conditions particulieres. En conservant la priorite de principe de la norme SIA-118 sur les CGC, les redacteurs ont cree un systeme qui im­plique de faire figurer toutes les derogations dans les conditions particulieres du contrat, par une indication generale ou specifique. Le nombre des conditions particu~ heres risque des lors d'augmenter. Des CGC specifiques a une activite devraient plutot permettre de reduire le nombre des "conditions particulieres" du contrat. Face a un tel constat, on peut vraiment encourager les parties a analyser dans le detail les CGC qui peuvent s'appliquer a leur situation et a reprendre directement dans !es conditions particulieres, une fois pour toutes, les regles des CGC qui leur paraissent utiles. Ce n'est qu'ainsi qu'elles pourront savoir plus precisement sous quel regime juridique el­les vont travailler.

66 Ces categories se fondent sur !'expertise menee par l'Institut du droit de la construction pour la Confederation en 2004 (La procedure de concours et les autres procedures speciales applicables aux marches incluant des presta­tions intellectuelles, a paraitre prochainement Sur Je site www.admin.ch).

67 A signaler ici la these de J. Dubey, Le concours en droit des marches publics, Fribourg 2005 (a paraitre).

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2° Les reglements SIA 102/103/108, edition 2003, constituent un bon compromis pour le calcul des honoraires entre un calcul en fonction du temps effectif, qui est difficile a pre­voir pour des projets importants, et un calcul selon le cout de l'ouvrage, qui ne tenait pas compte du temps de travail dans !'edition 2001. L'approche choisie permet de tenir compte d'une relation averee entre temps de travail et cout de construction: le travail d'estimation est simplifie, mais l'architecte peut integrer aisement dans son offre les specificites indivi­duelles de son groupe de travail et les circonstances particulieres du projet. L'art. 7 SIA-102/103/108 transforment ainsi de maniere convaincante le cout de l'ouvrage en temps de travail "normalise", tout en permettant la concurrence entre architectes/ingenieurs. Pour autant que le coefficient Z soit correctement fixe, nous avons le sentiment que les prati­ciens auront vraiment interet a utiliser ce mode de calcul des honoraires.

Conformement a l'air du temps, les CGC proposent de recourir a un regime de resolution des litiges de construction par la mediation ou des reglements extra-judiciaires, Dans les grands chantiers notamment, la pratique montre qu'une telle approche porte souvent ses fruits. Nous regrettons cependant que les CGC n'aient pas rendu cette solution obligatoire, Emettons des lors le vreux que la SIA ait le courage de reviser la norme SIA-118 sur ce point, en prevoyant des regles contraignantes sur la resolution des litiges par la mediation et des mesures de regle­ment extra-judiciaire des differends.

Pour ce qui est du droit public, il faut constater que les normes privees (techniques ou contractuelles) jouent desormais un role accru, que ce soit directement a travers les mecanismes de renvoi et d'autoregulation ou indirectement lorsque les collectivites publiques concluent des contrats de droit prive (entreprise ou mandat), Cette evolution doit etre saluee comme un effort d'efficacite - en particulier sous l'angle de !'utilisation des deniers publics - mais a la condition que les legislateurs en matiere de construction continuent a assumer leur role; il leur appartient de marquer quels sont les interets publics a preserver et quel est l'ordre de priorite entre tous les inten~ts en presence lorsqu'il s'agit de realiser de grands projets de construction, Ce sont la des choix de societe que le souverain ne peut pas deleguer a des organismes prives; c'est particulie­rement vrai dans le domaine de la protection de l'environnement, comme le montre les debats actuels en lien avec le droit de recours des organisations,

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