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Les stratégies d'achats durables ont-elles résisté à la crise ? Fabienne Fel Les stratégies d'achats durables ont-elles résisté à la crise ? Fabienne FEL ESCP Europe 79 avenue de la République , 75011 Paris, France [email protected] Résumé A l'heure où les entreprises ont vu leurs ressources financières réduites par la crise, nous avons cherché à mesurer les conséquences de cette dernière sur les politiques d'achats durables, considérées comme des démarches à moyen ou long terme. Nous avons donc réalisé une recherche auprès de 310 responsables Achats ou acheteurs, qui met en évidence un impact globalement modéré de la crise, malgré des différences sectorielles importantes, liées à la sévérité plus ou moins forte de la crise selon les différents secteurs économiques. Nos résultats montrent également que la crise a eu pour effet de "séparer le bon grain de l'ivraie", en renforçant les démarches d'achats responsables des entreprises qui considéraient déjà la RSE comme un de leurs axes stratégiques, et en conduisant les autres à se recentrer sur d'autres préoccupations. Enfin, en nous appuyant sur des données secondaires récentes et des entretiens en face à face, nous mettons en évidence une inflexion des démarches d'achats durables vers des actions rentables à court terme. Mots clefs : Développement durable ; achats; crise; stratégie; rentabilité Abstract As a consequence of the financial crisis, firms have got lower resources. So, researching the impact of the crisis on sustainable purchasing strategies, we conducted a study among 310 purchasing managers and buyers. Our study highlights a global moderate impact on CSR purchasing initiatives ; however, there are some differences between economic sectors, linked to the violence of the crisis. Our results particularly highlight a strong link between CSR strategic importance and the impact of the crisis on CSR purchasing policies. Then, using secondary data and face to face interviews, the study also promotes a discussion about the increasing importance of CSR purchasing initiatives with short term payoff. Key-words: Sustainable development ; purchasing; crisis; strategy; profitability

Les stratégies d'achats durables ont-elles résisté à la …ddata.over-blog.com/xxxyyy/3/46/81/21/FabienneFEL-RIODD2011.pdf · l'importance de l'implication des services achats

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Les stratégies d'achats durables ont-elles résisté à la crise ? Fabienne Fel

Les stratégies d'achats durables ont-elles résisté à la crise ? Fabienne FEL ESCP Europe 79 avenue de la République , 75011 Paris, France [email protected] Résumé

A l'heure où les entreprises ont vu leurs ressources financières réduites par la crise, nous avons cherché à mesurer les conséquences de cette dernière sur les politiques d'achats durables, considérées comme des démarches à moyen ou long terme. Nous avons donc réalisé une recherche auprès de 310 responsables Achats ou acheteurs, qui met en évidence un impact globalement modéré de la crise, malgré des différences sectorielles importantes, liées à la sévérité plus ou moins forte de la crise selon les différents secteurs économiques. Nos résultats montrent également que la crise a eu pour effet de "séparer le bon grain de l'ivraie", en renforçant les démarches d'achats responsables des entreprises qui considéraient déjà la RSE comme un de leurs axes stratégiques, et en conduisant les autres à se recentrer sur d'autres préoccupations. Enfin, en nous appuyant sur des données secondaires récentes et des entretiens en face à face, nous mettons en évidence une inflexion des démarches d'achats durables vers des actions rentables à court terme. Mots clefs : Développement durable ; achats; crise; stratégie; rentabilité Abstract

As a consequence of the financial crisis, firms have got lower resources. So, researching the impact of the crisis on sustainable purchasing strategies, we conducted a study among 310 purchasing managers and buyers. Our study highlights a global moderate impact on CSR purchasing initiatives ; however, there are some differences between economic sectors, linked to the violence of the crisis. Our results particularly highlight a strong link between CSR strategic importance and the impact of the crisis on CSR purchasing policies. Then, using secondary data and face to face interviews, the study also promotes a discussion about the increasing importance of CSR purchasing initiatives with short term payoff. Key-words: Sustainable development ; purchasing; crisis; strategy; profitability

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1. Introduction La littérature s’accorde depuis plusieurs années à souligner le rôle essentiel des services Achats dans le déploiement des politiques globales de développement durable. Cependant, ces services sont soumis à des impératifs contradictoires, devant atteindre à court terme des objectifs de réduction des coûts d’achat, tout en visant des objectifs de développement durable qui s’inscrivent davantage dans le moyen terme, voire le long terme. L’explosion de la crise économique et financière en 2008 a par conséquent relancé les interrogations quant à l’avenir des politiques d’achats durables, dans un contexte où les préoccupations de rentabilité financière immédiate ont pris le devant de la scène. Plusieurs études parues en 2009 ont montré des résultats contradictoires, certaines affirmant que les entreprises ne modifiaient pas dans l’ensemble leurs politiques d’achats durables, alors que d’autres montraient au contraire un net recul des objectifs de développement durable au profit de préoccupations financières plus immédiates. Face à ces contradictions, et faisant l’hypothèse de l’existence de déterminants susceptibles d’expliquer les différences comportementales entre entreprises, nous avons réalisé une recherche en deux phases : la première phase, qualitative, nous a permis de cerner les principaux problèmes au travers d’entretiens réalisés en face à face avec des responsables achats engagés dans des démarches d’achats durables. La deuxième phase, quantitative, nous a permis d’obtenir début 2010 plus de 310 réponses de responsables achats, ainsi que d’acheteurs appartenant à des entreprises de toutes tailles et de tous secteurs d’activité. Les réponses des entreprises à la crise se devant d'être rapides, nous avons ensuite actualisé notre recherche à partir de données secondaires et d'interviews de plusieurs directeurs achats. Nous nous proposons donc de justifier dans une première partie bibliographique l'importance de l'implication des services achats dans les démarches RSE globales des entreprises, que nous resituerons dans une perspective économique. Nous présenterons rapidement dans la partie 3 la méthodologie de notre recherche quantitative et notre échantillon, puis détaillerons nos résultats : la partie 4 décrit la situation des achats durables avant la crise, tandis que la partie 5 s'attache à mesurer les effets de la crise. Enfin, la dernière partie, appuyée sur les actualisations évoquées ci-dessus, ouvre sur ce qui nous semble être une inflexion des achats durables vers les actions les plus rentables à court terme. 2. Achats durables et crise 2.1 L'importance des achats dans les stratégies RSE des entreprises Les stratégies d’externalisation massives de ces vingt dernières années ont conduit à redéfinir le périmètre de l’entreprise, et, par là-même, à donner aux services Achats une dimension stratégique qu’ils ne possédaient pas par le passé : en externalisant les fonctions, les entreprises ont également externalisé les risques qui continuent néanmoins de peser sur elles, et dont la maîtrise passe par le déploiement d’une politique d’achats durables. Suivant les secteurs d'activité, la part des produits achetés dans le total des charges des entreprises varie d'une échelle allant de 10 à 40% dans les services (hors distribution), à une échelle se situant entre 50 et 80% dans les entreprises industrielles (Van Weele, 2010) : le poids des produits et services achetés dans le chiffre d'affaires global des entreprises justifie la nécessité où celles-ci se trouvent actuellement de maîtriser leurs achats. Dans le cadre de la mise en œuvre d’une démarche développement durable (DD), le rôle des Achats devient fondamental, ce service se situant au confluant du risque lié au produit – le risque d’acheter un produit non conforme aux normes environnementales-, et du risque lié au fournisseur –le risque de traiter avec un fournisseur polluant ou ne respectant pas les droits élémentaires du travail-, ce risque se trouvant accru du fait que

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nombre d’externalisations se sont faites au profit d’entreprises situées dans des pays à bas coût de main d’œuvre, où se posent aujourd’hui d’importants problèmes de pollution, et où la législation du travail ne garantit pas toujours le respect des droits de base des salariés. Ainsi, les entreprises soucieuses de leur responsabilité sociale et environnementale (RSE) ne peuvent plus ignorer que leur performance en termes de développement durable dépend en grande partie de la performance de leurs fournisseurs dans ce même domaine (Preuss, 2005) ; Bacallan (Bacallan, 2000) montre que de plus en plus d’entreprises prennent conscience du fait qu’elles sont susceptibles d’être jugées responsables des agissements de leurs fournisseurs. Pour Simpson et Power (Simpson et Power, 2005), la gestion des fournisseurs constitue bien une dimension fondamentale et critique dans la mise en place d’une stratégie d’achats responsables et durables. Min et Galle (Min et Galle, 1997) soulignent que le rôle des acheteurs a évolué, et qu'au delà des critères "classiques" de choix des fournisseurs que sont la prise en compte du prix, de la qualité ou des délais, les acheteurs doivent aujourd'hui intégrer des préoccupations environnementales et sociétales. 2.2 La mise en œuvre des achats durables L’approche de gestion des risques, inhérente au métier d’acheteur, conduit de nombreuses entreprises qui cherchent à se protéger des risques d’atteinte à leur réputation en cas de défaillance du fournisseur, à adopter ce que F. Quairel (Quairel, 2006) qualifie « d’approche défensive », en demandant à leurs fournisseurs des garanties quant à la prise en compte de l’environnement d’une part, et au respect des droits de base du travail d’autre part, en excluant notamment le travail forcé et celui des enfants. Ces garanties, exigées dans un premier temps des nouveaux fournisseurs, puis demandées progressivement à l’ensemble du panel, en commençant par les fournisseurs les plus stratégiques, sont obtenues par l’obligation de certification des fournisseurs selon certaines normes internationales (EMAS, ISO 14001, SA 8000…), par leur adhésion à des conventions internationales (Global Compact,…) ou encore à des chartes « maison ». Au-delà de cette approche par le management des risques, la littérature met en avant les bénéfices potentiels d’une démarche plus pro-active, qualifiée par F. Quairel de « messianique », au sens où l’engagement d’un service achats dans une démarche RSE peut permettre d’étendre ces démarches à l’ensemble de la supply chain de l’entreprise. Ainsi Preuss (Preuss, 2005) souligne que l’achat de produits « verts » est un moyen de susciter des innovations à caractère écologique de la part des fournisseurs. Pour Green et al. (Green et al., 1996), une entreprise qui adopte en interne des standards sociaux peut utiliser sa fonction Achats pour promouvoir ces standards auprès de ses fournisseurs, et améliorer la performance sociale de ceux-ci. Ainsi, la littérature s'accorde à souligner que la question n’est plus de savoir si les Achats doivent développer une politique d’achats durables, définis comme des achats de produits « verts », fabriqués par des fournisseurs écologiquement et socialement responsables, mais bien comment ils doivent le faire (Ecovadis et HEC, 2008). Les leviers d’action des acheteurs sont en effet nombreux : l’ouvrage « Achats et développement durable » publié par le Comité 21 (Comité 21, 2005, pages 11 et suivantes) analyse l’ensemble du processus Achats et suggère des axes de travail pour chaque étape identifiée, depuis la définition des besoins où l’éco-conception est possible, jusqu’à la rédaction de l’appel d’offres qui peut contenir des exigences environnementales ou sociales, à la cotation des offres, potentiellement pondérée par des critères de développement durable, ou au choix des fournisseurs, pour ne prendre que quelques exemples. Les "lignes directrices pour l'intégration des enjeux du développement durable dans la fonction achats" ont depuis lors fait l'objet d'un fascicule de documentation (FD X50-135) publié par l'AFNOR en 2009 (AFNOR, 2009). Mais, en parallèle, les acheteurs sont soumis à la recherche de coûts les plus bas possibles, "dans un contexte où les valeurs et les règles dominantes qui structurent les

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décisions intra ou inter-organisationnelles s'inscrivent dans une logique marchande" (Quairel et Ngaha, 2010). Avant la crise, l'étude annuelle Ecovadis-HEC montrait depuis plusieurs années déjà qu'un frein important quant à la mise en place de la RSE au sein des services Achats était une contradiction entre des objectifs RSE moyen terme et des objectifs de coûts à court terme. Müller et Seuring (Müller et Seuring, 2006) identifiaient les surcoûts liés à la mise en œuvre des achats durables comme un des principaux obstacles rencontrés par les entreprises qui souhaitaient œuvrer en ce sens. 2.3 Les achats durables dans un contexte de crise L'arrivée de la crise en 2008 a provoqué de nombreux débats sur la pertinence et la viabilité du modèle capitaliste dominant, dans un contexte où les entreprises faillissaient à garantir l'emploi, et où les gouvernements américains et européens ont dû intervenir pour sauver le secteur bancaire, et par là-même, l'ensemble du système économique, et ont octroyé des aides directes à d'autres secteurs en difficulté, en particulier l'automobile. Dans ce contexte, un certain nombre de chercheurs (Solow, 2009; Manubens, 2009; Fernadez et Souto, 2009) ont considéré que la crise allait souligner la nécessité de rapprocher les entreprises de la Société, en vertu de la théorie des parties prenantes (Freeman, 1984) qui considère, contrairement à la théorie classique de Friedman (Friedman, 1970), que l'entreprise ne doit pas simplement prendre en compte ses actionnaires, mais bien l'ensemble des personnes ou organisations concernées par ses activités (salariés, fournisseurs, distributeurs, riverains, ONG, gouvernements...). Cela étant, la crise a aussi réduit les disponibilités financières des entreprises, alors qu'il semble établi que les démarches RSE ont un coût immédiat (Levis, 2006), pour une rentabilité ultérieure qui n'a jamais été clairement démontrée, malgré de nombreuses recherches sur le sujet : si Porter et Kramer (Porter et Kramer, 2006) citent un certain nombre d'entreprises qui, dans leur secteur, ont réussi à obtenir un avantage concurrentiel durable en développant des stratégies RSE, tant environnementales que sociales, ils concèdent également que les approches dominantes de la RSE semblent déconnectées de la stratégie et de la réalité des affaires, et qu'elles ne permettent pas d'anticiper les gains potentiels. Une revue plus large de la littérature (Margolis et Walsh, 2003), appuyée sur 127 recherches empiriques menées entre 1972 et 2002, montre des résultats contradictoires entre ces études, même si une faible majorité semble se dégager en faveur d'un lien positif entre performance RSE et performance financière. En 2003 également, une analyse menée par Orlitzky et al. (Orlitzky et al., 2003) concluait à l'existence d'un certain "retour sur investissement" des démarches RSE développant l'axe social, et, dans une moindre mesure, environnemental ; dans un article plus récent (Orlitzky, 2005), ce même auteur nuance ses premières affirmations pour conclure que la méta-analyse des études sur une durée de 30 ans ne montre aucun lien (ni positif, ni négatif), entre les performances sociales et environnementales des entreprises et leurs performances financières. Par conséquent, au-delà du premier courant de recherche cité ci-dessus, soulignant l'opportunité que représentait la crise pour une intégration réelle de la RSE dans la stratégie des entreprises, un second courant s'est fait jour au début de la crise (Njoroge, 2009), affirmant qu'au contraire les sociétés allaient réduire les budgets alloués à la RSE, et donc annuler ou reporter leurs initiatives en ce sens en raison de leurs difficultés financières. Le même débat s'est retrouvé au niveau de la déclinaison de la RSE au sein des services Achats. Les deux positions se sont trouvées confortées par deux études contradictoires, parues début 2009 : dans la première (Ecovadis et HEC, 2009), Bruel, Menuet et Thaler, constatent, sur un échantillon de 75 grandes entreprises européennes, que le développement durable figure toujours, malgré la crise, parmi le duo de tête des objectifs Achats, juste derrière la réduction des coûts. Au terme de leur étude, il apparaît que 90% des directeurs Achats ayant répondu à l’étude considèrent la mise en place des achats responsables comme un objectif critique (25%) ou important (65%).

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A contrario, la seconde étude (CEGOS, 2009), réalisée auprès d’un échantillon plus large de plus de 500 acheteurs et directeurs Achats, montre que les préoccupations de développement durable aux Achats ont fortement reculé face à la crise ; aux termes de cette étude, les objectifs de développement durable des entreprises interrogées se situent très loin derrière des préoccupations à plus court terme, résumées dans l’article par la « recherche de cash ». 3 Présentation de la recherche 3.1 Méthodologie de recherche Pour répondre à nos interrogations face à ces résultats contradictoires, nous avons réalisé en décembre 2009 et janvier 2010 une étude visant à dresser un état des lieux des démarches RSE dans les entreprises françaises et européennes, et en particulier de leur prise en compte au sein des services Achats. Notre recherche a été réalisée entre décembre 2009 et janvier 2010, au moyen d’un questionnaire envoyé par mail, et mis parallèlement en ligne sur des « hubs » Achats appartenant à des plates-formes communautaires (Viadeo, LinkedIn) ; ce questionnaire était destiné à des directeurs achats et à des acheteurs d’entreprises françaises ou européennes, ainsi qu’à des responsables Achats de filiales françaises d’entreprises américaines, tous secteurs économiques confondus. Nous avons également adressé notre questionnaire à des directeurs achats d’organisations publiques françaises. Ce questionnaire, bâti à l’issue d’entretiens en face à face avec une dizaine de responsables Achats appartenant à des entreprises fortement engagées dans des démarches RSE, comportait deux parties principales. La première portait sur les démarches RSE globales des entreprises avant la crise, ainsi que sur leurs déclinaisons aux services Achats. La seconde partie concernait plus spécifiquement la crise et son impact sur les démarches d'achats durables. Nous avons donc poursuivi un double objectif : - d’une part, tenter de dresser un état des lieux des démarches d'achats durables avant

la crise, et de comprendre leurs caractéristiques ; les résultats de cette première question de recherche, qui, au-delà de la cartographie globale de ces démarches, montrent notamment une implication tardive des achats dans les démarches RSE, font l’objet de la partie 4,

- d’autre part, analyser l'impact de la crise sur les démarches d'achats durables, et tenter de comprendre les déterminants des réactions des entreprises. Les résultats de cette seconde question de recherche font l’objet de notre partie 5.

3.2 Présentation de l'échantillon Nous avons obtenu 357 réponses à notre questionnaire, dont 310 se sont révélées complètes et exploitables. Les traitements statistiques ont été réalisés avec le logiciel SPSS 17.0. Ces 310 réponses émanent à 43% de directeurs achats, à 39% d’acheteurs, et à 6.5% de directeurs généraux. Les entreprises de tous les secteurs, tant industriels que de services, sont représentées, ainsi que les entreprises de toutes tailles : notre échantillon est en effet composé à 43% d’entreprises employant plus de 10.000 salariés, à 25 % de sociétés dont l’effectif est inférieur à 500 personnes, et à 32% d’entreprises dont l’effectif est compris entre ces deux valeurs. La majorité de nos répondants appartiennent à des entreprises françaises (74%), mais les autres pays européens ne sont pas absents, puisqu’ils représentent 18% des réponses, les 8% restants étant constitués d’acheteurs de filiales françaises d’entreprises multinationales –essentiellement américaines-. Dans la mesure où les réponses des entreprises françaises ne diffèrent pas sensiblement de celles des entreprises des autres pays d’Europe, nous avons choisi de conserver et d’exploiter la totalité des réponses.

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Enfin, le secteur privé rassemble 93% de nos réponses, contre 6% pour le secteur public, et moins de 2% pour le secteur associatif. Le fort taux de représentation de l’industrie (65%) au sein de notre échantillon par rapport aux services (35%) est à noter, dans la mesure où il diffère radicalement de la répartition globale des entreprises entre le secteur secondaire et le secteur tertiaire en Europe. Nous avions déjà réalisé cette constatation lors d’une étude antérieure (Fel, 2009), basée sur des chiffres collectés en 2006. Les services sont certes un peu mieux représentés aujourd’hui, dans la mesure où ils ne constituaient que 25% de l’échantillon il y a quatre ans, mais ils restent très en retrait des entreprises industrielles, preuve à notre sens de leur moindre intérêt pour les problématiques de RSE. 4 Les achats durables avant la crise 4.1 Le contexte global des démarches RSE Nos résultats montrent que des démarches de développement durable avaient déjà été réellement engagées par 46% des sociétés avant la crise, et étaient par ailleurs en cours de déploiement dans 27% des entreprises ; seules 27% des entreprises n'avaient alors engagé aucune démarche RSE. Dans 45% des cas, le développement durable était considéré comme un axe prioritaire ou important de leur stratégie globale (cf. figure 1).

Figure 1 : importance du développement durable pour les entreprises L’importance donnée à la RSE variait selon les secteurs : s’il n’y avait pas de différence globale entre entreprises industrielles ou de services, certains secteurs particuliers semblaient très impliqués par rapport à la moyenne : ainsi, dans les transports, l’agro-alimentaire et le BTP, le développement durable était considéré comme un axe stratégique prioritaire pour respectivement 40%, 39% et 36% et des entreprises (contre moins de 17% pour l’ensemble de l’échantillon). Les démarches RSE les plus développées se retrouvaient essentiellement dans les grandes entreprises (cf. figure 2) : c’est au sein des grandes sociétés que figurait la proportion la plus importante de sociétés qui donnaient aux démarches RSE un caractère prioritaire, ou pour le moins important, au sein de leur stratégie globale (56,8%), alors que ces mêmes démarches ne revêtaient une telle importance que pour 25% des PME de moins de 500 personnes.

8,4%

19,0%

26,8%

29,0%

16,8%

0,0% 10,0% 20,0% 30,0%

Une démarche non envisagée

Une démarche envisagée mais non déployée

Une démarche en début de déploiement

Un axe important mais non stratégique

Un axe stratégique prioritaire

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Figure 2 : lien entre la taille des entreprises et le caractère stratégique ou important de la RSE Enfin, les démarches RSE des entreprises étaient globalement plus orientées vers des préoccupations environnementales que sociales, en particulier dans les entreprises industrielles (plus de 85% de ces entreprises avaient intégré la dimension environnementale dans leur politique RSE, alors que seules 58% avaient pris en compte la dimension sociale) ; la situation était moins tranchée dans le secteur des services, moins polluants par nature : les démarches environnementales et sociales se retrouvaient même quasiment à égalité dans les démarches RSE des secteurs de la distribution, du transport et des banques et assurances, le conseil étant le seul secteur où les préoccupations sociales prenaient le pas sur la protection de l’environnement. 4.2 Achats et RSE : une implication à retardement 31 % des entreprises qui avaient entrepris globalement une démarche de développement durable ne l’avaient pas déployée au sein de leur service Achats. Pour les entreprises qui l’avaient fait, seules 71% avaient décliné cette politique en objectifs concrets fixés aux services Achats, collectifs ou individuels ; en d’autres termes, plus de 50% des entreprises engagées dans une démarche RSE ne fixaient aucun objectif en ce sens à leur service Achats. 43,6% fixaient des objectifs RSE collectifs, 18% des objectifs individuels, et par déduction, 12% environ fixaient à la fois des objectifs collectifs et individuels aux acheteurs (figure3 ).

Figure 3 : pourcentage d'entreprises fixant des objectifs RSE à leur service Achats (parmi celles qui avaient engagé une démarche RSE avant la crise)

56,80%

51,60%

38,50%

48,90%

25%

0,0% 20,0% 40,0% 60,0%

>10.000 salariés

5.000-10.000 salariés

2.000-5.000 salariés

500-2.000 salariés

<500 salariés

RSE stratégique ou importante

18,2%

43,6%

50,7%

0,0% 20,0% 40,0% 60,0%

Objectifs individuels

Objectifs collectifs

Pas d'objectifs

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Ces chiffres sont à nuancer suivant le degré d’engagement stratégique de l’entreprise dans le développement durable. Il apparaît que des 77% des entreprises qui considéraient le développement durable comme un axe stratégique prioritaire engageaient réellement leur service Achat à progresser en ce sens en fixant aux acheteurs des objectifs (collectifs ou individuels), alors que cette proportion ne s’élevait qu’à 25% des entreprises qui commençaient à déployer une politique de développement durable. Par ailleurs, nos résultats montrent l'existence d'un lien significatif sur le plan statistique entre l’implication effective des services Achats et le nombre d’années depuis lequel l’entreprise s’est engagée dans la voie du développement durable (le Khi-deux étant significatif à plus de 95%). Ainsi, si près de 70% des entreprises dont la démarche RSE ne datait que d’un an ou moins avant la crise n’avaient pas fixé d’objectifs en ce sens à leurs acheteurs, elles n'étaient plus que 30% parmi celles engagées dans la voie du développement durable depuis plus de cinq ans. Notre conclusion est que le service Achats n’est pas le premier service impliqué dans une démarche RSE globale, et que l’implication des acheteurs dans le développement durable est fonction de la maturité RSE de l’entreprise. Ce retard d'implication est plus marqué dans les entreprises industrielles que dans les sociétés de services, ce qui est vraisemblablement lié au caractère plus ou moins polluant des activités des entreprises : ainsi, une entreprise industrielle commencera par mettre en place le développement durable au sein de son propre processus de production, avant de s’intéresser au processus de ses fournisseurs, quand une entreprise de services, généralement non polluante, intégrera plus rapidement son service Achats dans cette démarche.

5 L'impact de la crise 5.1 Un impact globalement limité Comme nous l'avons développé ci-dessus, les chercheurs envisageaient, de façon contradictoire, deux conséquences possibles de la crise sur les démarches de développement durable des entreprises : certains annonçaient un repli important des entreprises sur des objectifs de rentabilité à court terme, les conduisant à privilégier d’autres objectifs que le développement durable ; l’autre hypothèse, qui a rapidement constitué une position dominante dans la presse, voyait dans la crise une opportunité pour l’accélération des démarches RSE, allant même jusqu’à considérer le développement durable comme un levier de sortie de crise, le système économique en place ayant atteint ses limites, et le besoin d’un nouveau modèle de développement se faisant sentir. En réponse à ces interrogations, notre étude montre que, pour plus de la moitié des entreprises interrogées (55%), la crise n’a pas eu d’impact notable sur les démarches de développement durable déjà engagées. Pour les autres, les réactions envisagées ci-dessus se retrouvent quasiment à égalité : il y a pratiquement autant d’entreprises qui ont « mis en sommeil » leurs démarches RSE pour se focaliser sur d’autres objectifs, financiers essentiellement, que d’entreprises pour qui la crise a révélé – ou souligné - l’importance d’une véritable démarche RSE (cf. figure 4)

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Figure 4: Impact de la crise sur les démarches RSE 5.2 Un impact lié la sévérité de la crise La crise n’a naturellement pas touché tous les secteurs avec la même violence : si 16% des sociétés considèrent que la crise les a à peu près épargnées, il n’en va pas de même pour la moitié des entreprises, qui s’estiment moyennement touchées par la crise, ni pour celles du dernier tiers, « durement ou très durement » touchées. Au terme de notre étude, la remise en cause ou non des démarches RSE est fonction de la gravité de la crise, ce qui est confirmé statistiquement (cf. figure 5). Assez logiquement, ce sont les entreprises les plus touchées par la crise qui ont été les plus nombreuses à remettre en cause leurs démarches de développement durable (à 35%), alors que 10% seulement des entreprises faiblement touchées ont été tentées de le faire. Au-delà, il est intéressant de constater que la proportion d’entreprises pour lesquelles la crise a souligné l’importance des démarches RSE reste stable (23-24%), indépendamment de la violence de la crise. Globalement, et indépendamment de la situation conjoncturelle, un quart des entreprises semblent considérer que le développement durable est aujourd’hui plus nécessaire que jamais.

Figure 5: Lien entre l'intensité de la crise et l'impact sur les démarches RSE

21,9%

23,2%

54,8%

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60%

Au contraire, la crise a conduit votre entreprise à moins prendre en

compte le DD pour mettre en …

La crise a souligné la nécessité d'une démarche de développement durable

La crise n'a pas eu d'impact sur les démarches de développement

durable de votre entreprise

23% 23% 24%

35%

17%10%

42%

60%66%

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

Crise durement ou très durement

ressentie

Crise moyennement

ressentie

Crise pas ou peu ressentie

La crise a souligné la nécessité d'une démarche de développement durableAu contraire, la crise a conduit à une moindre prise en compte du DDLa crise n'a pas eu d'impact sur les démarches de développement durable

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5.3 Des différences sectorielles Corollaire des remarques précédentes, l’impact de la crise sur les démarches RSE diffère selon les secteurs d’activités, touchés différemment par la crise. Sur une échelle variant de 0 (crise pas ou peu ressentie) à 2 (crise durement ou très durement ressentie), les différences sont très importantes, s’étendant de 0.6 pour les collectivités et administrations, jusqu’à plus de 1.8 pour l’industrie automobile.

Figure 6 : sévérité ressentie de la crise C’est parmi trois des secteurs les plus touchés (l’automobile, la métallurgie et dans une mesure un peu moindre, les équipements industriels) que l’on trouve les proportions les plus importantes d’entreprises qui ont relégué dans un premier temps à l’arrière-plan leurs préoccupations RSE au profit d’objectifs de rentabilité à plus court terme (cf. figure 7) A titre d’exemple, des responsables achats de l’industrie automobile nous ont affirmé que les investissements RSE avaient été réduits au démarrage de la crise, puis suspendus, faute d’une trésorerie suffisante, mais que la volonté stratégique de leur entreprise d’aller vers davantage de RSE restait intacte, et que les démarches en ce sens reprendraient dès que la situation financière le leur permettrait. Les contacts repris récemment avec ces responsables indiquent que les objectifs RSE fixés à leurs acheteurs ont repris une importance plus grande depuis 2010. Le secteur automobile semble cependant atypique, au sens où il s’agit du secteur où la crise a eu les effets les plus marqués sur les politiques RSE, à la fois dans un sens négatif (pour 50% des entreprises), mais aussi dans le sens positif, avec plus de 27% de répondants qui, dans ce contexte pourtant particulièrement difficile, ont néanmoins accéléré leurs démarches RSE, ce qui représente un chiffre supérieur à l’ensemble de notre panel.

0,60,78

0,830,86

11,081,081,081,09

1,151,171,171,191,2

1,351,38

1,51,69

1,81

0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2 1,4 1,6 1,8 2

Collectivité / AdministrationAgro-alimentaire

Chimie / PharmacieEnergie

SantéAutres services

Banque / AssuranceDistribution

AéronautiqueAutres industries

Electronique / High-TechTélécoms

ConseilCHR

MétallurgieBTP

TransportEquipements industriels

Automobile

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Figure 7 : impact de la crise sur les secteurs les plus touchés Un autre secteur atypique est celui des banques et assurances, qui bien que « moyennement » touché par la crise (1.1 sur notre échelle de 0 à 2), s’est fortement interrogé sur son engagement en matière de RSE. Ainsi, seules 30% des entreprises de ce secteur affirment que la crise n’a pas eu d’influence sur leurs démarches de développement durable. Les réactions des autres entreprises bancaires ont été beaucoup plus contrastées que la moyenne : si 30% d’entre elles affichent un recul des préoccupations de développement durable, 40% à l’inverse affirment avoir pris conscience de la nécessité d’une telle démarche, ce qui représente un chiffre deux fois supérieur à la moyenne de l’ensemble des secteurs, chiffre qui doit vraisemblablement être lu à la lueur des nombreuses critiques dont ce secteur a fait l’objet quant au « manque de moralité de ses pratiques » et à son rôle dans le déclenchement de la crise. Nous rejoignons ici les résultats d'autres recherches (Thomé, 2009 ; Giannarakis, 2011), qui soulignent qu'en période de crise, certaines entreprises peuvent accroître leur performance RSE pour soutenir leur marque, tenter de rétablir la confiance des consommateurs, et redéfinir la relation entre les entreprises et la société, ce qui a sans nul doute constitué un enjeu important pour les entreprises du secteur des banques et assurances. 5.4 Des différences en fonction de la typologie marketing Les entreprises qui fonctionnent en B to C (dont les démarches de développement durable étaient déjà plus matures que celles des entreprises en B to B avant la crise), sont aussi celles qui ont le moins remis en cause leurs politiques RSE depuis la crise (5%), alors qu’elles sont aussi les plus nombreuses à avoir encore accéléré ces mêmes démarches (32,5%, contre moins de 19% de celles qui travaillent exclusivement en B to B) ; les entreprises qui travaillent à la fois en B to B et en B to C constituent là encore une catégorie aux comportements intermédiaires entre les deux autres (cf. figure 8)

27%

11%7%

50%

42%

33%

23%

47%

60%

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

Automobile Métallurgie Equipements industriels

La crise a souligné la nécessité d'une démarche de développement durable

Au contraire, la crise a conduit votre entreprise à une moindre prise en compte du DD La crise n'a pas eu d'impact sur les démarches de développement durable

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Figure 8 : impact de la crise selon la typologie marketing des entreprises Là encore, il nous semble que ces résultats peuvent s'expliquer par le besoin de réconcilier entreprises et société : ce sont en effet les entreprises qui sont en contact direct avec les consommateurs individuels qui ont le moins remis en cause leurs démarches RSE. 5.5 Le secteur public : une dynamique RSE plus importante Les réactions diffèrent entre secteur public et secteur privé : notre étude (cf. figure 9) montre que dans le secteur public, les organisations qui ont accéléré leurs démarches RSE sont trois fois plus nombreuses que celles qui les ont réduites, contrairement au secteur privé, où les proportions sont équilibrées entre les deux réactions (22-23%). Certes, le secteur public s’estime moins touché par la crise (0.8) que le privé (1.2), ce qui est une première explication. Un éclairage supplémentaire est peut-être à rechercher du côté du plan « Etat exemplaire » en matière de développement durable lancé en décembre 2008, suite au Grenelle de l’Environnement ; dans le même ordre d’idées, la crise a aussi largement souligné la nécessité de voir l’Etat jouer un rôle plus important dans la moralisation de l’économie, pour protéger les citoyens des conséquences sociales des agissements de certaines entreprises privées.

Figure 9: Impact de la crise dans les secteurs privés et publics

18,9%

27,8%32,5%

23,9%

23,7%

5,0%

57,2%

48,5%

62,5%

0,0%

10,0%

20,0%

30,0%

40,0%

50,0%

60,0%

70,0%

B to B Les deux B to C

La crise a souligné la nécessité d'une démarche de développement durableAu contraire, la crise a conduit votre entreprise à une moindre prise en compte du DD La crise n'a pas eu d'impact sur les démarches de développement durable

22,9%

33,3%

22,2% 11,1%

54,9% 55,6%

0,0%

10,0%

20,0%

30,0%

40,0%

50,0%

60,0%

Secteur Privé Secteur Public

La crise a souligné la nécessité d'une démarche de développement durableAu contraire, la crise a conduit votre entreprise à une moindre prise en compte du DD La crise n'a pas eu d'impact sur les démarches de développement durable

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5.6 L’importance stratégique du développement durable comme clé de lecture Nos résultats montrent que les entreprises qui considéraient déjà avant la crise le développement durable comme un axe prioritaire de leur stratégie globale sont celles qui ont le moins remis en cause la RSE durant la crise (13,5%) ; ces sociétés ont au contraire choisi d’accélérer ces démarches (à près de 33%), dont la crise a souligné pour elles l’importance. La figure 10 illustre plus largement que, moins le développement durable était une priorité avant la crise, plus les entreprises l’ont remis en cause, et moins elles ont considéré que la crise soulignait la nécessité de développer de véritables démarches RSE.

Figure 10 : impact de la crise en fonction de l'importance stratégique de la RSE

En conclusion, il nous semble que la crise n’a pas été un révélateur de la nécessité de se diriger vers un autre modèle, privilégiant croissante verte et préoccupations sociales, mais qu’elle a eu pour effet principal de conforter les positions antérieures. Certes, la sévérité de la crise a pu fausser les réactions d’entreprises de certains secteurs, qui, dans une situation financière extrêmement difficile, ont été amenées à prendre un recul momentané par rapport à leur volonté d’intégrer davantage le développement durable dans leur stratégie globale. Mais il semble bien, au moins pour le secteur privé, que la crise ait eu pour effet majeur de souligner la nécessité de la RSE pour les entreprises qui en avaient déjà fait un axe stratégique important, tandis que les sociétés moins engagées dans cette stratégie ont été les plus nombreuses à se replier sur leurs objectifs financiers à plus court terme. 5.7 L'accompagnement des fournisseurs stratégiques en difficulté financière Dans la mesure où le développement durable suppose la mise en place de relations pérennes avec les fournisseurs stratégiques, la question se posait de savoir comment les entreprises engagées dans des démarches RSE avaient réagi face à des fournisseurs dont la situation financière était rendue délicate par la crise. Au sein de notre échantillon, près de 60% des entreprises déclarent que certains de leurs fournisseurs stratégiques se sont retrouvés en grande difficulté financière du fait de la crise. Naturellement, les secteurs n’ayant pas tous été touchés avec la même violence, le pourcentage d’entreprises confrontées à des fournisseurs en grande difficulté financière est très variable, de 100% dans l’industrie aéronautique et 92% dans l'automobile, à moins d’1/3 dans les secteurs de la santé et des opérateurs télécoms.

32,7%27,8%

25,3%

11,9%13,5%18,9%

25,3%28,8%

53,8% 53,3%49,4%

59,3%

0,0%

10,0%

20,0%

30,0%

40,0%

50,0%

60,0%

70,0%

Un axe stratégique prioritaire

Un axe important mais non stratégique

Une démarche en début de déploiement

Une démarche envisagée

La crise a souligné la nécessité d'une démarche de développement durable

Au contraire, la crise a conduit votre entreprise à une moindre prise en compte du DD

La crise n'a pas eu d'impact sur les démarches de développement durable

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Les mesures mises en œuvre le plus fréquemment sont la mise en place de partenariats long terme (63%), ainsi que la réduction des délais de paiement (58%), la mise en place de cette dernière mesure s’inscrivant par ailleurs dans le cadre légal de la LME. Près de 44% des entreprises ont massifié leurs commandes auprès de ces fournisseurs stratégiques –ce qui pose néanmoins la question du sort des fournisseurs jugés moins stratégiques-, et 26% ont soutenu les demandes de financement des fournisseurs stratégiques auprès d’organismes de financement, bancaires ou institutionnels. Nos résultats montrent que l'accompagnement des fournisseurs en grande difficulté financière a été indépendant de la démarche RSE de l'entreprise : les entreprises qui ont fait de la RSE un axe prioritaire ou important de leur stratégie n'ont pas pris davantage de mesures que les autres pour les soutenir, et s'inscrivent dans la moyenne pour les différentes actions suggérées (partenariats, réduction des délais de paiement, massification des commandes et soutien des demandes de financement auprès d'organismes extérieurs). En termes de réaction face à la crise, les différences sont faibles elles aussi : certes, les entreprises qui ont perçu la nécessité de renforcer leur démarche RSE face à la crise ont mis en place davantage de partenariats (70% contre 60% pour les autres), mais ce sont les entreprises qui ont au contraire révisé à la baisse leurs exigences RSE qui ont été les plus nombreuses à réduire leurs délais de paiement pour soutenir leurs fournisseurs en position difficile (69% contre 56% pour les autres). En conclusion, l'accompagnement des fournisseurs en difficulté durant la crise n'a pas été une mesure que l'on pourrait qualifier d' achats responsables, mais bien plutôt la prise en compte d'impératifs économiques pour assurer la continuité des approvisionnements stratégiques auprès de fournisseurs qui risquaient de disparaître. 6 L'année 2010 : un tournant dans l’appréhension économique des achats durables ? 6.1 Un rapprochement des perspectives "durables" et "rentables" La littérature a toujours, comme nous l'avons détaillé en partie 2, opposé les objectifs court terme de réduction des coûts et les objectifs de développement durable -considérés comme à plus long terme-, les bénéfices attendus des démarches d'achats durables étant d'une part, la réduction des risques de perte de réputation en cas de défaillance environnementale ou sociale du fournisseur, et d'autre part, la possibilité d'obtenir un avantage concurrentiel en se démarquant des concurrents. Or, plusieurs enquêtes conduites durant les mois suivants notre recherche mettent pour la première fois en avant une convergence entre les objectifs de réduction des coûts et les objectifs DD fixés aux acheteurs : aux termes de la première (Ernst & Young, 2010), la recherche de coûts réduits constituerait pour 22% des directeurs achats une motivation pour lancer des initiatives d'achats durables. Selon la deuxième (BearingPoint, 2010), la supply chain verte (incluant les achats) serait une source de bénéfices facilement mesurables pour 56% des entreprises. L’étude réalisée par PWc, Ecovadis et l’INSEAD (PWc, Ecovadis et INSEAD, 2010) met en avant le fait que les bénéfices traditionnellement attendus des démarches DD, à savoir la réduction des risques et l’augmentation des ventes, sont des attentes à moyen terme, nécessitant un rapprochement des fonctions achats, marketing et R&D, mais que des bénéfices plus immédiats peuvent être obtenus au travers de l’achat de produits plus économiques en énergie, ou au travers des politiques de voyages, par exemple. Cette étude conclue d'ailleurs que l'objectif de réduction des coûts devient le premier objectif des démarches d'achats durables. Enfin, selon l'étude la plus récente, (Observatoire des Achats Responsables, 2011), la mise en place d'une politique d'achats responsables est désormais le premier objectif des entreprises en matière d'achats (67% des réponses), la réduction des coûts des services et des produits arrivant en seconde position avec 62%

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des réponses, ce qui amène à la conclusion suivante : "les achats responsables ne vont pas à l'encontre de la productivité". L'étude Ernst & Young donne la parole à plusieurs directeurs achats, dont celui du Groupe Air France: "sur nos vols long courrier, nous avons remplacé les couverts en inox de nos plateaux repas par des couverts en plastique jetables. Au-delà des considérations liées au poids de l'avion qui influe sur la consommation de carburant, nous nous sommes aperçus que l'inox, non seulement coutait plus cher, mais en plus nécessitait une quantité d'eau très importante pour le lavage". Néanmoins, si cette décision conjugue de façon évidente prise en compte des impératifs économiques et réduction de l'impact environnemental direct d'Air France, elle laisse ouverte la question de l'impact environnemental indirect de cette entreprise. 6.2 Une vérification empirique Pour vérifier ce qui nous semble être une nouvelle orientation (ou du moins inflexion) des achats durables vers des achats "rentables" à court terme, nous avons interrogé en 2010 et 2011 cinq directeurs achats (ou achats responsables) dans des entreprises importantes, qui ont introduit depuis plusieurs années la RSE au sein de leurs préoccupations Achats : il s'agit de deux entreprises industrielles (l'une dans le secteur de la cosmétique, l'autre du bâtiment), de deux entreprises de services (dans le secteur bancaire et du conseil), et enfin d'un service public. Les politiques d'achats responsables de ces organisations mettent toutes en œuvre des leviers "classiques", au travers notamment de la sélection et de l'évaluation de leurs fournisseurs, de l'introduction de critères DD dans leurs appels d'offre, de la réalisation de cartographies des risques (par types et produits et/ou par pays)... Les entreprises privées ont par ailleurs toutes adhéré à des conventions internationales ou ont développé leurs propres chartes. Le service public interrogé a introduit plus récemment ces préoccupations au travers de la démarche "Etat exemplaire", suite aux conclusions du Grenelle de l'environnement. Interrogés sur les objectifs de leur politique d'achats durables, l'ensemble de nos interlocuteurs, à l'exception du responsable achats appartenant à l'entreprise du bâtiment, affichent des objectifs de rentabilité (ou "d'efficacité économique") au même titre que les objectifs DD classiques de réduction des risques, d'amélioration de l'image de l'entreprise ou de prise en compte de l'environnement. Seule l'entreprise du bâtiment continue à considérer que les achats durables constituent uniquement une démarche à moyen terme, et en aucun cas de court terme. Nos autres interlocuteurs insistent sur le fait que les achats durables doivent aussi générer de la rentabilité à court terme pour être viables :"nous ne sommes pas des militants écolos" confie l'un d'entre eux. A ce titre, "une démarche RSE doit s'analyser et se pratiquer de la même façon qu'un business plan classique". Parmi les mesures développées récemment figurent en bonne place la réduction des consommations et l'achat de produits "verts" qui conjuguent réduction de l'impact environnemental et réduction des coûts : mutualisation des photocopieurs et des imprimantes, paramétrage de ces dernières en recto-verso pour réduire la quantité de papier utilisée, réduction de la puissance (et donc des coûts d'achat et de consommation énergétique) des flottes de véhicules, mise en place de politiques de voyages qui privilégient les visioconférences et les déplacements en train au détriment de l'avion, remplacement des ampoules électriques classiques par des dispositifs basse consommation, utilisation de produits de nettoyage "verts", moins onéreux... Il est à noter que les achats concernés sont les achats de frais généraux: le remplacement des achats de production par des produits plus écologiques nécessite l'intervention de la R&D et du bureau d'études, et ne peut donc se faire aussi rapidement. L'achat de ces produits "verts" est toujours soumis à une comparaison avec le coût complet d'un achat classique. Ainsi, la banque appartenant à notre échantillon a récemment acheté des meubles de bureau conçus selon le principe du "cradle to cradle", après vérification que leur coût complet n'était pas supérieur à celui des autres

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propositions reçues. Le service public interrogé s'intéresse à l'achat de voitures électriques pour remplacer certains véhicules, mais attend pour cela que leur coût complet de possession, incluant les coûts de consommation, soit au moins équivalent au coût des véhicules classiques. D'après notre interlocuteur, l'augmentation des coûts du pétrole, conjuguée à la baisse des prix des véhicules électriques, devrait permettre ces achats en fin d'année 2011 ou courant 2012. Concernant le volet social, certaines entreprises de notre échantillon, qui ne respectent pas le quota légal d'emploi de 6% de travailleurs handicapés au sein de leur effectif, se tournent vers le secteur protégé et adapté pour l'achat de certaines prestations de sous-traitance ou de services: aux termes de la loi pour l'égalité des droits et des chances, la main d'œuvre facturée par ce secteur peut en effet être intégrée dans le décompte de la masse salariale, et permet "d'échapper à la sanction prévue en cas de non-respect de l'obligation légale", qui est l'augmentation des cotisations à l'Agefiph : là encore, le raisonnement en coût complet, intégrant cette majoration potentielle de cotisation, conduit à des achats "sociaux" et économiques. Notre interlocuteur public, dont l'organisation de rattachement respecte ce principe des 6%, avoue en revanche peiner à convaincre ses clients internes d'accepter des surcoûts liés au recours à ce secteur, ou encore à des spécifications obligeant les fournisseurs potentiels à embaucher des chômeurs de longue durée, dans le cadre de la démarche "Etat exemplaire". En conclusion, 2010 semble marquer un virage dans la perception des leviers prioritaires d'achats durables, en montrant pour la première fois qu'il peut exister une convergence entre les achats responsables et la rentabilité à court terme de la démarche RSE ; au-delà des études évoquées, nos entretiens montrent que les entreprises engagées dans des démarches d'achats durables depuis plusieurs années ne remettent pas en cause les actions long terme qu'elles ont pu engager (éco-conception pour l'entreprise de cosmétique, gestion des relations fournisseurs sur une base intégrant des critères RSE...), mais qu'elles ont privilégié récemment les actions les plus rentables.

Conclusion Au terme de notre étude , nous avons pu dresser un état de l’avancement des démarches RSE au sein des services Achats avant la crise, et démontrer que l’intégration des Achats dans les stratégies RSE globales des entreprises n’intervient pas dès le démarrage de ces démarches dans les sociétés, en particulier dans les entreprises industrielles. Nous avons également montré que, si l'impact de la crise sur les politiques d'achats durables a été globalement limité, de fortes différences sectorielles sont observables, la crise n'ayant pas touché l'ensemble des secteurs économiques avec la même violence. Enfin, nous avons établi l'existence d'un lien significatif entre l'importance stratégique accordée à la RSE par les entreprises, et leurs réactions face à la crise : celle-ci a joué un rôle de révélateur, en confortant dans leurs positions les sociétés déjà acquises à l'importance stratégique de la RSE, et en poussant les autres à réduire les objectifs DD de leurs acheteurs au profit d'objectifs de réduction immédiate des coûts. La limite principale de notre recherche quantitative tient au fait que nous avons interrogé nos interlocuteurs sur l'influence globale de la crise sur leurs politiques d'achats durables, sans avoir anticipé le fait que la crise pourrait les conduire à modifier le "mix" de leurs actions, et à privilégier certains leviers de la RSE, rentables à court terme, comme l'achat de produits "verts" plus économiques ou la réduction des consommations. Or, la seconde partie de notre recherche, basée sur des données secondaires et sur cinq entretiens avec des responsables Achats, semble bien montrer une inflexion des achats durables en ce sens, ce qui devra être confirmé lors de notre prochaine recherche.

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