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Les paroles s’envolent, les écrits restent…multimedia.fnac.com/multimedia/editorial/pdf/... · 2013-07-09 · Je profite d’une correspondance avec mon fils ... dans votre beau

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Les paroles s’envolent, les écrits restent…

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Remerciements

Je veux ici remercier Jean-Pier Charlon, français et écrivain, époux d’une amie brésilienne, qui a accepté de faire toute la correction de ce livre. Sans son aide, la réalisation n’aurait pas été possible. Cela a été sans doute une autre chance que j’ai eu dans ma vie.

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À Ana Cristina, Maria Eduarda, et Maria Augusta. Les femmes de ma vie.

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Préambule

À cette époque, je côtoyais les 50 ans. La moitié de mon existence était déjà partie.

Aujourd’hui, après que le temps a passé, après que le temps a laissé les blessures se cicatriser, je pense que BARAKA signifie aussi le début de la chance, le début d’un nouveau cycle de la nature, une période de renouvellement, de réflexion. Aussi je trouve que le titre se trouve bien adéquat aux faits, aux lettres et surtout aux sentiments que je vais évoquer.

Je dois me reporter à mes 47 ans, époque de turbulence dans ma vie, époque de grands changements, époque de souffrance et de courage.

J’avais vécu jusqu’alors une vie où je me croyais heureuse. J’avais une famille structurée, deux enfants à l’université, une profession que j’aimais et un mari que j’aimais aussi, mais cet amour n’était plus réciproque…

C’était alors que mon idole a trouvé son crépuscule.

Soudain, j’ai vu la terre s’écrouler sous mes pieds, j’ai senti mon monde en ruines.

Être seule !

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I Les surprises de la vie

Ce fut dans ce contexte, durant un voyage à Bahia, le jour de la fête d’Iemanjá, bien que n’étant pas croyante, j’avais décidé d’offrir des fleurs à la sainte, et lui demander de faire un miracle dans ma vie, la priant d’enlever cette angoisse de mon cœur afin que je puisse voir la vie d’une autre manière.

Le soir, j’ai demandé à un chauffeur de taxi, de nous amener, ma fille et moi, dans un endroit agréable. Il nous a déposées devant un charmant restaurant. Alors que nous étions attablées quelqu’un est venu vers nous, en disant : « Est-ce que je peux m’asseoir avec vous ? »

C’était un français, de 40 ans. Tout d’un coup j’ai eu l’impression de l’avoir connu toute ma vie. Après avoir bavardé longtemps, il m’a dit : « Helena, tu devrais connaître mon père. Je vais te donner son adresse et vous pourrez correspondre ».

Deux mois se passent. Un matin, je reçois chez moi une lettre. C’était la première d’une longue histoire…

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Voici la première, écrite le 17 février 1997 :

« Chère Madame, Je profite d’une correspondance avec mon fils

pour lui demander de bien vouloir poster la lettre que je vous destine.

Il m’a parlé de votre rencontre et m’a encouragé à vous écrire m’assurant que vous accepteriez de me répondre. Vous lui avez dit, pour le plaisir, j’ai trouvé cette appréciation gentille et sympathique. Je n’ai donc pas résisté à prendre contact avec vous.

Il me tarde déjà que vous me parliez de vous, afin que je vous connaisse d’avantage, ainsi que votre vie dans votre beau pays qui ravit mon fils. Pour ma part je ne le connais que mal, l’ayant abordé en 1982 par la Guyane française après avoir traversé un fleuve – l’Oyapock, je me suis trouvé en tribus indiennes du Brésil. En leur compagnie je suis resté quelques jours seulement.

En fait, je dois reconnaître ne pas avoir connu le vrai et beau Brésil. Je compte bien remédier à cela, d’autant plus que je suis encouragé par mon fils… Pour l’instant des occupations me retiennent en France, mais lorsque mes affaires seront solutionnées, je ne vais pas hésiter à m’envoler. La France n’est pas dénudée d’intérêt. Nombreux sont les touristes qui se plaisent à y séjourner. Peut-être connaissez-vous ? Mais l’inconvénient majeur est le fait de notre structure rigide qui contrarie le monde des affaires, et cela noie la joie d’y vivre en permanence… surtout lorsqu’on est français de souche ! Nous sommes plus accueillants pour les étrangers qui se risquent sur notre sol. Nous avons aussi une fiscalité très dure et peu encourageante pour monter des entreprises…

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Puisque j’ai commencé à correspondre avec vous, c’est donc à moi de me décrire, vous ferez ensuite comme moi dans votre prochaine lettre.

Il est assez complexe de se détailler avec objectivité, ou l’on se trouve trop bien ou trop mal… je vais quand même tenter de me situer :

Je mesure 1.73… Poids 75kgs. Comme je fais du sport, mais attention, sans violence, mon ventre n’éclate pas effrontément. Il reste encore discret…

J’ai des yeux bleus qui sont loin d’être empreints d’ingénuité… ils ont même quelques malices. Mes cheveux ont l’avantage d’être presque tous présents, mais leur obstination à demeurer sur ma tête, les ont fait plus poils gris que sel…

Je suis toujours d’humeur égale et comme j’ai tendance à transformer quelques défaites en victoires, je ne reproche rien à la vie puisque, je suis toujours gagnant sur les événements, les choses et les gens. J’aime rire et faire rire, mais il y a bien des fois où je sais être sérieux. C’est la rare période où je suis triste…

Quelques traits de ma vie furent mouvementés ce qui me donne de ce fait l’impression d’avoir vécu plusieurs vies.

Un ensemble de périodes fastes pour ne pas dire glorieuses et aussi d’autres qui peuvent être classées comme particulièrement dures avec meurtrissures dont les cicatrices disparaissent malgré cela, très vite. Toujours par le fait de mon caractère optimiste qui ne voit que le bon côté des choses.

Mais, s’il y a une suite entre nous et nos correspondances, je ne manquerai pas de procéder à un générique intégral… car, oui, je dois le

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reconnaître, je suis loyal avec mes amis. Tous sont unanimes sur ce point.

J’ai la chance d’avoir une correspondante douée et parlant plusieurs langues, alors un jour, peut-être lirez-vous, des livres qui ont un caractère autobiographique et qui pour cela me trahissent en traduisant impitoyablement mon « moi » ?

Il me tarde de savoir si je vais avoir la chance de vous lire, en attendant, recevez madame, mes amicales salutations. »

Renan.

C’est drôle, mais j’avoue que cela m’a fait très plaisir. Je connaissais un peu le français, mais son écriture était très difficile à comprendre et je montrais ses lettres à toutes mes amies et à mon professeur pour qu’elles m’aident à lui répondre. À l’époque je ne réussissais pas à écrire une seule lettre toute seule.

Au fond de moi-même, je savais que quelque chose d’extraordinaire était en train de commencer. Cette phrase : « J’ai des yeux bleus, qui sont loin d’être empreints d’ingénuité… » m’a apprivoisée !

Voici ma première réponse, à noter que je ne citerai pas toutes mes lettres.

« Cher Monsieur,

Je n’ai reçu votre lettre que le 25 avril, elle a dû faire le tour du monde pour me parvenir.

Je dois vous dire que je suis très heureuse de l’avoir reçue surtout parce que je vis la phase la plus dure de mon existence.

Je vous ai trouvé gentil, sympathique et m’ayant éveillé l’envie de mieux vous connaître, ça fait du bien de prendre contact avec des hommes qui savent

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parler d’eux-mêmes, des choses profondes et vous me parlez des livres que vous avez écrits. Etes-vous écrivain ?

Je vous imagine quelqu’un d’intéressant peut-être par le fait que vous avez visité les Indiens chez eux.

Votre fils m’a beaucoup plu par son esprit d’aventure, il semble être quelqu’un de très gai, comme vous, d’ailleurs. Moi aussi, je suis plutôt optimiste. Peut-être trop ! J’adore connaître des gens, des lieux et des différentes cultures. Une des choses qui me fascine : les voyages ! Je suis déjà allée trois fois en France.

J’ai étudié jusqu’à l’âge de 18 ans dans un collège français… J’avais tout oublié pendant plusieurs années, jusqu’au jour où je suis allée en France pour la première fois. Je me suis alors rendue compte que je comprenais le français mais que je ne le parlais plus. Là, j’ai décidé de prendre des cours de français pour réapprendre votre langue. Je dois vous avouer quand même, que mon professeur vient de me donner un coup de main.

Notre pays est vraiment très beau comme vous le dites. Mais comme il est très jeune, il est bombardé par l’influence nord-américaine et devient de plus en plus trop matérialiste. La plupart de gens ne pensent qu’à l’argent en n’attachant de l’importance qu’à l’apparence.

Je vis dans le sud du Brésil, dans une ville de caractère assez européen, colonisée surtout par les Italiens et les Allemands. Elle se trouve à 1.000 m. d’altitude, ce qui rend son climat assez froid en hiver. Nos maisons sont glaciales, car il n’y a pas de chauffage central comme chez vous. Il nous reste les

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climatiseurs et la cheminée pour nous réchauffer, créant ainsi une atmosphère accueillante.

Vous m’avez demandé de parler de moi : je me trouve dans une phase complètement inattendue de mon existence, car je viens de me séparer. Ma famille a toujours été la chose la plus importante de ma vie. J’habite dans une grande maison, avec des chiens, un jardin et des fleurs. J’aime aussi faire la cuisine, quand je peux.

Je suis aussi très rêveuse et romantique. J’adore la nuit, la danse, le vin et la bonne cuisine. J’aime la musique et l’art, comme le cinéma, le théâtre etc.

La mer est toujours ma passion, et je vais à la plage presque tous les week-ends, même en hiver, pour marcher au bord de la mer, nager, prendre du soleil, voir les étoiles et la pleine lune sur la mer ainsi que le coucher du soleil.

J’adore conduire ma voiture sur les autoroutes car ça me donne une agréable sensation de liberté et de bonheur. Je voyage en écoutant mes chansons préférées…

J’adore mon travail, je suis toujours des cours et j’apprécie l’ordinateur aussi. C’est une grande invention, non ?

Je suis d’origine italienne et je pense que je sais exprimer aussi bien la rage que l’amour. J’ai heureusement, beaucoup d’amies.

Ça fait du bien de sentir que je pourrais avoir un ami de l’autre côté du monde. Mais aujourd’hui le monde est petit, n’est ce pas ? Communiquer et voyager, ce sont des choses devenues faciles.

Cette correspondance me semble être très importante. C’est peut-être le destin qui nous guide,

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car le jour où j’ai rencontré votre fils, je devais être à Maceió, une autre ville et je suis restée à Salvador par hasard cette nuit. Votre fils est venu s’asseoir à notre table, on a beaucoup bavardé, il ne m’a pas oubliée, et me voilà à vous écrire… C’est chouette n’est ce pas ?

En attendant votre réponse, je vous envoie ma nouvelle amitié. »

À bientôt de vous lire, Helena. Aujourd’hui je me rends compte que je lui disais

que ma maison était glaciale, ce qui voulait dire peut-être, que mon cœur était glacé, brisé et que j’avais besoin de quelqu’un pour le réchauffer… Sa réponse m’a apprivoisée un petit peu plus, la voilà :

Le 12.05.97

« Chère Helena, Vous dire que ce fût un bon jour pour moi, d’ainsi

mieux nous connaître, en plus vous avez une belle écriture, et même si votre professeur de français est intervenu, vous écrivez très bien et sans la moindre gêne. J’aurai plaisir de connaître votre langue de la même façon. Je crois que résider dans le pays facilite les choses, comme je suis assez bavard et bien, je serais étonné de rester longtemps muet.

J’habite un petit village, je m’y suis retiré dans la gentilhommière d’un ami qui m’avait demandé comme un service de lui écrire un roman. Dans le langage de la plume on nomme mon action « être son nègre », c’est à dire que lorsque sortira le livre, il portera son nom et non le mien. Etant donné qu’il est dans le monde du spectacle, donc un personnage

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médiatique, il est certain que l’ouvrage trouvera bon accueil du public et se vendra correctement avec pour lui, bons bénéfices, il aura largement couvert l’investissement des deniers qu’il m’aura versés pour mon travail d’écrivain. Pour répondre à votre question, j’écris par passion et surtout avec quelques élans fantaisistes, c’est-à-dire qu’il faut que je réveille ma pensée à un moment donné. Je puis être nul et sans inspiration sur un sujet, alors, dans de tels passages de mon existence, j’oublie la plume… et puis brusquement tout change, et alors en un seul jet, le roman se met en place, et plus rien ne compte… Je refuse pour autant de dire que je suis un Molière ou Lamartine, je me place d’avantage comme un romancier, conteur avec beaucoup d’imaginations, dans un style et un langage de notre temps avec parfois un vocabulaire qui égratigne tellement qu’il fait partie de la vraie vie des hommes. Mon client ami m’a cloîtré afin que je reparte de chez lui les trois tomes achevés prêts à la mise en forme. Une affaire de trois mois, pour cela j’ai ouvert une boîte postale, seule façon d’avoir rapidement mon courrier. Ensuite je vais réintégrer mon sol natal où réside ma mère que j’ai encore la chance d’avoir de ce monde, laquelle habite chez ma sœur, fonctionnaire d’état.

Je crois vous l’avoir dit, je viens de passer 7 années en Afrique. J’avais, avec mon fils, créé un complexe de loisirs, plusieurs commerces, que je me suis ensuite appliqué à vendre. En effet, le franc C.F.A. qui représentait la possibilité d’échanges à grands bénéfices a été supprimé. Sans cette possibilité de rapatriement de fonds, plus aucun avantage ne pouvait retenir les occidentaux dans ces pays. Alors je suis resté en arrière garde, pour

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négocier dans les moins mauvaises conditions. Je semble dernièrement, y être parvenu, mais je veille encore à ce que mes acheteurs respectent les conditions que nous avons convenues. J’espère en une bonne fin car des capitaux assez importants restent enjeux. J’ai subi beaucoup de souffrance car avec ces événements de politique financière, les investisseurs européens sont sur le départ. C’est miracle d’avoir découvert des actuels repreneurs.

J’ai oublié de vous dire, chère Helena, j’ai eu de la chance à travers les pires difficultés qui surviennent souvent dans ma vie… Ma petite étoile qui brille au-dessus de ma tête me vient en aide sans trop de raison. Je ne sais pas si je m’en montre digne, mais elle survient toujours aux moments indispensables.

À une époque de ma vie, j’ai été officier. La France était en guerre en Afrique du Nord, et je commandais alors des indigènes souvent plus vieux que moi. Ils avaient une croyance religieuse musulmane intense. Ils couraient parmi leurs songes le bruit que j’avais l’aide divine ! Sans doute, celle de leur Allah ! Sans cesse lorsque nous avions évité des pièges, ils répétaient le mot arabe « BARAKA » qui dans leur langue veut dire « chance ». En effet, au milieu des turbulences de ma vie j’en ai eu beaucoup. Ceux qui ne m’aiment pas disent beaucoup trop. Ils ont peut-être raison car j’en abuse parfois, mais qu’importe ? J’en use sans vergogne en sachant qu’elle ne se lasse pas de m’accompagner.

Il faut aussi reconnaître que je transforme facilement mes ennuis en bienfaits, ce qui me donne l’impression de toujours avoir remporté une victoire. Napoléon disait bien qu’une retraite bien ordonnée

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valait une victoire. Il m’arrange de raisonner de la sorte, mon esprit optimiste y gagne toujours « de la sorte ». Et je suis rarement triste et malheureux. Mais je vois que vous êtes psychologue et que vous n’allez avoir aucune difficulté, si vous le voulez, pour mettre mon âme à nu et donc très vite me connaître ! Attention danger ! Que de se livrer sans laisser planer le moindre secret… Cela doit placer un faible homme en infériorité, non ? J’aimerais être parmi vos clients étant persuadé que vous trouveriez chez moi matière à réflexion ! Déjà ne le pensez-vous pas ?

C’est sûr, mon fils vous a bien décrite, vous ne pouvez qu’être jolie, même si vous vous abritez derrière le secret légendaire des femmes qui n’annoncent pas leurs poids, je suis certain que vous n’êtes pas une horrible et grosse matrone, que vous avez su placer ce qu’il faut où il faut. C’est comme votre âge, que vous avez oublié de me dire. Mais là, je vous encourage une réponse pas moins discrète mais terriblement logique à la Alphonse Allais : « impossible de vous dire mon âge, il change tout le temps ». Ainsi s’en vont les trop curieux ! Pour ma part aucune déception ne sera possible, au travers de votre lettre vous avez l’éternelle jeunesse de ceux qui transpirent la joie de vivre. C’est indéniable, même si je n’ai, en ce qui me concerne, étudié que la psychologie par la vie, parce qu’elle m’a apporté en individus de tout poils que j’ai analysé parfois avec assez de succès ! Il y a des sensations qui ne trompent pas.

Je ne suis pas un homme du passé, il me semble qu’il y a tellement de meilleures choses à envisager que de ressasser le passé !

André Malraux a écrit : La vie, ne vaut rien, mais rien ne vaut la vie ! Ne croyez-vous pas, Helena ?