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1 Les services mobiles au service de l’expérience touristique : quelle valeur pour la génération Y ? Par : CARRE Marine Mastère (MS) Spécialisé et 3e Cycle Spécialisé Marketing Direct et Commerce Electronique Tuteur: PONCIN Ingrid "J'atteste que ce travail est personnel, qu'il cite systématiquement toutes les sources utilisées entre guillemets et qu'il ne comporte pas de plagiat". Marine Carré

Les services mobiles au service de l’expérience …...Le Baromètre du Marketing mobile en France - quatrième trimestre 2012 réalisé par la Mobile Marketing Association 1 indi

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Les services mobiles au service de l’expérience touristique : quelle valeur pour la génération Y ?

Par :

CARRE Marine

Mastère (MS) Spécialisé et 3e Cycle Spécialisé

Marketing Direct et Commerce Electronique

Tuteur:

PONCIN Ingrid

"J'atteste que ce travail est personnel, qu'il cite systématiquement toutes les sources utilisées entre guillemets et qu'il ne comporte pas de plagiat". Marine Carré

2

Remerciements

Je tiens à témoigner ma reconnaissance envers toutes les personnes qui ont contribué à la

réalisation de cette thèse. Je remercie chaleureusement tous les répondants de l’enquête qui ont

participé aux entretiens de manière enthousiaste et sincère. Je remercie également mon entreprise, la

SEML Saint Jean Activités, pour m’avoir accompagnée durant ce travail et ma directrice de thèse,

Madame Ingrid Poncin, pour m’avoir accordée toute sa confiance. Je remercie enfin mes parents pour

leur soutien continu.

3

Sommaire

Remerciements………………………………………………………………………………………………………………2 Introduction……………………………………………………………………………………………………………………5 PARTIE I : Revue de littérature………………………………………………………………………………………...9 I. Expérience touristique ....................................................................................................... 10

A. Un espace-temps hors de l’ordinaire ........................................................................... 10

B. Les motivations du déplacement .................................................................................. 13

C. La temporalité de l’expérience touristique ................................................................... 15

II. Services touristiques mobiles ............................................................................................. 20

A. Les offices de tourisme et le mobile ............................................................................. 21

B. Les services mobiles, créateurs de valeur ? .................................................................. 31

C. La contextualisation comme élément clé du processus de création de valeur ................ 34

III. Génération Y .................................................................................................................. 47

A. Derrière le concept, quelles réalités ? ........................................................................... 48

B. Caractéristiques de la génération Y .............................................................................. 51

C. Net 2.0 attitude ............................................................................................................ 55

PARTIE II : Enquête……………………………………………………………………………………………………...60

I. Questionnement ................................................................................................................. 61

A. Problématique ............................................................................................................. 61

B. Hypothèses .................................................................................................................. 63

C. Périmètre de l’étude ..................................................................................................... 64

II. Démarche .......................................................................................................................... 65

A. Méthode d’enquête ...................................................................................................... 65

B. Echantillon étudié ........................................................................................................ 66

C. Matériel d’étude .......................................................................................................... 66

D. Méthode d’analyse ...................................................................................................... 68

PARTIE III : Résultats…………………………………………………………………………………………………...72

I. Le mobile en vacances, entre accompagnateur et gêne ....................................................... 73

II. Des usages différenciés selon le temps de l’expérience touristique ..................................... 76

4

A. Le mobile, un outil avant tout pratique ........................................................................ 77

1. Avant le séjour ......................................................................................................... 78

2. Pendant le séjour ...................................................................................................... 80

B. Le 2.0 en vacances : oui pour consulter, non pour partager .......................................... 85

1. Consultation et partage sur les réseaux sociaux ........................................................ 85

2. Consultation et dépôt d’avis ..................................................................................... 88

C. L’Y en vacances, un « homo ludens » ? ....................................................................... 89

1. Le mobile, un renforçateur de la dimension ludique de l’expérience touristique ? ..... 90

2. Occuper les temps morts .......................................................................................... 93

3. Immortaliser les vacances ........................................................................................ 94

III. Les services touristiques mobiles sont-ils créateurs de valeur pour la génération Y ? ....... 96

A. Mobile et liberté : oui…mais non ................................................................................ 96

B. Mobile et personnalisation : entre inquiétude, incrédulité et enthousiasme ................... 99

C. Mobile et plaisir : deux synonymes ? ......................................................................... 104

Conclusion…………………………………………………………………………………….……………………………106 Bibliographie………………………………………………………………………………………………………………109 Tables des figures………………………………………………………………………………………………………..114

5

Introduction

« The mobile has changed our lives: how we communicate, create, and consume; how we transact,

and how we interact. This transformative trend will continue in future: we need to prepare for it”

Neelie Kroes, vice-présidente de la Commission européenne1

En une quinzaine d’années, Internet s’est imposé comme le mode privilégié d’information des

touristes avant leur voyage. Le dernier baromètre Raffour Interactif2 indique pour l’année 2011 que la

part des Français partants ayant recours à Internet pour préparer leur séjour continue de croître

puisqu’elle représente 58% (soit 17,2 millions d’individus) alors qu’elle se situait à 21% en 2003. Le

baromètre indique en outre que parmi cette population, 73% ont ensuite réservé tout ou partie de leur

séjour sur Internet via un paiement en ligne (soit 12,5 millions d’individus). Cette proportion représente

en fait 42% des Français partis alors qu’elle se situait à 8% en 2003 (Raffour dans Benhamou et al. 2012,

p.16). Ces chiffres confirment bien la place centrale d’Internet dans la phase amont de l’expérience

touristique. Aussi, cette première révolution numérique au service du touriste a conduit les offices de

tourisme, dont la mission constitutive consiste à accueillir et informer les visiteurs, à entreprendre

d’importantes évolutions dans leur métier d’accueil et d’information. La constitution de bases de

données de l’offre touristique d’un territoire, la création et la mise en ligne de sites web, la mise en

œuvre de services de réservation online ou encore la présence sur les réseaux sociaux sont quelques-

unes des actions les plus significatives menées depuis une décennie dans le domaine du Webmarketing.

Cependant, le baromètre Raffour Interactif indique également que l’information touristique

numérique s’est déployée depuis quelques années sur de nouveaux supports mobiles, dessinant ainsi

pour les professionnels du tourisme une seconde évolution à prendre en compte. Ainsi, 35% des

touristes équipés d’un smartphone (téléphone mobile disposant d’un système d’exploitation) auraient

utilisé leur terminal mobile pour préparer leur séjour en 2011 (soit 3,3 millions de personnes) quand ils

étaient 19% en 2010 et 16% en 2009 (Raffour dans Benhamou et al. 2012, p.17). Aujourd’hui donc, les

technologies de l’information ne sont plus limitées à l’ordinateur fixe mais s’appliquent à différentes

1 discours prononcé le 27 février 2012 lors du Mobile World Congress de Barcelone 2 Le Baromètre Raffour Interactif mesure entre autre « l’utilisation que font les Français de l’Internet fixe et mobile pour préparer et réserver leurs voyages » à partir de données issues d’enquêtes quantitatives menées en face-à-face auprès de mille deux personnes représentatives de la population française âgée de quinze ans et plus. (Benhamou et al 2012, p. 17)

6

familles de terminaux mobiles (smartphones, tablettes, netbooks, liseuses électroniques, etc.). Après

l’information en amont et en aval du voyage, cette évolution a ouvert l’accès à l’information pendant le

voyage. Et si l’usage du mobile dans le cadre du tourisme a pu voir le jour, c’est grâce à plusieurs

facteurs : le caractère couteau-suisse du mobile, la démocratisation des forfaits avec Internet illimité, les

progrès de l’Internet sans fil ou encore le coût décroissant des mobiles. C’est aussi pourquoi, Raffour

souligne l’importance du mobile « notamment pendant le séjour, où il devient un accompagnateur de

plus en plus indispensable » (Raffour dans Benhamou et al. 2012, p.16).

Par ailleurs, de nombreuses études confirment l’importante pénétration des smartphones, que

ce soit en France ou dans le reste du monde. Le Baromètre du Marketing mobile en France - quatrième

trimestre 2012 réalisé par la Mobile Marketing Association1 indique que le nombre d’individus

possédant un smartphone connait une importante progression puisque 46,6% des Français possèdent un

smartphone en 2012 (soit 23,8 millions d’individus) alors qu’ils étaient 33,4% en 20112. Cette croissance

est naturellement corrélée à la hausse de la part des ventes de smartphones dans les ventes de mobiles

puisque 66% des ventes de mobiles sont des smartphones au quatrième trimestre 2012 alors que ces

ventes représentaient 52% au quatrième trimestre 2011 et 38% au quatrième trimestre 20103. Par

ailleurs, le Baromètre de l’économie numérique du premier trimestre 2012 réalisé par Médiamétrie4

montre que le nombre de mobinautes croit également de manière régulière (+5% de hausse enregistrée

entre le premier trimestre 2012 et le quatrième trimestre 2011). Les Français sont donc 45% au premier

trimestre 2012 (soit près de 20 millions d’individus) à avoir consulté au moins un service mobile ou

utilisé des fonctionnalités telles que l’email, la messagerie instantanée, la télévision, le téléchargement,

etc. Aussi, la fréquence d’utilisation de l’Internet mobile s’intensifie-t-elle puisque 55,6% des mobinautes

se connectent à l’Internet mobile tous les jours, d’après le Baromètre du Marketing mobile en France5.

Associée à la hausse du nombre de possesseurs de smartphones et de mobinautes, la croissance

forte et continue du nombre de touristes dans le monde constitue un contexte favorable au

développement du m-tourisme. En effet, les chiffres de l’Organisation Mondiale du Tourisme indiquent

que le nombre de touristes internationaux n’a cessé de croître depuis 1960, ayant été multiplié par dix

entre 1960 et 2000. Entre 2000 et 2011, la courbe du nombre d’arrivées de touristes internationaux

dans le monde demeure en quasi perpétuelle augmentation, passant de 697 millions à 980 millions de

touristes (+41% entre 2000 et 2011)6. Et, l’OMT prévoit la poursuite de la croissance dans les années à

1 Les résultats de ce baromètre sont issus d’études de référence de comScore, Gfk et Médiamétrie.

2 Cf. annexe 1 « Equipement et taux de pénétration des smartphones en France en 2011 et 2012 » 3 Cf. annexe 2 « Part des smartphones dans les ventes mobiles en France entre 2010 et 2012 » 4 Les résultats de ce baromètre sont issus de trois études de Médiamétrie : Référence des équipements multimédias – T1 2012, T4 et T3 2011 (Médiamétrie/Gfk), Observatoire des usages Internet - T1 2012, T4 et T3 2011 et Mobile Consumer Insight, Téléphonie et Services Mobiles - T1 2012, T4 et T3 2011. 5 Cf. annexe 3 « Fréquence d’utilisation de l’Internet mobile en France au 4

e trimestre 2012 »

6 Cf. annexe 4 « Evolution du nombre d’arrivées de touristes internationaux dans le monde entre 1995 et 2011 »

7

venir puisque d’après elle, on devrait atteindre le milliard de touristes internationaux en 2012 avec une

croissance prévue entre 3 et 4%. Les prévisions à 20 ans de l’OMT indiquent une hausse constante dans

la lignée de celle connue lors des deux dernières décennies1 qui permettrait d’atteindre le chiffre de 1,8

milliard de touristes internationaux en 2030. Aussi, face à ce constat, l’Organisation Mondiale du

Tourisme enjoint les destinations « à stimuler la demande de voyage » en « fai[sant]plus pour faciliter les

voyages ». Elle conseille précisément de « tirer le meilleur parti des technologies de l’information et de la

communication » et d’« analyser les possibles effets bénéfiques de la facilitation des voyages sur leur

économie touristique ».

Dans ce contexte d’évolution à la fois vers une masse de plus en plus importante de touristes et

vers une diffusion de plus en plus importante du mobile au sein de la société française, il est clair que les

outils mobiles ont un rôle à jouer dans le développement touristique et dans l’accroissement de la

demande. Portes d’entrées des destinations, les organisations institutionnelles du tourisme, chargées de

diffuser l’information touristique de leur territoire, sont fortement impactées par ce nouveau contexte.

Les technologies mobiles leur ouvrent de nouvelles perspectives et leur prise en compte les conduit une

fois encore à repenser leur métier d’accueil et d’information. En tirant parti des capteurs embarqués sur

les terminaux mobiles (la caméra, les capteurs RFID/NFC, GPS) et de ses atouts d’immédiateté et de

personnalisation, les organisations institutionnelles du tourisme sont potentiellement capables de

développer de nouveaux services particulièrement adaptés à des situations de mobilité, bien différents

d’une simple transposition des services fixes sur le mobile, où aurait lieu « une rencontre continuelle et

expérientielle de l’offre et de la demande » (Raffour dans Benhamou et al. 2012, p.17). Aussi, de

nombreuses initiatives de marketing mobile ont-elles été prises par les offices de tourisme notamment

qui ont cherché à tirer profit de cet outil ubiquitaire pour délocaliser leur accueil et rendre leur

information accessible partout et tout le temps. A ce propos, Atout France a identifié, dans son étude Le

Numérique et les offices de tourisme, deux grandes motivations des organisations institutionnelles du

tourisme à l’origine des investissements dans les outils mobiles : d’une part, la nécessité de répondre à

une demande constatée (une navigation fréquente sur le site Internet depuis un terminal mobile) et

d’autre part, la volonté de répondre à un enjeu d’image (« afficher la modernité », Fabry et Boulin dans

Benhamou et al. 2012, p.36).

Quoi qu’il en soit, il est important de considérer que les outils mobiles constituent un moyen

alternatif de toucher de nouveaux publics, en particulier les populations plus jeunes, qui ne fréquentent

pas ou moins que d’autres les locaux des offices de tourisme. En contrepartie, il nous semble que ces

publics jeunes qui fréquentent peu les offices de tourisme cultivent par ailleurs une affinité forte avec les

1 Cf. annexe 5 « Evolution prospective du nombre d’arrivées de touristes internationaux dans le monde jusqu’à

2030 »

8

nouvelles technologies, et en particulier mobiles, sur lesquelles ils reporteraient leur pratique de

préparation du voyage. Il nous semble alors que les services mobiles apportent potentiellement de la

valeur à l’expérience touristique des jeunes. Partant de ce postulat, nous avons choisi de porter notre

analyse sur cette part de la population française âgée de vingt à trente ans dont on cherchera à

connaître les besoins en vacances et la manière dont elle utilise les services mobiles pour y répondre. Il

s’agira alors pour nous de comprendre en quoi les services touristiques mobiles contribuent à améliorer

l’expérience touristique des individus de la génération Y. Partant du constat que le développement de

services mobiles par les organisations institutionnelles du tourisme « s’accompagnent […] rarement

d’une analyse préalable sur les besoins en informations des visiteurs et sur la façon dont ils peuvent être

satisfaits par les différents outils » (Fabry et Boulin dans Benhamou et al. 2012, p.37), nous nous sommes

fixé pour objectif d’améliorer notre connaissance des usages mobiles et des besoins particuliers des 20-

30 ans dans le cadre de leur expérience touristique afin d’aider les organisations du tourisme à se

positionner par rapport à ce public en concevant des services mobiles de valeur en adéquation avec

leurs besoins.

Dans une première partie, nous définirons les contours de l’expérience touristique en analysant

le sens de l’expression, les motivations qui sous-tendent son apparition et la temporalité qui la

caractérise. Dans une seconde partie, nous nous intéresserons aux services mobiles en tourisme. Après

avoir dressé un panorama de l’existant, nous verrons comment les offices de tourisme ont investi le

champ des technologies mobiles et nous chercherons à comprendre comment les services mobiles

peuvent créer de la valeur dans le cadre d’une expérience touristique à travers notamment le principe

de contextualisation. Dans une troisième et dernière partie, nous porterons notre regard sur notre

population d’étude, la génération Y, en essayant de définir les représentations et les valeurs qu’elle

partage et de comprendre son rapport au numérique.

9

Partie I : Revue de littérature

10

I. Expérience touristique

Pourquoi parler d’expérience touristique et non pas simplement de voyage ? La notion

d’expérience plus riche de sens que le terme trop restrictif de voyage nous semble mieux adaptée pour

évoquer le phénomène du tourisme contemporain que Laplante (1997) assimile à un fait culturel faisant

partie intégrante de notre culture postmoderne. Alors que le voyage désigne concrètement le

« déplacement que l'on fait, généralement sur une longue distance, hors de son domicile habituel »

(http://cnrtl.fr/), l’expérience renvoie de manière abstraite à un fait culturel. En ce sens, son usage

s’avère plus pertinent pour comprendre le tourisme comme fait social et culturel typique des sociétés

postindustrielles. La notion d’expérience véhicule deux idées indissociables, celle du fait d’éprouver

quelque chose par soi-même et celle d’une connaissance acquise. En pratiquant quelque chose, d’une

part l’individu appréhende la vie par ses facultés sensorielles et d’autre part, il acquiert une instruction

expérimentale des choses. Il y aurait donc dans l’idée d’expérience un premier temps, celui du fait vécu

et un second temps qui en est le résultat, l’enrichissement de connaissances. On peut reprendre ici la

définition officielle du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales qui désigne sous le terme

d’expérience, le « fait d'acquérir, volontairement ou non, ou de développer la connaissance des êtres et

des choses par leur pratique et par une confrontation plus ou moins longue de soi avec le monde »

(http://cnrtl.fr/). Ici, c’est l’appréhension du monde par ses facultés sensorielles qui constitue la matière

de la connaissance de l’homme. Or le tourisme contemporain comme fait culturel n’est-il pas

précisément cette prise de contact avec la réalité produisant la connaissance ? Au contact de la culture

de ses hôtes, le touriste qui transporte avec lui sa propre culture originale, est dans ce sens, susceptible

d’assimiler une connaissance nouvelle et de développer son instruction expérimentale des choses. C’est

ce qui fait écrire à Laplante que « l’expérience touristique […] est, dans sa totalité, une expérience

primordialement culturelle » (Laplante 1997, p.77).

A. Un espace-temps hors de l’ordinaire

Une rupture spatio-temporelle

La notion fondamentalement liée à l’expérience touristique est celle de la mobilité dans le sens

où l’expérience touristique induit nécessairement un déplacement géographique. Mais ce déplacement

se distingue des autres formes de mobilité puisqu’il s’effectue dans un espace qui se situe hors du

quotidien.

11

« Etre touriste et « faire du tourisme » signifie quitter temporairement son lieu de vie

habituel pour aller vivre ailleurs, dans un ou des lieux situés hors de la sphère de sa vie

quotidienne, des lieux construits le plus souvent par et pour les touristes » (Stock et al.

2003, p.24)

Figure 1 : L’espace-temps du tourisme et des loisirs

Source : Stock et al. 2003, p.28

Ce schéma (fig. 1) tend à démontrer comment le tourisme s’inscrit dans un espace-temps hors du

quotidien, se distinguant des pratiques de loisirs « par une rupture temporaire avec le lieu de vie

habituel » (Stock et al. 2003, p.24). En introduisant les touristes « hors de leur horizon habituel »

(Laplante 1997, p.19), le déplacement touristique « opère une discontinuité » et représente un

« changement d’habiter » (Knafou cité dans Stock et al. 2003, p.24) dans la mesure où il induit la rupture

avec le quotidien et cause la perte des repères, la désorientation.

Outre la mobilité spatiale, on constate également une mobilité temporelle dans le sens où les

touristes sont confrontés à une rupture avec les rythmes journaliers du quotidien, ce qui implique pour

eux un changement de leur rythme de vie. Le touriste est « par définition, un étranger dans le milieu qu’il

visite et où il séjourne temporairement. Cela veut dire que les activités les plus quotidiennes chez lui

risquent d’être différentes dans ce milieu étranger : converser, échanger, circuler, manger et dormir,

utiliser les services publics, se donner des soins personnels, etc. » (Laplante 1997, p.38). L’individu qui a

12

effectué un déplacement touristique est donc introduit dans un espace-temps propre, différent de

l’espace-temps de la vie ordinaire et avec lequel il doit se familiariser. En ce sens, l’une des missions

essentielles des professionnels du tourisme est d’accueillir le nouveau-venu et de l’accompagner dans

« ce milieu étranger » afin de lui faciliter la vie. Suivant ce constat, nous nous attacherons à comprendre

le rôle des outils mobiles dans la réalisation de cette mission. Comment peut-il aider le touriste à

s’acclimater à son nouvel environnement et à réaliser ses activités habituelles ? Comment peut-il

réintroduire de l’orientation et des repères ?

Une rupture socioculturelle

Si l’expérience touristique induit nécessairement une séparation spatiale avec le quotidien

provoquant une désorientation, produit-elle également une rupture socioculturelle et dans quelle

mesure ? En effet, en se déracinant du quotidien on peut supposer que s’opère un changement d’état

d’esprit, de mentalité et d’habitudes en même temps que de lieu. S’il est vrai que des attitudes nouvelles

peuvent être identifiées chez l’individu en situation de faire du tourisme comme celle de porter une

attention particulière aux lieux, peut-on véritablement parler de rupture culturelle avec le quotidien ? En

effet, on peut se demander dans quelle mesure le touriste conserve le quotidien, la culture, les

habitudes sociales de l’individu qu’il était avant d’entamer son expérience touristique. Que conserve-t-il

de sa culture d’origine en partant dans un lieu étranger ? « Personne ne peut évidemment abandonner à

la maison tout son bagage socioculturel quand il part en voyage de vacances, souligne Laplante. Mais un

touriste en abandonne sûrement une partie pour pouvoir, à sa destination, s’exposer à de nouvelles

façons d’être, de penser, d’agir, de sentir. » (Laplante 1997, p.84). A partir de ce constat, il est

intéressant de réfléchir au cas du mobile. En effet, support du quotidien par excellence, quel place prend

le mobile et quel rôle joue-t-il en vacances, hors du quotidien ? Que devient cet outil indispensable de

notre vie quotidienne lors de l’expérience touristique ? Les touristes préfèrent-ils voir en lui un

accompagnateur de leur séjour prolongeant ainsi son utilisation en dehors du quotidien ou au contraire

une entrave parasitant l’authenticité de leur expérience sur place ? Si une partie de la population aspire

à se « déconnecter » en vacances, dans les faits, on constate que le smartphone accompagne nombre de

Français dans leur déplacement touristique1. En cela, la rupture culturelle on le voit est relative. Par

ailleurs, qu’en est-il de l’usage qui en est fait durant le séjour ? Diffère-t-il fondamentalement de son

usage dans le quotidien ? Y a-t-il changement ou continuité des habitudes sociales ? Dans le cas où le

mobile est simplement utilisé pour garder contact avec son entourage et garder le lien avec sa vie

domestique, il représente un frein à la séparation d’avec le quotidien et à l’appréhension de la

1 D’après une étude de Tripadvisor publiée en 2011, plus d’un Français sur deux partirait en vacances avec son

smartphone.

13

destination. Mais s’il est envisagé dans un objectif de découverte, nous pensons au contraire qu’il est en

capacité de jouer le rôle de médiateur de la destination, favorisant l’adoption « de nouvelles façons

d’être, de penser, d’agir, de sentir ». Aussi, notre étude s’intéressera-t-elle à cet aspect du mobile,

comme médiateur de la destination, apte à améliorer l’expérience touristique.

B. Les motivations du déplacement

La recréation comme motivation fondamentale du déplacement touristique

L’autre critère qui permet de distinguer la mobilité touristique des autres formes de mobilité est

celui du choix (Stock et al. 2003, p.23) dans le sens où le déplacement résulte ici d’une décision

librement choisie et non d’une contrainte subie comme dans le cas du voyage d’affaires. Mais pourquoi

à un moment donné l’individu éprouve-t-il le besoin de réaliser une expérience touristique ? Quelles

motivations en sont à l’origine ? L’interprétation qui s’est imposée pour rendre compte de la motivation

de l’expérience touristique (Equipe MIT, 2002) propose que l’individu effectue un déplacement

touristique « en vue d’accomplir un projet précis dont l’objectif est de se « recréer » » (Mondou et Violier

2009, p.1). L’expérience touristique serait donc motivée par le projet de « recréation ». Ce terme « qui a

pour but de définir […] l’intentionnalité des touristes […] dépasse les seules activités de plaisir et

d’agrément que suggère l’étymologie française de récréation » pour englober toute activité permettant

« la reconstitution du corps et de l’esprit » (Stock et al. 2003, p.27). Ainsi, la recréation constitue le

« moyen pour l’individu de se reconstituer physiquement et mentalement. Il est l’une des réponses

possibles à son aspiration à l’épanouissement personnel » (Stock et al. 2003, p.27). Ce projet apparaît

donc comme désintéressé, non utilitaire dans le sens où il ne conduit pas à la réalisation d’une « activité

productive » mais à celle d’une « expérience gratuite » (Laplante, 1997). En effet, « c’est le plaisir de

voyager qui est la raison du voyage et tout ce qui risque de faire obstacle à la recherche de ce plaisir est

rejeté par le touriste » (Laplante 1997, p.39). La notion de plaisir semble donc inhérente à celle de

recréation. Comment le mobile peut-il être un vecteur de plaisir pour le touriste ? Au contraire, un

mauvais accueil numérique mobile peut-il représenter un obstacle à la recherche de plaisir ?

La recréation, un projet qui se réalise selon trois modes

L’observation des pratiques réelles des individus en situation de déplacement touristique a

permis à l’équipe MIT (2002) d’identifier trois modes de « recréation » des individus : le repos, le jeu et

la découverte. « Le repos est une nécessité pour remédier à la fatigue physique et mentale engendrée

14

dans la vie quotidienne » (Stock et al. 2003, p.29). Cette motivation fondamentale, également identifiée

par Laplante, s’inscrit dans « un temps disponible pendant lequel un individu est relativement libre

d’entreprendre ce qu’il veut, y compris ne rien faire » (1997, p.35). Invitant le touriste à « ne rien faire »

le repos induit des pratiques liées à la recherche du bien-être physique et moral « qui peuvent

s’effectuer dans le quotidien mais qui prennent un sens nouveau dès lors que l’individu se déplace dans

un lieu hors de son quotidien » (Stock et al. 2003, p.29).

La découverte est le second mode de recréation identifié par l’équipe MIT. Les pratiques de

découverte sont associées aux visites d’attractions et de lieux culturels ou naturels. Cette motivation de

découverte à l’origine de l’expérience touristique a fortement partie liée avec l’idée de tourisme comme

fait culturel puisqu’il s’agit là d’une démarche volontaire de la part du touriste d’approfondir sa

connaissance du monde étranger où il se trouve pour une durée déterminée.

Enfin, le jeu serait le troisième mode possible de recréation des individus. Il renvoie à la pratique

d’activités sportives dans un esprit ludique et non compétitif (Equipe MIT, 2002). La distinction de ces

trois types fondamentaux de pratiques liées au repos, à la découverte et au jeu nous invite à nous poser

la question du rôle du mobile par rapport à ceux-ci. Comment contribue-t-il à la promotion des activités,

qu’elles soient de nature à se reposer, à découvrir et à jouer, présentes à destination ? Par ailleurs,

comment peut-il intervenir dans la phase de réalisation de ces activités ?

L’expérience touristique est un jeu

Pour ce qui est du jeu, il est à noter que, pour Laplante, il s’agit d’une dimension qui ne

correspond pas seulement à un type de pratiques mais qui embrasse l’ensemble de l’expérience

touristique. Le jeu constitue l’essence de l’expérience touristique dans le sens où le caractère ludique est

intrinsèque au voyage d’agrément. Aussi, l’expérience touristique peut-elle « se comprendre comme une

expérience ludique » (Laplante 1997, p.37). Laplante souligne ici le lien de parenté qui existe entre le

tourisme et les loisirs. Pour Laplante, le touriste est un « homo ludens »1 qui est « en loisir à temps plein

durant plusieurs jours et même plusieurs semaines consécutives » (Laplante 1997, p.38).

Aussi, les pratiques touristiques partagent-elles avec l’univers du jeu des caractéristiques

communes. D’abord, comme au jeu, le touriste évolue dans un univers réglé dans lequel ses

comportements et ses pratiques se trouvent codifiés. « Le touriste respecte des règles – essentiellement

non écrites et souvent ignorées de lui – et confirme ainsi que toute son expérience du voyage d’agrément

appartient à l’univers du jeu » (Laplante 1997, p.21). Ensuite, comme au jeu, le touriste se trouve dans

une logique de recherche du plaisir. Enfin, comme au jeu, le touriste est plongé dans une sorte d’état

1 Expression utilisée pour la première fois en 1988 par Johan Huizinga dans son ouvrage Homo-ludens, essai sur la

fonction sociale du jeu

15

second causé par la « surstimulation » de ses sens et de son intellect. « Le touriste vit tout son temps de

voyage dans une sorte d’état second, de monde à part, qui transforme tous ses actes, même les plus

ordinaires » (Laplante 1997, p.40). Constatant que l’activité touristique a une telle affinité avec l’univers

du jeu, il convient de se demander comment les services touristiques mobiles peuvent intégrer cette

dimension ludique afin de maintenir le touriste dans cet univers de jeu propre à l’expérience

touristique ?

C. La temporalité de l’expérience touristique

Où commence et où s’arrête l’expérience touristique ?

Dans quel cadre temporel s’inscrit l’expérience touristique ? Faut-il la circonscrire à la durée du

séjour sur place ou au contraire l’intégrer dans un temps plus vaste ? La première approche nous semble

quelque peu réductrice. En effet, ne peut-on pas déjà parler d’expérience touristique au moment où,

avant son séjour, l’individu rêve de sa prochaine destination et où, après son séjour, il raconte ses

souvenirs de vacances à ses proches ou encore lorsque l’individu est sur la route des vacances ? Certains

auteurs parmi lesquels Marc Boyer, historien français du tourisme, reconnaissent que l’avant-voyage et

l’après-voyage font partie de l’expérience. En effet, la première anticipe l’expérience touristique en

plongeant l’individu dans un état de rêve de ce qui l’attend et le second la prolonge en maintenant

l’individu dans une sorte de nostalgie des vacances révolues. C’est pourquoi, il nous semble qu’il faut

envisager l’expérience touristique comme un tout constitué de différentes phases temporelles - un

avant, un pendant et un après - qui doivent être considérées dans leur globalité. « L’expérience

touristique doit être saisie comme une totalité existentielle qui dépasse largement la somme de tous les

moments et événements, petits et grands, qui la composent » (Laplante 1997, p.39).

Pour mieux comprendre de quoi est constituée l’expérience touristique, Jafari (1988) a cherché à

la décomposer en différentes séquences temporelles. Ainsi, le modèle de l’expérience touristique

globale qu’il propose découpe l’expérience en six séquences interdépendantes qui couvrent le

développement, la réalisation et le prolongement de l’expérience touristique (fig.2). A travers les six

séquences proposées, ce modèle confirme l’idée que l’expérience touristique dépasse le cadre temporel

de la vie à destination pour englober également le temps du déplacement mais encore le temps de

l’avant et de l’après voyage.

16

Figure 2 : Les séquences de l’expérience touristique globale

Source : élaboration propre, d’après Jafari 1988

La modélisation des séquences de l’expérience touristique globale de Jafari (1988) nous permet de

visualiser son processus. Pour Jafari, l’expérience touristique se construit à partir d’une alternance de

séquences inscrites dans l’ordinaire (en bleu) et le non-ordinaire (en rouge). Ce va-et-vient entre

l’ordinaire et le non-ordinaire, Jafari le décompose en six étapes dont la première est l’idée de partir.

Excepté le temps de l’absence, défini comme le temps de « l’intérim de la vie ordinaire qui s’est

poursuivie malgré l’absence du touriste de son domicile » (Jafari 1988, p.60), que Jafari superpose à trois

autres séquences, les séquences se suivent de façon chronologique pour finalement constituer un cycle.

Les séquences de l’expérience touristique

D’après ce modèle, l’expérience touristique débuterait donc avant le départ, c’est-à-dire dans la

vie quotidienne, au moment où se développent chez l’individu ses désirs de départ. Dans cette séquence

que Jafari qualifie d’ « incorporation », on peut distinguer une première phase où l’individu rêve son

séjour et une deuxième phase durant laquelle il matérialise ses envies par des actes concrets. « A un

moment, des désirs, des attentes, des besoins qui ont vécu en incubation dans la vie quotidienne

s’extériorisent en actes : achat d’un billet d’avion, vérification de l’automobile, entente pour faire garder

le chien, achat de vêtements, annonce du départ prochain aux gens de l’entourage, etc. » (Laplante 1997,

p.82). Cette séquence dans la vie du touriste correspond pour les entreprises du tourisme à la phase de

séduction. C’est le moment pour elles d’attirer l’attention et de susciter le désir des consommateurs

pour leurs destinations en faisant « des promesses de plaisir et de bonheur, d’aventures et de

découvertes, etc. » (Laplante 1997, p.82).

Vient ensuite le temps du départ que Jafari associe à la séquence d’ « émancipation » dans le

sens où elle inclut « à la fois le geste de partir et le sentiment de libération du confinement au

quotidien » (Jafari 1988, p.60). Il y aurait donc deux moments complémentaires dans cette séquence,

celui de la séparation d’avec le quotidien et celui de la « manifestation de l’état d’esprit touristique ».

17

Pour Laplante (1997), cette « manifestation de l’état d’esprit touristique » s’opère par toute une série

d’éléments et d’actes concrets :

« Il y a des produits – aussi symboliques que réels – qui soutiennent cette métamorphose

en touriste : éléments du costume, du déguisement (chapeaux typiques, lunettes-soleil,

caméra à l’épaule, valises, etc.) ; il y a aussi des attitudes nouvelles : goût de parler avec

des inconnus dans l’avion, aux relais d’autoroute, à la station-service, attention nouvelles

aux paysages, aux panneaux publicitaires, aux vitrines, etc. » (Laplante 1997, p.84)

Ce moment où l’individu est sur la route des vacances est donc celui où il se mut véritablement en

touriste, adoptant ses us et coutumes. Il a quitté l’ordinaire pour intégrer le non-ordinaire.

Une fois arrivé à destination, le touriste va donc vivre ce que Jafari (1988) nomme « la transe

touristique », séquence durant laquelle le touriste pratique diverses activités « dans un monde animé qui

est un espace-temps distinctement non ordinaire » (Jafari 1988, p.60). Cette séquence « animée »

constitue précisément le but de l’expérience touristique, motivé par le projet de « recréation » comme

indiqué plus haut. Le terme de « transe touristique » utilisé par Jafari renvoie clairement au caractère

ludique et festif qui constituera la dimension transversale marquant l’ensemble des activités à caractère

typiquement touristique réalisées durant le séjour : visiter des lieux d’intérêts, participer à des

événements, partager son expérience, acheter des souvenirs... C’est durant cette séquence, le temps le

plus fort de l’expérience touristique, que l’individu est introduit dans la culture touristique dans le sens

où elle lui fait adopter des manières d’agir, de penser, de sentir distinctes. « Le touriste entre dans la

culture touristique quand sa culture originale s’est estompée pour devenir une culture résiduelle, une

sorte d’arrière-plan » (Laplante 1997, p.88).

Le séjour s’achevant, le touriste entre dans la séquence du « rapatriement » marqué par le

« retour inévitable de l’univers temporaire du tourisme à la réalité constante de la vie ordinaire » (Jafari

1988, p.60). Elle correspond au moment où « le touriste laisse derrière lui la zone spatiale, temporelle et

culturelle du tourisme » (Jafari 1988, p.60). Il quitte son costume de touriste pour retourner à la vie

ordinaire et donc à sa culture originale. Selon Jafari, cette séquence serait vécue comme une redescente

dans la vie ordinaire. Tout ce temps de l’absence incluant le départ, la transe touristique et le retour

constituent un moment durant lequel les professionnels du tourisme ont un rôle à jouer

d’accompagnement. Nous essayerons de voir comme le mobile peut justement constituer un médiateur

de l’accompagnement du touriste hors de son domicile et de son ordinaire.

Si la séquence précédente concernait l’acte physique de rentrer au domicile (temps du trajet), la

séquence présente touche à la réintégration psychologique dans la vie ordinaire. C’est le moment où

l’expérience touristique acquise « s’intègre graduellement dans le courant principal de la vie ordinaire »

18

(Jafari 1988, p.60). C’est aussi le temps de la nostalgie des vacances passées pendant lequel le touriste,

retombé de son « paradis touristique », essaie de revivre son expérience en la partageant avec ses

proches : il expose les souvenirs rapportés, montre ses photos, raconte ses aventures, etc. Ainsi, « les

apports de l’expérience touristique se mélangent au quotidien », écrit Laplante qui précise que « c’est un

temps stratégique aussi pour le développement du tourisme car l’après-voyage d’un touriste peut

influencer ses proches, ses groupes d’appartenance. » (1997, p.90). En effet, l’ancien touriste éprouve un

penchant naturel à évoquer auprès de ses proches son expérience touristique dans des termes et des

images les plus favorables possibles. Or, l’on sait que le bouche-à-oreille a une influence importante sur

les choix d’expériences touristiques1. L’on sait aussi que l’appartenance groupale joue un rôle majeur

dans l’orientation des opinions et des comportements2. L’on comprend alors comment les récits de

l’après-voyage peuvent être un facteur influençant de la prise de décision d’une destination chez les

touristes d’un même groupe social.

« Incontestablement, la culture touristique personnelle s’alimente des expériences

touristiques vécues par les membres des groupes sociaux auxquels chacun appartient :

c’est, nous semble-t-il, un canal majeur pour la transmission des modèles, pour la

naissance des désirs et même pour la mise au point des projets » (Laplante 1997, p.114).

Ajoutons qu’il est également incontestable que les réseaux sociaux constituent aujourd’hui « un

canal majeur pour la transmission des modèles ». Plateformes ayant pour raison d’être la mise en

relation d’individus de mêmes groupes d’appartenances, les réseaux sociaux sont le lieu privilégié de

l’échange de photos et du partage de souvenirs de vacances avec les pairs. Et l’on peut supposer que

beaucoup d’idées et de projets de vacances germent ou soient confortés grâce à ces canaux de

communication. L’efficacité potentielle des réseaux sociaux en termes de préconisation de voyages nous

amène alors à nous poser la question de la place et de la mission des entreprises du tourisme au sein de

ce gigantesque bouche-à-oreille digitalisé. Face au flot de récits et d’images de vacances déposés sur les

réseaux sociaux, l’enjeu pour les professionnels du tourisme, ne consiste-t-il pas à capter les souvenirs

de leurs touristes pour les diffuser auprès d’individus « semblables » n’ayant pas encore pratiqué la

destination. Lorsque l’on sait enfin que les réseaux sociaux correspondent à un usage mobile essentiel3,

1 « Par les études en publicité, nous savons que le bouche-à-oreille est le mécanisme le plus efficace de persuasion en matière de tourisme » (Laplante 1997, p.114) 2 « Nous savons aussi par les recherches sur les leaders d’opinion, que dans chaque secteur de la vie, des personnes sont reconnues à l’intérieur des groupes d’appartenance pour exercer une influence personnelle décisive sur les opinions, les goûts, les idées des autres membres du groupe » (Laplante 1997 , p.114) 3 « Dans son dernier bilan financier de juillet 2012, Facebook mettait en avant le fait que plus de 100 millions de ses utilisateurs passaient par un mobile ou une tablette » http://www.business-lounge.fr/reseaux-sociaux-les-mobinautes-prennent-le-pouvoir/

19

l’on comprend à quel point le mobile a un rôle à jouer. Mais comment le mobile peut-il constituer ce

moyen de captation et de diffusion de récits, d’avis, d’images de vacances postés et consultés par les

touristes ?

Après avoir explicité la notion d’expérience touristique et en avoir détaillé les différentes étapes,

il convient à présent de dresser un panorama des services touristiques mobiles et d’en comprendre la

valeur afin d’identifier de quelle manière le mobile peut s’intégrer et jouer un rôle dans chacune des

séquences qui composent l’expérience touristique.

20

II. Services touristiques mobiles

Raffour qualifie le m-tourisme de « prolongement du e-tourisme » (Benhamou et al. 2012, p.16)

dans le sens où le support mobile est l’un des canaux d’information et de vente de prestations

touristiques à disposition des entreprises du tourisme, à côté du site Web, de l’e-mailing, des réseaux

sociaux, etc. Intégré au sein d’un système complet et complexe constitué de multiples canaux, le mobile

est l’un des supports de l’activité touristique. Pour Raffour, « le mobile permet des usages

complémentaires de l’Internet fixe, notamment pendant le séjour, où il devient un « accompagnateur »

de plus en plus indispensable » (Benhamou et al. 2012, p.16). Alors quelle est la place du mobile au sein

de cet écosystème ? A travers ce questionnement, nous nous intéresserons plus précisément aux enjeux

liés au m-tourisme et appliqués au secteur des organisations institutionnelles du tourisme, en particulier

au cas des offices de tourisme qui, au côté des comités départementaux et régionaux du tourisme,

d’Atout France (l’agence de développement et de promotion touristique) et d’autres organismes

territoriaux tels que les Parcs naturels régionaux, sont concernés par des missions d’accueil,

d’information, de promotion et d’animation du territoire.

Bien avant l’arrivée des premiers smartphones, vers la fin des années quatre-vingt-dix, la

révolution numérique avait déjà impacté et modifié en profondeur le métier d’accueil et d’information

des organisations institutionnelles du tourisme. En amont d’une part, la production et la gestion des

informations touristiques s’était structurée en s’appuyant sur des systèmes d’informations permettant

de diffuser des contenus sur différents supports numériques ou traditionnels. En aval d’autre part,

l’accueil des touristes sur place a été enrichi grâce à l’intégration des outils numériques dans les

méthodes d’accueil et de conseil aux visiteurs. C’est dans ce contexte que l’essor des terminaux mobiles

a pris sa place, ceux-ci ont d’une part été exploités en tant que canaux de diffusion de l’information

touristique et d’autre part en tant qu’outils d’accueils des visiteurs sur place. Aussi, le développement de

sites et d’applications mobiles est une des réponses apportées par les offices de tourisme à la

problématique de l’accueil et de l’information des visiteurs hors les murs de l’office de tourisme et sur

laquelle nous nous pencherons.

21

A. Les offices de tourisme et le mobile

Services et technologies mobiles : panorama de l’existant

Il convient dans un premier temps d’expliciter ce que recouvre le terme de service mobile,

prestation qui peut prendre différentes formes. La plus simple de ces prestations se présente sous la

forme de SMS et MMS, messages accessibles depuis tous les terminaux directement via un gestionnaire

de messages et ne nécessitant pas d’accès à Internet. S’il permet d’atteindre une cible potentiellement

large, il se limite essentiellement à des logiques d’alertes, distribuées en mode push. Le site web mobile

est une autre forme plus aboutie de service mobile, accessible par l’utilisateur depuis un navigateur

internet mobile et nécessitant de ce fait un accès à Internet. Là encore la cible potentielle est large mais

contrairement au SMS/MMS, il permet des possibilités d’interaction pour l’utilisateur (recherche,

partage). L’application mobile enfin est un dernier type de service mobile accessible selon deux modes

différents. Le plus souvent, elle est accessible par téléchargement depuis une plateforme applicative

(appstore) dédiée à la distribution des applications sur smartphones et tablettes. Dans ce cas, elle est

qualifiée de native app ou application native. Dans l’autre cas, elle est accessible via un navigateur

internet mobile et s’apparente techniquement au site web mobile, d’où son nom, web app ou

application web. Si l’application est plus contraignante que le site mobile en terme de développement et

de mise sur le marché (coût plus élevé, développement spécifique, validation par les appstores…),

l’expérience utilisateur et les possibilités d’interaction sont potentiellement plus riches et de meilleure

qualité ergonomique. Cela dit, la différence tend à s’amoindrir avec l’arrivée de l’HTML5, prometteur de

riches potentialités. Quoi qu’il en soit, l’application mobile et le site web mobile offrent un panel

d’usages analogues (consultation d’informations, transactions, suivi de compte, etc.). Idate et Kanopée

(2011) constatent que le site mobile et l’application native sont les types de services mobiles les plus

répandus et qu’ils sont proposés conjointement et de manière complémentaire par une majorité de

professionnels du tourisme. Il est à noter enfin que les acteurs n’ayant pas fait le choix de développer un

service mobile sont à défaut présents sur l’internet mobile puisque la plupart des navigateurs web

mobiles permettent une navigation qualifiée de full Web, similaire à celle de l’Internet fixe. Dans ce cas

le site web classique demeure accessible mais l’expérience utilisateur est dégradée car non adaptée à

l’interface mobile.

Technologiquement, un service mobile s’appuie sur trois éléments fondamentaux (cf. figure 3).

Le premier et le plus évident est le terminal mobile, autrement dit, l’« équipement permettant un usage

en mobilité ou en nomadisme, via une connectivité cellulaire (2G/3G/4G) et/ou sans-fil de courte portée

(Wi-Fi, etc.) » (Idate et Kanopée 2011, p.23). Il comprend à la fois les smartphones, les tablettes, les

ordinateurs portables, les netbooks qui permettent de nombreux usages ainsi que des supports plus

22

spécialisés offrant un nombre limité d’usages, tels que les livres numériques par exemple. Le terminal

est le support sur lequel est exécuté le service mobile. Son exécution est assurée grâce au système

d’exploitation (logiciel à la base du terminal). Muni de capteurs, ce terminal est capable d’obtenir des

données relatives à l’environnement local de l’utilisateur. Outre le terminal, le service mobile est permis

grâce à un réseau sans fil qui fait transiter certaines informations nécessaires au service et des bases de

données qui alimentent le service en informations touristiques, descriptifs, disponibilités, tarifs, etc.

Figure 3 : Chaîne de valeur technique du mobile

Source : Idate et Kanopée 2011, p.21

Comme on le voit sur la modélisation proposée par Idate et Kanopée (2011), les capteurs qui constituent

l’un des éléments essentiels pour le fonctionnement des services mobiles, permettent le déploiement de

nombreuses technologies avancées (réalité augmentée, NFC/RFID, codes-barres 2D, géolocalisation,

etc.) dont les applications en m-tourisme peuvent s’avérer d’une grande richesse en terme d’expérience

utilisateur. Pour plus de détails sur la définition, les applications et enjeux dans le m-tourisme de

chacune des technologies avancées citées ci-dessus, nous renvoyons aux annexes 6 à 11.

Comme indiqué en introduction, les services mobiles s’intègrent dans un ecosystème marketing

constitué de multiples canaux de communication, qu’ils soient traditionnels ou numériques. Afin de

cerner la valeur et le positionnement particuliers du mobile par rapport aux autres canaux de diffusion

de l’offre touristique disponibles, il convient d’en identifier les caractéristiques. Mettre ainsi en

perspective les services mobiles avec ceux du web fixe et du PC revient à mieux comprendre les usages

privilégiés par les utilisateurs sur chacun des supports et se faisant à mieux dessiner sa stratégie de

communication et/ou de vente multicanale. Aussi, peut-on identifier plusieurs atouts différenciants du

mobile par rapport au fixe. Pour Kim et al. (2008), la première caractéristique fondamentale qui

distingue clairement mobile et fixe, liée au caractère nomade du terminal, est sa capacité à délivrer une

23

communication ayant lieu partout simultanément. Cette faculté d’ubiquité permet aux entreprises

d’atteindre les clients et aux clients d’accéder à l’information partout et tout le temps, sans contrainte

de localisation ni de temps. En effet, le terminal mobile, conçu pour être emporté facilement et

n’importe où avec soi, offre une connexion continue. Ainsi, le mobile représente pour le touriste

l’opportunité d’accéder en temps réel à de l’information à caractère sensible ou urgente (la météo, le

trafic, l’actualité du lieu de vacances, la disponibilité d’un hébergement ou d’une activité, etc.) et une

alternative aux supports papier, plus encombrants (billets, plans, guides touristiques…). L’apparition du

terme « mobiquité », fusion de mobilité et ubiquité, proposé par Xavier Dalloz, indique bien ce caractère

d’immédiateté tout à fait propre au mobile. D’ailleurs, l’on note une préférence des utilisateurs pour le

PC et le Web fixe, jugés plus pratiques et exhaustifs, lorsqu’il s’agit de recherches longues ou ne

présentant pas une exigence d’immédiateté. Néanmoins, l’accès à l’information via les applications et

sites mobiles dépassant en rapidité le PC (temps d’allumage plus long), certains usages tels que la

consultation d’informations simples peuvent avoir lieu alors que l’alternative du PC est disponible (à

domicile par exemple).

La seconde caractéristique fondamentale du mobile est la personnalisation liée d’une part au

caractère personnel voire intime du terminal. Contrairement à un PC qui peut être partagé par plusieurs

membres d’une famille par exemple, le mobile appartient et est utilisé par une personne uniquement.

Autrement dit, à travers l’établissement d’un profil et les visites ou actions du possesseur, le mobile

permet un ciblage plus fin et une communication individualisée. D’autre part, les possibilités de

personnalisation s’accroîssent avec l’exploitation des capteurs intégrés au terminal (cf. plus haut). La

technologie GPS notamment, qui fournit des informations relatives au contexte géographique de

l’utilisateur, permet de lui proposer des contenus ennrichis car adaptés au contexte local.

La troisième caractéristique du mobile, encore une fois liée au caractère intrinsèquement

nomade du terminal, est la flexibilité. Sous ce terme, Kim et al. (2008) désignent la capacité du mobile à

être utilisé en parallèle d’autres activités au contraire du PC plus adapté à la réalisation d’un usage à la

fois. Aussi, les possesseurs de mobiles sont-ils de plus en plus enclins à l’utiliser alors qu’ils regardent la

télévision, qu’ils font les magasins ou encore qu’ils voyagent. Par ailleurs, le terminal disposant d’une

multitude de capteurs embarqués, celui-ci revêt un caractère tout-en-un qui fait de lui un assistant

personnel apprécié des utilisateurs.

Enfin, Kim et al. (2008) constatent que le mobile possède une faculté de dissémination qui fait

référence au fait que, de par sa connectivité à des réseaux sans fil, il « constitue un moyen efficace de

propager l’information vers un large public »1. Si donc pour des usages longs et en situation

d’immobilité, le fixe devrait rester le canal prioritaire, l’on voit bien à travers ses caractéristiques que le

1 « offers an efficient means to disseminate information to a large consumer population” (Kim et al. 2008, p.396)

24

mobile est particulièrement adapté aux usages courts et immédiats et/ou en situation de mobilité. C’est

aussi dans ces situations que les services mobiles sont les plus pertinents et les plus aptes à satisfaire les

besoins des utilisateurs. Aussi les professionnels du tourisme doivent s’interroger sur leur capacité à

répondre aux besoins spécifiques liés à la mobilité et recourir aux services mobiles pour couvrir les

besoins des touristes.

Services et technologies mobiles : quelle appropriation par les OT ?

Dans le rapport officiel Prospective du M-tourisme publié en novembre 2011, les cabinets de

conseil Idate et Kanopée à l’origine de sa réalisation ont recensé les sites et applications mobiles

développés par les organisations institutionnelles du tourisme. Mi-2011, le nombre d’applications pour

smartphones et de sites web mobiles était relativement bas du fait de la récence du phénomène, les

premières initiatives datant de 2010. Le rapport fait état de cent quatre-vingt applications et de

soixante-cinq sites mobiles1. D’après lui, ces développements ont concerné surtout les offices de

tourisme de première et deuxième catégorie qui présentaient alors un taux d’équipement de

respectivement 32% et 23%. Pour ce qui est des offices de tourisme de quatrième et cinquième

catégorie, ils recueillaient ensemble une vingtaine d’applications. Le rapport relève par ailleurs une forte

disparité selon les lieux. Ainsi, les stations de montagne et les grandes villes touristiques sont les mieux

équipées en outils mobiles.

Regardons à présent les fonctionnalités et contenus des applications et sites mobiles proposés

par les organisations institutionnelles du tourisme. A ce propos, Idate et Kanopée (2011, p.112)

remarquent que leur développement suit « une logique standardisée » dans la mesure où il est pris en

charge par un petit nombre d’éditeurs. Aussi, ces services mobiles présentent-ils des fonctionnalités

similaires. Dans leur grande majorité, les sites et applications mobiles proposés par les organisations

institutionnelles du tourisme s’apparentent à des annuaires listant les points d’intérêts du territoire

selon une arborescence standardisée, du type « Où manger ? », « Où dormir ? », « Quoi faire ? », « Où

sortir ? » (cf. figures 4 et 5). Chacun des points d’intérêts répertoriés possède une fiche descriptive avec

un niveau de détail plus ou moins important.

1 Le rapport note que « cet inventaire est loin d’être exhaustif concernant ces derniers, car il n’existe pas d’annuaire

de sites mobiles ». (Idate, Kanopée 2011, p.112)

25

Figure 4 : Capture d’écran de l’application Narbonne Tour

Source : http://www.etourisme-feng-shui.com/2011/08/26/non-a-la-standardisation-de-lexperience-touristique-

sur-mobile/

Figure 5 : Capture d’écran du site mobile de l’office de tourisme de Montpellier

Source : http://www.agence-ginko.fr/projets/site-mobile-office-de-tourisme-de-montpellier.html

Ce type de sites ou applications mobiles, qualifié de « service mobile généraliste » par Fabry et Boulin

(Benhamou et al. 2012, p.37) diffère peu dans son fonctionnement des sites web fixes dans la mesure où

ces premiers poursuivent la même vocation de présentation des informations et de l’offre touristiques

du territoire, où ils sont alimentés par le même système d’informations et où le mode de classification

utilisé est sensiblement le même que pour ces derniers. La différence et la valeur du service mobile par

rapport au service fixe repose alors dans ce cas sur l’adaptation à un contexte de mobilité, ce qui se

traduit par une sélection des types de prestations les plus utiles en situation de déplacement touristique,

un listing des prestations selon une logique de proximité et un allègement des fiches descriptives en

26

terme de contenu. A propos de la restriction du nombre de types de prestations proposés sur un support

mobile, Fabry et Boulin (Benhamou et al. 2012, p.38) questionnent ici la pertinence d’inclure l’offre en

hébergement soulevant le fait que « l’utilisateur en mobilité » est « logiquement sur place, donc déjà

hébergé ». S’il est vrai que la recherche d’hébergement est une préoccupation moindre du touriste sur

place, il faut néanmoins considérer la tendance à la réservation de dernière minute constatée

notamment dans le baromètre Raffour Interactif. Dans ce cas, l’utilisation du mobile pour la réservation

d’un hébergement durant le séjour ne semble pas à exclure. Nous en voulons pour preuve l’exemple de

cette application dédiée à la réservation de dernière minute (cf. figure 6).

Figure 6 : Capture d’écran de l’application Very Last Room

Very Last Room éditée par RezZza Company est une application dédiée à la réservation de dernière minute de

chambres d’hôtels qui fournit en temps réel l’évolution du prix des chambres.

Source : http://www.journaldunet.com/web-tech/open-source/10-applications-m-tourisme-originales/reservation-

d-h-tel.shtml

Outre ces sites et applications faisant office d’annuaires de prestataires, des services mobiles

complémentaires sont apparus avec une vocation toute différente de présenter l’environnement

immédiat du visiteur. Ces « services mobiles d’interprétation du milieu » présentent pour Fabry et Boulin

(Benhamou et al. 2012, p.38) l’avantage d’ « augmenter les possibilités de visite et de découverte » grâce

27

à une logique de contextualisation de l’utilisateur, qui se voit recevoir précisément les informations

concernant le lieu où il se trouve (cf. figure 7).

Figure 7 : Captures d’écran de l’application « Jumièges 3D »

Source : http://francaiseapps.fr/iphone-ipad/tourisme-trafic/jumieges-3d-bgjdtb.html

Ce service est rendu possible par l’intégration de la fonctionnalité de géolocalisation permettant

d’identifier la position de l’utilisateur et d’adapter en conséquence le contenu poussé vers lui. Notons

que la géolocalisation est une fonctionnalité de plus en plus répandue et qui s’intègre également à la

première typologie de services mobiles identifiée ci-dessus. Dans ce type de services, la géolocalisation

est associée à une fonction cartographique permettant à l’utilisateur de visualiser sur une carte la

position d’un point d’intérêt (cf. figure 8). En tourisme, l’usage de ces fonctionnalités s’avère

particulièrement intéressante puisque le touriste, cet individu déraciné, a besoin plus que d’autres de

repères et d’orientation puisqu’il évolue par définition dans un lieu inconnu de lui. Idate et Kanopée

remarquent que « les applications des offices de tourisme privilégient le mode « annuaire puis

localisation sur la carte » par rapport au mode « carte puis affichage des points d’intérêt »,

contrairement à celles des guides privés (Michelin, Routard), qui mettent en avant la situation

géographique de l’utilisateur » (Idate et Kanopée 2011, p.113). Par ailleurs, ils notent qu’il est rarement

laissé à l’utilisateur la possibilité d’agir sur l’ajout ou la suppression des couches d’informations

affichées.

28

Figure 8 : Capture de l’application iRhône-Alpes

Source : http://pige2com.blogspot.fr/2010/04/une-application-iphone-pour-le-crt.html

Au sein de ces deux grands types de services mobiles à caractère informatif, l’un à vocation de

présentation de l’offre touristique et l’autre dédié à la médiation du lieu, d’autres fonctionnalités sont

parfois intégrées afin d’enrichir l’usage du service mobile. Une fonction recherche peut être envisagée

pour faciliter et personnaliser l’accès à l’information, la possibilité de constituer un « carnet de voyage »

permettant au visiteur de conserver dans un espace personnel le contenu correspondant à ses besoins

et envies, la proposition d’itinéraires jalonnés de points d’intérêts (cf. figure 9), la visualisation de points

d’intérêt par le prisme de la réalité augmentée ou de villes en 3D, la disponibilité des hébergements en

temps réel, la localisation de ses amis à destination (L’application Skiplan par exemple permet de

retrouver ses amis sur les pistes de ski), etc.

29

Figure 9 : Capture d’écran de l’application de La Rochelle

Source : http://www.mobitour.fr/actus-mobitour/le-module-itineraires-maintenant-disponible-sur-android-et-

webapp

Un bilan mitigé

Reste à savoir comment les touristes se sont appropriés ces services mobiles proposés par les

organisations institutionnelles du tourisme. Face à « des niveaux de consultation ou de téléchargement

modestes », constate le rapport officiel Prospective du m-tourisme (Idate et Kanopée 2011, p.113), il est

important de rappeler la récence du phénomène puisqu’à l’heure de la publication du rapport, la plupart

des applications et sites mobiles existants avaient moins d’un an de mise sur le marché. Par ailleurs,

notons que les usages des consommateurs en matière de numérique et de nouvelles technologies

présentent toujours un décalage par rapport aux offres et services disponibles et que les usages mobiles

sont destinés à s’intensifier avec la croissance des ventes de smartphones et tablettes et la

généralisation des abonnements avec accès Internet 3G.

D’après les estimations pour l’année 2010, le nombre de téléchargements d’applications a été

plus significatif dans les stations de montagne (entre quatre-mille pour les plus petites et vingt-mille

pour les plus grandes) que dans les villes et stations littorales (entre mille et dix-mille). Par ailleurs, la

fréquentation des sites mobiles a été deux à trois fois plus importante que pour les applications,

lesquelles ont été utilisées cinq fois en moyenne. Au regard de la fréquentation d’un office de tourisme

ou d’un territoire (ville, montagne ou littoral), il est clair que les services mobiles des offices de tourisme

attirent très peu de public. En outre, si l’on regarde de près l’origine des utilisateurs d’applications, l’on

30

s’aperçoit que la cible originellement visée, les touristes, n’est pas la principale utilisatrice. Au contraire,

il s’avère que l’appropriation des applications se fait largement par un public de proximité, comme en

témoigne l’exemple d’iRhoneAlpes (par GMT Editions), application consultée quotidiennement cent

cinquante fois en moyenne, essentiellement par des Rhônalpins. Par ailleurs, la consultation de sites ou

d’applications mobiles par un public étranger demeure marginale pour la simple raison que l’accès à

l’Internet pour les étrangers présente un coût jugé excessif.

Outre les raisons « naturelles » évoquées plus haut que sont la récence de la mise à disposition

au public des services mobiles et la fragile appropriation des usages mobiles par les consommateurs, l’on

peut identifier une autre cause à cette faible fréquentation, directement imputable cette fois à l’action

des offices de tourisme. Idate et Kanopée constatent que « les offices de tourisme ayant créé un site ou

une application mobile ont d’une façon générale déployé peu de moyens de communication à l’occasion

de son lancement, ce qui explique pour partie les faibles scores de téléchargement » (2011, p.114). En

effet, pour accompagner le lancement de leur site ou application, les offices de tourisme ont dans la

plupart des cas envisagé un communiqué de presse qui a pu avoir un rayonnement local voire régional

et une communication sur les réseaux sociaux en particulier sur la page Facebook de l’office. En

revanche, Idate et Kanopée (2011) notent que l’information a été relativement peu relayée sur le site

Web et à l’accueil des offices de tourisme, où elle a fait l’objet d’une présence discrète voire d’une

absence totale. Enfin, aucun budget en Webmarketing n’a été engagé par les offices de tourisme dans le

cadre de leur opération de lancement de site ou d’application mobile. Aussi, les services mobiles des

offices de tourisme ont clairement souffert d’un manque de visibilité auprès du public ciblé. Par ailleurs,

en amont de l’enjeu de visibilité, il est important de s’attacher à la qualité du contenu d’un service

mobile, autrement dit de son adéquation avec les attentes du public-cible. Les offices de tourisme

doivent, au moment de développer un service mobile, se poser la question de la pertinence du contenu

proposé au regard du public visé. Aussi, nous pensons qu’un contenu répondant aux besoins et envies

réels d’une catégorie d’utilisateurs donnée favorisera l’appropriation de l’outil mobile par elle. C’est

pourquoi, nous réfléchirons dans une seconde partie à la définition d’un service touristique mobile de

valeur afin d’apporter des clés de compréhension quant à la performance des sites et applications

mobiles proposés par les offices de tourisme.

31

B. Les services mobiles, créateurs de valeur ?

Les caractéristiques propres au mobile citées plus haut entraînent des possibilités de bénéfices

supplémentaires pour les entreprises par rapport aux autres canaux de communication. En élargissant

les possibilités de l’Internet fixe, les technologies mobiles représentent de nouvelles opportunités de

mieux fidéliser les clients, de générer des sources de revenus supplémentaires et de réduire les coûts

opérationnels (Kim et al. 2008, p.394). Aussi depuis quelques années, les entreprises se sont emparées

des technologies mobiles dans le cadre de leurs actions marketing. Pourtant, Bouwman et al. (2008)

affirmait que nombre de services mobiles n’avaient pas été en mesure de créer beaucoup de valeur pour

les clients. Aujourd’hui, malgré des fonctionnalités toujours plus avancées et individualisées, le mobile

apporte-il réellement de la valeur aux clients ? Par ailleurs, les besoins des individus en services mobiles

sont naturellement différents lorsqu’ils se situent dans un cadre touristique dans le sens où ils ne

s’inscrivent plus dans le quotidien mais dans une situation de mobilité qui introduit justement une

rupture avec le quotidien et les habitudes. Aujourd’hui, les services mobiles à usage proprement

touristique se sont largement développés et la plupart des destinations et des entreprises du tourisme

se sont emparées des technologies mobiles en développant de nombreux outils dédiés à l’information

ou à la réservation. Alors, ces services sont-ils aptes à créer de la valeur pour le touriste ? Et qu’est-ce

qu’un service mobile de valeur en tourisme ?

Service de valeur

En tant que technologie innovante, le mobile est susceptible d’améliorer la manière dont les

services sont délivrés au client, autrement dit d’augmenter la qualité du service offert. Pour définir ce

qu’est un service de qualité, nous allons reprendre ici le terme de valeur utilisé par de nombreux

chercheurs à ce propos et inhérent à celui de qualité. Résumant les discussions sur le processus de

création de valeur pour les clients à travers les services, Grönroos définit le service de valeur par « sa

capacité propre à transformer la valeur (ou utilité) potentielle pour le client en valeur réelle pour lui »

(Grönroos, 1979, p.86). Autrement dit, la création de la valeur procèderait d’une rencontre entre le

service et le client qui le reçoit. En ce sens, la valeur serait d’avantage le résultat d’une co-création que

d’une simple création et s’inscrirait non pas dans une dimension relationnelle unilatérale mais bilatérale.

La compréhension des besoins et des pratiques des clients semble alors un facteur clé de succès pour la

création d’un service de valeur. Ainsi pour Grönroos, « le premier rôle [de l’entreprise] est de servir de

facilitateur de valeur. En offrant aux clients des biens et des services facilitateurs de valeur […],

32

l’entreprise est indirectement impliquée dans la création de valeur pour le client »1 (Grönroos, 2008,

p.310). Pour revêtir aux yeux du client une valeur, un service doit donc être en mesure de répondre à

des besoins spécifiques, qu’ils soient exprimés ou non c’est-à-dire qu’ils soient éprouvés consciemment

ou inconsciemment.

Service mobile de valeur en tourisme

Dans le cas du mobile, il s’avère que les services offerts via ce support sont apparus sur le

marché par opportunité, grâce à leur faisabilité technique et non nécessairement pour répondre à un

besoin partagé par un groupe de consommateurs. Quoi qu’il en soit, les services mobiles sont aussi

potentiellement créateurs de valeur. Selon Keen et Mackintosh (2001), la valeur des services mobiles

serait générée plus particulièrement par leur capacité à écarter les limites du possible dans le cadre de la

routine du quotidien, c’est-à-dire d’apporter à l’utilisateur un surcroît de liberté. Cette liberté pourrait se

traduire en tourisme par la possibilité de profiter d’un lieu en toute autonomie, en s’affranchissant des

contraintes (absence d’information, manque de temps, indisponibilité ou coût d’un guide lors d’une

visite…). Ainsi « en tourisme, un service mobile de valeur pourrait, d’après Carlsson et Walden (2010),

permettre à leurs utilisateurs de réaliser des activités qui seraient restées inconnues d’eux ou impossibles

de faire sans l’apport du service mobile »2. Cette possibilité apportée par le mobile présente le double

avantage d’une part pour la destination d’introduire d’avantage d’homogénéité dans la distribution des

flux sur son territoire, d’autre part pour l’utilisateur d’enrichir son expérience touristique sur place. Le

jeu « Portées disparues » (cf. figure 10) développé sur application mobile pour la ville de Poitiers par les

éditeurs Vox Inzebox et Furet Company est un de ces exemples de service mobile de médiation du lieu

permettant d’approfondir l’expérience du lieu par la découverte de « détails qu’une simple visite n’aurait

pas permis de percevoir » (Espaces 2012, p.44).

1 “Its role is, first of all, to serve as value facilitator. By providing customers with value-facilitating goods and services as input resources into customers’ self-service value-generating processes, the firm is indirectly involved in the customers’ value creation.” (Grönroos, 2008, p.310) 2 “A mobile value service for tourists would make it possible for them to carry out activities that would be either

unknown to them or impossible to accomplish without it.” (Carlsson et Walden 2010, p.44)

33

Figure 10 : Capture d’écran de l’application « Portées disparues »

Source : http://www.furetcompany.com/site/portfolio/poitiers-portees-disparues/

Ainsi, un service touristique mobile de valeur présenterait la capacité d’améliorer l’expérience des

touristes à destination. C’est pourquoi, il nous semble essentiel de comprendre comment les services

mobiles peuvent aider les touristes à créer de la valeur, c’est-à-dire à écarter les limites de l’expérience

touristique.

Comme on l’a vu précédemment, l’activité touristique et les terminaux sans fil ont en commun

ce caractère mobile qui suggère une alliance parfaite entre les deux. Aussi, la mobilité est cette notion

fondamentale qui constitue la spécificité des besoins des touristes. Si le touriste partage avec le simple

consommateur les besoins d’information, de conseil, d’achat ou de tout autre service susceptible

d’améliorer son quotidien, il éprouve ces besoins hors de chez lui et hors du quotidien, c’est-à-dire dans

un contexte de mobilité. C’est le fait que ces besoins s’inscrivent dans une telle situation qui constitue le

caractère fondamentalement original des besoins des touristes. Comment alors les services mobiles

intègrent-ils cette notion de mobilité dans le processus de création de valeur ? En s’appuyant sur les

capacités technologiques des terminaux mobiles qui leur donnent ce caractère d’ubiquité noté plus

haut. D’une part, la capacité de délivrer les services aux utilisateurs en temps réel leur permet de

satisfaire leurs besoins au moment même où ils se font sentir. D’autre part, la capacité de prendre en

compte le contexte utilisateur leur permet de satisfaire leurs besoins le plus exactement possible, c’est-

à-dire de manière personnalisée, individualisée. L’aspect technologique joue donc un rôle essentiel dans

la mesure où la création de valeur client dans le cas des services mobiles repose sur le support des

technologies mobiles et leur performance. Autrement dit, la valeur potentielle générée par les services

34

mobiles dépend directement des capacités technologiques des appareils qui les supportent. Alors,

Carlsson et Walden (2010) recommandent à l’industrie mobile de jouer le rôle de facilitateur de valeur

en concevant « des supports contextualisés et capables de s’adapter à l’utilisateur » car « le cœur des

services de valeur réside dans leur capacité à créer de la valeur au moment où les clients les utilisent et

dans le contexte où ils sont utilisés »1.

L’efficacité technologique du support est un pré-requis nécessaire mais il n’est pas suffisant si les

professionnels du marketing ne conçoivent pas des services mobiles capables de tirer le meilleur parti de

ses capacités technologiques. C’est pourquoi, la contextualisation doit être prise en charge à la fois par

les concepteurs de terminaux mobiles, en les dotant de nombreux capteurs, et par les professionnels du

marketing mobile en imaginant des services personnalisés. C’est grâce à la fois à des technologies

avancées et à une réflexion marketing poussée que les services mobiles pourront valoir de moteurs de

recommandations performants et pertinents pour les utilisateurs. On le voit, la contextualisation joue un

rôle éminemment central dans le processus de création de valeur via les outils mobiles. C’est pourquoi, il

nous semble essentiel d’en définir le sens.

C. La contextualisation comme élément clé du processus de création de valeur

Pour générer de la valeur, un service mobile doit donc intervenir dans un contexte où il est

pertinent, autrement dit, où il est contextualisé. Comme on l’a vu, les caractéristiques d’ubiquité et de

connectivité sans fil propres au mobile permettent d’aller loin en termes de personnalisation du service

grâce à la connaissance du contexte du mobinaute. La contextualisation sous-tend un enjeu important

pour les professionnels du tourisme puisque la compréhension claire et approfondie du contexte est le

préalable clé à la délivrance de services mobiles optimisés. Setten et al. (2004) ont montré que de la

prise en compte du contexte dépend la pertinence de l’information délivrée. Ce constat a été appuyé

par Albers et Kim (2002) d’après qui « délivrer le bon contenu dans le bon contexte est crucial »2.

Autrement dit, la connaissance du contexte du client semble indispensable si l’on veut adapter le service

de façon à satisfaire les besoins du client. Mais que signifie exactement le terme contexte ?

En marketing, le contexte correspond à une entité globale recouvrant diverses réalités propres à

apporter un éclairage sur l’être du client. Tout l’enjeu de la définition du contexte réside donc dans la

1 “To create customer value, the mobile technology should be context-adapted and user-adaptive. The core of value services is that they should be of value to their users at the moment when they are used in the context in which they are used.” (Carlsson et Walden 2010, p.44) 2 “Delivering the right content for the right context is crucial” (Albers and Kim 2002, p.314)

35

capacité à déterminer les réalités qu’il recouvre. Et la littérature n’est pas tout à fait consensuelle à ce

sujet. Pour Dey et Abowd (2000), le contexte fait référence aux éléments spatio-temporels, à l’identité

et aux activités concernant les clients. Korkea-aho (2000) ajoute à cela les aspects social et

physiologique, une notion de proximité et l’utilisation des appareils technologiques. Wang et al. (2004)

quant à eux ont identifié quatre grands types de contextes qui recouvrent des données relatives à la

localisation, à l’utilisateur, aux activités et à l’informatique. Ajoutons à cela que chaque type de contexte

recouvre à son tour un ensemble de propriétés qui lui sont propres. Par exemple, quelques unes des

propriétés du contexte identitaire pourraient être le nom, l’âge ou encore les préférences du client.

Types de contextes

Pour notre étude, nous retiendrons le modèle proposé par Tan E.M.-Y. et al. (2009) qui se sont

attachés à identifier les types de contextes et leurs propriétés pertinents dans le cas particulier des

applications mobiles de guides touristiques. Leur modèle, qui nous semble être une bonne synthèse de

la littérature sur le contexte, s’appuie sur une méthodologie en trois temps : d’abord une revue des

applications touristiques mobiles contextualisées pour collecter les différents types de contextes et leurs

propriétés possibles puis des focus groupes ayant pour objet de sonder les besoins en information des

touristes et les problèmes rencontrés lors de leurs voyages afin d’adapter et de valider les types de

contextes et leurs propriétés et enfin, une classification de ces résultats qui a abouti au modèle de

l’information contextuelle final appliqué aux applications mobiles de guides touristiques que leur auteur

ont nommé le modèle du TILES. (cf. annexe 12) « L’acronyme TILES fait référence aux cinq types de

contextes : le contexte temporel, l’identité, la localisation, l’environnement et le contexte social »1,

expliquent-ils. Les types de contexte liés aux appareils, aux réseaux et à la physiologie pris en compte

dans de précédentes études, comme évoqué plus haut, n’ont pas été retenus ici du fait entre autre qu’ils

n’ont pas été identifiés lors des focus groupes. Nous allons donc détailler dans les paragraphes suivants

ce que les auteurs définissent à travers ces cinq types de contexte et comment ils ont pu être mis en

œuvre dans le développement d’applications mobiles en tourisme.

Le contexte temporel inclue des propriétés permettant de situer l’individu dans le temps telles

que la saison, la date ou encore l’heure dans lesquelles s’inscrit la situation de l’utilisateur. Les

développeurs d’applications ont coutume d’utiliser ces données pour identifier et recommander les

événements ou activités pertinentes à réaliser dans le futur proche des touristes. Ainsi, la connaissance

de l’heure revêt un caractère particulièrement important dans le cas de la recommandation de

1 “The acronym TILES stands for the five context types, i.e. temporal, identity, location, environmental and social.”

(Tan E.M.-Y. et al. 2009, p.576)

36

restaurants, tandis que la connaissance de la saison ou de la date est utile à la recommandation de

festivals ou de manifestations culturelles. TIP (Hinze et Buchanan, 2005), GUIDE (Cheverst et al., 2000)

ou encore CATIS (Pashtan et al., 2003) sont quelques uns de ces prototypes de guides touristiques qui

prennent en compte les données temporelles dans leur système de recommandations. Quant au m-

ToGuide (Kamar, 2003), il intègre dans son système de recommandations la propriété durée du séjour

afin d’adapter ses suggestions d’activités et de visites à réaliser en fonction du temps passé à

destination.

Figure 11 : Capture d’écran de l’application Jet Lag Génie

Jet Lag Génie édité par Alexandre Giacoppo fournit au touriste des conseils adaptés pour l’aider à s’adapter

rapidement au décalage horaire

Source : http://www.journaldunet.com/web-tech/open-source/10-applications-m-tourisme-

originales/decalage-horaire.shtml

L’identité de l’utilisateur comprend l’ensemble des caractères qui fondent son individualité, sa

singularité. Ce type de contexte est composé d’un nombre important de propriétés recouvrant des

informations relatives à l’état civil, aux centres d’intérêts, aux envies, aux préférences, à la durée et au

motif du séjour ou encore à l’historique d’actions (lieux visités, activités réalisées). Les applications

s’appuyant sur les centres d’intérêts de l’utilisateur sont nombreuses. C’est notamment le cas de

COMPASS (Setten et al., 2004), CRUMPET (Poslad et al., 2001) ou encore GUIDE (Cheverst at al., 2000).

Le système de recommandations contextualisées proposé par Noguera et al. (2012) enregistre le profil

37

et les préférences de l’utilisateur afin de lui fournir une liste de lieux susceptibles de l’intéresser. Cette

liste est par ailleurs filtrée en fonction de la localisation de celui-ci afin que les lieux suggérés soit à une

courte distance de l’utilisateur (cf. figure 12).

Figure 12 : Capture d’écran du système de recommandations contextualisées de Noguera et al. (2012)

Source : Noguera et al. 2012, p.47

D’autres applications encore prennent en compte l’état civil leur permettant de connaître l’origine de

l’utilisateur. Ainsi, le guide mobile de Bomarsund (Carlsson et Walden, 2010), en plus de fournir une

version traduite de l’application dans la langue de l’utilisateur, adapte son contenu aux spécificités de la

nationalité de l’utilisateur.

38

La localisation fait référence aux données permettant de situer l’individu dans l’espace. Ce type

de contexte, permis par les capteurs embarqués et notamment le GPS, est propre au mobile. En cela, il

lui apporte une plus value particulière et originale car il lui permet d’affiner ses suggestions en fonction

de la situation spatiale précise de l’utilisateur, ce que ne peuvent pas les médias Web et print. Associée à

la réalité augmentée, comme c’est le cas des applications Gallerypaca et Zevisit (éditées par Vox

Inzebox), les données de localisation permettent d’améliorer l’expérience touristique sur place. En effet,

lors de la visite d’un point d’intérêt, un touriste peut, en pointant son smartphone dans la direction d’un

monument, accéder à un contenu enrichi : une étiquette nommant le monument en question s’affiche

sur l’écran en surimpression et renvoie à un contenu audio et vidéo augmenté (cf. figure 13).

Figure 13: Capture d’écran de l’application Zevisit

source : http://zoneitouch.free.fr/index.php/2010/application/table-dorientation-a-realite-augmentee-

tora-par-zevisit-sur-iphone/

Ainsi la pertinence des informations délivrées s’en trouve renforcée. Mais la réalitée augmentée

associée à la contextualisation spatiale peut aussi revêtir un rôle plus pratique de facilitateur (cf. figure

14).

39

Figure 14 : Capture d’écran de l’application Word Lens

L’application Word Lens est un service de traduction en temps réel qui combine un système de

reconnaissance de caractères à de la réalité augmentée

Source : http://www.transeet.fr/2010/12/24/word-lens-traduction-iphone.html

Noguera et al. (2012) estiment que « la nature d’ubiquité du sytème [mobile] rend l’adaptation des

recommandations délivrées en fonction de la localisation actuelle de l’utilisateur pertinente et nécessaire

»1.

Parmi ses propriétés, Tan E.M.-Y. et al. (2009) ont identifié la position géographique actuelle de

l’utilisateur, les points d’intérêts à proximité, la direction et la vitesse de déplacement, le mode de

transport actuel… Les deux premières propriétés citées sont les plus fréquemment utilisées dans les

systèmes de recommandation mobiles. Ainsi, le guide touristique mobile de Bomarsund utilise

l’information de la position géographique exacte du touriste lors de sa visite sur le site de la forteresse

de Bomarsund pour lui délivrer l’histoire des différentes parties de la forteresse en suivant ses

déambulations sur le site (Carlsson et Walden, 2010). Le système mobile de recommandations

contextualisées développé par Noguera et al. (2012) analyse les propriétés de position géographique

actuelle, de mode de transport et de vitesse de déplacement de l’utilisateur pour fixer une aire

géographique autour de lui pertinente pour la recommandation de prestations touristiques. Ainsi, le

système est capable de recommander des prestations appropriées par rapport à la position

1 « because of the ubiquitous nature of the system, it seems necessary and convenient that the recommendations

provided are adapted to the user’s current location » (Noguera et al. 2012, p.40)

40

géographique, au mode de transport et à la vitesse de déplacement de l’utilisateur. Les prestations

touristiques qui pourraient convenir à l’utilisateur sur le plan des propriétés identitaires sont néanmoins

écartées si elles se trouvent exclues de l’aire géographique calculée par le système de recommandations

(cf. figure 15). La liste de recommandations est par ailleurs constamment mise à jour en temps réel selon

que la localisation de l’utilisateur varie.

Figure 15 : Aire de recommandations permise par le système mobile de recommandations

contextualisées de Noguera et al. (2012)

Source : Noguera et al. 2012, p.42

Figure 16 : Capture d’écran de l’application Field Trip

L’application Field Trip éditée par NianticLabs propose un tourisme de proximité en alertant le touriste à chaque

fois qu’il passe près d’un point d’intérêt remarquable. Ces alertes sont paramétrables par l’utilisateur qui peut

choisir les types de lieux pour lesquels il souhaite être alerté.

Source : http://www.journaldunet.com/web-tech/open-source/10-applications-m-tourisme-originales/tourisme-

de-proximite.shtml

41

Par ailleurs, Tan E.M.-Y. et al. (2009) indiquent que les participants de leurs focus groupes ont exprimé le

besoin d’être informés des modes de transport disponibles les moins chers et les plus rapides dans le

cadre de leurs déplacements touristiques. Ainsi précisent les auteurs, « les applications touristiques

mobiles devraient être capables de calculer l’itinéraire, le coût et le temps nécessaires pour atteindre une

destination depuis la localisation actuelle des utilisateurs »1 en fonction des modes de transport

disponibles.

En offrant aux touristes des recommandations géolocalisées en temps réel et en leur permettant

de se rendre sur un lieu touristique sans avoir préparé leur trajet et avoir consulté l’itinéraire au

préalable, ce type de service favorise la planification de séjour adhoc. « Ainsi, là où il était nécessaire de

préparer grâce à un guide les différentes étapes d’un voyage, la visite « d’impulsion » pourrait se

développer » (Benhamou et al. 2012, p.9). On retrouve cette notion fondamentale d’impulsion sous la

plume de Raffour pour qui la fonction de géolocalisation fait du mobile « un fantastique moyen

d’accompagnement du touriste » en ce qu’il lui permet de « découvrir en temps réel », suivant

« l’impulsion ou [le] besoin, la diversité des offres actualisées ». Il en conclut que l’usage du mobile

modifie « la manière d’aborder le séjour » dans la mesure où il permet à tout moment à son utilisateur

« d’adapter son programme à la dernière minute » (Raffour dans Benhamou et al. 2012, p.18). On voit

clairement ici comment le mobile impacte l’expérience touristique.

Le contexte environnemental renvoie aux éléments objectifs qui constituent le cadre de vie d’un

individu à un moment donné. Dans un contexte touristique, les propriétés identifiées comme

importantes par Tan E.M.-Y. et al. (2009) sont en particulier la météo (température, humidité, marées,

qualité de l’air…) et les conditions de trafic actuelles. L’application touristique mobile COMPASS (Setten

et al., 2004) par exemple prend en compte le contexte environnemental de son utilisateur en incluant

les données météo et trafic dans son système de recommandations. Ainsi, l’application est capable de

détecter un embouteillage et de suggérer un parcours alternatif. Tan E.M.-Y. et al. (2009) montrent que

les conditions de trafic ont un impact sur le choix des activités et que les touristes sont susceptibles de

changer de destination en cas d’embouteillage. De la même manière, les envies des touristes varient

selon la météo, d’après les résultats des focus groupes menés par Tan E.M.-Y. et al. (2009). En particulier

les auteurs ont décelé un impact de la météo sur le choix des restaurants et des activités. Les touristes

souhaiteraient par ailleurs être conseillés quant aux tenues adaptées à la météo à destination.

1 « From the current location, the mobile tourism application would be able to calculate the path, cost and time

needed to get to the destination » (Tan E.M.-Y. et al. 2009, p.580)

42

Figure 17 : Capture d’écran du service par SMS d’information sur la circulation de la ville de Nantes

La ville de Nantes propose un service d’info trafic par SMS en temps réel : L’information relative à une difficulté de

circulation est envoyée en mode push aux abonnés qui se sont pré-inscrits au service

Source : http://www.dailymotion.com/video/xy1v4b_nantes-metropole-choisit-contact-

everyone_tech#.UUrbyWePXnU

Le contexte social inclue les propriétés relatives à l’environnement social de l’individu. La prise

en compte des compagnons de voyages est l’une des propriétés du contexte social d’un touriste. Aussi le

GUIDE (Cheverst et al., 2002) inclue dans son système de recommandations cette donnée pour suggérer

des lieux d’intérêt pour l’utilisateur en fonction des personnes avec qui il voyage. Un touriste voyageant

en famille se verra par exemple conseiller des lieux dont les services et activités proposés sont adaptés

aux familles. La présence d’autres touristes à proximité est aussi une propriété qui peut être exploitée

dans le cadre du contexte social. Ainsi, l’application GUIDE (Cheverst et al., 2002) est capable d’indiquer

à son utilisateur la présence d’autres touristes sur des lieux d’intérêts à proximité et lui permet d’inciter

ces touristes à déposer des notes et des commentaires des lieux où ils se trouvent. Les avis apparaissent

alors à l’utilisateur triés selon leur niveau de pertinence, lui-même calculé en fonction de la similarité

sociale des touristes ayant déposé des avis. Ainsi, pour reprendre l’exemple du touriste voyageant en

famille, celui-ci se verra renseigné en priorité des avis provenant de touristes en famille. L’importance

des avis dans le processus de décision des touristes et en particulier de ceux provenant de

consommateurs leur ressemblant socialement, a été confirmée par les focus groupes menés par Tan

E.M.-Y. et al. (2009)1.

1 “It was also interesting to find that all focus group participants wanted to read about comments and ratings by

other tourists. […] One participant said : ‘It is probably due to some kind of herd mentality… but it is a natural social behavior to find out what others are doing and to follow the crowd’” (Tan E.M.-Y. et al. 2009, p.581)

43

Figure 18 : Captures d’écran de l’application “Where Are You Now ?”

L’application « Where Are You Now ? » éditée par WAYN suggère des destinations et conseille les touristes en

fonction de leurs centres d’intérêts. Il propose d’entrer en contact avec d’autres voyageurs pour partager

expériences et avis.

Source : https://itunes.apple.com/us/app/meet-people/id496553371

Benhamou note que « de nouvelles générations de services mobiles adossés à des réseaux sociaux de

recommandations » (2012, p.9) se sont développées, facilitant par l’intégration du paramètre social le

processus de décision des touristes quant aux lieux à visiter ou à pratiquer.

Utilité perçue de la contextualisation

Pour autant, les utilisateurs perçoivent-ils la valeur et l’utilité de la contextualisation ? Sur cette

question, les recherches de Goh et al. (2010) sur les services mobiles en tourisme remettent en cause la

contextualisation comme essence même de la valeur des services mobiles. En effet, les résultats de leurs

travaux1 indiquent que les services mobiles qui répondent en premier lieu aux besoins des touristes à

destination sont les services de base, c’est-à-dire ceux dont l’objectif est de fournir un accès à

l’information touristique essentielle qu’elle soit relative à l’offre en prestations touristiques de la

destination (hébergement, restauration, activités) ou à des aspects pratiques (transports, taux de

1 Ces travaux ont été menés en deux étapes : d’abord l’identification des catégories de services touristiques mobiles à travers une revue de littérature et un focus groupe (huit participants questionnés sur leurs besoins en services et informations à travers quatre scénarios d’activités classiques de touristes), puis la confirmation des catégories de services touristiques mobiles identifiées à l’étape une via une enquête quantitative par questionnaire.

44

change…) et de permettre la réservation de prestations touristiques. En cela, « le touriste mobile est

d’abord concerné par les services susceptibles de l’aider à répondre à ses besoins basiques »1. En

revanche d’après les résultats, les services contextualisés ne sont pas perçus par les touristes comme des

services créant beaucoup de valeur. Si les services de base ont plus de valeur aux yeux des touristes que

les services contextualisés c’est que « beaucoup d’utilisateurs ne sont pas encore familiers avec ce type

de services »2 et que ceux-ci ne se sont pas beaucoup démocratisés.

Au-delà du fait que ce constat nous indique qu’il faut améliorer la perception de l’utilité des

services contextualisés afin d’en favoriser l’adoption et l’utilisation auprès des utilisateurs, il nous

montre que la dissociation entre services contextualisés et autres types de services n’est pas pertinente.

En plaçant sur le même plan service contextualisé et service de réservation ou d’information, Goh et al.

(2010) n’introduisent pas de distinction entre les deux et font des services contextualisés un type de

services parmi d’autres. Or, cela ne nous semble pas opératoire. D’ailleurs, on ne trouve pas cette

dissociation chez Carlsson et Walden (2010) pour qui la contextualisation est moins un type de services

touristiques mobiles parmi d’autres qu’un préalable technologique à la délivrance de services

touristiques via mobile. Elle constitue en fait une fonctionnalité technologique transversale et donc apte

à recouvrir l’ensemble des services mobiles offerts, des plus basiques aux plus avancés. Benhamou

(2012) va dans le même sens en affirmant que « les systèmes de géolocalisation constituent désormais

l’épine dorsale des services mobiles ». Pour lui, « ils deviennent les plates-formes sur lesquelles viennent

se greffer l’essentiel des services mis à la disposition des usagers » (Benhamou 2012, p.9). Les données

géolocalisées constituent alors une base sur laquelle se « rajout[ent] des strates d’informations »

(Benhamou 2012, p.9). En ce sens, la contextualisation n’a pas de valeur en soi mais elle est facilitatrice

de valeur, c’est-à-dire qu’elle est potentiellement créatrice de valeur à partir du moment où elle est

appliquée à un service particulier. Elle s’intègre donc dans un processus de création de valeur.

Utilité réelle de la contextualisation

On peut donc tout à fait imaginer que l’information, considérée comme un service touristique de

base, soit contextualisée. Ainsi, le besoin du touriste n’en serait que mieux satisfait. En effet, le service

qui prendrait en compte le contexte de l’utilisateur pour lui délivrer une information a potentiellement

plus de valeur que celui qui délivrerait la même information à tous les utilisateurs indépendamment de

leur contexte. C’est ce que confirment Noguera et al. (2012) qui ont cherché à savoir si la

géolocalisation, qui est une des formes de la contextualisation, augmentait la qualité et l’utilité du

système de recommandations touristiques mobile qu’ils avaient implémenté. Pour cela, ils ont soumis

1 “the mobile tourist is most concerned with services that help meet their basic travel needs” (Goh et al. 2010, p.37)

2 “Most users are unfamiliar with such services” (Goh et al. 2010, p.37)

45

leur système à une évaluation1. Les utilisateurs interrogés ont exprimé une préférence nette pour le

système proposant la géolocalisation par rapport au système standard, bien que les deux versions aient

recueilli des avis très positifs. Aussi, la différence d’appréciation se situait au niveau de l’utilité perçue

puisque le système incluant la géolocalisation fut perçu par les utilisateurs comme plus utile que le

système standard.

Il faut néanmoins nuancer ce constat en précisant que le panel de testeurs était composé de

personnes ayant l’habitude des outils mobiles et des nouvelles technologies. Autrement dit, on ne peut

pas généraliser ce constat à l’ensemble des touristes car bien que les technologies mobiles se soient

depuis plusieurs années démocratisées, tous les individus n’en sont pas au même stade quant à leur

utilisation. Et, on peut supposer que les moins « avancés » ne sont pas prêts à adopter des

fonctionnalités innovantes. En cela, ils ont besoin d’être accompagnés. Toutefois, d’autres études

corroborent l’idée d’une supériorité des services contextualisés sur les services non contextualisés.

Baltrunas et al. (2011) démontrent qu’avec la même interface utilisateur, un système de

recommandations mobiles contextualisées est plus efficace et apporte plus de satisfaction aux

utilisateurs qu’un système de recommandations standard. Adomavicius et al. (2011) affirment

également que l’information contextualisée est un moyen efficace pour améliorer la qualité des

recommandations apportées aux utilisateurs. Les expérimentations empiriques menées par Gorgoglione

et al. (2011) ont conduit à la conclusion que les systèmes de recommandations contextualisés

produisent de meilleurs résultats que les systèmes de recommandations standard en termes de

comportement d’achats des utilisateurs et de confiance dans les recommandations apportées.

Bien que les usages mobiles n’aient pas encore fait l’objet d’une appropriation solide par

l’ensemble des consommateurs, on peut supposer une tendance vers une plus large appropriation des

usages mobiles si l’on admet l’argument selon lequel un service mobile de valeur, par la valeur même

qu’il véhicule, doit être capable de faire adopter au touriste de nouvelles habitudes. Car, afin de

continuer à bénéficier de la valeur créée par le service, le touriste est susceptible de changer ses

habitudes ou d’en créer de nouvelles. Par ailleurs, l’ensemble des études prospectives à ce sujet

admettent que la pénétration de l’Internet mobile devrait augmenter auprès d’une plus large population

dans les années à venir, favorisant ainsi une utilisation de plus en plus courante des services mobiles par

un plus grand nombre. Néanmoins, à l’heure actuelle, si Internet s’est largement imposé comme canal

d’informations privilégié avant le séjour, ce n’est pas encore le cas pendant le séjour. Aussi, les

1 L’évaluation a pris la forme d’un test auprès d’un panel de vingt-sept testeurs, âgés de vingt-quatre à quarante-huit ans et ayant de bonnes connaissances technologiques. Ils ont été invités à tester à la fois le système de recommandations avec géolocalisation de Noguera et al et un système de recommandations standard sans géolocalisation.

46

comportements d’usages liés au mobile demeurent circonscrits à un public minoritaire, au sein duquel

figurent les classes d’âges plus jeunes chez qui on note une prédilection pour les usages mobiles. Idate et

Kanopée (2011) constatent une surreprésentation des 15-24 ans parmi les utilisateurs de smartphone.

On peut ainsi supposer que pour ce type de population, qui fait un usage relativement intensif du mobile

au quotidien, l’usage du mobile en vacances demeure important avec un recours fréquent à ce support

pour répondre à tous les besoins ou problèmes liés au voyage. C’est pourquoi, il nous a semblé

intéressant de porter notre analyse sur cette population que nous appellerons par convention

génération Y et dont la définition fera l’objet de notre troisième partie.

47

III. Génération Y

Pourquoi analyser la question de la médiatisation de l’expérience touristique par le mobile à

travers l’usage qu’en fait la génération Y précisément ? Parce que celle-ci est « la première à tester la

civilisation de l’Internet » (Rollot 2012 p.13). Ainsi, les individus qu’elle représente, souvent désignés

sous le nom de digital natives, ont grandi au moment où l’usage de l’Internet se généralisait. Aussi, une

adéquation entre personnalité Y et possibilités du Web est à l’origine d’une harmonie particulière entre

ces deux-là, comme l’écrit Monique Dagnaud, « la culture Net noue une profonde complicité avec

l’humeur de la jeunesse contemporaine » (Dagnaud 2011, p.11). Par ailleurs, des études démontrent une

affinité forte des Y avec l’usage du mobile. Parmi elles, l’étude du Credoc publiée en octobre 2012, La

diffusion des technologies de l’information et de la communication dans la société française1 indique que

le taux d’équipement en smartphone est nettement plus important chez les jeunes (cf. figure 19).

Figure 19 : Taux d’équipement en smartphone en fonction de l’âge (en %)

Source : Credoc 2012, p.35

1 Les résultats sont issus d’une enquête menée en juin 2012 en face-à-face auprès de deux mille deux cent six

personnes sélectionnées selon la méthode des quotas et représentatives de la population française âgée de douze ans et plus.

48

Il est clair au vu de ces graphiques que la diffusion des smartphones est inégalitaire et s’opère au

bénéfice d’une population jeune puisque c’est entre douze et trente-neuf ans que le taux de possession

de smartphone est le plus élevé et que la progression est la plus significative. Ainsi, en juin 2012, 54%

des 18-24 ans par exemple disposent d’un smartphone (+19% par rapport à 2011) alors que le taux

moyen d’équipement des Français se situe à 29%. Il en est de même si l’on observe les usages du mobile

(cf. figure 20).

Figure 20 : Les différents usages du mobile en fonction de l’âge

Source : Credoc 2012, p.46

Là encore, l’on constate que les différents usages liés au mobile sont pratiqués en priorité par les jeunes

et plus particulièrement par les 18-24 ans chez qui ils sont les plus marqués. Ainsi sont-ils deux fois plus

nombreux en 2012 à naviguer sur Internet à partir d’un mobile (60%) que la moyenne des Français

(29%).

Aussi, parce que le Web, qu’il soit fixe ou mobile, est leur univers et qu’ils sont les touristes de

demain, nous avons voulu comprendre comment ces jeunes internautes s’approprient les potentialités

du mobile dans le cadre de leur expérience touristique. Nous avons donc voulu confronter les

possibilités technologiques offertes par le mobile et leurs réalisations en m-tourisme aux pratiques

réelles des Y en vacances. Mais essayons tout d’abord de bien comprendre la réalité que recouvre le

terme de génération Y.

A. Derrière le concept, quelles réalités ?

Génération

Commençons par appréhender le concept de génération dont le terme présente une riche

polysémie. Nous n’aborderons pas ici les acceptions du terme liées à des domaines étrangers à notre

objet d’étude tels que la biologie, l’informatique, ou encore la linguistique mais nous nous bornerons à

49

définir le concept de génération sous l’angle sociodémographique. Attias-Donfut (1991, p.58) en donne

la définition suivante, héritée de Mannheim1 :

« Un ensemble de personnes ayant à peu près le même âge mais dont le principal critère

d’identification réside dans des expériences historiques communes dont elles ont tiré une

commune vision du monde ».

Dans ce cadre, une génération correspond à une sous-population, c’est-à-dire à un ensemble d’individus

dont la définition s’appuie sur des critères objectifs. Ces critères sont d’ordre démographique et

renvoient à la période de naissance des individus. Aussi, les membres d’une même sous-population sont-

ils nés à une époque précise dont les bornes sont limitées à environ vingt ans. Ainsi, une génération

désigne d’après l’Insee « un ensemble d’individus ayant connu une certaine étape de la vie au même

moment » (Clerc, M.-E. et al. 2011, p.48). Cependant, la définition de cette classe d’âge est également

soumise à une appréhension subjective dans le sens où elle est censée réunir « les individus ayant grandi

pendant une période à peu près homogène » (Pinaud et Desplats 2011, p.16). Ils présentent donc une

similarité d’âge qui induit un partage de normes et de valeurs culturelles. En effet, en évoluant dans un

environnement économique, technologique, culturel et social donné, ces individus développent des

représentations et des pratiques propres à leur génération car déterminées en partie par cet

environnement. Pinaud et Desplats expliquent que « pendant cette période où le jeune construit sa

personnalité et ses repères, l’époque influence sa façon d’être ». « La génération renvoie ainsi à l’idée

d’avoir vécu, au même moment, les mêmes expériences, individuelles et/ou collectives (crises,

guerres…) » (Clerc, M.-E. et al. 2011, p.48). Ces représentations et pratiques sont alors censées les

distinguer des générations précédentes et suivantes, d’où des incompréhensions entre générations. De

par ce « contexte commun » susceptible d’ « influer […] sur leur destinée sociale et leurs conditions

matérielles d’existence » (Clerc, M.-E. et al. 2011, p.48), les membres d’une même génération partagent

« une sorte de culture propre, un fonds commun » (Pinaud et Desplats 2011, p.16) qui les amènent à

porter un certain regard sur le monde.

Génération Y

Essayons à présent de comprendre qui sont les individus que l’on regroupe sous le terme de

génération Y, concept apparu en 1993 dans un article du magazine américain Advertising Age (www.the-

yers.fr/concept-generation). D’un point de vue simplement démographique, la génération Y renvoie aux

individus dont la date de naissance se situe entre le début des années 1980 et le milieu des années 1990.

1 Karl Mannheim est l’auteur du texte théorique fondateur publié en 1928, Le problème des générations

50

En cela, la génération Y est d’abord une convention pour désigner les individus ayant

approximativement entre quinze et trente ans. Elle suit la génération X, elle-même précédée par la

génération des baby-boomers. Malgré un contexte sociétal commun aux individus nés dans les années

quatre-vingt et quatre-vingt-dix, notons dès à présent que le concept de génération Y ne renvoie pas à

une réalité homogène et recouvre au contraire d’importantes disparités entre les individus qui la

représentent. Jean Pralong rappelle que :

« les représentations et les comportements ont probablement une composante

générationnelle, mais qu’elle est bien faible par rapport à l’influence de la classe sociale,

des études, des groupes d’appartenance ou des territoires. Qu’ont donc en commun,

hormis l’âge, des jeunes du nord et de l’ouest de l’Île de France ? Un apprenti artisan et

un étudiant d’une grande école ? Un enfant de cadres et un enfant de milieux

populaires ? Pas grand-chose évidemment. » (www.nouvelles-carrieres.fr)

Le sociologue Louis Chauvel épouse un point de vue similaire quand il affirme que « l’état de

fragmentation sociale et culturelle des générations de « jeunes » d’aujourd’hui […] laisse supposer que

ces ensembles démographiques forment avant tout des cohortes sans contenu collectif tangible »

(www.louischauvel.org). Sans aller jusqu’à nier l’existence d’une génération Y recouvrant des individus

aux pratiques et représentations communes, nous rejoignons l’idée qu’il existe des disparités parmi ses

individus du fait de l’influence d’autres facteurs sociaux tels que ceux cités ci-dessus. Nous croyons

néanmoins, comme Monique Dagnaud, que « le Net opère comme un marqueur générationnel »

(Dagnaud 2011, p.27) et qu’au-delà des différences de classes sociales, de nationalités, de niveau

d’études, de sexe ou d’âge qui segmentent la génération Y, ses individus ont en partage « un point

commun essentiel [qui] est l’addiction à Internet » (Rollot 2012, p.5). Aussi, ces « enfants des plus

formidables bouleversements technologiques et sociaux qu’a connus la Terre depuis l’invention de

l’imprimerie » (Rollot 2012, p.11) sont forcément déterminés par ce contexte social unique. Nous

tenterons donc ici d’appréhender la génération Y à travers sa culture et son état d’esprit qui fondent

toute son originalité et les distinguent des autres générations.

Il est aujourd’hui communément admis que le Net bouleverse nos habitudes et nos

représentations. Et c’est la moindre des choses pour « ce média ultime » qui constituerait selon Christian

Vanderdope « depuis l’invention de l’écriture, la plus importante révolution dans la façon dont

l’humanité échange, produit, analyse, interprète et mémorise les données symboliques » (Christian

Vanderorpe cité dans Dagnaud 2011, p.9). Nouvelles sollicitations sensorielles, nouveaux usages,

nouvelles perceptions, le Net entraîne dans son sillage bien des mutations dans nos modes de

communication. Aussi, les Y, bercés par l’omniprésence digitale, ont-ils été plus que les générations

51

précédentes impactés par ce « média ultime ». Mais en quoi consistent ces mutations qu’ont

parfaitement intégrées les jeunes nés avec le Net ? On l’a dit, le contexte culturel qui a vu grandir la

génération Y a été marqué par l’essor des nouvelles technologies de l’information et par les

phénomènes qu’il a provoqués, l’immatériel et la mondialisation. Pour Michel Serres, Internet aurait

bouleversé en profondeur la manière d’appréhender les frontières et la connaissance des individus :

« Sans que nous nous en apercevions, un nouvel humain est né, pendant un intervalle

bref, celui qui nous sépare des années 1970. Il ou elle n’a plus le même corps, la même

espérance de vie, ne communique plus de la même façon, ne perçoit plus le même

monde, ne vit plus dans la même nature, n’habite plus le même espace […]. N’ayant plus

la même tête que celle de ses parents, il ou elle connaît autrement. » (Serres 2012, p.13)

Cette radicale différence par rapport à ses aînés, l’individu Y la tient de son environnement numérique

et virtuel, comme en témoigne une enquête BVA menée en 2010 :

« Leur activité cérébrale, leur conscience du réel, leurs capacités intellectuelles tout

comme leur vision sociale ont été fondamentalement transformées par l’omniprésence

du digital tout au long de leur enfance. » (cité dans Pinaud et Desplats 2011, p.21)

L’individu Y, né dans une société en profond renouvellement, serait alors cet être nouveau, réceptacle

privilégié des bouleversements qu’Internet a causés dans nos pratiques. Mais, comment l’influence du

monde numérique se traduit-elle chez eux ? Quelles sont les valeurs et pratiques marquantes partagées

par ces jeunes qui en découlent ? Et comment les comprendre ?

B. Caractéristiques de la génération Y

Adaptation, flexibilité et impatience

Qu’ils soient nés dedans ou non (les Y les plus âgés ont découvert Internet adolescents), ils sont

« nourris » au Net et témoignent pour la plupart d’un degré élevé de familiarisation aux technologies de

l’information et d’un rapport privilégié aux réseaux sociaux. Le digital est donc sans aucun doute

l’élément fondamental qui caractérise cette génération. Ses individus, ayant pu profiter de l’information

sur Internet, ont fait leur « apprentissage en partie par le biais de la culture digitale ». (Dagnaud dans

52

http://www.lelab2012.com/interview.php?id=753) Aussi, n’ont-ils « plus la même tête », constate le

philosophe Michel Serres :

« Ces enfants habitent donc le virtuel. Les sciences cognitives montrent que l’usage de la

Toile, la lecture ou l’écriture au pouce des messages, la consultation de Wikipédia ou de

Facebook n’excitent pas les mêmes neurones ni les mêmes zones corticales que l’usage

du livre, de l’ardoise ou du cahier. Ils peuvent manipuler plusieurs informations à la fois.

Ils ne connaissent, ni n’intègrent, ni ne synthétisent comme nous, leurs ascendants »

(Serres 2012, p.12).

Pour évoquer cette tête qui a « muté » (Serres 2012), Rollot suggère de parler d’une « googlization » des

esprits dans le sens où le cerveau est accaparé par une quantité importante d’informations à chaque

instant ce qui l’incite à survoler l’information plutôt qu’à l’approfondir. Ne dit-on pas que sur le Web,

l’œil « scane » la page ? Autrement dit, le cerveau « googlizé » tend à s’éparpiller et à survoler plusieurs

tâches à la fois au lieu de se concentrer sur une tâche unique. Ce phénomène aurait généré chez ces

jeunes une grande capacité d’adaptation et de flexibilité qui se manifeste d’ailleurs dans leur manière de

jongler avec différents supports numériques, passant sans discontinuer, de l’ordinateur au smartphone,

de la console à la tablette. « Muni[s] de son appareillage de prothèses numériques » (Dagnaud 2011,

p.159), ils ont développé une pratique du Net qui les a d’ailleurs rendus quelque peu zappeurs :

« L’accélération du temps et la réduction des distances conduisent les Y dans une spirale

d’impatience parfois totalement irraisonnable. Jeunes, ils zappent, téléchargent et

regardent les épisodes de leur série préférée le plus vite possible. » (Rollot 2012, p.31).

Les Y passent facilement d’une activité à une autre et ont même l’habitude de mener plusieurs activités

en même temps grâce à la pluralité des outils à leur disposition. On les dit multitâche. Mais cette

habitude produit aussi des individus rapidement ennuyés. Hyper-connectés et abreuvés d'informations,

ils vivent dans l’instant et se révèlent impatients. Avec Internet, les individus ont appris une autre

manière de communiquer et d’accéder à l’information ou à la culture qui explique pour une large part ce

caractère d’impatience. Les échanges sont instantanés, l’accès à l’information se fait en temps réel via

une multitude de sources. Dagnaud note à ce propos que les jeunes Y « ont profondément intégré le

concept de consommation à la demande (« quand je veux et si je veux ») » (Dagnaud 2011, p.118).

Mais le numérique ne vient que renforcer un trait de caractère, l’impatience, qui était déjà en

germe chez les petits Y. En effet, ayant baigné dans le modèle Bourdieu, qui marque d’après Monique

53

Dagnaud « une période de compétition scolaire acharnée »

(http://www.lesinrocks.com/2012/02/22/actualite/generation-y-ils-auraient-de-quoi-baisser-les-bras-

mais-ont-du-tonus-et-de-lironie-112459/), les Y ont grandi dans un système où l’on pousse à la

performance. Aussi, l’obsession des parents pour la réussite de leurs enfants engendre-t-elle une

pression exercée par la famille sur l’enfant Y. Celui-ci, entraîné dans un rythme de vie effréné, ne connaît

déjà plus l’ennui. La patience lui est étrangère :

« Pour nombre d’Y, la journée prend […] des airs de marathon ponctué par des cours de

danse, de chant, de soutien, le tennis, la chorale, etc. Il ne faut pas s’étonner si, devenus

plus grands, ces enfants qui ne se sont jamais ennuyés sont impatients et incapables de

s’arrêter de discuter, de jouer ou de s’activer. » (Rollot 2012, p.37)

« Hyperactifs » dès leur premier âge, les Y ont développé une impatience qui s’est vue renforcée par le

Net et ses modalités de communication et d’accès à l’information. Avec le smartphone, l’on passe

véritablement dans l’ère du temps réel. Ordinateur de poche, l’Internet mobile permet à l’utilisateur

d’être connecté en permanence et de ne plus avoir à supporter une seule minute d’ennui. On se dit alors

que l’outil est naturellement fait pour séduire les jeunes Y aux besoins desquels il semble répondre

parfaitement. On tentera alors de sonder leur rapport au mobile afin de comprendre comment se

traduit les usages et les besoins des Y en termes de technologies et de services mobiles. Les services

offerts par ce média répondent-ils effectivement à leurs attentes en termes d’instantanéité et de temps

réel ?

Liberté (d’expression) et créativité

Technophiles, les individus de la génération Y ne s’imaginent pas « autrement que branchés en

permanence sur le monde » (Rollot 2012, p.77).

« Par téléphone cellulaire, ils accèdent à toutes personnes ; par GPS, en tous lieux ; par la

Toile, à tout le savoir : ils hantent donc un espace topologique de voisinages, alors que

nous vivions dans un espace métrique, référé par des distances » (Serres 2012, p.13).

En somme, le système multicanal et ubiquitaire dans lequel baignent les jeunes Y stimule chez eux une

« aptitude à vivre « ici et ailleurs », à se détacher de son contexte géographique et social […], à circuler

d’une galaxie à l’autre » (Dagnaud 2011, p.168). En les faisant naviguer ainsi entre mondes réel et

virtuel, entre « réalité que l’on perçoit par la proximité et réalité que l’on perçoit à travers [les médias] et

54

plus largement l’univers du Web » (Dagnaud 2011, p.168), ce système agit également sur l’imaginaire

des individus. Par la porosité de ses frontières entre expérience concrète et projection imaginaire, il

nourrit et décuple l’imagination et stimule ainsi la créativité. Par ailleurs, en offrant d’emblée un public

potentiel, le Net stimule les expressions artistiques utilisant toute forme de langage :

« Les idées et les émotions qui s’échangent ne passent pas que par le langage des mots

mais sont brassées dans une immense variété d’images et de sons : émerge ainsi depuis

une dizaine d’années une culture expressive développée par les adolescents » (Dagnaud

2011, p.35)

Il faut ajouter que cette créativité, observé chez la Net génération, a été également confortée

par le système éducatif, profondément marqué par l’influence de Dolto, dont elle a bénéficié. En

accordant une place privilégiée aux enfants Y au sein d’une sorte de « démocratie familiale », ce système

a développé un principe éducatif « fondé sur l’écoute de l’enfant » (Dagnaud,

http://www.lelab2012.com/interview.php?id=753). Dans ce contexte, l’enfant est une personne et la

famille une unité associative où chacun doit trouver son identité, nous dit Monique Dagnaud. C’est une

famille de négociation où l’on consulte et on prend en considération son avis. En intégrant les enfants Y

dans la négociation familiale, on les défait de leur rôle de « consommateurs passifs » pour les élever au

rang de « véritables prescripteurs », jusqu’à en faire « les véritables « patrons » de la famille » (Rollot

2012, p.34). Le pédagogue Philippe Meirieu relie ce phénomène au fait que les enfants Y ont vu leur

naissance programmée, autrement dit qu’ils sont des enfants désirés :

« Nous vivons, pour la première fois, dans une société où l’immense majorité des enfants

qui viennent au monde sont des enfants désirés. Cela entraîne un renversement radical :

jadis, la famille « faisait des enfants », aujourd’hui, c’est l’enfant qui fait la famille. En

venant combler notre désir, l’enfant a changé de statut et est devenu notre maître : nous

ne pouvons rien lui refuser, au risque de devenir de « mauvais parents » ». (cité par Rollot

2012, p.34)

Si cette « idéologie éducative » (Rollot 2012, p.35) sous-tend un revers, elle présente aussi un bon côté

dans le sens où elle permet de susciter la créativité. Et c’est là une des caractéristiques fondamentales

des individus de la génération Y. En effet, les parents ayant observé, pris en compte et sollicité les

dispositions, les talents et le caractère des enfants Y, d’après Monique Dagnaud

(http://www.lelab2012.com/interview.php?id=753), ceux-ci ont développé un sens aigu de la créativité :

55

« Plus encore que tous les autres marqueurs générationnels, la volonté de créer –

l’exigence même – caractérise les Y. Encouragés par leur entourage, aidés par les

technologies, ils se révèlent très vite des créateurs hors pairs » (Rollot 2012, p.22).

D’ailleurs, la créativité grammaticale et linguistique de la génération Y en est une illustration.

Michel Serres remarque que la production de termes nouveaux s’est accélérée avec la génération Y et

que la langue des Y est plus riche, en termes quantitatifs, que les précédentes. Il note ainsi qu’ « aux

siècles précédents, la différence entre deux publications [du dictionnaire de l’Académie française]

s’établissait autour de quatre à cinq mille mots […] ; entre la précédente et la prochaine, elle sera de

trente-cinq mille environ » (Serres 2012, p.14). Elevés dans la liberté de penser, ils peuvent plus

facilement donner libre cours à leurs potentialités créatives. Créatifs eux-mêmes, on peut les supposer

sensibles et attentifs à la créativité qui les entoure. En ce sens, le caractère original et innovant d’un

service mobile serait-il alors déterminant pour l’adoption de ce service par les individus de la génération

Y ? La créativité constitue-t-elle un argument marketing décisif pour séduire les Y ? Quelle exigence

manifestent les Y envers les services et technologies mobiles en termes d’inventivité ?

C. Net 2.0 attitude

Un sondage IFOP mené en 2010 aboutit au constat que 62% des 18-24 ans sont membres de

quatre réseaux sociaux ou plus et 77% sont membres de Facebook (cette proportion atteint 85% chez la

population étudiante). Bien que ces données n’indiquent pas comment ces individus s’approprient les

réseaux sociaux, l’on sait que la plupart d’entre eux en ont un usage quotidien et les consultent plusieurs

fois par jour. Aussi, Rollot suggère ceci :

« On aurait pu appeler la génération Y la génération Facebook, tant la création en 2004

de ce qui est devenu aujourd’hui le premier site communautaire dans le monde, a

transformé les rapports humains […]. En contact constant avec leurs amis et amies

Facebook, les Y ne rompent jamais le fil qui les relie ». (Rollot 2012, p.91).

Ces pratiques reconfigurent l’espace social des jeunes en prolongeant leurs relations au-delà du simple

face-à-face. A ce propos, une enquête mondiale menée par Fondapol en janvier 2011 auprès des 16-29

ans s’interroge « sur le fait de savoir si la distinction entre le virtuel et le réel demeure pertinente, tant la

vie sociale des jeunes semble se dérouler on line » (Fondapol, « 2011. La jeunesse du monde. Une

56

enquête planétaire »). Pour autant, il ne faudrait pas en conclure que toute la vie sociale des Y se

déroule sur le Net, cela reviendrait à méconnaître la place toujours essentielle des rencontres en face-à-

face et des sorties entre amis. En cela, les réseaux sociaux et plus largement Internet constituent « un

relais et un prolongement » de la vie réelle, d’après Monique Dagnaud :

« Les univers numériques ne constituent pas un monde fermé en soi, même si y règnent

des valeurs particulières, une façon de se coordonner, et une certaine humeur. Cette

écologie culturelle n’est pas coupée du monde, c’est vraiment un relais et un

prolongement. » (Dagnaud, http://www.lelab2012.com/interview.php?id=753)

Partage, gratuité et low cost

La mise en réseaux des individus a entraîné de nouvelles façons de voir le monde, de vivre

ensemble, de s’organiser, portées par des valeurs que prônent la génération Y : esprit de partage et

échange désintéressé, revendication de la gratuité des contenus, auto-organisation, liberté d’expression,

goût pour le ludique. Esprit de partage en premier lieu car, ayant dynamisé et reconfiguré les relations

sociales, les réseaux sociaux ont permis « l’essor d’une sociabilité originale fondé sur la conversation en

fil continu, les échanges de photos, de vidéos, de musiques, d’écrits et de productions artistiques

amateurs » (Dagnaud 2011, p.10). Rappelant la raison pour laquelle Internet est apparu – la nécessité de

mettre en commun des ressources informatiques alors rares -, Rollot note que « cet esprit de partage

irrigue encore le Web et […] est fondamental pour la génération Y » (Rollot 2012, p.44).

Parallèlement à cet esprit de partage, les difficultés financières et matérielles des jeunes

favorisent la prédilection pour la consommation gratuite ou à petit prix. Opportunistes, les Y se

montrent toujours en quête du bon plan sur la toile et n’aiment pas payer pour un produit ou un service

qu’ils jugent trop cher ou qu’ils pourraient trouver à meilleur prix ailleurs.

« Ainsi, dans une période qui leur était peu favorable, le Net s’est imposé à eux comme

une opportunité pour agir et s’adapter au contexte. Ils sont devenus les pionniers de

pratiques qui sont en train de se généraliser. » (Dagnaud 2011, p.109)

Du bas coût à la gratuité en passant par l’échange désintéressé et la solidarité entre pairs, les pratiques

de la génération Y, fondées sur l’auto-organisation et le système D, la constituent en « génération

débrouille ». Monique Dagnaud constate qu’ « une économie souterraine fleurit dans les réseaux sociaux

où s’échangent infos, objets, services, bons plans, adresses, conseils et astuces au service de la

consommation pas chère ou gratuite » (Dagnaud 2011, p.117). C’est dans cette conjoncture, entre

57

difficultés matérielles et valeur de partage et de solidarité, que les Y se sont avérés des adeptes de la

colocation d’appartements et du covoiturage, de l’achat groupé, du prêt et de l’échange d’objets de

toute sorte. Alors, comment la génération Y se « débrouille »-t-elle en vacances ? Pour les Y, le mobile

constitue-t-il cette voie royale vers l’auto-organisation dans les pratiques touristiques ? Comment tirent-

ils partie de leur smartphone pour trouver des infos et services adaptés, des bons plans et des conseils

qui leur permettront d’optimiser leur expérience de la destination ?

Culture des pairs

Si une sorte de fraternité et d’altruisme règne sur les réseaux sociaux, traduite par cette

pratique numérique d’échange désintéressé et d’entraide générationnelle, c’est aussi que « la culture

des pairs est prégnante » (Rollot 2012, p.48) pour la génération y. En effet, ils cherchent la

reconnaissance « d’abord et avant tout chez leurs pairs », plutôt que dans la cellule familiale (Rollot

2012, p.42), dont l’influence dans son éducation passe en retrait.

« La culture de ses pairs prime sur tout le reste et les adultes sont rejetés. Certes, c’est le

cas de toutes les générations mais aujourd’hui, les plus jeunes sont connectés en réseau à

cent pour cent de leur temps » (Dagnaud 2011, p.11)

On est passé de « l’autorité des pères à celle des pairs » fait remarquer la sociologue Pascale Weil (cité

dans Rollot 2012, p.60). Fonctionnant avec son groupe affinitaire, le jeune Y serait donc porté à penser

et à se conduire en fonction des modèles véhiculés par ses pairs, de qui il recherche l’approbation.

Mais en même temps, et paradoxalement, l’approbation par les pairs est conditionnée à la

capacité de l’individu à affirmer son individualité, tout en ne transgressant pas les modèles.

Individualiste, le jeune Y se montre alors « soucieux d’abord de s’exprimer, de placer ses sentiments et

ses opinions dans l’orbite du monde » (Dagnaud 2011, p.163). Aussi les réseaux sociaux constituent-ils le

média idéal pour la scénarisation de soi. Ce mode de communication qui fait la part belle au visuel incite

le jeune internaute à travailler et à publiciser son image :

« Il se met en scène à travers des photos de lui-même et/ou des images, des vidéos, des

musiques, des films ou des séquences de films qui sont révélateurs de son humeur ou de

sa vision du monde. […] Cet individu évoque sa vie, ses goûts, ses joies et ses peines, ses

rencontres et ses activités en fil quasi continu avec ses amis du Net et, éventuellement,

sous le regard d’autrui » (Dagnaud 2011 p.163)

58

Individualiste, la génération « je m’exprime par l’image » (Dagnaud 2011, p.15) cultive une

expression de soi qui passe moins par la communication de l’être que par celle des goûts,

promue par le système « j’aime » de Facebook. Aussi, l’individu se peint d’abord par ses

préférences, ses passions, ses émotions. Il sera intéressant de comprendre alors comment les

individus de cette génération « expressive » communiquent sur eux-mêmes dans le cadre de leur

expérience touristique, moment privilégié des émotions et du « j’aime ». Le medium du

smartphone lui permettant de demeurer connecté à sa communauté et de poursuivre le fil de

ses discussions, comment se met-il en scène lorsqu’il est en vacances ? A-t-il des pratiques

spécifiques liées au contexte touristique ? Il sera en effet intéressant de voir comment la

publicisation de soi s’opère lorsque l’individu quitte le quotidien pour se rendre dans un lieu par

définition exceptionnel car hors du quotidien et ayant suscité au préalable rêve et sacrifice

pécuniaire.

Humeur rieuse

Enfin, les réseaux sociaux ont fait émerger « un espace mental fondé sur le rire, les jeux

de sens, la délectation de l’absurde » (Dagnaud 2011, p.57). Ce goût pour le ludique, de

nombreux sociologues vont en chercher l’origine dans l’environnement numérique qui a rendu

poreuses les frontières entre réel et virtuel et a engendré des jeunes qui considèrent parfois que

tout est un jeu. Dans son ouvrage, Génération Y. Les jeunes et les réseaux sociaux, de la dérision

à la subversion, Monique Dagnaud a détaillé l’humeur de celle qu’elle appelle la « génération

LOL » en référence à l’acronyme laughing out loud (mourir de rire), véritable marqueur culturel

de la jeunesse. Cette appellation fait référence à l’usage ludique et communautaire du Net

qu’affectionnent les Y. Ecrits, vidéos et photos sont conçus pour entraîner le rire et les réactions

des pairs, toujours dans l’idée d’obtenir leur reconnaissance. Cette « humeur » du gag et de la

raillerie s’est épanoui sur le Net et « s’est fortement amplifiée et […] enrichie de formes inédites

dans l’effervescence des réseaux » (Dagnaud 2011, p.26). Dans un souci de plaire à sa

communauté et de donner une image flatteuse de soi, cet esprit espiègle, cette humeur rieuse

donnent lieu à une multitude d’activités fondées sur la création et le détournement d’images

voués à susciter le rire. Considéré comme un vaste terrain de jeu, le Net doit-il être ludique pour

séduire ? L’on sait que les jeunes jouent beaucoup, surtout « les garçons [qui] sont d’abord des

fans de jeux vidéo, et notamment en réseau » (Rollot 2012, p.81). Qu’en est-il des pratiques

ludiques des individus de la génération Y dans le cadre de leurs vacances ? Recherchent-ils une

expérience touristique avant tout fondée sur le jeu ? En ce sens, les services et technologies

59

mobiles doivent-ils revêtir un caractère ludique pour être adoptés par les Y ? Le mobile est-il

considéré par eux comme générateur de plaisir en vacances ?

Ces réflexions autour de la génération Y, de ses représentations et de ses pratiques sur le Net en

particulier, laissent d’ores et déjà entrevoir des perspectives en terme d’usages mobiles dans le cadre

d’une expérience touristique. Aussi viendront-elles alimenter les résultats de l’enquête qualitative

menée auprès d’individus de la génération Y afin de mieux comprendre leurs besoins spécifiquement liés

à l’expérience touristique et les usages mobiles qu’ils mettent en œuvre ou sinon les alternatives qu’ils

utilisent pour les satisfaire.

60

Partie II : Enquête

61

I. Questionnement

A. Problématique

Problèmes et enjeux des organisations institutionnelles du tourisme : en quoi le mobile peut-il être une solution ?

Par leur mission intrinsèque d’accueil et d’information, les offices de tourisme sont concernés

par les évolutions numériques. Comment peuvent-ils s’en emparer pour répondre à des enjeux et

problématiques de territoire antérieurs à l’essor des technologies numériques ? En tant que porte

d’entrée privilégiée des destinations et leur principal promoteur, les offices de tourisme ont la tâche

d’assurer une promotion et une mise en tourisme équivalente ou équilibrée pour l’ensemble du

territoire qu’ils représentent. Or, malgré cette volonté, l’on constate en réalité des phénomènes de

répartition très inégale des flux touristiques à l’échelle locale. Les logiques spatiales qui se dessinent

alors présentent d’importants contrastes entre des zones densément fréquentées et d’autres faiblement

fréquentées voire désertées par les touristes. A l’équité souhaitée par les destinations répond une

réalité spatiale fortement inégale qui peut s’expliquer par deux grandes causes. D’une part, le

déséquilibre constaté dans la répartition des flux touristiques sur un territoire peut se comprendre

simplement par le fait que les touristes accordent un intérêt et une valeur touristique différenciés des

lieux. Par exemple, le quartier de la Tour Eiffel à Paris est fortement fréquenté dans la mesure où il revêt

un intérêt touristique majeur aux yeux des visiteurs dans le cadre de leur pratique touristique de

découverte. A contrario, les quartiers parisiens périphériques qui présentent moins d’attraits

touristiques au regard des pratiques actuelles des touristes accueillent de faibles flux de visiteurs. De la

même manière, on constate dans le cas des stations balnéaires une massification des flux touristiques

sur le front de mer au détriment des autres lieux, comme à Nice ou à Saint-Jean-de-Monts où la

promenade des Anglais et l’esplanade de la mer constituent des lieux centraux dans les pratiques des

touristes.

D’autre part, la désertification de certains lieux non nécessairement dépourvus d’attraits au

regard des pratiques touristiques peut être liée à une méconnaissance de leur existence par les

touristes. Pour Kramer et al. (2007), « le comportement des touristes dépend largement de la quantité et

de la qualité des informations dont ils disposent. Le manque ou la surabondance d’informations peut être

facteur de désorientation et avoir pour conséquence d’amener les touristes à se rendre sur les sites les

62

plus fréquentés »1. Confrontées à cette réalité de distribution déséquilibrée des flux touristiques, les

organisations institutionnelles du tourisme ont une problématique spatiale à résoudre. Comment

étendre l’activité touristique sur une plus large partie du territoire ? Comment homogénéiser les flux

touristiques pour assurer un développement touristique et économique plus équitable ? Dans le cas où

la distribution déséquilibrée des flux est causée par une mauvaise diffusion de l’information vers les

visiteurs, il sera intéressant de voir comment les technologies mobiles, par leur faculté de

personnalisation, peuvent constituer une solution. D’une part en délocalisant l’information hors les murs

de l’office de tourisme, au plus près des visiteurs, et d’autre part en personnalisant les

recommandations délivrées, le mobile présente potentiellement la capacité d’assurer une meilleure

répartition des flux tout en offrant une meilleure expérience aux touristes. En effet, les technologies

mobiles actuelles, par leur capacité de personnalisation, sont potentiellement capables de contextualiser

leurs recommandations et de fournir ainsi aux utilisateurs une expérience touristique individualisée,

affectant par conséquent leur comportement spatial.

L’efficacité de la solution mobile dépend de son appropriation par les touristes…

Si l’on ajoute à cela des enjeux économiques avec des objectifs de vente (assurer des retombées

économiques sur le territoire) et de fidélisation (assurer un niveau élevé de satisfaction des visiteurs

pour favoriser leur fidélité au territoire) et des enjeux d’images, avec en particulier la volonté de

véhiculer une image de dynamisme et de modernité, il apparaît fondamental pour les organisations

institutionnelles du tourisme d’intégrer les nouvelles technologies et en particulier les technologies

mobiles dans leur stratégie de destination. Néanmoins, pour que le mobile puisse constituer une

solution, si ce n’est totale, au moins partielle, à ces enjeux et problématiques de territoire, il est

nécessaire que s’opère une bonne appropriation par les touristes des services mobiles développés. Alors

que se met en place peu à peu une maturité nouvelle des consommateurs pour les usages mobiles, il est

temps de se pencher pour les organisations institutionnelles du tourisme sur les facteurs de

l’appropriation d’un service mobile par les touristes. Comme nous l’avons exposé dans notre seconde

partie, un service multiplie ses chances d’appropriation s’il a de la valeur, autrement dit, s’il répond aux

besoins de l’utilisateur en le satisfaisant au point de le faire changer ses habitudes de consommation ou

de pratiques. Dans le cas d’un service mobile touristique, nous avons identifié que la valeur passe

d’abord par la contextualisation, c’est-à-dire la faculté à délivrer une expérience touristique

1 « The behavior of tourists strongly depends on the availability and quality of information. Too little information as

well as too much can be disorienting and forces many tourists to join the majority visiting major sights. » (Kramer et al. 2007, p.378)

63

personnalisée, ensuite par le gain de liberté, soit la faculté à rendre l’utilisateur autonome au cours de

son expérience touristique et enfin par le plaisir, autrement dit la faculté à générer une sensation de

plaisir dans le cadre des pratiques touristiques.

Services touristiques mobiles et génération Y : la bonne adéquation ?

En la matière, il nous semble que les notions de personnalisation, de liberté et de plaisir

coïncident particulièrement bien avec les valeurs de la génération Y. Individualiste, indépendante,

impatiente, libre et d’humeur rieuse, la génération Y est en plus particulièrement familière du mobile et

de ses usages. Aussi, c’est en l’abordant à travers les spécificités de la population des 20-30 ans que nous

avons tenté de répondre à la question : Comment les services touristiques mobiles contribuent-ils à

améliorer l’expérience touristique des individus de la génération Y ? Il s’agira à travers elle d’examiner

les besoins particuliers des touristes Y en vacances et de leurs usages actuels du mobile dans ce contexte

afin de comprendre dans quelle mesure les services touristiques mobiles sont créateurs de valeur pour

les 20-30 ans dans le cadre de leurs expériences touristiques. L’objectif est de permettre aux

organisations institutionnelles du tourisme et en particulier aux offices de tourisme de se positionner par

rapport à cette population en adaptant leurs services mobiles à leurs attentes.

B. Hypothèses

Pour répondre à notre objectif, nous avons construit trois hypothèses à partir desquelles l’enquête a pu

être menée :

Les services touristiques mobiles favoriseraient l’autonomie et la liberté dans l’expérience

touristique des individus de la génération Y, d’abord en réintroduisant du repère dans un

espace-temps hors de l’ordinaire, ensuite en suggérant des activités non réalisables sans la

médiation du mobile, enfin en proposant une interprétation du milieu.

Les services touristiques mobiles favoriseraient la personnalisation de l’expérience touristique

des individus de la génération Y en adaptant l’information délivrée grâce au principe de la

contextualisation.

64

Les services touristiques mobiles augmenteraient le plaisir éprouvé lors de l’expérience

touristique des individus de la génération Y d’une part en renforçant la dimension ludique de

l’expérience touristique et d’autre part en permettant le partage avec ses proches / groupes

d’appartenance.

C. Périmètre de l’étude

Rappelons que notre étude s’inscrit dans un périmètre qui est celui-ci :

Le secteur du tourisme institutionnel

Nous réfléchissons en particulier au cas des offices de tourisme, véritables portes d’entrée des

destinations et premiers points d’accès à l’information touristique pour les visiteurs.

Services mobiles dédiés à la mobilité

Nous distinguons ici les services mobiles répondant à des situations de nomadisme qui correspondent

aux services utilisables dans un contexte hors du domicile mais dans des circonstances favorables

(situation immobile par exemple) ne nécessitant pas de petits terminaux et se contentant de réseaux Wi-

Fi (à couverture faible) et ceux répondant à des situations de mobilité qui correspondent à des services

utilisables en tout lieu et même lors d’une activité de déplacement nécessitant l’utilisation de petits

terminaux et le recours à des réseaux de large couverture. C’est à cette deuxième situation que nous

nous intéressons.

Terminaux mobiles généralistes

Parmi l’offre de terminaux mobiles existant actuellement sur le marché, notre étude porte sur les

terminaux généralistes, c’est-à-dire ceux qui permettent de multiples usages au contraire des terminaux

spécialisés dédiés à un usage spécifique (l’orientation pour les terminaux de navigation routière

embarqués, la lecture pour les liseuses électroniques, etc.). Notre analyse se limite plus particulièrement

au cas des smartphones.

65

Touristes d’agrément indépendants

« Comme tout voyage, le déplacement touristique exige des services de transport et d’accueil. Au-delà de

ces exigences communes, le voyage d’agrément a des caractéristiques qui lui sont propres et qui le

distinguent de tous les autres voyages » (Laplante 1997, p.38). Par opposition principalement aux

touristes d’affaires, la catégorie des touristes d’agrément indépendants renvoie aux individus qui

effectuent « un déplacement temporaire hors des lieux du quotidien » motivé par un projet de

recréation, qu’il s’agisse de se reposer, de jouer ou de découvrir (Stock et al. 2003, p.31).

Expérience touristique globale

Loin de nous limiter au séjour en lui-même, nous abordons ici la notion d’expérience touristique dans sa

globalité. Aussi, notre étude s’intéresse-t-elle aux usages mobiles avant, pendant et après le séjour.

Génération Y

De par son affinité avec les nouvelles technologies et sa personnalité originale, nous avons choisi d’axer

notre réflexion sur cette population qui englobe de manière générale tous les individus nés entre le

début des années 1980 et le milieu des années 1990. Nous nous bornons ici à observer les besoins et

usages mobiles des individus âgés entre vingt et trente ans.

II. Démarche

A. Méthode d’enquête

Afin de tester nos hypothèses et de les confronter à la réalité, l’on a employé l’outil de

l’entretien semi-directif. Le choix de l’entretien a été motivé par l’objectif même de la recherche qui vise

à comprendre un phénomène relativement nouveau, la manière dont les touristes de la génération Y

utilisent leur mobile pour répondre aux besoins éprouvés dans le cadre d’une expérience touristique. En

ce sens, il nous a semblé que l’entretien était le mode d’observation le plus adapté à la recherche

envisagée dans la mesure où il fait apparaître, non pas les causes mais les mécanismes. Il répond bien à

la question « comment ? » qui est la notre.

66

Cette exploration vient compléter la revue des types de services mobiles de valeur offerts en

tourisme en proposant un focus sur les besoins en services touristiques mobiles d’une population

spécifique, la génération Y. Les résultats issus de l’enquête et de la revue de littérature nous

permettront d’abord de comprendre les besoins et attentes des touristes de la génération Y en termes

de services touristiques mobiles, ensuite d’évaluer la valeur créée par les services touristiques mobiles

pour eux et enfin de formuler des recommandations destinées aux institutionnels du tourisme pour leur

projet de développement de services touristiques mobiles de valeur.

B. Echantillon étudié

La population sur laquelle a porté notre enquête s’est limitée aux individus appartenant à la

génération Y, c’est-à-dire âgés entre vingt et trente ans. Ceux-ci devaient impérativement posséder un

smartphone depuis au moins six mois et avoir déjà eu plusieurs expériences touristiques dans un passé

proche (moins de deux ans).

Figure 21 : Grille de planification des entretiens

Source : élaboration propre

Quatorze individus issus d’horizon divers et aux profils variés se sont prêtés au jeu de l’enquête

et ont accepté de répondre spontanément et avec sincérité à nos questions lors d’un entretien

individuel (ou à deux) à huis clos de trente à quarante-cinq minutes. Ces entretiens ont été enregistrés

au moyen d’un dictaphone puis retranscrits intégralement sur Word.

C. Matériel d’étude

67

Figure 22 : Guide d’entretien

Source : élaboration propre

68

D. Méthode d’analyse

Tri à plat

A partir de la retranscription des interviews, l’on a effectué un premier tri parmi l’information

recueillie. Un tri à plat des données (cf. figure 24) a été effectué à l’aide du logiciel Weft QDA qui nous a

permis d’extraire de chaque entretien l’information relative aux différents thèmes abordés. Chaque

entretien a ainsi été soigneusement codé à l’aide de catégories établies dans la perspective de répondre

aux hypothèses de l’étude (cf. figure 23) :

Figure 23 : Catégories utilisées pour le codage des entretiens

Source : élaboration propre (Weft QDA)

69

Figure 24 : Exemple de tri à plat

Source : élaboration propre (Weft QDA)

Tri croisé

Le codage effectué via l’outil Weft QDA nous a permis d’effectuer des tris croisés soit en

sélectionnant un thème (cf. figure 25), l’ensemble des propos relatifs au thème s’affiche alors dans une

même fenêtre, soit en exécutant des requêtes (cf. figure 26).

70

Figure 25 : Exemple de tri croisé

Source : élaboration propre (Weft QDA)

Figure 26 : Exemple de requête

71

Source : élaboration propre (Weft QDA)

72

Partie III : Résultats

73

I. Le mobile en vacances, entre accompagnateur et gêne

La génération Y se distingue généralement par son appétence forte pour les nouvelles

technologies et en particulier pour le mobile dont elle fait un usage intensif dans son quotidien. Mais

que devient cet usage en vacances ? Dans le cadre de leur expérience touristique, les jeunes Y cultivent

un rapport ambivalent à leur mobile, entre attachement et distanciation. Attachement car, emportant

leurs habitudes avec eux, ils calquent leur usage du mobile en vacances sur celui du quotidien et ont très

facilement recours au mobile pour toute question qui se pose. Distanciation car, situés dans un espace-

temps hors du quotidien, ils prônent également le droit à une certaine forme de déconnexion, soft pour

les uns ou radicale pour les autres.

Attachés, les Y le sont à leur portable. « Tu peux plus rien faire sans » affirme Grégoire1. En

vacances surtout, alors que les repères font défaut et que le besoin en informations se fait davantage

ressentir, le mobile joue un rôle indispensable : « guide » (Delphine), « dico » (Antoine), « petit tour

opérateur personnel » (Aurélien) et même « outil bible » (Antoine), le mobile est cet instrument

providentiel qui te permet d’avoir « tout à portée de main » (Julie) et de te « faciliter la vie en vacances »

(Fabien). Avec le mobile, c’est aussi simple que ça : « maintenant n’importe où où tu vas… et en

vacances en particulier, tu te poses une question, n’importe laquelle, tu sors ton portable et t’as toute

l’info…voilà ! » (Antoine).

Outil privilégié d’accès à l’information, le mobile représente également en vacances ce lien avec

le temps du quotidien où ils ont laissé famille et amis. Aussi manifestent-t-ils le besoin d’une connexion

permanente pour ne pas rompre la communication. « Outil de connexion avec tout le monde via

Facebook », le mobile est « à consulter au minimum une fois par jour » pour Audrey. Si le mobile

n’empêche pas Delphine de se sentir dépaysée, il lui évite de se sentir déconnectée et d’ailleurs elle n’a

« pas envie d’être déconnectée du monde forcément » et « même si [elle n’en a] pas besoin, nous

confie-t-elle, [elle] aime bien savoir [qu’elle] peu[t] [se] connecter et avoir accès à ce [qu’elle a] envie ».

Et, pour bénéficier de la fonction d’intermédiaire essentiel avec le monde qu’offre le mobile, les Y

revendiquent un droit à la connexion à l’Internet mobile en tout temps et en tout lieu : « j’trouve pas ça

normal qu’on soit obligé de casquer comme des fous quand on est à l’étranger. C’est vachement

handicapant ! » (Delphine). Cet attrait du mobile fait naître chez les plus adeptes des Y un rapport quasi

intime avec l’outil qui les conduit à l’avoir toujours avec eux « sauf quand [ils vont] à la plage parce

[qu’ils n’ont] pas envie de le perdre ! » (Audrey). « Je l’ai tout le temps sur moi, pas forcément pour son

utilité mais par rapport à la valeur qu’il a, je le laisse pas à traîner en fait », explique Aurélien. Et, ce

contact perpétuel avec le mobile fait qu’il devient le premier moyen de divertissement en cas de temps

1 L’ensemble des entretiens complets est à retrouver en annexes 33 à 42.

74

mort : « Si j’ai une heure et demi de train bon bah je vais écouter de la musique voilà tout en regardant

les actualités si j’ai besoin » raconte Julie.

En même temps, ils reconnaissent que le temps des vacances, c’est aussi le temps des

activités…sans portable. Aussi, auraient-ils tendance à réduire leur consommation mobile en vacances.

« Je l’ai beaucoup moins en vacances quand même parce qu’en vacances, c’est aussi des activités, c’est

la plage, des choses comme ça », constate Aurélien. Néanmoins, cette diminution est souvent liée à une

contrainte, l’absence de connexion Wi-Fi ou le coût jugé excessif d’une connexion à l’étranger. Plus ou

moins bien vécue selon les uns et les autres, cette contrainte est l’occasion de mieux appréhender la

destination. Qu’à cela ne tienne pour Aurélien qui va ainsi reporter ses pratiques du quotidien sur des

pratiques proprement touristiques : « c’est pas trop grave si j’ai pas ça parce que, je coupe un peu aussi

pendant les vacances de ces choses du quotidien ». Pour Eric aussi, cela lui permet de mieux profiter des

attraits du lieu : « C’est le moyen de me couper de mon portable aussi et de faire d’autres activités, aller

à la piscine, à la plage, faire du sport… ». Pour Grégoire, c’est l’occasion de rentrer en contact avec la

population locale : « ça a un côté bien, ça te pousse à aller voir les gens… ». Autrement dit, on retrouve

chez les Y une dualité d’usage du mobile en vacances, entre attachement et distanciation, qui se

traduirait en somme par la préconisation suivante : « à utiliser avec modération » (Grégoire).

Si le mobile n’empêche pas le dépaysement, comme le soulignait Delphine, il entrave la coupure.

Pour Coralie P., « partir en vacances, c’est partir plus ou moins à la découverte », c’est-à-dire sans la

médiation du mobile. Cela revient à dire que l’usage du mobile en vacances présente un risque de

parasitage. S’il ouvre la porte à une multitude d’offres, permettant de faire des activités que l’on n’aurait

pas pu faire, par méconnaissance, sans son concours, il s’avère inutile voire gênant dans l’appréciation

de la destination et du moment présent. Pour Maxime, les vacances se résument à « profiter du cadre,

du paysage » et dans ce contexte, le mobile devient « un objet très secondaire ». Lorsque Delphine visite

un musée, elle « préfère [s]’imprégner des œuvres sans [qu]’aucune source extérieure [ne vienne lui]

polluer le truc ». Le risque d’un usage intempestif du mobile en vacances réside au fond dans le fait de

« clore les gens dans leurs univers mobile » (Grégoire) virtuel au détriment de l’univers réel de la

destination :

« J’ai mon mobile, j’fais mon voyage, j’visite mes trucs avec mon mobile… Et au final,

tu rentres, t’as fait quoi ? […] Bah là au final, si ton mobile te fait tout bah, non, t’as

même par rencontré de gens ». (Grégoire)

Le paradoxe fondamentale du mobile en vacances pour les Y, entre facilitateur de voyage et parasite de

la destination, se résumerait alors dans cette interrogation existentielle des vacances : coupure or not

75

coupure ? C’est justement ce paradoxe que Grégoire exprime lorsqu’il admet : « C’est vrai que ça a le

côté pratique mais d’un côté, ça t’enlèves le fun de la découverte ». C’est le « je ne peux pas m’en

passer » contre le « j’aime bien déconnecter en vacances » qui se joue là.

Au fond si le choix paraît si difficile, c’est que la réussite des vacances constitue un enjeu

fondamental dans lequel le mobile joue un rôle à double-tranchant.

« C’est un peu la peur de se gourer. C’est la honte de dire que t’as raté tes vacances.

D’abord tu le dis jamais, même si tes vacances elles sont un peu nulles ! […] T’en a pas

beaucoup, tu dépenses quand même un maximum d’argent, voilà… Donc t’as quand

même envie qu’elles soient hyper réussies. Donc, tu choisis les trucs qui te semblent le

mieux ». (Delphine)

Et pour choisir le meilleur, le mobile semble l’outil approprié puisqu’il offre « un panel d’informations

qui va permettre de choisir en connaissance de cause » (Delphine). Autrement dit, le mobile est l’outil

stratégique de la réussite des vacances dans la mesure où, par son atout de personnalisation, il a la

capacité de conduire son utilisateur vers des lieux et des activités adaptés à ses envies. Mais en même

temps, il peut présenter une forme de parasitage, d’une part parce que, outil ubiquitaire, il provoque

une incursion répétée et non contrôlée du quotidien en vacances. Coralie V. regrette que « Tu peux être

dérangé à n’importe quel moment alors que […] t’as pas spécialement envie ». Et d’autre part, outil de

prédilection du quotidien, le mobile représente la tentation de cultiver son univers du quotidien en

vacances. Tous constatent donc cette tension entre la fonction d’accompagnateur du mobile et le risque

de parasitage qu’il sous-tend. Mais face à ce constat, les stratégies d’usage mobile en vacances diffèrent

selon les profils1. De ceux qui conservent un usage intense malgré tout (« C’est comme d’habitude. Mais

je m’en passe pas ! », Audrey) à ceux qui prônent une coupure radicale (« le portable, voilà si on peut

couper, c’est des vraies vacances », Coralie V.), on trouve pour une grande majorité, ceux qui

recherchent un usage raisonné et modéré du mobile en vacances, comme l’illustre ces propos de Fabien:

« Je dois être entre les deux quoi, je n’ai pas ni de besoin de me déconnecter

complètement ni de volonté de forcément toujours avoir l’impression de partir et de

rater ce qui va se passer là où je suis pas, donc je m’en sers normalement, ni trop dans

un sens, ni dans l’autre » (Fabien).

1 cf. annexe 13 « Rapport au mobile en vacances selon le profil »

76

II. Des usages différenciés selon le temps de l’expérience touristique

L’on observe au contact des touristes de la génération Y que leur usage du mobile présente de

fortes disparités selon le temps de l’expérience touristique. Outil pensé pour la mobilité, c’est tout

naturellement que l’on relève une intensification de l’usage pendant le séjour alors que les touristes ont

plus difficilement accès à d’autres moyens d’information numérique. A contrario, l’on constate aussi que

lorsque ces individus ont à disposition l’alternative de l’accès à l’Internet fixe, c’est cette source qu’ils

vont privilégier, comme on le voit sur la grille ci-dessous :

Figure 27 : Intensité des usages mobiles par les touristes Y pendant les différentes phases de

l’expérience touristique

Source : élaboration propre

Phases de

l'expérience

Types de

besoins

Besoins liés à l'expérience

touristique

Usages mobiles

des touristes Y

préparer le séjour

réserver

rechercher des infos sur le séjour

s'orienter

réserver

recherche des infos pratiques

partager sur les réseaux sociaux

consulter les avis

visiter

prendre des photos/vidéos

jouer

appeler/envoyer des sms

consulter ses mails

consulter les réseaux sociaux

se divertir

partager sur les réseaux sociaux

déposer des avis

devenir fan de la destination

AVANT pratique

socialAPRES

pratique

social

ludique

quotidien

PENDANT

77

Ce tableau indique nettement une prédilection de l’usage du mobile pendant le séjour et un usage

timide avant et après le séjour, qui se fait au bénéfice d’un support fixe (PC). Mais l’intensité avec

laquelle les touristes Y vont avoir recours à leur mobile pour un type d’usage dépend aussi de

l’importance qu’ils accordent à leur besoin. Aussi, le besoin de jouer ou de visiter étant moins fortement

éprouvé que celui de s’orienter ou de rechercher des lieux et activités, il est normal que l’on retrouve un

usage faible dans les deux premiers cas et important dans les deux seconds. Il est nécessaire de croiser

ces deux constats pour avoir une bonne lecture de ce tableau. En effet, si l’on observe l’usage du mobile

avant le séjour, l’on remarque que celui-ci est faible dans le cadre de la préparation et la réservation du

séjour. Cela s’explique non pas par l’importance accordée à ces deux besoins, car si les Y n’ont que peu

recours au mobile pour y répondre, ils éprouvent un besoin néanmoins important de préparer et de

réserver en amont du départ. Si le mobile n’a ici que peu de place, c’est que les Y reportent leur usage

sur une alternative considérée comme plus pratique et plus confortable, l’ordinateur fixe. Aussi,

trouvons-nous les usages les plus intenses du mobile lors de la phase pendant de l’expérience

touristique pour répondre aux besoins les plus importants à leurs yeux en vacances : rechercher des

informations liées au séjour (recherche de lieux ou d’activités) ou des informations pratiques, s’orienter,

prendre des photos ou encore consulter ses mails. La plupart de ces usages revêtent un caractère

pratique. C’est d’ailleurs l’aspect qu’ils ont souligné avec le plus de force.

A. Le mobile, un outil avant tout pratique

Mentionné quatre-vingt-onze fois au cours des entretiens, le terme pratique est le plus souvent

cité après le mot photo (cent trente-quatre occurrences). Il est aussi souvent associé à la notion de

facilité et ses déclinaisons morphologiques (facile, facilement, etc.), mentionnées cinquante-quatre fois.

Intervenant à la fois avant et pendant le séjour, l’usage pratique du mobile est une tendance tout-à-fait

centrale du comportement mobile des touristes Y dans le sens où elle a été constatée lors de chaque

entretien.

78

1. Avant le séjour

Préparer

Comme on l’a dit précédemment, les touristes Y répondent aux besoins qu’ils éprouvent en

phase amont du voyage par l’usage des terminaux fixes qui se substituent facilement aux services

mobiles dans des situations d’immobilité1. En effet, pour la plupart, ils trouvent « plus pratique […] de

faire des recherches sur ordinateur que sur mobile en amont » (Fanélie). Pour Fabien comme pour

d’autres, « tout ce qui est recherche, préparation des vacances, recherche des lieux sur place, […] ça va

plutôt être sur PC ou sur tablette à la maison, mais pas forcément sur le téléphone qui n’est pas l’outil le

plus ergonomique pour ça ». L’ergonomie, c’est le frein principal qui amène bien souvent les Y à

privilégier le fixe lorsque cela est possible. L’écran est « minuscule » estime Jennifer, ça manque de

« clavier » pour Grégoire. Au final, « c’est carrément plus simple » sur PC pense Coralie.

S’il est vrai qu’ils ont tendance à préférer cette alternative, les touristes Y ne renoncent pourtant

pas tous ni totalement à leur terminal mobile. En effet, avant le départ, les touristes Y peuvent avoir

recours au mobile pour repérer des destinations, « [leur] donne[r] des envies » (Delphine), pour « voir

un petit peu où [ils vont], ce qu’il y a à voir, […] quel billet [ils vont] prendre, dans quel hôtel [ils vont]

dormir, où est-ce qu’[ils vont] aller manger, qu’est-ce qu’[ils vont] visiter » (Aurélien), pour trouver « des

vols low cost » (Grégoire). Alors, pourquoi et dans quels cas ont-ils recours au mobile alors même qu’est

disponible l’alternative fixe ? Parfois, il permet une recherche collective, entre amis :

« On se retrouve en groupe et on en parle et...enfin, chacun va regarder son

information, tu vas avoir plusieurs applications, par exemple pour des vols low cost,

chacun va regarder sur son appli « tiens j’ai trouvé ça, j’ai trouvé ça » ». (Grégoire)

Mais le plus souvent, le recours au mobile plutôt qu’au fixe répond à un besoin d’immédiateté. En effet,

« [on n’a] pas besoin de [s]’arrêter avec le smartphone, c’est ça qu’est bien » (Aurélien), il permet de

répondre « tout de suite » (Audrey) à ses besoins. La vitesse d’exécution du mobile, supérieure à celle de

l’ordinateur fixe, est un des facteurs explicatifs de l’usage du mobile au détriment du fixe, dont la lenteur

peut entamer la patience de certains utilisateurs : « le temps de l’allumer… En fait, mon téléphone est

tout le temps allumé, en fait j’utilise tout le temps mon téléphone ». (Delphine) Aussi, le mobile est-il

privilégié pour un usage rapide : « Tiens là j’ai cinq minutes, je vais regarder, au boulot j’ai une pause,

j’vais regarder » (Aurélien). Alors que le PC sera un outil mieux adapté dans le cadre d’un usage plus

long : « ça te permet de faire […] des recherches plus poussées, approfondies où tu vas prendre le temps

1 Cf. annexe 14 « Usage pratique du mobile pour la préparation du séjour avant le départ »

79

de faire ça. Tu te dis bah là je prends une heure pour rechercher […] alors que le téléphone je m’arrête

pas » (Aurélien).

Réserver

Cet aspect est particulièrement marquant lorsqu’il s’agit de réserver1 puisque dans ce cas, la

rapidité du smartphone s’adapte parfaitement à l’achat d’impulsivité notamment de courts séjours.

Dans ces cas-là, Audrey n’est pas la seule à « prend[re] le téléphone et bon allez hop ça y’est, tout de

suite, faut que ce soit fait tout de suite ! » parce que, explique-t-elle, « généralement c’est spontané. Si

t’as envie de partir [en] court séjour, ça se décide un peu au dernier moment ». Dans ce cadre, Delphine

souligne la simplicité de la démarche : « si c’est […] un peu à l’arrache, par exemple je sais pas un week-

end de quatre jours sur voyage-privé, bah là je prends facilement mon téléphone. C’est hyper simple,

après t’as juste à rentrer le code de ta carte ». Et cette simplicité aurait même tendance à provoquer

l’achat impulsif en « aid[ant] les gens à partir sur un coup de tête » et en « permet[tant] aux gens de

partir plus souvent » (Grégoire).

Néanmoins, la réservation sur mobile demeure limitée car elle se heurte à deux freins

importants. D’une part, il y a le problème évoqué plus haut de l’ergonomie, d’autant plus important

dans le cadre d’une réservation :

« Pour la réservation, le paiement tout ça, j’fais jamais ça sur le téléphone […]. J’sais

pas, là j’ai besoin d’un écran en fait. […] Tu lis bien ce que tu dois lire parce que

souvent y a des choses écrites en tout petit alors déjà que sur le téléphone l’écran

est tout petit ». (Aurélien)

Aussi, certains se montrent-ils prêts à régler directement leurs achats via leur smartphone lorsque les

services touristiques mobiles auront intégré des systèmes de paiement mobile, simplifiant ainsi l’acte

d’achat. Grégoire, par exemple, a « entièrement confiance » et explique que s’il ne paie pas encore via

son mobile, bien que « ça ne [le] dérange pas », c’est qu’il « trouve ça un peu galère » de « rentrer les

numéros » sur le téléphone. C’est pourquoi, il « trouve[rait] ça cool » de pouvoir utiliser « des systèmes

de paiement directement par téléphone ». D’autre part, il peut y avoir chez certains comme chez

Aurélien un frein lié à la sécurisation des données bancaires : « forcément tu donnes ton numéro de

carte…j’sais pas, c’est plus sécurisant d’être chez toi quand tu fais ça ». Et le frein est d’autant plus grand

que le montant de la transaction est élevé : « voilà, quand le billet d’avion il est à mille euros, …je ferais

pas ça sur mon téléphone » (Aurélien).

1 Cf. annexe 25 « Usage pratique du mobile pour la réservation du séjour avant le départ »

80

Cependant, quel que soit le canal de réservation choisi, Internet fixe ou mobile, les Y apprécient

de pouvoir accéder à leur documents de réservation depuis leur mobile. Fabien utilise pour cela une

application qui lui permet d’archiver ses billets directement sur le smartphone et d’éviter de les

imprimer. Aurélien, lui utilise le système des pictogrammes sur iPhone pour ses billets de transport :

« maintenant y a plus besoin d’imprimer ses billets, t’as juste à l’avoir en pictogramme sur ton

téléphone. A l’aéroport et dans les gares, tu présentes le téléphone et ils te scannent le pictogramme,

c’est génial ». En plus des aspects pratique et rapide de la démarche, l’enregistrement des documents de

voyage sur mobile représente le gage de ne pas les perdre ni les oublier : « le téléphone, j’suis sûr que je

l’ai tout le temps sur moi, le billet je sais pas si je l’ai sur moi. T’as juste à avoir ton passeport et ton

téléphone et pis c’est bon quoi » (Aurélien).

2. Pendant le séjour

S’orienter

Si l’usage pratique est tout-à-fait clé dans les phases amont de préparation et de réservation du

séjour, il demeure essentiel pendant le séjour où il répond essentiellement à un besoin d’orientation et

de recherche d’informations, qu’elles soient simplement d’ordre pratique ou plus proprement liées au

séjour (recherches de lieux ou d’activités à pratiquer).

L’expérience touristique, comme on l’a indiqué dans la première partie, trouve sa caractéristique

première dans le déplacement, un déplacement qui s’opère hors du quotidien, provoquant ainsi chez le

touriste un sentiment de désorientation, né de la perte des repères. Il est donc naturel de retrouver chez

le touriste le besoin essentiel d’orientation. En cela, le mobile interviendra prioritairement pendant le

séjour pour réintroduire du repère et aider l’utilisateur à s’orienter grâce à la fonctionnalité de

géolocalisation1. Centré ainsi sur le déplacement, le mobile permet aux touristes de « savoir où aller »

(Eric), de « trouver son chemin n’importe où, dans un lieu où on ne connaît pas » (Fanélie). La

géolocalisation offre alors aux touristes Y, entièrement confiants dans leur « guide » (« parce que t’es

sûr qu’il va te dire la vérité », Aurélien), la possibilité de se laisser aller à une certaine forme

d’insouciance en vacances :

« Quand on est parti à Bordeaux, on connaissait le nom de l’hôtel. On savait que c’était

à Bordeaux mais où exactement, on savait pas. Et puis, finalement, on s’en préoccupait

1 Cf. annexe 16 « Usage pratique du mobile pour s’orienter à destination »

81

pas trop puisque de toute façon on savait qu’une fois arrivés sur place, on a ouvert le

smartphone, on a mit l’adresse dans le GPS sur place et on y est allé. » (Audrey)

Là encore, ils soulignent la simplicité d’un processus « super pratique » (Grégoire) dans lequel « t’as

juste à suivre » (Aurélien) :

« Ca m’est déjà arrivé de partir sans avoir trop repérer où je devais aller pour quelque

chose. On prend le téléphone, on connaît l’adresse ou quoi et hop c’est bon, en deux

minutes on est arrivé, on n’a pas forcément besoin d’un outil supplémentaire comme

le GPS, le téléphone il le fait. » (Fabien)

Mais la désorientation spatiale n’est pas la seule conséquence de la perte des repères. Parti habiter

temporairement un lieu étranger à son horizon habituel, le touriste se trouve également confronté à une

désorientation socioculturelle, d’autant plus grande si le déplacement s’effectue sur une longue

distance. Et là encore, le mobile joue son rôle de « guide » et de support évitant au touriste de se sentir

perdu en terre inconnue, comme en témoigne Grégoire :

« La meilleure expérience que j’ai eu avec un smartphone, c’est quand je suis allé en

Chine. Vu que là-bas, ils parlent pas du tout anglais ou très peu, tout est écrit en

chinois, donc le fait d’avoir un smartphone… Il y a une application qui est super, tu

prends juste les signes en photo, ça te fais une traduction directe. »

A travers cette expérience, l’on voit combien le smartphone peut jouer un rôle dans la satisfaction du

besoin de réassurance éprouvé par les touristes à l’heure d’aborder un nouvel environnement qui les

prive des repères habituels.

Rechercher des informations pratiques

D’ailleurs, ce besoin de réassurance s’exprime également à travers la recherche d’informations

pratiques1. Habitués à réaliser ce type de recherches simples dans leur vie quotidienne, les touristes Y

retrouvent en situation de mobilité ce premier réflexe qui consiste à consulter leurs services mobiles

habituels pour trouver l’information. Mais quels types d’informations pratiques les touristes Y

recherchent-ils en vacances et comment procèdent-ils ? Pour trouver un numéro de téléphone, un lieu

1 Cf. annexe 17 « Usage pratique du mobile pour la recherche d’informations pratiques à destination »

82

ou une adresse, ils privilégient leurs services mobiles favoris du quotidien, les Pages Jaunes ou le moteur

de recherche de Google. Pour la pratique d’activités balnéaires ou nautiques, certains « consulte[nt] la

météo » ou ont « en application, les horaires des marées » (Eric). Pour les transports, le mobile est utile

pour savoir « quelle ligne de tram prendre » (Audrey) ou « voir les horaires de train » (Fanélie). Pour

mieux optimiser son temps sur place et ainsi mieux profiter de sa destination, Aurélien raconte qu’il a

utilisé avec profit l’application Disneyland :

« [Elle] te donnait en temps réel le temps d’attente dans tous les manèges et c’était

juste génial parce qu’on savait à un moment donné dans quel endroit c’était le plus

intéressant d’aller et on a gagné un temps énorme, énorme. […] On a gagné un temps

fou parce que le site est très grand, donc au lieu de se balader, d’aller voir, bon là y a

une heure et demi d’attente, là y a une heure vingt… Et ben y avait juste à regarder sur

le téléphone sans se déplacer. »

Ce témoignage nous montre combien le mobile est considéré par les touristes Y appétents au mobile

comme un outil facilitateur de vacances potentiellement capable d’améliorer l’expérience sur place.

Rechercher des prestations touristiques

Faciliter et améliorer l’expérience sur place, c’est aussi la considération qui amène une majorité

de touristes Y à consulter leur mobile quand il s’agit de trouver des lieux ou des activités à pratiquer à

destination1. Quels types de recherches liées à la destination effectuent-ils sur le mobile pour réussir

leurs vacances ? Utilisé comme un « guide de voyage » (Grégoire), le mobile permet de trouver un

restaurant ou un hébergement en dernière minute mais aussi de connaître « ce qu’il y a à voir »

(Antoine), « les choses à faire » (Delphine) :

« Quand on est allé sur Royan l’année dernière, on voulait voir un peu ce qu’il y avait

de sympa, de connu et tout donc… Là t’as deux choix, soit tu tapes Royan sur Internet

ou alors t’as les forums. Les forums c’est quand même ce qu’il y a de mieux en fait. Ca

te permet de ne pas être déçue quand t’as pas beaucoup de temps dans un endroit et

que tu veux voir le principal ». (Audrey)

Si les touristes Y privilégient le mobile par rapport à d’autres sources d’informations, c’est aussi « parce

qu’[il offre] un panel d’informations qui va [leur] permettre de choisir en connaissance de cause »

1 Cf. annexe 18 « Usage pratique du mobile pour la recherche de prestations touristiques à destination »

83

(Delphine). Aussi espèrent-ils y trouver le bon plan ou l’information juste qui leur permettra de faire le

meilleur choix, de « trouve[r] le bon resto, le bon hôtel » (Delphine) et comme Audrey, « de ne pas être

déçue ». Ainsi, ce que Delphine attend de son smartphone, c’est qu’il lui donne à connaître « les trucs

indispensables à voir mais pas forcément touristiques, les p’tits bons plans insolites, le p’tit resto hyper

sympa, la galerie, enfin je sais pas, tous les petits trucs que tu trouves pas forcément dans les

bouquins ». C’est pourquoi, dans l’objectif de réussir au mieux leurs vacances, les touristes Y accordent

une grande importance aux avis qu’ils consultent, en priorité pour les hébergements et les restaurants.

Lorsque Grégoire « hésite entre plusieurs [restos] et qu’[il n’a] pas forcément le temps », il préfère

« regarder sur [s]on smartphone lequel est le mieux » plutôt que « d’aller à un resto, tu sais pas à quoi

t’attendre ».

Mais tous ne font pas de « recherches complémentaires » (Fanélie) via le smartphone une fois

sur place. Ces Y-là se suffisent de l’information qu’ils ont collectée avant le départ sur l’Internet fixe et

de l’information qu’ils trouvent sur place via leur guide papier, l’office de tourisme de la destination ou

les brochures récupérées ça et là dans les différents points d’accueil rencontrés au cours de leur séjour.

Coralie n’est pas la seule à estimer « qu’on a quand même toutes les informations à disposition en

format papier ou même si on discute avec des gens, les gens du camping, les gérants du gîte. Même les

offices de tourisme…on a toute l’information directement ». Il faut donc considérer que le mobile n’est

pas le seul média utilisé par les touristes Y pour rechercher des informations et des prestations

touristiques. Même si on trouve aux extrêmes des individus qui trouvent leur satisfaction dans un mode

de consultation excluant le mobile ou au contraire dans une consultation quasi exclusivement mobile,

dans la majorité des cas, le smartphone est utilisé en complément d’autres sources d’informations.

Parmi ces autres sources, on note d’abord que les touristes Y utilisent globalement tous les

guides papier dans lesquels ils trouvent « déjà pas mal de choses » (Delphine) et dont ils apprécient la

fiabilité et la qualité, jugées supérieures au mobile. Pour Aurélien, l’expertise professionnelle du

rédacteur d’un guide touristique est gage d’ « objectivité » et mérite la confiance du lecteur : « dans le

guide du Routard, t’as pas trop envie de contester ce qui est dit dans le bouquin parce que c’est reconnu

comme la marque le guide du Routard ou Lonely Planet, etc. ». Grégoire partage le même point de vue

en affirmant que « tout ce qu’est guide papier vu que ça a plus d’expérience, ça existe depuis plus

longtemps, c’est plus fiable et c’est plus pertinent au niveau de l’information ». En revanche, pour pallier

le manque d’exhaustivité des guides, les touristes Y complètent volontiers avec le support mobile qu’ils

iront consulter « s’[ils ont] vraiment envie d’avoir plus de détail » (Grégoire). Pour Delphine, le contact

avec le format papier du guide touristique représente même un plaisir en soi : « J’aime bien les bouquins

en fait et du coup […] j’ai tout le temps mon guide avec moi et j’adore feuilleter ». Plaisir que ne

84

procurent pas les brochures qui restent malgré tout un incontournable de l’information touristique,

même chez la population Y.

Les touristes Y apprécient ensuite le contact avec la population locale qu’ils considèrent comme

une source d’informations ludique, « qui fait aussi partie du voyage » (Julie). A l’étranger, cette façon

d’accéder à l’information constitue même une expérience en soi marqué par le jeu :

« Quand on était par exemple en Espagne, j’étais avec deux potes et on n’arrivait pas à

parler anglais, on n’arrivait pas à parler espagnol, du coup ben on se marrait bien parce

qu’au final on essaye des trucs. » (Grégoire)

Si ce mode d’accès à l’information est jugé moins pratique que le canal mobile, il a l’avantage de

réintroduire de l’humain au cœur de l’expérience touristique, en apportant « un petit côté sympa »

(Delphine) qui te permet de « retrouver un contact que mine de rien t’as peut-être pas forcément chez

toi » (Coralie V.). Julie note que, « surtout quand tu vas dans les pays étrangers », le contact humain

permet de mieux expérimenter l’authenticité du lieu :

« T’es au contact des locaux, des gens qui habitent là donc ça fait partie aussi un peu

du dépaysement justement en parlant avec eux. Ils donnent des idées d’endroits à aller

voir qui sont moins touristiques et donc du coup tu découvres des petites choses, des

petites merveilles que bon t’avais pas forcément dans ton guide ou que t’avais pas vu

sur Internet avant. Donc ouais ça reste le côté humain qui fait aussi partie bah du

voyage quoi en soi aussi ». (Julie)

L’on voit ici que la recommandation exprimée par la population locale est créditée d’une certaine

confiance par les touristes Y, désireux d’échapper aux lieux « attrapes-touristes » (Coralie V.) promus

dans les communications à vocation commerciale. « C’est intéressant de demander aux gens parce que

tu sais qu’ils vont pas te mentir. Ca fait plus sincère », constate Coralie V.

Pour ce qui est de la troisième grande source d’informations consultée par les touristes Y, les

offices de tourisme, on constate enfin des avis et des comportements partagés. S’ils sont relativement

nombreux à fréquenter les locaux des offices de tourisme, tous n’y attachent pas la même importance.

Alors que pour certains, la visite de l’office de tourisme constitue une étape importante voire

incontournable en début de séjour, pour d’autres elle n’est qu’une étape optionnelle que l’on fait si

l’occasion se présente ou non si elle ne se présente pas. Pour ce qui est de l’information que l’on y

trouve, elle est perçue comme « plus neutre » (Audrey), plus « objective » (Julie), mais elle présente

l’inconvénient de ne pas être qualifiée : « on va te proposer quelque chose mais en gros, tu sais pas ce

85

que ça vaut » (Audrey). De même, la qualité de la prestation fournie par les agents d’accueil ou les

conseillers en séjour des offices de tourisme est perçue différemment d’un individu à l’autre. Audrey

estime que :

« leur action se résume à nous refiler des plans. Y’a plein de prospectus, tu te sers. Si tu

poses une question, des fois ils te répondent, des fois ils savent pas eux-mêmes. Donc

souvent, je suis hyper déçue des offices de tourisme, dans lesquels je suis rentrée ».

Julie au contraire souligne la simplicité de la démarche : « ce qui est bien voilà avec les offices de

tourisme, c’est que du coup on a les informations directement en fait, plus facilement ». Mais surtout,

elle apprécie les efforts de personnalisation fournis par les conseillers des offices de tourisme :

« On va nous proposer des choses auxquelles on n’aurait pas forcément pensées, en

fait à chercher sur Google ou qui nous auraient pas forcément été proposées. Puis […]

les personnes nous donnent leurs opinions. Selon ce qu’on recherche, on a vraiment

l’information la plus juste pour nous. »

Si tous les touristes Y n’épousent pas ce point de vue, il faut néanmoins garder en mémoire que l’usage

du smartphone pour la recherche d’informations et de prestations touristiques n’est pas exclusif et qu’il

s’effectue toujours en complément d’autres démarches (lecture de support papier, consultation auprès

de la population locale, fréquentation des offices de tourisme), quel que soit le degré d’importance

qu’ils y accordent.

B. Le 2.0 en vacances : oui pour consulter, non pour partager

1. Consultation et partage sur les réseaux sociaux

Le mobile on l’a vu revêt une importance capitale dès lors qu’il s’agit d’une utilisation pratique. A

contrario, l’usage social du mobile apparait aux yeux des touristes Y beaucoup plus accessoire. Bien

qu’apprécié par les habitués des réseaux sociaux, l’usage 2.0 du mobile ne représente pas un enjeu

particulier en vacances dans la mesure où il ne possède pas de rôle stratégique dans la réussite des

vacances. L’accès aux réseaux sociaux constitue un plus en vacances, ni plus ni moins, comme le souligne

86

Grégoire avec désinvolture : « c’est toujours sympa [de] voir ce qui se passe même si au final on s’en

fout ». Mais que vont-ils « voir » précisément ?

La consultation des réseaux sociaux : une activité cultivée pendant les vacances

Lorsque l’on parle de réseaux sociaux aux Y, un nom résonne en eux, Facebook. Sur le mobile,

comme sur le fixe, Facebook demeure le réseau social préféré des Y. De la même manière, ils

poursuivent en vacances un usage semblable à celui qu’ils ont dans le quotidien, à l’instar de Delphine

qui déclare « regarde[r] Facebook tous les jours cinq minutes » et continuer en vacances à « regarde[r]

tous les jours quand même ! ». Il est vrai que l’usage social du mobile en vacances par les touristes Y

correspond peu ou prou à « un usage quotidien » qui ne « change pas de tous les jours » (Coralie P.). En

effet, en vacances, les touristes Y poursuivent volontiers la consultation de leur page Facebook1 pour

« regarder où sont partis les autres » (Audrey) ou « voir ce qu’ils font » (Eric). Cette pratique répond au

besoin de « ne pas être complètement déconnecté du reste du monde » (Delphine), autrement dit, de

conserver un lien, de ne pas rompre même temporairement avec le quotidien. Néanmoins, l’on constate

que l’usage de Facebook se limite pour beaucoup d’entre eux à la consultation, préférant l’observation

de la vie des autres à la mise à nue de la leur. Fanélie fait partie de ces Y qui « [s]’en ser[vent] plutôt

pour consulter, voir les actualités des autres que pour en mettre » car comme beaucoup, elle « n’aime

pas forcément dire ce qu’[elle] fai[t] mais aime bien savoir ce que font les autres, où est-ce qu’ils sont ».

La partage sur les réseaux sociaux : des comportements…partagés

Si la fréquence de consultation demeure semblable, le contenu et le rythme des publications en

revanche peuvent différer légèrement2. Un contenu dédié aux vacances sera naturellement privilégié

tandis que la fréquence des publications se verra réduite ou intensifiée d’un individu à un autre. Eric est

de ceux qui « aime[nt] bien poster des choses quand [ils sont] en vacances » (Delphine). Il estime qu’il

« va peut-être plus poster de photos, de messages » car « on a plus le temps » en vacances, comme Julie

qui avoue qu’en vacances, elle « envoie quand même pas mal ». Chez ces utilisateurs, le partage consiste

principalement à « indique[r] où [ils sont] en vacances » (Audrey), « met[tre] des petites remarques »

(Coralie P.) et « mettre une petite photo » (Grégoire) surtout « si ça a un caractère exceptionnel »

(Audrey) ou si c’est une « photo coup de cœur » (Julie). On note ici que les usagers de Facebook ont

tendance à partager leurs photos « en instantané » (Audrey) « sur le coup parce que le téléphone te

1 Cf. annexe 20 « Usage social du mobile pour la consultation et le partage sur les réseaux sociaux à destination » 2 Cf. annexe 20 « Usage social du mobile pour la consultation et le partage sur les réseaux sociaux à destination »

87

permet de prendre la photo et directement de l’envoyer » (Grégoire). Néanmoins, ils assurent n’en

mettre pas trop, seulement « deux-trois photos » (Antoine), « une photo par-ci par-là » (Audrey),

suffisamment pour « fai[re] plaisir aux amis, à la famille » (Coralie P.) ou « histoire de les rendre un peu

jaloux » (Grégoire) mais « pas trop parce que c’est toujours un peu chiant quand tu vois plein de photos

de vacances et que toi t’es resté au bureau » (Delphine). En revanche, le retour au domicile peut-être

l’occasion, à l’instar de Julie, de publier davantage de photos : « je fais vraiment des albums photos une

fois que mes vacances sont finies pour faire partager avec les autres ». C’est aussi le moment de

« partager [s]es impressions » de vacances.

Mais tous ne partagent pas ces pratiques. En effet, beaucoup d’entre les touristes Y rechignent à

« étaler [leur] vie » (Audrey) et n’ont « pas envie de montrer [leurs photos] à l’ensemble du net »

(Fabien). Comme Grégoire, ces Y-là ne sont « pas du genre à mettre « tiens je vais aller à la plage, tiens je

vais faire ça, tiens… » ». Delphine affirme que « les réseaux sociaux, c’est pas en partage ». On observe

en fait chez eux le souhait de protéger l’intimité des vacances :

« Je mets jamais ce que je fais en vacances. J’commente jamais ce que j’fais, enfin j’suis

pas du tout…c’est pas que j’aime pas qu’on me flique mais j’veux dire, je ne me

géolocalise jamais, je veux pas qu’on sache où j’suis (rire), je prends pas des photos

d’où j’suis tout ça. […] j’ai pas envie d’étaler ma vie » (Fanélie)

Bien que tous ne montrent pas une réticence aussi forte, la plupart néanmoins limite leur activité de

partage à des publications qui ne présentent pas un caractère trop personnel et qualifie la fréquence de

leurs publications de « rare » (Audrey, Grégoire). Cela ne signifie pas pour autant qu’ils ne sont pas

« partageurs » de leur intimité, comme Delphine qui « aime bien partager ce qu[’elle] vi[t] », mais qu’ils

préfèrent employer des moyens alternatifs à Facebook afin de pouvoir partager « plutôt avec des gens

très très proches » (Delphine). Aurélien raconte comment il procède :

« Je partage mes vacances avec mes amis en parlant ou alors les amis qui viennent

chez moi que j’ai envie de leur montrer mes photos de vacances, je les montre sur mon

ordinateur et je sais à qui je les montre. »

Fabien aussi partage ses photos « si elles sont sympas », mais il utilisera le mail car il préfère « les

partager de cette façon-là mais pas via les réseaux sociaux ».

88

2. Consultation et dépôt d’avis

Sur place, le temps de la consultation des avis

Les avis constituent pour les touristes Y l’élément clé de la réussite des vacances. C’est pourquoi,

leur consultation s’avère primordiale pour la plupart d’entre eux1, d’autant plus dans un contexte situé

hors du quotidien car « on ne connaît pas l’endroit où on est en vacances », relève Audrey. Grégoire

souligne le caractère stratégique des avis pour s’assurer de bonnes vacances :

« Moi j’trouve ça super pratique, par exemple tu vas dans une ville où tu restes pas

forcément longtemps, t’as envie de faire un truc, enfin t’as pas envie d’être déçu parce

que tu restes qu’une journée. »

Aussi la consultation des avis revêt-elle un caractère de réassurance. Delphine par exemple va « voir

plein d’avis [et ne se] lance pas dans un truc comme ça à l’arrache ». Pour eux, les avis permettent de

s’assurer de la qualité d’une prestation et de ne « pas être déçu » (Audrey). Il s’agit alors de « regarder si

le resto est bon, s’il y a un bon rapport qualité-prix » (Audrey). La consultation semble encore plus

stratégique aux yeux des touristes Y lorsqu’il s’agit de choisir un hébergement « à l’arrache sur place »

(Delphine). Fabien par exemple « le fai[t] systématiquement pour les réservations d’hébergement » où

là, il va « vraiment chercher le rapport qualité-prix ». Delphine non plus ne « réserve jamais sans

consulter ce que les gens disent ». En ce qui concerne les activités, là encore, la consultation des avis

permet d’optimiser son temps de vacances par la sélection « du principal », particulièrement utile

« quand t’as pas beaucoup de temps dans un endroit » (Audrey)

Même si les avis représentent l’assurance de ne pas se tromper, leur consultation ne s’avère pas

systématique chez les touristes Y qui prêtent également au hasard un certain charme. Pour choisir un

restaurant ou une activité, ils font parfois confiance à leur instinct et y vont « au feeling » (Jennifer). Il

arrive que ce soit « le coup de cœur [pour] la déco, le menu » (Delphine) ou le « monde » (Coralie V.)

attablé qui détermine le choix d’un restaurant. Quelques uns n’ont tout simplement pas « le réflexe de

sortir [leur] portable pour chercher [si un restaurant] est bien ou pas bien » (Coralie V.) ou « ne

pense[nt] pas à le faire » (Maxime). Dans le choix de ses activités, Coralie revendique même le droit « de

faire comme [elle]veu[t] » sans « forcément être influencée par ce qu’on pourrait [lui] dire.».

1 Cf. annexe 21 « Usage social du mobile pour la consultation d’avis à destination »

89

Après le séjour, le temps du dépôt d’avis ?

Si les touristes Y consultent dans leur grande majorité les avis avant de choisir une prestation

dans le cadre de leur expérience touristique, ils sont en revanche minoritaires à partager leurs

impressions sur un lieu ou une activité1, tout simplement parce que « c’est un truc qu’[ils] ne pense[nt]

pas à faire » (Maxime) ou bien parce qu’ils ne souhaitent pas répondre aux sollicitations. Et lorsqu’ils le

font, c’est de préférence après le séjour, lorsque l’occasion de déposer l’avis se présente :

« Je le fais quand je passe par des sites de réservation où là souvent, après qu’on aie

séjourné, on nous envoie un e-mail en nous demandant notre avis alors dans ce cadre-

là, je joue le jeu, je réponds. […] Si j’ai le smartphone, je réponds avec le smartphone. »

(Audrey)

Les plus consciencieux choisissent de déposer leurs avis après le séjour pour « avoir le recul pour essayer

de donner l’avis le plus complet justement pour les personnes après qui le liront » (Julie). Par ailleurs, les

touristes Y déposeront plus volontiers un avis dans le cas d’une mauvaise expérience, comme cela a pu

arriver à Delphine : « je donne jamais mon avis sur tel ou tel…sauf si je trouve ça immonde, dégueulasse,

crade, tout ce que tu veux, là j’assassine le truc ». Audrey précise aussi qu’elle poste son avis « surtout

quand [elle n’est] pas contente ».

C. L’Y en vacances, un « homo ludens » ?

Chez les touristes Y, le mobile est envisagé prioritairement sous son aspect pratique. L’usage

social y apparaît important notamment pour la consultation des avis et dans une moindre mesure des

réseaux sociaux. Mais qu’en est-il de l’usage ludique en vacances ? On l’a vu précédemment,

l’expérience touristique revêt une dimension très forte de jeu, d’une part parce que le jeu est un des

modes de la recréation et d’autre part parce que l’expérience touristique en soi s’apparente à un jeu.

Cela nous laisse à penser que le mobile, outil par excellence du jeu et du divertissement dans le

quotidien des Y, peut renforcer sa fonction ludique en vacances. Mais que nous disent exactement nos

touristes Y à ce propos ?

1 Cf. annexe 22 « Usage social du mobile pour le dépôt d’avis après le séjour »

90

1. Le mobile, un renforçateur de la dimension ludique de l’expérience touristique ?

Le mobile, support du jeu ?

Il s’avère que les Y qui utilisent leur smartphone pour jouer ne sont pas légion parmi les individus

que nous avons rencontrés1. On trouve d’abord ceux pour qui le smartphone, « c’est pas pour jouer »

(Aurélien). Ceux-là ne « joue[nt] jamais à des jeux sur le mobile » (Delphine) et considèrent leur mobile

comme un outil « quand même très pratique finalement » (Delphine). N’étant « pas très jeux déjà au

naturel » (Julie), ils ne chercheront « pas plus en vacances qu’au quotidien » (Fabien) à utiliser leur

mobile sous l’angle du ludique. S’ils ne sont pourtant pas hostiles au ludique, l’on constate qu’ils vont le

chercher ailleurs que dans le mobile : « le ludique il est dans les vacances donc le ludique, c’est aller à la

plage, c’est se boire un mojito dans un bar… » (Aurélien). Autrement dit, la source du jeu et du

divertissement n’est pas pour eux dans le mobile mais dans la pratique même des activités touristiques.

On trouve ensuite ceux qui jouent « un petit peu, pas énormément » à « des petits jeux

comme ça » mais sans y « passe[r] beaucoup de temps » (Fabien). On trouve enfin, mais ils sont rares,

les joueurs véritables qui ne « [s]’en passe[nt] pas ! » (Audrey) et qui considèrent les vacances comme

l’occasion de jouer encore plus : « en vacances j’ai encore plus le temps d’y jouer avec mon

smartphone », nous dit Audrey. Néanmoins, l’on constate parmi les joueurs modérés à assidus que le jeu

est une pratique du quotidien qu’ils transposent à l’identique dans le cadre de l’expérience touristique.

« C’est comme d’habitude » car au fond « quand t’es en vacances, la vie elle s’arrête pas » (Audrey). Ces

jeux ne présentent donc pas de rapport avec l’expérience touristique qu’ils vivent, ils n’ont aucun lien

avec les lieux de la destination et ne permettent pas l’interaction avec celle-ci. Au contraire, il s’agit de

jeux qui « se f[ont] n’importe où » (Audrey). Pourtant, cette perspective d’interagir de manière ludique

avec un lieu dans une perspective de découverte, notamment grâce à des technologies telles que la

réalité augmentée, suscite un intérêt chez certains individus qui avouent être « assez friand[s] de ces

trucs-là » (Aurélien). Mais s’ils n’utilisent pas déjà ce type de services mobiles, malgré « le côté sympa

d’avoir une interactivité [avec] le téléphone », ils reconnaissent que c’est par « méconnaissance »

(Fabien).

« Si je savais ce qui existe, que je me renseignais, je l’utiliserais, c’est même probable,

si le concept est sympa, si ça correspond à […] mes envies, sur ces périodes de

vacances, je m’en servirais, carrément. » (Fabien)

1 Cf. annexe 23 « Usage ludique du mobile pour jouer à destination »

91

Le mobile, support de médiation de la visite d’un lieu touristique ?

En ce qui concerne plus particulièrement la visite d’un lieu culturel ou patrimonial,

l’appropriation des services mobiles de médiation dédiés à ce type de lieux présente des disparités au

sein de la génération Y1. L’on constate à ce propos que les individus familiers des pratiques de visite se

montrent plus réceptifs aux potentialités de découverte permises par le mobile que les individus

pratiquant les visites culturelles de manière occasionnelle. Plusieurs arguments sont à l’origine de

l’utilisation de ce type de services. On note d’abord une considération économique chez les Y toujours

en recherche de services low cost ou gratuits comme on l’a montré précédemment. Il y a donc ici « un

intérêt financier » (Julie) : « c’est aussi une question d’argent parce qu’à chaque fois…déjà les entrées

des musées sont tellement chères qu’en plus si tu payes ta visite guidée, bref » (Delphine).

Ensuite, Il y a une considération de temps, également importante. Bien qu’ils soient en vacances,

les touristes Y n’acceptent pas l’idée de perdre un moment et continuent à agir dans le but d’optimiser

leur temps toujours dans cette logique de réussite des vacances.

« Après aussi souvent dans les grosses attractions t’as pas forcément le guide physique,

la personne qui est disponible parce que t’as plein de monde et du coup d’avoir aussi

ton téléphone bah c’est sympa parce que t’as pas besoin d’attendre deux heures ou… »

(Grégoire)

Pour Julie non plus, la perspective de « devoir attendre une heure pour avoir un audio-guide » n’est pas

acceptable. Elle avoue que « ça [lui] est arrivé une fois mais pas deux ! » Cet aspect du temps est

également lié à l’idée d’autonomie dans le sens où le service mobile permet la maîtrise du rythme de la

visite. Aussi les Y, pour qui le format traditionnel de la visite guidée ne convient pas toujours « parce que

des fois c’est long, c’est chiant de devoir rester assis » (Delphine), préfèrent-ils avoir la main sur leur

visite. Ainsi, grâce au mobile, « tu suis ton rythme, tu passes pas d’une salle à l’autre en fonction d’un

guide » (Delphine). En permettant de se soustraire à l’intervention humaine, le mobile représente

l’opportunité de maîtriser à la fois le rythme et le contenu de sa visite. La visite, que l’on peut moduler

en fonction de ses envies, devient « sur-mesure » (Julie).

On note enfin une considération ludique dans l’appétence d’une partie des touristes Y pour les

services mobiles de médiation culturelle et patrimoniale qu’ils jugent plus séduisants que « les audio-

guides qui restent quand même la plupart du temps très formatés, très classiques » (Julie). En effet,

épousant bien souvent une perspective ludique, ce type de services mobiles propose « des anecdotes,

1 Cf. annexe 24 « Usage ludique du mobile pour visiter à destination »

92

des trucs hyper sympa, sur le ton de l’humour ou le ton anecdotique » (Delphine). Grégoire raconte une

expérience de visite qu’il a particulièrement aimée grâce à l’interactivité permise par l’outil mobile :

« Après moi je suis pas trop visite de musée (rire) ! Mais j’ai un exemple c’est l’île

d’Alcatraz, ils ont fait un truc, c’est tu mets un truc sur les oreilles, du coup t’as pas de

guide mais c’est un guide au final interactif. Tu mets pause, t’avances et au final t’as un

parcours et le truc je le trouve super bien fait et quasiment…et enfin avec les

personnes qui l’ont fait on trouvait ça super cool. »

Pour cette part des touristes Y, le « côté plaisir » (Julie) est lié à la possibilité d’ « avoir les informations

tout de suite » (Julie), de mieux profiter du lieu (« regarder les lieux » Delphine) ou encore de « mieux

comprendre » (Julie) l’objet de la visite.

En revanche, chez une autre partie des touristes Y, moins appétente à ce genre de service, on

trouve des arguments tout-à-fait contraires. Dans le cadre de leur visite, eux recherchent plutôt à

se laisser aller à la découverte : « c’est un peu découvrir les choses quand t’y es quoi, pas trop réfléchir à

ça, ça... » (Coralie P.). En venant compléter la visite avec « trop d’informations » (Grégoire), les supports

mobiles « noie[nt] un peu [le visiteur] dans l’info » (Grégoire) et empêchent en somme cette démarche

de laisser aller, cette envie de découvrir un lieu par soi-même, sans le support d’une médiation.

Delphine aime aussi parfois adopter cette « façon d’aborder le musée qui est différente » qui lui permet

de se « faire [s]a propre opinion des choses », de « [s]’imprégner des œuvres sans qu’il y aie aucune

source extérieure qui vienne [lui] polluer un peu le truc ». C’est aussi cette volonté de « prend[re] le

temps de regarder, de profiter » du lieu qui amène Aurélien à ne pas utiliser son téléphone (« sauf pour

prendre des photos ») lorsqu’il visite un musée. Dans ce cas-là, il préfère « [s]e laisser guider par [lui]-

même ».

A leurs yeux, les services mobiles de médiation culturelle et patrimoniale s’apparentent au

mieux à des « trucs qui sont gadgets » (Grégoire) et au pire constituent une gêne. Pour Coralie V., la

visite par la médiation du mobile empêche de « profiter […] de ce qu’il y a autour » parce que « tu

regardes ton portable » au lieu de « regarder ce qui se passe à côté » et empêche du même coup « le

partage ». Pour Jennifer, c’est la médiation même du mobile qui pose problème :

« Moi je pense que ça peut être bien mais j’ai toujours le problème du téléphone que

j’ai pas envie d’utiliser en vacances. Mais si ça s’trouve tu me mettrais un outil que je

prends à l’accueil en arrivant, peut-être que là ok, j’dirais ouais c’est pas mal. Mais le

fait d’utiliser mon téléphone, et ben, non. »

93

C’est aussi le cas de Fabien qui part souvent en vacances « avec des personnes » et qui « n’[a] pas

forcément envie de toujours utiliser [s]on téléphone » car il souhaite préserver la communication avec

ses compagnons de voyage. Il estime que « si on est tous en train de faire de la réalité augmenté sur le

téléphone, dans l’ensemble, c’est pas forcément le but de la chose ». C’est pourquoi ils préfèrent

l’intervention humaine d’un guide qu’ils jugent plus conviviale d’une part parce qu’ « il a toujours des

anecdotes ou des histoires qu’il peut raconter » (Grégoire) et d’autre part parce que « t’es en réaction

directe avec la personne » (Coralie V.).

2. Occuper les temps morts

A l’heure actuelle, on peut donc affirmer à travers les pratiques constatées que le mobile vient

très peu renforcer l’appréhension ludique de la destination. Néanmoins, le jeu n’est pas un usage mobile

totalement évincé de l’expérience touristique puisque certains poursuivent leur usage ludique habituel

pendant les vacances. Dans ce contexte, il s’avère que l’usage du jeu s’exerce durant les temps morts de

l’expérience touristique pour combler un moment d’inactivité :

« Enfin voilà quoi, j’ai un peu de temps, j’sais pas quoi faire, bon j’ai ça sous la main, ça

peut être une activité qui passe un peu le temps, voilà juste le temps d’être au calme,

tranquille, se reposer. Au lieu de faire des mots-croisés, maintenant t’as les applis. »

(Antoine)

Il en est de même pour d’autres usages à caractère ludique que les Y transposent de leur quotidien dans

leurs expériences touristiques. Beaucoup par exemple utilisent leur mobile pour écouter de la musique1.

Eric le fait « plutôt le soir, pour [s]e détendre en vacances ». Quand il « fait des longs voyages » en train

ou en avion, Grégoire apprécie de pouvoir utiliser son mobile pour écouter « de la musique pendant le

trajet », tout comme Julie qui « [s]’en sers aussi pas mal » quand elle « prend le train ». Aussi est-il

naturel que pendant les vacances, moment privilégié du repos et de la détente, les touristes Y « v[ont]

avoir tendance à plus écouter de musique en vacances que le reste de l’année » (Eric).

Occuper les temps morts en vacances consiste aussi pour les touristes Y à « consulter les

informations » (Fabien), « regarder les actualités » (Julie). Chez Aurélien, qui va « beaucoup sur l’Equipe

[…] voir les résultats du sport de la veille, c’est même un réflexe, le matin [il] commence presque par

1 Cf. annexe 25 « Usage ludique du mobile pour écouter de la musique et regarder des vidéos à destination »

94

ça ». En revanche, les Y considèrent que le mobile n’est pas un support adapté pour regarder des

vidéos1, comme le souligne Julie : « j’aime pas sur un petit écran. Enfin, ça me fait plus mal aux yeux que

réellement profiter du film ». Aussi Grégoire préfère-t-il utiliser sa tablette parce qu’il trouve que « c’est

encore mieux […] pour regarder des films ».

3. Immortaliser les vacances

Il reste néanmoins un usage ludique du mobile qui trouve un ancrage particulier dans le cadre

des vacances. En effet, presque tous les répondants ont déclaré utiliser leur mobile, de manière

exclusive ou complémentaire, pour prendre des photos et/ou des vidéos2. Il s’agit là d’une pratique

partagée même si l’on observe des degrés différents dans l’intensité de l’usage. Les moins appétents au

mobile l’utiliseront pour prendre « quelques photos » et complèteront avec « un appareil photos à

côté » (Fanélie). Les plus appétents prendront exclusivement leurs photos de vacances avec leur mobile,

support qu’ils jugent « quand même bien pratique » (Audrey) pour cet usage.

L’aspect pratique, c’est encore une fois l’argument avancé en premier pour justifier l’utilisation

du mobile en tant qu’appareil-photos. Si le smartphone est considéré comme l’outil le plus pratique

pour cela, c’est que les touristes Y « l’[ont] tout le temps avec [eux] » alors que « l’appareil-photos, [ils]

ne l’[ont] pas tout le temps avec eux » (Aurélien). Grâce au mobile, « t’as tout dans le même truc »

(Grégoire), il est donc plus facile de « prend[re] des photos quand t’en as envie » (Aurélien). En plus, la

petite taille du smartphone évite de « [s]’encombrer » : « tu mets ça dans ta poche et voilà » (Grégoire).

En ayant avec lui « un seul appareil au lieu de deux », Fabien se sent ainsi « plus autonome ». Et, même

si « ça prend pas des photos aussi belles qu’un réflex » (Grégoire), les touristes Y s’en accommodent

bien : « je trouve que pour les photos que moi je fais, j’suis pas un pro de la photo, donc ça me suffit

amplement » (Aurélien).

Quelques uns trouvent aussi un avantage ludique dans le fait de prendre des photos avec le

mobile dans le sens où celui-ci permet des interactions que n’offre pas l’appareil-photos. Quand elle

prend des photos, Delphine trouve « top » d’utiliser « des applications qui font des photos un

peu…artistiques ». Elle « [s]’amuse avec les filtres » qui « retouchent [les photos] directement ». Une fois

ses photos prises, Fabien apprécie que son iPhone lui permette de les géolocaliser pour lui retracer « un

peu l’itinéraire » de son séjour en affichant « des petites épingles qui se trouvent aux différents endroits

qu’on a visités, où on s’est baladé ». Plus simplement, Les touristes Y trouvent un intérêt à pouvoir d’un

1 Cf. annexe 25 « Usage ludique du mobile pour écouter de la musique et regarder des vidéos à destination » 2 Cf. annexe 26 « Usage ludique du mobile pour prendre des photos et des vidéos à destination »

95

clic « regarder [leurs] photos » (Antoine) ou « montrer quelques photos » (Fanélie) aux proches

directement depuis leur smartphone « même si l’écran est pas hyper grand, même si c’est pas la

meilleure façon de regarder les photos » (Fabien).

Pour conclure cette partie sur l’usage ludique du mobile lors de l’expérience touristique, l’on

peut dire que celui-ci se résume pour la majorité des touristes Y à prendre des photos ou des vidéos

qu’ils basculeront sur leur ordinateur fixe au retour et/ou qu’ils montreront à leurs proches directement

depuis leur smartphone. Pour les profils « joueurs », on note qu’ils utilisent facilement leur mobile

durant leur temps morts pour se divertir (musique, jeux, lecture de presse). Enfin, les habitués des

visites de musées et autres monuments culturels ou patrimoniaux manifestent un intérêt particulier

pour les services mobiles de médiation du lieu de visite.

96

III. Les services touristiques mobiles sont-ils créateurs de valeur pour la génération Y ?

Nous avons détaillé dans une première partie les différents usages mobiles en vacances des

touristes Y. Nous avons alors vu que ces usages étaient plus ou moins partagés par l’ensemble de la

population d’étude selon qu’ils répondaient à leurs yeux à un besoin primordial, secondaire voire non

éprouvé. Il convient à présent de se demander si les différents services mobiles qu’ils utilisent sont

créateurs de valeur pour eux. A travers trois notions, la liberté, la personnalisation et le plaisir, nous

avons sondé la perception des touristes Y sur la capacité des services mobiles à créer de la valeur au

cours de leurs expériences touristiques en terme de liberté, de personnalisation et de plaisir. Les avis

sont partagés…

A. Mobile et liberté : oui…mais non Le mobile, une addiction

A la question « Avez-vous le sentiment que votre mobile vous apporte de la liberté ? », la

génération Y se montre mitigée. La notion de liberté associée à celle de mobile fait immanquablement

résonner en elle un paradoxe puisqu’elle y voit également une forme d’indépendance et de dépendance.

Avant même d’envisager le gain d’autonomie que le mobile peut potentiellement apporter, les touristes

Y avancent le risque de dépendance que le mobile, accompagnateur couteau-suisse incontournable du

quotidien et du voyage (« moi il me sert pour tout ! » Audrey), véhicule. En effet, la majorité des

touristes Y interrogés ont admis un risque de dépendance1 dont la conséquence sur les vacances est

considérée plus ou moins néfaste selon les individus. Le parallèle avec l’addiction des fumeurs a parfois

été utilisé : Eric et Grégoire utilisent le terme « accro » pour qualifier leur rapport au mobile, on entend

ça et là le terme de « manque » ou de « gros vide » lorsque la connexion à l’Internet mobile se fait

impossible. Dans ces cas-là, « ce sont les premiers temps qui sont les plus durs où là on a toujours le

réflexe de sortir son téléphone pour tout et n’importe quoi », explique Audrey, « comme quand t’arrêtes

de fumer ». Antoine aussi fait se parallèle avec la cigarette :

« On a cette image aussi quand on voit une personne qui s’emmerde, la première

chose qu’elle va sortir c’est son portable quoi, elle va regarder ses textos, […] c’est un

1 Cf. annexe 27 « Mobile et liberté : opinion des touristes Y à propos de la dépendance au mobile »

97

peu le réflexe d’avoir un truc dans la main... Hier tout le monde était avec la clope, ben

aujourd’hui ça va peut-être être un peu moins la clope et un peu plus le portable ».

Aussi l’impossibilité d’utiliser le mobile, compagnon de vie du Y (« tu peux plus rien faire sans »

Grégoire), peut-être vécue comme une « contrainte » plus ou moins « insupportable » (Delphine) selon

le contexte et les besoins, obligeant leurs possesseurs à « pass[er] à la réception tous les matins et tous

les soirs » (Delphine) pour utiliser Internet. Ils se montrent alors même prêts, chose inconcevable

habituellement pour les Y, à « pay[er] pour aller voir leurs mails ! » (Audrey). Il y a surtout dans la

présence rassurante du smartphone l’idée qu’il peut vous sortir d’un mauvais pas :

« J’avoue que, si sur le moment j’en ai réellement besoin, voilà je me retrouve à un

endroit, ça m’est déjà arrivé en plus à Paris, où là j’sais pas où j’suis et j’ai pas chargé

mon portable donc je peux pas l’utiliser, bah là j’avoue quand même, c’est vrai qu’il y a

un moment de panique, « comment je fais ? » » (Julie)

Aussi préfèrent-t-ils ne jamais déconnecter complètement « au cas où » (Delphine) et même s’ils ne

savent pas « au cas où de quoi ? » (Delphine), ils gardent toujours leur portable à portée de main

(« rarement à plus de cinq mètres » Delphine). Pour Julie, « c’est rassurant parce que quoi qu’il arrive on

reste toujours connecté aussi bien en pouvant téléphoner à d’autres personnes ou en pouvant utiliser

Internet ».

Ce qui ne les empêche pas d’admettre qu’il « y a d’autres moyens de s’en sortir » (Coralie P.),

des alternatives comme les cybercafés ou l’ « emprunt [du] téléphone de quelqu’un » (Eric) permettent

de se « débrouiller » autrement. D’autant plus que le mobile constitue aussi, de par l’attachement qu’il

préserve avec le quotidien, une forme de parasitage des vacances. C’est pourquoi, le mobile est

considéré comme « incompatible » (Fabien) avec le principe de liberté car même si « tu peux

l’éteindre », « t’as toujours une petite accroche avec le monde extérieur…on peut toujours t’appeler,

t’envoyer des SMS » (Coralie P.). En effet, le mobile présente le vilain défaut « d’arriver à tout moment

dans ce qu’on est en train de faire, [de] s’inviter sans l’être à des moments où on n’a pas forcément

envie » (Fabien). Pour Grégoire non plus, il « faut pas que ça sonne trop souvent ». La contrepartie du

mobile en vacances, c’est en somme qu’il empêche de faire une véritable « coupure » (Coralie V.) avec le

quotidien et donc de profiter pleinement du temps des vacances.

98

Le mobile, gage d’autonomie

Mais malgré ses petits défauts, les touristes Y ne sont pas prêts à se priver de leur mobile en

vacances puisque la grande majorité d’entre eux estime qu’il accroît leur autonomie en vacances1.

« Je pense que la chance du portable, c’est le fait que tu puisses te retrouver en

campagne ou dans la nature et que t’aies quand même malgré tout l’info que tu

recherches sur ton portable aussi bien, ouais que ce soit en termes d’hébergement,

que de visites à faire, que de restauration […]. C’est un peu notre second sage ou notre

seconde bible. » (Antoine)

Les touristes Y soulignent tous la faculté du mobile à faciliter l’accès à l’information et ce faisant, à

favoriser l’autonomie du voyageur dans le sens où « t’as pas besoin de te déplacer pour aller chercher

l’info, tu l’as de toi-même, là où t’es, au moment x » (Coralie V.). De plus le mobile lève les « barrières de

langue » (Grégoire) qui existent à l’étranger lorsque les touristes recherchent de l’information.

Autrement dit, « maintenant n’importe où où tu vas… et en vacances en particulier, tu te poses une

question, n’importe laquelle, tu sors ton portable et t’as toute l’info » (Antoine). « A condition d’être

connecté », le mobile permet d’ « avoir accès à davantage de choses » (Fabien), « très facilement [et]

très rapidement » (Grégoire), « sans intervention autre que voilà l’utilisation du mobile » (Fabien). En

somme, le gain d’autonomie apporté par le smartphone se résume à pouvoir « faire tout ce que tu

veux » (Julie) :

« C’est justement la liberté de pouvoir avoir accès à ce que tu veux, quand tu veux, où

tu veux, c’est top ! Discuter avec les gens que tu aimes peu importe, ou que tu sois,

enfin j’trouve ça génial. Mais plus que le mobile, c’est Internet d’abord. Mais c’est le

fait qu’en plus t’y aies accès tout le temps avec ton petit machin-là qui te sers de

tout. » (Delphine)

Aussi, le mobile, objet devenu « quasi indispensable » permettant de « faire plein de trucs »

(Grégoire) est clairement perçu comme un outil facilitateur de voyage : « quand tu veux partir ou voilà,

quand t’as rien organisé et que tu dois improviser, c’est clair que tu as tout à portée de main et là c’est

un outil de liberté » (Julie). Dans le cadre de la réservation aussi, le mobile « simplifie la vie » (Audrey)

parce qu’ayant « juste à pointer [s]on smartphone », l’on ne « [s]’embarrasse plus avec les papiers »

(Audrey). De plus, la vitesse d’exécution du smartphone et le fait que l’information y soit accessible de

1 Cf. annexe 28 « Mobile et liberté : opinion des touristes Y à propos de l’apport d’autonomie grâce au mobile »

99

manière « instantanée » (Aurélien) « te fait gagner un temps fou », chose importante, « même si t’es en

vacances » (Audrey).

Par ailleurs, le mobile est vecteur d’autonomie en réintroduisant du repère dans un espace-

temps hors de l’ordinaire. Grâce à la géolocalisation, « on peut trouver son chemin n’importe où, dans

un lieu où on connaît pas » (Fanélie). Il revêt alors concrètement la fonction de « guide », qui au sens

propre désigne ce qui indique le chemin, la route à suivre. Aussi, le mobile permet-il aux touristes de

dépasser la barrière de l’inconnu inhérente au déplacement touristique : « Tu deviens autonome sur des

endroits qui te sont complètement inconnus, où t’es jamais allé » (Aurélien). Il n’est alors plus besoin de

se « préoccuper » (Audrey) du repérage spatial de la destination en amont puisque le mobile se charge

de « t’emmener » (Audrey) une fois sur place. Pour le touriste il y a « juste à suivre » (Aurélien).

Enfin, les touristes Y pressentent la faculté du smartphone à suggérer des activités qu’ils

n’auraient pas pu réalisées (faute d’en être informés) sans sa médiation :

« Plus on aura accès à l’Internet mobile et plus facilement on pourra se laisser porter

par le vent et sortir des circuits déjà organisés ou des choses comme ça. On pourra

partir où on veut ». (Antoine)

Lorsqu’il « par[t] loin comme ça, [Grégoire a] envie de faire le maximum de trucs » et il a le sentiment

que le mobile lui permet de répondre à cette envie. En effet, Antoine estime que le mobile offre la

possibilité de « connaitre mieux ce qui nous entoure et puis d’aller voir […] les choses qui nous

intéressent plus spécifiquement et plus directement ».

B. Mobile et personnalisation : entre inquiétude, incrédulité et enthousiasme

Néanmoins, la faculté potentielle du mobile de personnaliser l’information délivrée à l’utilisateur

ne rencontre pas une adhésion forte et partagée, loin de là.

Maîtriser la diffusion des données personnelles

La personnalisation de l’information fournie par les services mobiles implique logiquement la

captation de données personnelles permettant la contextualisation des informations. Or, ce principe de

contextualisation dont l’objectif est d’améliorer la pertinence des informations délivrées se heurte à

l’inquiétude constatée chez les touristes Y quant à la divulgation des données personnelles et à une

100

volonté parfois farouche de les maintenir dans le champ de l’intime1. Comme on l’a vu précédemment,

les Y ne se montrent pas toujours enthousiastes à l’idée de partager l’intimité de leur vacances « avec

l’ensemble du Net » (Fabien). Mais en somme, ce qu’ils redoutent n’est pas tant le fait même d’être

tracé que ses conséquences. On peut illustrer cette idée par une mauvaise expérience qu’a rencontrée

Julie :

« Une fois j’étais partie en week-end et j’avais vu que tous mes déplacements

apparaissaient en fait sur Facebook parce que j’avais pas bien paramétrer sur mon

compte et du coup on savait par exemple genre Julie a été voir tel musée[…]. Donc, ça,

ça m’avait un peu échaudée ». (Julie)

Ce qui effraie les Y, c’est donc de ne plus garder le contrôle. C’est pourquoi, Audrey évite de partager ses

données personnelles « parce qu’après on est envahi de pubs ! ». Elle préfère avoir la main sur son

téléphone : « quand j’ai envie de faire quelque chose, j’utilise en vacances mon téléphone mais quand j’y

suis plus, j’ai pas envie d’avoir des pubs ou des incitations à, en fait ». Là encore, ils craignent d’être

dépossédés de leur liberté : « j’ai envie de choisir, j’ai pas envie d’être conditionnée » précise Audrey.

C’est pourquoi, les Y préconisent une certaine forme de vigilance. Aurélien affirme que « c’est un outil

de liberté mais qui demande à être contrôlé », Julie estime qu’il « faut quand même prendre des

sécurités, faire bien attention, bien paramétrer le téléphone ou les réseaux sociaux ». Cela dit, même

s’ils « n’aime[nt] pas trop » se sentir « pisté[s] », « ça ne [les] empêchera pas de l’utiliser » (Julie).

Incrédulité des Y quant à la pertinence des inform ations sur le mobile

Sur le sujet de la pertinence des informations délivrées par le mobile, les touristes Y se montrent

très partagés2. Il suscite à la fois enthousiasme et incrédulité. Aurélien par exemple doute « qu’un

téléphone p[uisse] te connaitre par cœur » tout simplement parce que l’homme est un être changeant,

versatile : « demain t’as plus envie de ça et t’as envie d’autre chose, donc l’informatique s’y retrouverait

jamais j’pense dans un cerveau humain » (Aurélien). Aussi préfère-t-il utiliser son smartphone en mode

pull qu’en mode push : « J’préfère lui demander les choses ». De son côté Delphine estime qu’il y a un

effort à faire pour accéder à de l’information personnalisée :

1 Cf. annexe 29 « Mobile et personnalisation : inquiétude des touristes Y à propos de la protection des données personnelles » 2 Cf. annexe 30 « Mobile et personnalisation : opinion des touristes Y à propos de la pertinence des informations

délivrées par le mobile »

101

« Elle t’arrive pas toute cuite. C’est à toi-même qui dois trouver ce qui te correspond

parce que le panel est tellement large de ce que tu trouves sur Internet qu’après c’est

toi, en fonction de tes affinités, que tu pioches ce qui t’intéresse ».

D’après l’utilisation que DeIphine a du mobile, elle constate qu’il lui permet d’accéder à une offre gobale

à partir de laquelle elle a la possibilité de se forger une information personnalisée. La démarche de

personnalisation n’est donc pas dans ce cas effectuée par le mobile mais par l’utilisateur : « c’est toi qui

fais ton chemin et qui cherches ta propre info » (Antoine).

Elle n’est pas la seule à penser qu’il « faut aller la chercher quand même » (Delphine). Beaucoup

des touristes Y procèdent à une démarche active pour trouver de l’information personnalisée. La

recherche d’avis constitue une étape essentielle de cette démarche. Pourtant, les touristes Y regrettent

dans ce type d’informations un manque d’objectivité :

« C’est vrai que les avis en plus c’est subjectif. Des fois, y suffit que le mec il soit mal

luné ce jour-là ou j’sais pas que lui il soit plus sensible à un truc. Par exemple il va dire

c’est sale alors que moi je vais pas trouver ça sale ». (Jennifer)

Le fait que ces « avis individuels » émanent de « monsieur et madame Toulemonde », de « gens [qui] ont

pu partager par rapport à plein de circonstances » les rend éminemment « subjectifs » (Aurélien). Par

ailleurs, Les touristes Y ont un sérieux doute quant à l’origine des avis :

« C’est outrageusement spammé par les hébergeurs eux-mêmes avec des gens qui sont

payés pour créer vingt-cinq adresses mail dans la matinée, mais bon on arrive quand

même en connaissant un peu le mode de fonctionnement de ce système là, on arrive à

voir si c’est du fake ou pas. » (Fabien)

Coralie aussi se montre « un peu sceptique » parce que « t’as de tout et n’importe quoi », estime-t-elle.

Cette représentation globalement partagée invite les Y à une certaine « méfiance » (Julie) et les

amènent à échafauder une stratégie consistant à « faire le tri » (Aurélien) pour objectiver l’information

véhiculée à travers les avis :

« J’essaye de rester assez objective aux avis que je vais pouvoir lire. Ou alors je

compare, tu vois je fais plusieurs sites pis je vois un petit peu, j’essaye de faire un bilan

à la fin en fait, un bilan global de toutes mes sources. » (Julie)

102

Par ailleurs, si l’idée « que t’aies une sorte de communauté et que les gens t’aident un peu à

voyager » (Grégoire) paraît séduisante, elle comporte aussi le risque de niveler la demande, autrement

dit « de formater un peu le voyage » (Grégoire) dans la mesure où, en se fiant aux avis, « c’est un peu

les gens qui font ton voyage » (Grégoire). Aussi, Julie éprouve-t-elle le regret que « quelques fois, les avis

des personnes c’est pas forcément ce qu’[elle] recherche aussi ». Là encore, l’idée que le mobile « te

forge tes vacances » (« du fait d’utiliser des applications qui vont te dire « tu vois là c’est top » »

Grégoire) et ne « te perme[tte] pas d’avoir un voyage unique » (Grégoire) traduit un manque de liberté :

« ça t’enlève le côté de liberté dans ton voyage » (Grégoire).

Enthousiasme des Y pour une information plus personnalisée grâce au mobile

Si le mobile « peut mieux faire » (Grégoire) en terme de personnalisation, il « répond quand

même assez bien à ce que tu veux » estime Aurélien. Le moteur de recherche sur mobile offre la

possibilité « comme sur l’ordinateur » (Coralie P.) de « personnalise[r] ta recherche et plus tu vas

personnaliser, plus il va affiner » permettant ainsi « un choix plus orienté » (Audrey). Coralie relève

également cet avantage du mobile par rapport au support papier : « j’pense qu’on peut avoir une

sélection enfin par rapport à nos goûts, à nos souhaits, plus que sur les brochures ». C’est cette

possibilité d’ « affiner [s]es recherches » qui constituent pour les Y le fondement de la personnalisation

sur mobile. Outre cette possibilité d’obtenir de l’information pertinente au moyen de recherches

précises, les touristes Y ont mentionné la géolocalisation comme un support « idéal » (Aurélien) de la

personnalisation. Ils s’accordent sur le fait que « ça permet d’avoir de l’info personnalisée » (Grégoire) :

« C’est par rapport à toi, ta situation où tu es, combien de temps tu vas mettre pour aller à tel endroit,

par où tu dois passer, et t’as juste à suivre… » (Aurélien).

L’on constate que les potentialités de personnalisation du mobile sont faiblement perçues par

les touristes Y. Et de fait, la méconnaissance de l’existant les amène à s’exprimer sur le mode du souhait

lorsqu’il s’agit d’aborder ce sujet. Cela témoigne clairement du fait qu’ils n’ont pas encore réellement

adopté ce type de services mobiles soit par simple méconnaissance soit parce qu’ils n’ont pas trouvé de

services mobiles répondant tout-à-fait à leurs besoins en terme de personnalisation. Delphine par

exemple fait parti de ces Y qui pensent « ne pas connaître non plus tous les filons pour avoir vraiment

tous les conseils qu’[ils] veu[lent] ». Ils pensent qu’il faut être « geek » pour connaitre tous les « trucs

géniaux pour faciliter encore plus » (Delphine) pourtant ils sont « un peu en demande […] d’applis ou de

tuyaux qui te permettent d’avoir une info personnalisée beaucoup plus facilement » (Delphine). Pour

Audrey, disposer d’ « applications qui te correspondent sur le smartphone, ça serait le top ».

103

Alors de quoi les touristes Y rêvent lorsqu’ils parlent d’information personnalisée sur

smartphone ? Ils songent d’abord à un mode d’accès à l’information plus simple qui passerait par une

forme d’interactivité :

« Moi, j’aimerais bien avoir un office de tourisme interactif. Ce serait quand même

vachement plus simple d’avoir un site où tu poses des questions et on te répond

quasiment en instantané. Y’a toujours des questions qui reviennent. Les gens ils se

posent toujours la question, quand ils sont dans un endroit, de savoir où tu peux

manger par exemple. Comme les systèmes des sites de services où tu poses ta question

et t’as toujours Julie pour vous aider. » (Audrey)

Grégoire imagine quant à lui que « le futur » serait « un guide qui te parle » avec plus de « contenus

ludiques ou vraiment fun ».

Par ailleurs, ils aimeraient bénéficier de moteurs de recommandations capables de leur suggérer

l’offre faite pour eux, l’information qu’ils attendaient, « LE truc » (Delphine) en somme :

« Il faudrait un truc qui capte en fait toutes tes recherches, le type de recherche, le

prix, le type d’hébergement, si c’est plutôt auberge, si c’est plutôt hôtel. Si c’est hôtel,

c’est combien d’étoiles, ton budget, tes destinations un peu…est-ce que t’es plus le

nord ? Est-ce que t’es plus capitale européenne ? Est-ce que t’es plus je sais pas moi

shopping ou vacances culturelles, vacances farniente ? Ouais ce serait top. » (Delphine)

Ils apprécieraient également que l’information suggérée par les moteurs de recommandations bénéficie

d’une contextualisation spatiale :

« Faudrait […] une application qui soit capable de profiler la personne en fonction des

lieux visités et du coup de faire des propositions […] : « vous êtes à 2 km de ça, vous

avez déjà fait ça, c’est dans la même gamme de consommation, ça vous correspond »

ou alors quelque chose qui peut être, si ce n’est pas intuitif, réglé par la personne, moi

j’aime en vacances : ça, ça, ça, ça…des critères définis, et puis qu’ensuite lui il trouve

des adresses répertoriées qu’il les suggère à proximité des lieux, ça peut être sympa.

[…] Et quand on passe à côté, on peut avoir une suggestion, « là vous avez la plage de

machin, c’est très sympa », du coup on va peut-être y aller, on n’y serait pas allé

sinon ». (Fabien)

104

Delphine souhaiterait également que « quand t’es dans un lieu », tu puisses « avoir des choses qui

t’arrivent sur ce lieu […] directement sur ton téléphone ». Elle rêve d’une appli qui « détecte

automatiquement que tu es dans tel lieu [et] te dit voilà y a ça, ça, ça, ça à faire ». Ils mettent enfin en

avant l’efficacité attendue du moteur de recommandations :

«Tout de suite, dès que je me connecte, il me dise, ce soir à tel endroit, y a telle

manifestation. Pas besoin d’aller chercher ou d’avoir un texte qui déroule où tu

comprends pas forcément. » (Audrey)

Les touristes Y se montrent d’autant plus appétents à ce type de services mobiles personnalisés que

pour certains l’organisation des vacances n’est pas en soi un plaisir, comme l’explique Delphine : « je le

fais un peu par nécessité. Chercher, ça me gave aussi un peu. C’est comme faire mon voyage de A à Z ou

chercher ce qu’il y a à faire, c’est un peu un casse-tête en fait ». Le mobile serait-il donc un moyen de

réintroduire du plaisir ?

C. Mobile et plaisir : deux synonymes ?

Pour les Y, le mobile est-il synonyme de plaisir en vacances ? C’est la question que nous leur

avons posé et qui a suscité là encore des réponses très partagées. Une partie des touristes Y trouve que

le mobile lui apporte du plaisir. C’est-à-dire que pour eux, l’expérience mobile est en soi génératrice de

plaisir1. Le vocabulaire utilisé par les Y est en cela révélateur de leur rapport au mobile. Leurs discours

regorgent d’adjectifs évoquant le plaisir : « génial », « cool », « top », « fun », « super », etc. Comme on

l’a vu précédemment, le mobile est un support de distraction car il permet de réaliser des activités

ludiques ou de détente (jeu, photos, musique, lecture de presse). Le mobile donc « peut être un

instrument de plaisir par rapport à ça » (Eric).

Il y a également une forme de plaisir lié à la praticité de l’outil mobile : « si je recherche un

musée ou un resto, machin, j’tape, j’ai le truc, cool j’y vais, j’suis contente. C’est beaucoup plus

pratique » (Delphine). Fabien admet que « c’est un outil qu’[il] aime bien utiliser » parce qu’il « trouve

que c’est bien foutu, c’est sympa, c’est ludique ». Mais il y a surtout un plaisir liés aux fonctionnalités

offertes par le mobile :

1 Cf. annexe 31 « Mobile et plaisir : opinion des touristes Y à propos du plaisir apporté par le mobile »

105

« Pouvoir avoir accès à ce que tu veux, quand tu veux, où tu veux, c’est top ! Discuter

avec les gens que tu aimes peu importe, ou que tu sois, enfin j’trouve ça génial. Mais

plus que le mobile, c’est Internet d’abord. Mais c’est le fait qu’en plus t’y aies accès

tout le temps avec ton petit machin-là qui te sers de tout. » (Delphine)

Maxime trouve que « c’est toujours magique, à l’instant T où qu’on se trouve, de partager des photos ».

Pour Grégoire, c’est déjà « un plaisir » de consulter « des restos avec des belles photos… des

informations sur des beaux paysages ». Julie aime utiliser les services de médiation d’un lieu car ça lui

apporte « plus de fun ».

Mais la majorité d’entre eux n’associent pas le mobile au plaisir : « c’est pas un plaisir d’avoir un

gadget dans sa main » (Antoine). Pour eux, le mobile est avant tout un outil « purement pratique » dont

le plaisir « n’est pas la finalité en soi » (Antoine). « Le plaisir viendrait en deuxième position » (Julie). En

revanche, ils admettent que le mobile, par les fonctionnalités qu’il offre, puisse permettre d’accroitre le

plaisir éprouvé sur son lieu de vacances, lors de son expérience touristique. En tant que support de

médiation de la destination, il peut potentiellement enrichir les vacances et ce faisant, améliorer

l’expérience vécue en permettant au touriste de « passer un bon moment » (Delphine) à destination. En

cela, nous nous accorderons à dire que le mobile est globalement pour les touristes Y un vecteur de

plaisir en vacances1, comme l’explique Antoine : « en ayant beaucoup plus d’informations, tu peux

découvrir plus de choses et en découvrant plus de choses, là tu peux avoir du plaisir » (Antoine).

Aurélien aussi envisage son mobile d’abord et avant tout à travers son aspect pratique mais il reconnait

que « c’est un plaisir de l’avoir parce que ça facilite le voyage ». En aidant le touriste Y à « trouve[r] le

bon resto, le bon hôtel », le mobile « peut aider à avoir des meilleures vacances » (Delphine).

1 Cf. annexe 32 « Mobile et plaisir : opinion des touristes Y à propos du mobile comme vecteur de plaisir à

destination »

106

Conclusion

En venant approfondir et prolonger notre revue de littérature, les résultats de notre enquête

nous ont permis de comprendre les besoins des Y au cours des trois phases (avant, pendant, après) de

l’expérience touristique et l’importance qu’ils accordent aux différents usages mobiles qui y sont liés.

Ceci a été détaillé en figure 27. Dans une seconde étape, nous nous sommes attachés à sonder l’opinion

des touristes Y sur la manière dont leur mobile était créateur de valeur pour eux en termes de liberté, de

personnalisation et de plaisir. Nous avons alors pu constater des avis très partagés, à la fois entre les

individus mais aussi chez un même individu dont l’opinion s’avérait très souvent marquée d’une face

positive et d’une face négative.

En terme de liberté d’abord, nous avons démontré que les services mobiles augmentaient chez

les Y un sentiment d’autonomie éprouvé avant et pendant l’expérience touristique alors que les besoins

pratiques se font le plus sentir. Les individus interrogés ont exprimé que cette autonomie naissait

d’abord de la quantité des informations disponibles sur le mobile leur permettant de réaliser des

activités et de pratiquer des lieux qu’ils n’auraient par réaliser ou pratiquer sans la médiation du

smartphone, ensuite de la capacité du mobile à orienter ses utilisateurs en réintroduisant du repère

dans un espace-temps hors de l’ordinaire et enfin de la possibilité offerte par le mobile d’avoir une

médiation culturelle et patrimoniale d’un lieu de visite sans la nécessité de passer par une intervention

humaine.

Sur le champ de la personnalisation ensuite, nous avons montré que la génération Y n’était pas

convaincue par les performances du smartphone. On note d’abord qu’ils adoptent un usage en mode

pull (ils vont chercher l’information) plutôt qu’en mode push (l’information vient à eux), soit par

préférence, soit par méconnaissance des services mobiles fonctionnant sur le mode du push

d’informations contextualisées. Aussi soulignent-ils parfois la difficulté à faire le tri parmi la vaste

quantité d’informations qu’ils ont à disposition. Ils soupçonnent ces informations d’un manque de

fiabilité en créditant notamment les avis de consommateurs de subjectivité et de falsification.

Néanmoins, ils apprécient et utilisent énormément la recherche personnalisée via les moteurs de

recherche. L’unique service mobile contextualisé qu’ils ont conscience d’utiliser, avec plaisir d’ailleurs,

est la géolocalisation.

En ce qui concerne la notion de plaisir enfin, nous avons vu que les Y ne l’associait pas toujours

spontanément au mobile. Même s’ils en apprécient la praticité et les fonctionnalités qu’il leur apporte,

le mobile demeure assez peu utilisé à des fins purement ludiques. L’expérience du jeu est donc

relativement peu recherchée sur le mobile (d’autant moins lorsqu’il s’agit de jeu en lien avec la

107

destination) même s’il est vrai qu’il peut demeurer un support de distraction durant les temps morts. En

revanche, la dimension sociale du mobile, en permettant la communication et le partage avec sa famille

et ses pairs, est appréciée et utilisée.

Cette enquête s’est avérée être l’occasion de déceler des freins à l’appropriation des services

touristiques mobiles par les Y. La notion de liberté associée au mobile fait résonner en eux celle de

dépendance dont la conséquence serait une forme de parasitage des vacances. D’une part ils craignent

qu’une forte dépendance au mobile empêche de profiter pleinement du lieu et du moment présent et

d’autre part ils regrettent que le mobile entraîne une intrusion inévitable du quotidien dans le temps des

vacances empêchant ainsi la coupure recherchée à travers le déplacement touristique. De même, la

notion de personnalisation véhicule irrémédiablement celle de la diffusion non contrôlée des données

personnelles. Or, cette appréhension à communiquer ses données personnelles lorsqu’un risque de

diffusion incontrôlée est pressenti constitue un frein potentiel à la contextualisation. D’autant plus qu’ils

ne semblent par percevoir leur intérêt à utiliser des services touristiques mobiles contextualisés puisque

dans les faits, ils ne les utilisent que très peu, souvent par simple méconnaissance. Enfin, si l’on a pu dire

que le plaisir était en partie lié au bon fonctionnement du support mobile, l’on a constaté a contrario

chez ceux qui n’en éprouvaient pas des freins purement ergonomiques. Un chargement trop long, une

ergonomie pas assez intuitive ou l’impossibilité de télécharger des applications découragent de fait

l’utilisation des services mobiles par les touristes Y.

Nous attirons l’attention des professionnels du tourisme et des institutionnels en particulier sur

l’examen de ces freins. Nous considérons en effet que le développement de services touristiques

mobiles de valeur pour les touristes Y n’est possible qu’à condition de lever ces freins. Nous proposons

donc les préconisations suivantes :

Pour les « accros » au smartphone, il est important qu’ils puissent trouver à destination une

connexion Wifi gratuite couvrant l’ensemble de leur territoire de vacances.

Pour les moins appétents au smartphone, nous conseillons aux institutionnels du tourisme de

proposer des supports alternatifs au mobile. Nous pensons d’une part à des outils numériques

d’accueil et d’information disséminés sur le territoire. Il est important de veiller à un bon

maillage numérique du territoire afin d’en faciliter l’accès. Sur les lieux culturels ou patrimoniaux

d’autre part, nous préconisons de proposer en plus des services mobiles de médiation à

consulter depuis des terminaux mobiles personnels, des outils numériques de médiation tiers

afin d’éviter le risque d’intrusion du quotidien redouté par certains.

Pour diminuer l’appréhension à communiquer ses données personnelles, nous rappelons qu’il

est essentiel de faire preuve de pédagogie au moment de la collecte des données. Cela doit se

108

traduire par l’élaboration en amont et la communication d’une politique de protection des

données personnelles précise ainsi que par la mise en valeur du bénéfice client.

Afin de favoriser l’adoption des services touristiques mobiles, il est essentiel de communiquer

plus et mieux ainsi que de veiller au bon référencement sur les app stores (en cas d’application

mobile). On aura intérêt à utiliser l’ensemble de ses canaux traditionnels (points d’accueil,

brochures) et numériques (site Web, blog, e-mailing, page Facebook ou autres réseaux sociaux)

à disposition pour renforcer la visibilité des services mobiles. Un budget webmarketing est

également à prévoir pour communiquer sur des canaux off-site importants (publicité sur

Facebook, achat d’adwords sur Google, etc.). On pourra également envisager de nouer des

partenariats d’une part avec les acteurs traditionnels de la destination et d’autre part avec des

acteurs numériques appartenant au secteur touristique ou ayant une légitimité au regard des

pratiques numériques des Y (ex : Pages jaunes). Il ne faut pas oublier que l’utilisation des

services touristiques mobiles n’est pas encore un réflexe pour les touristes Y, donc là encore la

pédagogie est de mise dans la manière de communiquer. Il est essentiel de bien faire ressortir le

bénéfice client.

Enfin, il est important de ne pas négliger l’aspect technique du service mobile à développer. On

accordera ainsi une attention particulière à l’ergonomie et à la praticité du service mobile.

En améliorant la connaissance des besoins et des usages mobiles liés à l’expérience touristique

d’une population en particulier, la génération Y qui constitue les touristes de demain, cette étude a

vocation à aider les institutionnels du tourisme à développer des services touristiques mobiles créateurs

de valeur. Néanmoins, cette enquête à permis de comprendre quelques cas seulement et n’est pas en

cela généralisable à l’ensemble de la population Y. Il serait donc pertinent de compléter cette première

exploration par une enquête quantitative qui permettrait de confirmer nos résultats.

109

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02/02/2013 www.lemonde.fr/idees/article/2011/03/05/eduquer-au-xxie-siecle_1488298_3232.html

Blog de Jean Pralong

02/02/2013 www.nouvelles-carrieres.fr

Blog de Louis Chauvel

02/02/2013 www.louischauvel.org

114

Table des figures

Figure 1 : L’espace-temps du tourisme et des loisirs………………………..…………………………….………………………11

Figure 2 : Les séquences de l’expérience touristique globale.………..…………………………….……………………..…16

Figure 3 : Chaîne de valeur technique du mobile.………………………..…………………………….………………………….22

Figure 4 : Capture d’écran de l’application Narbonne Tour.………………………..…………………………………………25

Figure 5 : Capture d’écran du site mobile de l’office de tourisme de Montpellier………….………………………25

Figure 6 : Capture d’écran de l’application Very Last Room ………..…………………………….………………………..…26

Figure 7 : Captures d’écran de l’application « Jumièges 3D »…………..…………………………….………………………27

Figure 8 : Capture de l’application iRhône-Alpes……………………………..…………………………….………………………28

Figure 9 : Capture d’écran de l’application de La Rochelle…..…………..…………………………….………………………29

Figure 10 : Capture d’écran de l’application « Portées disparues ».………….……………………………………………33

Figure 11 : Capture d’écran de l’application Jet Lag Génie……………..………………………………………………………36

Figure 12 : Capture d’écran du système de recommandations contextualisées de Noguera et al…..………37

Figure 13 : Capture d’écran de l’application Zevisit………………………..………………………………………………………38

Figure 14 : Capture d’écran de l’application Word Lens…….…………..………………………………………………………39

Figure 15 : Aire de recommandations permise par le système mobile de recommandations

contextualisées de Noguera et al.……………………………………………………………………………………….…………………40

Figure 16 : Capture d’écran de l’application Field Trip …………………..………………………………………………………40

Figure 17 : Capture d’écran du service par SMS d’information sur la circulation de la ville de Nantes……42

Figure 18 : Captures d’écran de l’application “Where Are You Now ?”………..…………………………………………43

Figure 19 : Taux d’équipement en smartphone en fonction de l’âge (en %)…………………………..………………47

Figure 20 : Les différents usages du mobile en fonction de l’âge…...………………………………………………………48

Figure 21 : Grille de planification des entretiens………….………………..………………………………………………………66

Figure 22 : Guide d’entretien………………………….……………………………..………………………………………………………67

Figure 23 : Catégories utilisées pour le codage des entretiens………..…………………..…………………………………68

Figure 24 : Exemple de tri à plat……………………………………………..……..………………………………………………………69

115

Figure 25 : Exemple de tri croisé….………………………………………………..………………………………………………………70

Figure 26 : Exemple de requête……………………………………………………..………………………………………………………70

Figure 27 : Intensité des usages mobiles par les touristes Y pendant les différentes phases de

l’expérience touristique...................................................................................................................…………76