17
This article was downloaded by: [Nova Southeastern University] On: 07 October 2014, At: 13:27 Publisher: Routledge Informa Ltd Registered in England and Wales Registered Number: 1072954 Registered office: Mortimer House, 37-41 Mortimer Street, London W1T 3JH, UK Symposium: A Quarterly Journal in Modern Literatures Publication details, including instructions for authors and subscription information: http://www.tandfonline.com/loi/vsym20 Les Pensées De Pascal: Au Royaume Des Nécessités Stéphane Natan a a Rider University Published online: 07 Aug 2010. To cite this article: Stéphane Natan (2006) Les Pensées De Pascal: Au Royaume Des Nécessités, Symposium: A Quarterly Journal in Modern Literatures, 60:2, 93-108, DOI: 10.3200/SYMP.60.2.93-108 To link to this article: http://dx.doi.org/10.3200/SYMP.60.2.93-108 PLEASE SCROLL DOWN FOR ARTICLE Taylor & Francis makes every effort to ensure the accuracy of all the information (the “Content”) contained in the publications on our platform. However, Taylor & Francis, our agents, and our licensors make no representations or warranties whatsoever as to the accuracy, completeness, or suitability for any purpose of the Content. Any opinions and views expressed in this publication are the opinions and views of the authors, and are not the views of or endorsed by Taylor & Francis. The accuracy of the Content should not be relied upon and should be independently verified with primary sources of information. Taylor and Francis shall not be liable for any losses, actions, claims, proceedings, demands, costs, expenses, damages, and other liabilities whatsoever or howsoever caused arising directly or indirectly in connection with, in relation to or arising out of the use of the Content. This article may be used for research, teaching, and private study purposes. Any substantial or systematic reproduction, redistribution, reselling, loan, sub-licensing, systematic supply, or distribution in any form to anyone is expressly forbidden. Terms & Conditions of access and use can be found at http:// www.tandfonline.com/page/terms-and-conditions

Les Pensées De Pascal: Au Royaume Des Nécessités

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Les Pensées De Pascal: Au Royaume Des Nécessités

This article was downloaded by: [Nova Southeastern University]On: 07 October 2014, At: 13:27Publisher: RoutledgeInforma Ltd Registered in England and Wales Registered Number: 1072954 Registered office: Mortimer House,37-41 Mortimer Street, London W1T 3JH, UK

Symposium: A Quarterly Journal in Modern LiteraturesPublication details, including instructions for authors and subscription information:http://www.tandfonline.com/loi/vsym20

Les Pensées De Pascal: Au Royaume Des NécessitésStéphane Natan aa Rider UniversityPublished online: 07 Aug 2010.

To cite this article: Stéphane Natan (2006) Les Pensées De Pascal: Au Royaume Des Nécessités, Symposium: A QuarterlyJournal in Modern Literatures, 60:2, 93-108, DOI: 10.3200/SYMP.60.2.93-108

To link to this article: http://dx.doi.org/10.3200/SYMP.60.2.93-108

PLEASE SCROLL DOWN FOR ARTICLE

Taylor & Francis makes every effort to ensure the accuracy of all the information (the “Content”) containedin the publications on our platform. However, Taylor & Francis, our agents, and our licensors make norepresentations or warranties whatsoever as to the accuracy, completeness, or suitability for any purpose of theContent. Any opinions and views expressed in this publication are the opinions and views of the authors, andare not the views of or endorsed by Taylor & Francis. The accuracy of the Content should not be relied upon andshould be independently verified with primary sources of information. Taylor and Francis shall not be liable forany losses, actions, claims, proceedings, demands, costs, expenses, damages, and other liabilities whatsoeveror howsoever caused arising directly or indirectly in connection with, in relation to or arising out of the use ofthe Content.

This article may be used for research, teaching, and private study purposes. Any substantial or systematicreproduction, redistribution, reselling, loan, sub-licensing, systematic supply, or distribution in anyform to anyone is expressly forbidden. Terms & Conditions of access and use can be found at http://www.tandfonline.com/page/terms-and-conditions

Page 2: Les Pensées De Pascal: Au Royaume Des Nécessités

93

STÉPHANE NATAN

LES PENSÉES DE PASCAL:AU ROYAUME DES NÉCESSITÉS

LA PRÉSENTE ÉTUDE VA S’INTÉRESSER aux modalités aléthiques et déon-tiques des Pensées de Pascal, c’est-à-dire à ces modalités qui renvoient à uneobligation, une interdiction, une nécessité, une absence de nécessité. Toutepossibilité de choix est exclue par ces modalités, l’énoncé prenant un carac-tère inéluctable: l’interlocuteur n’a pas voix au chapitre, il ne peut que se plieraux propos de l’émetteur. Dans les Pensées, ces différentes modalités revien-nent de manière récurrente, et elles ont pour fonction commune de promou-voir le projet apologétique de Pascal: elles s’inscrivent dans sa rhétorique dela force. Parler de rhétorique pascalienne peut à première vue sembler contra-dictoire, Pascal, par une formule rendue désormais célèbre, ayant exprimé, aufragment 671, que “la vraie éloquence se moque de l’éloquence.” Néanmoins,en dépit de cette affirmation, Pascal a marqué un attachement tout particulierpour la rhétorique. D’une part, les témoignages d’Arnauld et de Nicole, dansLa logique, dépeignent Pascal comme un maître en la matière (267), et sasœur, Gilberte Périer, dans sa Vie, soutient que la force des Pensées n’est pasdue au génie inconscient de Pascal. D’autre part, L’art de persuader est lapreuve que Pascal connaît la force des mots, la force de la persuasion, et sil’on doute encore de cela, il n’est qu’à relire Les provinciales dont la puis-sance de persuasion est intacte.

À l’évidence, Pascal rejette seulement un type précis de rhétorique, les rhé-toriques traditionnelles en cours à son époque qui prenaient Cicéron pourmaître, comme le stipule le fragment 610: “Toutes les fausses beautés quenous blâmons en Cicéron ont des admirateurs, et en grand nombre.” Cicéron,le “Pater eloquentiæ des Romains,” était très prisé par la Compagnie de Jésus,à tel point que l’on pourrait presque renommer Cicéron le “Pater eloquentiædes jésuites” (Fumaroli, L’âge 179). Pourtant, déjà au XVIe siècle, Érasme,dans son Ciceronianus (1527), percevait le style de Cicéron comme “unecuriosité sophistique profondément étrangère à la vérité morale, scientifiqueet religieuse” (Fumaroli, L’âge 105); plus tard, c’est au tour de Montaigne des’élever fortement contre le cicéronianisme. Pour nos auteurs classiques, lerejet de Cicéron marque le refus de l’ornement—de l’asianisme—tel que lepratique à outrance la plupart des jésuites. Cette rhétorique artificielle fait

Copyright © 2006 Heldref Publications

Dow

nloa

ded

by [

Nov

a So

uthe

aste

rn U

nive

rsity

] at

13:

27 0

7 O

ctob

er 2

014

Page 3: Les Pensées De Pascal: Au Royaume Des Nécessités

94 SYMPOSIUM Summer 2006

primer les raisons esthétiques sur la clarté et la vérité du discours. Aussi, Pas-cal, au fragment 529, rejette-t-il cette rhétorique gangrenée avec sesmétaphores disproportionnées, exsangues de sens: “Éteindre le flambeau de lasédition: trop luxuriant.” Dans un tel contexte, inexorablement, le contenu estasservi au contenant, le fond à la forme. Le jugement porté par Pascal, au frag-ment 503, est par conséquent sans appel: “Je hais également le bouffon etl’enflé.” Ce jugement remet en cause la beauté même d’une telle rhétoriquequi se voit placée à égalité avec le bouffon, dont l’absence de recherche lan-gagière, de finesse laissent plus qu’à désirer: pour les faiseurs de fausse rhé-torique, cette mise en parallèle matérialise à n’en pas douter l’insulte suprême.

A contrario, la vraie éloquence, pour Pascal, se doit de conserver son objec-tif initial, à savoir être au service de la vérité: “Il faut de l’agréable et du réel,mais il faut que cet agréable soit lui-même pris du vrai” (fr. 547). Pour Pascal,l’instruire ne peut aucunement céder le pas sur le plaire, contrairement à ce quepensent les auteurs de pièces de théâtre de son temps. Toute rhétorique qui nerentre pas dans ce cadre est à proscrire. En parfaite cohérence avec lui-même,Pascal va privilégier parmi les trois fins de l’art oratoire—“plaire, émouvoir,instruire,” qui deviennent “en termes pascaliens: instruire (docere), agréer(placere) et échauffer (flectere)”—le “faire plier (flectere),” comme l’a mis àjour Philippe Sellier (374). En effet, pour ce dernier, la rhétorique de Pascal secaractérise par la “force,” force qui cherche à s’imposer par son “efficacité.”Dans cette optique, clarté, concision, sens du concret, emphase vont aller de pair.

Dans notre étude, nous allons voir comment les modalités aléthiques etdéontiques vont parvenir à s’inscrire dans la rhétorique de la force et de l’ef-ficacité en forçant le destinataire des Pensées à ne reconnaître qu’une seulevérité: la vérité du christianisme, et, qui plus est, la vérité du christianisme dePascal. À cette fin, ces modalités vont toutes assumer une fonction commune:elles vont générer une vision bipolaire du monde, en promouvant la grandeur,la véracité du christianisme, face à la relativité, à la misère de l’homme sansDieu. Elles vont avec la rhétorique de la force contraindre le destinataire àfaire un choix, et elles vont tout faire pour conditionner ce choix, pour letransformer précisément en absence de choix.

L’OBLIGATION

Dans les Pensées, l’obligation va se matérialiser par l’intermédiaire soit duverbe devoir suivi de l’infinitif, soit du substantif devoir. Ces obligations peu-vent se ramener à deux points principaux: d’une part l’homme doit chercherla vérité, et d’autre part Dieu se doit de lui offrir la possibilité d’y accéder. Cesmodalités déontiques représentent des obligations morales incontournables,tant pour l’homme que pour Dieu, sous peine de ne pas réaliser leur essence.

L’homme se voit contraint de remplir un certain nombre d’obligations: cer-taines sont valables pour tous les hommes, d’autres sont variables en fonction

Dow

nloa

ded

by [

Nov

a So

uthe

aste

rn U

nive

rsity

] at

13:

27 0

7 O

ctob

er 2

014

Page 4: Les Pensées De Pascal: Au Royaume Des Nécessités

Natan SYMPOSIUM 95

du rapport à Dieu. Pour Pascal, tous les hommes ont des devoirs à leur propreégard tout d’abord, puis à l’égard d’autrui ensuite. Ainsi, l’homme se “doit”de rechercher la vérité, il “doit” chercher le propre de chaque chose (fr. 650):l’émetteur par là rappelle à l’homme qu’il ne doit pas se laisser sombrer dansla négligence, à l’instar de l’athée (fr. 681). Pour le moraliste des Pensées, le“devoir” de l’homme est plus précisément de penser (fr. 513), et cette penséedoit amener l’homme à réfléchir sur sa finitude: à partir de là, l’homme se doitde composer avec sa finitude temporelle (il “doit bientôt mourir,” fr. 681) etpsychique, son manque de connaissance, de certitude faisant qu’il “doit tra-vailler pour l’incertain” (fr. 480). L’impuissance de la raison, quant à elle,“doit servir” à humilier cette dernière (fr. 142). Pour l’apologiste, l’hommeayant pris conscience de ses limites, ayant pris conscience qu’il est la proie dela concupiscence qui nous détruit nous et les autres, “nous devons nous haïrnous-mêmes et tout ce qui nous excite à autre attache qu’à Dieu seul”1 (fr.511). Cependant, ce Dieu n’est pas n’importe lequel: en matière de foi, l’apol-ogiste précise que ce qui “doit faire croire” est la combinaison de notre volon-té et de notre raison (fr. 672), ce devoir rejetant donc toute religion baséeuniquement sur la superstition ou sur le plaisir. En résumé, pour le moraliste,le devoir de l’homme le pousse à chercher la vérité—qui a pour vocation deconduire au bonheur—vérité qui prend avec l’apologiste le nom de Dieu. Sil’homme a certaines obligations envers lui-même, il en a aussi envers autrui.Au fragment 15, partant du particulier, Pascal aboutit à une vérité générale: eneffet, le je de ce fragment prend une portée plus large, il devient le représen-tant de l’homme en général. Ce je a un devoir personnel d’honnêteté à rem-plir vis-à-vis de son prochain: il se “doit” de lui dire la vérité. En outre, en tantqu’être social, tout un chacun “doit rendre” différents devoirs aux différentsmérites (fr. 91), c’est-à-dire accepter de se plier aux us et coutumes de lasociété. De plus, l’émetteur stipule que “les communautés elles-mêmesdoivent tendre à un autre corps plus général dont elles sont membres” (fr.680), et tout homme “doit donc tendre au général” (fr. 680): cette obligationregarde la société civile, mais l’on ne peut s’empêcher de penser aussi auchristianisme, et notamment aux hérétiques. Encore une fois, dans les Pen-sées, le devoir du moraliste se voit complété par l’apologiste.

À côté de ces obligations partagées par tous les hommes dans leur global-ité, il s’en trouve d’autres propres à l’homme sans Dieu, au travers desquellesl’émetteur explique à ce dernier qu’il doit se mettre en quête de Dieu. L’apol-ogiste commence par lui spécifier certaines obligations, commandées par lalogique et la raison. Ainsi, il rappelle l’athée à l’ordre: le fait que l’homme soitmortel, qu’il “doive infailliblement” mourir (fr. 681, 682, 684) est une chose“qu’on doit [. . .] dire tristement” (fr. 662), et “la justice envers les réprouvésest moins énorme et doit moins choquer que la miséricorde envers les élus”(fr. 680). Aussi, l’apologiste signale à l’athée qu’avant de s’engager dans unétat d’esprit destructeur, il se doit de se poser des questions incontournables

Dow

nloa

ded

by [

Nov

a So

uthe

aste

rn U

nive

rsity

] at

13:

27 0

7 O

ctob

er 2

014

Page 5: Les Pensées De Pascal: Au Royaume Des Nécessités

96 SYMPOSIUM Summer 2006

sur l’âme: en effet, l’état de l’âme “doit mettre une différence entière dans lamorale” (fr. 505), et “toutes nos actions et nos pensées doivent prendre desroutes si différentes, selon qu’il y aura des biens éternels à espérer ou non”(fr. 681). Au vu de ces données, l’apologiste, détermine alors un impératifcatégorique: “on doit chercher Dieu” (fr. 45). L’homme qui doute de l’exis-tence de Dieu a donc “le devoir” de le chercher (fr. 662, 681), son “premierdevoir” étant à travers cette quête de s’éclaircir sur l’état de l’âme (fr. 681).Cette enquête entreprise, l’homme sans Dieu verra, avec Pascal, qu’il n’ad’autre choix que d’accepter le christianisme: “les hommes doivent à Dieu derecevoir la religion qu’il leur envoie” (fr. 428), l’homme “doit croire” aux mir-acles quand ils ne s’opposent pas à la doctrine (fr. 426), et les prophéties étantréalisées, “le reste doit en être cru” (fr. 491). Au final, l’apologiste force soninterlocuteur à avoir un jugement favorable sur la religion judéo-chrétienne, etil soutient que la raison devrait conduire à Dieu au regard des preuves duchristianisme.

Le chrétien, quant à lui, bien qu’ayant trouvé Dieu, a aussi des obligations,qui donnent de lui une image différente de celle dans laquelle veulent le cloîtrerses ennemis. Dans les Pensées, loin d’être crédule, l’homme avec Dieu se doitde discerner la vérité pour ne pas sombrer dans des excès destructeurs: il “doitavoir” conscience des désordres des jésuites (fr. 811), et il doit savoir que “l’abusdes vérités doit être autant puni que l’introduction du mensonge” (fr. 451). Àcôté de ce devoir de vérité existe parallèlement un “devoir” de charité (fr. 787):le chrétien “doit avoir pitié des uns et des autres,” notamment de l’athée (fr. 662).Par ailleurs, alors que le “devoir” des Juifs consiste en mille observations parti-culières et pénibles, voulues par leur loi (fr. 691), le chrétien, lui, “doit regardercomme péché” tout ce que Dieu ne veut pas (fr. 769), passant par là-même del’ordre de la concupiscence à l’ordre de la charité. En conséquence, ses“devoirs” l’obligent à aimer Dieu (fr. 182), à accepter d’être membre de l’âmeuniverselle (fr. 392). Pour Pascal, tout autre choix est impossible, comme le ditsi justement Christian Meurillon: “En tentant de s’unifier comme nature isolée,de se faire Dieu en fait, il retourne son ancienne plénitude de microcosme enpuissance autodestructrice: se camouflant son vide par les actes illusoires dudivertissement, il se suicide réellement puisqu’il choisit ainsi la négation de sacapacité de vie éternelle avec Dieu, contre qui il parie” (275). Pascal s’inscrit icitrès clairement dans la lignée de saint Augustin et de l’augustinisme de Port-Royal, pour lesquels seul l’amour de Dieu est possible. D’autre part, le chrétien,à des années de lumière d’être un fataliste, est un homme qui agit. Son actionn’est pas employée à tenter de changer inutilement le monde, elle consiste aucontraire à œuvrer pour le salut de l’âme: ainsi, le juste “ne doit pas espérer, maiss’efforcer d’obtenir ce qu’il demande” (fr. 803). Le chrétien possède par con-séquent diverses obligations morales à réaliser, obligations qui font de lui un êtredifférent, supérieur. Au total, on peut constater que chaque être humain engénéral et chaque groupe d’hommes en particulier sont soumis, avec Pascal, à

Dow

nloa

ded

by [

Nov

a So

uthe

aste

rn U

nive

rsity

] at

13:

27 0

7 O

ctob

er 2

014

Page 6: Les Pensées De Pascal: Au Royaume Des Nécessités

Natan SYMPOSIUM 97

un impératif de vérité, avec néanmoins des obligations plus ou moins grandes enfonction de leur degré de connaissance, degré corollaire à leurs rapports à Dieu,détenteur de la vérité.

L’obligation pour l’homme de tendre vers la vérité n’a de sens que si cettedernière reste accessible, que si Dieu la rend perceptible à l’homme. Sil’homme a effectivement des devoirs, Dieu aussi a certaines obligations àremplir,2 obligations sans lesquelles il ne serait plus un Dieu bon, mais unmauvais génie: “Dieu doit aux hommes de ne les point induire en erreur” (fr.428), “la vérité doit parler elle-même aux hommes” (fr. 439), Dieu “doitaccomplir ses promesses” (fr. 428), et “l’Église doit subsister” (fr. 797). Dieua donc un devoir de guide à accomplir vis-à-vis de l’homme. D’autres oblig-ations encore témoignent de la toute-puissance de Dieu, obligations qui enfont une entité supérieure à l’homme, le Créateur ayant pour impératif de sesoucier de sa créature: Dieu “doit juger” toutes mes actions (fr. 759), “Dieudoit régner sur tout et tout se rapporter à lui” (fr. 761). Jésus-Christ, quant àlui, “doit élever” les chrétiens (fr. 460). Dieu doit par conséquent être juste, lechoix des élus devant se faire à partir de cette qualité. Au total, pour Pascal,Dieu se confond avec la vérité, et sa quête ne peut (et ne doit) se faire qu’àtravers la vraie religion.

L’apologiste va alors nous livrer toute une combinaison d’obligations quivont conduire l’homme à identifier la vraie religion. Le fragment 247 en isoleles caractéristiques fondamentales: “La vraie religion doit avoir pour marqued’obliger à aimer son Dieu. [. . .] Elle doit encore avoir connu la concupis-cence et l’impuissance [de l’homme]. [. . .] Elle doit y avoir apporté lesremèdes.” La3 vraie religion “doit avoir connu la grandeur et la petitesse [del’homme], et la raison de l’une et de l’autre” (fr. 248), “les hommes doiventavoir en eux-mêmes des sentiments conformes” à ses enseignements (fr. 690),et “elle doit être [. . .] l’objet et le centre où toutes choses tendent” (fr. 690).En définitive, la vraie religion s’assimile au souverain bien, apportant uneréponse au désir de vérité de l’homme. Cela établi, l’apologiste met tout enœuvre pour que seule la religion chrétienne réponde à ces critères, à ces oblig-ations, tant et si bien que le lecteur a la curieuse impression d’avoir affaire àdes exigences taillées sur mesure.

En complément de toutes ces choses, le Dieu chrétien laisse encore voir àl’homme sa véracité par l’observation de l’Histoire, le christianisme ayantrempli avec succès toutes les obligations passées: en effet, l’imparfait devaitmontre qu’il n’existait par le passé qu’une seule solution susceptible à la foisde valider la véracité du christianisme et d’indiquer que ce dernier a, depuistoujours, suivi la voie de la vérité. La réalisation de ces obligations dans lepassé prouve la vérité présente, ôtant au christianisme toute notion de contin-gence. La venue du Christ ainsi que la totalité de ses conséquences étaient uneobligation. Dieu “devait” envoyer un Messie aux Juifs (fr. 301), et son premieravènement “devait être caché” (fr. 292). Jésus-Christ, quant à lui, “devait

Dow

nloa

ded

by [

Nov

a So

uthe

aste

rn U

nive

rsity

] at

13:

27 0

7 O

ctob

er 2

014

Page 7: Les Pensées De Pascal: Au Royaume Des Nécessités

98 SYMPOSIUM Summer 2006

venir” (fr. 313, 504, 738), il “devait périr” (fr. 242), il “devait” guider son peu-ple vers le salut (fr. 504), il “devait être annoncé partout” (fr. 696), et “la vérité[. . .] devait être connue des autres” (fr. 738). Les prophètes, eux, savaient quele “royaume temporel devait cesser” (fr. 297), “que les Juifs devaient être sansprophètes” (fr. 693). Les prophéties disaient qu’ “il devait naître un Rédemp-teur” (fr. 9), “qu’il devait venir un Libérateur [. . .] qui devait délivrer son peu-ple de ses péchés” (fr. 504), que “le Messie [. . .] devait être l’attente desnations” (fr. 719), “qu’il devait naître à Bethléem” (fr. 426), “qu’il devait êtrede Juda” (fr. 504), “qu’il devait être jugé par les Juifs et les gentils” (fr. 461),“qu’il devait” être grand mais méconnu (fr. 504), “qu’il devait y avoir un nou-veau testament qui serait éternel” (fr. 504), que leurs prophéties “devaienttoutes arriver à l’avènement du Messie” (fr. 371), et que le peuple juif “devaitdurer jusqu’au peuple que le Messie formerait par son esprit” (fr. 687).L’obligation du fragment 369 montre tout spécialement la difficulté de la réal-isation des prophéties: “Comment fallait-il que fût le Messie, puisque par luile sceptre devait être éternellement en Juda et qu’à son arrivée le sceptredevait être ôté de Juda?” Ces obligations passées, posées par les prophètes, ontété réalisées, conduisant à prouver la véracité du christianisme, qui a réussi letour de force de rendre ces prophéties véritables, nonobstant leur précision.

Non appliqué à la vérité chrétienne, devait renvoie à une obligation qui n’apas eu lieu et qui inscrit donc ceux qui ne l’ont pas respectée dans l’erreur.Ainsi, César “devait être plus mûr” (fr. 82); les pharisiens et les scribes“devaient mieux prendre garde s’il [Jésus-Christ] n’en était pas [de Beth-léem], car ses miracles étant convaincants, ils devaient bien s’assurer de cesprétendues contradictions de sa doctrine à l’Écriture” (fr. 426); la Compagniede Jésus, conformément à sa propre éthique, aurait dû avoir connaissance desdésordres de ses membres, comme on peut le lire au fragment 750: “Et cen’est pas une excuse aux supérieurs de ne l’avoir pas su, car ils le devaientsavoir.” Le hiatus, qui se crée entre ce qui aurait dû être et la réalité, devient àlui seul suffisamment éloquent. Les obligations réalisées deviennent source devérité, tandis que les obligations avortées permettent de déjouer l’erreur, lemensonge. À côté de ces obligations, on rencontre également des interdic-tions, qui ne s’appliquent jamais à Dieu.

Pour effectuer son devoir moral, l’homme se doit d’éviter certains écueils,matérialisés par plusieurs interdictions qui renvoient toutes à l’homme et quis’inscrivent dans la logique des obligations. Le moraliste stipule que l’hommene “doit” pas chercher sa dignité dans l’espace mais dans la pensée (fr. 145).Du reste, “nous ne devons point être fâchés” que les autres connaissent nostravers (fr. 743), l’homme ayant pour obligation d’entendre la vérité. Toujoursdans cette optique, le moraliste interdit à l’homme d’adhérer aveuglément àune idée (“vous ne devez rien croire,” [fr. 672]) sans s’affranchir, au préalable,de ses préjugés. L’apologiste, quant à lui, rappelle aux hommes qu’ “ils nedoivent pas s’attacher” aux créatures mais à Dieu (fr. 15), et que l’homme “ne

Dow

nloa

ded

by [

Nov

a So

uthe

aste

rn U

nive

rsity

] at

13:

27 0

7 O

ctob

er 2

014

Page 8: Les Pensées De Pascal: Au Royaume Des Nécessités

Natan SYMPOSIUM 99

doit pas refuser” de suivre la religion si son cœur l’y entraîne, la raison ne s’yopposant pas (fr. 717). Au fragment 574, toujours dans cette dynamique, ildéfend à l’athée de lui reprocher la faiblesse de la théorie du péché originel:“Vous ne me devez donc pas reprocher le défaut de raison en cette doctrine,puisque je la donne pour être sans raison.” L’interdiction principale pourl’homme est de ne pas se laisser aller au mensonge, les interdictions ne faisantalors que renforcer les obligations. En somme, les modalités déontiques ontobligé l’homme à chercher la vérité afin de pouvoir réaliser son devoir. Lesmodalités aléthiques vont aller plus loin encore.

LA NÉCESSITÉ

La nécessité va s’exprimer par le biais soit du verbe impersonnel falloirsuivi de l’infinitif, soit des adjectifs inévitable, nécessaire, soit du nom néces-sité. Elle concerne l’homme et la vérité. Ainsi, l’homme va devoir se soumet-tre à diverses nécessités: quelques-unes d’entre elles concernent tout homme,d’autres sont spécifiques à un groupe déterminé. Dans bien des cas, Pascaltend à employer une modalité aléthique—qui désigne ce qui ne peut pas nepas être—en lieu et place d’une modalité déontique, établissant par là quepour lui un homme qui ne répond pas à certaines obligations morales n’estplus un homme. Pour pouvoir se réaliser en tant qu’homme, il y a des faitsincontournables, nécessaires, non pas pour exister au sens biologique duterme, mais pour exister en tant qu’homme au sens philosophique. Ainsi, il estnécessaire à l’homme de se connaître—“Il faut se connaître soi-même”(fr. 106)—, le moraliste reprenant ici à son compte l’impératif catégorique del’Antiquité (que Pascal a sans doute connu via Charron). Comme le soulignesi justement Pierre Grimal, la formule du connais-toi toi-même a “paru à Pas-cal suffisamment importante pour servir de point de départ à une démarcheessentielle de l’Apologie, et que, sur elle, repose toute la description de la con-dition humaine et de ses faiblesses” (143). Pour Tamotsu Tanabe, Pascal aurait“fait la rédaction de son Apologie, plutôt dans le dessein de déterminer etlaisser paraître la nature de ce moi, qu’en vue de prouver l’existence de Dieu,à la manière d’un métaphysicien” (169). Or, ce qui change avec Pascal, encomparaison de la conception antique, est que “la foi seule est capable derépondre au ‘connais-toi’ socratique” (Gouhier 326). Avec Pascal, la sagesseantique a dû être revue et corrigée par le christianisme. En effet, hors la foi,comme l’écrit, Hélène Michon, “l’amour d’Autrui est ainsi en réalité amourde soi: la connaissance d’autrui est connaissance de soi; loin d’entrer en rela-tion avec un autre, le moi au contact de l’autre se découvre et s’aime” (350).Pour acquérir cette connaissance de soi, l’homme a à réfléchir par lui-mêmesans se contenter de suivre l’opinion d’un tiers, aussi brillant fût-il. Aussi,pour Pascal, au fragment 132, chacun doit être philosophe et non pas un dis-ciple lobotomisé des philosophies existantes: “il faut préférer nos lumières à

Dow

nloa

ded

by [

Nov

a So

uthe

aste

rn U

nive

rsity

] at

13:

27 0

7 O

ctob

er 2

014

Page 9: Les Pensées De Pascal: Au Royaume Des Nécessités

100 SYMPOSIUM Summer 2006

celles de tant d’autres.” L’homme ne doit pas agir par mimétisme, par automa-tisme, mais il doit fonctionner par une pensée autonome. “Il faut nous relever”par la pensée (fr. 232), “il faut être homme” en faisant usage de sa pensée (fr.594): l’homme réalise son essence en pensant, ce qui le distingue des ani-maux. Toujours dans cette perspective, “il faut” se servir de ses passions etnon pas leur être asservi (fr. 500). C’est à ce prix, et à ce prix seulement, quel’homme pourra réaliser son essence pleinement; sans cela, l’homme n’estplus un homme, il devient “une pierre ou une brute” (fr. 143).

Pour pouvoir se guider, l’homme a besoin de connaître: le moraliste va alorslui proposer une synthèse des conditions nécessaires pour atteindre la connais-sance. Avant toute chose, l’homme doit édifier une morale; pour cela, “il [lui]faut avoir un point fixe” (fr. 576), une base de départ. En outre, l’élaboration decette vraie morale reste assujettie à une autre condition: “il faut vivre autrement”selon que notre âme sera mortelle ou non (fr. 187), car “il est impossible” degérer notre vie sans savoir cela (fr. 681, 682). D’autre part, cette morale stablene peut exister qu’à condition que l’homme à son tour remplisse certaines néces-sités: ainsi, le moraliste indique qu’ “il ne faut pas” moins de capacité pour allerau néant ou au tout, mais “il la faut infinie pour l’un et l’autre” (fr. 230). Parailleurs, l’émetteur rappelle que l’accès à la connaissance n’est pas l’apanage dela raison: “il faut” que cette dernière s’appuie sur les connaissances du cœur etde l’instinct (fr. 142) qui sont essentielles puisqu’ils fournissent entre autres lasaisie des premiers principes.4 Une fois réalisé l’ensemble de ces nécessités,l’homme aura accès au savoir: sans cela, il n’existe qu’ignorance. Néanmoins,au vu de la grandeur de ces nécessités et de la finitude de l’homme, l’accès ausavoir devient utopique. En attendant cette connaissance libératrice, l’homme sedoit de composer avec sa faiblesse, il ne peut être qu’en attente d’absolu.

En effet, l’homme, à défaut de trouver un port, reste dans la dépendance,une dépendance inéluctable. L’homme est tout d’abord tributaire de sonmanque de connaissances: le moraliste souligne qu’ “il faut” aux magistrats etaux médecins combler leur déficit de savoir par de “vains instruments, quifrappent l’imagination” (fr. 78), et il considère que la grimace des magistratsest “fort nécessaire” (fr. 78); faute de posséder une justice absolue, “il faut”créer un équilibre entre la force et la justice (fr. 135) pour éviter tyrannie etanarchie. Dans le monde du bassement relatif, “il faut” souvent tromper leshommes sur la valeur des lois, en les faisant passer pour authentiques (fr. 94):aussi, nos lois établies “seront nécessairement tenues pour justes” (fr. 530).Dépendant de son ignorance, l’homme se trouve aussi sous le joug de lasociété; acceptant de vivre en communauté, il lui faut se plier à des règles plusou moins arbitraires, mais pourtant nécessaires: “il faut obéir” aux lois(fr. 100),5 “il faut qu’il y ait différents degrés” entre les hommes (fr. 668), “ilest nécessaire qu’il y ait de l’inégalité parmi les hommes” (fr. 458), et les con-ventions de respect entre les hommes sont “cordes de nécessités” (fr. 668). Lanécessité devient ici révélatrice d’un manque, en donnant un statut d’impératif

Dow

nloa

ded

by [

Nov

a So

uthe

aste

rn U

nive

rsity

] at

13:

27 0

7 O

ctob

er 2

014

Page 10: Les Pensées De Pascal: Au Royaume Des Nécessités

Natan SYMPOSIUM 101

à ce qui du point de vue de la stricte raison est contingent: l’homme n’ayantpas accès à la liberté, à la vraie justice, à la vérité, il se voit contraint de sesoumettre à un monde factice, sous peine de voir s’effondrer toute la société.Non content d’être dépendant à l’égard des autres, l’homme ne peut restersans divertissement: “il faut” sortir du repos pour entrer dans le divertissement(fr. 168), “il faut qu’il s’y échauffe et qu’il se pipe lui-même” (fr. 168). Cettedépendance—“cette faiblesse naturelle et inévitable” (fr. 67)—est d’autantplus stérile qu’elle ne peut combler le vide de l’homme: le désir d’êtreheureux reste “nécessairement dans tous” (fr. 181). Cette scission entre levouloir et le pouvoir fait qu’il est “inévitable” que nous ne soyons jamaisheureux (fr. 80), que nous soyons dans “un malheur inévitable” (fr. 110), dansdes “afflictions inévitables” (fr. 165).6

L’homme ne pouvant connaître avec certitude, il se voit forcé de faire deschoix incertains, notamment dans le domaine de la morale et de la religion.Au fragment 164, le moraliste met l’homme face à une alternative incon-tournable en matière philosophique: “il faut que chacun prenne parti, et serange nécessairement ou au dogmatisme ou au pyrrhonisme.” Refuser d’êtredogmatiste, c’est être pyrrhonien. Au fragment 680, l’apologiste va agir demême en matière religieuse, l’homme devant parier sur l’existence ou non deDieu: quelle que soit l’option décidée, l’homme n’est pas libre: “il [lui]faut parier,” “choisir,” “nécessairement choisir,” “gager,” “tout donner”;l’homme est “dans la nécessité de jouer” (fr. 680). Refuser de parier, c’estparier contre Dieu. Cette nécessité du pari résonne comme un affront à la rai-son, mais “il faut renoncer à la raison pour garder la vie” (fr. 680). L’hommene pouvant connaître la vérité avec certitude, il se doit de tenter sa chance. Lechrétien appartient à ces hommes qui ont tenté leur chance, lui qui a pris leparti de réaliser son essence en et par Dieu.

Pour s’épanouir en tant que chrétien, l’homme a plusieurs conditions àrespecter. L’homme qui souhaite devenir chrétien est confronté à une premièrenécessité qui seule lui permet de passer de l’ordre de la concupiscence à l’or-dre de la charité: “Il faut n’aimer que Dieu et ne haïr que soi.” En suivant cettepremière nécessité—à forte résonnance augustinienne—le chrétien devient unmembre du corps. À ce titre, il se doit par voie de conséquence de renoncerau monde: “il faut s’arracher de ses plus proches et des plus intimes” pourimiter Jésus-Christ (fr. 749), “médiateur nécessaire” au salut (fr. 221). Endépit des apparences, le chrétien en accédant au statut de membre du corps duChrist ne perd pas pour autant sa volonté, comme on peut le lire au fragment402: “Pour faire que les membres soient heureux, il faut qu’ils aient unevolonté et qu’ils la conforment au corps.” La nécessité rappelle que le chré-tien n’est pas “une pierre ou une brute,” mais qu’il reste un être doté de pen-sée, de volonté actives: il réalise alors son essence sans entraver sa liberté, quiconsiste à s’engager totalement pour le corps: “il faut que tout membre veuillebien périr pour le corps” (fr. 405).

Dow

nloa

ded

by [

Nov

a So

uthe

aste

rn U

nive

rsity

] at

13:

27 0

7 O

ctob

er 2

014

Page 11: Les Pensées De Pascal: Au Royaume Des Nécessités

102 SYMPOSIUM Summer 2006

Le chrétien a aussi à être un homme du juste milieu: “il faut” qu’il se tienneà équidistance de la grandeur et de la bassesse (fr. 17). Du reste, au fragment252, cette équidistance est nécessaire à l’universalité du christianisme: “il fautque le peuple entende l’esprit de la lettre et que les habiles soumettent leuresprit à la lettre.” Chaque chrétien doit donc savoir créer un équilibre entre lecœur et la raison, brisant le déséquilibre de départ propre à son degré d’intel-ligence. Par ce moyen, le chrétien, selon le fragment 748, évite de péricliterdans l’orgueil ou le désespoir: “Il faut s’asseoir sur ces fleuves [de Babylone],non sous ou dedans, mais dessus, et non debout, mais assis, pour être humbleétant assis, et en sûreté étant dessus.” Toujours dans la même optique, “il fautque l’extérieur soit joint à l’intérieur” (fr. 767). Au sein de l’Église, le chré-tien se tient pareillement dans la voie médiane: “il faut [. . .] suivre les Pèreset la Tradition” pour éviter l’hérésie ou le relâchement (fr. 474). Le chrétiendevient à terme un véritable équilibriste dans la foi et la vie de foi, il devientl’homme du juste milieu, le vrai honnête homme.

Le vrai chrétien a en outre la nécessité d’être le défenseur de la vérité,partout et toujours. L’émetteur du fragment 746 soutient qu’ “il faut vocation”pour parler, pour dire la vérité: or tout chrétien qui bénéficie de la grâce reçoitaussi la vocation, lui qui sait qu’ “il faut crier” la vérité quand il y a “néces-sité de parler” (fr. 746). Au jésuite relâché, l’apologiste rappelle ce devoir devérité exigé par le christianisme: il souligne qu’ “il faut sobrement juger desordonnances divines” (fr. 453). À l’Église visible, il annonce qu’ “il faut ouïrles deux parties” (jésuite et janséniste en l’occurrence) avant de juger (fr.801): si l’émetteur des Pensées l’a fait, le parti pris de l’Église pour la Com-pagnie de Jésus est, en revanche, on ne peut plus visible et inacceptable. PourPascal, cette mission de propagation de la vérité doit également se concrétis-er à l’extérieur de l’Église: inscrit dans l’ordre de la charité, le chrétien reçoitl’amour de Dieu, mais il se doit à son tour de le donner. Ainsi, “il [lui] faut”désabuser les croyants qui sont dans l’erreur, tels les calvinistes (fr. 614).C’est au nom de cette nécessité que s’expliquent, au fragment 662, les senti-ments du chrétien face à l’athée: “Il faut bien être dans la religion qu’ilsméprisent, pour ne les pas mépriser.” Le chrétien se doit de sortir l’athée deson indifférence: “il faut [lui] faire sentir l’extravagance et la stupidité” de sonétat (fr. 682). Le chrétien ne vit pas replié sur lui-même, hors du monde: il aun devoir de charité qui devient une nécessité à accomplir.

À côté du chrétien, d’autres hommes ont fait un choix différent. Pourconserver une cohérence avec leur ligne de conduite, eux aussi ont à sesoumettre à diverses nécessités. L’athée prétend se guider par la raison,refusant tout ce qui n’est pas fondé sur cette dernière. Or, l’apologiste luifait remarquer que quelle que soit sa position vis-à-vis du christianisme, ilne peut éviter de se soumettre dans certaines circonstances, qui ont l’avalde la raison: ainsi, face au miracle, “il faut ou se soumettre ou avoir d’é-tranges marques du contraire” (fr. 433); le miracle est effectivement un cas

Dow

nloa

ded

by [

Nov

a So

uthe

aste

rn U

nive

rsity

] at

13:

27 0

7 O

ctob

er 2

014

Page 12: Les Pensées De Pascal: Au Royaume Des Nécessités

Natan SYMPOSIUM 103

face auquel la raison fait l’aveu de sa faiblesse, pour laisser place à l’éton-nement, à l’admiration. Du reste, l’apologiste rappelle à l’athée qu’ “il fautnous défaire” de notre amour-propre, synonyme de démesure (fr. 510). Celaeffectué, il pousse alors son interlocuteur à reconnaître, au fragment 659,que le christianisme nous interroge nécessairement: “On a beau dire, il fautavouer que la religion chrétienne a quelque chose d’étonnant.” Au final,Pascal impose à l’incroyant la nécessité de creuser sa recherche de la vérité:ainsi, au fragment 738, “il faut distinguer la doctrine des Juifs d’avec ladoctrine de la loi des Juifs.” Or, l’attitude de l’athée n’obéit pas à la raison,mais elle reflète un comportement déraisonnable: pour avoir une telle indif-férence sur l’immortalité de l’âme, “il faut avoir perdu tout sentiment” (fr.681), “il faut qu’il y ait un étrange renversement dans la nature del’homme” pour être heureux dans cet état (fr. 681). Par conséquent, pourPascal, les athées sont si insensés qu’ “il faut que Dieu les touche” (fr. 662).En définitive, pour le non chrétien, l’apologiste précise que “sans Jésus-Christ, il faut que l’homme soit dans le vice et dans la misère” (fr. 35).L’athée par sa manière d’agir est nécessairement irrationnel: aux yeux dePascal, pour redevenir homme, à savoir une créature douée d’un minimumde raison, l’athée a la nécessité de s’interroger sur le christianisme, derenoncer à sa fin de non-recevoir. Dans les Pensées, les modalités aléthiquesn’ont fait que mettre à jour combien certains devoirs moraux sont néces-saires à l’homme, sous peine de se voir rejeter hors de la conditionhumaine, sous peine de devenir une “pierre ou une brute” (fr. 143). Aprèsavoir montré les éléments incontournables à l’homme, les modalitésaléthiques vont mettre en relief la force de la véracité chrétienne.

La vérité va pouvoir être établie à l’aide du test de la nécessité mené parles modalités aléthiques: ce test de vérité s’applique au christianisme dont lavérité est mise en doute par l’athée. Grâce à la réussite de cette épreuve,l’apologiste va pouvoir conclure que les faits du christianisme sont néces-sairement vrais. Dans ce but, l’apologiste va développer toute une série denécessités qui vont venir valider la vérité du christianisme, de sa doctrine, dela Bible, de ses témoins et des miracles. Les modalités aléthiques, au fragment182, vont nous livrer les éléments indispensables pour faire qu’une religionsoit vraie: “il faut nécessairement” qu’elle connaisse la double nature del’homme, qu’elle nous l’explique, qu’elle nous indique que le souverain bienest en Dieu (fr. 237), et qu’elle nous donne les moyens d’y accéder (fr. 237).Au fragment 471, l’apologiste va poursuivre en évoquant la nécessité qui doitprévaloir au souverain bien: “il faut aimer un être qui soit en nous, et qui nesoit pas nous.” En apparence, cela semble irréalisable, et cependant, encoreune fois, la religion chrétienne réussit le tour de force de l’accomplir. Le chris-tianisme, et lui seul, remplit l’intégralité de ces conditions nécessaires; luiseul, avec Pascal, passe le test de la véracité, test qui le fait accéder au rang devraie religion, de souverain bien.

Dow

nloa

ded

by [

Nov

a So

uthe

aste

rn U

nive

rsity

] at

13:

27 0

7 O

ctob

er 2

014

Page 13: Les Pensées De Pascal: Au Royaume Des Nécessités

104 SYMPOSIUM Summer 2006

La Bible aussi—“une chose si nécessaire à savoir” (fr. 711)—va (et doit)passer un test de véracité. Au fragment 289, l’apologiste expose les exigencesde validité d’un écrit: “il faut accorder tous les passages contraires” en ayantun sens commun à tous. En fonction de ce principe, “il faut,” pour être vrais,que certains passages de l’Ancien Testament “par nécessité” ne soient que desfigures. Faute d’avoir cette clef présente à l’esprit, l’athée imagine se trouverface à un amas d’incohérences. Les témoins et les miracles du christianismesont semblablement soumis à un test de véracité d’une importance capitale:n’oublions pas que les premiers sont “nécessaires pour la preuve de Jésus-Christ” (fr. 342), et que les seconds, loin d’être contingents, “sont nécessaires”pour convaincre l’homme (fr. 430). L’apologiste va alors défendre le chris-tianisme en dévoilant l’adéquation qui existe entre la nécessité première pourêtre témoin non suspect (à savoir qu’ “il faut” être toujours et partout et mis-érables, fr. 37) et l’état des Juifs: désormais, nul ne pourra contester la vérac-ité de leurs témoignages.7 Les miracles, quant à eux, n’ont de sens qu’à tra-vers la doctrine, étant donné qu’ “il faut une marque pour les connaître” (fr.421). Entre doctrine et miracles se trouve un lien très fort mis en évidence parle chiasme du fragment 428: “Il faut juger de la doctrine par les miracles. Ilfaut juger des miracles par la doctrine.” Le christianisme en réussissant l’unaprès l’autre, avec succès, de multiples tests de véracité, devient nécessaire-ment vrai.

Si d’un point de vue théorique toutes les données du vrai sont réunies, lechristianisme l’emporte tout autant dans la réalité historique. En effet, lesfaits, de par leur matérialisation de multiples conditions nécessaires, plaidenten faveur de la véracité chrétienne. Ces conditions ont été remplies dans lepassé et se poursuivent dans le présent. En effet, l’apologiste va s’attarder àmarquer la force présente du christianisme, force nécessaire qui puise sesracines dans le passé et qui témoigne de son authenticité. Ainsi, le fragment312 soutient que, pour conserver les États, “il faut des accommodements oudes miracles”: le christianisme s’étant conservé sans compromission, la deux-ième nécessité s’y applique, nécessité qui propulse le christianisme au statutde religion supra-humaine. Les prophéties bibliques aussi requièrent néces-sairement une grande force: “Il faut être hardi pour prédire une même choseen tant de manières” (fr. 367). Par ailleurs, pour ne pas s’opposer aux Écrit-ures qui ne cessent de dire que Dieu est un Dieu caché, “il faut bien que l’év-idence de Dieu” ne soit pas trop manifeste dans la nature (fr. 644). L’acte defoi lui-même fait appel à toute une série de données. Aussi, pour croiredurablement, la raison ne suffit pas, “il faut avoir recours” à la coutume, “ilfaut acquérir une créance plus facile, qui est celle de l’habitude,” car “il fautfaire croire” notre esprit et notre automate (fr. 661); “il faut donc mettre notrefoi dans le sentiment” (fr. 661). Du reste, pour que nous puissions obtenir lesalut, “il faut que la justice de Dieu soit énorme comme sa miséricorde” (fr.680) et, pour passer de l’homme au saint, “il faut bien que ce soit la grâce” (fr.

Dow

nloa

ded

by [

Nov

a So

uthe

aste

rn U

nive

rsity

] at

13:

27 0

7 O

ctob

er 2

014

Page 14: Les Pensées De Pascal: Au Royaume Des Nécessités

Natan SYMPOSIUM 105

440). Toutes ces nécessités révèlent la complexité du christianisme, son aspectsurnaturel, divin,8 jamais démenti par le temps.

Il fallait implique une nécessité passée qui si elle n’avait pas eu lieu, auraitmontré la fausseté du christianisme. Ces nécessités de premier ordre étaientextrêmement difficiles à réaliser, et leur concrétisation inscrit le christianismedans la voie de la véracité. Le christianisme ayant vocation d’universalité, “ilfallait” que les prophéties fussent distribuées et conservées par toute la terre etdans tous les temps (fr. 4), “il fallait” que les prophètes fussent conservés sanssoupçon (fr. 10), car pour avoir une valeur de vérité, “il fallait” que la venue duMessie fût prédite (fr. 4). Pour la réalisation des prophéties, “il fallait” quesurvienne toute une suite de faits très précis et coordonnés entre eux (fr. 367,371), et pour que les contemporains du Christ croient en lui, “il fallait” des mir-acles (fr. 426). “Il fallait” également que les Juifs eussent du zèle pour leur loiet leur temple (fr. 348), et qu’ils aient “les deux qualités qu’il fallait qu’ilseussent,” à savoir d’être paradoxalement conformes et contraires au Messie (fr.508). Comme on peut le constater, pour Pascal, rien dans le christianisme n’estgratuit, tout s’insère dans la nécessité: ainsi, la venue du Christ était une néces-sité pour le salut (fr. 302), “il fallait” que les prophéties aient un sens spirituelconformément aux dires des prophètes (fr. 299),9 et “il fallait” un grand aveu-glement pour ne pas le reconnaître (fr. 738).10 À la manière d’une expériencescientifique, Pascal a conduit ses essais, et il en a tiré les conclusions qui s’im-posent: le christianisme est déclaré vrai, et il ne peut que forcer l’admiration.À côté de la nécessité, existent aussi les fausses nécessités.

Les fausses nécessités sont de pseudo-déductions logiques, faites par lesadversaires du christianisme, qui produisent des nécessités là où il n’y paslieu. L’apologiste va essentiellement dénoncer de fausses nécessités,revendiquées par les opposants au christianisme pour accepter de le considér-er comme vrai. Au fragment 427, l’émetteur balaye une telle nécessité: “C’estune chose si visible qu’il faut aimer un seul Dieu qu’il ne faut pas de miraclespour le prouver.” Aujourd’hui, “les miracles ne sont plus nécessaires à causequ’on en a déjà” (fr. 439): voilà de quoi répondre à l’athée qui réclame queDieu, s’il existe, se manifeste clairement. À l’instar des incroyants, les Juifsaussi aiment à s’enfermer dans des nécessités stériles, confondant le fond etla forme: ainsi, contrairement à eux, les apôtres savaient que la circoncision“n’était pas NÉCESSAIRE” (fr. 400, 693), le christianisme s’inscrivant dansl’ordre de la charité. En créant des nécessités oiseuses, l’homme sombre dansle ridicule, dans une logique de l’erreur. Parallèlement à ces fausses néces-sités, existent aussi des nécessités négatives, à savoir les interdictions.

On rencontre dans les Pensées plusieurs interdictions qui empêchentl’homme de faillir vis-à-vis d’autrui, de lui-même et de Dieu. Pour le moral-iste, il est essentiel que le peuple demeure dans l’ignorance afin d’éviter l’an-archie: “il ne faut pas” que l’homme sente qu’il est dupé sur la valeur des lois(fr. 94) sans quoi la société sombrerait dans le chaos. Pour l’apologiste, les

Dow

nloa

ded

by [

Nov

a So

uthe

aste

rn U

nive

rsity

] at

13:

27 0

7 O

ctob

er 2

014

Page 15: Les Pensées De Pascal: Au Royaume Des Nécessités

106 SYMPOSIUM Summer 2006

interdictions se divisent en deux groupes: les unes s’appliquent à l’hommesans Dieu, les autres à l’homme avec Dieu. Dans les Pensées, l’homme sansDieu se voit privé du droit de porter un jugement à l’emporte-pièce sur lechristianisme: “il ne faut point être contre la vérité” (fr. 442). De même, “il nefaut pas” confondre mystère et absurdité (fr. 250, 251), autrement dit, pourl’apologiste, il ne faut pas confondre les mystères du christianisme et lesabsurdités des religions concurrentes. Au total, au fragment 154, l’homme nepeut que se rendre aux thèses du christianisme: “Il ne faut pas que l’hommecroie qu’il est égal aux bêtes ni aux anges, ni qu’il ignore l’un et l’autre, maisqu’il sache l’un et l’autre.” “Il ne faut pas” que l’homme ne voie rien du tout,ni qu’il s’imagine tout connaître (fr. 690), c’est-à-dire que l’homme ne doitêtre ni pyrrhonien ni stoïcien (fr. 510), mais chrétien, en se positionnant dansle paradoxe de la grandeur et de la misère. Le chrétien aussi se voit interdirecertaines attitudes, ayant un devoir de vigilance. Ainsi, l’apologiste rappelleau chrétien qu’ “il ne [. . .] faut pas épargner” les molinistes (fr. 445),11 le chré-tien ayant à dire la vérité. Néanmoins, hors de Jésus-Christ, la vérité est uneidole “qu’il ne faut point aimer ni adorer” (fr. 755), et cette interdiction s’ap-plique à plus forte raison encore au mensonge (fr. 755). Le chrétien ne doitdonc pas s’écarter de la charité: aussi, “il ne [lui] faut pas dormir” jusqu’à lafin du monde, l’élu se devant d’être toujours dans la crainte (fr. 749). Au total,l’homme ne peut pas ne pas vouloir la vérité, à condition que cette dernièrelui soit salutaire, terme qui dans la bouche de l’apologiste des Pensées ne peutrimer qu’avec le christianisme.

Les modalités aléthiques et déontiques ont réduit à néant la marge demanœuvre de l’interlocuteur, le forçant à accepter le christianisme, ou tout aumoins à s’y intéresser. L’homme est frustré de la possibilité de faire un choix:en effet, soit il suit l’émetteur des Pensées, soit il se trouve projeté hors del’humanité, propulsé dans la sphère de l’absurde, de la déraison. En somme,la rhétorique de la force a porté un coup mortel au libre arbitre du destinatairedes Pensées. Dans ces conditions, l’athée ne peut qu’écouter les raisons decroire au christianisme que l’apologiste va lui proposer, sous peine d’être con-sidéré comme un homme stupide. Face à l’apologiste des Pensées, l’hommesans Dieu n’est pas de taille à lutter, il est pris au piège, parqué dans un cer-cle divin. L’homme sans Dieu ne peut éviter ce cercle infernal que Pascalaffectionne tout particulièrement, cercle dans lequel s’entassent pêle-mêle sesadversaires: la philosophie (fr. 240), les jésuites (fr. 592) ou encore l’Inquisi-tion (fr. 746), symbole d’un christianisme diabolique. Dominique Descotes,parle alors avec raison de “terrorisme” rhétorique des Pensées (447). Du reste,ces modalités aléthiques en disent long sur la rhétorique de Pascal: Pascal nese soucie pas de les varier en recourant soit à des synonymes, soit à des dou-blons. Pour lui, il s’agit d’être clair, concis, efficace. Aussi, Marc Fumaroli,voit-il en Pascal “l’avocat de l’augustinisme gallican” (“Pascal” 365), galli-canisme qu’il définit comme une réaction contre la sophistique (L’âge 153)—

Dow

nloa

ded

by [

Nov

a So

uthe

aste

rn U

nive

rsity

] at

13:

27 0

7 O

ctob

er 2

014

Page 16: Les Pensées De Pascal: Au Royaume Des Nécessités

Natan SYMPOSIUM 107

et plus particulièrement contre la sophistique jésuite (L’âge 236 )—un galli-canisme qui choisit avec Saint-Cyran le naturel et l’atticisme classique. Lerésultat rhétorique est alors immédiatement visible:

L’idée directrice des Pensées et de l’apologétique pascalienne est l’in-verse de celle qui gouverne l’apologétique jésuite: pour passer d’unordre à l’autre, plus de médiation commode, plus de glissement insen-sible sur un terrain qui ne se dérobe jamais sous nos pas, et que balisentles pots à fleurs de la Compagnie, mais des précipices que seule laGrâce imméritée pourrait nous faire franchir, d’un trait. Pour initier àcet univers troué d’abîmes, seuls conviennent les éclairs du style coupe.(Fumaroli, “Pascal” 364)

Rien de gratuit donc dans les Pensées: la rhétorique reste plus que jamais auservice de l’apologie, et elle est cette arme humaine qui peut pousser l’hommeà avoir le désir de se mettre en quête de Dieu. Pour Pascal, il s’agit de conva-incre l’incroyant de la véracité du christianisme, de lutter contre l’athée, con-tre l’indifférent, contre cet homme qui non seulement refuse d’ouïr le chris-tianisme, mais qui contribue chaque jour, un peu plus, et un peu plus fort, audéclin du catholicisme, qui aux yeux de Pascal est seul porteur de vérité, desalut. Son projet s’inscrit alors dans l’urgence, dans une urgence vitale.

Rider University

1. En employant le pronom personnel nous, l’émetteur insiste sur la portée universelle de cetteobligation, qui concerne tout homme, lui y compris.

2. Au fragment 428, Pascal s’excuse d’employer le terme “devoir” au sujet de Dieu: “Il fautpardonner ce mot.”

3. Pour l’apologiste, il n’existe qu’une seule vraie religion, comme le prouve l’usage constantde l’article défini singulier devant le groupe nominal vraie religion.

4. Pour l’apologiste également, les connaissances du cœur sont importantes: n’oublions pasque “c’est le cœur qui sent Dieu” (fr. 680).

5. Pour l’habile cependant, “il faut avoir une pensée de derrière” (fr. 125): par là, Pascal mon-tre que sans être un révolutionnaire, il n’en reste pas moins un penseur. Le fragment 126 nousprésente une application concrète de cette double nécessité: “Il est vrai qu’il faut honorer les gen-tilshommes, mais non pas parce que la naissance est un avantage effectif, etc.”

6. Cette misère, résultante du péché originel, est indispensable pour garantir la justice deDieu: “[. . .] il faut que nous naissions coupables, ou Dieu serait injuste” (fr. 237).

7. Les Juifs sont des témoins, car “il faut recourir” aux Juifs pour connaître la tradition, lesorigines du christianisme (fr. 691).

8. Pour soutenir ses tourments à Gethsémani, “il faut” au Christ être tout-puissant (fr. 749).9. “Il fallait” la circoncision du cœur pour être sauvé (fr. 301).

10. Il a fallu conserve un sens identique (fr. 211, 285, 384, 368, 763).11. Pour Pascal, les molinistes sont ici le symbole des jésuites relâchés, des chrétiens tièdes.

TEXTES CITÉS

Arnauld, Antoine, et Pierre Nicole. La logique. Paris: Vrin, 1981.Descotes, Dominique. L’argumentation chez Pascal. Paris: PUF, 1993.

Dow

nloa

ded

by [

Nov

a So

uthe

aste

rn U

nive

rsity

] at

13:

27 0

7 O

ctob

er 2

014

Page 17: Les Pensées De Pascal: Au Royaume Des Nécessités

108 SYMPOSIUM Summer 2006

Fumaroli, Marc. L’âge de l’éloquence. Genève: Droz, 2002.———. “Pascal et la tradition rhétorique gallicane.” Méthodes chez Pascal. Éd. Jean Mesnard.

Paris: PUF, 1979. 359–70.Gouhier, Henri. “Pascal et la philosophie.” Pascal, textes du tricentenaire. Éd. François Mauriac.

Paris: Fayard, 1963. 31–27.Grimal, Pierre. “Sur quelques thèmes de la philosophie antique dans la pensée de Pascal.” Influ-

ence de la Grèce et de Rome sur l’occident moderne. Éd. Raymond Chevallier. Paris: BellesLettres, 1977. 141–48.

Meurillon, Christian. “Un concept problématique dans les Pensées: ‘Le moi.’” Méthodes chezPascal. Éd. Jean Mesnard. Paris: PUF, 1979. 269–80.

Michon, Hélène. “Pascal et la relation d’altérité.” Chroniques de Port-Royal 51 (2002): 347–59.Pascal, Blaise. Pensées. Éd. Philippe Sellier. Paris: Bordas, 1994.Sellier, Philippe. “Rhétorique et apologie: ‘Dieu parle bien de Dieu.’” Méthodes chez Pascal. Éd.

Jean Mesnard. Paris: PUF, 1979. 373–81.Tanabe, Tamotsu. “Le thème de la connaissance de soi-même dans les Pensées de Pascal.” Bul-

letin annuel de l’université d’Okayama, faculté des lettres (1982): 169–74.

Dow

nloa

ded

by [

Nov

a So

uthe

aste

rn U

nive

rsity

] at

13:

27 0

7 O

ctob

er 2

014