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Les pneumonies 5 adknovirus GhislaineLeleul,JanineLe Junter2,Ftickric MorineP Les adenovirus sont responsables d’environ 5% des infections respiratoires a@.& chez l’enfant de moins de 5 ans. Dans la tres grande majorite des cas, la maladie est a cet age benigne ou asymptomatique. Chez l’adulte les don&es epidemiologiques sont moins precises : des formes graves ont et6 rapportees, responsables de detresses respiratoires aiguk. Sur un terrain immunodeprime (VIH ou greffe d’organe) l’infection A adenovirus est polyviscerale et son pronostic est sombre. Service de rCIanlmation mCldicale : YJnitB de virologie, sewice de microbiologle, hbpital Saint- Louis, UniversitkParis VII. 1, av Claude-Vellefaux, 75010 Paris, France. L tt!S adenovirus pathogenes pour l’homme, virus a ADN a capside icosaedrique non enveloppe, comprennent au moins 42 skotypes differents, eux-m@mes repartis par l’analyse des profils de restriction des genomes viraux en six sous-genres, de A a F. Ces virus se multiplient dans le tissu epithelial au niveau du tractus respiratoire, de l’ceil, du tube digestif ou de la vessie ; l’atteinte du systPme nerveux central est beaucoup plus rare. Cela explique le large eventail des formes cliniques que peut revetir l’infec- tion. Le lieu de l’infection est en Ptroite relation avec le sous-genre ou le serotype 1371. La presentation clinique est lice au terrain sur lequel survient I’infection et peut ainsi varier en fonction du milieu socio-economique, de l’age, du statut immunitaire. L’estimation de l’incidence des pneumopathies a adenovirus dans la population g&kale, mais aussi dans certaines sous-populations, est aleatoire. En effet, d’une part le manque de spkificite des symp- tomes et leur habituelle b&ignite ne poussent pas le clinicien vers une recherche diagnostique orien- tee, et d’autre part, les techniques diagnostiques peuvent @tre en defaut vis-a-vis des mecanismes physiopathologiques de l’infection virale. Enfin, la maladie n’est pas 2 declaration obligatoire. Les pneumopathies b adknovirus Les pneumopathies a adenovirus ont une epidemiologic, une pre- sentation clinique et un pronostic t&s differents selon qu’elles sur- viennent chez un sujet immuno- deprime ou immunocompetent. En 1991, les adenovirus, tous types confondus, ont ete rendus respon- sables de 7% des syndromes respi- ratoires en troisiPme position der- r&e le virus respiratoire syncitial (VRS) (69,1%) et les virus influenzae A et B (Fichier EPIVIR) (10%). Ces don&es ne permettent pas d’extrapoler la place prise par l’atteinte pulmonaire dans l’en- semble des infections dues aux adenovirus. C’est chez l’enfant que l’epidemiologie est la mieux cer- r-&e, l’atteinte respiratoire pouvant realiser deux tableaux : l’infection des voies respiratoires basses (bronchite, bronchiolite et pneu- mopathie) et la fievre pharyngo- conjonctivale [l]. Celle-ci associe des signes non specifiques : toux, congestion nasale, parfois angine exudative a une conjonctivite folli- culaire uni- ou bilaterale. Les signes ORL ne se distinguent pas de ceux occasionnes par un strep- tocoque B ou par d’autres virus : grippe A et VRS. Les serotypes les plus souvent rencontres dans ces formes banales sont les types 1, 2 et 6 et plus rarement 3. 18 ,\hZ.ZILf”Y I Jf I.‘f’dSTITL!T PASTEUR / actualitis (1995) 6, 1, 18-22 0 Elsevier, Paris

Les pneumonies à adénovirus

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Page 1: Les pneumonies à adénovirus

Les pneumonies 5 adknovirus

Ghislaine Leleul, Janine Le Junter2, Ftickric MorineP

Les adenovirus sont responsables d’environ 5% des infections respiratoires a@.& chez l’enfant de moins de 5 ans. Dans la tres grande majorite des cas, la maladie est a cet age benigne ou asymptomatique. Chez l’adulte les don&es epidemiologiques sont moins precises : des formes graves ont et6 rapportees, responsables de detresses respiratoires aiguk. Sur un terrain immunodeprime (VIH ou greffe d’organe) l’infection A adenovirus est polyviscerale et son pronostic est sombre.

Service de rCIanlmation mCldicale : YJnitB de virologie, sewice de microbiologle, hbpital Saint- Louis, Universitk Paris VII. 1, av Claude-Vellefaux, 75010 Paris, France.

L tt!S adenovirus pathogenes pour l’homme, virus a ADN a capside icosaedrique non

enveloppe, comprennent au moins 42 skotypes differents, eux-m@mes repartis par l’analyse des profils de restriction des genomes viraux en six sous-genres, de A a F. Ces virus se multiplient dans le tissu epithelial au niveau du tractus respiratoire, de l’ceil, du tube digestif ou de la vessie ; l’atteinte du systPme nerveux central est beaucoup plus rare. Cela explique le large eventail des formes cliniques que peut revetir l’infec- tion. Le lieu de l’infection est en Ptroite relation avec le sous-genre ou le serotype 1371. La presentation clinique est lice au terrain sur lequel survient I’infection et peut ainsi varier en fonction du milieu socio-economique, de l’age, du statut immunitaire. L’estimation de l’incidence des pneumopathies a adenovirus dans la population g&kale, mais aussi dans certaines sous-populations, est aleatoire. En effet, d’une part le manque de spkificite des symp- tomes et leur habituelle b&ignite ne poussent pas le clinicien vers une recherche diagnostique orien- tee, et d’autre part, les techniques diagnostiques peuvent @tre en defaut vis-a-vis des mecanismes physiopathologiques de l’infection virale. Enfin, la maladie n’est pas 2 declaration obligatoire.

Les pneumopathies b adknovirus

Les pneumopathies a adenovirus ont une epidemiologic, une pre- sentation clinique et un pronostic t&s differents selon qu’elles sur- viennent chez un sujet immuno- deprime ou immunocompetent. En 1991, les adenovirus, tous types confondus, ont ete rendus respon- sables de 7% des syndromes respi- ratoires en troisiPme position der- r&e le virus respiratoire syncitial (VRS) (69,1%) et les virus influenzae A et B (Fichier EPIVIR) (10%). Ces don&es ne permettent pas d’extrapoler la place prise par l’atteinte pulmonaire dans l’en- semble des infections dues aux adenovirus. C’est chez l’enfant que l’epidemiologie est la mieux cer- r-&e, l’atteinte respiratoire pouvant realiser deux tableaux : l’infection des voies respiratoires basses (bronchite, bronchiolite et pneu- mopathie) et la fievre pharyngo- conjonctivale [l]. Celle-ci associe des signes non specifiques : toux, congestion nasale, parfois angine exudative a une conjonctivite folli- culaire uni- ou bilaterale. Les signes ORL ne se distinguent pas de ceux occasionnes par un strep- tocoque B ou par d’autres virus : grippe A et VRS. Les serotypes les plus souvent rencontres dans ces formes banales sont les types 1, 2 et 6 et plus rarement 3.

18 ,\hZ.ZILf”Y I Jf I.‘f’dSTITL!T PASTEUR / actualitis (1995) 6, 1, 18-22 0 Elsevier, Paris

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Les adknovirus rendent compte d’environ 5% des infections res- piratoires a@& de l’enfant de moins de 5 ans. L’existence de formes graves ne doit pas faire oublier que chez l’enfant, la mala- die est asymptomatique dans plus de 50% des cas, ou t&s benigne. L’association d’une infection B adknovirus et d’un syndrome coquelucheux a &! d&rite. 11 pourrait s’agir d’une rbactivation d’un adknovirus latent dans le tissu amygdalien survenant au tours d’une authentique infection ?I Bordetella perfussis, plut8t que d’une responsabilite directe des adenovirus. En effet, ces virus persistent dans les cellules lym- pho’ides essentiellement T [18, 211. I1 semble que la persistance ri?sulte d’une entrave au transport et done 2 la glycosylation des mol&ules HLA de classe I par une proMine de 19 kDa de la region pr&oce E3 (prot&ne E3 19 kDa) [S, 381 et d’une diminution de l’expression de la prot&ne codke par la rkgion pr&oce ElA (prot&ne ElA), cible immuno- dominante des lymphocytes T cyto- toxiques ; cette d&egulation de la proteine ElA est induite par la proteine E3 19 kDa [26, 30, 361. De plus, les adenovirus induisent t&s peu la production d’interfkron dans les cellules humaines in uifro et sont relativement r&istants aux effets antiviraux induits par les interfdrons 1171. Notamment, des ARN viraux, transcrits par I’ARN polym&ase de type III, les cx VA- ARN N), inhibent l’activitk de la prot&ne kinase p68 inductible par les interfkrons 122,291. Des kpidkmies de pneumopathies ont et6 rapportees dans plusieurs pays. L’infection semble frequente dans les populations noires aux fitats-Unis. Elle y semble plus favorisee par de mauvaises condi- tions socio9conomiques que par un facteur racial direct. Les s&o- types les plus frGquemment mis en evidence dans les cas document& sont les 3, 7, 21 du sous-genre B. Depuis 1986, est apparu un variant

du type 3 [7]. La clinique n’a rien de sp&ifique et differents tableaux peuvent @tre rkalis& : bronchites, bronchiolites ou pneumopathie. L’atteinte du parenchyme peut @tre interstitielle, bilaMrale ou 2 l’inverse systkmatisee. L’&olution est le plus souvent benigne, mais des cas de dCtresse respiratoire aiguti ont &f? rapport&. Des sequelles sont possibles : bronchec- tasies ou poumon luminescent 141. Au tours d’une infection respi- ratoire, I’enfant excrete le virus pendant environ 15 jours dans ses s&+tions oro-pharyngks. Dans la majorit des cas, le virus disparait lors des s&r&ions et continue d’@tre excrGM dans les selles pendant une duree variable, par- fois tres longue, et rendant compte d’Gpidkmies familiales &endues dans le temps. 11 a et6 rbcemment suggQ4 que certaines infections bronchiques ?I adknovirus pouvaient se com- pliquer d’asthme chez l’enfant [27, 281. 11 est inGressant de noter A ce propos que le virus respi- ratoire syncital induit la s&r&ion d’interleukine 11 (IL-11) par les cellules kpithbliales de l’arbre bronchique et pulmonaire. Celle-ci va Gtre responsable de l’accu- mulation de cellules lymphoides et monocyto-macrophagiques face aux cellules &pith&ales infect&s et par son action sur les fibres cholinergiques pourrait @tre 5 l’ori- gine d’une hyperactivitk bron- chique voire de pouss~s d’asthme [121, deux &&ements pouvant &tre retrouves lors de l’infection pulmonaire & adPnovirus. L’kpidCmiologie des infections respiratoires A adenovirus est beau- coup moins connue dans la popu- lation g&&ale ad&e. L’analyse de la litterature permet essentielle- ment de retrouver l’&ude d’Cpid& mies survenues chez de jeunes recrues aux titats-Unis et en Europe [371. Ainsi, d&s 1947, on attribue aux adknovirus la pre- m&e cause de morbiditk dans cette population. Ces epid&nies

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se produisent g&Qalement 3 2 6 semaines apres I’enrGlement, prf?- fkrentiellement dans les corps d’armCe oti les jeunes recrues sont m@lkes aux anciens. Elles ont une predominance hivernale et prin- tan&e. Elles ne semblent pas influenckes par la situation gko- graphique. A une exception p&s, il n’a pas &k d&rit de cas de dif- fusion de I’kpidkmie a la popu- lation civile. Les serotypes les plus frhuemment retrouv& sont 4,7 et plus rarement 3, 11, 14 et 21. Cette aptitude particuli&re des militaires 2 d&velopper des infec- tions respiratoires 2 ad&o-virus n’est pas retrouvee chez d’autres populations du m@me Zige vivant dans les m@mes conditions d’etroite promiscuiM, notamment les &u- diants d’un campus. Quelques cas sporadiques sur- Venus chez des adultes sains ont par ailleurs &? rapport& [241. Associes aux epidkmies pr&Gdem- ment citkes, ils permettent de degager les diffkrents tableaux cliniques de ces infections respira- toires. Ceux-ci vont de la simple pharyngite 2 des pneumopathies aigutis. Le tableau typique associe un malaise important, une toux, une douleur 2 la dbglutition, des cbphalbes et des douleurs thora- ciques. La maladie &olue sur environ 10 jours. La radiographie du thorax peut montrer des opa- cit& alv&laires uni- ou bilathrales, prkdominantes aux bases. 11 s’y associe frequemment une rt!action pleurale. Les cas les plus graves realisent un acufe respiratory disease syndrome CARDS), se compliquent de pneumothorax, et les risques de skquelles sont identiques h ceux de l’enfant [40]. 11 n’existe rien de sp& cifique g 1’Gtude anatomopatolo- gique des poumons, mais la res- ponsabilitb d’un l’ad&ovirus peut y @tre evoquke sous forme d’inclu- sion intranuclkaires et confirmke par la mise en &idence de l’ADN viral. Chez le sujet immunodeprimk, les infections ti adknovirus sont le

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plus souvent generalisees, sever-es et chroniques, resultant d’une primo-infection ou d’une reac- tivation [19]. Celle-ci se fait sous l’influence de la proteine ElA qui regule l’expression des genes precoces ; neanmoins, ce role de (c proteine starter >) peut etre rem- place par un facteur cellulaire induit par l’interleukine 6 (NF IL-6) 1351. La pneumopathie ne represente qu’une des atteintes organiques, mais sa gravite aug- mente la gravite du pronostic [39]. Un nombre important de types et de sous-genres peut donner lieu a des infections sur ce terrain, variant en fonction de l’age du patient et de la nature de l’immu- nodepresssion. Chez les receveurs de moelle osseuse, le type 31 sous- genre A donne des Mpatites et des gastro-enterites souvent mortelles (60%), tandis que les receveurs de foie presentent des pneumopathies et des hepatites dues au sous- genre C dont le taux de mortalite est de 53% [14, 32, 351. Les rece- veurs de rein presentent plutot des tableaux de cystites hemorragiques dues au sous-genre B et ont le taux de mortalite le plus faible au sein du sous groupe des transplant&s d’organes et de tissus (18%) [23]. Tous les sous-genres sont repre- sent& chez les patients atteints de cancers, avec une mortalite globale de 53%. Chez les jeunes enfants ayant un deficit immunitaire com- bine severe les serotypes retrouves correspondent a ceux frequem- ment responsables d’infections dans cette tranche d’age dans la moitie des cas rapport& (types 1, 2,3,5,7 et 14) 111,331. On trouve par ailleurs un nombre important de cas dus au sous- genre A type 31 ou sous-genre B types 3, 7 et 11 et au sous-genre C types 1, 2 et 5. L’infection est le plus souvent polyviscerale et la mortalite est elevee (55%). Chez les patients atteints de sida, tous les sous-genres de A a D sont repre- sent& [lOI. Les infections simulta-

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nees par plusieurs types d’adeno- virus sont frequentes, favorisant les recombinaisons genetiques J201. Le taux de mortalite de ces patients a deux mois de l’infection virale est de 45%. Les recombinai- sons genetiques pourraient aboutir a des souches hypervirulentes par des deletions au niveau de la region precoce E3 qui code pour des proteines qui ont un role pro- tecteur vis-a-vis de la lyse induite par le TNFcl [15, 161. 11 est nean- moins difficile de faire un lien direct entre l’infection a adeno- virus et la mortalite chez les patient VIH positifs, en raison du nombre important d’infections qu’ils peuvent developper de faGon concomitante.

Les pneumopathies graves A adbnovirus. ExpCrience de la rianimation mbdicale de I’hapital Saint=Louis Nous avons etudie retrospecti- vement sur une p&iode de 9 ans (1985-1993) les patients ayant eu un diagnostic de pneumopathie a adenovirus dans notre service de reanimation medicale adulte, dont 30% des patients ont une immuno- depression sous-jacente (greffe de moelle, maladie hematologique et can&reuse, sida). Au tours de cette periode, notre attitude vis- a-vis de patients ayant des signes cliniques et radiologiques de pneu- mopathie n’a pas varie, et ce quel qu’ait ete le terrain sur lequel ils sont survenus. Lorsque la pneumopathie est loca- lisee, nous realisons un preleve- ment distal protege sous fibrosco- pie, sur lequel nous faisons une etude bacterienne quantitative. Lorsque la pneumopathie est dif- fuse ou interstitielle, nous lui adjoignions un lavage bronchiolo- alveolaire sur lequel nous reali- sons, entre autre, une etude virolo- gique comprenant la recherche d’adenovirus sur cellules infectees revelees a la 48e heure par un

anticorps monoclonal de souris anti-Hexon (Biosoft). Au tours des 9 ans, 2 134 patients (55%) ont ete admis pour un motif respiratoire. Parmi eux, 1 490 ont eu un diag- nostic microbiologique. Seulement deux pneumopathies a adenovirus ont ainsi et& documentees. La pre- miere est survenue en octobre 1991 chez une jeune toxicomane de 26 ans, ayant une serologic VIH connue comme etant positive depuis 1989 et ayant deja fait une pneumocystose et un zona. Elle est initialement hospitalisee pour fievre, diarrhee et une leucopenie en rapport avec une salmonellose. Quinze jours apres le debut de son hospitalisation, elle a deve- loppe des signes de pneumopathie alveolo-interstitielle diffuse qui l’ont conduite en quelques jours en reanimation pour une detresse respiratoire aigue. Aux signes pulmonaires s’associaient un etat de choc septique, une fievre, une hepatomegalie. Biologiquement, il existait une cholestase anicte- rique et une pancytopenie. La malade est decedee dans un tableau de defaillance multivisce- rale en 9 jours. L’adenovir-us type 8 a ete detect4 dans les selles alors que sur le lavage bronchiole-alveolaire pra- tique a l’entree et les biopsies hepatiques et pulmonaires faites en post-mortem immediat un ade- novirus de type 19 a ete retrouve. 11 existait une co-infection a BAAR sur la biopsie hepatique. Aucune autre infection n’a ete documentee. La deuxieme patiente est une femme de 53 ans ayant un mye- lome IgG kappa decouvert en aout 1990. Elle subit en fevrier 1991 un autogreffe de cellules souches hematopoZtiques. A J5, elle est transferee en reanimation pour insuffisance respiratoire. Le bilan infectieux retrouvera une septi- cemie et une pneumopathie a deux germes : streptocoque sanguis et staphylocoque meticilline resis- tant. Aucune Porte d’entree spe-

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cifique ne sera retrouvee. Sous antibiotherapie adaptee, les signes cliniques pulmonaires s’amende- ront en 12 jours et la patiente sortira d’aplasie sous facteur de croissance hematopoietique. Elle gardera des images alveolaires bilaterales. A J26 post-greffe, elle presentera de nouveau une detresse respiratoire, necessitant cette fois une ventilation assistee, associee a un etat de choc. La patiente etait par ailleurs icterique et avait une pancytopenie et une cholestase (phosphatases alca- lines a 10 fois la normale). Aucune hemoculture ne sera positive, en revanche les prele- vements pulmonaires mettront en evidence : d’une part le meme staphylocoque epidermidis prece- demment isole et d’autre part un adenovirus de type 2. Celui-ci sera egalement retrouve sur les biopsies pulmonaires effect&es en post- mortem immediat, le de&s &ant survenu en 8 jours. Secondaire- ment, les cultures du lavage alveo- laire effectue au tours du premier episode de pneumopathie revien- dront positives pour le BK. 11 est bien entendu impossible de tirer des conclusions a partir de deux observations, On peut neanmoins souligner quelques points. Avant tout la rarete du diagnostic, meme lorsque l’on s’adresse a une population forte- ment immunodeprimee. On peut mettre en cause le choix et la qualite des prelevements. Le fait que l’on ne pratique pas de lavage broncho-alveolaire (LBA) devant une pneumopathie systematisee peut laisser supposer que l’on meconnait des cas. 11 est possible que le LBA ne permette pas un diagnostic absolu en raison de sa plus ou moins bonne qualite de realisation. La biopsie pulmonaire serait vraisemblablement plus performante, mais ne peut bien entendu constituer un examen de routine. La technique de detection utilisee peut etre en defaut car des donnees experimentales sug-

gerent que certaines pneumo- pathies ne serait pas dues a une replication virale active, mais a une accumu-lation de proteines precoces. Par ailleurs, il s’agit de patients ayant une immuno- depression tres importante et l’on retrouve chez le patient VIH posi- tif la co-infection par deux types distincts d’adenovirus, et chez la deuxieme patiente qui souffre d’un myelome oh les taux d’IL6 sont particulierement eleves, une infec- tion active a adenovirus type 2.

Mdcanismes proposbs pour la pneumopathie g adbnovirus 11s ont ete decrits a partir de modeles animaux et conduisent a des approches moleculaires 19, 131. Suite a une inoculation intra- nasale de 106 a 1010 PFU d’adeno- virus type 5, le rat cotton Sigmndon hispidus developpera une pneumo- nie 5 a 7 jours apres. La repli- cation virale sera detectee uni- quement dans les cellules epithe- hales qui bordent les bronchioles, accompagnee d’un infiltrat lym- phocytaire (cellules T cytotoxiques CD4+), voire de polynucleaires p&i-bronchiques et de l’apparition de macrophages alveolaires. Le retour a la normale s’effectue en 14 jours. Cette meme evolution a ete retrouvee notamment chez la souris C57 B2/6N, avec mise en evidence au niveau pulmonaire de TNFo! et d/IL-l. L’etude mole- culaire a necessite l’utilisation de souches mutantes d’adenovirus thermosensibles incapables de se repliquer a 39°C et done au niveau du poumon du rat cotton. Dans ces conditions oh il n’y a ni synthese d’ADN viral ni de proteines tardives, les mutants, Ad5 ts 125 sit& dans la region E2A codant pour une DNA binding protein et Ad5 ts 149 sit& dans le gene de I’ADN polymerase, induisent quand meme une pneu- monie avec infiltration lympho- cytaire peri-bronchique. Autrement dit, la synthese des proteines

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virales precoces suffit a induire une pathologie pulmonaire. Plus precisement, une proteine de 55 kDa cod&e par la region precoce ElB de I’ADN viral semble @tre un bon candidat car elle est res- ponsable de l’arret de la synthese des proteines de la cellule-hate [2, 3, 28, 341. Par ailleurs, compte tenu de l’infiltrat lymphocytaire, il est clairement etabli que les proteines cod&es par les regions ElA, essentiellement, mais egale- ment ElB et E2A sont les cibles des cellules T cytotoxiques.

Perspectives Devant une pneumopathie grave a adenovirus, aucune therapeu- tique virale specifique n’est pour le moment disponible, m@me s’il semble qu’in zlitro un phospho- nate, derive de nucleoside acy- clique, tel l’HPMPA, s’avere effi- cace. Neanmoins, cette attitude therapeutique n’est valable que si l’infection a adenovirus fait intervenir la replication virale, ce qui n’est pas ?i exclure au sein des epitheliums d’autres tissus, et ne resulte pas uniquement d’un phenomene immunopathologique vis-a-vis des proteines precoces. Si le modele animal a permis de mieux apprehender le processus immunopathologique, la lyse cel- lulaire induite par l’adenovirus pourrait resulter d’un deficit en transport nucleo-cytoplasmique des messagers de la cellule-hate par redistribution de la localisation nucleaire des composants ribonu- cleoproteiques (Sn RN&) des spli- ceosomes 161. Enfin, la proteine de 19 kDa codee par la region ElB semble jouer un role analogue au proto-oncogene bCl-2 qui, compte tenu du tropisme lymphoide de I’adenovirus, pourrait expliquer sa persistance mais egalement le declenchement eventuel de pro- cessus auto-immuns, d’autant que cette proteine contrecarre l’effet des anticorps anti-Fas [51.

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Remerciements Nous tenons A remercier le professeur F Bricout (service de microbiologic . hbpital Trousseau) pour le typage des souches d’ad6novirus des patients, effectuk par technique de neutralisation et d’inhi- bition d’hkmagglutination. Ce travail a pu 6tre effectuk grke 3 des credits AP-HP. n

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