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Benoit de Rivaz Directeur technique Bekaert L L 367 LES PERFORMANCES TECHNIQUES DES BÉTONS RENFORCÉS FIBRES MÉTALLIQUES ET POLYMÈRES Le béton projeté est utilisé dans tous les travaux de génie civil, de forage et de construction de bâtiments. Il est particulièrement adapté aux travaux dans les conditions spéciales suivantes : absence de coffrage, applications couches minces, résistance au jeune âge, méthode de construction spéciales Cet article présente les caractéristiques physiques des fibres métal- liques et polymères, avec des applications concrètes de type revêtements en béton pro- jeté en tunnel. En effet les performances techniques des bétons fibrés dépendent du type de fibres choisis. Le module d’Young des fibres conditionne le mode de rupture post- fissuration observé Cette publication vise à éclairer l’ensemble des acteurs de la construc- tion sur l’emploi du procédé du béton projeté fibré, sur sa durabilité et sa conformité à la réglementation en vigueur. TECHNICAL PERFORMANCES OF STEEL AND POLYMER FIBER REINFORCED CONCRETE Shotcrete is used in all civil works, tunnelling and building construction. It is particularly adapted to works performed under such spe- cial conditions as : no shuttering, application of thin concrete layers, early strength required, special construction method. This paper pre- sents the physical characteristics of steel and polymer fibers in actual applications of spray concrete for tunnelling works.Actually, the tech- nical performances of fiber reinforced concrete (FRC) depends on the type of selected fibers. The Young modulus of fibers governs the mode of post-crack failure observed.The author aims at explaining to the construction professionals the use of FRC, its durability and its compliance with standard regulations. INTRODUCTION Le béton renforcé de fibres métalliques (BRFM) est arrivé sur le marché européen dans la seconde moitié des années 70. Il n'existait à cette époque aucune norme ou recommandation, ce qui freinait le dévelop- pement de cette nouvelle technologie. Pourtant, le BRFM commençait à être utilisé dans différents ouvrages de travaux publics, revêtements de tunnels, mines, dallages, dalles sur pieux, éléments préfabriqués, etc. Initialement, les fibres métalliques étaient utilisées pour se substituer à un renforce- ment secondaire, ou pour limiter les fissures dans les sections les moins critiques des ouvrages. Aujourd'hui, les fibres métalliques sont largement utilisées comme renforce- ment principal et unique des dallages indus- triels et des produits en béton préfabriqué. Les fibres métalliques sont également mises en oeuvre dans les structures garantissant la durabilité et la faisabilité des constructions, notamment dans : • le renforcement des pieux de fondation • le renforcement des dalles sur pieux • le remplacement intégral des cages d’ar- matures standard pour les voussoirs préfa- briqués de tunnel • le renforcement des caves et radiers de fondation • le renforcement des tuyaux préfabriqués • le renforcement en cisaillement des éléments de construction précontraints. Cette évolution vers les applications structu- relles s'explique principalement par l'avancée des technologies BRFM, et par les recherches effectuées au sein de différentes universités ou instituts techniques permettant la compré- hension et la mesure des propriétés du maté- riau [2]. Au début des années 90, les premières recommandations concernant la conception du béton renforcé de fibres métalliques ont été développées. Concernant le béton projeté fibré le travail des pionniers (SNCF, ALPES ESSAIS, CETU, SCETAUROUTE) a permis la mise au point de l’essai de poinçonnement flexion et la rédaction de la recommandation AFTES sur les bétons projetés fibrés (TOS N°126 Nov/Dec [5]. Depuis octobre 2003, les recommandations de conception Rilem TC 162-TDF [1] sont disponibles et la norme Européenne EN 14487-1 Béton Projeté Part 1 (Définitions, spécifications et conformité) a été approuvée en mars 2006. Au début du millénaire, les fournisseurs de microfibres synthétiques ont commencé à proposer des macrofibres. Les microfibres synthétiques présentent en général une lon- gueur de 6 à 12 mm pour un diamètre de 5 à 50 microns ; elles sont largement utilisées pour la limitation des fissures dues au retrait plastique et pour retarder l'éclatement du béton soumis à un incendie. Le module d’Young d'un polymère se trouvant dans une fourchette de 3.000 à 5.000 MPa, on sup- pose généralement que l'effet de renforce- ment de ces fibres disparaît après quelques heures de prise du béton, car le béton sec présente un module de Young d'environ 30.000 MPa. Les macrofibres synthétiques ont des dimensions sensiblement égales à celles des fibres métalliques, avec des lon- gueurs variant entre 15 et 60 mm, et un dia- mètre variant entre 0,4 et 1,5 mm. Ces fibres doivent être considérées comme un maté- riau de construction relativement nouveau, mais sont souvent vendues comme présen- tant les mêmes caractéristiques que les fibres métalliques. Est-ce réellement le cas ? PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES FIBRES MÉTALLIQUES ET POLYMÈRES Module de Young des fibres La capacité de renforcement d'une fibre dépend de l'ancrage de celle-ci dans le ES PERFORMANCES TECHNIQUES ES PERFORMANCES TECHNIQUES DES BÉTONS RENFORCÉS DES BÉTONS RENFORCÉS DE FIBRES MÉT DE FIBRES MÉT ALLIQUES ET POL ALLIQUES ET POL YMÈRES YMÈRES TUNNELS ET OUVRAGES SOUTERRAINS - N° 198 - NOVEMBRE/DECEMBRE 2006

LES PERFORMANCES TECHNIQUES DES BÉTONS … · gueurs variant entre 15 et 60 mm, ... (normes NB 238,239 et JSCE SF4) ... Les fibres métalliques Dramix® RC-65/35-BN

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Benoit de RivazDirecteur techniqueBekaert

LL

367

LES PERFORMANCES TECHNIQUES DESBÉTONS RENFORCÉS FIBRES MÉTALLIQUESET POLYMÈRESLe béton projeté est utilisé dans tous les travauxde génie civil, de forage et de construction debâtiments. Il est particulièrement adapté auxtravaux dans les conditions spéciales suivantes :absence de coffrage, applications couchesminces, résistance au jeune âge, méthode deconstruction spéciales Cet article présente lescaractéristiques physiques des fibres métal-liques et polymères, avec des applicationsconcrètes de type revêtements en béton pro-jeté en tunnel. En effet les performancestechniques des bétons fibrés dépendent dutype de fibres choisis. Le module d’Young desfibres conditionne le mode de rupture post-fissuration observé Cette publication vise àéclairer l’ensemble des acteurs de la construc-tion sur l’emploi du procédé du béton projetéfibré, sur sa durabilité et sa conformité à laréglementation en vigueur.

TECHNICAL PERFORMANCES OF STEELAND POLYMER FIBER REINFORCEDCONCRETEShotcrete is used in all civil works, tunnellingand building construction. It is particularlyadapted to works performed under such spe-cial conditions as : no shuttering, application ofthin concrete layers, early strength required,special construction method. This paper pre-sents the physical characteristics of steel andpolymer fibers in actual applications of sprayconcrete for tunnelling works.Actually, the tech-nical performances of fiber reinforced concrete(FRC) depends on the type of selected fibers.The Young modulus of fibers governs the modeof post-crack failure observed.The author aimsat explaining to the construction professionalsthe use of FRC, its durability and its compliancewith standard regulations.

INTRODUCTIONLe béton renforcé de fibres métalliques(BRFM) est arrivé sur le marché européendans la seconde moitié des années 70. Iln'existait à cette époque aucune norme ourecommandation, ce qui freinait le dévelop-pement de cette nouvelle technologie.Pourtant, le BRFM commençait à être utilisédans différents ouvrages de travaux publics,revêtements de tunnels, mines, dallages,dalles sur pieux, éléments préfabriqués, etc.Initialement, les fibres métalliques étaientutilisées pour se substituer à un renforce-ment secondaire, ou pour limiter les fissuresdans les sections les moins critiques desouvrages. Aujourd'hui, les fibres métalliquessont largement utilisées comme renforce-ment principal et unique des dallages indus-triels et des produits en béton préfabriqué.Les fibres métalliques sont également misesen oeuvre dans les structures garantissant ladurabilité et la faisabilité des constructions,notamment dans :

• le renforcement des pieux de fondation• le renforcement des dalles sur pieux• le remplacement intégral des cages d’ar-

matures standard pour les voussoirs préfa-briqués de tunnel

• le renforcement des caves et radiers defondation

• le renforcement des tuyaux préfabriqués • le renforcement en cisaillement des éléments

de construction précontraints.

Cette évolution vers les applications structu-relles s'explique principalement par l'avancéedes technologies BRFM, et par les rechercheseffectuées au sein de différentes universitésou instituts techniques permettant la compré-hension et la mesure des propriétés du maté-riau [2]. Au début des années 90, les premièresrecommandations concernant la conceptiondu béton renforcé de fibres métalliques ontété développées. Concernant le béton projeté

fibré le travail des pionniers (SNCF, ALPESESSAIS, CETU, SCETAUROUTE) a permis lamise au point de l’essai de poinçonnementflexion et la rédaction de la recommandationAFTES sur les bétons projetés fibrés (TOSN°126 Nov/Dec [5]. Depuis octobre 2003, lesrecommandations de conception Rilem TC162-TDF [1] sont disponibles et la normeEuropéenne EN 14487-1 Béton Projeté Part1 (Définitions, spécifications et conformité) aété approuvée en mars 2006.

Au début du millénaire, les fournisseurs demicrofibres synthétiques ont commencé àproposer des macrofibres. Les microfibressynthétiques présentent en général une lon-gueur de 6 à 12 mm pour un diamètre de 5 à50 microns ; elles sont largement utiliséespour la limitation des fissures dues au retraitplastique et pour retarder l'éclatement dubéton soumis à un incendie. Le moduled’Young d'un polymère se trouvant dans unefourchette de 3.000 à 5.000 MPa, on sup-pose généralement que l'effet de renforce-ment de ces fibres disparaît après quelquesheures de prise du béton, car le béton secprésente un module de Young d'environ30.000 MPa. Les macrofibres synthétiquesont des dimensions sensiblement égales àcelles des fibres métalliques, avec des lon-gueurs variant entre 15 et 60 mm, et un dia-mètre variant entre 0,4 et 1,5 mm. Ces fibresdoivent être considérées comme un maté-riau de construction relativement nouveau,mais sont souvent vendues comme présen-tant les mêmes caractéristiques que les fibresmétalliques. Est-ce réellement le cas ?

PROPRIÉTÉS PHYSIQUESDES FIBRES MÉTALLIQUESET POLYMÈRES

Module de Young des fibresLa capacité de renforcement d'une fibredépend de l'ancrage de celle-ci dans le

ES PERFORMANCES TECHNIQUES ES PERFORMANCES TECHNIQUES DES BÉTONS RENFORCÉS DES BÉTONS RENFORCÉS DE FIBRES MÉTDE FIBRES MÉTALLIQUES ET POLALLIQUES ET POLYMÈRESYMÈRES

TUNNELS ET OUVRAGES SOUTERRAINS - N° 198 - NOVEMBRE/DECEMBRE 2006

368 TUNNELS ET OUVRAGES SOUTERRAINS - N° 198 - NOVEMBRE/DECEMBRE 2006

béton, de sa résistance à la traction et de sonmodule d’ Young.

Le module d’ Young du béton est générale-ment de 30.000 MPa, celui de la fibre métal-lique de 210.000, celui de la fibre macrosyn-thétique de 10.000 MPa environ.

Types de fibres Module (N/mm2)

Polypropylènes 3 500Synthétiques 10 000Béton E= 11 000 (*) 35 000

Fibres de verre 70 000

Acier 200 000

= résistance à la compression jourspuissance 1/3.

Pour des fibres bien ancrées, et pour unesollicitation identique, l'élongation des fibrespolymères et la largeur correspondante desfissures dans le béton sont bien supérieures àcelles des fibres métalliques. Ceci peut avoirun impact sur la longévité du béton, notam-ment lorsque cette technique est combinéeavec des armatures traditionnelles.

Résistance à la traction des fibresLa résistance à la traction du fil d'acier est engénéral de 1000 à 2000 MPa, contre 300 à650 MPa pour des macrofibres synthétiques.

Densité spécifique des fibresLa densité spécifique est généralement de7850 kg/m3, contre 910 kg/m3 pour les fibrespolymères, et 1 000 kg/m3 pour l'eau. Lesfibres polymères sont légères, mais pluslégères que l'eau : les fibres polymères flot-tent donc sur l'eau, phénomène pouvantentraîner les fibres à la surface.

Résistance au feu des fibresLes microfibres polypropylène fondent enrègle générale à des températures avoisinantles 160°C, ce qui améliore leur résistance aufeu. En effet, bien que le phénomène exactne soit pas totalement appréhendé, onpense que les fines microfibres commencentà fondre lors des gros incendies, laissant laplace à de petits canaux permettant à lavapeur sous pression de s'échapper. Enconséquence, l'éclatement et les dommagesau béton sont moindres.

Les macrofibres synthétiques fondent à unetempérature équivalente, mais elles ne sontpas assez fines pour créer un réseau suffisantde canaux dans le béton soumis au feu.

Résistance contre l'oxydationLes fibres polymères ne rouillent pas, mêmesi les fibres dépassent de la surface. Les fibresen acier clair peuvent présenter des signesd'oxydation si elles sont en surface, mais celane provoque jamais l'éclatement du béton.Si, pour des raisons esthétiques, l'oxydationdoit être évitée, comme pour certainsouvrages préfabriqués, des fibres en aciergalvanisé peuvent être utilisées.

Mélange des fibresCertaines macrofibres synthétiques tendent àfibriller lors du mélange. Ce processus defibrillation continue dans la bétonneuse, etpeut détruire complètement les fibres. Lesfibres métalliques ne présentent pas dedégradation de la qualité lors du mélange.

PROPRIÉTÉS DU BÉTONRENFORCÉ DE FIBRESMÉTALLIQUES ET DU BÉTONRENFORCÉ DE MACROFIBRESSYNTHÉTIQUESLe béton renforcé de fibres est réputé poursa ductilité. L'effet des fibres combine renfor-cement et mise en réseau. Les fibres modi-fient le comportement du béton : elles trans-forment un béton cassant en un matériauductile, capable de résister à des déforma-tions assez importantes sans perdre ses capa-cités porteuses. La ductilité permet une nou-velle répartition des contraintes ainsi qu'unemeilleure capacité porteuse de la structure,les propriétés mécaniques du béton de baserestant inchangées.

Effet de renforcement mesurélors d’essais de flexion 4 pointssur prismes (normes NB 238,239 et JSCE SF4)

En général, la plupart des macrofibres syn-thétiques présentent des résultats illustréspar la figure 1 lors des tests en flexion (rup-ture brutale immédiatement après la pre-mière fissuration). Un module d’ Young faible,et une résistance à la traction peu élevée nepermettent pas un bon effet de renforcementpur[3]. Comme on peut le remarquer sur lescourbes des figures 1 et 2, l'action de la plu-part des macrofibres synthétiques ne com-mence que pour des fissures beaucoup pluslarges que pour les fibres métalliques ; cesdernières, avec ancrage, suivant leur type,ont une action optimale pour des largeurs defissures de 0,5 mm à 1 mm, alors que lesmacrofibres synthétiques sont efficaces pourdes fissures dépassant 3 mm.

L es performances techniques des bétons renforcés de fibres métalliques et polymères

Figure 1 : Courbe de déformation/ contrainte typique d'une macrofibre synthétique à (9kg/m3) en volume

Figure 2 : Courbe typique déformation/contrainte pour(40kg/m3) de fibres métalliques à extrémités recourbées

fcj3

fcj3(*)

369TUNNELS ET OUVRAGES SOUTERRAINS - N° 198 - NOVEMBRE/DECEMBRE 2006

Fluage des bétons renforcés defibres métalliques et macrofibressynthétiques[4]Il n'existe que peu d'informations concernantle fluage du béton renforcé de macrofibressynthétiques. Les quelques articles [3, 4] exis-tants doivent être abordés prudemment, carleurs conclusions sont basées sur un nombrelimité d'échantillons testés, les tests defluage étant exécutés sur des éprouvettes detaille différente, avec des procéduresdiverses, car aucune procédure de test stan-dard n'a été définie. Certains tests de fluagen'ont été conduits que pendant trois mois. Laconclusion de ces articles est que le coeffi-cient de fluage varie entre 1 à 20 fois celui dubéton renforcé de fibres métalliques, suivantle type de macrofibres polymères.

N.V. Bekaert a mis en route un programmede tests pour étudier la différence dans lecomportement de fluage entre le béton ren-forcé de fibres métalliques et le béton ren-forcé de macrofibres polymères.

Des poutrelles ont été fabriquées au labora-toire Bekaert, avec le mélange suivant :• 427 kg/m3 de ciment CEM I 42.5R• 854 kg/m3 sable 0/5• 854 kg/m3 granulat calcaire 4/7• w/c = 0,50

Des macrofibres synthétiques de type 1 (fibril-lées) et 2 (monofilaments) ont été ajoutéesavec un dosage de 4,55 kg/m3 (0,5% vol).

Les fibres métalliques Dramix® RC-65/35-BNont été dosées à 20 kg/m3.

Les poutrelles ont été préfissurées : elles ontensuite été mises en charge de manière à pou-voir contrôler leurs déplacements, comme l'exi-gent la plupart des normes concernant le bétonrenforcé fibres métalliques. La charge a été sup-primée à partir d'une déflexion de 5 mm. Lacontrainte résiduelle à cet instant peut être luesur la courbe de déformation/charge (figure 3).

Les poutrelles sont maintenant prêtes pour letest de fluage. Une contrainte résiduelle de50 % est appliquée sur les échantillons préfis-surés. La charge est appliquée sur une confi-guration présentant quatre points en flexion.La déflexion est mesurée, et présentée surl'axe des Y gradué en 1/100 mm sur la figure 4.

Comme on peut le constater sur cette figure,les fibres polypropylène présentent, au boutd’un an, un fluage 7 à 20 fois plus élevé queles fibres métalliques. Le fluage des macro-fibres synthétiques n'est d'ailleurs pas ter-miné : la courbe n'est pas encore stabilisée.C'est pourquoi nous continuons les tests àl'heure actuelle, en attendant éventuelle-ment un fluage bien plus important pour lesmacrofibres synthétiques.

Ces déformations provoquent bien entendudes fissures bien plus larges.

Règles de fabrication des fibres acier et des macrofibres synthétiquesDepuis octobre 2003, les recommandationsde conception Rilem TC 162-TDF sont dispo-nibles pour le béton renforcé fibres métal-liques. Il n'existe pas encore de recomman-dations semblables pour le béton renforcémacrofibres synthétiques.

Contrôle qualité des bétons renforcés de fibres métalliques etde macrofibres synthétiquesLors du contrôle qualité en fabrication, il estcourant d'effectuer des tests par lavage pourvérifier le dosage des fibres dans le bétonfrais. Cette opération demande toujours beau-

coup de temps, mais elle est facilitée lorsqueles fibres peuvent être extraites magnétique-ment, comme c'est le cas pour les fibres acier.

CARACTÉRISTIQUES DUBÉTON RENFORCÉ DEFIBRES UTILISÉ POUR LES SOLSOn considère généralement qu'un rapportde dureté (Re3) d'un minimum de 30 % estnécessaire pour permettre l'amélioration dela capacité porteuse du sol en béton renforcéde fibres en flexion. Cet objectif n'est pasatteint pour la plupart des macrofibres synthé-tiques en dessous de 4 kg/m3. Un mélangeatteignant ce rapport de mélange (0,4 vol%)demande d’ailleurs une attention particulière.De plus, les fibres ont une tendance intrin-sèque à flotter à la surface du béton, ce qui nefacilite pas le talochage à la machine.

On peut s'attendre à ce qu’un retrait accidentelou une flexion provoque des fissures relative-ment larges, de par le faible module d’ Youngdes fibres polymères, et que ces fissures puis-sent même continuer à s'ouvrir lors du fluage.

CARACTÉRISTIQUES DUBÉTON RENFORCÉ DEFIBRES UTILISÉ POUR LESRENFORCEMENTS DE TYPEREVÊTEMENTS EN BÉTONPROJETÉ POUR LES GALERIESJuste après le creusement d'un tunnel, leterrain est considéré comme élastique. Unpeu plus tard, la répartition des contraintesva évoluer, et si le terrain est suffisamment

L es performances techniques des bétons renforcés de fibres métalliques et polymères

Figure 3 : Mise en place du test de fluage

Figure 4 : Fluage (déflexion en 1/100 mm) par rapport au temps (jours)

370 TUNNELS ET OUVRAGES SOUTERRAINS - N° 198 - NOVEMBRE/DECEMBRE 2006

fragile, une zone va se fragmenter autour dutunnel (zone plastique). La méthode dite deconvergence-confinement est usuellementappliquée pour ce type d’ouvrage.

En cas d'utilisation d'un soutènement, Pireprésente la pression qu’il exerce contre lasurface du rocher (figure 5). Lors de laconception du soutènement nécessairepour limiter, voire stopper la déformation,on utilise la courbe de réaction du sol et lacourbe du soutènement. Lorsque le terrainest stable, comme pour la ligne pointillée 1sur la figure 5, la contrainte décroît lorsquela déformation s’effectue librement : aucunrenfort n'est alors nécessaire. Lorsque le ter-rain est moins stable, ou fracturé, commepour la ligne pleine 2 de la figure 5, lacontrainte augmente à nouveau, à cause dupoids de la zone plastique fragmentée auplafond. Dans ce cas, un renfort est néces-saire, et doit être mis en place avant que lazone plastique ne perde sa cohésion.

résiduelle post-fissuration est adaptée auprincipe de convergence confinement) et estindispensable pour garantir une longévité dela structure.

Le soutènement doit également supporteren continu la pression du terrain, notammentpour les creusements où les contraintes évo-luent fréquemment lors de l'avancée des tra-vaux, le fluage devenant alors un problème.Nous n'avons que peu d'informations sur lefluage des bétons renforcés macrofibres syn-thétiques, et sur le vieillissement de ces fibresdans la matrice béton alcaline. Comme onpeut le voir sur la figure 6, le béton projetérenforcé fibres métalliques (BPRFM) présenteune tendance mineure au fluage, sa déforma-tion supplémentaire sous contrainte restantminimale, alors que le béton projeté renforcéfibres synthétiques présente une déforma-tion beaucoup plus importante . Cette notionde fluage peut devenir critique en fonctionde la destination de l’ouvrage.

réseau dans la matrice : plus le diamètre estfin, plus le réseau sera dense).

• La résistance à la traction du fil augmente.• La qualité de l’ancrage (crochet ou ondula-

tion) augmente. L'ancrage doit être optimisépour que la résistance en traction de la fibresoit toujours supérieure à sa résistance à l’ar-rachement.

Description de la fibre métallique• Résistance > 1 000 MPa selon la norme

NE 10016.2 d’août 1995 et sous certifica-tion ASTM A 820

• La longueur de la fibre doit être 3 fois plusgrande que le diamètre du plus gros granu-lat. Dans le cas ou le plus gros granulat estde 10 mm, la longueur de la fibre sera de30 mm minimum.

• La géométrie de la fibre doit favoriser l'an-crage dans la matrice béton (ex : un façon-nage symétrique en forme de baïonnetteappelée "crochet" optimise l'ancrage de lafibre dans la matrice béton).

• Contrôle Qualité : production certifiée(AFAQ ou ISO 9002).

Le choix du type de fibres et leur dosage sontdéterminés par les performances requisespar le projet lors des épreuves d'étude.

Notion de réseauLes classes de performance des fibres sontobtenues par le rapport longueur / diamètrede la fibre.

La norme européenne précise que la valeurpour un chevauchement minimal entre fibres speut être estimée à l’aide de la formule suivante :

• lf est la longueur des fibres • df est le diamètre équivalent d’une fibre • pf est le pourcentage de fibres• s doit être inférieur à O,45 l fpour garantir

un chevauchement.

Pour un rapport L/D de 65 le dosage mini-mum pour obtenir un effet de réseau selon lathéorie de Mc Kee (Norme Européenne) estde 20 kg/m3, soit une longueur de réseaud'environ 10 000 ml/m3.

L es performances techniques des bétons renforcés de fibres métalliques et polymères

Figure 5 : Pression du renfort après le creusement du tunnel

Figure 6 : Effet de fluage sur le renfort d'un revêtement

Classe de ductilite Energie absorption en joules pour une déformation de 25 mm

a 500

b 700

c 1000

π x d f x lf

4 ρ f

2

La capacité à supporter des charges tout ensubissant des déformations importantes doitêtre une propriété intrinsèque du type desoutènement choisi. La présence de fibresmétalliques dans une matrice béton, ayant lacapacité de former des ponts transmettant latension à travers les fissures éventuelles, per-met de transformer un matériau d'une cer-taine fragilité en un matériau ductile.

Comment les macrofibres synthétiques secomportent-elles par rapport aux fibresmétalliques dans les soutènements ?

Une fois le béton projeté solidifié, il offre unemeilleure capacité à porter les contraintesrésiduelles après fissuration lorsqu'il est ren-forcé de fibres métalliques, que lorsqu'il estrenforcé de fibres synthétiques à fort pour-centage volumique, et ce pour les faiblesdéformations quand les fissures sont étroites.

C'est pourquoi le béton projeté comportantun dosage adéquat de fibres métalliques per-formantes est préféré en général pour les tra-vaux souterrains (la continuité de la résistance

Performances requises pour les bétons projetésLes performances d'un béton projeté fibrésont mesurées suivant le test de poinçonne-ment flexion mis au point en France par laS.N.C.F (Recommandation de l’AFTES) etpréconisées par l'EFNARC dans "EUROPEANSPECIFICATION FOR SPRAYED CONCRETE[6]"et par la norme européenne EN 14487-1Béton Projeté [7].Les fibres en acier (ou fonte amorphe) sont lesseules à apporter un renforcement structurel.

La performance du béton de fibres métal-liques augmente avec :• les performances de la matrice béton• le dosage en fibres• les performances intrinsèques de la fibre

choisie.

La performance de la fibre augmente lorsque :• Le rapport longueur / diamètre augmente• La section de la fibre diminue (Le diamètre détermine la longueur du

BRFA Béton renforcé de fibres acierBRFF Béton renforcé de fibres synthétiques

Ces performances doivent être atteintes avecdes bétons de type C30/37.

371TUNNELS ET OUVRAGES SOUTERRAINS - N° 198 - NOVEMBRE/DECEMBRE 2006

La garantie de cet effet de réseau impose lerespect des tolérances décrites par la normeEN 14 889-Fibres pour le béton Partie 1Fibres métalliques : (voir tableau ci-contre).

Le dosage en fibre dans le mix de départ doittenir compte du taux d’appauvrissement liéau mode de projection.

Notion de ductilitéLes différentes façon de spécifier la ductilitédu béton projeté renforcé par des fibres enterme de résistance résiduelle et de capa-cité d’absorption ne sont pas directementcomparables.

La résistance résiduelle peut être spécifiéelorsque les caractéristiques du béton sontutilisées dans le modèle structurel.

La valeur d’absorption d’énergie mesuréesur une plaque peut être spécifiée lorsqueen cas de boulonnage dans le rocher, l’ac-cent est mis sur l’énergie devant être absor-bée durant la déformation du rocher.

C’est ce dernier critère qui est usuellementretenu dans le cadre du béton projeté fibréen travaux souterrains pour le soutènementdit provisoire.

La norme EN 14 887 pour le béton projetéprécise bien l’objet de l’essai de plaque poin-çonnement flexion :

" La plaque d’essai est conçue pour détermi-ner l’énergie absorbée à partir de la courbecharge/flèche réalisé pour mesurer la ducti-lité. L’essai permet de modéliser de manièreplus réaliste la flexion biaxiale susceptible dese produire dans certaines applications, enparticulier au niveau du rocher. L’applicationd’une charge sur le point central peut égale-ment être considérée comme une simulationde l’ancrage d’un rocher. L’expérience a mon-tré que cet essai donnait de bons résultats.

Dans le cadre du programme d’essai préa-lable à la projection, la plaque d’essai permetde vérifier tous les paramètres influençant laqualité du béton projeté renforcé par desfibres, spécifiée dans les documents du pro-jet. Pour les besoins des contrôles il convientde réaliser des essais permettant de détermi-ner la résistance à la compression et desessais de tamisage sous l’eau pour vérifier lateneur en fibres d’acier. La plaque d’essaipermet également de comparer différentsdosages et types de fibres ainsi qu’unecomparaison entre les bétons renforcésd’un treillis et les bétons de renforcés pardes fibres, à condition que le mode de rup-ture soit le même ".

La différence du mode rupture des fibresmacrosynthétiques est particulièrementillustrée sur les courbes obtenues à partirdes essais de prismes. C’est la raison pour

laquelle la seule notion d’énergie absorbéepour une déformation de 25 mm n’est passuffisante pour garantir les propriétés recher-chées de la matrice béton.

Afin de prendre en compte le mode de rup-ture des fibres macro synthétiques (moduled’ Young de la fibre inférieur à celui dubéton), il est recommandé de vérifier que lesspécifications de la fibre macro synthétiqueaux dosages proposés (6 à 9 kg/m3 mini sui-vant les fibres) satisfassent a minima à laclasse de résistance résiduelle D1S3 décritedans la norme Européenne.

CONCLUSIONLe béton renforcé de fibres métalliques, pro-jeté ou non, s'est révélé un matériau deconstruction fiable au cours des années.

Après 30 années de mise en oeuvre, les pre-mières recommandations de conceptionRilem pour le béton renforcé de fibres métal-liques ont été publiées en octobre 2003. Lanorme sur les fibres métalliques EN 14 889-1.La norme européenne sur le béton projeté aété approuvée cette année 2006.

Les nouveaux bétons renforcés de fibres,notamment par des macrofibres synthé-tiques, ne sont pas encore parfaitementconnus, mais peuvent être intéressants pourcertaines conditions d’utilisation. Nous neconnaissons pas encore assez leurs caracté-ristiques de fluage, de résistance au cisaille-ment, de contrôle des fissures, leur longévité.Par contre leur mode de rupture limite lesapplications potentielles d’utilisation. Desétudes et essais en cours permettront demieux connaître ce matériau et de définir leurchamp d’application.

L es performances techniques des bétons renforcés de fibres métalliques et polymères

RÉFÉRENCESRÉFÉRENCES ••••••••••••••••1. Rilem TC162-TDF: “Test and design methods for steel fibre reinforced concrete”

(Méthodes de conception et de test pour le béton renforcé fibres métalliques),TC Membership, Chairlady L. Vandewalle, Materials and Structures, Vol 36, octobre 2003,P560-567

2. The evolution of the international projects in the development of steel fibre reinfor-ced concrete (L'avancement des projets internationaux de développement debéton renforcé fibres métalliques), M. Vandewalle, présenté à la conférence deBergamot, sept. 2004

3. Post-crack behavior of steel and synthetic FRC under flexural loading(Comportement après fissuration du béton renforcé fibres métalliques et fibres syn-thétiques), J. MacKay, et J.-F. Trottier, Shotcrete: More Engineering Developments(Béton projeté, de nouveaux développements techniques) – Bernard, 2004 Taylorand Francis Group, Londres, ISBN 04 1535 898 1

4. Creep of cracked fibre reinforced shotcrete panels (Fluage de panneaux fissurés enbéton projeté renforcé fibres), E.S. Bernard, Shotcrete: More EngineeringDevelopments (Béton projeté, de nouveaux développements techniques) –Bernard (ed.), 2004, Taylor and Francis Group, Londres, ISBN 04 1535 898 1

5. Recommandation de l’AFTES sur les bétons projetés renforcés de fibres métalliques

6. Recommandation EFNARC sur les bétons projetés

7. Normes Européennes EN 14 487-1 Béton projeté

Diamètre du fil (mm) 0.55 0.55 0.62 0.75

Longueur de fibre (mm) 35 30 30 30

Rapport longueur/DiamètreClasse de Performance > 60 50< L/D <60 45< L/D< 50 L/D<45

Nombre de fibre par kg 14 500 16 000 13 000 9000

Dosage minimum par m3 de béton à efficacité équivalente (kg) 20 25 30 40

Longueur minimum de réseau par m3 (ml) 10 000 10 000 10 000 10 000