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Exposition de septembre 2012 à août 2013 Le cortège de l’art Dossier pédagogique n°9

Le cortège de l’art - mam-st-etienne.fr€¦ · la nouveauté des médiums. ... Claude Monet a ouvert la voie à Olivier ... André DERAIN Nymphéas, 1907 Claude MONET En songe,

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Exposition de septembre 2012à août 2013

Le cortègede l’art

Dossierpédagogique

n°9

Avant-proposLe dossier pédagogique n°9, traitant de l’exposition Le cortège de l’art est un outil mis en place pour tout enseignant du primaire et du secondaire qui souhaite préparer sa visite, la prolonger, approfondir certaines œuvres ou notions abordées ou en étudier de nouvelles.

Comment et quoi ?

Nous avons choisi d’aborder cette exposition qui traite des différents genres picturaux par le biais de deux questions transversales, les deux grands chapitres du dossier : com-ment, la question de la forme et quoi, la question du sujet.

Trois thématiques

Dans chacun de ces chapitres, vous trouverez trois théma-tiques développées comme suit :

- une introduction à cette thématique,

- quatre lectures d’œuvres présentes dans l’exposition et pour chacune, une série de mots-clefs qui peuvent être des éléments d’analyse de l’œuvre (hiérarchisés en trois niveaux, chaque niveau permet d’aller un peu plus loin dans l’analyse),

- une reproduction de six œuvres de la collection du Musée d’art moderne qui ne sont pas présentées dans cette expo-sition mais qui peuvent être étudiées en prolongement,

- une frise rassemblant les œuvres analysées et les œuvres/prolongements qui permet une lecture visuelle chronolo-gique pour chaque thématique.

Quand ?

Toutes les œuvres étudiées dans le dossier pédagogique sont organisées chronologiquement dans une frise en fin de document.

Pistes pédagogiques

- Pour chaque chapitre, à partir de ces mots-clefs, vous pouvez choisir un mot-clef qui correspond à deux ou plu-sieurs œuvres, les analyser en comparant ces œuvres par l’axe du mot-clef.

PAR EXEMPLE : Mot-clef : Portrait Œuvres : Femmes sur fond rouge de Fernand léger et Portrait de M. Faure de Gabriel Tyr.Comparer ces deux portraits.

- En croisant les œuvres des chapitres, vous pouvez faire la même chose.

PAR EXEMPLE : Mot-clef : Profondeur/Surface, Œuvres : Nature morte aux cerises de Pablo Picasso et Na-ture morte au journal Lacerba de Gino Severini.Comparer ces deux peintures. Là aussi, les autres mots-clefs de chaque œuvre vous per-mettront d’aller plus loin dans l’analyse comparative.

- Chaque frise est un outil qui vous donnera des points de repères dans l’histoire de l’art. Elles peuvent être dévelop-pées, complétées avec des œuvres, des repères historiques étudiés en classe.

Vous pouvez partager ces prolongements réalisés en classe, en les mettant en ligne sur le site internet du musée, rubrique Partage d’expériences / Récits d’expériences.

SOMMAIRE

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P.2 AVANT-PROPOS

p.3 introduction

P.4 COMMENT ? LA QUESTION DE LA FORME

P.6 1 - LA PERSPECTIVE prend la fuite !P.9 2 - LA LUMIÈRE nous éclaire…P.12 3 - LA SURFACE nous trouble !

P.15 POURQUOI ? LA QUESTION DU SUJET

P.18 1 - LE CORPS s’impose…

P.21 2 - L’OBJET s’incruste…

P.24 3 - LA MISE EN SCÈNE se joue de nous !

P.28 quand ? LA QUESTION CHRONOLOGIQUE

INTRODUCTION Les collections du Musée d’Art Moderne de Saint-Etienne Métropole recèlent des œuvres relevant de tous les genres traditionnels. La contrainte des hiérarchies a perduré de l’antiquité jusqu’au XIXème siècle. Elle s’est estompée devant les innovations formelles du XXème siècle. Certains esprits chagrins ne l’acceptent pas, mais les grandes thématiques ont résisté aux turbulences de l’histoire, à la nouveauté des médiums. Le périmètre des espaces dévolus aux artistes, en proie soit à la nécessité impérieuse de faire pièce aux langages désuets, ou aux novations des technologies de leur époque, fluctue. Ainsi en va-t-il pour la question du portrait posée par Gabriel Tyr, René Iché et La Contrefleur – donations présentées pour la toute première fois au Musée d’Art Moderne - comme par Jim Dine avec Putney Winter Heart (Crazy Leon). Les thèmes illustrant des épisodes de l’histoire religieuse, peints par Luis Morales, Antonio Zanchi ou Charles Le Brun, peintre du roi Louis XIV, étaient un des chemins d’accès à une vérité d’ordre supérieure – Christian Boltanski et Matys Thursz pointent aussi cette nécessité impérieuse d’approche d’un indicible si douloureux soit-il. Objet détourné et monochrome, ces éléments d’un langage iconique contemporain ont une emprise aussi forte sur nos sens que le médium pictural. La photographie s’est saisie - entre autres sujets - de la scène de genre si décriée au milieu du XXème siècle. Cindy Sherman emprunte au vocabulaire cinématographique, Nan Goldin recourt à la mise en abyme picturale. Le paysage de Jean-Joseph-Xavier Bidauld et les œuvres de Jean-Luc Mylayne loin d’être des paysages relèvent d’une réflexion philosophique sur la condition humaine. Claude Monet a ouvert la voie à Olivier Debré, Michael Buthe ou Richard Long. La nature morte reste un des thèmes récurrents de la contemporanéité, nous confrontant à la vanité et l’inéluctable de notre destinée.

Des complicités inattendues se nouent entre certaines œuvres. Il était parfois de tradition au temps anciens de porter en gai cortège, les tableaux achevés de l’atelier du peintre dans les églises ou les palais. Nous convions aujourd’hui le visiteur à participer de la liesse de la découverte.

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Scène d’intérieur ou le repas du perroquet, 1650-1693Job BERCKHEYDE Nature morte au journal Lacerba

1913Gino SEVERINI

XVIe

XVIe

6-5-1-4, vers 1950Alexander CALDERSans titre, 1934

Victor BRAUNERSerial project n°1, A 4 1966Sol LEWITT

PERS

PECT

IVE

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XVIIe

XVIIe

XVIIIe

XVIIIe

Nature morte, 1642Willem KLAAEZ HEDA

La tasse de thé, 1935André DERAIN

Nymphéas, 1907Claude MONET

En songe, 1937Jean ARP

Ruban bleu, 1910KUPKA

Nature morte aux cerises, 1943Pablo PICASSO

Monochrome I.K.B., 1957Yves KLEIN

Beth Yad, 1958Morris LOUIS

Avenue de la Motte-Piquet, Paris XVe

1 novembre 1961Jacques VILLEGLé

Front de terre, août 1960Jean DUBUFFET

XIXe

XIXe

XXe

XXe

1545Début du Concile de Trente

et de la Contre-Réforme

1789Révolutionfrançaise

1889Exposition universelle

de Paris(Tour Eiffel)

1914-1918Première

Guerre Mondiale

1824Invention du

premier procédé photographique

(Nicéphore Niépce)

COMMENT ? LA QUESTION DE LA FORME

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Winter Slate Line, 1985Richard LONG

L.P 1, 2000Jean-Marc BUSTAMANTE

Typologie, Chevalements de puits de mines, 1996Bernd et Hilla BECHER

Cabane éclatée deux fois, 1990-1991Daniel BUREN Palacio Real Madrid IV 6/6

2000Candida HÖFER

Max at Sharon’s apartment under photo of his mother, Cookie, New York, 1998Nan GOLDIN

Monument for Vladimir Tatlin, 1975Dan FLAVIN Sans titre,

1999-2000Patrick SAYTOUR

Les Paravents, 26 février 1986Philippe FAVIER

Sans titre, 1948Pierre SOULAGES

Selfportrait, 1966Andy WARHOL

Schädel, 1983Gerhard RICHTER

Sans titre, 1985Toni GRAND

Portrait d’homme, bleu, jaune, rouge, 1964Alain JACqUET

N°66, Janvier à mars 1987, 01/1987 03/1987Jean-Luc MYLAYNE

XXIe

XXIe

1939-1945Deuxième

Guerre Mondiale

1968Evénements de Mai 68

1 - LA PERSPECTIVE prend la fuite !Le mot perspective provient du latin «perspicace» c’est-à-dire, voir au travers. Dans son Traité de la peinture, Léonard de Vinci reprenant celui d’Alberti (De pictura, 1435), explique que « la perspective n’est rien d’autre que la vision d’un objet derrière un verre lisse et transparent à la surface duquel pourront être marquées toutes les choses qui se trouvent derrière le verre.» Les gravures de Dürer (Instruction sur la manière de mesurer, 1525-1538) illustrent cette conception de la perspective.

La perspective géométrique occidentale de la Renaissance est l’art de représenter le monde tel qu’il se donne à voir à l’œil humain, en créant l’illusion de la profondeur sur une surface plane: perspective centrale appelée conique ou point de fuite. Dans la représentation graphique, les lignes parallèles sont représentées par des segments qui semblent converger en un même point de fuite, comme par exemple dans la Flagellation du Christ de Piero Della Francesca.

A partir du XVIème siècle, la perspective classique s’impose définitivement pendant quatre siècles. Elle fonctionne simultanément comme un procédé mimétique et comme une représentation de l’espace du tableau. Mais, au XXème siècle, sa fonction est remise en cause plastiquement par les artistes. Elle est sans cesse reconstituée pour poser les problèmes de l’espace, du cadrage, des relations figure-fond…

Job BERCKHEYDE (1630-1693, Pays-Bas)Scène d’intérieur ou le repas du perroquet, 1650-1693Huile sur toile, 49,5 x 41 cm

C’est au XVIIème siècle de l’Âge d’or hollandais, que la représentation de la réalité, recherchée pour elle-même sans alibi religieux, mythologique ou littéraire devient le but de la peinture hollandaise. Ainsi, se développe un genre pictural, appelé scène de genre dont la raison d’être est de montrer la réalité quotidienne.Le tableau d’une scène d’intérieur bourgeois reprend, ici, une formule fréquemment utilisée par les artistes contemporains de Berckheyde (tel Vermeer). En effet, un couple avec un perroquet prend place à l’angle d’une pièce éclairée par une fenêtre, ouvrant sur le canal d’Haarlem. Le cube régulier de la pièce se creuse selon une perspective frontale qui dirige le regard vers la cheminée d’une autre pièce du logis.De cette mise en scène simple et rigoureuse naît une organisation géométrique, dominée par un jeu de verticales et d’horizontales. Cette scénographie toute simple met en évidence une combinaison de deux espaces (intérieur et extérieur) et résume ainsi les deux pôles de la vie quotidienne : le privé et le public.

1 - Personnages • intérieur/extérieur • profondeur • réaliste • lumière rasante • fenêtre

2 - Scène de genre • lignes de fuites • perspective • narration • composition • point de vue

3 - Théâtralité • symboles • Peinture classique

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Gino SEVERINI (1883, Italie-1966, France)Nature morte au journal Lacerba, 1913Papiers collés, encre de Chine, fusain, gouache et craie sur papier, 50 x 66 cm

En 1911, Severini adhère au mouvement futuriste italien et signe le Manifeste des peintres futuristes rédigé par Marinetti. Ce mouvement littéraire et artistique rejette la tradition esthétique et exalte en particulier la civilisation urbaine, la machine et la vitesse : « Une automobile rugissante, qui a l’air de courir sur la mitraille, est plus belle que la Victoire de Samothrace » (Marinetti). Le manifeste, dont les idées sont diffusées dans la revue Lacerba, est dans le contexte parisien de l’époque, le premier texte préconisant une peinture d’avant-garde.Travaillant à Paris et suivant l’exemple de Picasso, Severini introduit dans la composition Nature morte au journal Lacerba la technique du collage et matérialise un nouvel espace pictural. Papier kraft, carton ondulé, papier calque, aluminium font surgir la texture, les transparences… des objets représentés : bouteille de rhum, compotier, verre et table. Ainsi, les volumes des objets sont aplatis jusqu’à devenir des surfaces. La profondeur est évoquée exclusivement par des plans colorés qui s’imbriquent les uns dans les autres. Severini transgresse ainsi les représentations traditionnelles qui imposent l’homogénéité des matériaux dans les œuvres picturales. Il introduit des fragments hétérogènes de la réalité sensible et détruit simultanément l’illusion spatiale.

1 - Découper • coller • tracer • peindre • papier • carton • journal • mots

2 - Nature morte • composition • lignes • surface/profondeur • contraste • transparence

3 - Lignes • décomposition/composition • points de vue multiples • non-illusionniste • non-mimétique • représentation synthétique

Richard LONG (1945, Royaume-Uni)Winter Slate Line, 1985Pierre700 x 80 cm

Le rapport entre œuvre et environnement est particulièrement sensible dans certaines œuvres du Land Art, par exemple Annual Rings, 1968 de Dennis Oppenheim, Spiral Jetty, 1970 de Robert Smithson. Richard Long installe des pierres dans le lit d’une rivière, gratte le sol ou marche dans un champ pour écraser l’herbe sous ses pas, A Line Made by Walking, 1968. Ces déplacements conditionnés par le temps (une heure, trois jours ou plus) et l’espace délimité du paysage (ouest de l’Irlande, prairie canadienne, désert saharien...) donnent lieu à des sculptures dans la nature : cercles ou allées de pierres.Il expose aussi dans des espaces d’exposition, des sculptures identiques à celles qu’il conçoit dans la nature, par exemple Rochechouart Line, 1990, château de Rochechouart. Pour le transept de la cathédrale de Lincoln en Grande-Bretagne, Halifax Slate Circle, 1989, Richard Long choisit des pierres qu’il fait tailler dans des carrières pour faire une construction de géométrie pure en écho à la forme ronde du vitrail. Cette œuvre in situ impose un point de vue au spectateur sur l’œuvre elle-même et sur l’architecture médiévale.Au contraire, la sculpture Winter Slate Line d’une allée d’ardoises exposée dans l’espace neutre du Musée, engage le spectateur à en faire physiquement le tour et à « récapituler » les gestes de l’assemblage archaïque.

1 - Chemin • allée • pierre • ardoise • forme géométrique • matériau brut • matériau unique • arrêtes • au sol

2 - Sculpture • horizontalité • assemblage • superposition • perspective • points de vue • lignes/ligne • espace • marcher • collecter

3 - Son • naturel/artificiel • in situ • Land art • intérieur/extérieur

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Prolongements

Alexander CALDER(1898- 1976, états-Unis)6-5-1-4, Vers 1950Mobile, métal

Bernd et Hilla BecherTypologie, Chevalements de puits de mines, 199612 photographies, 168,9 x 185,6 cm

Victor Brauner(1903, Roumanie – 1966, France) Sans titre, 1934Huile sur toile, 114 x 146 cm

Daniel Buren(1938, France) Cabane éclatée deux fois, 1990-1991Bois, tissu et miroir, 423 x 423 x 423 cm

Candida Höfer(1944, Allemagne) Palacio Real Madrid IV 6/62000Photographie couleur sous plexiglas, 150 x 151 cm

Sol LeWitt(1928, états-Unis) Serial project n°1, A 4 1966Tube de section carré en aluminium laqué, 70,5 x 203 x 203 cm

Jean-Marc BUSTAMANTE (1952, France)L.P 1, 2000Photographie couleur, 227 x 180 cm

A partir de 1978, Bustamante fait des photographies de sites - terrains vagues ou lisières des villes - qu’il traite comme des « tableaux ». Il souligne le regard porté sur des sites, à travers le découpage du lieu perçu par le cadrage, puis restitué par la photographie tout en faisant référence à la tradition du paysage pictural. L’image L.P 1, en grand format, fait partie d’une série de paysages réalisés près des lacs suisses. Comme l’exprime Bustamante : la prise de vue volontairement banale de ce paysage, précis et net dans les détails et la texture, n’est ni documentaire ni réaliste. Pourtant, les détails rendent compte du réalisme des choses photographiées : le cimetière, l’église, la maison et la falaise près du lac. Pour lui, le lac devient « un trou à l’extérieur du site ». Ce qui l’intéresse, c’est « l’horizontalité du lac en liaison avec la verticalité de l’image ».Le traitement frontal, d’une parfaite symétrie verticale et horizontale faite de plans colorés qui semblent superposés, affirme la volonté de l’artiste de faire un paysage composé sans effet de plan perspectif et de profondeur. Fixée à la hauteur d’un homme debout, cette image intègre le spectateur devant ce paysage. Son regard et sa présence se confondent avec l’espace du « tableau ».

1 - Paysage • détails • horizontalité • lignes • point de vue frontal • cadrage • reflet

2 - Profondeur/surface • naturel/artificiel • banal • strates

3 - Surréel • étouffant

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2 - LA LUMIèRE nous éclaire…La lumière est la condition sine qua non du visible, indispensable à sa représentation. Avec la photographie, elle assume le rôle de medium, de « crayon de la nature » selon les mots de William Henry Fox Talbot, pionnier de la photographie. Elle est enfin utilisée comme matériau par nombre d’artistes contemporains, qui l’apprivoisent grâce à ampoules, néons et diodes, et parviennent à lui octroyer son autonomie.

A son don d’ubiquité, elle joint une ambiguïté permanente qui a alimenté les interrogations et les recherches des artistes : immatérielle par essence, elle peut transcender le réel et évoquer le spirituel mais elle peut aussi exalter la matière, les surfaces, en un perpétuel va-et-vient entre physique et métaphysique.

Willem KLAAEZ HEDA (1593-1680, Pays-Bas)Nature morte, 1642Huile sur bois, 59 x 74,5 cm

Cette nature morte est une composition finement réglée : plusieurs axes la traversent et lui procurent structure et équilibre. Aiguière et flûte de verre à demi remplie tracent des lignes verticales poursuivies, dans la partie inférieure du tableau, par les plis de la nappe couvrant la table. Un nautile, monté sur un pied d’argent, dessine une diagonale à laquelle répond celle d’un rayon lumineux venu d’une fenêtre en hauteur. Cette fenêtre apparaît dans son reflet démultiplié à la surface de l’aiguière, soulignant ainsi le fait que la lumière naturelle joue ici un rôle crucial. Elle évoque les rythmes circadiens et le passage du temps, que symbolisent aussi le citron et son zeste se déroulant en spirale.Ombres et lumières participent pleinement à la maîtrise de la composition. Leur alternance, au premier plan, sur la desserte, mais aussi à l’arrière-plan, rythme la construction. C’est encore la lumière, caressant tous ces objets raffinés, qui révèle leurs qualités sensuelles : peau rugueuse du citron, surface lisse et froide du métal ou reflets irisés de la nacre.Cette harmonie de gris, de bruns et de blancs, travail d’une gamme très limitée de teintes posées en glacis, est la signature d’un courant « monochromiste », présent à Haarlem (Pays-Bas) dans la première moitié du XVIIème siècle, Heda en est l’un des représentants majeurs.

1 - Objets • nourriture • table • lumière • brillance • réalisme • fin de repas

2 - Nature morte • glacis • lumière orientée/lumière diffuse • gamme colorée restreinte

3 - Temps • Peinture flamande

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André DERAIN (1880 – 1954, France)La tasse de thé, 1935Huile sur toile, 92 x 74 cm

Claude MONET (1840-1926, France)Nymphéas, 1907Huile sur toile, diamètre 80,7 cm

L’œuvre de Derain vers 1905 par son utilisation de teintes éclatantes et arbitraires, son mépris de la perspective traditionnelle relève du Fauvisme. Lorsqu’il peint la Tasse de thé en 1935, sa palette est assagie et assombrie, dans le sillage du « retour à l’ordre », période de réapparition d’un certain classicisme pendant l’entre-deux-guerres.La sobriété chromatique de ce portrait sert un clair-obscur qui noie le fond du tableau dans l’obscurité. Se détachent par contraste le blanc des yeux de la jeune lectrice et du livre ouvert - dont le regard s’est envolé. Cet effet de lumière peu naturel met l’accent sur les éléments essentiels du tableau. Le livre, dépassant légèrement du bord de la table, sépare nettement l’espace du spectateur de celui de la jeune femme.Isolée dans une sphère intime et solitaire, le spectateur ne la rejoint, qu’en plongeant dans son regard. Celui-ci, perdu dans le vague, s’est-il arrêté sur quelque épisode particulièrement prenant de sa lecture ? Est-il prisonnier d’une songerie mélancolique ? Cette rêverie mystérieuse semble imprégner l’espace clos qui en est le décor ; elle en fait de la sorte l’expression d’un monde intérieur.

Ce paysage de Claude Monet donne une vision indirecte du ciel et de la lumière, un reflet sur un miroir d’eau. Ces Nymphéas se singularisent par la forme circulaire du support : un tondo. Il rappelle la forme d’une planète. Il évoque l’objectif d’une longue-vue qui autorise une vision monoculaire et donc, une focalisation sur le motif. Le motif n’est pas décrit en détail, il émerge d’une atmosphère brumeuse, comme issu d’une vapeur chromatique : l’œil devine les nymphéas, plus qu’il ne les voie. Pour Claude Monet, la lumière est couleur ; le regard mélange les touches de couleur pure qu’il appose en empâtements sur sa toile. En cela, il suit les enseignements du chimiste Eugène Chevreul, qui publie en 1839 un ouvrage intitulé De la loi du contraste simultané des couleurs.Ce qui importe à Monet, c’est l’interaction entre son regard et le paysage de plein air, puis entre son tableau et l’œil du spectateur. C’est pourquoi, Claude Monet a peint inlassablement des séries de tableaux représentant le même sujet ; mais à chaque heure du jour correspond une nouvelle perception, une nouvelle représentation.Il s’agit aussi d’expérimenter les modes de dispersion et réfraction de la lumière dans différents milieux, l’eau, l’air, la matière, mais aussi à la surface du tableau, sur ses empâtements.

1 - Réalisme • clair-obscur • pose • espace confiné • intime

2 - Portrait • rêverie • songe • mélancolie

3 - Retour à l’ordre1 - Etang • nymphéas • lumière • reflet • ciel • touches colorées

2 - Paysage • tondo • point de vue • zoom • cadrage • sur le motif • extérieur

3 - Effet optique • Impressionnisme • all over • Jardins de Giverny

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Nan GOLDIN (1953, états-Unis)Max at Sharon’s apartment under photo of his mother, Cookie, New York, 1998Photographie cibachrome, 69,5 x 101,5 cm

Cookie Mueller est une actrice new-yorkaise décédée en 1989, et amie proche de Nan Goldin. Son fils Max est ici photographié devant un cliché la représentant. Egalement exécuté par Nan Goldin, il est intitulé Cookie at Tin Pan Alley, NY et date de 1983.Mère et fils partagent une posture similaire dans cette triple mise en abyme - de la mélancolie, de la photographie et de la lumière - tandis que leurs regards dirigés dans des directions opposées traduisent leur séparation définitive.L’éclairage de la scène met l’accent sur cette séparation ; dans la photo fixée au mur, Cookie est environnée par une lumière chaleureuse, à laquelle seule une petite lampe de chevet fait écho dans la pièce où se trouve son fils. Cette dernière est sombre mais une lumière crue vient frapper le visage de Max. Elle crée des reflets blafards à la surface de la photo où apparaît Cookie, montrant bien par-là que Cookie n’est plus un être de chair ; elle n’existe plus que par les images qui subsistent d’elle et par le souvenir qu’elle a laissé dans les mémoires.Si la séparation semble irrémédiable, l’utilisation du medium photographique construit cependant un lien d’une autre nature, comme l’explique Roland Barthes dans La Chambre claire : « D’un corps réel, qui était là, sont parties des radiations qui viennent me toucher, moi qui suis ici, peu importe la durée de la transmission ; la photo de l’être disparu, vient me toucher comme les rayons différés d’une étoile ».

1 - Intérieur • intime • sources lumineuses • cadrage • espace confiné • accumulation

2 - Portrait • instantané • composition • lumière

3 - Mise en abyme

Prolongements

Jean Arp (Hans Arp, dit)(1886 - 1966, France - Suisse) En songe, 1937Bronze poli, 36 x 17,5 x 22 cm

Pierre Soulages(1919, France)Sans titre, 1948Goudron sur verre, 76,5 x 45,5 cm

Dan Flavin(1933 - 1996, états-Unis) Monument for Vladimir Tatlin de la série : Monument for Vladimir Tatlin, 1975Tubes fluorescents blancs et appareillage électrique304,5 x 61 x 12 cm

Patrick Saytour(1935, France) Sans titre, 1999-2000Verre, plastique et métal217 x 93 x 93 cm

Kupka (Frantisek Kupka, dit)(1871 - 1957, Bohème Orientale – France) Ruban bleu, 1910Huile sur toile, 65 x 71 cm

Philippe Favier(1957, France)Les Paravents,26 février 1986Email à froid sous verre 12,8 x 23 cm

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3 - LA SURFACE nous trouble !Un des aspects de la modernité consiste à marquer une rupture entre l’idée du tableau comme fenêtre ouverte sur le monde et l’affirmation du tableau comme plan bidimensionnel en adéquation avec la peinture. En ce sens, Claude Cézanne est l’un des premiers peintres à présenter la peinture comme matière à part entière. L’orientation de ses touches donne forme aux sujets peints et laisse entrevoir la surface de la toile.

L’exploration d’autre médium, telle la photographie, questionne aussi les artistes quant aux statuts de l’image, de la représentation et de la figuration.

Ce jeu d’écho d’un médium à l’autre a conduit certains artistes à créer des œuvres aux apparences ambivalentes. Mais les artistes vont activer ces jeux de surfaces. Une surface sensible comme une membrane imperceptible qui englobe au-delà et en deçà d’elle-même : une surface animée d’une certaine profondeur. Une profondeur ambiguë car elle joue avec le plan lui-même, qu’elle affirme et dément en même temps.

Pablo PICASSO (1881, Espagne - 1973, France)Nature morte aux cerises, 1943Huile sur toile, 53,9 x 80,9 cm

Même si Nature morte aux cerises est une œuvre post-cubiste de Pablo Picasso, on retrouve des traces d’éléments fondateurs de la recherche cubiste : comment représenter un espace en trois dimensions de manière non-illusionniste, sur l’espace en deux dimensions qu’est le tableau ?Si l’on observe les trois récipients qui côtoient le compotier rempli de cerises, on remarque en effet la fragmentation des volumes en multiples facettes. Pablo Picasso traite ainsi l’espace en multipliant les points de vue sur une même surface.En cette période d’occupation, l’artiste resserre sa peinture autour d’objets du quotidien et laisse l’arrière-plan dépourvu d’indice spatial dans un traitement monochrome sans perspective. Seul indice de second plan, un cadre jaune, miroir ou tableau, nous présentant lui aussi une surface grise faisant front à notre regard. En confrontant la réalité, la représentation et l’imitation par le jeu du dessin et de la composition, Pablo Picasso est l’un des artistes qui ouvre la voie à l’affirmation du tableau comme surface.

1 - Objets • ombres • tableau-miroir • empâtement • contour • déformation • mat • espace épuré

2 - Nature morte • points de vue multiples • plein/vide • transparence/opacité

3 - Austère • fond monochrome • Cubisme

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Andy WARHOL (1928- 1987, états-Unis)Selfportrait, 1966Encre sérigraphique sur toile, 57 x 57 cm

« Je voudrais être une machine ».« Je suis anti-tache. C’est trop humain. Je suis pour l’art mécanique. Si j’ai choisi la sérigraphie, c’était pour tirer le meilleur parti des images préconçues par des techniques commerciales de reproduction multiple ».Dans un contexte économique et culturel en plein essor tourné vers le capitalisme, de nouvelles techniques industrielles apparaissent favorisant la production d’objets en série et l’omniprésence d’une nouvelle typologie d’images. L’image communicante dite « publicitaire » répond à des codes très précis : composition simple, couleurs vives ou contrastées en aplats, formes synthétiques. Les artistes du Pop art vont questionner ce nouveau rapport à l’image pour capter le regard du plus grand nombre. Andy Warhol porte l’étendard de cette superficialité en abandonnant la profondeur au profit de la surface et incarne ainsi une culture populaire où la star devient icône et où l’objet est sacralisé. Le travail de la photographie et de la sérigraphie lui permet de produire des œuvres d’art en série où la multiplication vide la figure de sa substance. Cet autoportrait de 1966 indique que l’artiste ne s’épargne pas lui-même : il devient motif au même titre que Marylin Monroe ou la boîte de soupe Campbell. Cependant, l’ombre dans laquelle il dissimule la partie gauche de son visage et sa pose d’ « artiste penseur » contredit cette surexposition et laisse à penser que malgré ses propos, l’artiste est plus équivoque que ce qu’il veut nous faire croire.

1- Portrait • contraste • aplat • décalage

2 - Pose • clair-obscur • point de vue frontal • photographique • unité fond-forme

3 - Distance • Pop art • sérigraphie • série • mécanique

Gerhard RICHTER (1932, Allemagne)Schädel, 1983, 95 x 90,5 x 3,7 cm

Schädel est une des œuvres figuratives de Gerhard Richter parmi des peintures abstraites ou hyper réalistes. Son œuvre est en effet multiple mais renvoie toujours à une relation à l’autre et à la peinture. Peintre allemand, il est l’héritier du Récit de l’holocauste à travers son histoire familiale ; ce qui implique peut-être que ses peintures ont un pouvoir mnémonique.Le flou hyperréaliste de Richter nous renvoie directement à la photographie, médium lié au souvenir et à la mémoire. Le crâne représenté tend ainsi à disparaitre et se retrouve isolée avec comme seule altérité son propre reflet. Les teintes de gris et de bruns que l’artiste apprécie particulièrement, ainsi que les glacis de la peinture à l’huile, ajoute à l’impression d’éloignement et d’incertitude. Gérard Richter, peintre avant tout, n’est pas dans l’image, mais dans l’affirmation d’une peinture. Une peinture qui questionne son temps et à la surface de laquelle notre propre existence se reflète dans un jeu de passage du miroir à la mise en abyme.

1 - Crâne • profil • peinture • bleuté • ligne • composition géométrique • espace épuré • reflet • contraste

2 - Réalisme photographique • flou • isolé

3 - Texture photographique • grain • vanité • effacement

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Prolongements

Morris Louis (Morris Louis Bernstein, dit) (1912, Baltimore - 1962, états-Unis) Beth Yad1958Acrylique sur toile 229,9 x 383,5 cm

Jean Dubuffet(1901 - 1985, France) Front de terre août 1960Pâte plastique et mica sur isorel 114 x 146 cm

Toni Grand (Antoine Grand, dit)(1935 - 2005, France) Sans titre1985Deux os, trois pierres stratifiées 67,5 x 275 x 62 cm

Alain Jacquet(1939, France) Portrait d’homme, bleu, jaune, rouge, 1964Sérigraphie sur toile 162 x 114 cm

Yves Klein(1928 - 1962, France)Monochrome I.K.B.1957Pigments purs et résine synthétique, 50 x 50 x 5,5 cm

Jean-Luc MYLAYNE (1946, France)N°66, Janvier à mars 1987, 01/1987 03/1987Photographie couleur marouflée sur aluminium85 x 85 cm

Jean-Luc Mylayne est un artiste qui prend le temps, le temps de la contemplation et de la rencontre. Son œuvre, lentement élaborée, se compose d’environ 400 photographies réalisées depuis 1976. Très loin de la photographie animalière, Jean-Luc Mylayne apprivoise les oiseaux. Il se rend dans leur territoire et se laisse approcher, regarder. Il choisit avec soin le lieu, le cadrage, la lumière et les différents plans à partir des habitudes des oiseaux, si bien qu’il n’appuie qu’une seule fois sur le déclencheur : l’instant est là, celui que l’animal a choisi, celui où l’homme est regardé par l’animal. Cette expérience révèle à l’homme une autre manière d’être au monde dans ce territoire situé de l’autre côté de la lisière. La photographie n°66 contient cette zone de flou qui sépare le premier plan (celui de l’oiseau) de l’arrière-plan (celui de l’homme) et marque l’expérience fragile de la beauté fugitive du monde.Mylayne obtient ces zones de flou en travaillant directement sur ses objectifs pour chaque photographie. Il crée ainsi une limite entre le spectateur et le territoire photographié, en ramenant le regard à la surface de l’image tel un seuil. En photographiant cet instant, Jean-Luc Mylayne nous propose le jeu du regard sur nous-même et soulève la question de la condition humaine.

1 - Oiseaux • sol • photographie • plongée • flou/net

2 - Paysage • surface/profondeur • proximité • observer • apprivoiser

3 - Instant fugace • fragilité • ordinaire

14

Jacques Villeglé (Jacques Mahé de La Villeglé, dit) (1926, France)Avenue de la Motte-Piquet, Paris XVe

1 novembre 1961Affiches lacérées 241 x 176 cm

15

PERSPECTIVE • Personnages • intérieur/extérieur • profondeur • réaliste •

lumière rasante • fenêtre • Scène de genre • lignes de fuites • perspective • narration •

composition • point de vue • Théâtralité • symboles • Peinture classique • Découper • coller

• tracer • peindre • papier • carton • journal • mots • Nature morte • composition • lignes •

surface/profondeur • contraste • transparence • Lignes • décomposition/composition •

points de vue multiples • non-illusionniste • non-mimétique • représentation synthétique

• Chemin • allée • pierre • ardoise • forme géométrique • matériau brut • matériau unique

• arrêtes • au sol • Sculpture • horizontalité • assemblage • superposition • perspective

• points de vue • lignes/ligne • espace • marcher • collecter • Son • naturel/artificiel • in

situ • Land art • intérieur/extérieur • Paysage • détails • horizontalité • lignes • point

de vue frontal • cadrage • reflet • Profondeur/surface • naturel/artificiel • banal

• strates • Surréel • étouffant • LUMIÈRE • Objets • nourriture • table • lumière

• brillance • réalisme • fin de repas • Nature morte • glacis • lumière orientée/lumière

diffuse • gamme colorée restreinte • Temps • Peinture flamande • étang • nymphéas •

lumière • reflet • ciel • touches colorées • Paysage • tondo • point de vue • zoom • cadrage

• sur le motif • extérieur •Effet optique • Impressionnisme • all over • Jar dins de

Giverny • Réalisme • clair-obscur • pose • espace confiné • intime • Portrait • rêverie •

songe • mélancolie • Retour à l’ordre • Intérieur • intime • sources lumineuses • cadrage

• espace confiné • accumulation • Portrait • instantané • composition • lumière • Mise

en abyme • SURFACE • Objets • ombres • tableau-miroir • empâtement • contour

• déformation • mat • espace épuré • Nature morte • points de vue multiples • plein/vide

• transparence/opacité • Austère • fond monochrome • Cubisme• Portrait • contraste •

aplat • décalage • Pose • clair-obscur • point de vue frontal • photographique • unité

fond-forme • Distance • Pop art • sérigraphie • série • mécanique • Crâne • profil •

peinture • bleuté • ligne • composition géométrique • espace épuré • reflet • contraste

• Réalisme photographique • flou • isolé • Texture photographique • grain • vanité •

effacement • Oiseaux • sol • photographie • plongée • flou/net • Paysage • surface/

profondeur • proximité • observer • apprivoiser • Instant fugace • fragilité • ordinaire

16

XVIe

XVIe

CORP

SOB

JET

mis

e en

scèn

e

XVIIe

XVIIe

XVIIIe

XVIIIe

XIXe

XIXe

XXe

XXe

1545Début du Concile de Trente

et de la Contre-Réforme

1789Révolutionfrançaise

1889Exposition universelle

de Paris(Tour Eiffel)

1914-1918Première

Guerre Mondiale

1824Invention du

premier procédé photographique

(Nicéphore Niépce)

POURQUOI ? LA QUESTION DU SUJETPortrait de M. FAURE1847Gabriel TYR

Femmes sur fond rouge, 1927 Fernand LEGER

Totem, 1964Gaston CHAISSAC Autoportrait, 1972-1975

Arnulf RAINERElke VI, octobre 1976Georg BASELITZ

Le Fiancé,vers 1916 - 1918 Francis PICABIA

Bouteille de vin rêvant être une bouteille de lait, 1961Robert FILLIOUNature morte puriste

1921Amédée OZENFANT

Poubelle d’atelier, 1964ARMAN

Vanité, vers 1640Damien LHOMME

Jacob bénissant les enfants de Joseph dit aussi Isaac bénissant les enfants de Jacob, XVIIème siècleAntonio ZANCHI

Untitled #85, from the Centerfold Series, 1981Cindy SHERMAN

Les dirigeants chinois saluent le défilé du 20e anniversaire de la Révolution, 1970Bernard RANCILLAC

La Joconde est dans les escaliers, vers 1968Robert FILLIOU

Renoir + grand block secours, 1971Jean-Pierre RAYNAUD

17

XXIe

XXIe

1939-1945Deuxième

Guerre Mondiale

1968Evénements de Mai 68

Catacombes, 1992Jana STERBAK Volume 1, 2000

Jean-Pierre KHAZEM

Hermaphrodite, 1993Jean-Michel OTHONIEL

Le patron du ranch El Toro, 1983Hervé DI ROSA

Torso Front, 1984Self-PortraitsJohn COPLANS

Putney Winter Heart (Crazy Leon), 1971 – 1972Jim DINE

Toi et Moi : Philosophal, 2000Serge COMTE

Mettre le paquet III1965Daniel SPOERRI

Reconstitution, essai de reconstitution en pâte à modeler effectué le 15 novembre 1970 d’un fusil en bois que possédait C.B. entre 1949 et 1951, 1970Christian BOLTANSKI

Clear Glass Stack, 1999Tony CRAGG

Autel Chases, 1988Christian BOLTANSKI

Porträt – Christoph Steinmeyer, 1989Thomas RUFF

Fifteen Hang-Outs, 2003Gilbert & Georges

Sanguis / Mantis Landscape (Battlefield)2004Jan FABRE

Famille Aldobrandini, Rome, 1986Patrick FAIGENBAUM

1 - LE CORPS s’impose…L’histoire de l’art nous a légué une multitude de représentations du corps et de la figure humaine. La vision que l’homme se fait de lui-même est instable. Elle est déterminée par le contexte social, historique ou technologique. La photographie s’est substitué à la peinture et a fait entrer l’image du corps dans l’ère de la reproduction mécanique. Parallèlement, les deux guerres mondiales au XXème siècle ont mis à mal la question de la représentation de l’homme.

D’autres propositions ont émergé, avec l’abandon de la représentation réaliste. Par l’intervention de matières inattendues, l’œuvre contemporaine aborde la question du périssable, de l’irreprésentable.

Gabriel TYR (1817-1868, France) Portrait de M. FAURE, 1847Huile sur toile, 165,5 x 126,7 cmPortrait de Mme FAURE-PEYRET, 1847Huile sur toile, 168 x 128 cm

Les portraits de Gabriel Tyr nous offrent un regard sur la société bourgeoise du XIXème siècle. La composition classique et le point de vue frontal accentuent la rigidité du décor d’une grande sobriété. Certains éléments ne sont pas représentés dans leur ensemble, ce qui rappelle la pratique du cadrage photographique. Seul un livre déposé négligemment sur le bord de la cheminée et quelques fleurs, donnent un peu de vie à cet ensemble. La texture des étoffes et de légers drapés est l’occasion pour le peintre de travailler la matière et ses effets, le satin du gilet, le velours confortable de la robe, le bracelet marquant un léger contraste. L’œuvre impressionne par le réalisme de la représentation et l’attitude déterminée des modèles. L’homme est placé debout contre le dossier d’un fauteuil, le regard fixe mais affable ; elle, assise sur un prie-dieu, la tête légèrement inclinée, affiche un très léger sourire. Le style rigoureux de la construction de la scène est soumis au carcan des codes picturaux encore empreint de néoclassicisme. Ainsi s’affirme l’appartenance à la bourgeoisie et à ses codes. Comme un miroir, ces portraits dévoilent l’esprit et les mœurs d’une classe sociale dont le peintre semble ici tracer les vertus.

1 - Portrait • pose • intérieur • réalisme

2 - Figé • hiératique • cadrage photographique • frontalité • mise en scène

3 - Néo-classicisme • convention

18

Fernand LEGER (1881-1955, France)Femmes sur fond rouge, 1927 Huile sur toile 138,5 x 95,5 x 4,4 cm

Sur un fond rouge vif, un groupe de trois personnages nous fait face dans une attitude figée et monumentale. Des pièces modulaires composent les corps ainsi hiératiques. Fernand Léger passionné par la machine et l’industrie façonne ses personnages comme des robots et l’on pourrait s’attendre à les voir se multiplier à l’infini. Les couleurs sont peu nombreuses, le dégradé de noir, gris et blanc pour le modelé des corps contraste avec le fond rouge en aplat qui leur confère une certaine intemporalité.Les formes sont simples et géométriques. Les modules étroitement imbriqués créent un assemblage complexe. Les visages ne laissent entrevoir aucune expression, ni interaction. Fernand Léger nous offre une vision singulière du rapport de l’homme à la machine. Les corps sont solides et lumineux tout comme l’étaient les ogives d’obus qu’il a admiré et qui l’ont fasciné pendant la guerre de 14-18.

1 - Personnages • contraste • courbes • fond rouge • dégradés gris

2 - Portrait • métal • tubes • imbriqué • volume géométrique

3 - Colosse • machine • moteur • armure • sculpture

Jana STERBAK (1955, Tchécoslovaquie)Catacombes, 1992Table métallique et chocolat125 x 57 x 79 cm

Seuls quelques os en chocolat blanchi sont éparpillés sur une table en métal dont l’aspect nous rappelle les outils fonctionnels et aseptisés des laboratoires de dissection ou peut-être de cuisine. C’est sur ce type de contradiction que se place l’œuvre de Jana Sterbak dont la thématique principale est le corps. Ce qui reste du corps quand tout a disparu est pourtant ici constitué d’une matière périssable mais alléchante. C’est dans cet espace-là que tout se joue, générant un sentiment de malaise, et une infinité de contradictions… Ces œuvres ne sont plus la simple transcription du regard, elles font la synthèse des perceptions enregistrées par les yeux, l’odorat, ou l’ouïe. Ces sensations viscérales répondent à des codes de l’instinct. Elles provoquent une attirance pour la matière, le chocolat aujourd’hui friandise ordinaire après avoir été une denrée coloniale. Les provocations sont multiples. Les traces blanchâtres qui recouvrent le chocolat contribuent à son aspect de relique qui renvoie à notre condition mortelle.

1 - Squelette • table inox • nourriture • chocolat

2 - Aseptisé • organique • géométrique • archéologie

3 - Vanité • attraction/répulsion • cannibalisme

19

Prolongements

Jean-Michel Othoniel(1964, France) Hermaphrodite1993Soufre, coquilles d’escargot 41 x 165 x 60,5 cm

Gaston Chaissac(1910 - 1964, France) Totem, 1964Bois peint, 99 x 25,8 x 6 cm

Arnulf Rainer(1929, Autriche) Autoportrait, 1972-1975Gouache, lavis et pastel sur photographie, 60 x 50 cm

Hervé Di Rosa(1959, France) Le patron du ranch El Toro1983Acrylique sur toile tendue sur châssis, 208 x 174,7 cm

Jean-Pierre KHAZEM (1968, France)Volume 1, 2000Photographie couleur99,7 x 139,4 x 4 cm

Dans un intérieur bourgeois chargé et sombre, le corps nu plantureux et diaphane d’une jeune femme d’une proximité déconcertante, nous introduit dans l’image. La composition nous guide vers un cadre où figure le portrait d’un lion. Celui-ci semble fixer le spectateur. Notre regard n’en finit pas d’aller de l’un à l’autre et circule avec insistance sur cette scène étrange. La comparaison entre le visage du modèle, que l’artiste a recouvert d’un masque, et le regard du fauve, nous plonge alors dans le désarroi du reflet inattendu d’une altérité animale. Paradoxalement, c’est ici le corps qui est dénudé tandis que le visage est couvert. Le visage emblème de l’humain traduit notre indéfectible identité, et met à nu ce que nous avons de plus secret. Dans ses photographies, Jean-Pierre Khazem donne aux êtres humains un aspect figé, qui, sans être morbide, est « inexistentiel ». Ici, l’instant est suspendu, dans une atmosphère fantasmagorique, froide, bleutée, mystérieuse. L’ambiguïté entre la nudité d’un corps de femme, magnifié dans son animalité, et la personnification du lion retenu dans son cadre, nous place dans une tension entre le réel et le fantasme.

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Georg Baselitz(1938, Allemagne) Elke VI, octobre 1976Huile sur toile, 200 x 162 cm

John Coplans(1920, Royaume-Uni - 2003, états-Unis) Torso Front (Torse de face), 1984Self-Portraits2 tirages sur papier baryté au gélatino-argentique, 81 x 68 cm

1 - Nu • intérieur • masque • lumière

2 - Regards • animalité • corps

3 - Troublant • hybride • scène de genre

2 - L’OBJET s’incruste…Les objets traversent l’histoire de l’art, ils accompagnent les compositions, comme ils nous accompagnent, mais s’ils témoignent de notre rapport au monde, ils restent jusqu’au XVIIème siècle les accessoires indispensables d’une scène où la représentation humaine domine.

Avant qu’on ne les nomme « nature morte », les peintures d’objets étaient désignées par des termes proches de l’équivalent anglais « still life » (nature reposée, vie immobile).

Ce que l’homme fabrique - verres, coupes et autres pichets, livres et instruments de mesures - côtoie ce que la nature nous donne. Une nature qui quitte le paysage, les fruits sont cueillis, les fleurs forment bouquet et le gibier est prêt à cuire... Still life.

C’est au début du XXème siècle que l’objet s’incruste littéralement dans l’art. Avec les Papiers collés de Georges Braque et de Pablo Picasso, l’objet en papier (journal ou partition..) se substitue à sa fidèle reproduction. Du côté Dadaïste, Kurt Schwitters « cloue ses tableaux », et les surréalistes assemblent des objets insolites. Mais c’est Marcel Duchamp qui franchit une étape décisive, en introduisant un objet manufacturé dans le champ artistique sans intervention aucune, si ce n’est sa signature. Le porte bouteille (1914) sera le premier « Ready-made » d’une longue série.

Dans les années 1960, les « Pop » se focalisent sur une société prospère où les objets abondent…

Aujourd’hui les objets envahissent les lieux d’exposition, continuent de se combiner, de se reproduire, s’installent, se clonent, se « virtualisent »…

Damien LHOMME (Maître de l’almanach, actif à Troyes durant la première moitié du XVIIème siècle)Vanité, vers 1640Huile sur toile, 50,5 x 60,5 cm

Au XVIIème siècle apparaissent au Pays-Bas, des natures mortes d’un genre particulier, « les Vanités ». Peintures religieuses, ces œuvres ne sont pas pour autant destinées à s’inscrire dans les lieux de cultes. Commanditées par des particuliers, elles jouent pour eux le rôle d’un Memento mori. Comme une version picturale et chrétienne de cette phrase que l’esclave, dans la Rome antique, chuchotait à l’oreille du général vainqueur : « N’oublie pas que tu vas mourir, n’oublie pas que tu vas mourir… ».Damien Lhomme semble avoir été influencé par les peintres hollandais du XVIIème siècle et notamment par ceux qui, fuyant les conflits, s’installent à Paris et forment une communauté dans le quartier de Saint-Germain-des Prés. De cette école du nord, il retient une gamme quasi monochrome et une atmosphère volontairement austère. Du squelette tragi-comique et facétieux des Danses macabres du Moyen Âge, ne reste ici qu’un crâne/objet surgi de la pénombre. La nappe blanche dont Damien Lhomme recouvre une partie de la table crée deux espaces contrastés que relie un même fond noir. Sur la gauche, le jeu de cartes, la pipe, les livres, le pain et le vin sont autant d’allégories des plaisirs et des vices. Sur la droite, le crâne malgré son statut d’objet immobile, semble capable à tout moment de nous surprendre, emportant avec lui la nappe et son cortège de nourritures terrestres. Le sablier qui l’accompagne n’arrêtera pas le temps.

1 - Crâne • livres • mots • cartes • nourriture • table

2 - Allégorie • religieux • symbole

3 - Memento mori • vanité

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Jim DINE (1935, Etats-Unis)Putney Winter Heart (Crazy Leon), 1971 – 1972Acrylique sur toile, objets divers183 x 183 cm

Francis PICABIA (1879 - 1953, France)Le Fiancé, vers 1916 - 1918 Gouache et peinture métallique sur toile26 x 33,5 cm

Assimilé aux artistes du pop art américain dès le début des années 1960, Jim Dine s’en distingue pourtant par une approche sensible et subjective. Si ses œuvres intègrent la nouvelle société d’abondance et puisent dans le registre du quotidien, elles sont moins le reflet du monde extérieur que celui de sa propre mythologie. Fidèle à certains thèmes comme les outils, le cœur, la robe de chambre, ou encore la Vénus, son œuvre s’organise autour d’autant de variations.Putney Winter Heart (Crazy Leon) appartient à la série des Putney Winter Heart débutée en 1966. Sur un immense cœur lumineux aux rondeurs généreuses, sont suspendus des vêtements. Une chaussure ainsi qu’une tresse de crin semblent avoir glissé de leur point d’accroche. Pourtant leurs traces sur la toile préservent un certain alignement. Le regard passe aisément du rouge de la veste de trappeur à celui projeté sur la toile. Au même titre que les tâches, les traces, les coulures, les mots et les objets présents participent pleinement à la composition du tableau. Mais qu’ils soient représentés ou présentés, pour Jim Dine les objets sont là « en tant que métaphores et réceptacles de ses pensées et de ses sentiments…». Putney Winter Heart (Crazy Leon), tableau sans corps mais néanmoins portrait ; le corps n’existe que par ce qui le recouvre et l’enveloppe. Peut-être s’agit-il du portrait d’un habitant de Putney, cette ville du Vermont où Jim Dine a longtemps résidé. A moins qu’il ne s’agisse encore une fois d’un autoportrait, d’une déclaration d’amour à la couleur, à la peinture, et à tous ces objets dont Jim Dine décelait déjà la beauté sculpturale dans la quincaillerie de son grand-père.

Entre 1915 et 1918, Francis Picabia se trouve à New York et partage avec d’autres artistes (Marcel Duchamp, Man Ray, Alfred Stieglitz) l’esprit DADA.DADA s’insurge contre la société bourgeoise et ses conventions, met à mal les repères esthétiques d’une société réactionnaire responsable de la guerre de 14-18 tout en faisant l’apologie du rire, et de la dérision. DADA brouille les pistes.Fasciné par la modernisation américaine en même tant qu’il éprouve un rejet envers cette mécanisation accélérée, Francis Picabia crée des engins inutiles et improductifs. Comme une riposte poétique à l’élaboration de « La grande machine », la machine de guerre de 1914. L’œuvre Le fiancé représente un rouage isolé, pièce mécanique recouverte d’une peinture métallisée, objectivement dessiné, soigneusement ombré. Comme éloigné d’un système sûrement complexe, l’objet est à lui seul incapable de participer à l’activité d’une quelconque machine. Pourtant quelques traits nous indiquent une possible rotation. Loin du dynamisme recherché par les Futuristes qui avec optimisme chantaient les louanges d’un nouveau monde, cette pièce de Picabia a l’apparence un peu glacée d’un dessin industriel, s’il n’était manuscrit au bas du tableau « Le fiancé ». Cette inscription suffit à associer physiologie humaine et organe de la machine. Le fiancé semble trouver son pendant dans un autre tableau Novia (La fiancée). Leur « rencontre » n’aura lieu qu’en 1915 dans l’œuvre Machine tournez vite qui devient le thème d’une longue série. Les machines de Picabia sont des compositions mécaniques imaginaires souvent fortement érotisées où les sentiments amoureux sont assimilés « à une sexualité absurde de bielles et de pistons ». La machine, disait Marcel Duchamp « est amoral, ses mouvements sont programmés et personne ne veut être comparé à un esclave mécanique… »

1 - Peinture • objets • mots • cœur • traces • coulures

2 - Geste • hors cadre • rythme

3 - Portrait • Combine Painting

1 - Peinture • rouage • mot • traits • ombre • fond monochrome

2 - Portrait • dessin technique • mécanique • mouvement

3 - Poétique • métaphore

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Serge COMTE (1966, France)Toi et Moi : Philosophal, 2000,Matière plastique colorée104 x 22 x 13 cm

L’univers de Serge Comte est peuplé d’êtres hybrides et de héros anonymes qui l’amène à engendrer d’étranges créatures nées de l’accouplement entre le réel et le virtuel (Délicieuses pucelles, Superbbartards, Lilith…). Son œuvre se décline dans divers matériaux et sur divers supports, avec un amour du « low-tech », de la fragmentation, et de « l’effet pixel » obtenu par assemblage de Post-it, perles, gommettes, Lego…L’œuvre Toi et Moi nous met face à deux petits personnages étranges qui semblent tout droit sortis d’une bande-dessinée. Ces personnages au contour tremblant d’une image pixélisée, sont construits en briques Lego. Adam et Eve d’un nouveau monde, mutants de Lego enfantins. Leur presque nudité contraste avec la coiffe démesurée qu’ils arborent, réminiscence du bonnet d’âne ou oreilles de Mickey un brin phalliques, avec légère défaillance du côté masculin. Il s’agit de « sculptures/images » avec leurs faces lisses et bon enfants, opposées à leurs envers en relief accidenté comme le résultat d’un bug dans la construction qui laisse apparaître une silhouette dévastée.Visiteurs d’un présent virtuel ? Portraits de Toi et Moi réduits à de ridicules avatars…?

1 - Couple • nu • chapeaux • pose • brique lego • portrait

2 - Assemblage • modules • modèle réduit • échelle réduite

3 - Pixel • désarmé • désœuvré - Genèse

Prolongements

Daniel Spoerri(1930, Roumanie) Mettre le paquet III1965Objets divers collés sur bois 123 x 123 cm

Robert Filliou(1926 - 1987, France) Bouteille de vin rêvant être une bouteille de lait1961Verre, bois, fer et peinture 83 x 62 x 13 cm

Amédée Ozenfant(1886 - 1966, France) Nature morte puriste1921Huile sur toile, 60 x 73 cm

Christian Boltanski(1944, France) Reconstitution, essai de reconstitution en pâte à modeler effectué le 15 novembre 1970 d’un fusil en bois que possédait C.B. entre 1949 et 1951, 1970Tiroir métallique Métal, grillage, pâte à modeler et matériaux divers, 39 x 60 x 13 cm

Tony Cragg(1949, Royaume-Uni) Clear Glass Stack, 1999Verre, 240 x 115 x 115 cm

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Arman(Armand Fernandez, dit)(1928, France - 2005, états-Unis) Poubelle d’atelier1964Objets divers et déchets dans une boîte en carton vissée sur panneau d’aggloméré, 122 x 100 x 29,5 cm

Antonio ZANCHI (1631–1722, Italie)Jacob bénissant les enfants de Joseph dit aussi Isaac bénissant les enfants de Jacob, XVIIème siècleHuile sur toile142 x 180 cm

Cette scène religieuse correspond à un passage de la Genèse dans lequel les enfants de Joseph, Manassé et Ephraîm, reçoivent la bénédiction de Jacob. La mise en scène de cette action s’appuie sur le récit, à la manière d’un scénario, sur la lisibilité du processus de composition par juxtaposition des personnages et enfin, sur le style baroque du peintre. En effet, les personnages sont travaillés indépendamment puis rassemblés à l’intérieur du cadre. Ce cadre est d’ailleurs affirmé par la présence d’un lourd rideau aux plis cassants, qui, dans le même temps, surplombe et enveloppe la scène.Le personnage principal, Jacob, investit massivement le centre du tableau dans une diagonale baroque qui scinde la scène en deux parties : à la gauche du tableau, Joseph fait figure de « faire valoir », en s’inscrivant dans l’ombre ; à la droite du tableau, les enfants courbés aux mains jointes, sont mis en lumière par la dramaturgie d’un clair-obscur intense, caractéristique du style de Zanchi, qu’il emprunte à des peintres de renom comme Le Tintoret. Finalement, dans l’espace des yeux baissés de Jacob et de ses mains comme progressivement desséchées, la composition concentre le regard du spectateur au cœur d’une tension bienveillante. Entre vieillesse fébrile et force de la sagesse, l’entièreté du corps de Jacob semble imposer le soutien indispensable d’un geste à la fois minimal dans son exécution et considérable dans sa portée symbolique.

1 - Corps • drapé • diagonale • clair-obscur

2 - Théâtralité • sagesse • âges de la vie • filiation

3 - Scène religieuse • Baroque

3 - LA MISE EN SCÈNE se joue de nous !Si certains metteurs en scène comme Erwin Piscator ou Bertolt Brecht usent volontiers du terme de « tableau » pour désigner les différentes scènes de leurs pièces, peut-on utiliser le terme de « mise en scène » lorsqu’il s’agit d’un tableau, d’une photographie ou d’une installation ?

Le terme de « mise en scène » apparaît à la fin du XIXème et marque les débuts d’une esthétique théâtrale moderne en promulguant que le travail du metteur en scène possède une valeur artistique et qu’il doit se distinguer du travail de l’auteur. Pour André Antoine, dans sa Causerie sur la mise en scène (1903), la fonction du metteur en scène se divise « en deux parties distinctes : l’une toute matérielle, c’est-à-dire la constitution d’un décor servant à l’action, le dessin et le groupement des personnages ; l’autre immatérielle, c’est-à-dire l’interprétation et le mouvement du dialogue. »

Au-delà du théâtre, la mise en scène intervient dans la peinture classique comme dans l’art contemporain, de la composition à l’intégration du spectateur. Dans la composition, par l’utilisation ou la réappropriation des codes classiques : du décor (accessoires, lumière, cadrage), au mouvement (jeu des personnages, regards, gestes et postures). Dans l’intégration du spectateur et son rapport à l’œuvre et à son interprétation, une nouvelle dimension de la théâtralité qu’amènera le XXème siècle.

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Christian BOLTANSKI (1944, France)Autel Chases, 1988112 boîtes à biscuits, 15 lampes et 15 photographies sur papier baryté et matériel électrique, 230 x 400 cm

Cindy SHERMAN (1954, Etats-Unis)Untitled #85, from the Centerfold Series, 1981Photographie cibachrome75 x 135 cm

Sous le filtre des fils électriques, boîtes après boîtes, Christian Boltanski (1954, France) empile, range et assemble des souvenirs. Une pyramide se forme, à l’image d’un tombeau, portant l’esprit hors du corps. Au sommet des rangées de boîtes, les photographies de visages inconnus émergent dans un flou déliquescent et se dissolvent dans l’excès de lumière provoqué par les lampes de bureau. Cette installation, entre présence et absence, invite au recueillement. De surcroît, la dimension religieuse est ostensible : la lumière, comme des bougies, les boîtes à biscuits en fer blanc, comme des reliques. Ces reliques peuvent aussi nous renvoyer à nos enfances respectives et leurs trésors conservés, ou dramatiquement, à celle d’une histoire collective endeuillée. Le regardeur est donc placé à l’entrecroisement de trois interprétations : la relation au recueillement religieux, le rapport affectif à l’enfance et le devoir de mémoire.Pourtant, cette première approche est à mettre en distance vis-à-vis d’une installation qui est en fait, une véritable mise en scène. Sur le plan de l’Histoire d’abord, puisqu’Autel Chases fait référence aux enfants qui fréquentaient le lycée juif Chases à Vienne, en Autriche, en 1931 durant la Seconde Guerre Mondiale, sans que l’on puisse avoir la certitude que ceux-ci aient réellement pris part à la guerre. Puis, sur le plan de l’histoire individuelle des personnes représentées, puisque rien ne nous permet d’affirmer qu’elles sont effectivement décédées. De sorte que, sous ses airs de monument aux morts, cette installation se réapproprie le récit historique et le récit individuel, à travers un processus de construction / déconstruction des mémoires collectives, personnelles, réelles ou fictives.

Cindy Sherman cultive l’art de sa propre mise en scène. Dans Untitled #85, l’unique personnage scinde l’image dans une diagonale contrebalancée par les lignes obliques du parquet. Ce mouvement dans la composition est renforcé par les transitions de zones nettes à d’autres floues, construisant l’illusion d’une action en cours. La force dramatique de l’ensemble est affirmée par le choix d’un cadrage resserré, par l’intense contraste de couleurs rouge/bleu et par un clair-obscur formant comme un coup de projecteur sur la scène. Portant le costume d’une robe en vichy soulignée de broderies, cette demoiselle stéréotypée semble émaner des univers terribles et merveilleux des contes. Sa posture suggère simultanément le repli sur soi d’un animal apeuré, et la tentation voluptueuse d’une main accrochée à une cuisse dévoilée. Les travaux de Cindy Sherman abondent de références, qu’elles proviennent d’imageries populaires ou de l’histoire de l’art. Cette photographie, extraite de la série des Centerfold fait écho au pli central dans les magazines de charme, où l’on découvre d’aguicheuses femmes à déplier. Dans les photographies de Cindy Sherman, les femmes font corps avec une société où le quotidien devient le décor d’un théâtre permanent.

1 - Pyramide • photographies floues • boîtes • lampes

2 - Installation • mémorial • Histoire/histoires • reliques • autel • mise en scène

3 - Temps • boîte de Pandore

1 - Personnage • sol • cadrage serré • plongé • clair-obscur

2 - Composition • diagonale • regard • hors-champ • corps de l’artiste

3 - Cinématographique • proie • énigmatique • instable

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Thomas RUFF (1958, Allemagne)Porträt – Christoph Steinmeyer, 1989Photographie couleur sous plexiglas210 x 165 cm

Dans ce portrait, la mise en scène se construit dans le dépassement de l’individu vers l’anonymat. En effet, le cadrage rappelle celui de la photo d’identité, objet normé du quotidien, censé permettre l’identification de l’individu. Le regard fixe, dans une frontalité écrasante, Christoph Steinmeyer pose : regard franc, visage ovale, bouche charnue, barbe rasée, cheveux blonds. La neutralité du visage est telle qu’elle rappelle l’effet Kouletchov, une technique cinématographique de montage où l’inexpressivité des acteurs devient le masque d’un ensemble d’expressions très variées : de la peur au désir. Cette difficulté à rattacher ce visage à une expression, et son échelle démesurée, poussent le spectateur à se rapprocher. Il scrute alors les détails et en découvre progressivement les nombreuses imperfections : regard désaxé, narines de travers, peau luisante et non-uniforme. Le visage de Christoph Steinmeyer s’efface, devient une surface de peau, une réalité épidermique à la frontière de l’insupportable et de l’indifférence, entre réminiscence d’iconographie aux allures de régimes totalisants et banalité déplorable de la perte d’identité.

1 - Portrait • expression neutre • fond neutre • statique • échelle monumentale • peau • défauts

2 - Photo d’identité • vision macroscopique

3 - Opaque • objectif • série • fichage

Gilbert & Georges(1943 & 1942, Royaume-Uni)Fifteen Hang-Outs, 2003Techniques mixtes, 282 x 504 cm

Bernard Rancillac(1931, France)Les dirigeants chinois saluent le défilé du 20e anniversaire de la Révolution, 1970Huile sur toile, 330 x 450 cm

Jan Fabre(1958, Belgique)Sanguis / Mantis Landscape (Battlefield)200418 pièces en bronze, parterre d’écorces, 30 x 1300 cm

Robert Filliou(1926 - 1987, France) La Joconde est dans les escaliers, vers 1968MultipleCarton, balai brosse, seau et serpillière

Jean-Pierre Raynaud(1939, France) Renoir + grand block secours, 1971P.V.C., papier, métal 240 x 145 x 24 cm

Patrick Faigenbaum(1954, France)Famille Aldobrandini, Rome, 1986Tirage sur papier baryté au gélatino-argentique 72,5 x 71,5 cm

Prolongements

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CORPS • Nu • intérieur • masque • lumière • Regards • animalité • corps • Troublant •

hybride • scène de genre • Portrait • pose • intérieur • réalisme • Figé • hiératique • cadrage

photographique • frontalité • mise en scène • Néo-classicisme • convention • Personnages

• contraste • courbes • fond rouge • dégradés gris • Portrait • métal • tubes • imbriqué

• volume géométrique • Colosse • machine • moteur • armure • sculpture • Squelette •

table inox • nourriture • chocolat • Aseptisé • organique • géométrique • archéologie •

Vanité • attraction/répulsion • cannibalisme • OBJET • Crâne • livres • mots • cartes

• nourriture • table • Allégorie • religieux • symbole • Memento mori • vanité • Peinture •

rouage • mot • traits • ombre • fond monochrome • Portrait • dessin technique • mécanique

• mouvement • Poétique • métaphore • Peinture • objets • mots • cœur • traces • coulures

• Geste • hors cadre • rythme • Portrait • Combine Painting • Couple • nu • chapeaux • pose

• brique lego • portrait • Assemblage • modules • modèle réduit • échelle réduite • Pixel

• désarmé • désœuvré • Genèse • mise en scène • Corps • drapé • diagonale

• clair-obscur • Théâtralité • sagesse • âges de la vie • filiation • Scène religieuse

• Baroque • Personnage • sol • cadrage serré • plongé • clair-obscur • Composition •

diagonale • regard • hors-champ • corps de l’artiste • Cinématographique • proie •

énigmatique • instable • Pyramide • photographies floues • boîtes • lampes • Installation

• mémorial • Histoire/histoires • reliques • autel • mise en scène • Temps • boîte de Pandore

• Portrait • expression neutre • fond neutre • statique • échelle monumentale • peau •

défauts • Photo d’identité • vision macroscopique • Opaque • objectif • série • fichage

quand ?LA QUESTION CHRONOLOGIQUE

Scène d’intérieur ou le repas du perroquet, 1650-1693Job BERCKHEYDE

P.6

P.9Nature morte, 1642Willem KLAAEZ HEDA

Portrait de M. FAURE, 1847Gabriel TYR

P.18

Jacob bénissant les enfants de Joseph, XVIIème siècleAntonio ZANCHI

P.24

P.21Vanité, vers 1640Damien LHOMME

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P.10La tasse de thé, 1935André DERAIN

P.12Nature morte aux cerises, 1943Pablo PICASSO

Femmes sur fond rouge, 1927Fernand LEGER

P.19

Selfportrait, 1966Andy WARHOL

P.13

P.7Nature morte au journal Lacerba 1913Gino SEVERINI

P.22Le Fiancé vers 1916 - 1918 Francis PICABIA

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P.10Nymphéas, 1907Claude MONET

29

P.25Autel Chases, 1988Christian BOLTANSKI

Untitled #85, 1981Cindy SHERMAN

P.25

P.26Porträt – Christoph Steinmeyer, 1989Thomas RUFF

P.22Putney Winter Heart (Crazy Leon), 1971 – 1972Jim DINE

N°66, Janvier à mars 1987, 01/1987 03/1987Jean-Luc MYLAYNE

P.14

P.13Schädel, 1983Gerhard RICHTER

P.7Winter Slate Line, 1985Richard LONG

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30

P.11Max at Sharon’s apartment under photo of his mother, Cookie, New York,1998Nan GOLDIN

Toi et Moi : Philosophal, 2000Serge COMTE

P.23

P.20Volume 1, 2000Jean-Pierre KHAZEM

Catacombes, 1992Jana STERBAK

P.19

P.8L.P 1, 2000Jean-Marc BUSTAMANTE

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