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1 Les Nymphéas de Claude Monet L’œuvre artistique et poétique d’une vie Dossier documentaire et pédagogique Ce dossier s’adresse aux enseignants du primaire au lycée, afin qu’ils puissent : - mener une visite libre en disposant des repères nécessaires pour que leur visite soit la plus complète possible ; - ou sensibiliser les élèves préalablement à une visite conférence ou un atelier, proposés par le musée de l’Orangerie. Il se divise en deux parties : - Un premier chapitre vous donne les éléments historiques et artistiques nécessaires pour comprendre les Nymphéas et mettre en place un projet pédagogique. - Un deuxième chapitre vous donne des éléments concrets de lecture de l’œuvre.

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Les Nymphéas de Claude Monet

L’œuvre artistique et poétique d’une vie

Dossier documentaire et pédagogique

Ce dossier s’adresse aux enseignants du primaire au lycée, afin qu’ils puissent : - mener une visite libre en disposant des repères nécessaires pour que leur visite soit la

plus complète possible ; - ou sensibiliser les élèves préalablement à une visite conférence ou un atelier, proposés

par le musée de l’Orangerie. Il se divise en deux parties :

- Un premier chapitre vous donne les éléments historiques et artistiques nécessaires pour comprendre les Nymphéas et mettre en place un projet pédagogique.

- Un deuxième chapitre vous donne des éléments concrets de lecture de l’œuvre.

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TABLE DES MATIERES

CHAPITRE I ............................................................................................................................ 4

Données historiques et artistiques ..................................................................................... 4

I- Sur le chemin des Nymphéas : du Havre à Giverny ..................................................... 5 I-1) Biographie succincte de la vie personnelle de Claude Monet ........................................................... 5

I-2) Une exigence artistique : un travail en quête de perfection, entre succès et échecs, confiance et doute ................................................................................................................................... 5

I-3) Au fil de ses voyages : son travail sur la couleur, la lumière et l’eau ................................................ 8

II- La création Nymphéas : de Giverny au musée de l’Orangerie ................................. 10 II-1) Une source d’inspiration: le jardin de Giverny ............................................................................... 10

II-2) Des petits tableaux au grand décor : l’élaboration d’un hymne à la paix ...................................... 11

II-3) Les Nymphéas en quelques chiffres ............................................................................................... 12

III- Analyse et héritage d’un chef d’œuvre .................................................................... 13 III-1) Une immersion dans la nature ...................................................................................................... 13

III-2) La notion d’un temps infini ............................................................................................................ 15

III-3) Une œuvre sensible, et non théorique .......................................................................................... 15

III-4) La révélation du peintre au spectateur : voir autrement, voir l’invisible ...................................... 17

III-5) Le spectacle de la nature : à la découverte d’un monde féérique ................................................ 18

III-6) Un précurseur et ses héritiers ....................................................................................................... 18

Conclusion ...................................................................................................................... 20

CHAPITRE II ......................................................................................................................... 21

Éléments pédagogiques pour préparer une visite ........................................................... 21

I- Réserver une visite ...................................................................................................... 22 I-1) Activités proposées.......................................................................................................................... 22

I-2) Modalités de réservation ................................................................................................................. 22

I-3) Tarifs et informations pratiques ...................................................................................................... 29

II- Visiter Les Nymphéas ................................................................................................. 30 II-1) Le vestibule : introduction à l’œuvre et son créateur .................................................................... 30

II-2) La salle 1 : faire l’expérience de l’œuvre ........................................................................................ 30

II-3) La salle 2 : observer l’œuvre dans ses détails ................................................................................. 35

II-4) Les salles 1 et 2 : aller au-delà de l’œuvre ...................................................................................... 38

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« Poète tu es au Paradis »

Le poète est Cézanne, Michel Ange, Monet Magritte ou bien Renoir, Picasso ou Manet

Botticelli, Rembrandt, Ingres ou Raphael Sisley, Corot, Degas, Gauguin, Rubens, Bruegel

Poète peint ta toile, tu es au Paradis

Winston Perez, 1979

De l’acte de créer (du grec poiein) est né le poète (du grec poiêtês).

Ainsi, le peintre est un poète : ce que le poète écrit de sa plume, le peintre le dépeint de son pinceau. Formant un seul et même artiste, le poète et le peintre offrent à notre regard des créations qui sont autant de reflets d’eux-mêmes et de messages qu’ils nous transmettent, à nous lecteurs d’œuvres poétiques et picturales.

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CHAPITRE I

Données historiques et artistiques

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I- Sur le chemin des Nymphéas : du Havre à Giverny

I-1) Biographie succincte de la vie personnelle de Claude Monet

• 1867 : naissance de son fils Jean.

• 1870 : il épouse la mère de son enfant Camille Doncieux à Paris.

• 1874 : il déménage boulevard St-Denis en face de la gare Saint-Lazare.

• 18 novembre 1870 : Bazille meurt à la guerre franco-prussienne.

• 30 mars 1878 : naissance d’un deuxième enfant, Michel.

• 1878/9 : s’installe à Vétheuil (Normandie).

• 5 septembre 1879 : sa femme décède.

• Décembre 1881 : il déménage à Poissy avec Alice Hoschedé (la femme du collectionneur et

marchand Ernest Hoschedé).

• 1883 : Monet s’installe en tant que locataire à Giverny. La même année décède Manet.

• 1890 : il achète la maison de Giverny et commence à en modifier profondément le jardin.

• 1892 : épouse Alice Hoschedé et il marie sa fille Suzanne.

• 1911 : sa femme Alice Hoschedé décède.

• 1914 : décès de son fils aîné Jean, mort de maladie

• 1923 (à partir de) : il se fait opérer de la cataracte.

• 5 décembre 1926 : il meurt à l’âge de 86 ans.

I-2) Une exigence artistique : un travail en quête de perfection, entre succès et échecs,

confiance et doute

Claude Monet est l’un des artistes français les plus célèbres de la fin du XIX° siècle et du

début du XX° siècle. Cette reconnaissance fut le fruit d’un travail acharné mené tout au long de sa

vie jalonnée de succès le confortant dans son travail, et d’échecs l’amenant à s’interroger sur la

qualité de son travail.

Le peintre a lui-même exprimé ses sentiments dans des lettres adressées à ses amis. Ainsi

jusqu’à la fin de sa vie, qu’il passe dans son refuge de Giverny, il continue de douter de lui-même,

comme en témoigne sa lettre à Caillebotte (Giverny, 4 septembre 1887) : « Depuis un mois je ne

puis rien faire de bon. J’ai gratté et crevé à peu près tout ce que j’avais fait et je suis très dégouté

de moi : un été superbe perdu. Ah la peinture, quelle torture ! Décidément, je ne suis rien de

rien. ». De même, la lettre qu’il écrit à G. Bernheim- Jeune (Giverny, 3 août 1918) : « […] je n’ai

plus longtemps à vivre et il me faut consacrer tout mon temps à la peinture, avec l’espoir

d’arriver enfin à faire quelque chose de bien, me satisfaire si possible. » L’année de sa mort, en

1926, alors qu’il achève la création des Nymphéas, il craint même de ne pouvoir terminer son

œuvre, comme il l’écrit à Georges Clémenceau (Giverny, 18 septembre 1926) : « Sachez enfin que

si les forces ne me reviennent pas assez pour faire ce que je désire à mes panneaux, je suis

décidé à les donner tels qu’ils sont ou tout au moins en partie ».

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Evènements de la vie de Monet révélateurs des succès qu’il connut

• 1865 : le jury du Salon accepte deux de ses paysages : premier succès officiel ; au printemps il

va à Chailly : il y commence son travail sur le Déjeuner sur l’herbe (études préparatoires) qu’il

termine dans son atelier à Paris à l’automne.

• 1868 : une marine du Havre est acceptée au Salon grâce au peintre Daubigny.

• 8 mai 1871 : il présente avec Pissarro des toiles à l’ « Exposition internationale des beaux-arts »

qui s’ouvre à Kensington.

• 1872 : il vend 38 toiles dont 29 à Durand-Ruel.

• 1873 : autre très bonne année féconde en termes de création et de vente.

• 1874 : première exposition impressionniste par la société anonyme coopérative des artistes-

peintres, sculpteurs, graveurs, etc.., du 15 avril au 15 mai dans l’atelier de Nadar (Monet expose

notamment Impression, Soleil Levant). La société est dissoute en décembre 1874 mais les

expositions reprendront en 1876.

• 1876 : deuxième exposition impressionniste dans la galerie Durand-Ruel : apparaissent de

nouveaux acheteurs comme Caillebotte.

• 1880 : il retente une présentation au Salon : une toile est retenue ; il abandonne les expositions

des impressionnistes dits « artistes indépendants », ce qui ne fait que confirmer l’éclatement du

groupe.

• 1882 : participe à la septième exposition des artistes indépendants pour aider Durand-Ruel

affecté par le krach de la banque de l’Union générale.

• 1882-85 : il réalise la décoration du grand salon de l’appartement de Durand-Ruel.

• 1886 : Monet se partage entre les deux marchands : Durand-Ruel (qui fait face à des difficultés

financières de plus en plus accrues), et Georges Petit (qui organise chaque année des expositions

internationales auxquelles Monet participe, comme en 1886). Monet participe également à

l’exposition organisée à New-York par Durand-Ruel « Œuvres à l’huile et au pastels des

impressionnistes de Paris ».

• 1889 : Exposition avec Rodin (Monet montre une rétrospective de vingt-cinq années de travail

de 1864 à 1889). Il organise la même année une souscription « entre amis et admirateurs de

Manet, pour acheter l’Olympia de Manet et l’offrir au Louvre »1. Cette œuvre était exposée à

L’« exposition centennale de l’art français » ouverte en mai à l’occasion de l’exposition

universelle. Monet parvient à faire accepter l’Olympia par l’Etat pour le musée du Luxembourg

mais le transfert au musée du Louvre ne sera accompli qu’en 1907 grâce à l’intervention de

Clémenceau. Ce projet marque une césure dans son travail.

• 1896 : huit toiles de Monet de la collection Caillebotte entrent au Luxembourg rejointes en

1906 par les toiles de la collection Moreau-Nélaton, en 1907 par la Cathédrale de Rouen, et en

1921 par les Femmes au jardin, refusées au salon et acquises par l’Etat directement auprès de

Monet. Toutes ces œuvres sont transférées au musée du Louvre quelques années plus tard.

• 1902 : exposition à la galerie Bernheim Jeune « œuvres récentes de Pissarro et nouvelle série

de Monet (Vétheuil)».

1 Lettre à Rodin, in Monet, un œil…mais bon Dieu quel œil !, Sylvie Patin, Découverte Gallimard, RMN, 1991,

p. 96.

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• mai-juin 1912. : les toiles issues de son voyage à Venise de 1908 sont présentées à la galerie

Bernheim Jeune.

Le succès de Claude Monet se lit également à titre posthume puisqu’il est souvent comparé à

Michel-Ange :

• « Monet est le Michel-Ange de notre époque », Marc Chagall, cité par Pierre Shneider, in Les

Dialogues du Louvre, Paris, 1967, p.42.

• « […] Il me plaît très sérieusement de dire de l’Orangerie qu’elle est la Sixtine de

l’Impressionnisme », André Masson, in Monet le fondateur, Verve, vol. VLI, nos 27 et 28, p. 68

Evènements de la vie de Monet révélateurs des échecs qu’il connut

• 1869 : nouveau refus du salon de ses peintures d’Etretat.

• 1874/5 : années difficiles car il vend peu, mais il reçoit une aide financière de Manet.

• 24 mars 1874 : vente publique à Drouot des œuvres de Monet, Renoir, Berthe Morisot, Sisley,

qui suscitent des sarcasmes et se vendent à des prix peu élevés.

• 1878 : il doit quitter sa maison d’Argenteuil pour cause de soucis financiers …il laisse en gage à

son propriétaire son Déjeuner sur l’herbe.

• 1883 : exposition dédiée à Monet par Durand-Ruel. Ce n’est pas un succès et Monet accuse

Durand-Ruel de l’avoir mal préparée.

Toutefois, c’est certainement cette alternance entre doute et confiance qui conduisit

Monet au faîte de sa gloire, comme le souligne Clémenceau dans sa lettre du premier mars 1924

adressée à Monet : « Vous avez passé votre vie entre des crises de succès et des réactions de

défiance envers vous-même. C’est cela la condition même de votre triomphe. Cela continue avec

l’aggravation d’une rétine surmenée. ». Clémenceau parle ainsi de la « quête d’une perfection

d’achèvements » menée par le peintre2. A travers cette dernière citation, on ressent par ailleurs

la volonté de Monet de se dépasser jusqu’à atteindre une pleine satisfaction de soi-même.

Cette perpétuelle remise en question de son travail révèle la ferveur d’un homme en

quête de perfection artistique, une quête que reflète son travail mené tout au long de sa vie sur

la couleur, la lumière et l’eau.

2 Claude Monet, Les Nymphéas, Georges Clémenceau, collection Vision, Terrain vague, 1990, p. 40.

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I-3) Au fil de ses voyages : son travail sur la couleur, la lumière et l’eau

Georges Clémenceau écrivit à propos de la création du jardin de Giverny par Monet

qu’« il le fit tel que son œil le commanda successivement, aux invitations de chaque journée,

pour la satisfaction de ses appétits de couleurs »3.

En effet, Les Nymphéas s’inscrivent dans l’œuvre de toute une vie artistique centrée sur

le travail de la couleur, mais aussi de la lumière et de l’eau, ces trois aspects étant

intrinsèquement liés. Certains éléments biographiques en témoignent :

• 1861 : il part en Algérie où il découvre une nouvelle lumière.

• 1864 : à Honfleur, il se délecte des paysages.

• 1870 : pour échapper à l’enrôlement, Monet s’enfuit en Angleterre avec sa famille où il

rencontre le marchand Durand-Ruel qui commence à lui acheter des toiles dès 1871. En

Angleterre il visite avec Pissarro les musées, et il étudie les toiles de Turner et Constable qui

travaillent sur ces questions de lumière et d’eau.

• 1871 : il voyage en Hollande où il visite aussi les musées dont le Rijksmuseum. La Hollande,

parsemée de canaux, est le lieu propice au travail sur l’eau et la lumière.

• 1873 : il séjourne en Normandie (vues d’Etretat, de Sainte-Adresse et du port du Havre).

• 1877 : il travaille aux représentations de la Gare Saint-Lazare, selon le principe de la série. Le

principe de la série est de dépeindre un même motif à différentes heures de la journée afin

d’étudier les changements de lumières.

• Hiver 1879-90 : il travaille sur le motif de la Seine gelée.

• 1883 : En décembre, Monet part avec Renoir sur la côte où ils peuvent étudier une nouvelle

lumière (ils rendent visite à Cézanne à Aix puis ils vont jusqu’à Gênes). En janvier, il va à

Bordighera où il étudie une luxuriante végétation tropicale.

• 1883-1886 : il retourne régulièrement à Etretat.

• 1886, Printemps : il passe quelques jours en Hollande où il travaille sur les champs de tulipes. A

l’automne il se rend à Belle-Ile en Bretagne.

• 1888 : il séjourne sur la côte à Antibes où il travaille sur des marines.

• 1889 : il va en Creuse où il travaille sur une série.

• 1890 : il devient propriétaire de Giverny. Il rapporte de ses voyages diverses espèces de plantes

pour embellir son jardin.

• 1890 : il travaille systématiquement selon le principe de la série, et non plus sur des toiles

isolées.

Ex : série des Meules à Giverny.

Ex : série des Peupliers été et automne en 1891, effectuée en amont de Giverny, sur les bords du

marais de Limetz, sur la rive gauche de l’Epte.

• 1892-4 : il travaille sur la série des Cathédrales de Rouen.

• 1895 hiver : il se rend près d’Oslo et il peint huit paysages.

• 1899 - 1901 : il se rend à Londres où il tente de saisir le brouillard : il peint les ponts du Charing-

Cross et de Waterloo. Mais il termine sa centaine d’œuvres londoniennes à Giverny en atelier.

3 Claude Monet, Les Nymphéas, Georges Clémenceau, collection Vision, Terrain vague, 1990, p. 40.

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• 1908 : il voyage à Venise avec Alice : « comme à Londres, il poursuit sa lutte avec l’architecture,

l’eau et la lumière »4. Ces toiles sont présentées à la galerie Bernheim Jeune en mai-juin 1912.

• Pendant la guerre 14-18 : il se fait construire un atelier à éclairage zénithal pour travailler aux

Grandes Décorations de Nymphéas. Ce système lui permet d’amener dans son atelier la lumière

naturelle et de pouvoir ainsi retrouver les sensations lumineuses éprouvées dans son jardin.

• 1923 (à partir de) : il se fait opérer de la cataracte et retrouve la vision des couleurs.

Monet à G. Bernheim-Jeune, 6 octobre 1925 : « Pris par le travail, j’oublie tout tant je suis

heureux d’avoir enfin retrouvé la vision des couleurs. C’est une vraie résurrection »5.

Il est important de noter que « la création des Nymphéas correspond au début de sa

cataracte : sa vision des couleurs est altérée. Or, il est difficile de dater les œuvres peintes avant

et après ses opérations »6.

C’est donc dans le jardin de Giverny qu’aboutit la quête artistique de Monet : en créant

Les Nymphéas, il peint avec virtuosité la lumière, l’eau et la couleur.

Paul Claudel, visiteur de l’Orangerie dès 1927, peu après son ouverture, écrit d’ailleurs :

« Monet, au terme de sa longue vie, après avoir étudié tout ce que les différents motifs de la

nature pouvaient répondre à la question de la lumière en fait d’ensembles colorés, a fini par

s’adresser à l’élément lui-même plus docile, plus pénétrable, l’eau, à la fois transparente,

irisation et miroir »7 .

4 Monet, un œil…mais bon Dieu quel œil !, Sylvie Patin, Découverte Gallimard, RMN, 1991, p. 117.

5 Ibid p. 155.

6 Ibid.

7 « Giverny », Connaissance des arts, numéro spécial, 1992 ; article « Monet à Giverny », par Michel Hoog,

ancien conservateur en chef du musée de l’Orangerie, p.28.

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II- La création Nymphéas : de Giverny au musée de l’Orangerie

La maison de Giverny aujourd’hui

II-1) Une source d’inspiration: le jardin de Giverny

Comme le souligne Michel Hoog, ancien conservateur en chef du musée de l’Orangerie8,

l’installation de Monet à Giverny en 1883 ( il y restera jusqu’à sa mort en 1926) correspond à la

fois aux « années de fixation sur le plan familial » (il épouse Alice Hoschedé en 1892) et aux

« années de remise en question sur le plan pictural », comme en témoigne la « création des

fameuses ‘séries’, notamment à partir des motifs que lui fournit le jardin qu’il a entièrement

imaginé et aménagé lui-même ». Il dessine les plans, choisit les plantes, et conçoit un bassin dans

lequel il crée son « Jardin d’eau ». Il fait construire un pont à l’image des ponts japonais, et ne

suit par ailleurs aucune règle propres aux jardins occidentaux : « le bassin des nymphéas et les

massifs qui l’entourent constituent un monde clos, indépendant de la campagne environnante.

L’aspect s’en modifie dès que l’on se déplace ; il n’y a pas d’emplacement privilégié ni de percée

profonde »9, comme par exemple dans les jardins dits « à la française ». Par ailleurs, certaines

espèces d’arbres et de fleurs proviennent directement du Japon10. Monet avait en effet

8 « Giverny », Connaissance des arts, numéro spécial, 1992. Article « Monet à Giverny ».

9 « Giverny », Connaissance des arts, numéro spécial, 1992. Article « Monet à Giverny », par Michel Hoog,

ancien conservateur en chef du musée de l’Orangerie, p. 31.

10 Monet, un œil…mais bon Dieu quel œil !, Sylvie Patin, Découverte Gallimard, RMN, 1991, (p. 161).

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développé un goût pour le japonisme, comme en témoigne la collection d’estampes japonaises

de Monet, toujours conservée dans sa maison de Giverny.

En 1890, il devient enfin propriétaire de sa maison qui constitue le havre de paix familial et

artistique tant recherché et auquel il ne cessa de penser durant ses voyages. Cet attachement

transparaît dans sa correspondance épistolaire, comme en témoigne sa lettre écrite de

Bordighera en 1884 à sa conjointe et future femme Alice Hoschedé: « Mon cœur est à Giverny

toujours et toujours […] vous êtes ma vie avec les enfants »11. Il lui écrit également de Rouen le

13 avril 1892: « J’ai le spleen de Giverny. Tout doit être si beau par ce temps inouï »12.

Le « Jardin d’eau » de Giverny à l’époque de Claude Monet

II-2) Des petits tableaux au grand décor : l’élaboration d’un hymne à la paix

Le processus de création des Nymphéas proprement dites fut long : avant d’aboutir à

l’œuvre majestueuse présentée au musée de l’Orangerie, Claude Monet s’exerça sur une série de

petits tableaux avant d’aboutir au grand décor, comme en témoigne la chronologie ci-dessous :

• Fin 1900 : une dizaine de versions du Bassin aux Nymphéas est exposée à la galerie Durand-

Ruel

• A partir de 1904 : le paysage autour du bassin disparaît progressivement et il se concentre sur

les nymphéas eux-mêmes.

• 1909 : succès de l’exposition chez Durand-Ruel « Les Nymphéas, série de paysages d’eau », titre

choisi par le peintre : c’est un grand succès.

11 Monet, un œil…mais bon Dieu quel œil !, Sylvie Patin, Découverte Gallimard, RMN, 1991, (p. 112).

12 Ibid. p. 118

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• 1914-1916 : Monet se fait construire un atelier à éclairage zénithal pour travailler aux Grandes

Décorations de Nymphéas : il travaille sur de grands formats.

• 1er décembre 1914 : dans une lettre écrite l’attention de Geoffroy, Monet exprime sa « honte

de penser à de petites recherches de formes et de couleurs pendant que tant de gens souffrent

et meurent pour nous ».

• 12 novembre 1918 : au lendemain de l’armistice, Monet écrit à son ami Georges Clemenceau :

« Je suis à la veille de termine deux panneaux décoratifs que je veux signer le jour de la Victoire,

et je viens vous demander de les offrir à l’Etat par votre intermédiaire ». Clémenceau le convainc

toutefois de donner l’ensemble des panneaux.

• 12 avril 1922 : signature de l’acte de donation qui prévoit que huit compositions prendront

place dans deux salles de l’Orangerie des Tuileries aménagées à cet effet selon une forme ovale,

comme l’avait imaginé et dessiné Claude Monet.

Par ce don « il démontrait la dignité et la fécondité de l’esprit face à la violence »,

« illustrant ainsi la conviction selon laquelle la culture est une force vitale et un antidote à la

barbarie. […] à travers ce poème de la Nature édifié en plein conflit mondial, il offrait à la France

chaotique des lendemains de la guerre […] le spectacle réparateur de l’ordre cosmique et l’accès

à l’absolu de la beauté »13.

Selon le vœu de Monet, Les Nymphéas ne furent installées au musée de l’Orangerie qu’après

la mort du peintre survenue le 5 décembre 1926 (alors que les travaux avaient commencé

dès 1922), selon l’aménagement voulu par Monet dont les prérogatives furent respectées à

la lettre, même lors des restaurations ultérieures.

• 17 mai 1927 : inauguration des Nymphéas aux Tuileries.

• Août 1944 : lors des combats de la Libération de Paris, cinq obus tombèrent dans les salles des

Nymphéas ; deux panneaux (ceux situés sur la paroi mitoyenne entre les deux salles) furent

légèrement endommagés et aussitôt restaurés.

• 1984 : reprise des travaux de restauration et nettoyage général.

• 2000-2006 : rénovation de l’ensemble du musée de l’Orangerie, la salle des Nymphéas incluse.

II-3) Les Nymphéas en quelques chiffres

Les Nymphéas, ce sont :

- huit compositions

- de deux mètres de haut et de largeur inégale

- réparties sur les parois arrondies de deux salles ovales

- l’ensemble représentant une surface d’environ 200 m2.

Cette somme de chiffres, cette disposition des toiles et l’effet produit par l’ensemble ne

sont nullement le fruit du hasard, mais ils relèvent de la volonté même du peintre et de son

travail mûrement réfléchi, qu’il convient d’analyser.

13 « Les Nymphéas », Pierre Georgel, Gallimard, RMN, Musée de l’Orangerie, 2006.

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III- Analyse et héritage d’un chef d’œuvre

III-1) Une immersion dans la nature

Créé grâce à la dérivation d’une branche de la rivière l’Epte, le « Jardin d’eau » de Giverny

fut aménagé autour de l’étang de nymphéas, une création à la fois botanique et artistique

puisqu’elle demeure la source d’inspiration de son œuvre magistrale, Les Nymphéas. Georges

Clémenceau parle ainsi d’une « adaptation de la nature aux travaux du peintre et de la lumière »,

ou encore d’un « prolongement d’atelier en plein air, avec des palettes de couleurs profusément

répandues de toutes parts pour les gymnastiques de l’œil, au travers des appétits de vibrations

dont une rétine fiévreuse attend des joies jamais apaisées »14.

En faisant de son jardin un atelier et la source unique de son inspiration, Monet cherche à

entrer en communion avec la nature : « Je ne forme pas d’autre vœu que de me mêler plus

intimement à la nature et je ne convoite pas d’autre destin que d’avoir, selon le précepte de

Goethe, œuvré et vécu en harmonie avec ses lois »15. Il voit ainsi en la nature « l’essence même

de l’art » : « La vérité, la vie, la nature, tout ce qui provoquait en moi l’émotion, tout ce qui

constituait à mes yeux l’essence même, la raison d’être unique de l’art n’existait pas pour cet

homme » dit-il à propos de son maître M. Gleyre16.

C’est alors à travers cette « vision quasi panthéiste de la nature »17 que Monet tente de

transmettre au spectateur cette sensation d’immersion, et il y parvient grâce à deux

procédés plastiques et muséographiques : d’une part l’architecture courbe, imaginée par le

peintre dès 1897 pour disposer ses panneaux dans le musée de l’Orangerie et qui confère au

visiteur l’impression d’être encerclé ; d’autre part la hauteur des panneaux qui doubla en 1914

afin de se trouver au-dessus de la tête du spectateur, de le submerger et de l’inviter à entrer

dans le monde pictural des Nymphéas.

Le visiteur peut ainsi déambuler d’une salle à l’autre, en choisissant à sa guise l’un des

deux sas latéraux qui relient les deux salles, se promenant dans les Nymphéas comme il se balade

dans un jardin, comme le souligne Pierre Georgel, l’ancien conservateur du musée de

l’Orangerie : « Aller et venir dans la peinture comme le promeneur dans la nature »18.

Enfin, au-delà de la simple représentation de son jardin de Giverny, Monet dépeint

l’essence même de la nature, détachée de tout lieu géographique et de tout espace-temps.

14 Claude Monet, Les Nymphéas, Georges Clémenceau, collection Vision, Terrain vague, 1990, p. 37-

38.

15 Claude Monet, 1909, propos rapportés par Roger Marx, in Les Nymphéas, de Pierre Georgel,

Gallimard, RMN, Musée de l’Orangerie, 2006.

16 Claude Monet. Mon histoire, Thiébault-Sisson, L’Echoppe, 1998, p. 17.

17 « Giverny », Connaissance des arts, numéro spécial, 1992. Article « Monet à Giverny », par Michel

Hoog, ancien conservateur en chef du musée de l’Orangerie, p. 29.

18 Les Nymphéas, Pierre Georgel, Gallimard, RMN, Musée de l’Orangerie, 2006.

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Première salle

Deuxième salle

Troisième salle

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III-2) La notion d’un temps infini

Le défi lancé par Monet est de représenter à partir d’instantanés saisis dans son jardin puis

retravaillés en atelier, l’infini, l’éternel devenir de la nature, le continuel renouvellement des

saisons.

Certes, l’espace-temps est mentionné à travers certains titres des panneaux comme

« Soleil couchant » (installé à dessein sur l’axe ouest du musée), « Matin », ou encore « Le matin

clair aux saules ». Cependant, il s’agit d’un coucher de soleil et de matins parmi tant d’autres, non

définis dans le temps. De plus, les titres des autres panneaux, « Les Nuages », « Reflets verts »,

« Reflets d’arbres » ou « Les deux saules », évoquent les arbres et les nuages en général, quel

que soit le lieu et le temps auxquels ils se rattachent.

Par ailleurs, la présentation muséographique faite de courbes embrasse le visiteur, le laisse

libre de parcourir les salles comme il l’entend, tout en lui imposant de revenir au début de

l’exposition pour sortir des Nymphéas : à son insu, le visiteur parcourt inlassablement le cycle

temporel ininterrompu du soir au matin, et du matin au soir, et il expérimente le perpétuel

devenir de la nature dont les reflets changent d’aspect tandis que les nuages éphémères se

meuvent au fil du temps infini. Cet infini symbolisé par le huit couché que dessinent les deux

salles vues de haut.

« Monet a peint l’action, l’action de l’univers aux prises avec lui-même, pour se faire et se

continuer à travers des étapes d’instantanés surpris aux surfaces réfléchissantes de son étang de

nymphéas. Ce drame couronné par l’éclair d’incendie dont nous aveugle, au dernier panneau des

Tuileries, le soleil couchant dans les roseaux desséchés du marécage hivernal, où renaîtront les

fleurs enchanteresses du printemps en préparation dans l’abîme insondable des renouvellements

éternels »19 (…). « Une aspiration d’Infini soutenues des plus subtiles sensations de la réalité

tangible, et fusant, de reflets en reflets, jusqu’aux suprêmes nuances de l’imperceptible : voilà le

sujet des panneaux »20, écrit Clémenceau dans le livre qu’il consacra aux Nymphéas.

Cependant, si Monet a lui-même pensé la muséographie qui visait à transmettre une

émotion devant et dans la nature, voire une réflexion sur la nature, il apparaît néanmoins qu’il a

utilisé ses propres émotions pour créer son œuvre, sans s’appuyer sur l’élaboration d’une

quelconque théorie.

III-3) Une œuvre sensible, et non théorique

Visiter les Nymphéas c’est vivre une immersion dans la nature. Or, cette sensation de

communion avec la nature fut pensée mais surtout vécue par le peintre qui a davantage conçu

une œuvre sensible que théorique.

19 Claude Monet, Les Nymphéas, Georges Clémenceau, collection Vision, Terrain vague, 1990, p. 43 ; in

Claude Monet, Les Nymphéas, Paris, 1928, p. 54.

20 Claude Monet, Les Nymphéas, Georges Clémenceau, collection Vision, Terrain vague, 1990, p. 86.

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En effet, Monet déclare lui-même dans une lettre qu’il écrit de Giverny à E. Charteris, le 21

juin 1926 : « J’ai toujours une horreur des théories, […] je n’ai que le mérite d’avoir peint

directement devant la nature en cherchant à rendre mes impressions devant les effets les plus

fugitifs […]»21.

Son ami Clémenceau analyse d’ailleurs très bien le travail du peintre puisqu’il écrit en

1928 : « Monet n’annonça point de doctrine. On peut même dire qu’il se calfeutra de silence

pour laisser aux fougues de sa brosse virile toute leur liberté. […] La pratique de Monet lui est

venue directement de l’œil à la brosse, sans que jamais il ait prétendu doctriner. »22. Il précise

que son travail n’est donc pas issu du fruit d’une doctrine mais de son expérience de la nature

acquise dans le jardin de Giverny mais aussi lors de ses divers déplacements pour peindre sur le

motif : « A parcourir les pays, s’abreuver partout de la nature, il avait simplement appris ce que

réclamaient les activités de son œil dans les directions où l’appelait le génie de son art en quête

d’une perfection d’achèvements »23.

Monet fait preuve de modestie en ce qui concerne la création de cette œuvre sensible,

comme en témoigne sa lettre à son ami Geoffroy, écrite de Giverny le 7 juin 1912 : « Non, je ne

suis pas un grand peintre, grand poète. […] Je sais seulement que je fais ce que je peux pour

exprimer ce que j’éprouve devant la nature »24. Monet confie cependant à Geoffroy dans une

lettre du 11 août 1908 combien est difficile cette tache de retranscrire dans sa peinture les

émotions qu’il perçoit devant et dans la nature, mais combien est grande sa détermination :

« Sachez que je suis absorbé par le travail. Ces paysages d’eau et de reflets sont devenus une

obsession. C’est au-delà de mes forces de vieillard, et je veux cependant arriver à rendre ce que

je ressens. J’en ai détruit. […] J’en recommence »25.

Ainsi, « Monet est avant tout un ‘visuel’, dont la sensibilité et l’intuition sont restées

particulièrement vives jusqu’à la fin »26. C’est donc la sensation de la nature qu’il dépeint et qu’il

tente de transmettre et de révéler au visiteur à travers ses Grandes Décorations.

Les dimensions qu’il donne aux Nymphéas s’inscrivent dans un contexte d’essor de la

peinture murale des décors officiels (monumentaux) et privés (plus petits). Or, là encore, Claude

Monet semble œuvrer à contre-courant des normes décoratives de l’époque qui privilégiaient un

style épuré et construit, comme l’illustrent les décors de Puvis de Chavane ou Maurice Denis27.

21 Monet, un œil…mais bon Dieu quel œil !, Sylvie Patin, Découverte Gallimard, RMN, 1991, p. 153.

22 Monet, un œil…mais bon Dieu quel œil !, Sylvie Patin, Découverte Gallimard, RMN, 1991, p. 151 ; citation

extraite de l’ouvrage de Claude Monet, Les Nymphéas, 1928.

23 Claude Monet, Les Nymphéas, G. Clémenceau, collection Vision, Terrain vague, 1990, p. 40.

24 Monet, un œil…mais bon Dieu quel œil !, Sylvie Patin, Découverte Gallimard, RMN, 1991, p. 152.

25 Monet, un œil…mais bon Dieu quel œil !, Sylvie Patin, Découverte Gallimard, RMN, 1991, (p. 123).

26 « Giverny », Connaissance des arts, numéro spécial, 1992. Article « Monet à Giverny », par Michel Hoog,

ancien conservateur en chef du musée de l’Orangerie, p. 34.

27 Les Nymphéas, Pierre Georgel, Gallimard, RMN, Musée de l’Orangerie, 2006.

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III-4) La révélation du peintre au spectateur : voir autrement, voir l’invisible

Selon le philosophe allemand Schelling (1775-1854), dans la peinture de paysage, seule la

représentation subjective est possible car le paysage n’a de réalité que dans l’œil du

contemplateur28: le peintre de paysage peint donc son sujet à travers le prisme de sa propre

subjectivité. Le peintre Caspard David Friedrich (All 1774 – Dresde 1840) corrobore cette thèse à

travers sa propre expérience : « Il ne faut pas peindre ce que l’on voit devant soi mais ce que l’on

voit en soi ». Le philosophe, enseignant et écrivain français Alain Roger (né en 1936) théorise ce

principe de représentation subjective par l’emploi de la notion « d’artialisation du paysage » : à

travers le regard du peintre, la nature devient paysage, le tableau offrant une nouvelle vision de

la nature, celle du peintre. Ainsi, ce dernier révèle au spectateur ce qu’il ne verrait pas de lui-

même dans la nature, voire il transforme sa vision de la nature. C’est d’ailleurs dans ce sens

qu’Oscar Wilde a écrit: « Ce sont les tableaux de Turner et de Whistler qui peuvent nous faire voir

le mieux les brouillards de Londres. On ne les voit vraiment que quand on a vu les tableaux »29.

De même, ce sont les tableaux de Monet qui nous font voir le mieux le paysage du jardin

de Giverny, les arbres et les saules pleureurs des jardins, les étendues d’eaux et les ciels nuageux,

ou encore les soleils couchants et les petits matins. Ainsi écrit Georges Clémenceau à propos des

Nymphéas : « L’art réalise à nos yeux le frémissement heureux de la pelouse liquide, de la voûte

bleue, du nuage, de la fleur qui ont quelque chose à nous dire, mais ne nous le dirait pas sans

Monet. »30.

Paul Claudel, visiteur de l’Orangerie dès 1927, peu après son ouverture, dit de Monet

qu’« il s’est fait le peintre indirect de ce qu’on ne voit pas »31, tandis que Gustave Geffroy

souligne que « son œuvre […] est une révélation et un poème, qui montre un univers que

personne n’avait vu avant lui »32.

Monet quant à lui explique son travail de façon très humble, ne se positionnant qu’en

simple intercesseur de la nature : « Je n’ai fait que regarder ce que m’a montré l’univers, pour en

rendre témoignage par mon pinceau »33. Cependant, il avoue être capable de voir au-delà de ce

que la nature lui montre, contrairement à la plupart des gens : « Votre faute est de vouloir

réduire le monde à votre mesure, tandis que, croissant votre connaissance des choses, accrue se

trouvera votre connaissance de vous-même »34. Enfin, il souligne que l’on apprend à regarder au

28 Philosophie de l’art, Jérôme Millon, 1999.

29 La décadence du mensonge, Oscar Wilde.

30 Claude Monet, Les Nymphéas, G. Clémenceau, collection Vision, Terrain vague, 1990, p. 89.

31 « Giverny », Connaissance des arts, numéro spécial, 1992. Article « Monet à Giverny », par Michel Hoog,

ancien conservateur en chef du musée de l’Orangerie, p. 28 ; citation extraite du Journal, 1904-1932, Paris,

t.I, p. 778, 1968.

32 Claude Monet, sa vie, son œuvre, Paris, 1922, avant-propos, p. 149.

33 Claude Monet, Les Nymphéas, Georges Clémenceau, collection Vision, Terrain vague, 1990, p.91

34 Ibid.

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contact des autres, et notamment de celui du peintre : « Votre main dans la mienne, et aidons-

nous les uns les autres à toujours mieux regarder »35.

Ainsi, Monet révèle au visiteur des Nymphéas une nouvelle vision de son jardin, de la

Nature, de l’Univers : il émerge de ses peintures un monde à part, intime puisque subjectif, reflet

de l’émotion que le peintre a ressentie. Sous son pinceau naît un véritable spectacle de la nature.

III-5) Le spectacle de la nature : à la découverte d’un monde féérique

En révélant au visiteur la nature telle qu’il l’a vue et ressentie, Monet fait du visiteur un

spectateur contemplant et s’insérant dans l’univers du peintre. Ce monde pictural, pourtant

construit à partir du réel, semble presque irréel, enchanteur, tel un spectacle féérique. Et c’est

bien le vocabulaire du spectacle et du théâtre que Georges Clémenceau utilise pour décrire cette

expérience que vit le visiteur au cœur des Nymphéas36 :

- « Cette émotion, qui ne l’a ressentie, même sans la bien comprendre tout d’abord,

devant le coup de théâtre des Nymphéas ? », p. 43.

- « […] notre conscience des choses n’est rien que l’image réfléchie du monde par

l’humaine sensibilité au passage des spectacles que nous figurent le jeu de nos

sensations. », p. 43.

- « Toutes les énergies de radiation du ciel et de la terre sont ainsi appelées à comparaître

simultanément devant nous pour l’indicible stupéfaction d’un spectacle où se

confondent les joies du rêve et la fraîcheur de la sensation primitive», p. 86.

- « […] dès les premiers pas [dans la salle des Nymphéas des Tuileries], c’est un

enchantement. Mais comment procéder ? Dans quel ordre aborder ces murailles qui

sortent des portiques de fééries ? », p. 86.

- « Cet indicible ouragan, où par la magie du peintre, notre œil éperdu reçoit le choc de

l’univers, c’est le problème du mode inexprimable qui se révèle à notre sensibilité », p.

90.

III-6) Un précurseur et ses héritiers

Monet utilise des picturales faisant de lui un véritable précurseur dont s’inspireront ses

héritiers : les peintres d’art moderne et abstrait.

Une œuvre picturale et musicale

Georges Grappe a écrit au sujet des Nymphéas : « Le drame pictural se développe selon les

mêmes principes que le drame musical »37. En effet, selon lui, on peut lire les peintures telle une

partition de musique où les « ondes lumineuses » joueraient le rôle des « ondes sonores » ; de

35 Ibid.

36 Claude Monet, Les Nymphéas, Georges Clémenceau, collection Vision, Terrain vague, 1990.

37 Claude Monet, Les Nymphéas, Georges Clémenceau, collection Vision, Terrain vague, 1990, note 1 p. 90.

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même les touches de peinture seraient autant de notes musicales, le visiteur étant ainsi plongé

dans une symphonie de la nature.

Au-delà de la révolution impressionniste

Certes, Monet a participé au mouvement impressionnisme qui tire son nom de sa peinture

Impression, Soleil Levant. Cependant, il abandonne aux débuts des années 1880 les expositions

impressionnistes, ce qui révèle son éloignement par rapport aux principes et théories prônées

par le groupe, comme le souligne Michel Hoog : « L’impressionnisme impliquait une dissolution

des formes dans la lumière au profit de l’analyse des nuances et des reflets. Monet a senti les

risques d’une peinture dont il entrevoyait peut-être les virtualités ou qui encourait trop le

reproche de ne donner naissance qu’à des esquisses »38.

Ainsi, les Nymphéas, qu’il réalisa à la toute fin de sa vie, tendent bien à véhiculer une

impression de la nature, mais elles ne se définissent pas comme une œuvre impressionniste,

allant au-delà de « l’esquisse », de la « dissolution des formes » : il s’agit d’une œuvre magistrale,

englobante, ne dissolvant pas les formes mais les révélant dans un espace novateur, précurseur

de l’art abstrait.

Pour une révolution de l’espace : vers la peinture abstraite

Comme l’analyse de façon remarquable Pierre Georgel, Monet trouve au problème de

savoir comment traduire « la réalité informe, mouvante, illimitée de la nappe d’eau » par « les

procédés traditionnels qui régissent l’art du paysage et visent précisément à ramener l’infini au

fini » (formats codifiés, motifs bien délimités, plans distincts, construction en perspective bornée

par l’horizon…) la solution d’inventer « un traitement révolutionnaire de l’espace : sans limites

objectives, confondant haut et bas, avant et arrière, dessus et dessous »39. Ainsi, il traite l’espace

sans perspective, sans profondeur, en plaçant « tous les éléments picturaux sur un même plan, et

dépourvus d’épaisseurs », en réduisant par exemple les fleurs à « des taches diversement

coloriées »40.

S’il s’en est lui-même défendu, sans doute par modestie, « les peintres, critiques,

historiens d’art sont unanimes pour noter la parenté entre les Nymphéas et toute une famille de

peintres abstraits »41.

Michel Hoog affirme donc le statut de précurseur de Monet qui devança et inspira les plus

grands peintres abstraits : « La liberté, l’absence de contraintes auxquelles Pollock parvient,

Monet les avaient rapprochées trente ans plus tôt. C’est la vision d’une Meule de Monet dont il

38 « Giverny », Connaissance des arts, numéro spécial, 1992. Article « Monet à Giverny », par Michel Hoog,

ancien conservateur en chef du musée de l’Orangerie, p. 26.

39 Les Nymphéas, Pierre Georgel, Gallimard, RMN, Musée de l’Orangerie, 2006.

40 Musée de l’Orangerie. Les Nymphéas de Claude Monet, Michel Hoog, RMN, 1989, 2006, p. 69.

41 « Giverny », Connaissance des arts, numéro spécial, 1992. Article « Monet à Giverny », par Michel Hoog,

p. 34.

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n’arrivait pas à déchiffrer le motif qui a donné à Kandinsky la première intuition de la peinture

abstraite »42.

Conclusion

François Monod, conservateur du musée du Luxembourg, dont dépendit provisoirement

l’Orangerie, écrivit à Clémenceau :

« Les Nymphéas dans nos salles de l’Orangerie, font une impression profonde sur toute

espèce de visiteurs ; ils sont tous subjugués, envoûtés par ce merveilleux poème »43.

Il souligne ainsi l’aspect poétique des Nymphéas, œuvre sensible faisant appel aux

émotions des visiteurs qu’elle plonge dans un univers à la fois intime, celui du peintre, et

universel, celui d’un paradis rêvé et en paix.

42 « Giverny », Connaissance des arts, numéro spécial, 1992. Article « Monet à Giverny », par Michel Hoog,

p. 34.

43 Musée de l’Orangerie. Les Nymphéas de Claude Monet, Michel Hoog, RMN, 1989, 2006, p. 54.

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CHAPITRE II

Éléments pédagogiques pour préparer une visite

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Ce second chapitre donne à l’enseignant des éléments d'analyse et de méthodologie

pour lui permettre de conduire une visite libre des Nymphéas au musée de l'Orangerie ou de

préparer une activité proposée par le musée (ateliers de pratiques artistiques, visites contées,

visites poétiques).

I- Réserver une visite

I-1) Activités proposées

Ci-dessous, la liste des activités proposées en lien avec Les Nymphéas de Monet. Chaque

visite et atelier est adapté en fonction du niveau.

Les visites :

Visite découverte : de Monet à Picasso (CP à terminale)

Les Nymphéas (grande section de maternelle à terminale)

Visites thématiques :

Le paysage (6e à terminale) Visite contée (grande section de maternelle à CM2) Visite littéraire (6e à terminale)

Peinture et critiques d’art (6e à terminale)

Architecture et muséographie du musée de l’Orangerie (Terminale et

étudiants)

Les ateliers de pratique artistique :

A chacun ses nymphéas (CE2 à terminale)

Paysages imaginaires (CM2 à terminale)

I-2) Modalités de réservation

- Pour une visite à partir du 1er septembre, merci de contacter le Service des réservations

des musées d’Orsay et de l’Orangerie :

Par courriel : [email protected]

Par téléphone : 01 53 63 04 50, du mardi au vendredi, de 09h30 à 14h45

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Préambule : Principes des

médiations et pédagogies au

musée de l'Orangerie

Des visites et des ateliers conçus pour les scolaires permettent d'enrichir la découverte

des collections par une approche culturelle et pédagogique visant à développer la

créativité du jeune public et à l'inciter à une pratique artistique au sein du musée.

Ces médiations sont d'une durée de 2 heures et se déroulent en deux temps : après 45

minutes de visite sur le thème choisi, 1h15 est consacrée à une pratique artistique en

salle pédagogique. Ces médiations sont assurées par les conférenciers de la Réunion des

musées nationaux qui ont une expérience confirmée dans la conduite de ces activités.

Plusieurs d'entre eux ont suivi des formations complémentaires pour assurer des

prestations de qualité.

Le choix de recourir à des conférenciers et non à des artistes plasticiens est un choix

pédagogique. L'objectif est de permettre à l'enfant d'intégrer le contenu de la visite des

collections par une activité qui fait appel à ses ressources et ses qualités créatives et non

de lui dispenser un cours d'art plastique. Il s'agit de donner à chaque enfant des outils

pour assimiler les notions d'histoire de l'art développées en visite et favoriser une

éducation du regard par une approche à la fois cognitive et sensible en faisant appel à

l'imaginaire.

De notre point de vue, le but d'une pratique artistique au sein d'un musée se situe au

niveau de l'éducation du regard et de la créativité. Les activités qui sont proposées

doivent permettre au jeune public de faire résonner sa sensibilité avec les œuvres pour

en favoriser ainsi une connaissance intime. La pratique artistique est donc, dans cette

perspective, un outil de connaissance, une forme de pédagogie et non un cours sur les

techniques en art plastique. Le jeu et l'imaginaire ont toute leur place dans ces activités

car la connaissance et la compréhension de l'art passent avant tout par l'émerveillement.

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Aujourd'hui, le musée propose des visites générales de ses collections au public scolaire. Elles permettent une première approche de l'impressionnisme à travers une découverte des Nymphéas et une découverte de l'art moderne à travers la Collection Walter-Guillaume.

« Visite découverte : de Monet à Picasso » Niveau : CP à terminale (adaptée en fonction du niveau)

Durée : 1h30

Ce parcours, sans doute le plus adapté à une première visite, explore l’évolution picturale de la

fin du XIXe siècle aux années 1930 par une présentation des chefs-d’œuvre, entre autres de

Monet, Renoir, Cézanne, Picasso, Matisse, Derain, Modigliani, Soutine.

« Les Nymphéas » Niveau : grande section de maternelle à terminale (adaptée en fonction du niveau)

Durée : 1h

Testament et aboutissement de la pensée artistique de Monet, Les Nymphéas sont une

invitation à la contemplation. Cet ensemble, devenu un emblème de l'impressionnisme,

est aussi une expérience esthétique à part entière. Cette visite permet de faire découvrir

l’œuvre majeure de Claude Monet, en passant par la maturation du projet jusqu’à sa

création.

« Le paysage »

Niveau : 6e à la Terminale (adaptée en fonction du niveau)

Durée : 1h30

Comment concevoir un paysage dans l’art de la fin du XIXe siècle jusque dans les années

1930 ? Les Nymphéas de Claude Monet ainsi que les œuvres de Renoir, Cézanne, Le

Douanier Rousseau, Matisse, Derain, Utrillo et Soutine permettront d’évoquer la

nouvelle façon de voir le monde en peinture.

« Visite contée »

Niveau : grande section de maternelle à CM2 (adaptée en fonction du niveau)

Durée : 1h

Une visite contée est proposée aux élèves de la maternelle (grande section) et du

primaire. Elle est conduite par des conférenciers ayant bénéficié d'une formation aux

techniques du conte.

Le thème de visite autour des Nymphéas est inspirée de la nouvelle de Marguerite

Yourcenar Comment Wang-Fô fut sauvé

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« Visite littéraire » Niveau : 6e à la Terminale (adaptée en fonction du niveau)

Durée : 1h30

Visite ponctuée de lectures, dans les Nymphéas et la Collection Walter-Guillaume. Elle permet au public collégien et lycéen d'appréhender le croisement des arts dans les premières décennies du XXe siècle et d'envisager ainsi l'art moderne dans ses différentes dimensions.

« Peinture et critiques d’art » Niveau : 6e à la Terminale (adaptée en fonction du niveau)

Durée : 1h30

Visite ponctuée de lectures de critiques littéraires et artistiques, dans les Nymphéas et la Collection Walter-Guillaume.

« Architecture et muséographie du musée de l’Orangerie » Niveau : Terminale et étudiants (adaptée en fonction du niveau)

Durée : 2h

Le musée propose un parcours de 2h pour les lycéens et les étudiants autour de son architecture et de sa muséographie. Le projet de rénovation du musée de l'Orangerie a été fondé sur une juste appréciation

de la spécificité des collections, du propos de leurs fondateurs et de leurs consonances

avec le génie du lieu, comme des raisons de leur fréquentation inattendue. Les travaux

(2000-2006) ont été menés en étroite collaboration avec l’auteur du projet, Pierre

Georgel, par l’architecte Olivier Brochet (de l’agence Brochet/Lajus/Pueyo) pour

l'aménagement intérieur, et, pour l’extérieur, par l'architecte en chef des monuments

historiques, Michel Goutal. Les Nymphéas ont retrouvé la lumière du jour et un

environnement en accord avec leur sens, la Collection Jean Walter et Paul Guillaume a

pu affirmer son identité historique et esthétique, l’architecture du Second Empire est

redevenue lisible. Cette visite de deux heures permet de saisir tous les enjeux et

fondements de cette restauration.

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LES ATELIERS :

« A chacun ses nymphéas » Niveau : CE2 à terminale (adapté en fonction du niveau)

Durée : 2h

L'atelier propose une découverte des Nymphéas à travers la réalisation d'une

composition inspirée de l'œuvre de Monet permettant à l'élève d'appréhender la

technique picturale de l'artiste.

La réalisation se fera sur un format A3 (d'après des modèles sur papier plastifié ou en

projection) en jouant sur les couleurs, la lumière et les techniques utilisées par Monet

pour peindre ses Nymphéas.

Outils : pinceau, brosse et couteau.

De retour en classe, les enfants pourront composer une fresque avec l'ensemble des

réalisations individuelles et envisager ainsi les questions liées à la figuration murale sur

grand format.

1) Bien préciser que les enfants doivent représenter un motif qui servira à la composition

d’une fresque. Prendre le temps de leur expliquer les supports pédagogiques. Il faut

garder l’idée d’une éducation du regard. Les supports pédagogiques sont composés

d’une photo d’un détail de fleur de Nymphéas ou d’une vue un peu plus large avec des

effets de texture. L’enfant peut ainsi choisir le motif qui l’inspire. Ces visuels sont un

super d’observation avant de commencer le dessin. Il est préférable de les retirer avant

de peindre. Autrement, les enfants ont tendance à vouloir reproduire la photographie et

brident leur créativité.

2) Expliquer – outils à la main – les différences entre les outils. Tester sur brouillon les

techniques : empâtement, brosse, pinceau. Pour une explication tactile : Demander aux

enfants de se tourner vers son voisin, l’un ferme les yeux pendant que l’autre effleure

l’intérieur du bras de son voisin avec l’outil, puis inverser les rôles. L’enfant appréhende

de façon sensorielle la différence entre les outils.

Objectifs pédagogiques :

- comprendre les techniques picturales de Monet,

- aborder la question de la couleur et du rapport des couleurs entre elles,

- comprendre les effets des techniques employées : touches, traces, empâtements,

- comprendre l'importance du geste, du pinceau, de la brosse…,

- exprimer sa créativité,

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- appréhender la figuration grand format,

- comprendre le rapport de la peinture à l'architecture.

Questionnements :

- l'impact de la couleur par rapport au trait,

- l'espace,

- la perspective,

- la composition,

- l'architecture,

- la lumière.

Mots-clés : Espace, matérialité, représentation, lumière, couleurs, geste, composition,

plan.

« Paysages imaginaires » Niveau : CM2 à la Terminale (adapté en fonction du niveau)

Durée : 2h

La peinture de paysages occupe une place importante dans les collections du musée :

dans la présence des Nymphéas mais également dans de nombreuses œuvres de la

Collection Walter-Guillaume. Cet atelier permettra d'aborder les processus de création

et les procédés picturaux de l'impressionnisme et de l'art moderne.

Les enfants choisiront une ou deux œuvres et s'inspireront des techniques observées

pour réaliser un paysage imaginaire.

Outils : rouleau, couteau, brosse, pinceau, au choix. Expliquer – outils à la main – les différences entre les outils. Tester sur brouillon les

techniques : empâtement, brosse, pinceau. Pour une explication tactile : demander aux

enfants de se tourner vers son voisin, l’un ferme les yeux pendant que l’autre effleure

l’intérieur du bras de son voisin avec l’outil, puis inverser les rôles. L’enfant appréhende

de façon sensorielle la différence entre les outils.

Le conférencier cite Théodore Rousseau « J'entends la voix des arbres », et Matisse 100 ans plus tard reprenant les mots d'un peintre chinois « Avant de peindre un arbre, je dois devenir cet arbre ». Le conférencier peut ensuite dire « je vous invite à un voyage » : “Prenez plusieurs longues et profondes respirations”. “Représentez-vous le souffle qui part de la plante des pieds arrive au sommet du crâne, plusieurs fois”.

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“Vous êtes dans une bulle. Vous êtes comme un artiste qui est libre de représenter les choses autrement, de représenter le paysage tel qui le ressent, tel qui le voit avec ses yeux d'artiste”. “Imaginez le paysage dans lequel vous souhaiteriez être”. “Imaginez les odeurs de ce paysage : est-ce un paysage de bord de mer qui sent le sel, un paysage de campagne en automne qui sent les feuilles mouillées ”. “Quelles couleurs voyez-vous.” “Prenez le temps de revenir tranquillement et d’ouvrir les yeux”.

Rappeler aux enfants de penser aux rythmes horizontaux, verticaux, à la question du

reflet, des couleurs, de l’ombre et de la profondeur (veulent-ils figurer la profondeur ou

travailler sur la planéité etc.). Montrer le dessin de loin pour aider l’enfant à poursuivre

et terminer son travail.

Si possible faire une restitution en comparant les réalisations : à quelle famille d’artiste

les enfants appartiennent-ils ? Comparez les dessins, essayez de voir de quel artiste se

rapproche un dessin (utilisez les reproductions de la Collection Walter-Guillaume).

Objectifs pédagogiques :

- comprendre la rupture que représente l'art moderne dans l'approche et la

représentation du paysage (perspective, emploi des couleurs, volumes...),

- aborder la question de la couleur et du rapport des couleurs entre elles,

- aborder la question de la lumière dans la peinture,

- exprimer sa créativité à travers un paysage imaginaire en utilisant différentes

techniques picturales (brosse, pinceau...),

- comprendre la différence entre la peinture de chevalet et un panorama.

Questionnements :

- donner à voir autrement,

- l'impact de la couleur par rapport à la ligne,

- le rapport des couleurs entre elles,

- l'espace,

- le réalisme,

- la perspective,

- la planéité,

- la composition.

Mots-clés : Espace, espace suggéré, espace figuré, perspective, planéité, matérialité,

représentation, lumière, geste, composition, traces, mise en scène.

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I-3) Tarifs et informations pratiques

Tout est gratuit pour les scolaires sauf pour le forfait « audioguides ». Il vous suffit de

réserver et de confirmer votre venue une fois votre option reçue par email.

1 accompagnateur gratuit pour 7 élèves (les accompagnateurs en surnombre devront

s'acquitter du droit d'entrée (7,50€)

Le règlement s’effectue sur place le jour de la visite.

Les dérogations de paiement différé sont accordées aux seuls débiteurs publics ne disposant pas

d’une régie de dépenses et ne peuvent en aucun cas être accordées à des débiteurs privés, dont

les associations.

Seul le droit de conférence peut être assujetti à un paiement différé (ou paiement administratif).

Le droit d’entrée doit être réglé sur place.

Le document de commande doit porter de manière lisible le nom et l’adresse de l’entité à qui

doit être adressée la facture.

Le jour de la visite le responsable du groupe doit se présenter à la caisse muni d’un document

écrit sur papier à entête (bon de commande ou ordre de service). Ce document doit être signé

lisiblement par une personne habilitée à engager la dépense au nom de la collectivité ou de

l’établissement public. En échange, une facture portant la mention « A PAYER » lui sera remise.

Annulation : toute demande d'annulation doit être faite par écrit, au moins huit jours à l'avance ;

passé ce délai, la visite-conférence sera facturée.

Informations pratiques

Le musée est ouvert tous les jours, sauf le mardi, le 1er mai, 14 juillet (matinée) et le 25

décembre, de 9h à 18h (évacuation à 17h45).

L'établissement est desservi par :

► Le métro : lignes 1, 8 et 12, station Concorde

► Les autobus RATP : lignes 24, 42, 52, 72, 73, 84 et 94, arrêt Concorde

Parkings : Concorde (angle de l'avenue Gabriel et de la place de la Concorde, 75008) ou Jardin

des Tuileries (38 rue du Mont-Thabor, 75001).

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II- Visiter Les Nymphéas

Après avoir pris vos tickets d'entrée dirigez-vous vers les salles des Nymphéas en

traversant la passerelle en bois qui conduit aux salles.

Plan des salles des Nymphéas :

44

II-1) Le vestibule : introduction à l’œuvre et son créateur

Vous pénétrez tout d'abord dans une pièce vide et blanche, un vestibule conçu et dessiné

par Claude Monet qui souhaitait créer un sas entre l'agitation de la ville et son œuvre, un

véritable pronaos préparant l’entrée en scène dans le monde pictural, botanique et poétique des

Nymphéas.

Profitez de cet endroit pour rassembler votre groupe et faire un rappel historique sur

Claude Monet et sa peinture, en vous aidant du premier chapitre de ce dossier.

Il est recommandé que cette introduction soit le résumé de notions abordées au

préalable en classe, pour deux raisons principales :

- ne pas disperser l'attention et la concentration des élèves avant d’avoir vu les

œuvres ;

- ne pas rester trop longtemps dans cet espace assez exigu et soumis à de

nombreux passages.

Objectif pédagogique : resituer le peintre et son œuvre

A travers des dates clés et des notions essentielles, il s’agira de :

- Resituer Claude Monet dans l’histoire de l’art

- Resituer Les Nymphéas dans leur contexte historique et artistique

II-2) La salle 1 : faire l’expérience de l’œuvre

Plan de la première salle des Nymphéas :

44 Plan issu du livre Claude Monet la couleur du temps, Virginia Spate, Edition du Chêne, 1993.

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45

Les quatre panneaux

- Matin, 200x1275 cm

- Les Nuages, 200x1275 cm

- Reflets verts, 200x850 cm

- Soleil couchant, 200x600 cm.

Ils sont orientés selon les quatre points cardinaux, Soleil couchant étant disposé par exemple à

l'ouest.

L’appréciation de l’art passe par les sensations ressenties : l’émerveillement, le rejet, le choc

visuel, l’indifférence ou encore l’étonnement. Il est donc important de commencer la visite des

Nymphéas à travers le ressenti des élèves, notamment pour les impliquer dans la visite.

Nous vous proposons quelques clés pour faciliter l'éveil du regard et de la sensibilité à l’œuvre.

Il s’agira de faire ressentir l’œuvre aux élèves en se fondant sur l’impression générale suscitée par

les peintures.

Chaque thème abordé pourra se structurer en deux temps :

- une série de questions posées aux élèves portant sur ce qu’ils voient et

ressentent devant l’œuvre, afin de conférer à la visite un caractère interactif.

- des explications leur donnant les clés de compréhension de ce qu’ils

contemplent et éprouvent.

Objectif pédagogique : éduquer le regard et la sensibilité artistique

- Apprendre à observer l’œuvre.

Un paysage non réaliste, sans perspective, sans haut ni bas, dont les couleurs évoquent la

réalité tout en la dépassant.

- Savoir ressentir l’œuvre.

45 Plan issu du livre Claude Monet la couleur du temps, Virginia Spate, Edition du Chêne, 1993.

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Expérimenter le sentiment d’immersion dans la nature, de plénitude et de paix.

- Comprendre le message délivré par Les Nymphéas à travers les sensations produites.

Prôner un hymne à la paix aux lendemains de la Première Guerre mondiale et offrir un

havre de sérénité aux visiteurs du musée de l’Orangerie.

►Comment Monet représente-il son jardin de Giverny?

Vous pourrez vous aider de photographies du jardin des Nymphéas afin de confronter la

réalité avec la peinture et faire réfléchir les élèves sur la notion de représentation du réel.

46

Questions abordées:

- Voit-on l’ensemble du jardin de Giverny ou seulement certaines parties à

travers certains cadrages ?

- Distingue-t-on l’eau et la terre du ciel et du soleil ? Distingue-ton le haut du

bas ?

- Les couleurs correspondent-elles à la réalité ? (bleu, vert, marron, jaune,

blanc, violet)

- S’agit-il d’un paysage réaliste, représentatif de la réalité ?

Explications :

a) Le traitement de l'espace

ex : Soleil couchant et Les Nuages

46 Photos du jardin de Giverny, issues du livre Monet Les Nymphéas. L'intégralité, par Jean-Dominique Rey, Denis

Rouart, Flammarion, 2008.

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Soleil couchant

Les Nuages

- Cadrage serré en gros plan.

Monet n’a pas choisi de représenter son jardin de Giverny dans son intégralité, mais il

s’est concentré sur certains espaces (son jardin d’eau) et sur une forme de représentation (le

reflet du ciel dans l’étang d’eau).

- Absence de perspective : pas de point de fuite.

Les Nymphéas ne constituent pas une représentation classique en perspective avec un

point de fuite créé à partir de lignes de force. Au contraire, ces diverses toiles concentrées sur

des gros plans sont travaillées en aplats.

- Absence de repères : ni haut, ni bas.

Les titres de ces panneaux indiqueraient que les toiles représentent des « nuages » et un

« soleil couchant ». Or, ce qui est dépeint est l’étang d’eau parsemé de nénuphars, de végétation

et de fleurs, et dans lequel se reflètent les nuages et un soleil couchant. Le haut (les nuages et le

soleil couchant) et le bas (l’étang d’eau) ne font alors plus qu’un.

b) Les couleurs

ex : Reflets verts, Matin et Les Nuages.

Reflets verts

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Matin

- Les tonalités bleutées correspondent à un jardin d’eau où se reflète le ciel.

- Les tonalités vertes correspondent à la végétation d’un jardin.

- Les touches de blanc correspondent à la couleur de la fleur de nénuphar.

- Les tonalités violettes en revanche correspondent moins à une réalité tangible.

ex : Soleil couchant.

- Les tonalités jaunes et rosées correspondent à un soleil couchant.

Les couleurs utilisées correspondent donc aux couleurs perçues dans la nature, dans un

jardin d’eau. Cependant, l’ensemble résultant de l’emploi de ces diverses tonalités dépasse la

réalité ; car le jardin de Giverny et son étang d’eau sont-ils d’un bleu si intense ?

c) Conclusion : un paysage au-delà de la réalité

Les Nymphéas ne reproduisent pas la réalité comme une photographie mais donnent les

sensations que cette réalité produit sur nous.

►Quelles sensations Monet transmet-il à travers les Nymphéas ?

Questions abordées:

- Observez la présentation des quatre tableaux :

- Les panneaux sont-ils de petits ou grands formats ?

- Les panneaux sont-ils disposés dans un parcours linéaire ou circulaire ?

- Avez-vous l’impression d’être devant l’œuvre et/ou dans l’œuvre ?

- Que ressentez-vous en contemplant ces paysages? De la colère ? De la

sérénité ? De la joie ? De la tristesse et de la mélancolie ?

Explications :

a) Un sentiment d’immersion

- Dimension des panneaux

Les panneaux sont de très grands formats en longueur et en largeur ce qui confère une

vision à la fois panoramique et intime. Le visiteur a la sensation de pouvoir entrer dans le

paysage.

- Disposition des panneaux

Les panneaux sont disposés dans une structure ovale qui enveloppe le visiteur, lui impose

un parcours circulaire et contribue ainsi à lui donner la sensation d'être au cœur de la nature. Il

évolue dans la salle comme s’il était au sein même du jardin de Giverny.

b) Un sentiment de plénitude et de paix

- La gamme de tons froids

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Mis à part Soleil couchant, la tonalité maîtresse des Nymphéas est un bleu-vert. Or, il

s’agit d’une couleur dite « froide » et non « chaude ». Ainsi elle transmet comme émotion non

pas des sentiments forts telles la joie ou la colère, mais des sentiments plus apaisés telles la

mélancolie ou la sérénité.

- La lumière

La lumière dominante n’est pas une lumière agressive mais paisible grâce aux tonalités

dominantes bleue-vertes. Même dans Soleil couchant, les tonalités orangées n’évoquent pas un

soleil ardent, mais bien les rayons affaiblis du coucher du soleil.

La lumière et les couleurs utilisées par Monet traduisent donc bien ce que le peintre a

voulu transmettre dans cette création des Nymphéas : un sentiment de paix intérieure.

c) Conclusion : un havre de paix et de sérénité

Monet avait pensé les Nymphéas comme un hymne à la paix survenue aux lendemains de

l’armistice du 11 novembre 1918. Son jardin de Giverny tout comme son extension picturale, les

Nymphéas, se voulaient donc des havres de quiétude.

II-3) La salle 2 : observer l’œuvre dans ses détails

Plan de la deuxième salle des Nymphéas :

47

Les quatre panneaux :

- Reflets d’arbres, 200x850 cm

- Le Matin clair aux saules, 200x1275 cm.

- Le Matin aux saules, 200x1275 cm

- Les Deux Saules, 200x1700 cm.

47 Plan issu du livre Claude Monet la couleur du temps, Virginia Spate, Edition du Chêne, 1993.

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Il s’agira d’expliquer les Nymphéas dans le détail, en expliquant les techniques de

création qui sont à l’origine des sensations et effets produits.

Comme précédemment, chaque thème abordé pourra se structurer en deux temps :

- une série de questions posées aux élèves portant sur ce qu’ils voient dans le

détail de l’œuvre, afin de conférer à la visite un caractère interactif.

- des explications leur donnant les clefs de compréhension de ce qu’ils

observent.

Cependant, il s’agira cette fois-ci de laisser aux élèves un temps de parcours libre dans

cette deuxième salle afin de pouvoir observer de près et découvrir par eux même les techniques

utilisées par Monet, tout en expérimentant cette notion de déambulation et d’immersion dans le

paysage, explicitée auparavant.

Par ailleurs, il faudra impérativement notifier aux élèves que s’approcher de près des

œuvres ne signifie pas pour autant toucher les œuvres, et leur expliquer le pourquoi de cette

interdiction : toucher les œuvres les abîme. Il faudra ainsi leur rappeler la nécessité de respecter

les distances de sécurité, à savoir les barrières métalliques disposées aux pieds des panneaux.

Objectif pédagogique : comprendre les techniques et leurs effets

- Apprendre le vocabulaire technique utilisé par Monet.

Mettre des mots sur des effets observés : repérer les différents outils et techniques

picturales utilisées par Claude Monet.

- Comprendre le lien entre les techniques utilisées et les effets produits, à l’origine des

sensations éprouvées.

Mettre des mots sur des sensations : expliquer par des termes techniques les sensations

éprouvées devant les panneaux de la première salle.

- Comprendre le statut précurseur des Nymphéas dans l’histoire de l’art.

Les Nymphéas annoncent la peinture abstraite, de par les techniques employées par

Monet.

► Les outils et techniques employés

Questions abordées:

- En observant de près les toiles, devinez quels outils Monet a utilisé.

- Comment les a-t-il utilisés : simple trait, empâtement, mouvement tournoyant… ?

Explications :

Les outils : pinceau, brosse, couteau, chiffon.

Les techniques : traits fins et tâches, coups de brosse, empâtements.

► Les effets produits:

Questions abordées:

- Selon vous, quels sont les effets produits par l’emploi de tels outils et techniques ?

Explications :

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Monet utilise divers outils pour différents effets avec des gestes plus ou moins amples, afin

de représenter la sensation de la réalité.

- Les traits au pinceau et couteau :

Ex : Matin clair aux saules, salle 2 : les flots de l’eau sont représentés par des traits

ondulés bleus, donnant la sensation d’une légère brise animant la surface aqueuse.

Ex : Soleil couchant, salle 1 : les hautes herbes sont représentées par des traits courbés

verts et marrons, donnant la sensation qu’une légère brise s’élève dans le jardin.

- Les coups de brosse.

Ex : Les Deux Saules, salle 2 : les zones plus claires vers le saule de droite sont travaillées

à la brosse dont la particularité principale est qu’elle laisse une partie de la toile visible.

Ce procédé véhicule une sensation de non fini et d’un monde flottant.

- Les empâtements au couteau pour faire ressortir certains motifs, leur donner de la

matière et conférer une sensation de réalité.

Ex : Les Deux Saules, salle 2 : comme dans la réalité, les fleurs de nénuphars sont plus

épaisses que l’eau, ce qui les fait notamment ressortir de la toile.

- Le travail au chiffon.

Ex : Matin aux saules, salle 2 : l’étang est travaillé au chiffon en gestes circulaires,

donnant la sensation à la fois d’une eau mouvante et d’un monde brumeux.

► Les effets des modes de représentation

Questions abordées:

- Comment Monet peint-il les fleurs ? De façon réaliste, pétale par pétale ?

- Comment Monet peint-il les saules pleureurs ? Le fait qu’ils ne soient pas représentés en

entier gêne-t-il la lecture et la compréhension de l’œuvre ? Ou bien parvient-on de nous-

mêmes à imaginer leur continuité non visible ?

Explications :

Comme on a pu le voir dans la première salle, Monet ne dépeint pas son Jardin d’eau de Giverny

de façon réaliste (cadrages serrés, pas de perspective, perte des repères). Or, on peut également

l’observer dans la deuxième salle en regardant attentivement les détails des panneaux.

Ex : Les fleurs sont représentées par des touches de couleurs, elles ne sont pas peintes

pétale par pétale mais par des touches épaisses de couleurs posées les unes à côté des autres.

Or, on ne s’en aperçoit qu’en se rapprochant de l’œuvre. Ce mode de représentation ne nuit

donc en aucune mesure à la lecture de l’œuvre. Au contraire, il met en valeur les protagonistes

de cette peinture : les nénuphars et leurs fleurs.

Ex : Les saules ne sont pas figurés en entier : là encore Monet utilise le procédé du cadrage

serré. Mais ce qu’il accentue dans cette découpe des saules, c’est la capacité à susciter

l’imagination du visiteur : il imagine de lui-même la continuité des saules. Ce mode de

représentation ne nuit donc pas non plus à la lecture de l’œuvre.

► Les effets des couleurs entre elles.

Questions abordées:

- Comment Monet peint-il les troncs d’arbre ? Quelles couleurs utilise-t-il ?

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- Quelle sensation dépeint-il ainsi ?

Explications :

Monet joue du rapport des couleurs entre elles pour créer des effets, des sensations.

Ex : Les troncs d'arbre sont un mélange de violet, marron et rouge qui donne la sensation

de la rugosité du tronc.

► Conclusion : l’annonce de la peinture abstraite.

Les techniques employées par Claude Monet, ainsi que leurs effets produits, annoncent la

peinture moderne :

- L’all-over de Jackson Pollock : la peinture continue hors-champs, au-delà du cadre, le

spectateur imaginant instinctivement la suite de l’œuvre.

- L’abstraction de Kandinsky : Monet de peint pas la réalité mais la sensation de a réalité.

Les fleurs, les arbres, les herbes et les flots ne sont pas représentés dans le détail, selon

un procédé réaliste, mais ils sont réduits à des traits, des touches, des coups de pinceaux,

de couteaux, de brosses ou de chiffon plus ou moins épais.

II-4) Les salles 1 et 2 : aller au-delà de l’œuvre

Après avoir observé de loin comme de près l’œuvre de Claude Monet, les élèves seront

en mesure de comprendre les Nymphéas dans leur globalité, et analyser non plus l’œuvre elle-

même (les techniques utilisées, les sensations et effets produits…), mais les concepts qui lui

confèrent son statut de chef-d’œuvre.

Objectif pédagogique : comprendre en quoi les Nymphéas sont un chef-d’œuvre.

- Comprendre les concepts sous-jacents aux sensations éprouvées et aux techniques

utilisées.

Aller au-delà du temps et du réel.

- Comprendre en quoi ces concepts représentent un exploit pictural.

Claude Monet parvient à représenter l’irreprésentable.

Claude Monet, nous dépeint donc la nature dans ce qu’elle a de plus insaisissable : son

évolution temporelle. Il nous donne à voir ce que l’on ne peut voir.

Ce monde pictural, pourtant construit à partir du réel, semble presque irréel, enchanteur, tel un

spectacle féérique.

Rédaction : Solveig Pigarias, Marguerite Moquet, David Jacquard-Delcourt

Conception graphique et mise en page : Josiane Yoshimura