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Les établissements publics nationaux : un chantier pilote pour la réforme de l’État La mise en œuvre des politiques publiques par les établissements publics nationaux De la conception de la stratégie à l’évaluation de la politique Rapport rédigé sous la direction de Claude Rochet [email protected] MINISTÈRE DE LA FONCTION PUBLIQUE, DE LA RÉFORME DE L’ÉTAT ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

Les établissements publics nationaux - Vie publique · En partant des forces et faiblesses de la situation actuelle et en s’inscrivant dans le nou-veau contexte créé par la réforme

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Les établissements publicsnationaux :un chantier pilotepour la réforme de l’État

La mise en œuvre des politiques publiquespar les établissements publics nationaux

De la conception de la stratégieà l’évaluation de la politique

Rapport rédigé sous la direction de Claude Rochet

[email protected]

MINISTÈRE DE LA FONCTION PUBLIQUE,DE LA RÉFORME DE L’ÉTATET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

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Ce rapport a été réalisé sous la direction de Claude Rochet, chargéde mission à la délégation interministérielle à la réforme de l’État (DIRE),professeur associé à l’Université de Villetaneuse, et a bénéficié descontributionsde Michel Pinauldt, préfet et délégué adjoint à la Réforme de l’État,Denis Berthommier, ancien conseiller technique au cabinetdu ministre de la Réforme de l’État,Jean-Loup Petit, Pascal Viné, chargés de mission à la DIRE,ainsi que d’Élisabeth Lulin, consultante, et de Walter Detomasi,ethnologue, consultante.

Nous adressons nos remerciements aux nombreux dirigeantsdes établissements et des ministères qui ont répondu à l’enquêtequi a rendu possible ce travail. �

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En application de la loi du 11 mars 1957 (art. 41) et du code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992, toute repro-duction partielle ou totale à usage collectif de la présente publication est strictement interdite sans autorisation expresse del’éditeur. Il est rappelé à cet égard que l’usage abusif et collectif de la photocopie met en danger l’équilibre économiquedes circuits du livre.

© La Documentation française, Paris, 2002ISBN : 2-11-005274-0

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RésuméLa délégation interministérielle à la réforme de l’État (DIRE) a réalisé en 2001 une en-quête sur le pilotage des politiques publiques par les établissements publics nationaux.Contrairement à une idée trop communément admise, il en ressort que ces établissementsn’ont pas pour raison d’être le souci d’échapper aux règles contraignantes de la gestionpublique, mais se révèlent un puissant levier de mise en œuvre des politiques publiques etde modernisation de l’administration.

Menée conjointement à une analyse comparative au sein de huit pays de l’OCDE, l’étudesouligne les atouts du système français d’établissements publics en même temps que seslimites.

Il apparaît comme un laboratoire de nouvelles pratiques de pilotage stratégique des politi-ques publiques. Mais, si l’aptitude à l’innovation organisationnelle des établissements estétablie, ainsi que la capacité de piloter l’allocation des moyens aux fins, il n’existe pas à cejour de systèmes de pilotage stratégique formalisés et pleinement efficaces, compte tenu dela carence de culture stratégique dans les administrations centrales.

En partant des forces et faiblesses de la situation actuelle et en s’inscrivant dans le nou-veau contexte créé par la réforme de la loi organique sur les lois de finances, ce rapport, ens’inspirant de l’état de l’art des meilleures pratiques mondiales de management public,trace des voies et moyens opérationnels du développement du pilotage stratégique des po-litiques par la formule de l’établissement public qui permet de combiner la puissance del’impulsion stratégique que peut donner l’État et la dynamique managériale qu’apportel’autonomie de gestion. �

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SommaireRésumé 3

Le cadre institutionnel : la place des établissements publicsdans l’organisation de l’action gouvernementale 9

Panorama général des organismes concernés 10

Services relevant de l’État 10

Les Groupements d’intérêt public et les Groupements d’intérêt économique 11

Les établissements publics 11

Structure juridique et organisationnelle 12

Autorité compétente pour créer des établissements publics 13

Éléments de réflexion sur les modes de pilotage des établissements publics 13

La mise en œuvre des politiques publiquespar les établissements publics nationaux 15

La situation actuelle : pesanteurs et perspectives 15

Pourquoi créer un établissement public national ? 15

Le Parlement reste le grand absent du dispositif 17

Une contribution assez forte à la concertation avec les usagers 19

Comment sont dirigés les EPN ? 19

Un dispositif à forte valeur ajoutée 20

La différence EPA-Epic tend à perdre de son sens 20

Le début d’une culture de la performance 21

Perspectives et propositions : un pilotage stratégiquelié à une nouvelle culture de gestion 25

Les nouveaux horizons possibles : capitaliser les acquis 25

Une contractualisation fondée sur des objectifs stratégiques 25

Les composantes d’une nouvelle culture de gestion 28

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La démarche et les questions critiques 33

Définir les cadres de l’autonomie de gestion 33

Adapter les règles juridiques et le cadre législatif 34

Une évolution de fond de la structure et de la culture des centrales 34

Faire des conseils d’administration des établissements une instance de pilotage stratégique 35

Concevoir et implanter des indicateurs de pilotage appropriés 35

Esquisse de doctrine 37

La réforme de la loi organique relative aux lois de finances 37

Un catalyseur pour le développement du pilotage stratégique 38

Le pilotage stratégique : état de l’art 39

Une démarche en quatre temps 39

Une démarche équilibrée 40

Un pilotage centré sur la stratégie 41

La conception de la politique publique 41

Concevoir la politique : l’état actuel des pratiques 42

Concevoir la politique : l’état de l’art 42

La mise en œuvre de la politique publique 44

Mettre en œuvre les politiques publiques : l’état des pratiques 44

Mettre en œuvre la politique : l’état de l’art 45

L’évaluation de la politique 47

L’évaluation de la politique : l’état actuel des pratiques 47

L’évaluation de la politique : l’état de l’art 47

Les axes de progrès 49

Concevoir la politique : développer les compétences de planification stratégique 50

Mettre en œuvre la politique : pratiquer le pilotage 51

Évaluer la politique : mesurer pour réagir 51

Et maintenant 55

Les conditions externes du pilotage stratégique 55

Une typologie stratégique des EPN 55

Définir rôles et responsabilités 55

Le chantier GRH 55

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Les conditions internes du pilotage stratégique 56

Implanter une approche opérationnelle et apprenante 56

Bien utiliser et implanterles outils de pilotage 57

Formaliser le processus d’élaboration du pilotage stratégique :le cadrage stratégique des agences de sécurité sanitaire 58

Récapitulatif : dix mesures pour rendre la gestiondes établissements publics exemplaire 61

Annexes 63

Annexe 1 : État des pratiques des établissementspublics nationaux 63

Les plans stratégiques 63

Caractéristiques de l’échantillon 63

Grille d’analyse 64

Constats 64

Les contrats de plan 68

Caractéristiques de l’échantillon 68

Grille d’analyse 68

Constats 69

Les rapports d’activité 72

Caractéristiques de l’échantillon 72

Grille d’analyse 73

Constats 73

Annexe 2 : État de l’art des pratiques du pilotagepar la performance des politiques publiques 75

Aperçu des meilleures pratiques 75

Le tableau de bord prospectif 76

La logique de la démarche 76

Un cadre de référence pour formuler une vision stratégique 77

Un cadre de référence pour élaborer un programme d’action 78

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Quelques recommandations pratiques 79Faire évoluer la culture autant que la pratique managériale 79Ménager un processus d’apprentissage et d’appropriation 79Commencer par la performance plutôt que par les coûts 80

Les domaines expérimentaux 80L’implication du Parlement 80L’expertise des tutelles et des corps de contrôle 81La budgétisation à la performance ou budgétisation différentielle (performance budgeting) 81La rémunération à la performance (performance pay) 82

Conclusion 83

Bibliographie 84

Index des sigles 85

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Le cadre institutionnel :la place des établissementspublics dans l’organisation

de l’action gouvernementale

Le dispositif d’établissements publics nationaux(EPN) s’inscrit dans le cadre général du re-cours à des organismes publics indé-pendants du pouvoir administratif central quiest ancien, mais a pris une ampleur particu-lière depuis une vingtaine d’années, sous desformes sans doute plus modernes, mais parfoisplus complexes sur le plan juridique.

Il convient en préambule de préciser les défi-nitions juridiques relatives à l’organisa-tion de l’État. Historiquement, l’administrations’est organisée autour des grands ministères dela monarchie qu’a confortée l’organisation enneuf grands ministères définie par la Conven-tion. La spécialisation grandissante intervenuedepuis a abouti à faire émerger de nouveauxministères à vocation technique (tout d’abordles Travaux publics puis l’Agriculture, les Trans-ports, etc.) ou liés à des événements spécifi-ques (anciens combattants et victimes deguerre, rapatriés après 1962, etc.), ou encoreà l’émergence de besoins ou concepts nou-veaux (certains éphémères comme « le tempslibre », d’autres correspondant à des attentesplus durables comme « l’environnement »).

De façon générale, cette organisation ad-ministrative est demeurée de la compé-tence du pouvoir exécutif sous la réserveque les assemblées parlementaires votent lescrédits budgétaires correspondants. L’adminis-tration s’est constituée autour de la personne

du ministre, dont les compétences juridiquesont été déterminées par les textes relatifs à l’or-ganisation des pouvoirs publics.

La Constitution de 1958, en créant un do-maine autonome de l’exercice du pouvoir ré-glementaire, a confirmé des principes quis’étaient progressivement dégagés à traversnotamment la jurisprudence administrative.

Le gouvernement est compétent pour organiserles services de l’État. L’article 20 de la Consti-tution précise que « le gouvernement disposede l’administration ». En outre, l’organisationadministrative ne fait pas partie du domainede la loi fixée limitativement par l’article 34.

Dans cet esprit et en application de l’article 21de la Constitution, qui prévoit que « le Premierministre peut déléguer certains de ses pouvoirsaux ministres », des décrets délibérés en Con-seil des ministres fixent les attributions des mi-nistres. L’organisation ministérielle se déduitdonc des compétences aussi définies et ne ré-sulte pas d’un cadre juridique de portée géné-rale préexistant.

Les ministères sont constitués par des directionsd’administration centrale organisées elles-mê-mes en sous-directions et en bureaux. Le cadrejuridique de ces directions est fixé par des dé-crets en Conseil d’État. Aux quinze ministèresexistants correspondent cent soixante direc-tions d’administration centrale, chiffres qui tra-

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duisent l’effort de resserrement engagé par lepouvoir exécutif depuis plusieurs années.

La problématique de la dépendance des or-ganismes publics indépendants ousemi-indépendants vis-à-vis de l’État et desadministrations centrales doit être envisagésous plusieurs critères : existence ou non d’unepersonnalité morale distincte de celle de

l’État, d’un pouvoir hiérarchique sur les ac-tivités de l’organisme considéré, définition decompétences propres dévolues à l’orga-nisme. S’y ajoutent d’autres critères liés à lagestion : modalités de nomination de la di-rection (ou des membres pour une instancecollégiale), autonomie financière, modali-tés de contrôle, etc.

❚❚❚ Panorama général des organismes concernés

Derrière les qualificatifs et les appellations juri-diques, les réalités sont fort diverses, s’agissantde l’indépendance réelle de ces organismes.Nous adopterons donc une démarche par ca-tégorie d’organismes, selon des définitions ju-ridiques largement acceptées.

Ainsi, on peut considérer que les termes« agences et autorités » correspondent à deuxgrandes catégories juridiques que l’on trouvedans le droit français : il s’agit, d’une part, desétablissements publics, catégorie an-cienne et bien reconnue d’organismes publicsjouissant de la personnalité morale, d’autrepart d’une catégorie plus originale, mais éga-lement plus malaisée à cerner dans sa configu-ration, celle, pour mémoire, des autoritésadministratives indépendantes.

Cependant, se limiter ici à ces deux typesd’organismes serait, sans doute, insuffisantcar, du fait des incertitudes terminologiques,on peut, à certains égards, considérer commedes « agences » certains services qui, dans lecadre de l’État, n’ont qu’une autonomie li-mitée, mais qui ont récemment fait l’objetd’une nouvelle définition de leurs compéten-ces propres : les services déconcentrés etles services à compétence nationale.

� Services relevant de l’État

Certains services relevant de l’État et placés, àce titre, sous l’autorité hiérarchique des minis-tres et du gouvernement, bénéficient cepen-dant d’une forme juridique nouvellementdéfinie et de compétences propres.

Services déconcentrésÀ côté des services centraux, l’organisationadministrative française reconnaît les servicesdéconcentrés. La notion de déconcentrationest ancienne. Confondue avec la décentrali-sation au siècle dernier, elle se ramène auxmesures qui conduisent à confier l’exercice decertaines décisions qui relèvent de l’autoritécentrale à des autorités chargées d’une cir-conscription mais qui restent sujettes aux règlesde subordination hiérarchique.

Ces services vont contribuer à décliner de ma-nière opérationnelle les politiques publiques,notamment par la définition de plans d’actionsterritoriaux et la contractualisation avec descollectivités territoriales, mais on ne peut pasvéritablement parler de logique d’agence àleur propos.

Les services à compétence nationaleLa charte de la déconcentration d’abord, les ré-flexions conduites dans le cadre de la réformede l’État ensuite, ont poussé à l’élaboration d’uncadre juridique destiné à gérer des activitésopérationnelles n’ayant donc plus place au seindes administrations centrales mais insuscepti-bles d’être déconcentrées parce que s’exerçantà une échelle nationale ou sans lien avec unecirconscription territoriale.

Le décret du 9 mai 1997 a donc créé l’institu-tion juridique des services à compétence na-tionale, pouvait faire l’objet de rattachementdirect au ministre, à un directeur d’administra-tion centrale ou à un sous-directeur. Le cadrenouveau permet d’accorder à son respon-

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sable les délégations de signature nécessairesà son action, ainsi que les ressources budgé-taires correspondantes.

À l’expérience, la formule a permis d’ériger encentre de responsabilité des services de forma-tion, des services chargés du soutien (informa-tique lourde, documentation technique) ouencore des services logistiques dont l’auto-nomie par rapport aux services de centralesauxquels ils étaient jusque-là intégrés, a permisde mieux en apprécier les performances.

Ces diverses solutions administratives consti-tuent des réponses au sein de l’État au soucide mieux identifier la décision publique, d’ap-précier la responsabilité des gestionnaires ouencore de la rapprocher des territoires et descitoyens, mais lorsqu’on évoque la déconcen-tration fonctionnelle, c’est plus naturellement àla structure de l’établissement public que l’onpense.

� Les Groupements d’intérêt public etles Groupements d’intérêt économiqueLe GIP est une personne morale de droit pu-blic, dotée de l’autonomie administrative et fi-nancière, associant au moins un établissementpublic et, soit d’autres partenaires de mêmestatut, soit d’autres personnes morales de droitpublic ou privé, en vue d’exercer en commundes activités de caractère scientifique, tech-nique, professionnel, éducatif et culturel ou degérer des équipements ou des services d’inté-rêt commun. Ces activités doivent relever de lamission ou de l’objet social de chacun desmembres. Cette structure de groupement estnée de la loi No 82-610 du 15 juillet 1982sur la recherche et le développement technolo-gique.

Les statuts de chaque GIP résultent d’uneconvention constitutive établie entre lesmembres du Groupement et approuvée, parvoie d’arrêté ministériel, par l’État, représentépar le commissaire du Gouvernement (pour lefonctionnement) et le contrôleur d’État (pour les

questions budgétaires et financières). Le GIPest régi par des règles de comptabilité de droitprivé, sauf si les statuts en disposent autrementou s’il est composé exclusivement de person-nes publiques.

Les GIP ont une durée de vie déterminéese consacrent au développement de projetstechnologiques, comme le GIP « carte profes-sionnel de santé » qui organise l’échange sé-curisé d’informations entre professionnels desanté 1.

Dans le cas de la carte Vitale, c’est laformule du GE 2 qui a été choisie, car le grou-pement a une vocation pérenne, du dévelop-pement du produit à sa commercialisation etsa maintenance. Cela a toutefois l’inconvé-nient de faire piloter un projet d’intérêt straté-gique majeur par la maîtrise d’œuvre ; et laréduction d’un projet aussi vaste que la télé-transmission des données médicales à unsimple projet technologique et commercial neva pas sans poser de graves problèmes, carla question de la confidentialité des donnéesest un problème de politique publique qui nepeut procéder de la seule optimisation demoyens que procure un GIE.

� Les établissements publics

Ils se définissent d’abord par la personnalitémorale qui leur est confiée. Après l’État et lescollectivités territoriales, les établissements pu-blics constituent la troisième forme de per-sonne morale de droit public.

Outre la personnalité morale, l’établissementpublic se définit par son autonomie de ges-tion : en principe, il appartient aux organesde l’établissement (et à eux seuls), de définir,dans le cadre des lois et règlements applica-bles à l’établissement, les règles et les déci-sions qui le concernent.

Pour prendre un exemple célèbre, le gouver-nement avait décidé, il y a quelques années,de « délocaliser » certains établissements

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1. http://www.gip-cps.fr2. http://www.sesam-vitale.fr

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publics, afin de les éloigner de la région pari-sienne. Le plus connu était le déménagementde l’École nationale d’administration àStrasbourg. Le Conseil d’État a annulé ces dé-localisations, car le gouvernement ne pouvaitdécider de tels transferts, le conseil d’admi-nistration des établissements étant seul com-pétent. Cet exemple illustre l’autonomie degestion et l’indépendance, au sens de cetteétude, des établissements publics. Toutefois,l’enquête réalisée en 2001 montre les limitesde fait de cette autonomie de gestion.

Si l’on met de côté les milliers d’établissementsrattachés aux collectivités locales (écoles, ly-cées) et les hôpitaux, on compte aujourd’huienviron un millier d’établissements publics ad-ministratifs et autour d’une centaine d’établisse-ments publics industriels et commerciaux. Cesétablissements existent dans les domaines lesplus variés (enseignement, recherche, emploi,

protection sociale, santé, équipement, envi-ronnement, culture, etc.) et concernent tous lesministères.

Les effectifs employés se répartissent commesuit :

Effectifs au 31 décembre 1998Ministères civils 1 861 012

Défense 409 123

Établissements publics nationaux 252 995

Grandes entreprises nationalesayant la forme d’un EPIC

675 000

Autres entreprises nationales en EPIC 15 000

Si l’on prend comme critère la mise en œuvredes politiques et des services publics, les per-sonnels y concourant au travers d’organismesjuridiquement constitués en établissements pu-blics sont au nombre de 942 000, soit 35 %des effectifs totaux.

❚❚❚ Structure juridique et organisationnelle

Pour le Conseil d’État, est établissement publictoute personne morale dont les dirigeants sontnommés par l’État et dont le statut résulte d’unacte réglementaire. On peut donc définir l’éta-blissement public négativement par rapport audroit privé comme une personne morale dontles statuts, le régime et l’objet social ne peu-vent être modifiés par les administrateurs etl’assemblée générale.

On distingue juridiquement les établisse-ments publics administratifs (EPA), géné-ralement chargés de la mise en œuvre despolitiques publiques ou de la gestion d’un ser-vice public, et les établissements publicsindustriels et commerciaux (Epic) qui,sans être pour autant dépourvus de lien avecle service public, exercent tout ou partie deleur activité dans le secteur concurrentiel.

La catégorie des EPA regroupe des catégoriesrépondant à de nombreuses appellations. LesEPA gèrent un service public administratif, cequi les fait ressembler à l’administration de

l’État ou des collectivités locales. La jurispru-dence du Conseil d’État fait de la possessionde prérogatives de puissance publique un cri-tère distinctif de l’EPA. En conséquence, ilssont soumis à un régime juridique de droitpublic et leur activité relève du juge adminis-tratif.

À l’inverse, les établissements publics àcaractère industriel et commercial(Epic), tout en restant des personnes publi-ques, poursuivent, du fait de leur activité, desfinalités plus proches de celles des entrepriseset sont, pour l’essentiel, soumises au droitprivé et au juge de droit commun. CertainsEpic sont d’ailleurs appelés entreprises pu-bliques, cette dénomination recouvrant à lafois des Epic et des sociétés anonymes totale-ment ou majoritairement détenues par l’État(ou d’autres personnes publiques).

Un établissement public comme la Poste consti-tue une catégorie sui generis : la Poste, sousl’appellation d’exploitant public, s’est vu attri-

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buer le statut d’Epic par la jurisprudence,98 % de ses ressources étant constituées de re-cettes de caractère commercial.

La réalité est plus complexe. En effet, il est au-jourd’hui courant que des EP aient un statutd’Epic sans pour autant que leur activité soitréellement industrielle ou commerciale. Le choixdu statut d’Epic s’explique plutôt par la re-cherche d’un régime juridique qui s’affranchissedes contraintes du droit public. On peut citer, àcet égard, des EP comme la Réunion des mu-sées nationaux ou la Comédie française.

L’absence de statut juridique de droitcommun doit être souligné : ce sont lestextes institutifs (loi créant une « catégoried’établissements publics », décret concernantchaque établissement) qui fixent le régime juri-dique applicable à chacun d’eux. Cela en-courage le foisonnement des situations.L’enquête réalisée auprès des établissementset de leurs tutelles s’efforce de faire apparaîtreles logiques implicites en œuvre derrière les lo-giques explicites.

En pratique, les règles d’organisation etde tutelle sont très variables. C’est parti-culièrement vrai des organes dirigeants dontla composition reflète les équilibres, auxquelsla formule de l’EP permet d’aboutir, en termesde représentations d’acteurs économiques etsociaux extérieurs à l’État, comme les organis-mes de gestion des régimes sociaux. Ainsi lesétablissements sont systématiquement dotésd’un conseil d’administration. Les ministères detutelle y sont habituellement représentés, maiségalement le cas échéant des représentantsdes intérêts concernés (collectivités locales,usagers, intérêts économiques, partenaires del’administration, personnalités qualifiées, etc.).Le président de l’établissement est le plus sou-

vent nommé par l’État (par décret en conseildes ministres ou par décret simple), sauflorsque l’autonomie de l’établissement requiertqu’il soit élu par le conseil d’administration. Leprésident coexiste parfois avec un directeur,avec les risques correspondants de chevau-chement de compétence.

� Autorité compétentepour créer des établissements publics

Leur création relève, pour une part, de l’inter-vention du Parlement. En effet, alors quel’organisation de l’administration au sein del’État est de la seule compétence du gouverne-ment, agissant par décret, la création des éta-blissements publics appartient, au moins danscertaines limites, au domaine de la loi.

La Constitution prévoit (article 34) que « la loifixe les règles concernant la création de caté-gories d’établissements publics ». On entendpar « catégorie » l’ensemble des établissementsrattachés à une même personne morale etayant une spécialité analogue, c’est-à-dire,en pratique, sous une même tutelle.

Cela signifie concrètement que, lorsque la ca-tégorie n’existe pas déjà, la création de l’éta-blissement public appartient au Parlement.Dans le cas contraire, le gouvernementpeut créer un établissement public, mais seule-ment dans les limites déjà fixées, pour sacatégorie, par la loi.

Il appartient alors à la loi d’aller assez loindans les « règles constitutives » : mission,ressources, exercice de la tutelle, structure duconseil d’administration, tous ces éléments doi-vent nécessairement figurer dans la loi et nepeuvent juridiquement être renvoyés à la com-pétence réglementaire du gouvernement.

❚❚❚ Éléments de réflexion sur les modes de pilotagedes établissements publics

Compte tenu de l’importance des EPN dans lamise en œuvre des politiques publiques ainsique de la variété des secteurs concernés et

des objectifs poursuivis, la question se pose deleur contribution à l’action de l’État et des rela-tions qu’ils entretiennent.

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En effet, le contrôle assuré par l’État apparaîttrop souvent davantage orienté sur les procé-dures financières et comptables, au détrimentdes objectifs stratégiques.

En outre, la fonction de tutelle est parfois diffici-lement organisée au sein de l’État (tutelleassurée parfois par quatre ou cinq ministères« concurrents ») et délicate à déconcentrer(dans les cas où les EP disposent de servicesterritoriaux, comme l’ANPE par exemple).

Or, les résultats de l’enquête 2001 sur les éta-blissements publics montrent que le principal bé-néfice du recours à cette formule ne réside pas,actuellement, dans les facilités de gestion qu’ilapporte par rapport au mode de fonctionne-ment des administrations centrales, mais dans lalisibilité des politiques publiques mises enœuvre. La volonté de doter ces organismes deressources propres et de leur permettre de recru-ter des compétences et les expertises spécifiquesest une conséquence induite.

Le dispositif est majoritairement considérécomme apportant une meilleure visibilité etune plus grande cohérence dans l’action gou-vernementale.

Des axes de progrès se dégagent afin d’amé-liorer l’efficacité du dispositif actuel :– préciser les missions conférées à l’établis-sement ; identifier les raisons qui font que laformule de l’EP est juridiquement et fonctionnel-lement adaptée et justifiée (enjeux stratégi-ques, association de partenaires à l’action del’État, souplesse de gestion, etc.), notamment

au regard de la nécessité d’autonomie de ges-tion à l’égard de l’État ;– analyser la structure et le rôle du conseild’administration ainsi que les modalités dechoix des dirigeants ; clarifier l’articulationentre présidence et direction générale de l’EP ;– évaluer les marges de manœuvre né-cessaires au bon fonctionnement de l’EP :adaptation du cadre budgétaire et financier(outils de gestion, contrôle de gestion) ; auto-nomie dans le recrutement et la gestion desressources humaines (choix des cadres, éva-luation et rémunération annexe des agents) ;– définir les méthodes d’exercice de latutelle : coordination de cette tutelle lorsqueplusieurs ministères sont concernés ; désigna-tion d’un chef de file ; définition d’une poli-tique univoque et cohérente au sein de l’État ;définition précise des relations des EP avec lesservices territoriaux de l’État. L’ensemble deces points peut être pris en compte dans un ré-férentiel de pilotage stratégique de la politiquedéléguée à l’établissement ;– développer la contractualisation des re-lations entre l’État et les établissements pu-blics : prévoir, à partir des missions et desobjectifs, des engagements, tant sur lesprestations et les services que dans la gestiondes moyens (gestion des ressources humaines,engagements financiers pluriannuels) ;– développer l’évaluation de la politiquepar des instances ad hoc comme il en existedéjà dans certains domaines (sécurité sociale,gestion des déchets radioactifs) et qui ren-dent compte au Parlement. �

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La mise en œuvredes politiques publiquespar les établissements

publics nationaux

On recense environ 1 300 établissements pu-blics nationaux, sous les divers statuts décritsdans la partie précédente.

La délégation interministérielle à la réformede l’État (DIRE) a réalisé en 2001 une en-quête auprès d’un échantillon représentatif

d’établissements publics nationaux (EPN) etauprès des tutelles.

Le thème en était « la mise en œuvre des politi-ques publiques par le biais d’établissementspublics nationaux » et visait donc à cerner lacontribution du dispositif des EPN à l’efficacitéet à la lisibilité de l’action publique.

❚ ❚ ❚ La situation actuelle : pesanteurs et perspectives

Bien qu’ancien, le dispositif manifeste unebonne capacité d’adaptation, comme en té-moigne la vitalité de la création d’EPN encharge de missions pointues, notamment dansle domaine de l’expertise scientifique.

� Pourquoi créerun établissement public national ?

Le critère de spécialité est dominant : oncrée un EPN pour rechercher une meilleure ef-ficacité dans la mise en œuvre d’une poli-tique publique, bien avant les facilités degestion que peut apporter cette formule, quine sont d’ailleurs pas flagrantes, tout aumoins pour les EPA.

Mais, fondamentalement, l’EPN est porteurd’une certaine conception de l’État :au-delà du volet technique, l’EPN apparaît

comme une « machine à construire des corpsintermédiaires » là où ils sont structurellementfaibles dans le corps social français, ou en-core lorsque de nouveaux champs stratégi-ques se constituent :– les agences de l’eau rassemblent des ac-teurs autour d’un enjeu et autour d’un territoirequi apparaît comme un territoire stratégique,fondé sur des solidarités physiques, sans êtreun territoire administratif ;– moins ouverts mais tout aussi structurants, lesEPST (hors universités) qui structurent l’en-semble des corps sociaux partie prenante auxactivités de recherche.

La création des agences de sécurité sani-taire est venue concrétiser le concept de « po-litique de sécurité sanitaire » qui naît au débutdes années 1990. L’État réalise, face aux nou-veaux phénomènes épidémiologiques, que la

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sécurité sanitaire devient une politique pu-blique en soi, impliquant une multitude d’ac-teurs, bien au-delà de la relation patient-méde-cin. Elle requiert une externalisation et un renfor-cement de l’expertise, d’où les agences misesen place depuis 1993 (l’Afssa ; le RNSP deve-nu IVS – Institut national de veille sanitaire ;l’Agence du médicament, devenue l’Afssaps ;l’Agence française du sang, devenue Établisse-ment français du sang), et qui viennent concréti-ser ce retour en force de l’État dans le champde la sécurité sanitaire.

Le rôle du conseil d’administration (CA)apparaît comme un point critique de la vitalitéet de l’importance stratégique de l’établisse-ment, tant par sa composition que les pouvoirsqui lui sont délégués. Il n’y a pas de doctrineexplicite sur ce point dont l’État soit porteur : onconstate que plus le CA est ouvert et comportedes membres actifs du corps social, plus il joueun rôle d’animation de la politique de l’établis-sement.

Dans les cas les plus marqués, on voit appa-raître des structures de co-régulation, commeau CRPF, où apparaît une « filière forêt »gérée par les propriétaires et la puissancepublique.

Le motif de la création des EPN estla recherche d’une meilleure efficacité dansla mise en œuvre d’une politique publiqueTant les tutelles que les directions d’établisse-ments s’accordent sur ce point : la recherched’une meilleure efficacité dans la mise enœuvre d’une politique publique est la raisonfondamentale de la création d’un établisse-ment public. Cette préoccupation vient loindevant les préoccupations de s’exonérer desrègles de la gestion publique, le dispositifn’étant pas considéré comme apportant unesouplesse déterminante par rapport à la ges-tion directe par les administrations centrales.On ne crée donc pas un EPN pouréchapper aux règles contraignantes dela gestion publique.

La modernisation de la gestion des établisse-ments publics provient tantôt de l’impulsion

donnée par l’administration centrale et le gou-vernement (cas des caisses de sécurité socialedepuis les ordonnances de février 1996),tantôt des établissements eux-mêmes dès lorsqu’ils évoluent dans un environnement concur-rentiel ou à risque ou que les partenairessociaux sont présents au conseil d’administra-tion.

Tutelles et établissements divergent sur le rôlequ’a joué le souci de doter ces établissementsde ressources autonomes. Pour les tutelles,cela a joué dans 86 % des cas, tandis que lesdirections des EPN considèrent ce facteurcomme mineur dans la prise de décision, et cebien que chacun s’accorde à établir un lien decause à effet entre performance et niveaud’autonomie.

La préoccupation du recrutement de compé-tences spécifiques entre également différem-ment en compte suivant le point de vue : pourla moitié des directions d’établissement, c’estun motif de création, tandis que cela ne l’estque dans 25 % pour les tutelles. Plus l’établis-sement est récent, plus cela compte. Il faut voirlà le développement d’établissements à mis-sions techniques qui nécessitent des compéten-ces techniques ou scientifiques n’existant pasdans l’administration.

Globalement, la capacité d’adaptation desEPN à l’évolution de leur mission est bonne.Seuls 19 % d’entre eux déclarent que leur mis-sion réelle diverge de leur mission statutaire.Ainsi l’ANPE, créée à l’époque du plein em-ploi pour fluidifier le marché du travail, est-elledevenue un des acteurs clés du retour à l’em-ploi une fois venue la période du chômage demasse.

Seul, l’Onisep porte un jugement négatif sur sacréation et admet participer au morcellementde l’action de l’État.

• La lisibilité de cette efficacité est égalementfonctionnelle et politique :– fonctionnelle, car l’association d’une poli-tique à une structure et à un organe de direc-tion permet son évaluation, même si cela sefait de manière tacite. Cela permet à tout lepoint de cerner et de nommer les problèmes

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de politique publique. Ainsi, c’est l’Afssa qui apointé le problème de l’alimentation carnéedes herbivores ;– politique, car l’effet induit de la constitutiond’un EPN est la constitution du corps social.Celle-ci peut concerner un pan entier de l’acti-vité économique, comme l’organisation desprofessions agricoles, de la production à ladistribution. Elle peut structurer un secteur sen-sible de l’activité économique comme l’organi-sation des producteurs de déchets radioactifsautour du principe « pollueur-payeur » au seinde l’Andra. Dans d’autres cas, l’effet structu-rant est beaucoup plus difficile à cerner : enquoi l’Anvar structure-t-elle le monde de l’inno-vation ? C’est sans doute visible au niveau lo-cal, mais peu sensible au niveau national.

� Le Parlement reste le grand absentdu dispositifLa Constitution limite l’intervention du législa-teur à la définition des « catégories d’établisse-ments publics ». Il n’intervient donc que dans

moins de 60 % des cas de création des EPNétudiés. L’intervention du législateur répond àsa volonté de définir une politique publique etd’inscrire clairement l’action administrative del’EPN dans le champ d’une politique publiquedont il permet et assure la lisibilité et l’efficacité.

Ainsi, les politiques publiques traitant les thè-mes nouveaux à caractère scientifique ettechnique ont-elles fait l’objet de la créationd’un établissement public en même tempsque le gouvernement formulait une politiquequ’il faisait adopter par le Parlement. C’est lecas de l’Ademe (1990 ; politique de protec-tion de l’environnement), de l’Andra (1991 ;politique de gestion des déchets radioactifs)et récemment de l’Afssa (1998 ; politique delutte contre les risques sanitaires liés à l’ali-mentation).

La légitimité d’un établissement réside avanttout dans son acte fondateur. Elle est très fortequand il a fait l’objet d’un débat national,par le vote d’une loi.

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Agence française de sécurité sanitaire et des aliments (Afssa)

L’agence a été créée par la loi du 1er juillet 1998 en intégrant en son sein des établissements, organismes etinstances consultatives, avec leurs missions et leurs moyens. La création de l’établissement a permis de bâtirun outil national d’évaluation des risques sanitaires et nutritionnels depuis la production des matières pre-mières jusqu’à la distribution au consommateur final. À ce regroupement de missions anciennes a été ajoutéune mission nouvelle : la délivrance d’autorisations de mise sur le marché des médicaments vétérinaires.

L’Agence a donc une mission d’évaluation des risques dans les domaines nutritionnels et sanitaires, d’appuiscientifique et technique qui inclut l’évaluation des dispositifs de contrôle mis en place quant à leur efficacitéet leur qualité. La création de l’Agence permet donc d’améliorer la cohérence et la visibilité de l’action gou-vernementale.

Établissement public à caractère administratif, l’Afssa voit la part de ses ressources propres rapidementprogresser (prestations de services, redevances de mises sur le marché de médicaments vétérinaires...)pour atteindre 25 % dans le budget 2001.

Bien que les personnels relevant du statut général de la fonction publique représentent plus de 96 % des ef-fectifs, le cadre juridique de l’EPN à caractère administratif permet de répondre à la nécessité de recruterdes scientifiques pour renforcer les programmes liés à l’encéphalopathie spongiforme bovine.

L’autonomie de gestion permet en outre d’intégrer des experts indépendants n’appartenant pas aux pou-voirs publics pour participer à la prise de décision dans certains domaines. Une politique active de forma-tion (4,5 % de la masse salariale) permet d’investir dans la mobilisation des compétences scientifiques ettechniques.

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L’EPN et la gestion d’une politique publique : le cas de radioactifs

L’Andra a été créée en 1991 par la loi « Bataille » définissant les règles de stockage des déchets radioactifssur le territoire français et définissant un cadre de recherche et d’expérimentation pour définir, à l’horizon2006, une politique de stockage des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue :

Extraits de la loi :

Art. 3-1. – Le stockage souterrain en couches géologiques profondes de produits dangereux, de quelquenature qu’ils soient, est soumis à autorisation administrative. Cette autorisation ne peut être accordée ouprolongée que pour une durée limitée et peut en conséquence prévoir les conditions de réversibilité dustockage. Les produits doivent être retirés à l’expiration de l’autorisation. [...]

Art. 3. – Le stockage en France de déchets radioactifs importés, même si leur retraitement a été effectuésur le territoire national, est interdit au-delà des délais techniques imposées par le retraitement.

Art. 4. – Le Gouvernement adresse chaque année au Parlement un rapport faisant état de l’avancement desrecherches sur la gestion des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue et des travaux qui sont me-nés simultanément pour :– la recherche de solutions permettant la séparation et la transmutation des éléments radioactifs à vielongue présents dans ces déchets ;– l’étude des possibilités de stockage réversible ou irréversible dans les formations géologiques profondes,notamment grâce à la réalisation de laboratoires souterrains ;– l’étude de procédés de conditionnement et d’entreposage de longue durée en surface de ces déchets.

Ce rapport fait également état des recherches et des réalisations effectuées à l’étranger.

À l’issue d’une période qui ne pourra excéder quinze ans à compter de la promulgation de la présente loi, leGouvernement adressera au Parlement un rapport global d’évaluation de ces recherches accompagné d’unprojet de loi autorisant, le cas échéant, la création d’un centre de stockage des déchets radioactifs à hauteactivité et à vie longue et fixant le régime des servitudes et des sujétions afférentes à ce centre.

Le Parlement saisit de ces rapports l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Ces rapports sont rendus publics. Ils sont établis par une commission nationale d’évaluation [...].

Art. 13. – Il est créé, sous le nom d’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, unétablissement public industriel et commercial, placé sous la tutelle des ministres de l’Industrie, de laRecherche et de l’Environnement.

Cette agence est chargée des opérations de gestion à long terme des déchets radioactifs, et notamment :– en coopération notamment avec le Commissariat à l’énergie atomique, de participer à la définition et decontribuer aux programmes de recherche et de développement concernant la gestion à long terme des dé-chets radioactifs ;– d’assurer la gestion des centres de stockage à long terme soit directement, soit par l’intermédiaire detiers agissant pour son compte ;– de concevoir, d’implanter et de réaliser les nouveaux centres de stockage compte tenu des perspectivesà long terme de production et de gestion des déchets et d’effectuer toutes les études nécessaires à cette fin,notamment la réalisation et l’exploitation de laboratoires souterrains destinés à l’étude des formations géo-logiques profondes ;– de définir, en conformité avec les règles de sûreté, des spécifications de conditionnement et de stockagedes déchets radioactifs ;– de répertorier l’état et la localisation de tous les déchets radioactifs se trouvant sur le territoire national.

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Dans le cas de l’Ademe, le législateur n’a pasprévu de dispositif spécifique lui permettant deprendre connaissance des activités del’agence. Dès lors, on tombe dans le dispositifde droit commun : le budget de l’agence estvoté en même temps que le budget des minis-tères de tutelle et ne fait pas l’objet d’un débatspécifique.

À l’inverse, les missions de l’Andra ont été sou-mises, pour ce qui est des déchets à haute ac-tivité et à vie longue, à l’évaluation d’uneCommission nationale d’évaluation qui publiechaque année un rapport au Parlement quisaisit l’OPECST. L’Afssa, pour sa part, a reçuune mission d’évaluation ex ante des disposi-tifs de prévention sanitaire. Elle a en outre unepolitique très active de communication de sesavis au grand public qui en font un acteur obli-gé du débat public. Les ordonnances de1996 ont installé auprès des Caisses de sécu-rité sociale un conseil de surveillance à com-position parlementaire chargé de rendrecompte au Parlement de l’exécution desconventions de gestion entre l’État et les Cais-ses. En tout état de cause, la sécurité socialefaisant l’objet d’une loi de financement spéci-fique, le Parlement est informé de l’exécutionde cette loi par le rapport annuel de la Courdes comptes.

Dans le droit commun des EPN, cependant, leParlement est le grand absent. Les structuresd’évaluation de la performance comprennentdes parlementaires dans seulement 3 % descas. Lors du vote du budget des EPN dans lesbudgets des ministères, les ministres ne ren-dent pas compte au Parlement des activitésdes établissements de façon systématique.

Sauf à mettre en place un dispositif spécifiquede communication avec le Parlement (créationd’un poste d’attaché parlementaire), les EPNn’entretiennent donc aucune relation avec leParlement dans 60 % des cas.

� Une contribution assez forteà la concertation avec les usagers

À l’inverse, l’ouverture de l’activité des EPNvers les citoyens, les usagers et d’une manière

générale vers la société civile progresserapidement : 84 % des établissements étudiésdéclarent disposer de mécanismes, formels ouinformels, impliquant les acteurs extérieurs à lavie ou à la gestion de l’établissement. 65 %déclarent avoir mis en place un code debonne conduite avec leurs usagers, clients ouressortissants.

Plus le domaine traité est à risque – environne-ment, sécurité sanitaire, environnement... –plus la politique de communication est active.

L’évaluation de ces politiques de communica-tion et de relation avec le public, s’étendantd’une simple politique de communication insti-tutionnelle à une réelle intégration du publicdans le processus décisionnel, reste à faire.

On peut dire que la légitimité de l’établisse-ment se renforce dans son ouverture vers lasociété, soit par sa capacité à nourrir le dé-bat public, soit, cela est encore mieux, en ac-cueillant ses représentants dans son conseild’administration.

� Comment sont dirigés les EPN ?

La volonté de créer un établissement public tra-duit pour les administrations centrales la volon-té d’exercer une tutelle sur une politique, alorsmême qu’elles reconnaissent que l’autonomieconférée aux EPN est une garantie de perfor-mance.

Le caractère le plus manifeste de l’exercice dela tutelle est le pouvoir de nomination du direc-teur général. L’État désigne seul le directeur gé-néral dans 90 % des cas. Il en est de mêmepour les présidents, dont la nominationn’échappe à l’État que lorsque cela est explici-tement prévu, comme à l’ANPE ou dans lesCaisses de sécurité sociale, où ils sont dési-gnés par les partenaires sociaux. L’exercice dupouvoir de la tutelle s’étend même à la nomi-nation des cadres supérieurs de l’établisse-ment dans 50 % des cas.

Les deux fonctions, président et directeur géné-ral, semblent trouver leurs places respectives.Moins de 4 % sont des « présidents-directeursgénéraux ». Seuls 2 % des présidents décla-

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rent donner une lettre de mission au directeurgénéral.

Néanmoins, tutelles et établissements s’accor-dent pour considérer que l’établissement aune réelle autonomie de gestion. Danscertains cas, toutes les décisions opérationnel-les ne peuvent intervenir qu’au travers d’actesadministratifs de la tutelle. Le pouvoir du direc-teur et du CA est donc essentiellement un pou-voir d’influence.

Les tutelles considèrent que dans la très grandemajorité des cas le directeur général a untrès large pouvoir de décision et que leCA exerce un rôle dirigeant effectif.

Les administrateurs non fonctionnaires et nonmembres de droit restent pour une large partchoisis par l’État. Ces fonctions sont très large-ment bénévoles.

À une tutelle forte au moment de la nominationcorrespond donc une autonomie dans la ges-tion quotidienne. L’approbation a priori par lestutelles des délibérations à soumettre au CAreste une pratique courante, sans que le CA in-terprète cela comme une ingérence : il s’agitplus d’une régulation ex ante de possibles con-flits de doctrine et de droit.

Il resterait à évaluer le comportement des fonc-tionnaires qui représentent leurs administrations :sont-ils des lobbyistes de leurs administrations,ou, à l’inverse, se comportent-ils comme de véri-tables porteurs des enjeux stratégiques de l’éta-blissement ?

� Un dispositif à forte valeur ajoutée

Cette valeur spécifique repose sur plusieurstraits distinctifs de l’EPN :– l’existence d’un conseil d’administra-tion, lorsqu’il est ouvert vers l’extérieur et estvraiment un lieu de structuration d’une poli-tique, reste le principal attrait et point fort de laformule ;– le recrutement de compétences spécifi-ques est également universellement reconnu,indépendamment de la nature (EPA ou Epic)de l’EP ;

– la capacité à générer des ressourcespropres et à concevoir des activités mar-chandes (IGN, CNDP), qui permet aux politi-ques publiques d’inventer des outilsd’intervention sur le marché (p. ex. gestion desdroits d’auteurs pour les produits audiovisuelspar le CNDP) voire de créer le marché, resteune activité importante. La gestion des activitésmarchandes des EP reste un point à explorer :faut-il créer des filiales commerciales ? C’estsouvent ce qui se fait mais ce ne semble pasêtre idéal.

Globalement, on peut estimer que les EPNs’adaptent très bien à l’évolution de leursmissions et de leurs activités et sont par làune source de renouvellement et d’actualisa-tion de l’action publique.

L’EPN permet de créer des centres d’exper-tise indépendante : p. ex, par la transfor-mation en EPN de l’association « Francegreffe d’organes », ou le réseau de laboratoi-res de référence de l’Afssa.

L’EPN met en œuvre et incarne une concep-tion dynamique des politiques publi-ques et du rôle de l’État par son doubleeffet structurant sur le corps social en créantdes réseaux « société civile » autour des politi-ques publiques, et par une approche dyna-mique de la notion de territoire, au travers soitd’une déconcentration de l’établissement cen-tral (Ifremer), soit d’une création de territoiresstratégiques correspondant à des politiques(Agences de bassin).

� La différence EPA-Epictend à perdre de son sens

Pour deux critères importants, l’accès aux res-sources propres et la capacité à adopterune orientation client, la différenceEPA-Epic est inopérante. Dans les deux cas, lalégitimité des ressources propres est un élé-ment de dynamisme des EPN, comme dans lecas de l’Afssa dont la part des ressources pro-pres est en augmentation constante pour at-teindre 25 % en 2002. Pilotée à mauvaisescient, cette dynamique a des effets pervers :dans le cas du musée de l’Armée, l’administra-

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tion de tutelle pousse l’établissement à déve-lopper ses ressources propres provenant desdroits d’entrée aux dépens de la mission patri-moniale du musée qui ne peut être financéesur les droits d’entrée.

La gestion de compétences spécifiqueshors statut n’est pas non plus un critère de diffé-renciation, les EPA recourant abondamment àla liste dérogatoire.

Le statut d’Epic n’est pas plus un gaged’indépendance puisqu’ils font l’objet duplus grand nombre d’interventions de la tutellehors CA.

� Le début d’une culturede la performance

L’arbitrage entre relation hiérarchique et auto-nomie des relations entre tutelle et établisse-ment tend à se faire progressivement par ledéveloppement de la planification straté-gique. Nous avons vu le caractère empiriquedes pratiques actuellement en œuvre. Pourqu’elle puisse pleinement se développer, ilreste à développer d’abord une culture de laperformance.

Un net progrès de la contractualisationLes structures actuelles de direction des établis-sements publics traduisent la prééminence desprocédures juridiques dans les relations entreadministrations centrales et établissements.Toutefois, on relève un net progrès dans le dé-veloppement des relations contractuelles entreles administrations de tutelle et les établisse-ments.

L’enquête en cours donne un premier état despratiques de contractualisation, qui sont trèsdispersées puisque 74 % des EPN déclarentqu’il existe un processus de réflexion et de pla-nification stratégique entre eux et leurs tutelles,tandis que ces dernières déclarent que ce pro-cessus n’est formalisé que dans 26 % des cas.

Le ministère de l’Agriculture a décidé de géné-raliser des « conventions d’objectifs » avec sesEP, tandis que le ministère de la Culture, pourmettre en œuvre les prescriptions de la circu-

laire (programmes pluriannuels de modernisa-tion – PPM) du Premier ministre du 3 juin 1998est en train de formaliser avec beaucoup deprécision la démarche de contractualisationavec quelques établissements phares (muséedu Louvre, Réunion des musées nationaux,Centre national de la danse). Également,dans le domaine de l’emploi et de la solidari-té, les relations de l’État avec la Cnaf et lesCaf font l’objet d’une évaluation et d’un suivides conventions d’objectifs qui ont été con-clues.

Les conventions d’objectifs recouvrenttoutefois des réalités très disparates.40 % des EPN déclarent signer un contratd’objectif définissant des objectifs stratégi-ques. 30 % ont des plans pluriannuels enca-drant les contrats d’objectifs annuels et 17 %ont des conventions de subventionnement.

Il est possible de dégager plusieurs observa-tions sur les contrats existants.

Après le rappel des missions de chaque éta-blissement (qui sont des missions de service pu-blic, même pour les Epic qui doivent, parexemple, assurer la continuité du service, dansle temps et sur l’ensemble du territoire), vien-nent les objectifs que l’on retrouve dans tousles contrats (développement du partenariat,gestion des ressources humaines, gestion fi-nancière, qualité du service rendu), puis ceuxqui sont spécifiques à tel secteur ou tel établis-sement (compétitivité internationale pour EDF,mise en pratique du principe pollueur-payeurpour l’Andra).

Au-delà, les contrats prévoient de plus en plussouvent des engagements, tant sur les pres-tations ou les services rendus que dans la ges-tion des moyens.

S’agissant, en premier lieu, des engage-ments de services, on trouve par exempledes engagements sur la sécurité des locaux ousur l’encadrement des étudiants (dans certai-nes universités), sur les outils offerts aux usagers(bornes interactives, télématique, nombre d’of-fres d’emploi proposées par l’ANPE), sur la ra-pidité du service (La Poste), ou sa sécurité(EDF).

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� Les conventionsd’objectifs de gestion

à la Sécurité sociale

Les ordonnances de 1996 sur lasécurité sociale ont disposé un

système de conventionsréciproques entre l’État et lescaisses de sécurité sociale qui

contiennent :– des objectifs de politique

publique (ex : participation à lamaîtrise des dépenses de santé)

associés à des indicateursd’efficience. De son côté, l’État

prend des engagements qualitatifscomme le principe de prévenance

ou l’engagement de faire évoluerla réglementation ;

– les allocations des moyens defonctionnement sur trois ans ;

– des indicateurs d’évaluation parles services déconcentrés (Drass)

qui procèdent ensuite à unesynthèse nationale vers

le conseil de surveillance.

De la sorte, les directeurs decaisse disposent d’une réelle

autonomie de gestion, etl’évaluation créé de l’imputabilitétant pour les directeurs que pourl’État puisque le rapport d’activité

élaboré par les évaluateursdéconcentrés au conseil de

surveillance (composé deparlementaires) fait un bilan des

carences éventuelles de l’État dansl’exécution de la convention ou dutrouble introduit dans l’exécution

de la convention par l’évolution ducadre législatif, réglementaire et

En second lieu, des engagements sur lesmoyens figurent aussi dans les contrats :– gestion des ressources humaines : forma-tion, lutte contre l’absentéisme, déconcentra-tion (ANPE) ;– engagements financiers : comptabilité ana-lytique (ANPE) ou politique tarifaire (La Poste,EDF). Dans ce domaine, les engagements sontpeu réciproques, puisque les engagements del’État sont souvent pris sous réserve desmoyens alloués annuellement en loi de finan-ces et souvent remis en cause en loi de finan-ces rectificative.

Enfin, plusieurs contrats d’établissements sontassortis d’indicateurs permettant d’apprécierles conditions d’exécution du contrat. Dans lemême esprit, des modalités de suivi et d’éva-luation sont prévues par l’examen d’une com-mission ou d’un comité technique.

La lecture de ces contrats, malgré le progrèsqu’ils représentent, font apparaître plusieursdéfauts : les engagements de l’État sont sou-vent faibles ou en trompe-l’œil (transformantparfois le contrat en cahier des charges en dis-positif de facilitation des mesures de tutelle),notamment en matière financière où la plurian-nualité fait gravement défaut. La référence à lapolitique publique dans laquelle s’insère l’éta-blissement (et dont il ne représente bien sou-vent que quelques pour-cents en massebudgétaire) est généralement faible quandelle n’est pas absente.

La réponse de 75 % des EPN, qui considèrentqu’il existe un processus de réflexion et de pla-nification stratégique entre l’établissement etsa tutelle, doit donc être nuancée, d’autantque les administrations centrales ne considè-rent qu’un tel processus formalisé n’existe quedans 25 % des cas. Elles évaluent à 35 % lescas où les EPN préparent des plans de perfor-mance pluriannuels, mais considèrent qu’il n’ya aucune planification stratégique que dansseulement 8 % des cas. Ces chiffres reflètent lesentiment qui se dégage des études de cas,selon lequel la planification stratégique est gé-néralement entreprise à l’initiative des EPNlorsqu’il ne provient pas d’une initiative du lé-

gislateur, comme dans le cas des caisses desécurité sociale.

Une telle dispersion des résultats traduit d’unepart l’intérêt tant des EPN que des tutelles – quiconsidèrent que la planification stratégiquepermet d’optimiser les dotations budgétaires etde mesurer la performance – pour le déve-loppement de la planification straté-gique. Mais, d’autre part, il semble que l’onmette sous le vocable de « planification straté-gique » des pratiques très hétérogènes, quivont du simple conventionnement de moyensà la planification pluriannuelle.

Cette situation n’a rien d’étonnant en l’ab-sence d’un référentiel définissant la planifica-tion stratégique et les pratiques qui doivent yêtre associées.

L’évaluation de la performanceL’évaluation de la performance a pour objetde rendre compte des résultats obtenus dansla mise en œuvre de la politique. La moitiédes établissements interrogés considèrentqu’ils disposent de plans de performance per-mettant de rendre compte de ces résultats.L’approche reste malgré tout essentiellement fi-nancière puisque seulement 55 % des EPNdéclarent fournir des éléments pour juger del’efficacité de la politique. Dans 60 % descas, les EPN déclarent avoir des mécanismesde pilotage permettant de contrôler que lesorientations définies par le CA se traduisentpar des décisions et dans 80 % des cas de vé-rifier que les ressources sont employées confor-mément aux objectifs.

70 % des EPN déclarent avoir en interne unmode d’évaluation de la performance, maisseulement 44 % une structure d’évaluation ex-terne. Le faible rôle du Parlement est confirmépuisque des parlementaires ne sont présentsque dans 4 % des cas.

Tant l’enquête que les études de cas permet-tent de faire état d’une réelle amorce de cul-ture de la performance axée sur lesrésultats et mesurée sur ces critères externes,comme la satisfaction des usagers du servicepublic.

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Elle est surtout le produit de l’initiative des éta-blissements qui jugent que l’administrationcentrale n’est rendue responsable des perfor-mances de l’établissement, pour ce qui laconcerne, que dans 28 % des cas. Le prin-cipe de prévenance – qui consiste à observerun délai dans le bouleversement d’un ordretechno- juridique existant de manière à ce queles établissements puissent adapter leur poli-tique – est pratiquement inexistant.

Elle se développe au travers de pratiques em-piriques qui font des établissements publicsdes laboratoires de modernisation de lagestion publique. S’il n’existe pas – commec’est le cas aux États-Unis pour les rapports desagences au Congrès – de standards de quali-té pour définir les normes de production desrapports d’activité, la pratique de ceux-ci est

unanimement répandue. L’audit des rapportspermet de dessiner un paysage très disperséqui va du catalogue d’activités, de chiffres, destatistiques, à de véritables exposés structurésde politiques publiques, de mesure de l’effi-cience et de l’efficacité des moyens qui leursont affectés.

Plus l’organisme est exposé au débatpublic, plus sa communication est struc-turée, même en l’absence de missions decommunication ou de structure ad hoc d’éva-luation.

C’est donc un paysage en devenir du ma-nagement public qui se dessine au travers del’analyse des pratiques des établissements pu-blics. Elles peuvent nourrir de la formalisationde pratiques qui pourraient être à développerpar les services centraux de l’État. �

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L e s é t a b l i s s e m e n t s p u b l i c s n a t i o n a u x

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Perspectives et propositions :un pilotage stratégiquelié à une nouvelle

culture de gestion

L’enquête démontre qu’en l’état actuel il existedes pratiques et une culture empiriques de pilo-tage stratégique qui constituent un socle favo-rable pour formaliser et développer une doctrineet une généralisation du pilotage stratégique.

Il est donc essentiel de capitaliser les acquisqui font des établissements publics le labora-

toire de nouvelles pratiques d’un managementpublic basé sur l’atteinte de finalité et non plussur la seule gestion des moyens.

Ces acquis sont par ailleurs une bonne basede départ pour saisir les opportunités et les im-pératifs créés par la réforme de la loi orga-nique sur les lois de finances.

❚ ❚ ❚ Les nouveaux horizons possibles : capitaliser les acquis

Plusieurs études et rapports permettentv au-jourd’hui de tracer un état de l’art de référenceouvrant de nouveaux horizons possibles pourle pilotage des politiques publiques par lebiais d’établissements publics nationaux :– le guide méthodologique « Contractuali-sation dans le cadre du contrôle de ges-tion », réalisé par la DIRE (septembre 2001) ;– le rapport Guillaume sur les systèmesde gestion de la performance et leur articula-tion avec le budget de l’État (février 2000) aprocédé à une analyse comparative danshuit pays : Canada, Danemark, États-Unis,Finlande, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni,Suède ;– le rapport du groupe de travail présidé parJ.P. Weiss (« L’amélioration de la ges-tion publique ») sur les indicateurs et le dé-ploiement du contrôle de gestion dansl’administration (octobre 2000) ;

– l’étude réalisée par l’Associationfrançaise des directeurs financiers et decontrôle de gestion (1999).

Ces études et analyses concluent à la nécessi-té, à la possibilité et à la faisabilité de l’implan-tation d’un pilotage stratégique appuyé sur uncontrôle de gestion par activité. Cet état del’art propre au service public devra bien sûr senourrir de l’état de l’art plus vaste du manage-ment des organisations, notamment en s’inspi-rant des expériences réalisées dans les firmesdu secteur concurrentiel les plus en pointe.

� Une contractualisation fondéesur des objectifs stratégiques

La culture de référence actuelle consiste à agirsur les intrants de l’organisation pour en amé-liorer les extrants. Les seules marges de man-œuvre sont donc les allocations de moyens fi-

L e s é t a b l i s s e m e n t s p u b l i c s n a t i o n a u x

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� Contrôle de gestionet service public

Le contrôle de gestion reposesur les concepts d’économie,

d’efficience et d’efficacité avecdes méthodes.

Le concept d’économie viseà s’assurer du meilleur coût

pour l’acquisition des moyens(optimisation des achats,

adéquation des profils desagents aux postes...).

Le concept d’efficience viseà optimiser les ressources àpartir de la mise en relation

des volumes d’activité avec lesmoyens utilisés. Il suppose,

pour être utilisé à bon escient,une définition préalable de

critères de mesure de lavaleur produite par un

service public.

Le concept d’efficacité vise àrapprocher les réalisations des

objectifs fixés : il suppose lafixation préalable d’objectifs

datés et quantifiésnotamment en ce qui

concerne la qualité du servicepublic.

nanciers et de personnels et la productionréglementaire dans l’espoir d’optimiser unfonctionnement dont les finalités sont définiesde manière très générique. On agit donc prin-cipalement sur les ressources, peu sur les pro-cessus.

On se prive dès lors de toute perspectived’amélioration et de la productivité, et de l’effi-cacité. Les lois de la sociologie des organisa-tions (loi de Parkinson 1 notamment) font qu’àpartir d’un certain point la productivité croît demanière inverse aux moyens alloués.La croissance des dépenses publiques durantles vingt dernières années a développé chezles gestionnaires une culture de suivi d’utilisa-tion des moyens aux dépens de l’atteinte d’unrésultat visé selon des standards de qualité.Cette logique est antinomique avec la logiquedu pilotage stratégique et de l’allocation deressources aux objectifs clés.Le développement d’une culture de la perfor-mance requiert donc de dépasser la cul-ture de moyens pour parvenir à uneculture stratégique.Le raisonnement stratégique va être appuyésur le pilotage des processus, qui sont desenchaînements d’activités finalisées vers lacréation de valeur pour le client final (l’usagerdu service public).Le pilotage stratégique va consister à définird’abord les objectifs à atteindre, à analyserles processus permettant de les atteindre et àallouer les ressources aux activités criti-ques de ces processus.

Penser en termes d’impulsion stratégiquerequiert une évolution du cadre de référencede la direction des établissements publics

Dépasser la logiquede « consommation budgétaire »

L’élaboration des budgets à partir des consom-mations des années antérieures ne repose passur une actualisation des objectifs. Moyens etobjectifs ne sont donc pas mis en tension. Les

décisions sont prises non en fonction desobjectifs mais en fonction des problèmes deconsommation de lignes budgétaires.

Bien différencier « valeur de la politique »et « politique de la valeur »La valeur d’une politique publique est fonc-tion des choix stratégiques faits par le gouver-nement et doit être évaluée par des dispositifsad hoc où le Parlement joue nécessairement ungrand rôle (OPECST : Office parlementaired’évaluation des choix scientifiques et technolo-giques, Conseil national de l’évaluation...). Ils’agit donc de mesurer une valeur sociale entermes de biens collectifs produits.

La politique de la valeur concerne les pro-cessus de production des biens et services pro-duits par les établissements, soit la capacité àatteindre un objectif (efficacité) selon des normesde consommation de ressources (efficience).

Ces deux notions sont souvent confondues et,dès lors, la valeur de la politique se résume àl’optimisation de la gestion de l’établissement.La tendance aujourd’hui constatée est à uneamélioration de la politique de la va-leur en même temps qu’à une faiblessepersistante du pilotage de la valeur dela politique liée à une déficience desadministrations centrales, sinon du gou-vernement, à mettre en œuvre un pilotagestratégique efficace.

Relier allocation des moyens et objectifsLa raison d’être d’un service public se concré-tise par la réalisation de biens et services li-vrables dont l’utilité sociale peut êtrelégitimement valorisée par l’usager. Les procé-dures d’arbitrage budgétaires jusqu’à la ré-forme du 1er août 2001 ne prenaient que trèsrarement en compte cette dimension. Or, lanature même d’un établissement public doitpermettre de cibler les allocations de ressour-ces sur un objectif stratégique, ce que permetbeaucoup plus difficilement l’organisation ver-ticalisée des centrales.

Perspect ives et propos i t ions : un pi lotage stratég iquel ié à une nouve l le cu l ture de gest ion

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1. Du sociologue Northcott Parkinson : plus une organisation est inutile, plus elle tend à s’inventer les moyensde pérenniser son existence.

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Méteo-France mobilise des moyens fixes impor-tants qui ne produisent de la valeur d’usageque par des prestations dont le coût marginalest proche de zéro (bulletin d’alerte, rapidité dediffusion de l’information, segmentation...).

La seule connaissance des coûts est donc in-suffisante à l’obtention de prestations perfor-mantes. Il faut mettre en place des processussouples et réactifs. Ainsi le niveau central as-sure-t-il la maîtrise d’œuvre des produits finis(directives nationales, cartes, analyses...) àdestination d’usagers nationaux et qui ont lecaractère de produits semi-finis pour la chaînede prévision (régions et départements). Le ni-veau régional élabore des produits finis à des-tination d’usagers régionaux et des produitssemi-finis pour les départements qui produisentdes produits spécifiques adaptés à une clien-tèle diversifiée, et notamment d’assurer sa mis-sion de sécurité en participant aux cellules decrise.

Ces innovations organisationnelles sur le prin-cipe d’organisations modulaires et arbores-centes sont aujourd’hui rendues possibles parle développement des TIC – notamment autourd’architectures ERP 1 – qui permettent de mo-déliser une opération complexe de service pu-blic qui mobilise simultanément un écheloncentral et un échelon local.

Un processus formel de planificationstratégique peut être l’instance de dialogueentre l’établissement et sa tutelle quant àsa mission et ses objectifs opérationnelsLa planification stratégique suppose au mi-nimum un processus en trois grandes phases.

Un plan à cinq ansRévisé tous les trois ans, il décrit les missionset objectifs de l’établissement, définit les rela-tions entre le plan stratégique et le plan annuelde performance, identifie les facteurs externesaffectant ces objectifs et décrit la méthode et leprocessus d’évaluation et d’actualisation duplan stratégique.

Des plans annuels de performanceIls décrivent les programmes et les objectifsde performance qui y sont associés, ainsi queles indicateurs de performance utilisés, ré-partis généralement en indicateurs d’efficience(consommation des moyens) et d’efficacité (at-teinte des résultats). Ils définissent les modalitésdu reporting et de validation des résultats.

Des rapports d’activitéIls comparent le niveau effectif de performanceet le niveau visé, analysent les facteurs ex-plicatifs de la (non)-performance, les méca-nismes correcteurs introduits ou à introduire,évaluent la politique menée et décriventl’étendue de la liberté de gestion donnéeà l’établissement.

Des contrats de performance entrel’établissement et sa tutelle peuventpermettre une autonomie de gestion baséesur un engagement en termes de résultatsCes contrats sur objectifs pourront s’inscriredans la logique de la loi organique de fi-nances permettant d’associer un programmebudgétaire à une politique. La tutelle n’inter-vient plus dans la répartition interne des créditsentre chapitres et programmes et l’établisse-ment fait son affaire de la politique interne deperformance selon les standards appropriés.

Ils entérinent la liberté de gestion accordéepar la tutelle à l’établissement et l’autonomiede décision laissée au directeur : redéploie-ment des moyens de fonctionnement, gestiondu personnel.

La logique de performance est un puissant outilde modernisationSi les caisses de sécurité sociale n’ont pas en-core déployé la logique des contrats de per-formance en système de contrôle stratégiquede gestion, elle n’en a pas moins été un puis-sant facteur de motivation et de moder-nisation pour l’encadrement de direction,tant au niveau des caisses que de la directionde la Sécurité sociale.

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L e s é t a b l i s s e m e n t s p u b l i c s n a t i o n a u x

� À la Caisse d’allocationsfamiliales, la démarche

« Progrès » a permis uneanalyse multicritères desprocessus. Ceux-ci sont

analysés sous plusieurscritères :

– mettre en évidence leszones de non-qualité, en

appréciant la capacité desprocessus à délivrer un produit

conforme aux attentes desclients internes et externes ;

– mettre en évidence leszones de risques : les objectifs

finaux sont déclinés enarborescences de

sous-objectifs ce qui permetd’identifier les nœuds critiques

devant faire l’objet d’unpilotage prioritaire ;

– mettre en évidence lescoûts des activités : plus que

de raisonner par coûtscomplets il s’agit d’identifier la

valeur ajoutée de chaqueactivité et d’optimiser les coûts

pour l’obtenir, sachant qu’ilssont composés à 80 % de

coûts en ressources humaines.

1. Les ERP (« Enterprise resource planning ») sont des progiciels de gestion intégrés qui permettent l’organisa-tion de l’activité d’une organisation en modules autour d’un entrepôt central de données.

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Les contrats de performance sont des contratscadres qui se déploient en un systèmede pilotage internede l’établissementDès lors que les contrats de performance fixentles cadres de l’autonomie de gestion, il est né-cessaire qu’ils puissent se décliner en systèmede pilotage interne.

Les propositions issues de cette analyse per-mettent de réduire les coûts de processus sansaugmenter les risques de déviation des objectifs.D’une manière générale, l’objectif à poursuivreest l’implantation d’un contrôle stratégique degestion basé sur la comptabilité par activité(méthode ABC « Activity-Based Costing ») telqu’on pourra la trouver aujourd’hui dans un Epiccomme l’Ugap.

� Les composantesd’une nouvelle culture de gestionLa nature propre des missions de service pu-blic (priorité à l’intérêt général sur l’intérêt parti-culier, action à contre-cycle des marchés,coûts de structure élevés liés au principe del’égalité de traitement, absence de sanctionde la non qualité par les clients) n’est aucune-ment antinomique avec l’adoption d’une lo-gique de la performance.Celle-ci doit être toutefois plus complexeque celle adoptée dans le secteurconcurrentiel qui a plus de latitude pourfaire évoluer son organisation et est en interac-tion plus directe avec ses clients. Cette com-plexité est accrue par la désynchronisationentre les mouvements de déconcentration quirapprochent les administrations des usagers etla décentralisation – ou la gestion paritaire –qui tend à diluer les pôles d’impulsion straté-gique et à rendre difficile l’imputabilité.

Une démarche fondée sur les activitéset la formalisation des processusMettre en tension ressources,activités et biens livrablesLe principe de base du contrôle stratégique degestion est de partir de la définition des biens

et services livrables assortie d’indicateursde qualité et d’acceptabilité 1. La qualité deslivrables est imputable à des activités critiquesdans les processus, auxquelles les ressourcespertinentes devront être allouées.

Définir unité d’œuvre et inducteursde performanceL’articulation entre ces trois composantes sefait au moyen d’unités d’œuvre qui relientactivités et coûts (heures de travail, temps ma-chine...) et d’inducteurs de performancequi sont les leviers permettant d’accroître la va-leur créée pour un coût moindre. La confectiond’une paie répond donc à un certain nombred’inducteurs (exactitude des données, fiabilitédes outils informatiques...) agissant sur les acti-vités qui consomment des unités d’œuvre pourproduire un livrable (fiche de paie).

Le contrôle stratégique de gestionLa mise en place d’un contrôle de gestionstratégique repose sur la traduction des orien-tations politiques en « actions » et renvoie à :– la connaissance des enjeux et des be-soins que l’on veut satisfaire ;– la définition précise des actions menées etde leurs objectifs ;– la mise en œuvre des moyens adéquats ;– la mesure des résultats des actions me-nées au regard des objectifs fixés.

Il va consister à dessiner les processus,identifier les activités critiques, repérerles inducteurs de performances et les ob-jets de coûts pour allouer les ressources enconséquence.

Le contrôle de gestion stratégique doit per-mettre un véritable pilotage des décisions. Ilest utilisé pour préparer les décisions, suivre lesréalisations et réorienter les modes de gestionet d’organisation. S’agissant d’une démarcherésolument tournée vers l’usager, il peut servirde base à une démarche de marketing duservice public.

Perspect ives et propos i t ions : un pi lotage stratég iquel ié à une nouve l le cu l ture de gest ion

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� Le contrôle de gestiondans l’administration

de l’État

« [...] un système de pilotagemis en œuvre par un responsabledans son champ d’attribution envue d’améliorer le rapport entreles moyens engagés – y compris

les ressources humaines – et soitl’activité développée, soit les

résultats obtenus, dans le cadredéterminé par une démarche

stratégique préalable ayant fixédes orientations. »

Définition donnéepar le rapport Weiss

1. Une information, en tant que produit d’un processus d’analyse, peut répondre aux critères qualitatifs maispeut perdre toute sa valeur si elle ne répond pas aux critères d’acceptabilité, par exemple, être diffusée dansun temps bref (cas des informations météorologiques).

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Une allocation des ressources humaineset financières sur des bases explicites requiert :– Une pratique pertinente de l’analysecomparative : l’analyse comparative est sou-vent utilisée à tort pour pallier l’absence de pi-lotage stratégique, ce qui induit des pratiquessuivistes ou de « gouvernement a posteriori ».Elle a, au contraire, pour objet d’étalonner laperformance en comparant processus, activi-tés et objets de coûts pour améliorer leur per-formance intrinsèque.

– Une réallocation possible des res-sources humaines et financières : dès

lors que les coûts sont connus, que les résultatssont évalués et que l’analyse comparative desprocessus est possible, on peut décider des af-fectations des ressources humaines dans lecadre d’une politique globale d’allocation deressources sur des bases objectives, et surtoutrééquilibrer les activités sous-dotées en préle-vant sur les activités surdotées.

– La définition et la connaissance des métierscorrespondants aux activités des processuspermet une bonne affectation des agents selonle principe « la bonne personne à labonne place » : le principe de la distinction

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L e s é t a b l i s s e m e n t s p u b l i c s n a t i o n a u x

Les apports de la gestion par activité

Une clarification des processus : génératrice d’économie et d’efficacité : Le seul fait de dessiner les proces-sus permet de repérer les doublons et les tâches inutiles. Statistiquement, on estime à 40 % les coûts deprocessus économisés par un travail d’analyse et de reingéniérie des processus.

Une métrique commune : la notion « d’objet de coûts » (les livrables intermédiaires) permet de rendre lisi-bles des activités et d’optimiser l’organisation des processus.

Permettre l’évaluation des dépenses d’un projet : par nature transversal, un projet est constitué d’un en-semble d’activités imputables à différents chapitres budgétaires et consommant les ressources humaines dedifférents services. Le contrôle de gestion par activité permettra de reconstituer le processus de ce projet,de le piloter et d’en déterminer le bilan coût-efficacité.

Rendre possible le calcul du coût d’obtention de la qualité : la valeur d’un service public se mesure au niveaude sa consommation par l’usager. Réaliser un service de qualité suppose des investissements (enquêtes,mise en ligne de formulaires sur internet) qui peuvent être reliés à des objets de coûts. On peut donc obte-nir le coût de la réalisation d’un service répondant aux standards de qualité client.

Faire apparaître des métiers et des compétences plutôt que des organigrammes : chaque activité d’un pro-cessus est un « faire » auquel on peut associer un « savoir-faire ». On peut donc mesurer les compétencesconsommées par les activités et identifier les compétences manquantes ou en surnombre.

Permettre aux agents d’optimiser eux mêmes leurs processus et les interactions entre processus : la lisibili-té introduite par le contrôle de gestion et la métrique commune permet de créer un outil simple et com-mun à tous les niveaux hiérarchiques, opérationnels et fonctionnels. Dans le cadre d’un managementdynamique déclinant les missions de l’établissement à tous les niveaux, chaque agent peut donc être en me-sure de participer à l’optimisation des processus.

Rendre possible le dialogue social autour de l’atteinte d’objectifs de performance : la mesure de la perfor-mance introduit des éléments objectifs dans le dialogue social. En outre, au cas où des processus sont à re-configurer – et donc où des postes, voire des métiers, vont disparaître –, la lisibilité ainsi introduite permetd’organiser le dialogue social sur des bases objectives.

L’organisation des activités par métiers permet aux politiques d’être en adéquation avec le terrain : la me-sure des résultats, la connaissance des coûts, le reporting, l’évaluation externe, les rapports d’activité per-mettent aux politiques d’être en contact direct avec la réalité opérationnelle de la production desétablissements publics et de recourir efficacement à leur service dans le cadre de la conception des politi-ques publiques.

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du grade et de l’emploi ne permet pas de faireun lien automatique entre une compétence of-ferte et une compétence clé pour piloter uneactivité. Le contrôle de gestion par activité peutdonc être associé à une politique dynamiquede gestion des ressources humaines.

Les systèmes d’information (SI)sont au cœur du système de pilotageLes TIC impactent la structuration des donnéesmais aussi l’ensemble des processus et permet-tent d’associer l’implantation du contrôle degestion à leur reconfiguration radicale.

Le SI est une question de stratégie avant d’êtreune question de technologieLa réflexion sur la stratégie de l’EP ne se séparepas de la réflexion sur son SI qui fournit à la stra-tégie son langage et son découpage concep-tuel. Les deux doivent être conçus ensemble.Aussi, la définition de l’architecture du SI est-elleun exercice qui peut se révéler plein d’ambiguï-té, les questions de découpage de l’organisa-tion s’exprimant en langage de techniqueinformatique alors qu’il s’agit de réels problè-

mes de stratégie. Le codage des donnéesest généralement un sujet de conflit : il re-flète les préoccupations de l’établissement. Co-difie-t-on plutôt à partir des livrables aux usagerset bénéficiaires ou à partir d’actes de gestioninternes ? A-t-on la volonté de s’attaquer aux ta-bles de codages hétérogènes qui nuisent à l’in-tégrité et à la cohérence stratégique desdonnées mais permettent de faire perdurer lescloisonnements organisationnels ?

Le système d’information est l’une despremières victimes du compromis ma-nagérial qui fait perdurer ces cloisonnementset les féodalités internes à l’établissement : onpasse vite du système au machin mal propor-tionné et coûteux. On va porter son attentionaux détails alors qu’il faut mettre l’effort sur l’en-semble. C’est l’intérêt du concept d’urbani-sation des systèmes d’information quisignifie la systématisation de leur architecture.Et, pour systématiser, il faut une vision globale,des « maquettes », une présentation synthé-tique de la solution, sans être noyé dans lesdétails 1.

Perspect ives et propos i t ions : un pi lotage stratég iquel ié à une nouve l le cu l ture de gest ion

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« L’Observatoire des coûts » de l’ANPE

Destiné aussi bien aux directeurs d’agence qu’à la direction générale, cet observatoire vise à permettre unemeilleure allocation des ressources, à apporter des données objectives en vue de négociations avec destiers et à faciliter l’analyse des activités. Il répond à la situation de l’institution où les objectifs sont dispersésselon les acteurs, la culture de contrôle de gestion naissante et les pratiques professionnelles en évolution àla suite des nouvelles orientations dictées par la tutelle.

Les coûts sont répartis en trois composantes : fonctionnement, personnel et investissement. Ils ne pren-nent toutefois pas en compte les coûts informatiques.

Un acte professionnel peut alors être caractérisé par sa consommation de coûts.

Le système est simple et appréhendable par tous. Il donne une lisibilité étendue du fonctionnement de lastructure. Un directeur d’agence connaît ainsi ses propres coûts, mais également les coûts délocalisés ainsique les coûts induits.

Chaque acte professionnel peut ainsi être évalué au regard de la valeur créée en tant que service public rap-portée à son coût. Tant la simplicité de ce dispositif que sa rigueur ont permis d’initier à l’ANPE une dé-marche de gestion des coûts par activité.

Une base objective d’allocation des moyens matériels aux agents : toute dotation pouvant être rapportée àun résultat et à une mesure de l’efficience, la gestion par activité permet de définir les règles d’allocation deressources.

1. Sur le concept d’urbanisation des SI, voir http://www.sysoft-sa.com/fr/amarco/urbanisme.htm

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L e s é t a b l i s s e m e n t s p u b l i c s n a t i o n a u x

Les nouvelles perspectives ouvertes par les TIC

Les technologies concernées sont de deux ordres :

1) Les progiciels de gestion intégrés (ORACLE PEOPLE SOFT, SAP, BAAN, JD EDWARDS) et leur liai-son par les réseaux numériques.Ils sont conçus autour du principe d’un entrepôt unique de données autour duquel se greffent des modulesde gestion (achat, gestion financière, RH, chaîne logistique, distribution...). Les données ne sont donc saisiesqu’une seule fois et sous un format standardisé pour tous les applicatifs de gestion.

Ils ont de ce fait une forte incidence sur la coordination et sur la structuration des données. La nécessitéde formater les données amène à une revue exhaustive des banques de données existantes, à une revuedes nomenclatures et à la construction d’une nomenclature unique. Les opérations de double saisie sontsupprimées. Un accord est construit entre toutes les parties prenantes sur le caractère critique des don-nées à saisir, sur leur mesure et la métrique qui y est associée.

Mais ils supposent une connaissance exacte des processus et des inducteurs de performance : l’im-plantation de ce type de progiciels suppose une mise à plat des processus, l’identification des activités criti-ques et des variables de pilotages associées aux inducteurs de performance. De ce fait, tous les morceauxde processus redondants disparaissent, et les processus et systèmes de pilotages sont reconfigurés en fonc-tion des impératifs de pilotage stratégique.

L’implantation d’un PGI permet d’informatiser l’ensemble des opérations administratives standard et de lesrendre communicantes à partir d’une base technologique commune. Mais cette solution est coûteuse etrisquée : Ces projets supposent un gros effort de reingéniérie dont le coût dépasse de loin les coûts infor-matiques purs. Leur succès repose sur l’existence d’une maîtrise d’ouvrage stratégique forte qui redéfi-nisse le modèle d’activité de l’établissement. À défaut, on risque de faire piloter ce projet par la maîtrised’œuvre et de faire – implicitement – de la reingéniérie des processus pour faire entrer l’établissement dansle logiciel et non l’inverse ! Les conséquences peuvent en être une perte de contrôle du système et un blo-cage général de l’établissement *. Le recours à un PGI n’est donc valable qu’une fois organisé l’alignementstratégique de l’établissement, tel qu’il est décrit dans la troisième partie.

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La démarche consiste à distinguer les donnéesdes traitements et à organiser le système d’in-formation en fonctions indépendantes les unesdes autres. On définit ainsi une architecturefonctionnelle.

Il faut ensuite définir l’instance de pilotage del’informatisation de ces fonctions à un certainniveau de l’entreprise. Cela revient à définir lamaîtrise d’ouvrage stratégique, attachée nonà un projet mais à l’architecture de ces fonc-tions au niveau du système d’information. Toutcomme superviser le développement d’unquartier et construire un immeuble sont deuxresponsabilités différentes.

Qualité et quantité des données

De telles démarches reposent bien sûr la quali-té et la quantité des données.

Le système est régi par le principe GIGO(« Garbage in Garbage out ») : la qualité desdonnées entrées est donc essentielle. Le mixentre données financières et données qualitati-ves non quantifiables financièrement est unexercice particulièrement délicat mais qui est à

la base de la pratique du tableau de bordprospectif que nous proposons.

Généralement, les tableaux de bord font res-sortir beaucoup trop de données (parfois plu-sieurs milliers) alors qu’un tableau de bordefficace ne doit pas faire ressortir plus de quel-ques dizaines de données critiques associéesà une petite dizaine de variables de pilotage.On sait qu’un individu ne peut traiter et retenirqu’un maximum de sept données à la fois etn’a une capacité de rétention en mémoire àcourt terme que de deux données 1.

Ce formatage et cette mise sous assurancequalité des données peut être obtenue par plu-sieurs voies :– les données statistiques existantes per-mettent d’identifier les données récurrentes etstructurantes ;– la reingéniérie des processus ou l’implanta-tion d’un contrôle stratégique de gestion per-met d’identifier les activités critiques et lesvariables de pilotage qui doivent y être as-sociées.– des procédures d’audit et d’évaluation,tant internes qu’externes, doivent permettre

Perspect ives et propos i t ions : un pi lotage stratég iquel ié à une nouve l le cu l ture de gest ion

2) Les PGI, en tout état de cause, ne permettent pas d’informatiser le cœur du métier de l’établissement.Des technologies plus légères comme le langage UML ** et les approches par objet (chaque « objet », enterme de système d’information, décrivant une activité d’un processus) permettent de définir le systèmed’information autour de l’architecture des processus de l’établissement.

Les TIC vont permettre une mise en réseau de l’établissement par les intranets (documentation élec-tronique, messagerie, workflow...) qui vont créer des fonctionnalités d’informatique communicante. Lemultimédia va permettre d’assurer la cohérence de la relation avec l’ensemble des partenaires de l’établis-sement, quel que soit le canal (courrier, téléphone, internet, réunion...).

L’association de ces architectures avec internet, grâce notamment au développement du langage XML,permet de dépasser l’architecture client-serveur et de faire disparaître toute implantation de code sur lespostes clients. Les systèmes deviennent interopérables, le poste de travail se simplifie considérablement etun simple navigateur permet de bâtir les requêtes et de bâtir les tableaux de bord prospectifs (« balancedscore-card ») en temps réel.

* Voir Claude Rochet, « La maîtrise d’ouvrage stratégique des projets complexes »,http://perso.wanadoo.fr/claude.rochet/pdf/defmouvstragene.PDF** Pour une description de la méthode, voir http://www.uml.org

� La Caisse nationaled’assurance vieillesse

(CNAV)

Elle a déterminé dans saconvention avec l’État

pour la période1998-2000 onze

indicateurs de résultatscotés de 1 à 3.

Le maximum de points est de25 et la Cnav s’est engagée à en

réaliser 19.

Pour 1999, le budget de laCnav a été de 4 775 millions, la

valeur du point de performanceest donc de 4 775/25=191

millions de francs.

La Cnav a réalisé un score detrois points sur ses objectifs de

qualité de service enconsommant un budget de

4 610 millions de francs.

La valeur sociale créée par laCnav est donc un combiné

qualité / coût évalué à3 x 191=573 MF +165 MF

d’économies = 738 MF.

32

1. Je renvoie aux travaux de Georges Miller, « The magical number seven » et de Herbert Simon, « Science dessystèmes, science de l’artificiel ». Pour une synthèse voir « The balancescore card : judgemental effects of infor-mational organization and diversity », http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm ? abstract_id=147132

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d’évaluer la quantité et la qualité des données.La convention d’objectif des Caisses desécurité sociale impute cette mission d’évalua-tion au Drass qui peuvent apprécier, article par

article, la pertinence des pratiques d’affectationbudgétaire et la fiabilité des tableaux de bordqui en résultent. Une évaluation externe, de ni-veau national, est en outre pratiquée par l’Igas.

❚ ❚ ❚ La démarche et les questions critiquesPremièrement, il y a lieu de préciser les mis-sions conférées à l’établissement et d’identi-fier et les raisons qui font que la formule de l’EPest juridiquement et fonctionnellement adaptéeet justifiée (lisibilité de la politique publique, as-sociation de partenaires à l’action de l’État,souplesse de gestion, etc.).

En deuxième lieu, il convient de clarifier et deformaliser les choix stratégiques, par l’en-voi par les tutelles de lettres de missions corres-pondant aux objectifs assignés au dirigeant pourla durée de son mandat ; cette clarification doits’étendre à l’articulation (souvent délicate) entreprésidence et direction générale de l’EP.

Un troisième axe de réflexion concerne lesmarges de manœuvre dégagées au profitde l’EP : le rôle du CA comme maître d’ou-vrage délégué de la politique publique, la dé-légation par la contractualisation, l’adaptationdu cadre budgétaire et financier (outils de ges-tion, contrôle de gestion), l’autonomie dans lerecrutement et la gestion des ressources humai-nes (choix des cadres, évaluation et rémunéra-tion accessoire des agents).

Également, il y a lieu de définir des méthodesd’exercice de la tutelle plus appropriéesà l’exercice effectif du pilotage de la po-litique publique : formalisation des plansstratégiques, coordination des ministères encharge de cette tutelle ; désignation d’un chefde file ; réunion préalable des représentants del’État pour définir une politique univoque et co-hérente ; définition précise des relations desEPN avec les services territoriaux de l’État.

Enfin et surtout, il convient de rendre effectivela décision, affirmée à plusieurs reprises,

d’extension des contrats pluriannuels,progressivement, à l’ensemble des établisse-ments publics.

Cinq questions apparaissent comme critiques.

� Définir les cadresde l’autonomie de gestion

Engagement sur des résultats chiffrésLe caractère non marchand des services ren-dus par les établissements publics administra-tifs ne s’oppose pas à la détermination derésultats chiffrés, tout comme la gestion par ob-jectif des Epic permet de développer l’efficaci-té de leurs missions de service public.

Ces résultats chiffrés doivent être de trois types.

L’évaluation de l’impact social des actions deservice publicLes résultats doivent se mesurer en terme d’im-pact sur la société (niveau de la pauvreté,de la délinquance, efficacité de la R&D pu-blique, fluidité des communications, niveau deconnaissance des élèves) et non au niveau dela production intermédiaire des établissements(montage de dossiers, réalisation de moyens,niveaux d’investissements).

La satisfaction des usagersElle est assez facilement mesurable au niveaudes usagers qui payent un service. Mais il fautaussi mesurer la qualité du service au niveaudes usagers captifs ou involontaires des servicespublics : services sociaux, sécurité sociale, ex-clus, assujettis à des taxes parafiscales... La dis-cipline est ici naissante, comme l’a montrél’enquête pilote menée par la DIRE sur la préfec-ture de l’Isère 1. Il s’agit tout d’abord d’identifier

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L e s é t a b l i s s e m e n t s p u b l i c s n a t i o n a u x

� La procédurebudgétaire basée sur les

activités à l’ASSEDICAtlantique Anjou

La planification budgétaire sedéroule en trois temps :

évaluation de l’environnementéconomique, traduction en

objectifs opérationnels,organisation des processus et

allocations de ressources.

Le pilotage relie cetteplanification ex ante au systèmede contrôle de gestion basé surles activités. Les productions dechaque processus peuvent être

quantifiées et les générateursde coûts identifiés qu’il est alorsfacile d’inflater ou de déflater en

fonction du contexte. Enfonction des objectifs assignés,la contribution des activités et

leur consommation deressource sera plus ou moinsconséquente en fonction des

sollicitations de chaqueresponsable.

Le contrôle s’opère parcomparaison permanente entre

les résultats réels et lesprévisions budgétaires. Les

écarts sont alors analysés, lesmesures correctives prises et

l’imputabilité des responsablesd’activité évaluée.

Le climat de transparence ainsicréé favorise une

compréhension des processuset développe l’apprentissage

collectif.1. Voir le rapport du Comité d’enquête sur le coût et le rendement des services publics « Les méthodes d’éva-luation de la satisfaction des usagers ».

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l’usager réel, consommateur d’un service, et nonde s’en tenir à l’image générale des services pu-blics. Une attention particulière doit en outre êtreapportée aux usagers qui ont peu l’occasion des’exprimer (publics en difficulté notamment).

Des standards de qualité peuvent être définis :ainsi, depuis 1994, le Code de la consom-mation définit-il le principe de la certificationde service auquel s’assujettissent certains éta-blissements en relation directe avec le public,comme l’ANPE, qui a entrepris une certifica-tion de toutes ses agences locales.

Financiers pour les indicateurs de bonnegestion des fonds publicsIl s’agit là de mesurer l’efficience de l’établis-sement qui mesurera les moyens consommésau regard du résultat produit. Mais l’articula-tion moyens/résultats est plus du domaine ducontrôle de gestion que de l’évaluation despolitiques publiques.

La présentation des budgetsLes budgets doivent être reliés aux objectifs parune présentation fonctionnelle axée sur les choixpublics dans un cadre souple permettant de vali-der et de légitimer l’utilité finale de la dépense.

L’optimisation en internedes allocations de ressources globaliséesLa globalisation des ressources doit permettreà l’établissement d’organiser ses budgets au-tour de programmes. Ainsi, un projet de re-cherche ou de développement d’un servicepourra-t-il être piloté et évalué en tant que telgrâce à la consolidation des données imputa-bles que permet la gestion par activités.

� Adapter les règles juridiqueset le cadre législatif

Les limites institutionnellesà cette évolutionLes établissements publics s’inscrivent dansune double logique de dépendance hiérar-chique et de réseau. Le propre des missionsde service public est de générer des coûts destructure élevés pour couvrir l’ensemble du terri-

toire et s’inscrire dans le long terme. Ces coûtsne peuvent donc pas être entièrement répercu-tés sur les activités ni totalement ignorés. Pouréquilibrer l’imputation de ces charges, il fautparvenir à connaître avec précision les coûtsde processus et les représenter d’une manièrecommune aux niveaux décisionnels et fonc-tionnels, à tous les niveaux hiérarchiques. Ledéveloppement du contrôle de gestion permet-tra de remédier au manque actuel de lisibilitédes processus. Mais au-delà, il faudra envisa-ger une mise à plat du cadre institutionnel.

Un des points critiques est le principe deprévenance qui doit régir les rapports entrel’État et ses établissements.

L’autre point est bien sûr celui de l’annualitébudgétaire : dans un cas extrême comme ce-lui de l'Andra, l’établissement a pour missionde garantir le stockage des déchets à haute acti-vité et à vie longue durant trois cents ans, ce quinécessite des investissements initiaux mais ausside constants investissements de renouvellement,la recherche sur la sécurité devant se poursuivredurant le stockage. Il est antinomique à la volon-té du législateur exprimée dans la loi de 1991et à la bonne gestion du domaine qu’une tellepolitique reste sujette au vote annuel par le Parle-ment des crédits nécessaires.

Le législateur aura également à se pencher surla pertinence du maintien d’un contrôlefinancier a priori dans les EPA qui n’est pasun facteur de performance, loin s’en faut.D’une manière générale, la distinctionEPA-Epic a également de son sens pour tousses éléments : le recrutement et le statut despersonnels, le développement de ressourcespropres et les activités commerciales. Un sta-tut unique générique, proche de celuide l’Epic actuel, adaptable selon une typo-logie fonctionnelle d’établissements, sera sansdoute à inscrire à l’ordre du jour de la pro-chaine vague de réforme de l’État.

� Une évolution de fond de la structureet de la culture des centrales

Toute évolution institutionnelle ne peut toutefoisfaire sens que si elle est accueillie par une cul-

Perspect ives et propos i t ions : un pi lotage stratég iquel ié à une nouve l le cu l ture de gest ion

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ture managériale appropriée à une mise enœuvre de longue haleine. Dans cette perspec-tive, quelques axes d’action incontournablesse dessinent.

Une volonté politique forteau niveau ministérielAucune réforme d’ampleur n’aboutit sans unevolonté politique forte et l’implicationpersonnelle des dirigeants. Cette volontépolitique a pour objet premier de créer les ca-dres institutionnels et managériaux nécessairesà la démarche, qui permettront en outre derendre les améliorations de performance lisi-bles par les usagers et donc de valoriser l’ac-tion réformatrice impulsée par le Premierministre.

Rendre les directeurs d’administrationcentrale des tutelles imputablesDans les caisses de sécurité sociale, l’im-putabilité est développée au travers du rapportd’évaluation au Conseil de surveillance (àcomposition parlementaire, mais l’imbricationdes décisions de l’administration et du gouver-nement rend l’imputabilité directe des centra-les peu traçable).

Depuis l’entrée en vigueur du conventionne-ment, les caisses locales qui respectent les ob-jectifs de la convention se voient autorisées àreporter leurs crédits. Les dirigeants sontévalués par un comité issu de l’Igas quidonne son avis sur les nominations sur la basedes évaluations. Ce comité fourni une liste detrois noms possibles pour la direction d’unecaisse locale, à discrétion des partenaires so-ciaux qui nomment le directeur.

Cependant, si l’imputabilité positive existe, iln’y a pas encore d’imputabilité négative et au-cun dispositif de sanction n’existe envers un di-recteur qui ne respecte pas les objectifs.

Cette imputabilité est pour le moment limitéeaux directeurs de caisses locales, les direc-teurs généraux de caisses nationales restantnommés à la discrétion de l’État et aucune pro-cédure d’évaluation spécifique n’existe.

� Faire des conseils d’administrationdes établissements une instancede pilotage stratégique

Les conseils d’administration soit ont un rôle pu-rement symbolique sans aucun pouvoir déci-sionnel, soit sont l’assemblée générale deslobbies des administrations qui viennent dé-fendre leurs propres intérêts. Ils ne sont ni unlieu d’impulsion stratégique ni un lieu de déci-sion et tendent au contraire à introduire dans leprocessus décisionnel de l’établissement unedynamique de consensus mou qui handicapela prise de décision stratégique.

À l’inverse, on peut constater dans des établis-sements autonomes comme l’Andra (qui ne dé-pendent pas financièrement de leur tutellemais de leurs clients en application du prin-cipe « pollueur-payeur »), ou encore les éta-blissements à gestion paritaire (Caisses desécurité sociale, ANPE) que le conseil d’admi-nistration est un véritable lieu de débatstratégique où sont notamment débattus etdiscutés les contrats de plan avec l’État.

Plus encore, les conseils d’administration se ré-vèlent être une instance appropriée pour gé-rer, voire impulser le débat public lorsque lespolitiques en œuvre le requiert (cas des politi-ques de sécurité sanitaire, notamment).

L’optimisation du rôle des conseils devraittendre à leur confier la maîtrise d’ouvrage stra-tégique du plan et des orientations contenuesdans les conventions en rendant les adminis-trateurs imputables. Dès lors, siéger dans unconseil serait un mandat ad hoc entrant dansl’évaluation des performances de l’administra-teur et pour lequel une formation pourrait pro-posée pour les administrateurs provenant de la« société civile ».

� Concevoir et implanterdes indicateurs de pilotage appropriés

La définition des indicateurs est la constructiond’un langage commun sur les objectifs et lamesure de la performance.

Ainsi, la construction des conventions entre ladirection de la Sécurité sociale et les caisses

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L e s é t a b l i s s e m e n t s p u b l i c s n a t i o n a u x

� L’imputabilité

Ce concept a été développéau Québec et signifie que, les

processus étant rendustraçables, chaque acteur de

l’organisation est à son niveau« propriétaire d’un processus »dont l’efficacité et l’efficiencepeuvent être mesurés et lui

être imputés. Nous distinguonsce concept de celui de

responsabilité en ce qu’il necontient aucune notion de

culpabilité ou de faute.

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nationales est-elle un dialogue qui dure envi-ron six mois, qui est extrêmement riche et quireprésente l’occasion pour l’État de préciserses enjeux stratégiques – et de centrer son acti-vité sur ce point –, leur mise en œuvre étant

laissée à la diligence des caisses. La construc-tion des indicateurs est l’instance de réconcilia-tion entre la vision de ses enjeux par l’État etleur traduction en politiques opérationnellespar les caisses. �

Perspect ives et propos i t ions : un pi lotage stratég iquel ié à une nouve l le cu l ture de gest ion

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Esquisse de doctrine

Le constat de l’enquête de la DIRE sur l’émer-gence de pratiques de pilotage stratégiquevient rencontrer les nouveaux impératifs définispar la réforme de la loi organique sur les loisde finances qui dispose un nouveau cadre gé-néral de pilotage des politiques publiques parles finalités et non plus par les moyens.Les établissements publics nationaux peuventdonc apparaître comme un laboratoire de

nouvelles pratiques qu’il va s’agir de déve-lopper et de standardiser.Dans un premier temps, il a été procédé à unétat de l’art des pratiques qui a été confronté àl’état actuel des pratiques tant des tutelles quedes dirigeants des EPN. Ces résultats ont étéprésentés aux intéressés qui ont tracé des axesprécis de développement que la DIRE entendaccompagner 1.

❚ ❚ ❚ La réforme de la loi organique relative aux lois de finances

La loi organique no 2001-692 du 1er août2001 relative aux lois de finances, en révisantprofondément la manière de concevoir et deprésenter le budget de l’État, crée un cadredésormais plus favorable à la rénovation dupilotage des établissements. Les règles bud-gétaires et comptables qui prévalaientjusqu’alors (et qui ne céderont la place queprogressivement aux nouvelles normes poséespar la loi organique) étaient largement in-compatibles avec les exigences du pilo-tage stratégique des organisations :organisation comptable par chapitre, ab-sence de comptabilité analytique...

Avec l’adoption de la loi organique, ce sont detout autres perspectives qui s’annoncent et no-tamment les quelques éléments suivants qui po-sent, au niveau du budget de l’État, les grandeslignes d’un référentiel de pilotage stratégique telqu’on voudra le retrouver au niveau des établis-sements publics (allocation des moyens en fonc-tions de missions et d’objectifs, autonomie desgestionnaires, engagements de résultats, obli-gation de reporting) :

– La budgétisation se fera non plus par naturede dépense mais par « programme » « re-group[ant] les crédits destinés à mettre enœuvre une action ou un ensemble cohérentd’actions relevant d’un même ministère et au-quel sont associés des objectifs précis, définisen fonction de finalités d’intérêt général, ainsique des résultats attendus, faisant l’objet d’uneévaluation » (article 7). On passera ainsi dequelque 848 chapitres de dépense à 100 ou150 programmes.

– Les programmes seront en outre regroupésau sein de « missions », qui comprendront« un ensemble de programmes concourant àune politique publique définie », relevant« d’un ou de plusieurs services, d’un ou de plu-sieurs ministères ».

– Au sein d’un même programme, les gestion-naires disposeront d’une large liberté pour re-déployer les crédits entre les titres de dépense.La présentation des crédits par titre devientdonc indicative, sous une réserve toutefois : lescrédits de personnel de chaque programmesont limitatifs ; les gestionnaires pourront les

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1. Voir le compte rendu du séminaire du 19 février 2002 publié par la DIRE. Compte rendu disponible au-près de la mission Communication de la DGAFP-DIRE.

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reverser sur d’autres titres de dépense mais nepourront les abonder en prélevant sur les au-tres titres.

En contrepartie de la globalisation et de la fon-gibilité des crédits ainsi instaurées, les gestion-naires seront tenus à des obligationsnouvelles :

– S’engager sur des objectifs, rendrecompte des résultats obtenus. L’article 51dispose en particulier que les annexes explica-tives par ministère accompagnant le projet deloi de finances devront être complétées par un« projet annuel de performance » précisant

« la présentation des actions, des coûts asso-ciés, des objectifs poursuivis, des résultats ob-tenus et attendus pour les années à venir,mesurés au moyen d’indicateurs précis dont lechoix est justifié ».– Symétriquement, l’article 54 dispose quesont joints au projet de loi de règlement des« rapports annuels de performance » fai-sant notamment connaître « par programmeles objectifs, les résultats attendus et obtenus,les indicateurs et les coûts associés ».La loi fait d’ailleurs obligation aux services del’État de mettre en place une comptabilité per-mettant de mesurer et d’analyser lescoûts.Enfin, pour que le pilotage par la performancene soit pas un vain mot, la discussion par uneassemblée du projet de loi de finances n+1 nepourra intervenir qu’après le vote en premièrelecture, par cette même assemblée, du projetde loi de règlement de l’année n-1 (article 41).Ainsi l’analyse de l’efficacité des créditsutilisés et des résultats obtenus pourchaque programme sera-t-elle placéeau cœur du débat sur l’allocation nouvelle desmoyens.

❚ ❚ ❚ Un catalyseur pour le développement du pilotage stratégique

Des conditions nouvelles sont ainsi créées quidoivent être mises à profit pour développer unvéritable pilotage stratégique des politiquespubliques.

Le cadre mis en place ne concerne pas seule-ment les établissements publics mais aussi l’en-semble des politiques publiques.

Le prétexte du recours à la forme de l’établisse-ment public comme commodité de gestion(souvent évoqué mais non corroboré par leprésent rapport) disparaît donc. Il y a là l’occa-sion de définir une doctrine du recours à la so-lution EPN dans la mise en œuvre d’unepolitique publique.

L’établissement public peut se situer dans undispositif à plusieurs niveaux de complexité :

être le sous-ensemble d’un programme ou êtreà cheval sur plusieurs programmes. La com-plexité du pilotage doit prendre en compte lesinterfaces avec les autres modes de mise enœuvre (régie directe, services déconcentrés,

Esquisse de doctr ine

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Page 39: Les établissements publics nationaux - Vie publique · En partant des forces et faiblesses de la situation actuelle et en s’inscrivant dans le nou-veau contexte créé par la réforme

services à compétences nationales...). Un éta-blissement peut émarger au budget d’un pro-gramme sans que cela entraîne que leministère pilote de ce programme soit tutellede l’établissement. La désignation des tutellesdevra se faire en fonction des pôles d’impul-sion stratégique pertinents.Chaque ministère pilote d’un programme auradonc à définir un plan stratégique de pro-gramme cadrant l’ensemble des objectifs etdes actions et leurs stratégies de mise enœuvre, que ce soit en régie directe ou par le

biais d’établissements publics. Ces plans stra-tégiques de programmes devront ensuite pou-voir se décliner en contrats pluriannuels avecchacun des acteurs, qui aura la charge de dé-finir, à son niveau un contrat de performancedéfinissant sa contribution à la performanceglobale du programme.Ce sont donc de solides compétences deplanification stratégique qui devront êtreacquises par les tutelles, au-delà du nécessaireredécoupage des attributions ministérielles enfonction des programmes.

❚ ❚ ❚ Le pilotage stratégique : état de l’art

La construction d’une doctrine de pilotage stra-tégique des politiques publiques doit s’entre-prendre à partir de l’état de l’art de la pratiquecomparée à l’état des pratiques actuelles, telqu’il ressort de l’enquête de la DIRE, des étu-des de cas et des contributions des dirigeantsd’établissements publics et représentants destutelles auxquels la DIRE a présenté la pre-mière étape de ses travaux 1.

Cet état de l’art est bâti à partir de recherchesdans trois directions :– les expériences étrangères en matièrede pilotage des agences et/ou autres struc-tures administratives autonomes (rapport debenchmarking de l’Inspection générale desfinances, notes de travail de l’OCDE, projetd’analyse comparative entre huit pays menépar l’OCDE auquel la France a participé) 2 ;– les évaluations critiques et recom-mandations de progrès émises par les corpsd’audit et de contrôle des pays les plus avan-cés dans la mise en œuvre de ce genre dedispositifs (États-Unis, Australie, Nouvelle-Zé-lande, Royaume-Uni) ;

– les guides méthodologiques et ouvra-ges managériaux traitant du pilotage straté-gique des organisations publiques (guides etrapports de la DIRE, articles, ouvrages et sitesinternet consacrés à la méthode balanced sco-recard 3).

Nous présentons le résultat de ces recherchesen trois parties : la conception de la politique ;la mise en œuvre de la politique ; l’évaluationde la politique publique.

� Une démarche en quatre temps

Ces trois étapes fonctionnent en boucle, l’éva-luation ouvrant une phase d’actualisation de laconception.

Nous retrouvons dans cette approche la dis-tinction entre valeur de la politique (défini-tion des objectifs et évaluation des impacts) etpolitique de la valeur (capacité à créer dela valeur par la mise en œuvre).

La liaison entre ces deux faces est essentiellecar « bien faire les choses » n’est pas « faire

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1. Journée d’étude du 19 février 2002 dont le compte rendu est disponible auprès de la mission communica-tion de la DGAFP-DIRE.2. Devolving and Delegating Power to More Autonomous Public Bodies and Controlling Them : The Gover-nance of Public Agencies and Authorities,http://www.oecd.org/EN/document/0,,EN-document-notheme-9-no-20-21204-0,FF.html3. Notamment le portail http://www.balanscorecard.orget http://www.hbsp.harvard.edu/products/bsr/index.html

Page 40: Les établissements publics nationaux - Vie publique · En partant des forces et faiblesses de la situation actuelle et en s’inscrivant dans le nou-veau contexte créé par la réforme

les bonnes choses ». On peut bien gérer unemauvaise politique, mal gérer une bonne poli-tique et il arrive que mal gérer une mauvaisepolitique donne de bons résultats. La dé-marche de pilotage stratégique consiste pré-ci-sément à faire ce lien.

C’est une démarche itérative, un cycle per-manent qu’il faut organiser dans le temps, gé-néralement sur trois à cinq ans avec unedéclinaison en cycles de planification annuelle.

C’est une activité en soi à laquelle il fautconsacrer du temps et des ressources.

C’est une démarche en cascade car ellepeut – et devrait – s’appliquer au niveau gou-vernemental pour la définition des missions,puis au niveau des ministères pour l’organisa-tion des programmes, et enfin au niveau duservice, des équipes et même de chaque indi-vidu pour définir et piloter ses missions.Chaque échelon élabore sa démarche à par-tir des objectifs résultant de la démarche deplanification au niveau supérieur.

Cette démarche s’applique à tous types destructures institutionnelles. Elle s’appliquede la même manière à un établissement publicou à un service administratif non doté de lapersonnalité morale. L’essentiel réside nondans les arrangements institutionnels ou juridi-ques mais dans la logique des processus misen œuvre : on pilote par les résultats et non

par les moyens, ce qui permet corrélativementde donner une liberté de gestion aux respon-sables de service, gagée sur des engage-ments de performance.

C’est une démarche dans la durée. La plu-part des pays qui se sont lancés dans une dé-marche de pilotage par la performance ontdébuté par :– des expérimentations isolées, concer-nant seulement quelques services ;– puis une généralisation à l’ensemble desservices, mais avec un degré d’exigence atté-nué (par exemple, en admettant des lacunesou imprécisions dans la mesure des coûts oudes performances) ;– enfin par l’entrée dans un régime decroisière où chaque cycle budgétaire an-nuel apporte son lot d’évaluations critiqueset d’améliorations par rapport au cycle pré-cédent.

À titre indicatif, la loi instituant le pilotage parla performance aux États-Unis (GovernmentPerformance and Results Act), adoptée en1993, n’a été généralisée qu’en 1999, soitun délai de latence de six ans.

� Une démarche équilibrée

L’outil que nous retenons ici est le « tableau debord prospectif », tel que développé par Ka-plan et Norton 1. Il nous paraît être unesynthèse des principes et pratiques du mana-gement, mues par les modes mais derrièreslesquelles il reste quelques principes robustesde pilotage stratégique :– il procède d’une réflexion sur le pilo-tage des organisations et son applicationaux organismes publics et aux organismes àbut non lucratif est prouvée ;– il est centré sur la finalité : c’est elle quiassure la convergence des quatre composan-tes : les ressources, le client, les processus etl’organisation et le personnel ;– il est équilibré puisqu’il permet de mettreen convergence les objectifs des autres grands

Esquisse de doctr ine

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1. Robert S. Kaplan et David P. Norton, « Le tableau de bord prospectif », Les éditions d’organisation, 1998.

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secteurs de l’établissement : les bénéfices pourl’usager, les contraintes de ressources, les pro-cessus organisationnels et de production del’établissement et les objectifs de gestion desressources humaines.

� Un pilotage centré sur la stratégiePour construire le tableau de bord prospectif(TBP) il faut commencer par traduire la stra-tégie en objectifs concrets pour chacundes secteurs. Ces objectifs doivent décrire desactions spécifiques et évaluables et non desprincipes généraux ou des velléités. Le mana-gement en effet fourmille de formules incanta-toires et langue de bois du type « développerl’excellence organisationnelle », « satisfaire lesclients »... Le TBP, au contraire, va devoirmettre en relief des objectifs quantifiables deperformance qui se déclineront en objectifspour chacun des quatre secteurs : le bénéficepour le client (terme générique que nous em-ployons pour recouvrir les diverses catégories :client pour les services à caractères commer-ciaux, usager ou assujetti), les objectifs degestion, les objectifs d’amélioration des

processus et les objectifs d’améliorationde la gestion des personnels et d’une ma-nière générale les compétences des salariés,notamment dans l’usage des systèmes d’infor-mation et le pilotage des processus.Cet exercice est le plus critique dans laconception du tableau de bord car il permetde traduire la stratégie commune dans le lan-gage propre de chacun de ces départementsde l’établissement et de reformuler dans unlangage commun approprié au pilotage del’ensemble.Il va permettre de mettre en cohérence les ini-tiatives de chaque département : les investisse-ments prévus sont-ils en accord avec lesobjectifs d’amélioration des processus ? Le dé-veloppement de la qualité du service au clientest-il cohérent avec les objectifs d’améliorationdans la gestion des personnels ?Une fois mis en place, le TBP va servir decadre à l’apprentissage organisationnel et àcapitaliser les enseignements des actions me-nées. Le TBP met en relief les hypothèsessous-jacentes sur lesquelles reposent les ob-jectifs (croissance/stagnation des ressources,mutations technologiques, évolutions de l’en-vironnement, changement dans les qualifica-tions du personnel...) et permet de les réviser.La pratique du TBP est donc un processuscontinu d’apprentissage du pilotage straté-gique qui peut commencer par des exercicessimples (ex : adéquation du budget aux priori-tés stratégiques) et évoluer vers un véritable tra-vail de scénarisation stratégique intégrantl’évolution des compétences.

❚ ❚ ❚ La conception de la politique publique

Cette phase couvre quatre sujets :– la définition des politiques publiques,depuis le niveau gouvernemental jusqu’à saformalisation en plans stratégiques de pro-gramme au niveau des tutelles ;

– l’imbrication des EPN dans les program-mes, la dimension interministérielle et inter-pro-gramme de l’activité de l’EPN et lacoordination avec les autres modes de miseen œuvre ;

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– la répartition des rôles et des responsabilitéstutelles – EPN ;– la planification stratégique pluriannuelle.

� Concevoir la politique :l’état actuel des pratiques

L’enquête de la DIRE et l’analyse des plansstratégiques fournis par les EPN ont fait ressor-tir six grandes caractéristiques des pratiquesactuelles.

Peu de débat public. Seuls 57 % des éta-blissements ont été créés par la loi. Seuls 46 %ont vu leurs missions discutées par le Parle-ment. Seuls 28 % ont fait l’objet, à leur créa-tion, d’un débat national.

Une réflexion stratégique peu forma-lisée. 74 % des établissements déclarentconduire une réflexion stratégique avec leur tu-telle. Mais, selon les tutelles, ce processus n’estformalisé que dans 26 % des cas.

Des tutelles en position de faiblesse. Lesétablissements, structurés selon un principe despécialité, ont souvent une meilleure expertiseque la tutelle sur leur domaine. Les tutelles nesont dès lors pas toujours en mesure d’assumerleur rôle de pilotage stratégique : prospective,actualisation des missions et des objectifs.

Une analyse amont de bonne qualité.Les plans stratégiques et contrats de plan : rap-pellent généralement la mission statutaire del’établissement, présentent le contexte et les en-jeux actuels de l’activité poursuivie, formulentsur cette base des priorités ou des objectifsstratégiques actualisés.

Un lien difficile avec l’opérationnel. Lesobjectifs stratégiques, exprimés de manièrediscursive, ne sont pas assortis de cibles deperformance chiffrées. Les projets et program-mes présentés ne font souvent pas apparaîtreclairement en quoi ils contribuent aux objectifsni de quels arbitrages ils découlent (allocationprioritaire des moyens).

L’absence de scénarisation prospective.Les plans et contrats évoquent rarement les ris-ques et aléas susceptibles d’affecter leur dé-roulement. A fortiori, ils ne proposent donc pasde scenarii alternatifs.

Il y a donc une nette prise de conscience del’intérêt de l’exercice de planification straté-gique mais les pratiques restent très disperséeset empiriques.

� Concevoir la politique :l’état de l’art

Le travail de conception stratégique repose surcinq principes :

1) Séparer la conception et la mise enœ uvre d’une politique publique, pourgarantir que la stratégie ne soit pas captive dela gestion et en être réduit à la « politique desmoyens ». Il s’agit de se donner les moyensd’accepter les remises en cause, les innova-tions, les ruptures si elles sont nécessaires.

La séparation est parfois organique, commeen Suède ou en Nouvelle-Zélande : dans cespays, ce sont des services différents, des per-sonnes différentes qui assurent la conceptiond’une part et la mise en œuvre d’autre part.

Mais une séparation fonctionnelle peut suffire :les services et les personnes en charge de laconception et de la mise en œuvre sont, aumoins en partie, les mêmes, mais acceptentde jouer – le temps de la démarche straté-gique – un jeu différent, avec un autre horizontemporel, une autre méthode d’analyse, d’au-tres critères de décision.

2) Pour que la stratégie soit autre chose qu’unesimple juxtaposition de programmes d’action,il est indispensable de commencer par for-

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muler en termes de finalités et de résul-tats visés la politique publique.

C’est, avec la séparation des fonctions, lameilleure garantie que la stratégie soit vrai-ment libérée de l’emprise de la gestion et quel’on sépare bien « valeur de la politique » et« politique de la valeur ».

3) Pour traduire les finalités en actions concrè-tes, il faut les décliner en programmes.

Un programme, c’est : un ou des objectif(s)+une stratégie+les moyens associés.

Il est important à ce stade d’expliciter la diffé-rence entre une finalité et un objectif. La fina-lité, c’est l’expression du but ultime d’unepolitique publique (ex. : l’éradication de lapauvreté). L’objectif, quant à lui, a une di-mension plus opérationnelle : il doit être réali-sable et mesurable (ex. : zéro SDF à l’horizon T).En pratique, la finalité ne s’atteint jamais(comme la disparition du chômage ou de lapauvreté), tandis que les objectifs se traduisentpar des impacts évaluables.

4) Élaborer une stratégie, c’est prendre undouble pari.

D’abord un pari sur les liens de cause à effetentre les objectifs que l’on se fixe et les ac-tions pour les mettre en œuvre. Par exemple :

est-ce que la baisse du taux de remboursementva réduire la consommation de médica-ments ?

Ensuite un pari sur l’évolution du contextedans lequel s’exerce l’action entreprise. Parexemple : est-ce que la conjoncture écono-mique va s’améliorer ou se détériorer sur ladurée du plan stratégique ? Cette évolutionmodifie les hypothèses sous-jacentes du planstratégique et rétroagit sur son déroulement.

Un bon plan stratégique est celui qui expliciteles paris pris sur ces deux points : les hypothè-ses retenues, d’une part en termes d’effet desactions entreprises, d’autre part en termesd’évolution de l’environnement de l’action pu-blique. Le cas échéant, si des aléas majeurs sedessinent, il est recommandé de préparer desscénarios alternatifs.

Le pilotage stratégique doit fonctionner endouble boucle : une première boucle me-sure les liens et les écarts causes – effets et per-met de corriger les erreurs de pilotage. Elleressortit donc au « bien faire les choses ». Parcontre, elle ne répond pas à la question« fait-on les bonnes choses ? » La secondeboucle doit permettre de réviser les hypothèsesde base de la politique.

5) Si la conception d’une politique publiquedoit éviter d’être bridée par les considérations

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L e s é t a b l i s s e m e n t s p u b l i c s n a t i o n a u x

Le sommaire d’un plan stratégique devra impérativement comporter cinq chapitres :

1) Le rappel de la mission de l’établissement, formulé non pas seulement du point de vue statutaire maisle situant dans l’ensemble mission – programme dans lequel il s’inscrit.

2) La déclinaison de la mission en objectifs et programmes d’actions, en prenant soin de définir l’ori-ginalité du positionnement stratégique de l’établissement dans son paysage institutionnel. Il faut notammentidentifier la spécificité de son rôle au regard d’autres institutions ou acteurs lui faisant concurrence.

3) Définir les hypothèses sous-jacentes qui relient les livrables (ce que produit mon établissement) auximpacts attendus (l’effet de mes livrables pour réaliser les objectifs de la politique).

4) Les aléas et scenarii alternatifs : il faut pouvoir travailler avec un portefeuille de scénarii, car rien ne seréalise jamais comme prévu initialement. Ces scénarii reposent sur des hypothèses et des risques pondérés.

5) Les ressources nécessaires : les objectifs doivent toujours être formulés sous contraintes, à peined’être irréalisables. Les allocations de ressources sont le premier acte opérationnel du pilotage stratégique.Ces ressources sont d’ordre financier, bien sûr, mais aussi d’ordre humain (quantité et qualité des compé-tences requises) et d’ordre organisationnel (qui peuvent supposer des initiatives en termes de reingéniériedes processus et de transformation organisationnelle).

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de gestion, elle ne saurait pour autant les igno-rer. C’est pourquoi une bonne stratégie doitaussi identifier les ressources nécessaires à saconduite.Ces ressources sont d’ordre financier, bien sûr,mais aussi d’ordre humain (quantité et qualitédes compétences requises) et d’ordre organi-

sationnel (souvent l’expression d’une stratégieen termes de finalités met en évidence l’inadé-quation d’organisations bâties sur une logiquede gestion des moyens). La logique du TBP vapermettre de vérifier si les ressources sont al-louées conformément à la finalité de la stra-tégie et à sa déclinaison en objectifs.

❚ ❚ ❚ La mise en œuvre de la politique publique

La mise en œuvre fait le lien avec le plan stra-tégique pluriannuel qui inscrit l’établissementdans la politique publique et le pilotage del’établissement au travers d’un plan stratégiqueinterne.C’est l’occasion d’identifier si les inflexionsstratégiques induisent des ruptures tant dansles positions stratégiques de l’établissement(évolution de son modèle d’activité ; parexemple l’évolution du modèle d’activité del’IGN avec le développement du référentielgrande échelle et des nouvelles technologiesd’information géographique) que dans les po-sitions institutionnelles (évolution de l’environ-nement institutionnel ou juridique)Le plan stratégique d’établissement va définirles bénéfices attendus pour les publics ciblesqui devront se traduire en objectifs de perfor-mance opérationnelle pour l’établissement. Levote du budget sera bien évidemment le pre-mier acte de traduction de ces orientationsstratégique dans la réalité.

� Mettre en œuvre les politiquespubliques : l’état des pratiques

L’enquête de la DIRE permet de dresser un ta-bleau composite de pratiques émergentes :

Un lien ténu entre stratégie et gestion.Selon les établissements, le processus budgé-taire ne prend en compte les critères de perfor-mance que dans 46 % des cas. Selon lestutelles, les plans pluriannuels et les contratsd’objectifs n’aboutissent que dans 58 % descas à optimiser les allocations budgétaires et àmesurer les performances.

L’intervention des tutelles. Pour 58 % desétablissements, le conseil d’administrationn’exerce pas un rôle dirigeant même s’il votele budget et approuve le plan stratégique.Dans 58 % des cas également, les décisionsdu conseil d’administration sont, pour partiedu moins, soumises à l’approbation préalablede la tutelle.

L’articulation entre activité et objectifs.Les objectifs stratégiques sont le plus souventabsents du rapport d’activité ou cantonnés àune déclaration d’intention dans le « mot duprésident » introduisant le rapport.

L’articulation entre résultats et cibles deperformances. Les cibles de performancesvisées n’étant pas explicitées dans les rap-ports, il est impossible d’apprécier pleinementles résultats présentés. A fortiori, les rapportsne proposent pas d’analyse des éventuelsécarts entre cibles et réalisations, ni de mesu-res correctrices en conséquence.

La nature des indicateurs de résultats.Les mesures d’impact des activités poursuivies

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sont extrêmement rares. Beaucoup d’établisse-ments raisonnent encore en termes de moyensconsommés ou de processus mis en œuvre.Les indicateurs d’activité sont au demeurant ra-rement assortis de critères de qualité ou d’effi-cience (coûts unitaires, productivité).

� Mettre en œuvre la politique :l’état de l’art

La mise en œuvre traite du déploiement desobjectifs et comporte trois activités essentiel-les : la déclinaison du plan stratégique enplans d’actions, la construction d’indica-teurs de performance, l’alignementstratégique de l’organisation.

Les programmes et plans stratégiques élabo-rés en phase de conception des politiques pu-bliques couvrent généralement une période detrois à cinq ans. Pour un pilotage plus précisde l’action publique, il est judicieux de les dé-cliner annuellement en plans d’action qui

décrivent concrètement les mesures qui serontexécutées dans l’année. Le plan d’action, as-sorti d’objectifs de performances, devient lesupport de la prévision budgétaire.

Les mesures mises en œuvre dans l’annéeconsidérée doivent normalement permettre unprogrès dans l’accomplissement des objectifsstratégiques. Ce progrès sera évalué grâce àdes indicateurs de performance. Le choixdes indicateurs pertinents est un exercice déli-cat. On peut donner ici quelques règles :– les indicateurs, conformément au tableaude bord stratégique, devront équilibrer lesquatre dimensions clés du pilotage de l’orga-nisation : clients, processus, ressources humai-nes et finances. À défaut, les organismespublics seront entraînés vers une stratégie quin’est pas soutenable dans la durée ;– s’insérant dans la démarche globale pré-sentée plus haut, ils devront refléter de manièreéquilibrée : la gestion des moyens (inputs 1

ou ressources), celle des processus (pro-

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L e s é t a b l i s s e m e n t s p u b l i c s n a t i o n a u x

Pour évaluer la qualité de votre pilotage stratégique interne, posez-vous les questions suivantes :– Votre budget annuel est-il assorti d’un plan d’action précis spécifiant les projets à accomplir et les ciblesde performance à atteindre ?– Si oui, que vous apporte cette démarche et quelles difficultés avez-vous rencontré dans sa mise enœuvre ?– Si non, quels sont les repères qui guident votre action (EPN) ? quels sont les critères par lesquels vous ap-préciez les demandes budgétaires (tutelles) ?– Mesurez-vous l’impact de votre action ? Si non, quels sont les indicateurs que vous suivez et commentappréciez-vous l’efficacité de votre établissement ?

Dans votre établissement, diriez-vous que :– L’organisation est dictée par les objectifs poursuivis ou par la logique de production/gestion des moyens ?– Des objectifs de performance existent seulement au niveau global ou aussi aux niveaux plus fins (services,équipes de travail, individus) ?– Les primes, bonus, avancements de carrière sont décidés en fonction des performances constatées parrapport aux objectifs fixés ?– Les initiatives de réforme sont suivies, cohérentes et bénéficient de l’adhésion des agents ?– Votre établissement a une vision claire de l’ensemble des intervenants participant à la même politiquepublique que lui (en amont, en aval, latéralement) ?– Des procédures de coordination et de mise en cohérence sont à l’œuvre ?

1. Nous n’utilisons les termes anglo-saxons que pour établir une référence traçable à la littérature managé-riale qui est majoritairement en anglais.

Page 46: Les établissements publics nationaux - Vie publique · En partant des forces et faiblesses de la situation actuelle et en s’inscrivant dans le nou-veau contexte créé par la réforme

cess), les produits et services issus de l’activité(outputs ou livrables) et les effets (outcomesou impacts) obtenus au regard des finalitéspoursuivies.

À cet égard, on est passé ces quinze dernièresannées d’un extrême à l’autre avant de trouverun point d’équilibre : à une pratique tradition-nelle qui s’intéressait presque exclusivement à laconsommation des moyens a succédé, dansl’enthousiasme du mouvement de « nouvellegestion publique », une focalisation sur les me-sures d’impact (outcomes) ; enfin, vu la fragilitédes relations de cause à effet entre l’activitéd’un organisme et l’impact constaté, il y a eu unretour vers les mesures de livrables (outputs).Les ratios peuvent être calculés en comparantdeux à deux ces dimensions pour évaluer lesperformances d’efficience (livrables/ressour-ces) et d’efficacité (impact/livrables).

Par exemple, un des livrables d’une politiquede répression des délits routiers peut être lenombre de points de permis de conduire retirépar les forces de l’ordre. La mesure de l’impactdevra s’intéresser à l’effet de ce livrable sur laréduction du nombre de tués et de blessés surles routes (politique de la valeur). Le pilotagestratégique de la politique devra vérifier s’il y acorrélation entre augmentation des livrables etimpact sur l’effet : une politique de répressionmal conçue peut être sans effet sur la mortalitéroutière. Enfin, la mesure de l’efficience decette politique pourra évaluer son effet d’hysté-résis, à savoir si les comportements routierschangent en l’absence de politique active derépression (valeur de la politique).

Pour que la stratégie soit réellement mise enœuvre, il faut qu’elle inspire l’ensemble deschoix de gestion de l’établissement. C’est ceque l’on appelle l’alignement stratégique.

Il comporte plusieurs aspects critiques :– la reconfiguration (si nécessaire) del’organisation, en sorte que les moyens etles responsabilités soient clairement attribuésau regard des objectifs fixés ;

– la déclinaison des objectifs et des stra-tégies à chaque échelon hiérarchique/orga-nisationnel : le programme arrêté par lesdirigeants pour l’ensemble de l’établissementpublic doit être repris et approprié par chaqueservice. Chacun, au regard de son portefeuillede compétences, doit examiner en quoi il peutcontribuer à la performance collective et élabo-rer son propre plan d’action en conséquence ;– la structure des systèmes de rétribu-tion : les incitations traditionnellement utiliséesen gestion des ressources humaines (primes,bonus, déroulement de carrières) doivent êtregérées au regard de l’accomplissement, parchacun, des objectifs de performance qui luisont assignés ;– l’intégration des initiatives managé-riales : dans quasiment toutes les organisa-tions publiques sont à l’œuvre ici ou là, à toutmoment, de multiples initiatives de « moderni-sation », de « démarche qualité », de « réor-ganisation »... La succession de ces initiatives,sujettes aux effets de mode et à l’efficacité nonmesurée, produit généralement une grandelassitude des cadres et agents. Pour éviterqu’un tel état d’esprit ne s’instaure à l’endroitdu pilotage stratégique que l’on cherche à dé-velopper, il faut que celui-ci soit considéré nonpas comme une réforme, voire un gadget deplus, mais comme le cadre de référence danslequel viennent s’inscrire l’ensemble des autresdémarches.

Le tableau de bord prospectif peut alors êtrecomplété. La stratégie doit, ensuite, être dé-clinée en objectifs opérationnels :– pour chaque objectif, on précise les indi-cateurs qui vont permettre de mesure les pro-grès accomplis ;– on se fixe une cible de performance sousforme chiffrée, au regard de laquelle on éva-luera le travail accompli ;– on précise les projets et actions qui, con-crètement, vont permettre d’aller vers l’objectifpoursuivi.

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❚ ❚ ❚ L’évaluation de la politique

L’évaluation est la phase qui va réellement per-mettre de mesurer la valeur de la politique etde réconcilier livrables et impacts.On peut distinguer plusieurs thèmes :La définition des standards de qualité desrapports d’activité. Aux États-Unis, les rapportsd’activités des agences gouvernementales sontprésentés au Congrès et doivent respecter un ca-hier des charges qualité qui en garantit la fiabili-té. Ils sont examinés préalablement par unbureau d’assurance qualité. Ces standards dé-pendent du rôle joué par les rapports d’activité :compte rendu au Parlement, information des par-ties prenantes, contribution au débat public.Le conseil d’administration est une pièceimportante de l’évaluation puisqu’il valide lerapport d’activité et est l’instance de bouclageentre l’évaluation des actions passées et l’ac-tualisation des objectifs stratégiques pourl’avenir.Le système de pilotage stratégique doitpermettre d’utiliser les mesures résultant del’évaluation pour corriger les écarts d’avec lesobjectifs visés.

� L’évaluation de la politique :l’état actuel des pratiquesSelon l’enquête réalisée par la DIRE, on cons-tate selon les établissements, un dispositif desuivi assez étoffé.

Les établissements déclarent posséder des systè-mes qui permettent de rendre compte de leuractivité dans 87 % des cas, de leur position fi-nancière dans 92 % des cas, de l’efficacité dela politique mise en œuvre dans 55 % des cas.

Les critères d’évaluation des performances relè-vent de l’amélioration des services rendus dans67 % des cas, de l’impact sur l’activité des usa-gers dans 72 % des cas, de l’équilibre finan-cier/la qualité de gestion dans 58 % des cas.

Les modalités de compte rendu sont : le rap-port d’activité pour 90 % des établissements,le compte rendu au conseil d’administrationpour 95 % des établissements, l’interventiondu corps d’inspection du ministère de tutelledans 70 % des cas et l’intervention d’instancesexternes d’évaluation dans 60 % des cas.

Des indicateurs de suivi mais... ce sont rare-ment des indicateurs d’impact, plutôt d’activi-té, voire de moyens, et on voit parfois desclauses prévoyant des évaluations plus com-plexes, mais ce n’est pas systématique.

La nature des indicateurs de résultats : les me-sures d’impact des activités poursuivies sontextrêmement rares. Beaucoup d’établisse-ments raisonnent encore en termes de moyensconsommés ou de processus mis en œuvre.Les indicateurs d’activité sont au demeurant ra-rement assortis de critères de qualité ou d’effi-cience (coûts unitaires, productivité).

L’articulation entre résultats et cibles de perfor-mances : les cibles de performances viséesn’étant pas explicitées dans les rapports, il estimpossible d’apprécier pleinement les résultatsprésentés. A fortiori, les rapports ne proposentpas d’analyse des éventuels écarts entre cibleset réalisations, ni de mesures correctrices enconséquence.

� L’évaluation de la politique :l’état de l’art

Cinq principes de base1) La définition d’indicateurs de performancepropres à mesurer le progrès vers les objectifs

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L e s é t a b l i s s e m e n t s p u b l i c s n a t i o n a u x

Page 48: Les établissements publics nationaux - Vie publique · En partant des forces et faiblesses de la situation actuelle et en s’inscrivant dans le nou-veau contexte créé par la réforme

constitue, on l’a vu, un point critique de la miseen œuvre du pilotage stratégique. Encorefaut-il s’assurer que les données nécessaires àl’alimentation du système d’information ainsiconçu soient dûment collectées et traitées.

Ces données peuvent être collectées : en rou-tine, à partir des systèmes de gestion ; ponc-tuellement, à partir d’enquêtes ad hoc oud’évaluations approfondies.

2) Les écarts entre objectifs et résultatsdoivent être mesurés et expliqués. Ils peuventprovenir :– de la survenance d’aléas. (Dans ce cas,étaient-ils identifiés dans les scénarios stratégi-ques ? Pourquoi les mesures correctrices n’ont-el-les dès lors pas été prises par anticipation ?)– de défauts dans la mise en œuvre de lastratégie, à une insuffisante rigueur managé-riale. (Dans ce cas, la nature et les causes deces insuffisances sont-elles identifiées ?)– du caractère finalement irréaliste des objec-tifs fixés. (Mais alors, pourquoi de tels objectifsont-ils été adoptés ab initio ?)– d’une erreur d’appréciation des effets del’activité poursuivie (livrable) sur le résultat final(impact). (Dans ce cas, quel modèle alternatiffaut-il adopter ? La stratégie doit-elle être refor-mulée en conséquence ?)

3) Les actions menées sont susceptibles de pro-duire des effets secondaires que l’onn’avait pas anticipés. Si tel est le cas, ceux-cidoivent être soigneusement identifiés et leur im-pact évalué au même titre que celui des effetsprévus et souhaités. Le cas échéant, il faudrachanger de mode d’action, voire de stratégie,

pour éliminer des « dommages collatéraux »trop importants.4) Les résultats obtenus au regard des objectifsvisés, les commentaires qu’appelle l’analysedes écarts entre les uns et les autres ainsi quel’examen des effets secondaires non anticipésdoivent être largement publiés :– en interne, à titre de pédagogie et de moti-vation pour les agents et salariés ;– en externe, au titre de la transparence et del’obligation de rendre compte dues tant aux usa-gers qu’à la tutelle et qu’aux citoyens, aux contri-buables et au Parlement qui les représente.5) L’analyse des écarts et sa publication se-raient sans intérêt si elles n’étaient assorties demesures concrètes destinées à redresser lasituation. C’est notamment à ce point que lepilotage stratégique rejoint le débat budgé-taire dans l’esprit de la LOLF.

Le lien avec le tableau de bord prospectifLes mesures mises en œuvre dans l’annéeconsidérée doivent normalement permettre unprogrès dans l’accomplissement des objectifsstratégiques. Ce progrès sera évalué grâce àdes indicateurs de performance. Le choixdes indicateurs pertinents est un exercice déli-cat. On peut donner ici quelques règles :Les indicateurs, conformément à la carte straté-gique, devront porter sur les quatre dimensionsclés du pilotage de l’organisation : clients,processus, ressources humaines et finances.S’insérant dans la démarche globale pré-sentée plus haut, ils devront refléter de manièreéquilibrée : la gestion des moyens (ressour-ces), celle des processus (process), les produitset services issus de l’activité (livrables) et les ef-fets obtenus au regard des finalités poursuivies(impacts). Les ratios pouvant être calculés encomparant deux à deux ces dimensions per-mettent d’évaluer les performances d’effi-cience (livrables/ressource) et d’efficacité(impacts/ressources).La pratique de l’évaluation est donc une activi-té très importante du processus de pilotagestratégique. L’équipe de direction de radioac-tifs déclare y consacrer 20 % de son temps.L’évaluation intervient en amont lors de la

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� Les indicateursdoivent être SMART :spécifique, mesurable,

atteignable, réaliste, définisdans le temps.

Le système dans sonensemble doit êtreFARCIE : focalisé,

approprié, robuste,efficace en terme de coût,

intégré, équilibré.

Page 49: Les établissements publics nationaux - Vie publique · En partant des forces et faiblesses de la situation actuelle et en s’inscrivant dans le nou-veau contexte créé par la réforme

confection du tableau de bord prospectifpuisque tous les objectifs doivent être formulés,accompagnés de cibles quantifiées. Cela sup-pose que l’on consacre du temps à bâtir unconsensus sur la fiabilité et la pertinence del’indicateur. Cette pertinence ne doit pas êtreseulement intrinsèque (ce que l’on veut mesureret la fiabilité de cette mesure) mais elle doitaussi être extrinsèque puisque l’effet d’un indi-cateur est la mesure correctrice qu’il induit.Cette question est particulièrement critiquedans l’application du « principe de précau-tion » par les agences de sécurité sanitaire : lamesure de l’existence d’un risque doit-elle setraduire par le blocage de toute activité (au-quel cas le principe de précaution se trans-forme en « principe du parapluie ») ou àl’incitation au développement de la rechercheassociée à une utilisation contrôlée d’un nou-veau produit ?La pratique en aval de l’évaluation va recou-vrir plusieurs champs :Le champ de l’évaluation des politiquespubliques tel que mandat en est donné auConseil national de l’évaluation (CNE). Il re-pose sur des processus longs (dix-huit mois mi-

nimum pour la réalisation de l’évaluationproprement dite, auquel s’ajoute le temps dedécision de faire l’évaluation) qui s’intègrentdifficilement dans le cycle de planification etde pilotage stratégique. Il doit toutefois per-mettre de développer un effet d’apprentissagedans le cadrage des politiques publiques parle gouvernement et donc leur traduction enmissions en lois de finances.

Le champ de l’évaluation des actions del’État et des collectivités publiques,comme la satisfaction des usagers, la politiquequalité qui peuvent s’intégrer plus facilementdans le cycle de pilotage stratégique.

Le champ de l’actualisation du plan stra-tégique où le conseil d’administration doitjouer un rôle essentiel en associant tous lespartenaires de la politique publique.

Le champ du pilotage proprement dit par lamesure permanente, à l’aide du TNP, del’écart objectifs visés/résultats obtenus et ladéfinition d’actions correctrices.

Le champ de la communication, enfin, decette évaluation qui est un facteur de légitimitéde la politique subséquemment mise en œuvre.

❚ ❚ ❚ Les axes de progrès

Nous ne traiterons ici que du développementdu pilotage stratégique des politiques publi-ques, en laissant de côté les réformes que le lé-gislateur pourrait être amené à faire dans lestatut des établissements publics, comme la re-fonte du statut des EPA et des Epic.Ces axes ont été identifiés par les participantsau séminaire de restitution organisé par laDIRE 1.Trois leviers de changement apparaissent :– En définissant un cadre commun de pilo-tage pour les politiques publiques, la LOLF

supprime le recours à l’établissement publiccomme moyen de rechercher une souplessede gestion. Il importe donc de définir unedoctrine de recours à la formule del’établissement public national dans lamise en œuvre d’une politique publique.– Le second levier est la mise en place decontrats pluriannuels, mouvement large-ment enclenché dans le cadre du développe-ment du contrôle de gestion 2.– Le troisième est le rôle que doit jouer leconseil d’administration des EPN dans ceprocessus, puisque l’existence de ce conseil

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L e s é t a b l i s s e m e n t s p u b l i c s n a t i o n a u x

� Le sommaire d’unrapport d’activités devraimpérativement comporter

sept chapitres :– le rappel des objectifs visés

avec l’indicateur de mesurechoisi ;

– les résultats obtenus etleur mode de calcul ;

– les actions entreprises ;– les écarts entre les objectifs

visés et les résultats obtenus ;– les effets secondaires dési-

rables et non désirables ;– les actions correctrices

entreprises pour comblerl’écart ;

– les enseignements etconclusions pour le prochain

cycle de planificationstratégique.

1. Voir le compte rendu de ce séminaire édité par la mission communication de la DGAFP-DIRE.2. Voir la brochure « Contractualisation dans le cadre du contrôle de gestion – Guide méthodologique »,DIRE, 2001.

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est le trait institutionnel distinctif de l’EPN et queson rôle est maintes fois souligné par l’enquêteet les études de cas.

Compte tenu de l’ampleur de la tâche, deuxprincipes de travail sont adoptés :– On apprend en marchant et peu im-porte qui commence, des tutelles ou desétablissements. Il est important d’accumuler del’expérience à partir de laquelle des doctrinespourront se construire. Il est essentiel de dispo-ser rapidement d’un portefeuille de projets pi-lotes innovants pour alimenter ce retourd’expérience.– Il faut profiter des crises, soit des crisesdes politiques publiques (ex. : les politiques desécurité sanitaire), soit des crises du modèlestratégique de l’établissement (ex. : l’IGN faceau référentiel grande échelle) ou encore de cri-ses internes (ex. : les questions de statut et degestion des personnels).

Pour définir ces axes, nous reprenons la divi-sion en trois étapes du pilotage stratégique.

� Concevoir la politique :développer les compétencesde planification stratégique

Sept chantiers ont été identifiés :

Systématiser la démarche de contrac-tualisation : elle est en cours et entrée dansla culture des établissements. Même si elle aencore un aspect souvent formel et peu stan-dardisé, elle permet de poser les questionsstructurantes d’une démarche de planificationstratégique : quels sont nos objectifs ? Com-ment allouons-nous nos moyens à nos objec-tifs ?

Faire une analyse FFOM (forces, faibles-ses, opportunités, menaces) de l’EPN. Il s’agitde saisir que l’établissement évolue dans unchamp concurrentiel et mouvant : le contextedes politiques change, des institutions concur-rentes apparaissent, les besoins évoluent et laraison d’être de l’établissement, sa stratégie enest impactée.

Définir un calendrier : tout objectif non as-sortit d’un échéancier doit être considérécomme nul. De plus, la définition du calendrier

permet de définir les cycles pertinents de laplanification stratégique.

Donner vie au principe de responsabili-té : Qui fait quoi ? pour quand ? pour com-bien ? À terme, chaque processus doit êtreassocié à un « propriétaire de processus » res-ponsable et de l’opérationnalité de ce proces-sus et des résultats obtenus.

Acquérir les compétences de planifica-tion stratégique au niveau des centrales.Les plus grosses carences ont été unanimementlocalisées au niveau des centrales. Confrontésaux réalités opérationnelles, les établissementsont développé des compétences stratégiques etse plaignent désormais du retard culturel descentrales. Il s’ensuit un risque d’inversion du pro-cessus de pilotage, les tutelles ne pouvant jouerleur rôle de stratège.

Équilibrer travail sur les objectifs et surles moyens : L’essentiel de l’effort porte au-jourd’hui sur la programmation des moyens,activité d’autant plus chronophage que l’ab-sence de référentiel stratégique ne permet pasd’arbitrer les allocations de ressources. Rap-porter chaque allocation de ressources à unobjectif est un mécanisme de base de la plani-fication stratégique.

Coordonner les tutelles : Dans le cas depluralité des tutelles, il est essentiel que soit dé-signé un chef de file qui assure l’unité d’impul-sion stratégique.

Quelques « bonnes pratiques » ont étéidentifiées qui peuvent être implantées sansplus attendre :– Ne pas attendre pour agir que la lignesoit définie : on tomberait immanquablementdans des problématiques « œuf/poule ». L’im-portant est de lancer le processus pour faireémerger les questions structurantes et enclen-cher l’apprentissage collectif.– Traduire les engagements stratégi-ques en engagements financiers : toutestratégie qui ne se traduit pas en allocationsde ressources en reste au stade de la velléité. Ilvaut donc mieux moins d’objectifs moins ambi-tieux à court terme, mais traduits en engage-ments financiers.

Esquisse de doctr ine

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Pour réussir àéchouer dans la

conception d’unepolitique publique

Ne consultez ni usagers, niParlement, c’est une perte de

temps.... ou consultez beaucoup, ne

décidez jamais !Habillez comme « programme

stratégique » ce que vousaviez, de toute façon, déjà

prévu de faire.Tout est prioritaire :

impossible de dégagerl’essentiel de l’important.Ignorez superbement les

autres acteurs intervenant surla même politique publique.

Appuyez-vous sur unmédiateur pour savoir ce qui

se passe dehors.

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– Adapter les structures ministériellesaux impératifs du pilotage et donc les re-grouper par pôle d’impulsion stratégique, au-trement dit bien sûr pas le contraire, quiconsisterait à adapter les programmes auxstructures actuelles des tutelles et donc à viderde sens l’intention de la LOLF.– Le CA peut assurer la mise en cohé-rence des tutelles : son rôle dans la planifi-cation stratégique doit être développé et il semontre efficace dans sa capacité à entretenirle dialogue stratégique avec les tutelles.

� Mettre en œuvre la politique :pratiquer le pilotage

Le préalable est l’existence d’objectifs clairsde la part des tutelles. Mais l’implantation dupilotage au niveau de l’établissement est denature à faire émerger les questions structuran-tes qui vont permettre aux tutelles de clarifierleurs objectifs.

Quatre chantiers apparaissent :– Le projet d’établissement est un outild’appropriation des objectifs : il doit être déve-loppé en ayant bien en vue sa place dans ledéploiement en cascade de la stratégie.– Le CA doit être au centre du dispositifde pilotage : il intervient à tous les niveaux :au moment de la discussion du cadrage straté-gique avec la tutelle, de l’élaboration du pro-jet d’établissement et de l’évaluation desrésultats pour compte rendu vers les tutelles, leParlement et le public.– Équilibrer les quatre axes du TBP : il y alà un outil simple qui permet de mettre en rela-tion les objectifs de diverses natures : bénéficespour les usagers, efficacité des processus, ap-prentissage organisationnel et gestion des res-sources humaines, allocations de ressources.– Aligner l’ensemble de l’organisationsur la stratégie : tout processus n’existe queparce qu’il concourt à une finalité ultime dé-finie par la stratégie. L’établissement peut doncêtre pensé comme un « réseau de processus »qui entretiennent entre eux des relationsclient-fournisseurs dont la finalité est la créationde valeur pour le bénéficiaire final, donc pourla réalisation de la politique.

Parmi les bonnes pratiques à ce stade, on peutidentifier :– L’association de l’établissement à laphase de conception de la politique,sous les réserves définies plus haut quant aurisque d’inversion du pilotage. D’une part,l’établissement est à même de fournir auconcepteur de la politique des informations im-portantes pour fonder sa pertinence ; d’autrepart, l’interactivité dans la conception de lapolitique permet de bâtir une compréhensionpartagée des objectifs et de les traduire dansun langage commun.– La stratégie doit être formalisée dans unelettre de mission au président et au direc-teur général.– La composition et les pratiques de dé-libération du CA doivent être revues afinqu’il ne soit pas l’instance de prolongation dudialogue social ou la réunion des lobbys desadministrations.– La pratique du TBP est excellente maisdemande un temps d’apprentissage long :donc « puisque c’est à long terme, je com-mence tout de suite » (Foch). Il faut commencerpar des objectifs simples et connecter progres-sivement divers secteurs de l’activité de l’éta-blissement.

En tout état de cause, l’évolution de laGRH reste une question critique. C’est unchantier en soi qui comporte deux volets : laredéfinition des statuts des personnels et lagestion des carrières et des compéten-ces et le développement des pratiques d’ap-prentissage organisationnel au niveaude l’établissement.

� Évaluer la politique :mesurer pour réagir

L’évaluation est l’étape critique du cycle depilotage stratégique puisqu’elle supposequ’en amont aient été définis cadrage straté-gique et objectif et qu’elle permet en avall’actualisation de la stratégie, avec notam-ment l’obligation de présenter un rapport an-nuel de performance dans le cadre du cyclebudgétaire.

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– la gestion traite de la mise en œuvre an-nuelle des moyens selon le cycle des lois de fi-nances ;– l’évaluation porte sur les cycles stratégiquesde la politique publique qui sont constitués dela réalisation complète de programmesd’équipement et de la mesure de l’impact deces dispositifs sur la société.

Néanmoins, les deux mesures ne sont pas sé-quentielles : le dispositif peut commencer àproduire un impact avant d’être complètementdéployé (en procédant en taches d’huile et ensuccessions de programmes).

L’évaluation ne peut donc se résumerau rapport d’activité ministériel telqu’il est prévu par la LOLF, même si tou-tes les conditions optimales sous-jacentesétaient réunies.

Une politique est généralement mise enœuvre par une pluralité d’acteurs : administra-tions centrales, établissements publics, acteursprivés, collectivités locales, services déconcen-trés... En supposant que chacune de ces enti-tés ait développé des systèmes de contrôle degestion homogènes par leurs données et com-patibles entre eux, l’évaluation de la politiquesuppose la mise en place d’un système de syn-thèse qui soit l’arborescence de chacun dessous-systèmes de contrôle de gestion.

Même en supposant que toutes les entités ad-ministratives aient développé des systèmes decontrôle de gestion intégrant la mesure des im-pacts (ce qui ne sera pas le cas à court terme),

il est peu probable qu’ils puissent fournir toutesles données nécessaires. Ainsi, dans le do-maine de la sécurité sanitaire, la mesure del’impact épidémiologique des politiques nepeut reposer sur la seule synthèse des donnésissues du contrôle de gestion. Le cabinet d’unmédecin libéral ou une association de préven-tion a fort peu de chances d’être équipé d’untel contrôle de gestion !

Une mesure de l’impact basé sur des don-nées exogènes restera donc nécessairepour combler ce hiatus.

La conception de ce système d’évaluation doitêtre entreprise dès la mise en place de la poli-tique, pour se donner le temps de bâtir le sys-tème d’information pertinent, en supposant,comme il a été dit plus haut, que les objectifsstratégiques aient bien été définis.

Le rôle des technologies de l’informa-tion sera bien sûr ici essentiel, tant pour collec-ter les données que pour organiser lebouclage entre la mesure de l’impact et l’ac-tualisation de la politique. Les politiquespeuvent être conçues comme des « adminis-trations virtuelles » dont les éléments peu-vent être reliés par un intranet. Chaque activitécritique de cette politique peut être considéréecomme un « objet » informatique et l’architec-ture du système d’informatique reflétera les en-jeux de pilotage stratégique de la politique.

Quatre chantiers doivent être inscrits àl’ordre du jour :– La définition et la place des instancesd’évaluation : commissions parlementaires,conseils scientifiques, comités d’usagers,corps d’inspection, instances ad hoc...– Le développement du contrôle straté-gique de gestion, s’appuyant sur la métho-dologie ABC (Activity Based Costing), pourpouvoir définir les coûts des politiques pu-bliques et définir le coût de l’évaluation.– La crédibilisation du rapport d’activitéafin qu’il donne des informations fiables(qui dépendent de la fiabilité du contrôle stra-tégique de gestion) et pertinentes (permet-tant une évaluation de la valeur de lapolitique).

Esquisse de doctr ine

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– Le développement de compétencesd’évaluation en interne, dans les administra-tions centrales et dans les établissements.

Les conditions de réalisation sont dequatre ordres. Il faut :– accroître l’autonomie de l’établissement, no-tamment par l’allègement du contrôle a priori ;– que le cadrage stratégique des politi-ques soit assuré par les tutelles, ce qui requiertqu’elles se coordonnent et développent leurscompétences stratégiques ;– que l’urbanisme et l’architecture des systè-mes d’information soient pensés en fonc-tion des informations stratégiques qu’ilsdoivent produire pour l’évaluation ;

– enfin, les compétences et les standardsde qualité de l’évaluation soient définis et dé-veloppés.

Des quatre temps du pilotage stratégique, ce-lui de l’évaluation ressortit donc aux condi-tions institutionnelles et managérialesles plus lourdes à mettre en place.

La liaison entre le développement ducontrôle de gestion et la reconfigura-tion des systèmes d’information estpar ailleurs un chantier à commencer sansplus attendre pour assurer l’infrastructuretechnologique et informationnelle de l’éva-luation. �

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Parallèlement à la mise en place de l’ensembledu dispositif d’implantation de la loi organique,un plan de travail spécifique peut être conçupour les établissements publics nationaux.

On identifie deux grandes catégories de pilo-tage : l’un externe et l’autre interne à l’établis-sement.

❚❚❚ Les conditions externes du pilotage stratégique

� Une typologie stratégique des EPN

Le premier chantier est celui de la segmenta-tion stratégique des programmes et des éta-blissements. Ils doivent être formulés selon descritères non plus institutionnels mais stratégi-ques, soit par typologie de grands domainesde création de valeur, soit par « modèlesd’activités ».

Les modèles d’activités doivent êtrepensés par politiques. On peut en établirle sommaire comme suit :– Quel est l’objectif de création de valeurde la politique, en terme de livrables et d’im-pact ?– À quel segment de bénéficiairess’adresse cette politique ?– Quelle est la structure de la chaîne devaleur à mettre en place pour la réaliser etquel doit être le rôle précis de l’établissementpublic dans cette chaîne ?– Quelle est la structure de coûts de la poli-tique et des structures qui la mettent enœuvre ?– Comment va-t-on mesurer les bénéficesproduits et de quels outils de mesure dis-pose-t-on ?– Dans quel réseau de valeur s’inscrit l’éta-blissement : autres modes de mise en œuvre,concurrents et institutions intervenants sur lemême segment, acteurs privés, partenariats,fournisseurs, pouvoir de pression et de négo-ciation des parties prenantes ?

– En quoi la création d’un établissementpublic permet-elle à cette politique d’être miseen œuvre avec succès et de manière spéci-fique ?

Cette approche peut être mise en œuvresur des politiques comme l’achat publicet l’Ugap ou la politique d’informationgéographique et l’IGN.

On peut ainsi constituer des portefeuilles géné-riques de modèles d’affaires dégageant desprincipes généraux de pilotage de la perfor-mance.

� Définir rôles et responsabilités

Chaque fonction de pilotage doit être as-signée à un seul acteur ayant la responsabilitéde la mise en œuvre de la politique et doncde la coordination des acteurs, des tutellescomme des EPN, avec les autres modes demise en œuvre.

Cette notion est particulièrement critique dansle pilotage de politiques complexes commeles politiques de sécurité sanitaire où intervien-nent de multiples acteurs dont les métiers sontdifférents et les enjeux parfois antagonistes.

� Le chantier GRH

C’est un chantier en soi dont le cahier descharges est à bâtir au plus vite. Il conditionne

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toute la capacité d’apprentissage organisa-tionnel des établissements et donc leur capaci-

té à reconfigurer radicalement leurs processuslorsque cela est nécessaire.

❚❚❚ Les conditions internes du pilotage stratégique

Elles résident essentiellement dans la définitiondes rôles et responsabilités du président, du di-recteur général et du conseil d’administrationdans la mise en œuvre des axes de progrèsdéfinis plus haut.

� Implanter une approcheopérationnelle et apprenante

Une telle mutation ne peut s’entreprendre queprogressivement ; par une démarche ap-prenante reposant sur des projets pilotesdont le retour d’expérience devra être fait avectout le soin et l’expertise nécessaires, par desapports de doctrines et de méthodolo-gies qui proviendront tant de l’état de l’art quedu retour d’expérience de projets pilotes.

Ce processus peut se résumer autour de septquestions critiques, communes à la défini-tion des politiques publiques, à leur cadragedans les programmes et à leur mise en œuvrepar les EPN.

Parmi celles-ci, quatre apparaissent commeparticulièrement pertinentes pour commencerle travail de planification stratégique :

1) Avons-nous une stratégie communeet claire ?

Cette question peut être posée par le conseild’administration, par les dirigeants ou par latutelle, une absence de réponse étant vivementressentie par toutes les parties prenantes.– Une stratégie : quelle est la finalité pour-suivie, au-delà de la simple gestion des moyenset de l’observance de la mission statutaire ?Quels sont les livrables de l’établissement ? Enquoi concrétisent-ils une politique publique ?– Une stratégie commune : au-delà desmots, pouvons-nous formuler de manière par-tagée notre stratégie et la décliner en plansd’actions ?– Une stratégie claire : la formulation de lastratégie doit être courte et limpide et avoir be-soin d’un minimum d’explications.

2) Les investissements sont-ils pilotéspar la stratégie et les budgets annuelssont-ils articulés avec les plans à longterme ?

Lors de la mise en place des budgets, chaquepartie peut prendre l’initiative de poser laquestion du lien entre les allocations de res-sources et la stratégie. Même lorsqu’il existeune stratégie énoncée, elle reste souvent pure-ment déclarative, faute de lien avec le budgetqui doit être le premier acte de la planificationstratégique.

3) Les personnels sont-ils responsablesà tous les niveaux de la réalisation de lastratégie ?

Pour toucher les processus de production del’établissement, chacun doit être impliqué et res-ponsable dans son domaine. Cela permet defaire émerger les questions essentielles quant àla responsabilité, au système d’incitations et derécompenses, aux valeurs générales de l’éta-

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blissement et, de manière plus structurelle, lesquestions de l’adaptation du statut des person-nels à l’évolution de ses missions.

4) Pratiquons-nous le retour d’expé-rience pour valider les hypothèses quifondent la stratégie ?

Une démarche aussi ambitieuse ne peut êtreréalisée qu’en progressant par petits pas,en traitant les questions lorsqu’elles se présen-tent sans viser à l’exhaustivité.

Mais le corollaire d’une approche par petitspas est la capitalisation de l’expérienceacquise pour en dégager un corps de doctrineet de pratiques pour le pilotage stratégique,ce qui suppose que tout projet soit lui-mêmeaccompagné d’un projet de retour d’expé-rience.

L’autre corollaire est, bien sûr, que cettedémarche par petits pas soit la traductiond’objectifs suffisamment ambitieux etmobilisateurs pour susciter l’intérêt, l’enthou-siasme et la confiance qui sont les conditionsde base de l’innovation organisationnelle.

� Bien utiliser et implanterles outils de pilotage

Beaucoup de concepts nouveaux de manage-ment sont actuellement en cours de dévelop-pement dans l’administration : managementde la qualité, contrôle de gestion, reingéniériedes processus... Il importe de comprendre laplace de chacun dans une architecture d’en-semble de pilotage stratégique.

La base essentielle de tout système de pilotagestratégique est l’existence d’un contrôle degestion basé sur les activités, ce qui sup-pose une connaissance des processus.

On peut définir un processus comme unenchaînement d’activités finalisées vers lacréation de valeur pour un bénéficiaire final.Toute organisation est donc un réseau de pro-cessus qui entretiennent entre eux des relationsclients-fournisseurs.

Pour implanter un système de pilotage, il fautgénéralement entreprendre un travail de des-sin des processus et bien souvent un travailde reingéniérie pour s’assurer que toutes lesactivités sont bien alignées vers la réalisationdu livrable attendu de chaque processus. Ils’agit là de s’assurer que toutes les activités né-cessaires au bon fonctionnement du processussont présentes ou qu’elles ne se chevauchentpas. Chaque activité peut être représentéecomme un « faire » auquel on peut associer un« savoir-faire », un métier. Le dessin et la rein-géniérie des processus vont donc permettred’identifier les activités critiques auxquellesil faudra allouer les ressources et les compéten-ces clés qu’il faudra maîtriser pour réaliser lesobjectifs stratégiques.

Le contrôle de gestion 1 va permettre en-suite d’analyser les coûts de chaque activité etde les rapporter aux réalisations d’objectifs etde fournir les éléments nécessaires à l’évalua-tion de la pertinence, de l’efficacité et del’efficience de la politique mise en œuvre.

Le contrôle de gestion a pour ambition de con-trôler la mise en œuvre de la stratégie, de« relier la charrue aux étoiles », soit les activitésopérationnelles aux objectifs stratégiques. Ilsuppose donc que ceux-ci aient étépréalablement définis selon les principeset méthodes définis plus haut.

Le contrôle de gestion va fournir des indica-teurs organisés en tableau de bord qui sera unoutil de pilotage stratégique, permettant demesurer – idéalement en temps réel – l’écartentre les objectifs poursuivis et les objectifs réa-lisés. Cela suppose qu’il soit alimenté par unsystème d’information dont l’architec-ture doit être cohérente avec l’architec-ture des processus de l’établissement etde l’administration. Dans la conceptiondes programmes, la conception concomitantedes systèmes d’information permettra d’enfaire une véritable organisation virtuelle re-groupant toutes ses parties prenantes indépen-damment des frontières administratives et

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� La pertinence se définit

comme le rapport entre les

objectifs et les moyens qui

leur sont consacrés.

L’efficience est le rapport

entre les moyens et les

réalisations.

L’efficacité mesure le

rapport entre les objectifs

initialement fixés et les

réalisations.

1. Voir « Le contrôle de gestion dans les administration de l’Etat : Éléments de méthodologie », DIRE, juillet 2002.

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d’implanter les outils de travail coopératifs per-tinents (intranet, workflow...) et de pilotage (ta-bleaux de bord, balanced scorecard enligne...). Le contrôle de gestion va doncêtre l’outil essentiel de pilotage de lapolitique de la valeur, et au-delà, nourrir,par les données qu’il fournit, l’évaluation de lavaleur de la politique.

L’ensemble du dispositif de pilotage stratégiquepeut être représenté comme un agencementmulticouche reliant les activités opérationnel-les (les processus et leur infrastructure technolo-gique, systèmes d’informations notamment) et ladéfinition de la politique par le Parlement.

Le tableau de bord prospectif va permettre depiloter l’alignement stratégique du dispo-sitif en équilibrant le pilotage de la perfor-mance (contrôle de gestion) et l’évaluation del’impact de la politique. Bâtie à partir des indi-

cateurs d’impacts (outcomes), c’est cette éva-luation qui permet d’asseoir la légitimité de lapolitique publique. Ces deux dimensions duTBP constituent le « front office ». Le TBP vaégalement inclure le pilotage de la perfor-mance du « back-office », soit l’alignementdes processus et le développement de l’ap-prentissage organisationnel.

� Formaliser le processus d’élaborationdu pilotage stratégique :le cadrage stratégique des agencesde sécurité sanitaire

Dans le cadre de l’implantation du dispositifde la LOLF, la direction générale de la Santéa, à l’issue d’un processus interactif et itératifavec les agences de sécurité sanitaire, formali-sé les étapes et activité du processus de ca-drage stratégique.

Les orientations stratégiquesLa première étape est la prospective :cette activité doit être pilotée par l’administra-tion en charge du programme et permettre desituer l’activité de ou des agences concernéespar la politique dans un environnement glo-bal. Il s’agit d’apprécier les changements inter-venus dans l’environnement qui peuvent êtresoit totalement exogènes (apparition de nou-veaux risques sanitaires) ou endogènes (nou-velles orientations de politique publique,évolution organisationnelle, innovation techno-logique...). Cette étape permet de bâtir lesgrandes hypothèses sur lesquelles serabâtie la stratégie.

Face à cet environnement, il faut en suite réali-ser une analyse « forces faiblesses op-portunités menaces » (FFOM) qui vapermettre de situer la politique et son ou sesagences dans leur environnement concurren-tiel. On en déduit les enjeux stratégiquespartagés par l’administration de tutelle et lesétablissements.

Cette étape est essentielle. Elle suppose d’yconsacrer du temps et beaucoup de dialogueset d’interactions entre l’administration centrale et

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les agences concernées. C’est l’occasion d’affi-ner le périmètre stratégique des programmes.

La planification et la conclusiondu contrat d’objectif et de moyens (COM)L’analyse prospective est déclinée au niveaude chaque agence et permet d’apprécierl’écart entre la mission institutionnelle et la mis-sion effective. On peut en conclure les axesprioritaires des agences qui seront à la basedu plan stratégique. On procède à une nou-velle analyse FFOM au niveau de l’agencequi permettra d’identifier ses atouts et pointsfaibles et de définir les gisements de progrès.Ceux-ci peuvent impliquer des ruptures organi-

sationnelles (nouveaux métiers, nouvelles prati-ques...) ou technologiques (acquisition denouvelles technologies ou impact de nouvellestechnologies sur les métiers et l’organisationde l’agence).

Le COM synthétise cette réflexion en définis-sant des objectifs opérationnels, des ci-bles de performance internes et externes, lesbénéfices escomptés pour le public et les axesd’amélioration en terme de fonctionnement quivont engager tant l’administration centrale (al-location de ressources, pilotage de la poli-tique et du programme) que l’agence (gestionde la performance en interne).

Il définit le cadre du pilotage stratégique de lapolitique impartie à l’agence et les rôles et rè-gles d’imputabilité de chacun.

Le projet d’établissementIl part des objectifs définis dans le COM et lesdécline en objectifs de performance internetant pour les métiers de l’agence que pour lesfonctions supports.

Il définit ensuite le pilotage interne de la perfor-mance et produit les indicateurs nécessairestant pour le rapport d’activité que pour l’éva-luation de la politique. �

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Récapitulatif : dix mesurespour rendre la gestiondes établissements

publics exemplaire

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1. Au niveau de l’administration de tutelle, formaliser un processus de planification stratégique permettantde cadrer la stratégie des établissements publics dans une politique publique par une définition adéquatedes programmes.

2. Rendre imputable le directeur d’administration centrale en charge du pilotage du plan stratégique.Lorsque plusieurs administrations sont concernées par la tutelle, désigner un chef de file en fonction des in-térêts stratégiques majeurs.

3. Donner, au travers d’un contrat de performance négocié, un mandat clair aux établissements compor-tant des objectifs chiffrés et des indicateurs de performance faisant apparaître les priorités stratégiques del’État.

4. Décliner ces contrats dans un système formalisé de pilotage stratégique de l’établissement à l’aide du ta-bleau de bord prospectif.

5. Rendre compte de l’exécution de ce mandat par un rapport d’activité destiné tant aux tutelles qu’au Par-lement et au grand public concerné par la politique gérée par l’établissement.

6. Faire des établissements publics un laboratoire de pratiques autour de la mise en œuvre de la loi orga-nique de finances.

7. Implanter un système de contrôle stratégique de gestion basé sur le pilotage par activité, dans un premiertemps dans les Epic, puis généralisé dans les EPA.

8. Utiliser pleinement le potentiel des TIC, évaluer leur impact sur la productivité et l’évolution des métierset des emplois et reconcevoir à moyen terme leur architecture en fonction des besoins du pilotage straté-gique.

9. S’appuyer sur les personnels pour repenser les processus organisationnels et décisionnels des établisse-ments et développer l’imputabilité à tous les niveaux, en commençant par l’encadrement supérieur (en dé-finissant des incitatifs pertinents avec les statuts des personnels dans les EPA et les Epic) et systématiser lapratique du rapport de gestion axé sur la performance et le bilan social.

10. Faire des conseils d’administration l’instance réellement dirigeante de l’établissement, assurant une maî-trise d’ouvrage stratégique déléguée s’étendant de la négociation du plan stratégique à sa mise en œuvre,en clarifiant la mission et le statut des administrateurs, du président et du directeur.

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AnnexesAnnexe 1 : État des pratiquesdes établissements publics nationaux

La DIRE (Délégation interministérielle à la ré-forme de l’État) a conduit en 2001 une en-quête par questionnaire auprès desétablissements publics nationaux et de leurs tu-telles. Un certain nombre des établissementsinterrogés ont joint à leur réponse des docu-ments témoignant de leur pratique du pilotagepar la performance : plans stratégiques, con-trats pluriannuels avec leurs tutelles, rapportsd’activité.

Ces documents ont été analysés au regardd’une batterie de critères permettant d’évaluerle degré de maturité de la démarche de pilo-tage qu’ils reflètent. On présente ici les résul-tats de cette analyse.

Une remarque liminaire doit être faite. Les do-cuments dépouillés témoignent d’une extrêmediversité des pratiques. Cette diversité se re-trouve parfois au sein d’un même document,avec des parties manifestement rédigées pardes plumes différentes, laissant entrevoir des

approches plus ou moins construites selon lesdépartements de l’établissement concerné.Aussi, contrairement à l’intention initiale,avons-nous renoncé à traduire par des indica-teurs quantitatifs l’état des lieux qui ressort dece dépouillement. Il nous a semblé qu’une ap-proche qualitative, mettant en exergue lesmeilleurs et, éventuellement, les moins bonsexemples, donnerait une image plus exactede la réalité.

Les documents examinés ont été répartis entrois catégories, correspondant aux trois typesd’outils couramment utilisés dans des démar-ches de pilotage stratégique : plans stratégi-ques, contrats de plan et rapports d’activité.Encore faut-il préciser d’emblée que, en l’ab-sence de doctrine commune sur l’articulationexacte entre ces trois instruments – notammententre plans stratégiques et contrats de plan –,les frontières entre les uns et les autres appa-raissent mal établies.

❚❚❚ Les plans stratégiques

� Caractéristiques de l’échantillonQuatre des quarante-neuf établissementsayant transmis des documents ont joint un planstratégique : l’Institut national de la rechercheagronomique (Inra), le Cemagref, l’Établisse-ment public Basse-Seine et l’Institut national dejeunes sourds de Metz.

Au demeurant, ces plans portent des noms dif-férents. Seul celui du Cemagref s’intitule « Planstratégique 1999-2002 ». En revanche, celuide l’Inra est baptisé « Document d’orientation2001-2004 », celui de l’Établissement publicBasse-Seine « Programme pluriannuel d’inter-vention 1997-2001 » et celui de l’Institut na-

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tional de jeunes sourds de Metz « Projetpédagogique et éducatif ».

Le faible nombre de plans stratégiques ainsianalysés ne signifie pas que seuls quatre desétablissements de l’échantillon ont élaboré unplan stratégique. Bien d’autres font référence,dans leurs rapports d’activité, à l’existenced’un tel plan, mais ont omis de le transmettreen réponse à l’enquête.

� Grille d’analyse

Les quatre plans stratégiques de l’échantillon ontété analysés au regard de la grille que voici :

• Le document exprime-t-il les finalités et les ob-jectifs de l’action de l’établissement ?– Rappelle-t-il les missions statutaires ?– Actualise-t-il, s’il y a lieu, les priorités ?– Décline-t-il les missions / priorités en objectifs ?– Associe-t-il aux objectifs des cibles de per-formance chiffrées ?

• Le document explicite-t-il les hypothèses surlesquelles il repose ?– Montre-t-il les liens de cause à effet qu’il sup-pose entre l’activité de l’établissement (outputs)et l’impact recherché (outcomes) ?– Exprime-t-il les hypothèses d’évolution del’environnement qui le sous-tendent ?– Envisage-t-il des aléas et des scénarios alter-natifs par rapport à ces hypothèses ?

• Le document présente-t-il les programmesd’action qui vont permettre d’atteindre les ob-jectifs ?– Énonce-t-il les grands projets associés auxobjectifs ?– Fait-il apparaître l’allocation des ressourcescorrespondant à ces projets ?

• Le document montre-t-il la cohérence et la co-ordination de l’action de l’établissement parrapport aux autres acteurs de la politique pu-blique concernée ?– Se réfère-t-il aux priorités gouvernementales ?– Montre-t-il l’articulation de l’établissementavec les autres acteurs impliqués ?

• Le document traite-t-il des quatre dimensionsmajeures du pilotage stratégique ?

– Identifie-t-il les clients ou bénéficiaires del’établissement et les projets à leur égard ?– Propose-t-il un budget prévisionnel ou uneesquisse financière ?– Identifie-t-il les processus critiques et les ac-tions propres à les améliorer ?– Pourvoit-il au développement des compéten-ces clés ?

� Constats

Des finalités dûment déclinées en objectifs,mais sans engagement chiffréLes quatre plans stratégiques analysés rappel-lent les finalités des établissements publicsconcernés soit en faisant référence à leur mis-sion statutaire, soit en affirmant une vision, unprojet à long terme.

Deux faiblesses ont été constatées à ce stade.

Les missions statutaires sont parfois expriméesdavantage en termes d’activité à accomplirque de finalité à satisfaire. C’est le cas pourl’Établissement public Basse-Seine, dont lesmissions sont ainsi énoncées :

a) « Procéder à toutes opérations immobilièreset foncières de nature à faciliter la mise enœuvre des directives d’aménagement et d’ur-banisme concernant la Basse-Seine » etb) « Participer éventuellement au financementdes études et des opérations d’aménagementet d’équipement entreprises dans le même res-sort géographique. »

C’est également le cas pour l’Inra. Dans uncas comme dans l’autre, les établissements pu-blics concernés tournent la difficulté en explici-tant bien sous forme d’objectifs stratégiques lespriorités qu’ils s’assignent pour la durée duplan.

Les formulations employées, pour privilégierl’exactitude et l’exhaustivité, perdent parfoisde leur force d’entraînement. Ainsi, parexemple, du Cemagref, qui énonce sa« visée à plus long terme » en une phrasedont la longueur et la complexité finissent pardiluer l’intention :

Annexes

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« Développer les bases scientifiques d’une in-génierie du développement durable des terri-toires pour protéger et gérer les hydrosystèmeset les milieux terrestres, dynamiser les activitésqui les valorisent, prévenir les risques qui leursont associés. »

Chacun des quatre plans traduit effectivementen objectifs concrets les finalités ou missionsde l’établissement public concerné. Aucund’entre eux, en revanche, ne va jusqu’au boutde la logique du pilotage par la performanceen fixant des valeurs chiffrées aux objectifs àatteindre. Autrement dit, l’intention stratégiqueest clairement identifiée, mais on ne s’engagepas sur une cible de réussite précisémentquantifiée.

Prenons l’exemple de l’Institut national de jeu-nes sourds de Metz. Partant de l’énoncé deses missions, il présente un projet d’établisse-ment articulé en cinq axes, eux-mêmes décli-nés en objectifs intermédiaires. Ainsi lepremier axe stratégique « Prise en charge indi-vidualisée » se décline-t-il ainsi :

« Prendre chaque jeune dans sa globalité,l’impliquer et l’accompagner. Élaboration duprojet individualisé.Diversifier l’offre de formations professionnel-les, de modes de communication, de cursuset de soutiens, d’intégration et de semi-inté-gration.Impliquer et accompagner les familles.Coordonner les actions des professionnels del’Institut et des partenaires.Développer l’éveil à la citoyenneté. »

Ces objectifs étant posés, on ne trouve pasdans le projet d’établissement d’indicationpermettant de situer le degré d’ambition ques’assigne l’Institut vis-à-vis d’eux. Le plan straté-gique se trouve dès lors privé de l’une de sesfonctions majeures : celle de moteur d’un pro-grès mesurable.

Des hypothèses stratégiques explicitéespour partie seulement

Un plan stratégique repose inévitablement surdeux types d’hypothèses :

– des hypothèses d’évolution du contexted’activité de l’établissement au cours de la pé-riode d’exécution du plan. Ce contexte peutévoluer favorablement ou défavorablement,offrir des opportunités ou des menaces dont ilfaut tenir compte ;– des hypothèses de causalité entre l’activitédéployée par l’établissement et l’impact qu’ilcherche à avoir. Ces hypothèses sont d’autantplus fortes que l’impact recherché est plus qua-litatif, donc plus difficile à appréhender, oubien qu’il relève des comportements humains,difficiles à modifier en profondeur.

Un bon plan stratégique doit expliciter les hy-pothèses sur lesquelles il repose, dans l’une etl’autre de ces deux catégories.

Les quatre plans analysés, pour leur part,omettent toute explication sur le deuxième typed’hypothèses, les liens de cause à effet entreactivité et impact (entre outputs et outcomes se-lon la terminologie technique courammentadoptée). Ils s’expriment à des degrés diverssur le premier type d’hypothèses, tenant àl’évolution de leur contexte.

L’Établissement public Basse-Seine est leplus articulé sur ce sujet. Son « Programme plu-riannuel d’intervention » inclut une présentationdes grandes tendances affectant l’aménage-ment du territoire dans les zones de son ressortgéographique et une analyse des stratégiespoursuivies par les grands acteurs avec les-quels il est amené à coopérer, d’où il déduit sapropre stratégie.

Le Cemagref passe en revue les tendances àl’œuvre dans son environnement, dont la priseen compte inspire sa réflexion stratégique.De même, l’Inra énumère les six défis princi-paux auxquels il s’estime confronté sur la duréede son plan stratégique. Cependant, contraire-ment au cas de l’Établissement public Basse-Seine, ces deux diagnostics d’environnementn’incluent pas la surveillance des autres acteursintervenant sur le même domaine.

L’Institut national de jeunes sourds deMetz ne présente pas, pour sa part, la visionqu’il a de l’évolution de son contexte.

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Des programmes d’action effectivementprésentés, mais qui soulignent rarementles arbitrages effectuésLes quatre plans stratégiques analysés ne se li-mitent pas à l’exposé des finalités, missions etobjectifs des établissements concernés. Ils dé-crivent effectivement les principaux projets quivont donner corps à la stratégie poursuivie.

La principale remarque qui doit être faite à cetégard porte non pas sur la manière de présen-ter les programmes d’action, plus ou moinsstructurée selon les cas, mais sur le peu de visi-

bilité donné aux arbitrages dont résultent desprogrammes.

L’Inra fait ici exception avec, au contraire, uneprésentation synthétique très claire des réallo-cations de moyens sous-jacentes au pro-gramme proposé. Ayant énoncé six axes derecherche stratégiques, l’établissement fait fi-gurer dans son « Document d’orientation2001-2004 » un tableau intitulé « Répartitiondes effectifs par axes et objectifs opération-nels : objectifs d’évolution 2001-2004 (cher-cheurs et ingénieurs) » ainsi constitué :

Hormis le cas de l’Inra, les autres plans straté-giques au mieux se bornent à indiquer lesmoyens affectés aux divers projets constituantle programme d’action, mais sans montrer enquoi les allocations prévues remettent encause les tendances passées (Établissementpublic Basse-Seine), au pire ne disent rien desallocations de moyens accompagnant lesorientations stratégiques.

Des plans stratégiques dont l’articulationavec les politiques publiques n’est pastoujours clairement montréeLes plans stratégiques des établissements pu-blics s’inscrivent en principe dans un cadred’ensemble de l’action publique dominé parles priorités définies par le gouvernement et au-quel participent de multiples acteurs. Aussisont-ils soumis à une double exigence de co-

Annexes

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Axes de recherche stratégiques %1999

Objectif d’évolution 2001-2004

A. Améliorer le cadre de vie, préserverl’environnement et produire durable-ment.

23 Moyens ajustés en 1998-1999. Légère aug-mentation en accompagnement de la mise enœuvre de nouveaux programmes et des res-tructurations internes.

B. Améliorer l’alimentation humaine,préserver la santé des consommateurs,comprendre leurs comportements.

7 Renforcement +40 % par redéploiement demoyens, renforcement du partenariat et ac-croissement des ressources propres.

C. Diversifier les produits et leurs usa-ges, améliorer leur compétitivité.

21 Maintien ou légère diminution des ressourcesbudgétaires au profit des axes B et D. Dévelop-pement attendu des ressources propres.

D. Développer les stratégies génériquespour la connaissance du vivant.

24 Moyens en très forte croissance les années pré-cédentes. Renforcement principalement par al-liances et déploiement de moyens nouveaux.

E. Adapter les espèces, les pratiques etles systèmes de production à descontextes changeants.

18 Diminution -15 % et transfert de moyens,principalement sur l’axe B.

F. Éclairer la décision des acteurs publicset privés, comprendre leurs organisa-tions, en dégager les significations.

7 Renforcement +25 %, concernant en prioritéles sciences sociales et montée en puissance del’objectif F6. (Informer et nourrir le débat pu-blic.)

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hérence : cohérence avec les orientations gou-vernementales, cohérence avec les initiativesdéployées par les autres acteurs concernés.

Cette double articulation n’est pas toujours clai-rement montrée par les documents analysés :

1) Seuls l’Institut national de jeunes sourds deMetz et l’Établissement public Basse-Seine fontexplicitement référence, à un titre ou à unautre, à la stratégie globale de l’État avant dedéfinir leur propre projet. Le Cemagref etl’Inra, tout en réaffirmant leur appartenance àla sphère publique, ne font pas de lien précisentre leur plan stratégique et telle ou telle orien-tation des politiques publiques les concernant.

2) Les quatre plans stratégiques mentionnent lebesoin de développer des partenariats,d’améliorer la coopération avec des organis-mes tiers ou de mieux coordonner leur actionavec celle d’autres intervenants. Pour autant,ils ne présentent pas toujours une démarchetrès structurée sur ce point.

Ainsi par exemple, le document du Cemagrefévoque-t-il bien différentes pistes (partenariatsscientifiques, démarches de « co-construc-tion » de projets avec les partenaires socioé-conomiques, participation aux réseaux derecherche technologique...) mais sans qu’ilsoit possible au néophyte d’avoir une vue glo-bale des acteurs concernés et de leur interfaceavec le Cemagref. À l’inverse, l’Inra est plussystématique, avec un chapitre entier de son

plan stratégique intitulé « Politique partena-riale », passant en revue l’ensemble des inte-ractions entre l’établissement et sonenvironnement.

Des plans qui ne couvrent paspleinement les quatre dimensionsd’une carte stratégique idéale(clients, processus, ressources humaines,ressources financières)

Aucun des quatre plans stratégiques examinésne couvre les quatre dimensions.

Tous évoquent directement ou indirectement– à travers l’exposé de leurs finalités, missionset objectifs – leurs clients ou bénéficiaires.Encore faut-il dire que l’identification de cesbénéficiaires reste souvent implicite : les plansmontrent bien ce que seront les produits ou ser-vices rendus mais s’abstiennent d’une typo-logie des usagers concernés et de leursattentes.

Cette typologie semble parfois aller de soi, en-core que rien ne soit réellement évident. Ainsil’Institut de jeunes sourds de Metz s’adresse-t-ilmanifestement aux jeunes sourds et à leurs fa-milles. Mais quelle est la pondération des prio-rités entre ces deux catégories ? Y en a-t-il unetroisième, par exemple les employeurs poten-tiels des jeunes sourds, puisque l’Institut se pro-pose de favoriser l’insertion professionnelle deses élèves ?

Dans d’autres cas, la typologie des bénéficiai-res est très difficile à cerner. C’est le cas del’Inra : cet établissement agit-il au bénéfice desconsommateurs ? ou bien à celui des agricul-teurs et professionnels de l’agroalimentaire ?ou bien encore à celui des autorités publiquesen charge des politiques agricoles ?

Au demeurant, il est frappant de constater,dans le cas du Cemagref, que cette carto-graphie des bénéficiaires, absente du planstratégique, est remarquablement présentéedans les divers supports de communication ex-terne de l’établissement. Ainsi, entre autres, surle site internet. Le silence du plan stratégique àcet égard ne vaut donc pas absence de ré-

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flexion, mais omission dans la conception dece document.

À l’inverse, la dimension la moins prise encompte dans les plans stratégiques est celledes ressources financières. Seul l’Établisse-ment public Basse-Seine présente une esquissebudgétaire, formulant des évaluations prévi-sionnelles de ses trois grandes catégories derecettes : les produits de cessions, les produitsde gestion et les produits de la taxe spécialed’équipement.L’Institut national de jeunes sourds de Metz et leCemagref ne disent pas un mot des questionsde financement. L’Inra, pour sa part, n’évoquele sujet que par le biais du tableau de réalloca-tion des ressources présenté ci-dessus.Les quatre plans identifient, d’une manière oud’une autre, les processus critiques qui vontleur permettre de mener à bien leurs orienta-tions stratégiques et, le cas échéant, les amé-liorations à leur apporter pour ce faire.Ainsi l’Établissement public Basse-Seine, ayanténoncé ses objectifs et son programme d’ac-

tion, passe-t-il en revue ses six métiers. Le Ce-magref, après avoir énoncé ses priorités derecherche, met en exergue les deux défis qu’ilse propose de relever quant à ses processusde travail : la qualité scientifique de ses ac-tions et la promotion de l’innovation,c’est-à-dire des retombées économiques et so-ciales de ses travaux de recherche. Il en va demême, peu ou prou, pour l’Inra et l’Institut na-tional de jeunes sourds de Metz.

Dernière dimension enfin : celle des ressourceshumaines. Elle fait normalement partie inté-grante de tout plan stratégique, partant duprincipe que nul objectif un tant soit peu ambi-tieux ne saurait être atteint sans un surcroît demotivation, de compétence ou d’organisationdes personnes appelées à y contribuer.

En réalité, seuls deux des quatre plans exami-nés s’y intéressent : celui de l’Inra et celui del’Institut national de jeunes sourds de Metz. LeCemagref et l’Établissement public Basse-Seine, en revanche, laissent ce point dansl’obscurité.

❚❚❚ Les contrats de plan

� Caractéristiques de l’échantillon

Huit des quarante-neuf établissements ayanttransmis des documents en réponse à l’enquêtede la délégation interministérielle à la réformede l’État ont joint un plan stratégique : l’Agencenationale pour l’emploi (ANPE), l’Institut natio-nal de recherche sur les transports et leur sécuri-té (Inrets), le Cemagref, l’Agence nationale devalorisation de la recherche (Anvar), l’Agencede l’environnement et de la maîtrise del’énergie (Ademe), la Caisse nationale d’assu-rance maladie des travailleurs salariés(CNAMTS), la Caisse nationale d’allocationsfamiliales (Cnaf) et l’Agence nationale pour lagestion des déchets radioactifs (Andra).

Tout comme dans le cas des plans stratégi-ques, les documents faisant office de contratsde plan portent des intitulés différents (« contratde progrès » pour l’ANPE, « convention d’ob-jectifs et de gestion » pour la CNAMTS et la

Cnaf), mais tous concourent au même objec-tif : formaliser un engagement réciproque, surune période de plusieurs années, entre l’État,autorité de tutelle et pourvoyeur de moyensbudgétaires, et les établissements signataires.

� Grille d’analyse

Les huit contrats de plan de l’échantillon ont étéanalysés au regard de la grille que voici :

• Le document exprime-t-il les finalités et les ob-jectifs de l’action de l’établissement ?– Décrit-il le contexte, les déterminants exter-nes de l’activité de l’établissement, attendussur la période contractuelle ?– Rappelle-t-il les finalités poursuivies par l’éta-blissement ?– Décline-t-il ces finalités en objectifs opéra-tionnels à atteindre dans la période contrac-tuelle ?

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– Associe-t-il aux objectifs des cibles de per-formance chiffrées ?– Le document montre-t-il l’articulation de l’ac-tion de l’établissement avec la politique dugouvernement et l’action des autres acteurs pu-blics concernés ?– Se réfère-t-il explicitement aux orientationsde politique publique dont relève son do-maine d’intervention ?– Précise-t-il ses modalités de coopération, surla forme et sur le fond, avec les autres acteurspublics concernés ?

• Le document présente-t-il les programmesd’action qui vont permettre d’atteindre les ob-jectifs ?– Identifie-t-il les bénéficiaires de l’action del’établissement et les engagements pris à leurégard ?– Identifie-t-il les processus critiques de l’actionde l’établissement et les mesures prises pourles améliorer ?– Analyse-t-il l’adéquation entre les compéten-ces disponibles et la stratégie poursuivie etpourvoit-il, le cas échéant, au développementdes ressources humaines ?– Présente-t-il un budget prévisionnel ou uneesquisse financière correspondant à la stra-tégie énoncée ?

• Le document envisage-t-il les aléas suscepti-bles de se produire sur la période contrac-tuelle et les scenarii alternatifs qu’il faudrait, lecas échéant, mettre en œuvre ?

• Le document précise-t-il les modalités de suiviet d’évaluation de l’action de l’établissementau regard des engagements pris ?– Définit-il des indicateurs de performance,support du pilotage stratégique ?– Si oui, ces indicateurs portent-ils sur laconsommation des moyens ? l’accomplisse-ment d’un processus de travail ? la productionde produits ou services livrables (outputs) ? laréalisation d’impacts stratégiques (outcomes) ?– Les indicateurs de performance sont-ils chif-frés ou purement qualitatifs ?– Le document prévoit-il une procédure d’éva-luation au-delà du suivi « de routine » ?

� Constats

Une réflexion prospective trop partielleLes documents analysés, alors même qu’ilsénoncent une stratégie et des objectifs sur unepériode de plusieurs années, peinent souvent àprésenter une réflexion prospective structurée.

Les éléments extérieurs susceptibles d’influen-cer l’activité de l’établissement sur la périodecontractuelle sont peu ou pas explicités.

Le contrat quadriennal 2000-2003 del’Anvar, par exemple, ne dit pas un mot de lamanière dont l’établissement et sa tutelle ima-ginent l’évolution des pratiques de recherche,développement et innovation des entreprisessur la période considérée. La même re-marque, dans un domaine différent, s’ap-plique à la convention d’objectifs et de gestion2000-2003 liant la CNAMTS et l’État.

Le contrat de progrès 1999-2003 entre l’Étatet l’ANPE évoque, quant à lui, des perspecti-ves, mais en des termes très généraux : « Lemarché du travail des prochaines années res-tera qualitativement et quantitativement désé-quilibré, le niveau du chômage restera élevémalgré une diminution que l’on peut attendrecompte tenu du retour à la croissance, de laréduction de la durée du travail et de la miseen œuvre des programmes gouvernementauxde lutte contre le chômage de longue durée enparticulier. »

En réalité, sur les huit contrats de plan analy-sés, un seul consacre des développementssubstantiels à cette réflexion sur les tendancesà l’œuvre dans son environnement straté-gique, de nature à justifier ses orientations etobjectifs. C’est l’Inrets, avec deux pages endébut de son contrat de plan dédiées à « L’ins-titut et son contexte ».

Peu prolixes sur les déterminants extérieurs sus-ceptibles d’affecter leur activité sur la périodecontractuelle, les contrats de plan sont, fort lo-giquement, quasiment muets sur les aléas pou-vant venir bouleverser leurs plans au cours decette même période et sur les scénarios alter-natifs qu’ils développeraient alors.

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Les seuls éléments que l’on peut noter à ce titresont les clauses de révision ou d’ajustement fi-gurant dans les contrats de la CNAMTS, de laCnaf et de l’ANPE. Mais leur formulation est sivague qu’elle ne saurait tenir lieu de scénarisa-tion prospective. Seule la clause d’ajustement,à l’article 6 du contrat de progrès1999-2003 entre l’État et l’ANPE, amorce undébut de réflexion à cet égard :

« Un examen de l’exécution de la présenteannexe sera effectué fin 1999. Il prendra enconsidération l’ensemble des résultats obtenuset plus particulièrement ceux concernant lalutte contre les exclusions et le Plan nationald’action (à partir des indicateurs retenus enannexe 4). Ses conclusions seront prises encompte pour la mise en œuvre du Contrat deprogrès de 2001 à 2003 et pour la prépara-tion des budgets correspondants.Il sera également procédé à un bilan à mi-par-cours produit par le Comité d’évaluation.Par ailleurs, dans le cas où l’État demanderaità l’Agence de prendre en charge la mise enœuvre d’un programme non prévu au présentContrat de progrès, une évaluation sera faitedes coûts correspondants et les moyens del’Agence seront ajustés en conséquence.Indépendamment des dispositions prévuesaux alinéas ci-dessus, l’ajustement des moyenspourra également intervenir, à la demande del’une ou l’autre des parties, dans les circons-tances suivantes :– modification notable des conditions defonctionnement du marché du travail,– changement important dans la nature desmissions confiées à l’Agence par décision del’État ou par accord des partenaires sociauximpliquant l’ANPE après accord de l’État. »

Des finalités dûment déclinées en objectifsopérationnels, mais non assortiesde cibles de performance chiffrées

Les contrats de plan examinés énoncent géné-ralement les objectifs opérationnels assignés àl’action de l’établissement sur la période con-tractuelle pour satisfaire aux finalités stratégi-ques. En revanche seuls trois des huit contratsexaminés (et encore : seulement pour quel-

ques-uns de leurs engagements) traduisent cesobjectifs en cibles de performance chiffrées,au regard desquelles les accomplissementspourront être objectivement mesurés.

Or, en l’absence de telles cibles, les engage-ments pris perdent nettement de leur force. Ain-si, par exemple, le contrat de plan duCemagref comporte-t-il un objectif intitulé « Fa-voriser l’innovation : valorisation, transfert etpartenariats socio-économiques » décliné enplusieurs sous-objectifs dont celui-ci : « Détec-ter, sélectionner et soutenir des projets inno-vants ». Là sont indiquées plusieurs voiesd’action que le Cemagref se propose d’em-prunter, mais sans autre spécification de cibleque : « la démarche engagée [...] sera pour-suivie » ou encore « l’effort sera prolongé[...] ».

Seule l’Ademe fournit une brillante exception àce constat, avec une page de son contratconsacrée aux « Principaux engagements chif-frés à l’horizon 2006 » et listant des engage-ments très précis, tels que : « Desserted’au moins 95 % de la population en collectesélective de matériaux secs et de 25 % de lapopulation en collecte sélective de la fractionfermentescible des ordures ménagères » ouencore « 550 000 m2 supplémentaires de so-laire thermique installés ; 1 000 chaufferiesbois supplémentaires installées, dont 20 cen-trales de grosse puissance ».

Une coordination peu explicitée avecles autres acteurs des politiques publiquesSix des huit contrats examinés se réfèrent expli-citement à la politique du gouvernement dansle domaine qui les concerne, afin d’y situerleur propre contribution. À l’inverse, deuxd’entre eux omettent cette référence : le contratquadriennal 2001-2004 du Cemagref et lecontrat quadriennal 2000-2003 de l’Anvar.

Quant à la coordination avec les autres inter-venants contribuant aux finalités énoncéesdans les contrats, elle est presque toujoursévoquée, mais en des termes trop vagues pourque l’on puisse en tirer quelque orientationstratégique que ce soit.

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Ainsi, par exemple, de l’Inrets, qui énumère lesdiverses catégories d’acteurs avec lesquelles ilentend coopérer : « Universités, écoles et or-ganismes de recherche », « Industriels et pro-fessionnels des transports », « Administrations,collectivités, réseaux techniques » et enfin « Ré-gions ». Mais le partage des responsabilités,la valeur ajoutée propre à chacun des acteursdans les processus partenariaux envisagéssont peu analysés.

Il y a, bien sûr, des exceptions à cela, les plusnotables étant l’ANPE et la Cnaf qui consa-crent une part importante de leur contrat à ex-pliquer comment ils entendent articuler leurintervention avec celle de leurs partenaires ex-térieurs.

Des contrats n’assurant généralementpas un équilibre des quatre grandesdimensions stratégiques(clients, processus, ressources humaines,ressources financières)Tous les contrats ont un volet financier spéci-fiant l’engagement de l’État en termes de bud-get et/ou de création de postes. Les objectifsde développement des ressources humaines etdes compétences sont, eux aussi, souvent pré-sents : encore faut-il souligner qu’ils sont géné-ralement abordés en termes quantitatifs (tantd’effectifs de telle spécialité ou de tel niveaude compétence), non en termes qualitatifsd’implication, de changement des modes detravail, de valorisation des initiatives...

Les deux dimensions les moins bien traitéessont celles des processus, d’une part, et du ser-vice apporté aux clients/usagers/bénéficiai-res, d’autre part.

Tout d’abord, bien souvent, les contrats ne dé-signent pas clairement les bénéficiaires, clientsou usagers de l’activité des établissements si-gnataires. Ainsi de l’Inrets, par exemple. Soncontrat 2001-2004 avec l’État souligne quel’établissement entend « répondre à la de-mande sociale et aux attentes de ses ministè-res du tutelle et de ses partenaires du domainedes transports (scientifiques, industriels, opéra-teurs, administrations et collectivités) », maiscette formulation très vaste n’équivaut nulle-

ment à une analyse fine des services que l’éta-blissement se propose de rendre à chacunedes catégories de bénéficiaires citées. Lamême remarque s’applique aussi bien au Ce-magref ou à l’Anvar.

À l’inverse, deux organismes se distinguentpar une présentation claire de leur offre de ser-vices. Ce sont aussi ceux qui ont su montrerleur articulation avec les autres acteurs duchamp de politique publique sur lequel ils in-terviennent. Il n’y a rien d’étonnant à cela, lesdeux aspects relevant d’une même démarchede positionnement stratégique. Ce sont :– l’ANPE, qui décline une offre de prestationsaux demandeurs d’emploi et une offre de pres-tations aux employeurs potentiels, en organi-sant en outre la complémentarité de sonintervention avec celle des autres acteurs de lapolitique de l’emploi ;– la Cnaf qui, de la même manière, s’estdotée d’une stratégie de services aux alloca-taires et d’une stratégie de mobilisation de sespartenaires intervenant dans le champ de lapolitique familiale.

S’agissant enfin des processus critiques qu’ilconvient de revoir ou d’améliorer pour que lesétablissements signataires, compte tenu desmoyens et des compétences disponibles, puis-sent délivrer à leurs bénéficiaires les servicesprévus, la situation est contrastée.

L’Anvar, par exemple, en dit très peu de cho-ses, simplement, à mi-chemin entre la stratégiefinancière et la réflexion sur les processus,qu’elle « continuera à explorer d’autres voiespour augmenter les retours financiers afin d’as-surer un recyclage des fonds » ou bien encorequ’elle « étudiera un nouveau dispositifs’adressant aux entreprises volontaires à fortpotentiel de croissance ».

À l’autre extrême, l’Ademe présente une ré-flexion très structurée, dans un chapitre de soncontrat intitulé « La mise en œuvre », quiévoque successivement les différents modesd’intervention de l’Agence, les partenariatsqu’elle juge nécessaire de développer, les me-sures de gestion de ressources humaines àprendre pour soutenir les engagements stratégi-

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ques, enfin les questions de « qualité dans l’or-ganisation de la gestion et des procéduresinternes ».

Des dispositions assez étofféesen matière de suivi et d’évaluationTous les contrats de plan examinés prévoient undispositif de suivi et d’évaluation : un dispositifde suivi, à base d’indicateurs réunis dans un ta-bleau de bord, pour apprécier et piloter, entemps rapproché, la conduite de l’activité desétablissements ; et un dispositif d’évaluation, àbase d’études plus fouillées, plus ponctuelles etsouvent plus qualitatives, pour apprécier de ma-nière approfondie l’impact final, la pertinenceet l’efficacité des actions menées.

Le principe même de la mesure des perfor-mances semble donc entré dans les habitu-des, et c’est un acquis important.

Ce sur quoi, en revanche, les contrats mon-trent une maturité très contrastée, c’est le choixdes indicateurs de performance qui vont cons-tituer le tableau de bord du suivi régulier.

L’Inrets, par exemple, dispose d’un tableau debord essentiellement centré sur le suivi des

moyens : effectifs répartis par corps, âgemoyen des personnels, nombre de doctorants,répartition de l’activité (mesurée par lesmoyens) selon les quatre axes stratégiques...Seuls quelques indicateurs s’intéressent aux ré-sultats : nombre d’entreprises issues de l’Inrets ;nombre d’articles, communications, ouvrages,rapports et brevets déposés.

À l’autre extrême, le dispositif de suivi le plussophistiqué est celui de l’Ademe, qui répartitles engagements pris et les indicateurs desti-nés à en mesurer la réalisation en trois « cer-cles » : le « premier cercle », qui mesurel’activité de l’Ademe et son impact direct ; le« deuxième cercle », qui mesure les impacts in-directs ou induits de l’action de l’Agence (parexemple les effets induits par ses prestationsd’aide à la décision) ; enfin le « troisièmecercle », qui met en évidence les impacts sup-plémentaires obtenus grâce à d’autres instru-ments d’intervention publique, qui ne sont pasdu ressort direct de l’Ademe mais auxquelsl’Agence apporte sa contribution.

❚❚❚ Les rapports d’activité

� Caractéristiques de l’échantillonTrente-six des quarante-neuf établissementsayant transmis des documents en réponse àl’enquête de la délégation interministérielle àla réforme de l’État ont joint un rapport d’activi-té : le Commissariat à l’énergie atomique(CEA), l’Établissement français des greffes,l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE),l’Agence foncière et technique de la régionparisienne (AFTRP), le Centre français du com-merce extérieur (CFCE), l’Institut national de re-cherche sur les transports et leur sécurité(Inrets), l’Institut régional d’administration deNantes, l’Institut régional d’administration deBastia, le Centre de coopération internatio-nale en recherche agronomique pour le déve-loppement (Cirad), le Centre national pour

l’aménagement des structures des exploita-tions agricoles (Cnasea), l’École nationale dugénie de l’eau et de l’environnement de Stras-bourg, l’École nationale du génie rural, deseaux et forêts (Engref), l’École nationale de lamarine marchande de Nantes, l’Office natio-nal interprofessionnel des plantes à parfum,aromatiques et médicinales (Onippam),l’Office national des forêts (ONF), l’Institut na-tional de jeunes sourds de Metz, l’Établisse-ment public Basse-Seine, l’Institut nationalpolytechnique de Lorraine, le Centre interna-tional d’études pédagogiques, l’UniversitéLouis-Pasteur (Strasbourg), l’Université Nancy1 – Henri-Poincaré, le Parc national du Mer-cantour, le Parc national de la Vanoise, Aéro-ports de Paris, le Cemagref, le Centred’études et de recherche sur les qualifications

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(Cereq), le Bureau de recherches géologiqueset minières (BRGM), l’Agence de l’eauLoire-Bretagne, l’Agence de l’eau Rhin-Meuse,l’Agence de l’eau Seine-Normandie, l’Oni-sep, l’Odeadom, l’Institut de recherche pour ledéveloppement, le Port autonome de Bor-deaux, l’Agence française de sécurité sani-taire des aliments (Afssa), l’Agence del’environnement et de la maîtrise de l’énergie(Ademe).

Cet échantillon est à la fois trop vaste pour quel’on en dresse ici un panorama qualitatif détaillé,et trop étroit pour donner lieu à des statistiqueschiffrées qui soient fiables et représentatives.Cela d’autant plus que, au sein d’un mêmerapport, l’on peut trouver des parties hétérogè-nes : tel chapitre, traitant de telle branche del’activité d’un établissement, sera rédigé selonles règles de l’art tandis que tel autre sera pluslacunaire. On se contentera donc ici d’indi-quer les grandes tendances et, le cas échéant,les cas remarquables.

� Grille d’analyse

Les rapports d’activité de l’échantillon ont étéanalysés au regard de la grille que voici :

• Le rapport rappelle-t-il le contexte de l’annéeécoulée, dans lequel s’est inscrite l’activité del’établissement ?

• Le rapport rappelle-t-il les finalités de l’établis-sement ?

• Rappelle-t-il ses objectifs de performancepour l’année écoulée ?

• Objectifs exprimés en termes qualitatifs ?

• Cibles de performance chiffrées ?

• Présente-t-il les résultats de l’année...– En termes de moyens consommés (inputs),de processus mis en œuvre (processes), d’acti-vité (outputs) ou d’impact (outcomes) ?– En termes chiffrés ou non chiffrés ?

• Explique-t-il...– Les écarts entre les résultats constatés et lesobjectifs visés ?– Les effets secondaires indésirables éventuel-lement survenus ?

• Montre-t-il l’articulation de l’établissementavec les autres acteurs impliqués ?

• Présente-t-il les comptes et résultats financiers ?

• Présente-t-il, pour l’année à venir...– Des mesures correctrices des éventuelsécarts de performance ou effets indésirablesconstatés sur l’année écoulée ?– Des objectifs actualisés ?

� Constats

Un peu plus du tiers des rapports présententl’activité de l’année écoulée sans en rappelerle contexte. Le lecteur ne sait donc pas en quoides facteurs extérieurs ont pu influencer, positi-vement ou négativement, les actions entrepri-ses ou la capacité de l’établissement àatteindre ses objectifs. Au demeurant, lorsquele contexte est évoqué, il s’agit bien souventd’un contexte interne à l’établissement : unchangement d’équipe de direction, un démé-nagement...

Près de la moitié des établissements présententleur activité sans en rappeler les finalités. Lelecteur est donc mal outillé pour apprécier enquoi les accomplissements de l’année sousrevue contribuent à la politique publique danslaquelle l’établissement est supposé s’inscrire.Au demeurant, lorsque les finalités sont évo-quées, elles le sont souvent très brièvement, enun simple paragraphe du « Mot du président »qui introduit le rapport.

Quant aux objectifs de performance, seuleune moitié des rapports rappelle, en termesqualitatifs, les objectifs poursuivis par l’établis-sement. Surtout, aucun rapport n’indique decible chiffrée à l’appui de ces objectifs. Parsuite, le lecteur est incapable d’apprécier dansquelle mesure les résultats obtenus constituentun accomplissement significatif ou non.

L’activité est majoritairement présentée en ter-mes d’outputs, c’est-à-dire de réalisations im-médiates. Autrement dit, la plupart desétablissements sont à un stade intermédiairede maturité managériale : ils ont dépassé lessimples indicateurs de consommation demoyens comme outils de suivi de leur action,

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mais ils n’en sont pas encore venus à une pra-tique de mesure de l’impact obtenu (outco-mes). Au demeurant, deux tiers des rapportsprésentent des données chiffrées à l’appui dela description qualitative des réalisations del’établissement ; un tiers ne donne aucunequantification des résultats de l’activité.

Il est rarissime que les rapports fassent étatd’un écart entre les résultats constatés et les ob-jectifs visés. Seuls trois cas sur trente-six ont étérelevés en ce sens : le Centre français du com-merce extérieur, l’Institut national de jeunessourds de Metz et le Centre international d’étu-des pédagogiques. De même, seuls deux rap-ports évoquent des effets secondaires nondésirés de leur activité : l’Établissement fran-çais des greffes et l’Institut national des jeunessourds de Metz. L’objectif de communicationinstitutionnel attaché aux rapports d’activitél’emporte manifestement sur le souci d’une res-titution objective, à la fois critique et construc-tive, des actions accomplies.

Les rapports ne présentent pas systématique-ment les comptes et/ou résultats financiers dela période écoulée. Sur les trente-six docu-ments examinés, seule la moitié donne des in-dications substantielles à cet égard. Un quart(neuf rapports) ne comporte aucun bilancomptable, budgétaire ou financier. Le dernierquart communique quelques chiffres, mais trèssommaires (total des dépenses et total des re-cettes par exemple, avec une répartition endeux ou trois postes tout au plus) ou parcellai-

res (par exemple, le montant des investisse-ments informatiques ou le montant des recettesliées à telle partie de l’activité).

Enfin seuls six rapports esquissent des perspec-tives pour la période à venir, si vaguessoient-elles.

Tels sont les principaux constats qu’appellel’examen des documents transmis par les éta-blissements publics interrogés au titre de l’en-quête de la délégation interministérielle à laréforme de l’État.

Ils doivent être lus avec le recul nécessaire, sa-chant que :– comme on l’a indiqué en introduction, les pra-tiques observées sont extrêmement variées, cer-taines très proches de l’état de l’artinternationalement reconnu, d’autres très rudi-mentaires ;– les documents analysés s’inscrivent dansune politique plus vaste de communicationet/ou de restitution d’informations des diffé-rents établissements. Certains ont joint à leurenvoi des plaquettes institutionnelles ou descomptes rendus de conseils d’administration,montrant clairement que le rapport d’activité,le plan stratégique ou encore le contrat deplan ne sont pas destinés, dans leur esprit, àêtre considérés indépendamment des autrespièces du puzzle. Cela pose manifestement laquestion de l’agencement des différents outils,au-delà du contenu propre de chacun d’entreeux que l’on a retracé ici. �

Annexes

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Annexe 2 : État de l’art des pratiquesdu pilotage par la performancedes politiques publiques

❚❚❚ Aperçu des meilleures pratiques

La délégation interministérielle à la réforme del’État a conduit en 2001 une enquête auprèsdes établissements publics nationaux et deleurs tutelles. L’objectif poursuivi était non seule-ment de dresser un état des lieux des pratiquesde gestion actuellement en vigueur et de for-muler une « doctrine d’emploi » de la formulede l’établissement public mais aussi de propo-ser, dans le contexte nouveau institué par la loiorganique relative aux lois de finances du 1er

août 2001, les dispositions propres à amélio-rer le pilotage stratégique des politiques publi-ques mises en œuvre par le truchementd’établissements publics nationaux.

En vue de nourrir les propositions formulées àce dernier titre, la délégation interministérielleà la réforme de l’État a souhaité disposer d’unpanorama des meilleures pratiques existant encette matière.

Des recherches à cette fin ont été entreprisesen trois directions 1 :– collecte d’informations sur les expériencesétrangères effectivement en vigueur en matièrede pilotage des agences et/ou autres structu-res administratives autonomes ;– analyse des évaluations critiques et recom-mandations de progrès émises par les corpsd’audit et de contrôle des pays les plus avancésdans la mise en œuvre de ce genre de disposi-tifs (États-Unis, Australie, Nouvelle-Zélande,Royaume-Uni) ;– dépouillement de guides méthodologiqueset ouvrages managériaux de référence traitantdu pilotage stratégique des organisations pu-bliques.

Le panorama qui ressort de ces recherchespeut se résumer ainsi :– Un grand nombre de pays développés sontaujourd’hui engagés, comme la France le fait àprésent, dans une démarche de pilotage par laperformance des politiques publiques. Cer-tains, comme l’Allemagne, en sont encore auxprémisses. D’autres, notamment les pays scan-dinaves et les pays anglo-saxons (Royaume-Uni, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande,États-Unis), s’y sont lancés depuis une dizained’années ou plus, et abordent aujourd’hui uneseconde génération de réformes, tenantcompte de l’expérience accumulée au coursde la décennie 1990.– Implicitement ou explicitement, la méthodo-logie du « tableau de bord prospectif » (balan-ced scorecard), mise au point en 1992 parles professeurs Kaplan et Norton de l’Universi-té de Harvard, s’est imposée comme un cadrede référence commun des démarches entrepri-ses. Développée en vue du pilotage straté-gique des entreprises, elle a rapidement ététransposée à la sphère publique, à laquelleelle s’adapte parfaitement.– L’analyse des réussites et des échecs d’oreset déjà enregistrés débouche sur un ensemblede recommandations pratiques assez large-ment partagées.– En revanche, on manque encore de référen-ces crédibles sur tout un ensemble de sujets, te-nant principalement à l’appropriation desoutils de pilotage stratégique par les différentsacteurs impliqués dans la définition, laconduite et l’évaluation des politiques publi-ques. C’est sur ces points critiques que

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1. La liste des documents analysés figure à la fin de la présente note.

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concentrent à présent leurs efforts les pays lesplus avancés.

En conséquence, la présente note explique lalogique, le processus et les outils de la dé-marche de tableau de bord prospectif, quisont aujourd’hui assez bien stabilisés ; les prin-cipales recommandations pratiques touchant

à la mise en œuvre de cette démarche et les su-jets sur lesquels il n’existe pas encore réellementde modèle avéré, simplement des réflexions etdes expérimentations qui demanderont à êtreadaptées au cas d’espèce du projet entreprispar la délégation interministérielle à la réformede l’État.

❚❚❚ Le tableau de bord prospectif

� La logique de la démarche

L’approche développée par les inventeurs dutableau de bord prospectif s’appuie en pre-mier lieu sur un diagnostic des causes d’échecdes pratiques de pilotage stratégique couram-ment employées jusque-là dans la plupart desorganismes publics ou privés. Ces causes sontprincipalement au nombre de deux :

– La stratégie s’attache à des objectifs qui, aulieu de préparer l’avenir, témoignent seule-ment de la performance passée.

Ce sont, typiquement, des indicateurs de ren-tabilité pour les entreprises privées, ou biendes indicateurs de qualité du service rendupour les organismes publics. De tels objectifset indicateurs sont certes intéressants, mais ilsne disent rien sur la capacité de l’organismeen question à assumer correctement ses mis-sions sur les années qui suivent. La perfor-mance passée ou présente peut très bien avoirété obtenue en optimisant un processus de tra-vail qui arrive en bout de course, sans qu’aitété entrepris l’effort nécessaire pour le moder-niser, voir le repenser de fond en comble.

– La stratégie, aussi brillante et convaincantesoit-elle, n’est en réalité pas mise en œuvre.

Il peut y avoir plusieurs raisons à cela. Mal ex-pliquée aux différents échelons de l’organisa-tion, elle n’a pas été appropriée par les cadreset les agents et, par conséquent, ne guide pasleurs actes et décisions. Ou bien encore, ellene parvient pas à fédérer les initiatives prisespar les divers responsables fonctionnels de l’or-

ganisation (ressources humaines, finances,opérations...), chacun poursuivant des réformesqui, pour utiles qu’elles soient, ne convergentpas vers une vision commune des priorités et del’évolution souhaitable de l’organisation.

En réponse à ces deux causes d’échec desdémarches de pilotage stratégique, le tableaude bord prospectif se veut :– tourné vers l’avenir : il s’intéresse avant toutaux « inducteurs de performance », c’est-à-direaux facteurs dont dépend aujourd’hui la réus-site future de l’organisation ;– facteur de cohésion : il intègre les différentesdimensions de l’activité de l’organisation, de-puis la relation avec les clients ou usagers jus-qu’à la gestion des ressources humaines ;– outil de mobilisation interne : il se décline àtous les niveaux de responsabilité d’une orga-nisation, depuis la formulation des objectifs dedirection générale jusqu’aux objectifs opéra-tionnels des équipes de travail, voire dechaque individu.

Ainsi, contrairement à ce que la traduction fran-çaise communément admise – « tableau debord prospectif » – laisse supposer, la notionde balanced scorecard ne se limite pas à un« tableau de bord », au sens traditionnel duterme, c’est-à-dire un outil de suivi et de con-trôle ; c’est un cadre de référence pour une dé-marche de pilotage qui va de la formulationd’une vision stratégique jusqu’à l’évaluation desrésultats obtenus en passant par la détermina-tion des facteurs clés de succès et des actionsprioritaires.

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� Un cadre de référence pourformuler une vision stratégiqueLa construction d’un tableau de bord prospec-tif commence toujours par une étape préa-lable, consistant à élaborer une « cartestratégique ».

On désigne sous ce nom une analyse logique,menée en général selon quatre perspectiveséquilibrées (d’où le nom de balanced score-card, littéralement « carnet de bord équili-bré »), des objectifs que l’organisme doitpoursuivre pour accomplir sa finalité.

Si l’on reprend les différents éléments de cettedéfinition :

– Il s’agit d’une analyse logique, car elle s’ef-force de mettre en évidence les liens de causeà effet entre tel accomplissement opérationnelet tel impact.

En réalité, s’agissant de politiques publiques,et spécialement lorsqu’elles sont en phase delancement, ces liens sont souvent des hypothè-ses, non des constats empiriquement vérifiés.Ainsi, par exemple, l’hypothèse selon laquelle,en augmentant le ticket modérateur, on rédui-ra la consommation de médicaments ; ou en-core l’hypothèse selon laquelle, en diminuantle nombre d’élèves par classe, on améliorerale taux de réussite des élèves.

– L’analyse est menée selon quatre perspecti-ves équilibrées.

Les quatre dimensions de base, initialementproposées par les inventeurs du tableau debord prospectif pour une application de leurméthode dans les entreprises privées, sont,dans l’ordre : les finances, les clients, les pro-cessus et l’apprentissage organisationnel. Au-trement dit, en suivant une logique inductive

(remontant de l’effet à la cause), la méthodeinvite à se poser les questions suivantes :– Quel objectif de performance financièrel’entreprise vise-t-elle ?– Quel positionnement marketing ou commer-cial lui permettra d’atteindre ces performancesfinancières ?– De quelle manière doit-elle, le cas échéant,repenser ses processus internes pour mettre enplace le positionnement marketing ou commer-cial visé ?– Que doit-elle changer dans son organisa-tion ou ses compétences pour pouvoir mettreen œuvre ces nouveaux processus ?

Lorsque, dans un deuxième temps, le tableaude bord prospectif a été transposé à des orga-nisations publiques, lesquelles, n’ayant pas debut lucratif, ne placent pas la performance fi-nancière au sommet de leurs objectifs, cecadre initial a été revu de deux manières.Premièrement, le principe des dimensionséquilibrées a été considérablement assoupli.Les quatre dimensions de base ont été reformu-lées de manière plus large, à charge pourchaque organisme appliquant la méthode deleur restituer un angle d’attaque affûté en fonc-tion de ses enjeux propres. On retient simple-ment l’idée que la finalité poursuivie doit êtredéclinée en facteurs clés de succès et en ac-tions stratégiques à entreprendre dans lechamp a) du service à l’usager, b) de l’équi-libre financier, c) des processus et modes detravail et d) de la gestion des ressources hu-maines. Au demeurant, une cinquième dimen-sion est parfois ajoutée : celle des« stakeholders », ou parties prenantes, quin’agissent face à l’organisme ni en tantqu’usagers, ni en tant que contribuables, ni entant que membres du personnel, mais simple-ment en tant que citoyens concernés.Deuxièmement, la séquence logique entre lesquatre (ou cinq) dimensions n’est plus néces-sairement dominée par l’objectif financier. Enréalité, pour les organisations publiques, c’estgénéralement l’objectif de service à l’usagerqui prend le pas.

L’analyse établit une séquence d’objectifs su-bordonnés, déclinés en cascade depuis la fi-

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nalité ultime de l’organisme jusqu’auxcomposantes les plus élémentaires des actionsà entreprendre.

La mécanique de progression dans la cartestratégique est toujours la suivante : pour at-teindre telle finalité sur la dimension n, quelobjectif opérationnel dois-je satisfaire sur la di-mension n-1 ? Puis, considérant à présent cetobjectif opérationnel comme une finalité, ilfaut reposer la question de l’objectif opération-nel subordonné qui permettrait de réussir.

À la fin de l’exercice, on obtient une arbores-cence maillée qui décline la finalité de l’orga-nisme en une myriade d’objectifs opérationnelssubordonnés. Si l’on veut la pousser à sonterme, la cascade logique descend jusqu’au ni-veau des actions à accomplir par chaqueagent de l’organisme, qui se trouvent ainsi re-placées dans leur articulation avec, d’unepart, les grandes finalités de politique pu-blique poursuivies par l’organisme, d’autrepart, les actions parallèlement prises encharge par l’ensemble de leurs collègues ausein de l’organisme.

� Un cadre de référencepour élaborer un programme d’action

Compte tenu de ce qui vient d’être dit, la« carte stratégique », d’abord établie selonune logique inductive en remontant des effetsvisés aux causes nécessaires, peut être recons-tituée en sens inverse, sous forme de plan

d’action, selon une logique déductive : listantles actions à entreprendre, les résultats qu’ellessont censées produire et leur enchaînementvers l’objectif final.

C’est à ce point que l’on bascule d’un conceptde « carte stratégique » à un concept de ta-bleau de bord, servant de support au pilotaged’un programme d’action.

La carte stratégique, reconstituée « à l’en-vers » sous forme de programme d’action,peut être traduite en un tableau de bord asso-ciant à chaque action ou projet identifié unresponsable, un échéancier et un objectif deperformance.

Un cadre de référencepour évaluer les résultatsL’ensemble carte stratégique + tableau debord sert enfin de support à une double éva-luation des performances de l’organisme.

Une évaluation de premier niveau mesure lesrésultats obtenus (outputs) et les comparant auxobjectifs visés. Le suivi régulier des indicateursrassemblés dans le tableau de bord, associésaux divers projets, pourvoit à cela.

Une évaluation de second niveau mesure nonles résultats directs de l’activité (outputs) maisles impacts finalement produits (outcomes) etles comparant aux finalités de l’organisme. Siles résultats directs (outputs) sont conformes auxobjectifs opérationnels mais que les impacts fi-naux (outcomes) ne correspondent pas aux fi-nalités poursuivies, alors c’est que leshypothèses de causalité de la carte straté-gique sont erronées : l’organisme a bien fait

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ce qu’il se proposait de faire, mais son actionn’a pas eu l’effet escompté. L’évaluation de se-cond niveau, plus fouillée que le simple suivides indicateurs, permet (si nécessaire) d’identi-

fier les hypothèses stratégiques invalides, deles corriger et de revoir en conséquence lastratégique de l’organisme.

❚❚❚ Quelques recommandations pratiques

� Faire évoluer la cultureautant que la pratique managériale

L’introduction d’une démarche de pilotage parla performance dans les organismes publicssuppose une véritable révolution culturelle, por-tant principalement sur l’encadrement, dont onpeut résumer les termes ainsi :

Les cadres se concevaient jusqu’à présentcomme responsables d’un budget, d’un effec-tif, d’une procédure ; ils doivent désormais sepercevoir comme responsables d’objectifs deperformance.

Ils doivent désormais raisonner et décider àl’aune de la valeur du service rendu à leurs bé-néficiaires, non plus à l’aune des moyens misà leur disposition ou des normes administrati-ves devant être appliquées.

Les résultats obtenus par les services étaientjusque-là considérés comme une fonction qua-si linéaire des moyens disponibles, la qualitéet la quantité du service rendu augmentantproportionnellement aux effectifs et crédits al-loués. Désormais, chacun doit être convaincuque les résultats obtenus sont un multiple nonseulement des moyens disponibles, mais ausside la qualité du management : les choix effec-tués par l’encadrement, sa capacité à mobili-ser les agents sont tout aussi critiques que lesmoyens alloués.

L’amélioration des performances étaitjusque-là vue comme une responsabilité in-combant à la direction de l’organisme, àcharge pour elle de décider d’affecter desmoyens, de revoir les procédures ou l’organi-sation. Désormais, chaque cadre, du haut enbas de la chaîne hiérarchique, doit se sentirconcerné par l’amélioration des performanceset investi d’un rôle moteur à son niveau.

Le management était jusque-là perçu commeune fonction mécanique (relayer des instruc-tions, appliquer des normes), teintée d’hypo-crisie lorsqu’elle touche aux relations humaines(cf. les procédures de notation où tous lesagents se voient attribuer des scores prochesdes sommets, alors même que leurs prestationssont jugées peu satisfaisantes). Désormais, lemanagement, facteur clé de la performance,doit être appréhendé comme un exerciced’imagination, de créativité, d’initiative, d’im-plication partagée.

Il était jusque-là communément admis que lesprestations de service public, par nature sou-vent qualitatives et diffuses, n’étaient pas mesu-rables. Désormais, il doit devenir évident quece que l’on veut améliorer doit être évalué,afin précisément que les progrès soient objecti-vement appréhendés et les efforts accomplispilotés au mieux.

Une révolution culturelle de cette ampleur nes’accomplit pas du jour au lendemain. Ellesuppose du temps, de l’exemplarité (chaqueéchelon hiérarchique ne sera convaincu demodifier son propre comportement que sil’échelon supérieur lui en donne l’exemple) etdes savoir-faire.

� Ménager un processusd’apprentissage et d’appropriation

Les savoir-faire, justement : une démarche depilotage par la performance bâtie selon les rè-gles de l’art exige des compétences tout à faitspécifiques, notamment pour analyser la« chaîne de valeur » du service concerné etpour définir des indicateurs pertinents, aptes àincarner les objectifs poursuivis et à en per-mettre le suivi.

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Ce faisant, les organismes qui se lancent dansune démarche de ce genre hésitent entre deuxapproches :– le recours à un conseil extérieur qui leur per-met de construire, dès le début, un dispositifde pilotage respectant les normes méthodolo-giques généralement reconnues,– la « fabrication-maison » d’un dispositif qui,faute d’expérience et d’expertise, ne sera sansdoute pas méthodologiquement parfait, maissera du moins accepté par la structure carémanant d’elle.

En réalité, ces deux options s’avèrent aussi ris-quées et donc aussi peu recommandablesl’une que l’autre :– la première se heurte généralement à un vifrejet des cadres et agents qui voient arriver del’extérieur un dispositif clé en mains, sans au-cun ancrage dans leurs pratiques antérieures ;– la deuxième aboutit souvent à un systèmequi n’a que l’habillage du pilotage par la per-formance : des documents stratégiques qui nesont en réalité que des catalogues de projetset de tâches à accomplir, des indicateurs deperformance qui ne sont en réalité que des in-dicateurs d’activité...

Les solutions les plus porteuses, pour ménagerà la fois l’appropriation du dispositif par lescadres et agents et un apprentissage métho-dologique débouchant effectivement sur undispositif conforme aux règles de l’art, résidentà mi-chemin entre les deux démarches esquis-sées ci-dessus : ce sont bien les serviceseux-mêmes qui sont les maîtres d’œuvre deleur propre système, mais avec un soutien mé-

thodologique combinant généralement unepart de conseil externe (souvent sous forme deformation-action) et une part de mutualisationdes expériences internes (souvent sous formede clubs ou réseaux de cadres intéressés à lamise en place du système dans diverses entitésde l’organisation).

� Commencer par la performanceplutôt que par les coûts

Tôt ou tard, un dispositif de pilotage par laperformance s’intéresse à l’allocation des res-sources, mettant en regard les dépenses indui-tes et les résultats produits pour choisir entredivers projets contribuant à la stratégie. Celasuppose une mesure et une optimisation descoûts qui sont souvent interprétés par des ca-dres ou des agents non avertis comme un pré-lude à une restriction des moyens qui leur sontaffectés.

Pour éviter d’instaurer dès le départ une pré-vention à l’encontre de la démarche de pilo-tage stratégique fondée sur cette crainte de ladiminution des ressources, il est indispensablede l’acclimater en développant d’abord ceuxde ses volets qui sont perçus comme porteursde progrès : amélioration du service rendu àl’usager, développement des compétences.Ce n’est que dans un deuxième temps,lorsque sera pleinement partagée une philo-sophie de recherche de la performance, quepourront être abordées sans danger les dimen-sions de réingénierie des processus et de ré-duction des coûts.

❚❚❚ Les domaines expérimentaux

Autant les deux paragraphes qui précèdentfont état de « meilleures pratiques » consta-tées, généralement acceptées, autant ce quel’on va lister ici relève, pour l’instant, des zonesd’incertitude de la démarche, sur lesquellesn’existe pas encore réellement de référenceconvaincante.

� L’implication du ParlementLe pilotage par la performance des politiquespubliques suppose soit en amont de la dé-marche, pour l’approbation des objectifs, soiten aval, pour un compte rendu des résultatsobtenus, une implication du Parlement. Sansquoi, elle reste un exercice purement interne à

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l’administration, sans doute pas inutile en ter-mes d’amélioration managériale, mais man-quant complètement son objectif degouvernance.

En réalité, force est de reconnaître qu’aucunpays n’a jusqu’à présent réussi une telle impli-cation.

Compte tenu du nombre et de la complexitédes politiques poursuivies, les documents d’in-formation soumis au Parlement sont trop volu-mineux et trop difficiles d’accès (de par leursexigences méthodologiques) pour une appro-priation effective par les élus. C’est ainsi, parexemple, qu’on voit le Canada travailler àprésent à la conception d’un document de syn-thèse qui permettrait aux parlementaires d’ex-ploiter réellement les rapports sur le plan et lespriorités et les rapports sur le rendement pro-duits par les différents ministères : ceux-ci,quels que soient leur qualité et leur intérêt,constituent aujourd’hui une masse ingérable.

La réalité du travail parlementaire est en outremarquée par un double ancrage, territorial etpartisan, des élus. Aussi, dans bien des pays,lorsque les parlementaires examinent le projetde loi de finances, ils prennent des positionsdictées par la défense des intérêts de leur cir-conscription ou l’accompagnement d’une stra-tégie électorale tout autant que par l’analysedes objectifs et des performances des adminis-trations et des politiques objets du débat. C’estainsi, par exemple, que la mise en œuvre duGovernment Performance and Results Act auxÉtats-Unis n’a pas réellement entamé la pra-tique « clientéliste » (pork barrel) des élus duCongrès. À cet égard, tout reste à faire pourune « pédagogie de l’intérêt général ».

� L’expertise des tutelleset des corps de contrôle

Lorsque les politiques publiques sont conduitespar des établissements publics, la question del’implication du Parlement s’ajoute à celle dupilotage par les tutelles. Même dans l’hypo-thèse – fort rare – où un établissement seraitdans une relation parfaitement univoque avecle Parlement, seul maître d’œuvre d’une poli-

tique précisément définie par le Parlementdans ses finalités et ses moyens, il n’empêcheque la tutelle garderait à son égard un rôle demaîtrise d’ouvrage déléguée.

C’est bien au(x) ministère(s) de tutelle qu’il in-combe de décliner en objectifs stratégiquesles finalités d’une politique publique décidéepar le Parlement, de valider les plans d’actionproposés par les établissements pour accom-plir leurs objectifs et de suivre la réalisation del’ensemble.

À ce stade se pose généralement un problèmesubstantiel d’asymétrie d’information. Les éta-blissements connaissent souvent mieux que latutelle leur situation propre et les problémati-ques de leur champ d’intervention : fauted’une capacité de contre-expertise suffisantede la part des tutelles, ils sont en mesure d’im-poser leur propre vision des objectifs, des stra-tégies, de l’interprétation des résultats obtenus.

La solution à cette difficulté est recherchée parla plupart des États dans deux directions :d’une part la constitution d’un pôle d’expertiseau service des tutelles (General AccountingOffice aux États-Unis, National Audit Office etCabinet Office au Royaume-Uni, Secrétariatdu Conseil du trésor au Canada) ; d’autre partla mise en place de systèmes d’informationplus transparents entre établissements et tutel-les, mettant celles-ci en mesure d’accéder auxdonnées utiles à leur propre analyse.

� La budgétisation à la performanceou budgétisation différentielle(performance budgeting)Une fois définis les objectifs poursuivis et lesstratégies pertinentes pour les atteindre, le pilo-tage par la performance appelle logiquementdes choix d’allocation des ressources. Autre-ment dit :

Sur une même politique, on peut affecter desdotations en moyens plus ou moins importan-tes selon le degré d’ambition que l’on se fixevis-à-vis de l’objectif visé. Pour ce faire en touteconnaissance de cause, il faudrait pouvoir ap-précier l’effet marginal d’un supplément demoyens : si tel niveau de moyens donne tel ni-

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veau de résultats, quelle amélioration des ré-sultats permettrait tel niveau, un peu plus élevé,de moyens ?

Aux fins de répartition des moyens entre plu-sieurs politiques, il faudrait de même pouvoirapprécier quelle contribution à la finalité ul-time, synthétique, de l’ensemble des politiquesun supplément de ressources affecté ici plutôtque là peut apporter.

Aucun État n’a à cet égard de réalisationsconvaincantes à proposer. Il suffit ici de citer leconstat dressé par l’OCDE : « Un certainnombre de pays essaient de relier les dépen-ses aux résultats visés afin d’améliorer la quali-té des décisions budgétaires et d’encouragerl’efficience et l’efficacité. Les problèmes sontinnombrables :– il est rare que l’enregistrement actuel descoûts dans les pays membres permette de re-lier les résultats et les coûts ;– les budgets sont actuellement structurés se-lon les lignes de démarcation institutionnelleset les catégories fonctionnelles plutôt que pargroupes de résultats ;– des activités peuvent contribuer à plus d’unecatégorie de résultats...

Surmonter ces problèmes suppose que l’onrestructure les entités, les processus et les docu-ments budgétaires et comptables par groupesde résultats 1.

� La rémunération à la performance(performance pay)

Pour qu’une démarche de pilotage par la per-formance ait un réel effet sur les organisations,encore faut-il qu’elle soit accompagnée d’unsystème d’incitations. En d’autres termes, sefixer des objectifs n’amène une améliorationeffective des résultats que si des récompensesviennent couronner l’accomplissement des ob-jectifs et des sanctions leur non accomplisse-ment.

Ces récompenses et ces sanctions peuventêtre d’ordre collectif / fonctionnel, matériali-

sées par un surcroît ou au contraire par une di-minution des allocations budgétaires de l’exer-cice suivant : mais on vient de voir la difficultéqu’il y a, dans la configuration actuelle des dé-coupages institutionnels et des systèmes decomptabilité, à relier les allocations budgétai-res aux résultats constatés. Au demeurant, lalogique même de la démarche n’est pas évi-dente : si les objectifs stratégiques sont atteints,faut-il augmenter la dotation budgétaire du ser-vice responsable, en reconnaissance de laperformance accomplie, ou faut-il simplementla maintenir, voire la diminuer, afin de déga-ger des moyens pour d’autres objectifs, en-core en souffrance, éventuellement portés pard’autres services ?

Devant cette impasse, la tentation est forte derechercher un système d’incitation / sanctionindividuel, venant abonder ou non les rémuné-rations des agents en fonction de la perfor-mance constatée par rapport aux objectifsfixés. De fait, des dispositifs de rémunération àla performance existent aujourd’hui dans denombreuses administrations. Ils rencontrent ce-pendant deux limites, eu égard à la questionici posée :

Les performances donnant lieu à un bonus derémunération ne sont pas toujours étroitementreliées aux objectifs stratégiques. Autrementdit, la plupart des États ont encore du mal à ar-ticuler les différents niveaux de pilotage : inter-ministériel (portant sur les finalités ultimes dugouvernement), ministériel (portant sur les ob-jectifs stratégiques dont chaque ministère a lacharge), par entité administrative (portant surles objectifs opérationnels fixés à chaqueservice), individuel (portant sur les objectifs per-sonnels assignés à chaque agent). Idéale-ment, une cascade continue de déclinaisondes finalités ultimes en objectifs de plus en plusfins et pragmatiques devrait exister ; dans lapratique, la chaîne se rompt à un point ou à unautre.

La rémunération à la performance prend à re-vers la culture professionnelle de la plupart des

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1. Bien saisir les performances, OCDE/PUMA, Optique – Bulletin de la gestion publique, no 23, mars 2002.

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agents publics, fondée sur l’adhésion aux va-leurs de service public et sur le respect de lahiérarchie. En d’autres termes, dans la plupartdes fonctions publiques, les agents sont moti-vés non par la perspective d’un bonus de ré-munération, mais par le sentiment de servirleurs concitoyens et le souci d’accomplir aumieux les instructions reçues. Dès lors, de deuxchoses l’une : soit les dispositifs de rémuné-ration à la performance n’ont pas pris, au sensoù ils n’ont pas fondamentalement changé le

comportement des agents, mais ont simple-ment eu le mérite de mieux récompenser ceuxqui, d’ores et déjà, travaillaient mieux qued’autres ; soit ils ont pris, mais au risqued’écorner l’acquis de la culture antérieure dela fonction publique avec des effets perversnon négligeables en termes d’implicationdans le service, de fidélisation des agents,...

❚❚❚ Conclusion

Si l’on met en perspective d’une part les acquiset d’autre part les « reste à acquérir » de la dé-marche de pilotage stratégique, on voit se des-siner un dispositif où les outils et méthodes sontà peu près au point, à l’exception toutefois dece qui touche au concept de budgétisation à laperformance, mais où l’appropriation des outilspar les acteurs, leur motivation à les prendre en

compte, leur capacité à en exploiter les possi-bilités demeure imparfaite.

Il est bien sûr beaucoup plus difficile de formu-ler, sur ce second point, un catalogue de« bonnes pratiques », tant sera prégnant, danschaque cas d’espèce, l’héritage de la culturemanagériale et des valeurs propres à chaqueorganisme. �

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Bibliographie

� Description des expériences étrangèresDistributed Public Governance : Agencies, Authorities and Accountability of Delegated and Devol-ved Bodies, OCDE, 2001.The Governance of the Wider State Sector : Principles for Control and Accountability of Delega-ted and Devolved Bodies, OCDE, 2001.Devolving and Delegating Power to More Autonomous Bodies and Controlling Them : The Gover-nance of Public Agencies and Authorities – Background Note, OCDE, 2001.Mission d’analyse comparative des systèmes de gestion de la performance et de leur articulationavec le budget de l’État, Inspection générale des finances, février 2000.Le nouveau droit budgétaire : Un succès improbable, Commentaire, no 96, hiver 2001-2002.

� Évaluations critiques et recommandations de progrèsReporting Public Sector Performance, Office of the Controller and Auditor General, June 2001[Nouvelle-Zélande].Better Practice Principles for Performance Information, Australian National Audit Office, November1996 [Australie].Choosing the Right FABRIC : A Framework for Performance Information, Cabinet Office, March2001 [Royaume-Uni].Executive Guide : Effectively Implementing the Government Performance and Results Act, GeneralAccounting Office, June 1996 [États-Unis].Agency Performance Plans : Examples of Practices That Can Improve Usefulness to Decisionma-kers, General Accounting Office, February 1999 [États-Unis].Balancing Measures : Best Practices in Performance Management, National Partnership for Rein-venting Government, August 1999 [États-Unis].Bien saisir les performances, OCDE/PUMA, Optique – Bulletin de la gestion publique, no 23,mars 2002.

� Guides méthodologiques, articles et ouvrages managériauxComment utiliser le tableau de bord prospectif, Robert Kaplan & David Norton, Éditions d’organi-sation, 2001.L’amélioration de la gestion publique, Rapport du groupe de travail, Délégation interministérielle àla réforme de l’État, octobre 2000.Contractualisation dans le cadre du contrôle de gestion, guide méthodologique, Délégation inter-ministérielle à la réforme de l’État, septembre 2001.La mise en œuvre du contrôle de gestion dans une organisation publique : réussir l’appropriationpar les acteurs, Gérard Naulleau, Communication présentée au 25e Congrès international desSciences administratives, Athènes, 9-13 juillet 2001.Balanced scorecard versus French tableau de bord : beyond dispute, a cultural and ideologicalperspective, Annick Bourguignon, Véronique Malleret & Hanne Norreklit, Working Paper, mars2001.French tableau de bord versus American balanced scorecard : misery and glory of metaphors,Dominique Bessire, Communication présentée à The Sixth Interdisciplinary Perspectives onAccounting Conference, University of Manchester, 9-12 juillet 2000.

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Index des sigles

Ademe Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie

Afssa Agence française de sécurité sanitaire et des aliments

Afssaps Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé

AFTRP Agence foncière et technique de la région parisienne

Andra Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs

ANPE Agence nationale pour l’emploi

Anvar Agence nationale de valorisation de la recherche

Assedic Association pour l’emploi dans l’industrie et le commerce

BRGM Bureau des recherches géologiques et minières

CEA Commissariat à l’énergie atomique

Cemagref Centre national du machinisme agricole, du génie rural,des eaux et des forêts

CFCE Centre français du commerce extérieur

Cirad Centre de coopération internationale en recherche agronomiquepour le développement

Cnaf Caisse nationale d’allocations familiales

CNAMTS Caisse nationale de l’assurance maladie

Cnasea Centre national pour l’aménagement des structuresdes exploitations agricoles

Cnav Caisse nationale d’assurance vieillesse

CNDP Centre national de documentation pédagogique

CNE Comité national d’évaluation

CRPF Centre régional de la propriété forestière

DGAFP Direction générale de l’administration et de la fonction publique

Drass Direction (directeur) régionale des affaires sanitaires et sociales

DIRE Délégation interministérielle à la réforme de l’État

Engref École nationale du génie rural, des eaux et forêts

EPA Établissement public administratif

Epic Établissement public industriel et commercial

EPN Établissement public national

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EPST Établissement public scientifique et technique

GE Groupement d’intérêt économique

GIP Groupement d’intérêt public

GRH Gestion des ressources humaines

Ifremer Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer

Igas Inspection (inspecteur) général(e) des affaires sociales

IGN Institut géographique national

Inra Institut national de la recherche agronomique

Inrets Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité

LOLF Loi organique relative aux lois de finances

OCDE Organisation de coopération et de développement économiques

Odeadom Office de développement de l’économie agricoledes départements d’Outre-mer

ONF Office national des forêts

Onippam Office national interprofessionnel des plantes à parfum aromatiqueset médicinales

Onisep Office national d’information sur les enseignements et les professions

OPECST Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiqueset technologiques

RNSP Réseau national de santé publique

TBP Tableau de bord prospectif

TIC Technologies de l’information et de la communication

Ugap Union des groupements d’achats publics

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