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I~VA R. SZILAGYI LES SOURCES MEDIEVALES DE L'OBERON DE WIELAND Les biographes de Wieland ne se sont, autant que je sache, jamais occup6s s6rieusement des sources auxquelles le po&e allemand a emprunt6 le sujet de son Oberon. Soucieux surtout de mettre en relief le g6nie propre de Wieland, ils se sont conten- t6s d'indiquer deux ouvrages qui avaient dfi lui servir de modble, se hgtant d'ajouter, comme Friedrich Sengle, par exemple, qu'Oberon &ait bien plut6t une << Originaldichtung>~ qu'une << Obersetzung >>.1 Du c6t6 fran~ais, Albert Fuchs d6clare :<< Avec une habilet6 consomm6e Wieland cr6e l'unit6 d'int6r~t de son oeuvre, fond en un ensemble organique ce qu'il a pris en Angle- terre et en France. >)2 Je ne crois pas qu'on fasse tort au g6nie po6tique de Wieland en insistant sur la question de ses sources, et en essayant de voir de plus pr6s, cette fois-ci, non pas les ap- ports du grand porte qu'il fut indubitablement, mais la mati~re premiere dont il tira son Oberon, ce petit chef-d'oeuvre de la po6sie rococo. Une 6tude de ses sources offre en l'occurrence le tr~s grand avantage de nous conduire dans un v6ritable << no man's land >>, le domaine de l'h6ritage du moyen ftge au XVIII e si~cle. En effet, les m6di6vistes n'ont jamais 61argi le champ de leurs investigations jusqu'~ y englober une 6poque aussi tardive, quant aux sp6cialistes du dix-huiti6me, ils sont ~t tel point occu- p6s ~t inventorier le patrimoine antique, qu'ils ne se posent pas de questions h propos de la pr6sence du moyen age dans leur 1 Friedrich Sengle, Wieland, Stuttgart 1949, p. 364. 2 Albert Fuchs, Les apports franfais clans lYeuvre de Wieland de 1772 fl 1789. Paris, 1934, p. 135.

Les sources medievales deL'Oberon de Wieland

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I~VA R. SZILAGYI

LES SOURCES MEDIEVALES DE L ' O B E R O N DE WIELAND

Les biographes de Wieland ne se sont, autant que je sache, jamais occup6s s6rieusement des sources auxquelles le po&e allemand a emprunt6 le sujet de son Oberon. Soucieux surtout de mettre en relief le g6nie propre de Wieland, ils se sont conten- t6s d'indiquer deux ouvrages qui avaient dfi lui servir de modble, se hgtant d'ajouter, comme Friedrich Sengle, par exemple, qu'Oberon &ait bien plut6t une << Originaldichtung>~ qu'une << Obersetzung >>.1 Du c6t6 fran~ais, Albert Fuchs d6clare :<< Avec une habilet6 consomm6e Wieland cr6e l'unit6 d'int6r~t de son oeuvre, fond en un ensemble organique ce qu'il a pris en Angle- terre et en France. >)2 Je ne crois pas qu'on fasse tort au g6nie po6tique de Wieland en insistant sur la question de ses sources, et en essayant de voir de plus pr6s, cette fois-ci, non pas les ap- ports du grand porte qu'il fut indubitablement, mais la mati~re premiere dont il tira son Oberon, ce petit chef-d'oeuvre de la po6sie rococo. Une 6tude de ses sources offre en l 'occurrence le tr~s grand avantage de nous conduire dans un v6ritable << no man's land >>, le domaine de l'h6ritage du moyen ftge au XVIII e si~cle. En effet, les m6di6vistes n 'ont jamais 61argi le champ de leurs investigations jusqu'~ y englober une 6poque aussi tardive, quant aux sp6cialistes du dix-huiti6me, ils sont ~t tel point occu- p6s ~t inventorier le patrimoine antique, qu'ils ne se posent pas de questions h propos de la pr6sence du moyen age dans leur

1 Friedrich Sengle, Wieland, Stuttgart 1949, p. 364. 2 Albert Fuchs, Les apports franfais clans lYeuvre de Wieland de 1772

fl 1789. Paris, 1934, p. 135.

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si~cle. Le terme m~diOval appara~t, il est vrai, sporadiquement, dans les 6tudes consacr6es/~ cette 6poque du tournant du si~cle des Lumibres, notamment quand il s 'agit du roman dit gothique.

Ainsi M. Jacques Mounier affirme que le public ~ se passion- nait pour les h6ros des 6pop6es et des sagas nordiques ou pour ceux des temps d6j~t lointains de la chevalerie et qu'il 6tait attir6 par les ruines, les tombeaux et les myst6rieux chateaux m6di6vaux hant~s par des ~tres inqui6tants et impalpables ~.~ Or, la v6rit6 est que dans aucun des innombrables chateaux des romans de Chr6tien de Troyes et des autres romanciers frangais ou alle- mands - et jusqu'aux plus m6diocres - il n 'est question d'~tres myst6rieux ou impalpables - ou du moins il faudrait d ' abord s'entendre sur le sens du terme myst6rieux au moyen age et au XVII I ~ si~cle - et surtout, aucun auteur du moyen age n 'aurai t eu l'id6e d 'accumuler les horreurs gratuites dont les 6crivains sp6cialis6s en ce genre ont abreuv6 leurs lecteurs dans les ro- mans gothiques.

Le vrai moyen age est donc pratiquement inconnu h cette 6poque. Son 6clipse totale est le r~sultat d 'un long processus - diff6rent en ce qui conceme son caract~re dans les pays d 'Europe occidentale - dont les raisons n 'ont jusqu'h ce jour pas 6t6 suffisamment 6tudi6es. Sa r6apparition qui se pr6pare d~s le milieu du XVII I ~ si~cle se d6roulera, elle aussi, conform6ment aux lois intrinsbques des diverses litt6rature. Ce qui est en tout cas bizarre, c'est que le moyen age sera red6couvert plus vite en Allemagne qu'en France, alors que c'est la France qui re- vendique la gloire d 'avoir donn6 naissance ~t la litt6rature mS- di6vale. (Voici en passant quelques dates de cette red6couverte au XVII I ~ si~cle dans l 'aire linguistique allemande: en 1753 parai t

Zurich un pobme de Bodmer sur Perceval, fait qui ne manque pas d'int6r~t du point de vue de Wieland qui a v~cu de 1752 ~t 1754 dans la maison m~me du patriarche suisse; Lessing lui aussi s 'occupe de la 16gende du Graal, comme en t6moigne une

a j. Mounier, La r6alit6 raise en question, Cahiers d'Histoire L#t~raire ComparOe, no. 3 (1978), p. 123.

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de ses lettres dat6e de 1774, et Herder consacre 6galement quelques remarques ~t la litt6rature arthurienne. Le tournant d6cisifne' surviendra, bien entendu, qu'en 1820, moment of a Lachmann publie son~ Auswahl aus den hochdeutschen Dichtern des 17. Jahrhunderts)). En France, rien de tel. Les hommes de lettres semblent ignorer la litt6rature m6di6vale.

Et pourtant la principale source d'Oberon est constitu6e par un po~me frangais du moyen age, l'histoire de Huon de Bor- deaux, chevalier frangais qui, prot6g6 par Oberon, le roi des f6es, r6ussit h mener h bien les t~ches extraordinaires qui lui ont 6t6 impos6es par Charlemagne en guise de punition pour le meurtre, involontaire d'ailleurs, du ills de l'empereur. 4 L'ou- vragecompte 10 533 vers en majeure partie d6casyllabiques, il remonte au premier quart du XIII ~ si~cle et l 'auteur est anonyme. Tout ce qu 'on peut affirmer avec certitude sinon sur le compte de l'auteur, du moins sur celui qui nous a 16gu6 le po~me sous la forme qu'on lui connalt, c'est qu'il 6tait jongleur et qu'il r6citait l'histoire devant un public populaire; c'est ce dont t6moignent les fr6quents rappels au silence, l 'invitation adress6e/~ l'auditoire de revenir le lendemain pour entendre la suite, et, non en dernier lieu, celle, de se montrer g6n6reux en ce qui concerne la r6mu- n6ration.

C'est donc la source frangaise que Wieland a utilis6e para- doxalement sans la connaltre. Car, ~t la fin du XVIIV si~cle, on le salt, aucun manuscrit du moyen age n'avait encore 6t6 publi6 en France. - En ce qui concerne la source anglaise ~ laquelle Wieland a emprunt6 l'histoire de Gangolfet de Rosette interpol6e dans le r6cit principal, son identification a 6t6 dgalement faite, mais elle pose certains probl~mes. Cette histoire qui reste en- ti~rement dans le sillage des fabliaux et que l'6cuyer de Huon raconte non sans intention didactique, 6mane, h en croire Wieland d 'un almanach (~ Ihm hatt'es einst ein Kalender zu

Huon de Bordeaux, 6dit6 par PierreRuelle. Universit61ibre de Bruxel- les, Travavx de la Facult6 de Philosophie et Lettres, T. XX. Bruxelles, 1960.

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Bassa erz/ihlt))). Ce ~< Kalender )) est en r6alit6 un des Canterbury Tales de Chaucer, le Merchant's Tale - que Wieland ne devait du reste pas non plus connaitre sous sa forme originale. Son modble fut sans aucun doute le r6cit que Pope en fit sous le titre de Januarius and May. Jusqu'ici tout est parfaitement clair. Les probl~mes se pr6sentent ~t propos de l'intervention d'Ob6ron dans cette histoire. En effet, chez Chaucer tout comme chez Pope, l'histoire du vieux mari et de la trop jeune femme qui le trompe d'une fa~on passablement astucieuse avec un jeune galant, a pour cadre une querelle entre Pluton et Proserpine sur la vertu des femmes. C'est Wieland qui template le couple de la mytho- logic antique par Ob6ron et son 6pouse Titania. On pourrait 6videmment dire que c'est lh une id6e du po&e allemand qui vise ~t rattacher cette interpolation au protagoniste f6erique du ro- man. Mais voil~t que toutes les eneyclop6dies fran~aises et alle- mandes, Larousse, Brockhaus, Kindler, et d'autres encore pr6- cisent h propos d 'Ob&on qu'il apparait pour la premiere fois darts la litt6rature anglaise chez Chaucer, puis chez Pope et ensuite chez Shakespeare. Or, nous avons vu que Chaucer, pour introduire un 616ment fabuleux dans le r6cit, se sert de figures de la mythologie antique, et ne mentionne m~me pas le nom d'Ob6ron. En essayant de retrouver ~ la source de cette erreur, je suis tomb6e sur deux notes r6v61atrices, l 'une dans l'6dition cri- tique des oeuvres de Chaucer 5, l'autre dans une 6dition des oeuvres compl&es de Pope. 6 La premibre dit textuellement ceci: ~ In his Introductory Discourse Tyrwhitt remarks: The ma- chinery of the Fairies,~which Chaucer has used so happily, was probably added by himself, and indeed I cannot help thinking that his Pluto and Proserpine were the true progenitors of Obe- ron and T i t a n i a . . . )~7 La seconde remarque, sign6e par Bowles, vient renforcer la premiere: ~ The mixture of classical and gothic imagery, such as Chaucer uses, in making Pluto and Proserpine

5 Complete Works of Geoffrey Chaucer. London, 1934, p. 364. 6 Complete Works of Alexander Pope. London 1871. 7 ibid., vol. 1., p. 110.

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instead of spirits like Oberon and Titania, the king and queen of the ~ yellow-skirted fays ~) is very common in our early poets, who derived the combination from old romances, and Ovid)). Le nom d'Ob6ron ne figure donc ni chez Chaucer ni chez Pope, et seuls des commentateurs tardifs ont fait le rapprochement entre la figure de Pluton et celle d'Ob6ron. L'identification dans le pobme de Wieland s'explique ~ la rigueur par la volont6 souveraine du porte, mais qu'est-ce qui explique l 'erreur des en- cyclop6dies 9.

Le myst~re - litt6raire - qui se rattache ~ la figure d'Ob6ron est loin d'&re r6solu. On sait que le nom d6rive r6guli~rement de l'allemand Alberich, mais on ne connait absolument pas le chemin qui conduit du sombre nain de la mythologie germanique au roi des f6es de A Midsummer Night's Dream. I1 apparaR bien sous le nom d'Elberich dans Ortnit, un po~me du genre des Spielmannsgediehte, remontant au XIII e si~cle, et on admet g6n6- ralement 8 que l 'auteur de ce po~me a emprunt6 la figure/~ Huon de Bordeaux. Je dois avouer que la comparaison des deux tex- tes ne m'a pas persuad6e du bien fond6 de cette hypoth~se con- cernant la filiation. Elberich qui, par ailleurs, se r6vble ~tre le pbre d'Ortnit, apparaR bien plut6t comme une premiere 6bauche, plus fruste, du personnage du roi de f6es, de sorte qu 'on peut facilement s'imaginer que c'est en amplifiant cette image qu'un autre conteur a cr66 l 'Ob6ron du roman frangais. En r~gle g6n6rale cependant, il est admis qu'aucun po&e franqais du XIP et du XIII ~ si~cle ne s'est inspir6 d'ceuvres de langue alle- mande. I1 me semble pourl~ant difficile d'accepter qu'un person- nage aussi caract6ristique de la mythologie et du folklore alle- mand (et seulement de ceux-ci), un nain d'aspect repoussant et d 'un caract~re chtonien (les nains sont toujours li6s aux tr6sors des entrailtes de la terre, et Alberich l'est en particulier ~t For du Rhin) soit apparu pour la premi6re fois darts la litt6rature europ6enne dans un po~me fran~ais du XIII ~ si~cle. Le probl~me fera sans doute encore l'objet d'investigations plus pouss6es.

8 Sur l'6tat de la question voir: P. Ruelle, op. eit., p. 68 et suiv.

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Quoi qu'il en soit, l 'auteur du pobme m6difval frangais nous pr6sente un Ob6ron assez extraordinaire. Fils de Jules C6sar et de la f6e Morgaine, sceur du roi Arthus, Ob6ron est victime de la malveillance d'une des s0eurs de sa m~re qui (pensons ~t la Belle au Bois Dormant) lots de sa naissance, lui a jet6 un sort: au del~ de sa troisi~me ann6e il ne grandira plus. La f6e toutefois amende sa mal6diction et lui fait aussi un don: << Que jou serai li plus biaus horn carn6s qui oncqes fust en apr~s Damed6>~ (vers 1528). Wieland n 'a pas tenu compte de ces donn6es biographiques, mais son Oberon est 6galement d'une beaut6 telle que le chevalier Huon est v6ritablement fascin6 par sa vue. Si pour l 'Ob6ron m6di6val on insiste sur le fait qu'il est bon chr6tien et qu'il aura sa place au paradis, Wieland de son c6t6 lui confbre une qualit6 qui est bien plus 61oquente aux yeux du si~cle: Voilh en effet ce qu'Oberon dit de lui-m~me: << Wet das Licht nicht scheuen daft, der ist mit mir verbriidert. )~ (Chant II, vers 39). (On ne peut s'empScher de penser ici ~t l ' importance de la Lumi6re par exemple dans la Flfite enchant6e, et ~ ses rapports avecla ffanc-magonnerie.)

I1 est temps toutefois de serrer de plus pros la question cruciale de la source de Wieland qui, pour les raisons connues, ne pou- vait ~tre aucun po~me m6di6val. Wieland s'est servi pour son Oberon, du roman en prose intitul6 Huon de Bordeaux du comte de Tressan, personnage trbs injustement n6glig6 par les historiens de la litt6rature. I1 n'existe/t ma connaissance qu'une th~se qui lui est consacr6e, celle de H. Jacoubet (<< Le comte de Tressan et les origines du romantisme)), pr6sent6e en 1923 et publi6e en 1930. Quant aux manuels d'histoire de la litt6rature, on y cherchera vraiement le nora de Tressan. La seule source d6taill6e pour ce qui est de sa personne et de ses ouvrages, h la- quelle j 'aie eu acc~s, est la biographie 61ogieuse offerte par une 6dition posthume des ouvrages du comte, qui date de 1786. Etant donn6 qu'il s'agit d 'un auteur peu connu, il semble utile d'en r6sumer bri~vement l'essentiel. N6 en 1705, Louis-Elisabeth de la Vergne, comte de Tressan, rut gouverneur de Lorraine, servit avec une fid61it6 exemplaire le roi Stanislas, oeuvra assi-

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dfiment /t la fondation de l'acad6mie lorraine, r&tigea entre autres un traits sur l'61ectricit6 qui lui valut d'etre 61u membre de l'Acad6mie Fran~aise et entretint pendant toute sa vie des rap- ports amicaux avec les esprits 6clair6s de son 6poque (Voltaire, Fontenelle). Retir6 'vers la fin de sa vie dans ses terres, il se con- sacra h une activit6 litt6raire plut6t insolite h cette 6poque. Dans sa jeunesse il avait, en effet, d6couvert dans la biblioth~que du Vatican des romans de chevalerie et il s'6tait pris d 'un gofit pour eux - , nous dit son 6diteur. Aussi /orsque le marquis de Paul- ney l'invite ~t collaborer/t la Biblioth6que des Romans, Tressan s'empresse de donner suite h cette demande. C'est ainsi qu'il r6crivit dans la langue de son 6poque toute une s6rie de romans qui existaient d6j~t dans la fameuse Biblioth~que Bleue, comrne Tristant de Leonnois, Flore et Blanchefleur, Le Petit Jehan de Saintrd, Orlando Furioso, etc., et notamrnent Huon de Bor- deaux. 9 Chacun de ces romans est pr6c6d6 d'une petite introduc- tion dont le principal int6r6t r6side dans l 'amas d'erreurs sur le compte de la litt6rature m6di6vale qui pr6valent /~ l'6poque. En voici une preuve. Tressan affirrne /~ propos du roman de Huon: << Nous ne connaissons aucun manuscrit de Huon de Bordeaux, ce qui nous persuade que sa composition n'est pas ant6rieure h l 'invention de l'imprimerie. La plus ancienne 6di- tion date de 1516.>> Or, nous le savons, le po~me remonte au XIII e si~cle, et il en existait une version en prose d& 1454. (Une autre pr6cision concernant Tristan n'est pas moins r6%latrice quant ~t l 'ignorance totale de la litt6rature m6di6vale. Tressan affirme, en effet, que le roman de Tristan rut d 'abord 6crit en latin et c'est du latin qu'on le traduisit en fran~ais.)

L'int6rat pr6sent6 par les textes m~mes des romans, est d 'un autre ordre. Tressan, on s'en doute, n'est pas un 6crivain de talent. Son optique n'est pas celle de la grande personnalit6 lit- tdraire, c'est l 'optique du lecteur de l'~poque. Ses ouvrages, comme c'est g6n6ralement le cas pour les auteurs m6diocres - rett&ent beaucoup plus fid~lement le niveau intellectuel du

9 Corps d'extrait de Romans de Che~alerie. Paris 1788.

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public de son temps que les chefs-d'0euvre du si6cle. En ce qui concerne sa mani~re de traiter la mati6re dont il disposait (et qui 6tait constitu6e par telle ou telle 6dition des romans m6di6- vaux), il est int6ressant de citer encore une lois l 'opinion de son 6diteur. ~ I1 (Tressan) crut qu 'un chevalier de notre temps ne devait pas parler &amour comme une femme tendre et sensible, il substitua une gait6 piquante mais modeste, des images volup- tueuses mais toujours envelopp6es du voile de la d6cence, une libert6 qui anime, qui s6duit sans alarmer la pudeur, h cette douce sensibilit6, ~t cette d61icatesse,/t cette purer6 des sentiments qui caract6risent les ouvrages de Madame de La Fayette. Tous deux semblent avoir conserv6 le caract~re de leur sexe dans leur mani~re de peindre l 'amour. >> Abstraction faite de la courtoisie 16g~rement exag6r6e avec laquelle l 'auteur fait l'61oge du texte de Tressan dans lequel - inutile de le dire - on cherche en vain la ~ gaR6 piquante ~) ou les ~ images voluptueuses ~), il est int6ressant de relever ici le nora de Mine de La Fayette. L' in- congruit6 de la comparaison est r6v61atrice: elle indique que le seul aspect qui, de l 'avis de l'6diteur, int6resse le public de l '6poque, est le probl6me de l 'amour, et l 'absence d 'ouvrages du genre que pratique M. de Tressan, oblige son commentateur remonter une bonne centaine d 'arn6es en arri6re pour trouver un auteur de roman d ' amour qui soit certainement connu du public. 1~ - I1 y aurait bien d 'autres choses g dire sur la fa~on dont Tressan traite ses sujets, mais en l 'occurence cela nous m~- nerait t rop loin de notre propos. L'essentiel est qu'il 6crit pour raconter des faits et des sentiments situ6s dans un pass6 fabuleux et qu'il a visiblement beaucoup de plaisir ~t raconter tout en b rodan t sur ses sujets. Arriv6 ~ ce point on se heurte toutefois

une difficult6 qu'il est impossible de passer sous silence. Pour pouvoir d&erminer avec exactitude la part de Tressan dans ses

lo Mes coll6gues franqais ont eu l'amabilit6 de me signaler que le comte de Tressan sortait de la famille m~me de Mine de Lafayette, cir- constance qui explique peut-~tre l'invocation de cette derni6re. L'6diteur de Tressan en tout eas n'en parle pas.

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romans , il f audra i t pouvo i r conf ron te r ces derniers avec leurs modules imm6dia ts et ceux-ci avec les versions pr6c6dentes tel- les qu 'el les s '6chelonnent /t t ravers les si~cles /l pa r t i r de la naissance des bibl ioth~ques popula i res . Rien que Huon de Bor-

deaux a connu entre 1454 et 1859 23 r66ditions, sans c o m p t e r la vers ion de Tressan, et il en va de m~me p o u r les aut res r o m a n s de chevaler ie qu ' i l a r6crits. C 'es t ainsi qu ' i l serai t fo r t int6res- sant p a r exemple de savoi r si c 'es t lui qui a eu l ' id6e de combine r Ob6ron avec la Table R o n d e 11 ou si d ' au t r e s l ' ava ien t eue avant lui, et si oui, /~ quelle 6poque la con tamina t ion -confus ion est survenue. Jamais , en effet, dans aucune oeuvre du moyen age la Table R o n d e du roi Ar thus n ' a compt6 le beau na in p a r m i ses membres , et aucun des cheval iers de la cour d ' A r t h u s ne l ' a rencontr6 au cours de ses aventures . (Le p rob l6me n ' in t6resse pas de pr6s l ' O b e r o n de Wie l and qui n ' a pas tenu compte du m o t i f de la Table Ronde . ) L a m~me quest ion conce rnan t le m o m e n t du changement dans le texte se pose , entre autres , /t p r o p o s d ' u n au t re passage o/1 je crois toutefois reconnaRre l ' influence des Lumi6res. H u o n et ses hommes 6chou6s dans une cit6 sarras ine se t rouven t aux prises avec les musu lmans qu ' i ls f inissent p a r soumet t re /~ l ' a ide d 'Ob6ron . Le ro i f6e fai t ex te rminer t o u s l e s patens , ~ l ' excep t ion de ceux qui acceptent de se faire bapt iser .

~ Auberon a fait un ban crier Qui Dieu veut croire qu'il n'i aura nul real, Quant li paen ont le ban 6cout6 Plus de cinq cens s'en sont en fons lev& ~r

n (~ Huon et G6rasme avaient 6t6 trop bien 61ev6s pour ne pas poss6der fond l'histoire de tousles chevaliers de la Table Ronde, qui servaient

encore alors de modSle aux Chevaliers Frangois. Ils rcconnurent facile- merit le charmant roi de f6erie Ob6ron, et se rappelSrent tout l'esprit que Tronc le Nain avait conserv6 dans le terns de ses infortunes. Ils os~rent mSme en rappeler quelques traits h l'aimable Ob6ron; I1 en rit en leur disant qu'il reconnaissait biert en eux les Chevaliers des bords de la Ga- ronne qui ne pouvaient s'emp6cher de gaber, m6me jusqu'~t leurs meilleurs amis. ~)

13 Vers 4543 et suiv.

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Pour l 'auteur m6di6val ceci est tout h fait dans l 'ordre des choses, le contraire lui paraitrait scandaleux. N'6tait-ce pas l~t la m6thode que Charlemagne avait suivie en soumettant les Saxons ? La chose est moins acceptable pour le si~cle de Voltaire. Tressan reproduit l'6v6nement avec le commentaire suivant: << Ces z616s pr6dicateurs (les barons chr6tiens) ne leur donn6rent selon l'usage de ce tems que l'alternative entre le tranchant d 'une hache et le bapt~me >>. - Wieland qui omet la bataille en question, reprend pour son compte cette ironic dans une sc~ne qui met aux prises Huon avec un guerrier sarrasin. Ce dernier

<~ stampft und tobt und 1/istert ffirchterlich. Herr Huon dem es graut ihm I/inger zuzuh/Sren, Zieht sein geweihtes Schwert, den Heiden -- zu bekehren. ~>

(strophe 28)

En attendant d'&re en mesure de distinguer la part qui est celledeTressandans ces romans dela fin du XVIII e si~cle, des transformations qui viennent des si~cles ant6rieures, force nous est de consid6rer Tressan, pars pro toto, comme repr6sentant le stade interm6diaire entre le po~me m6di6val et l 'Oberon de Wieland. Cette hypoth6se de travail une fois adopt6e, je vou- drais pr6senter trois 6chantillons de texte susceptibles d'iltustrer le traitement que ce dernier a subi entre 1220 env. et 1780.

Huon de Bordeaux a re~u de son protecteur un cot magique h l'aide duquel il peut obliger tous ses ennemis h danser et chanter. Ayant r6ussi h s'introduire ~t la cour de l'6mir de Ba- bylone, il recourt ~t son instrument magique. Voici la description succinte de cette sc~ne dans le po~me du XIII e si~cle:

<, Ceux qui servaient du vin et du clar6, Au son del cor commencent h canter Et 1 amiraux comen~a ~t baler ,.13

La description de la m~me sc~ne chez Tressan nous fait pen- ser ~t certaines r6unions mondaines de l 'Ancien R6gime: << La favorite du sultan s'empare d 'un jeune fanton qui battait des

13 Vers 5616 et suiv.

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entrechats ~ deux pieds de hauteur; mais bient6t les longs ha- bits de tous deux se croisent et ils t o m b e n t . . , le Soudan qui les apergoit en cette position en est jaloux; il bat deux ~ jetez en avant)r pour se pr6cipiter sur le f a n t o n . . . )). Wieland a visible- ment beaucoup gofit6 ce tableau et s 'empresse de le reprendre. Trois strophes enti6res du V e chant son consacr6es h cette folie de la danse, et la favorite n 'est pas oubli6e:

(~ Emirn und Sklaven stfirzen zappelnd neben G6ttinnen des Serails, so wie's dem Zufall deucht, Als ob ein Wirbelwind sie hingeschiittelt h~tte, So dass zugleich auf einem Ruhebette Der Stallknecht utld die Favoritin keucht. ~)

Si on y ajoute que son sultan, au lieu d'Etre en proie ~t la ja- lousie, s 'empare de son grand vizir et l 'oblige ~t faire des ~ Bock- sprtinge ~), on voit fort bien que la note grivoise du module frangais se transforme ici en une note franchement grotesque qui, avouons-le, n 'est pas exempte de quelque lourdeur.

Mon deuxi~me exemple se situe au cceur m~me de l'histoire. Huon est tomb6 dans la captivit6 du khalife ~ q u i i l avait dfi r6clamer sur l 'ordre de Charlemagne trois dents et une poign6e de barbe. Toujours selon la t~che qui lui est impos6e, il avait dfi embrasser la fille de ce m~me khalife. Ce d6tail important se trouve bien entendu d6jh dans le po~me m6di6val dont l 'auteur pr6cise que la jeune Esclarmonde se p~me sous les baisers du chevalier. Aussi ira-t-elle trouver Huon dans son cachot pour s'offrir ~t lui. Elle essuie un refus cat6gorique: ~ Sarrasine ~tes, je ne puis vous aimer. ~) Trois jours plus tard, elle revient ~ la charge, non sans avoir pr6alablement ordonn6 qu 'on prive le prisonnier de nourriture. Huon, devenu nettement plus mall6- able h la suite du je6ne, lui promet de l 'emmener en France et de l '6pouser si jamais il r~ussit ~t s'enfuir. Et Esclarmonde de lui r~pondre: ~ Pour votre amour croirai en Damed6, ~d 4

Chez Tressan aussi le baiser a 6veill6 des sentiments tendres dans le coeur d 'Eselarmonde, et Huon, de son c6t6, n 'est pas

u Vers 5935.

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rest6 insensible ~t ses charmes, mais - nous dit le conte -- ~t le tr~s religieux auteur de ce roman a grand soin de rappeler ici qu 'Esc la rmonde 6tait Sarrasine, et nous apprendre que les plus vifs t ransports de l ' amour ne purent faire oublier h son aman t qu'elle n '6tai t pas encore baptis6e >>. Et H u o n profite du temps de sa captivit6 pour instruire la charmante paienne. ~ Qu' i l est facile de croire un aman t aim6. Esclarmonde crut bient6t les grandes v6rit6s et d6sira le bapt~me. >>1~ On croit voir le sourire gentiment moqueur de M. de Tressan, et c 'est comme si, avec ce passage, Wieland lui avait 6galement emprunt6 son sourire. Car, malgr6 le changement consid6rable que le po&e allemand a d6sir6 apporter ~t cette partie de l 'histoire (on sait que chez lui H u o n et la jeune Sarrasine sont pr6venus d~s avant leur rencon- tre par des raves pr6monitoires, qu'ils 6taient destin6s l 'un h l 'autre), il n ' a pas eu le c~eur de laisser tomber ce joli motif. Sur le bateau qui emporte les amants vers la France:

~ Zum Glfick erinnert sich Herr Huon seiner Pflicht Nach ritterlichem Brauch sich mit dem Unterricht Der Sultanstochter zu befassen, Denn ach! das arme Kind lag noch im Heidentum Und glaubt an Mahomed, nnwissend zwar warum, r)

Mais Wieland rench6rit, en introduisant un d6tail - si l ' on veut, r6aliste. En effet, le chevalier est loin d 'etre pass6 maitre dans les enseignements de l'Eglise.

~ Der Ritter, sie yon dieser Pest zu heilen, Eilt was er kann (die Liebe hiess ihn eilen) Sein bischen Christentum der Holden mitzuteilen; An Eifer gab er keinem M/irt'rer naeh, Er war an Glauben stark, wiewohl an Kenntnis schwach, Und die Theologie war keineswegs sein Fach. Sein Pater und sein Credo, ohne Glossen, In diesen Kreis war all sein Wissen eingeschlossen. ~)

I1 me semble que la recherche des sources m6di6vales de l 'Oberon de Wieland qui - du fait de l '6volution des lettres

15 Tressan, (Euvres completes, T. VII.

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europ6ennes - au lieu de nous conduire directement aux sour- ces, nous a amen6s h d6couvrir des 6tapes interm6diaires, ouvre des perspectives nouvelles darts un domaine passablement n~glig6 des recherches. I1 n 'est bien entendu pas question de remettre en honneur le moyen fige dans l'histoire litt6raire du XVI I I e si6cle par l 'interm~diaire du seul comte de Tressan. L'int6- r~t que ce dernier m6rite, r6side non pas darts son talent, mais bien dans le genre qu'il pratiquait et qui semble avoir r6pondu ~t un besoin r6el. On dira aujourd'hui qu'il a fait de la T r i v i a l l i t e r a -

t u r - genre plus ou moins ignore, jusqu'~tpr6sent du moins, des histoires de la litt6rature, et qui se venge en mettant de son c6t6 un public bien plus nombreux que telle oeuvre ~ laquelle les sp6cialistes ont consacr6 des volumes entiers. Selon un mot de l 'Abb6 Huet, auteur du XVII e si$cle dont se r6clame abondam- ment le comte de Tressan dans son trait6 sur l 'origine des romans, les romans sont destin6s ~t servir d 'amusement ~ aux honnestes paresseux ~>.1~ ~ L 'homme - est-il dit plus loin - est naturelle- ment ennemi des enseignements et son amour propre se r6volte contre les instructions. Aussi faut-il le t romper par l 'appas du plaisir et adoucir la s6v6rit6 des pr6ceptes par l 'agr6ment des exemples et corriger ses ddfauts en les condamnant dans un autre. >>17 Le comte de Tressan s'est visiblement propos6 de mettre en pratique les pr6ceptes de l 'Abb6 Huet. I1 6crit pour divertir et pour ~ corriger les moeurs >~, et h l 'usage d 'un public certainement nombreux qui se laisse t romper par (~ l 'appas du plaisir~>, et qui a davantage besoin de s'~chapper, gr~tce h des nourritures offertes ~t son imagination, h l'6troitesse de son exis- tence quotidienne, que de m6diter sur des id6es philosophiques. I1 serait int6resSant de retracer la voie qui conduit des romans du moyen fige, oeuvres repr6sentant h la lois la haute litt6rature et la T r i v i a l l i t e r a t u r par le fait que le ~( sens ~ (dans l 'acception

: 1~ Pierre Daniel Huet, Trait6 de l'origine des Romans. Faksimiledrucke nach der Erstausgabe yon 1670 und der Happelschen Obersetzung yon 1782. Stuttgart, 1966. p. 4.

17 ibid., p. 5.

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m6di6vale du terme), autrement dit la pens6e, le message adress6 l'esprit et la mati~re assurant la distraction y forment une

unit6 indissoluble et harmonieuse, aux romans des temps mo- dernes qui r6ussissent bien rarement, avouons-le, ~t faire la syn- th~se entre ce qui nous passionne et ce qui nous 616ve. Que s'est-il pass6 entre 1200 et 1700? Pourquoi les m~mes sujets qui au moyen age permettaient au public, qu'il ffit noble ou roturier d'acc6der ~t une connaissance plus profonde de l 'homme, sont- ils d6chus du rang de la grande litt6rature au rang de litt6rature de distraction peu estim6e par les grands esprits ? En vertu de quelles lois intrins~ques de l'6volution spirituelle la litt6rature anglaise ou allemande est-elle rest6e tellement plus ouverte au legs du moyen age que la litt6rature fran~aise? Pourquoi, d6s la naissance des romans en prose frangais, les v6ritables valeurs des po~mes narratifs m6di6vaux furent-elles occult6es, et com- ment se fait-il que l'int6r~t pour la France m6di6vale sur le plan de l'histoire, int6r~t dont on a maintes preuves, ne se soit pas, d~s le d6but, accompagn6 d 'un int6r~t pour sa po~sie - comme ce fut le cas dans d'autres pays. Voilh quelques questions - ques- tions de m6di6viste - qui, je crois, m6riteraient que les sp6cia- listes s'en occupent.

Remarques

Les sources m6di6vales de l'Oberon, th6me de la conf6rence de Mme R. Szilftgyi, soulevant une question peu trait6e, celle notamment de la pr6sence du moyen age au XVIII ~ si~cle, a suscit6 des questions relatives ~ la fonction de l'appel au moyen ftge et de la r6surgence des 616ments m6di6vaux, h la double r6flexion de la r6alit6 du moyen age dans l 'optique de l '6poque et dans la litt6rature, ~ quoi venaient s'ajouter les diff6rences entre le po~me de l 'auteur allemand et sa source frangaise, ainsi que des pr6cisions concernant la personne du comte de Tressan. Mme Nemer mentionne l'exemple de Billardon de Sauvigny

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pour qui la remont6e vers le moyen age semble correspondre h l'aspiration de se d6barrasser du persiflage, du rationalisme des- s6chant. A l'avis de Mme Nemer, le probl6me de ~ divertir et corriger les mceurs ~, avec tout ce que cela comporte comme ~ inflexion dans les significations>~ s'acquiert de l ' importance pr6cis6ment du fait de la diversification du public h u n moment off les r6f6rences culturelles ne sont plus n6cessairement con- nues ~ tous. M. Tr6nard fair remarquer que le comte de Tressan 6tait franc-magon et qu'il a pu avoir 6ventuellement des rela- tions de parent6 avec la famille de Mme de Lafayette, ce qui expliquerait que l'6diteur de Tressan air fait des rapprochements entre lui et la romancibre du XVII e sibcle.