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Les tendances démographiques et migratoires dans les régions ultrapériphériques : quel impact sur leur cohésion économique, sociale et territoriale ? RESUME EXECUTIF LA GUADELOUPE Claude-Valentin MARIE et Jean-Louis RALLU Ce document a été commandé par la Commission Européenne, Direction Générale des Politiques Régionales Publication : Unité de la Coordination des Régions Ultrapériphériques (FR) Réserves : « Les opinions exprimées dans ce document sont la seule responsabilité des auteurs et ne représentent pas les positions officielles de la Commission Européenne (CE). La reproduction et la traduction à but non commercial sont autorisées, sous la condition que la source soit mentionné et que l’éditeur (CE OIB) en ait été averti et en ait reçu un exemplaire à l’avance.

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Les tendances démographiques et migratoires dans les régions ultrapériphériques : quel impact sur leur cohésion économique, sociale et territoriale ?

RESUME EXECUTIF LA GUADELOUPE

Claude-Valentin MARIE et Jean-Louis RALLU

Ce document a été commandé par la Commission Européenne, Direction Générale des Politiques

Régionales

Publication : Unité de la Coordination des Régions Ultrapériphériques (FR)

Réserves : « Les opinions exprimées dans ce document sont la seule responsabilité des auteurs et

ne représentent pas les positions officielles de la Commission Européenne (CE).

La reproduction et la traduction à but non commercial sont autorisées, sous la condition que la source soit mentionné et que l’éditeur (CE OIB) en ait été averti et en ait reçu un exemplaire à l’avance.

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PRINCIPAUX INDICATEURS SOCIODEMOGRAPHIQUES

Note de lecture : Pour chacun des indicateurs étudiés, la Guadeloupe est représentée par le

« losange rouge » qui situe sa position, à la fois, par rapport la moyenne des DOM (trait pointillé),

par rapport à la situation de chacun des trois autres départements (losange blanc) et enfin, par

rapport la moyenne nationale (losange bleu).

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1.- ANALYSE DE LA SITUATION

Au 1er janvier 2008, la Guadeloupe comptait 402 000 habitants. En neuf ans la population

de l’île n’a cru que 3,9%, taux le plus faible de tous les DOM sur cette période1. Selon les

projections de l’INSEE, en 2030 la région devrait compter 410 000 habitants, soit là encore,

l’une des croissances les plus faibles des régions françaises, qui pourrait être suivie d’une

décroissance de sa population à partir de 2030.

Diminution de la natalité et progression de la mortalité

En Guadeloupe, le taux brut de natalité a chuté d’environ 4 points, passant de 19,4‰ à

15,1‰ entre 1990 et 2007. L’écart avec la métropole qui était de six points en début de

période s’est réduit à deux, et à ce rythme, l’île se calquera bientôt sur l’Hexagone, à

l’instar de la Martinique. Sur la même période, la fécondité est passée de 2,5 enfants2 par

femme à 2,2, contre 2,0 en moyenne nationale en 2007. A cette date, le taux brut de

mortalité était lui en deçà du niveau métropolitain (6,6‰ contre 8,4‰) du fait, non de

conditions sanitaires plus favorables, mais d’une structure par âges plus jeune. Ces

évolutions de la natalité et de la mortalité ralentissent l’accroissement naturel qui demeure,

toutefois, deux fois supérieur à celui de la France métropolitaine en 2007.

1 Contre 4,3% pour la Martinique, 14,4% à La Réunion et surtout 39,5% en Guyane.

2 Niveau nettement supérieure au seuil de renouvellement des générations (2,1)

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Un déficit migratoire

Chaque année, la Guadeloupe voit partir de nombreux natifs, en majorité des hommes,

plutôt jeunes (15-34 ans) dont les départs ne sont compensés ni par le retour de migrants

plus âgés, ni par l’arrivée de métropolitains ou de personnes nées à l’étranger. De 1999 à

2006, l’île a enregistré 20 000 départs de jeunes de cet âge, les uns pour suivre des études

en métropole, les autres y pour occuper ou y rechercher un emploi.

Au-delà de 35 ans, le solde redevient positif pour les natifs, signe d’un retour dans le

département après les études et/ou une carrière professionnelle, mais avec des effectifs

nettement plus faibles, seulement 4 000 personnes sur la période. Pour les personnes nées

à l’étranger, l’excédent de 4 950 personnes sur la même période concerne pour près des

trois quarts des jeunes adultes3 et il s’agit en majorité de femmes (59%). Les motifs

d’admission des étrangers sont pour moitié le regroupement familial et pour 22% l’emploi.

En Guadeloupe, la part des personnes nées à l’étranger est moitié moindre qu’en

métropole4.

Une structure de population vieillissante

Le fait majeur de la démographie de la Guadeloupe est le vieillissement accéléré de sa

population qui voit se réduire la part des moins de 20 ans et s’accroître celle des plus de

60 ans. Les premiers formaient 30% de la population guadeloupéenne en 2007, contre

32% en 1990. A l’inverse, les 60 ans et plus représentaient 17% de la population en 2007,

contre 14% en 1990, rapprochant la région du niveau métropolitain5. Ce vieillissement,

accentué par les départs nombreux de jeunes natifs, se traduit par une progression du

rapport de dépendance des plus âgés sur les personnes en âge de travailler : avec 19% en

2007 contre 16% en 1999 et 12% en 1990, ce ratio se rapproche rapidement de la

moyenne métropolitaine (25%). Le phénomène est encore plus net en Martinique, le

rapport de dépendance atteignant déjà 21%.

3 29% entre 18 et 24 ans, et 46% entre 25 et 34 ans.

4 Avec 5,1% de la population contre 11,1% en 2007.

5 Les parts de ces groupes d’âges étaient respectivement de 25% et 21% en métropole en 2007.

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Les Guadeloupéens en Métropole

Plus de 40% des 25-29 ans natifs de Guadeloupe vivent en métropole. Entre 20 et 55 ans,

le ratio ne tombe jamais en dessous de 35%. En forte augmentation dans les années 1960 à

1980, cette émigration s’est ensuite ralentie, puis stabilisée dans le courant des années

1990. Au tournant des années 2000, elle enregistre une nette reprise (+ 9%), portant à plus

de 115 000 le nombre de natifs installés dans l’Hexagone en 2007. Conséquence de cette

dynamique, la pyramide des âges de la population de la Guadeloupe présente un creux

assez marqué entre 20 et 30 ans, reflétant l’importance des départs. Ce creux se résorbe

aux âges plus élevés avec les retours de migrants et l’arrivée de métropolitains.

EDUCATION

Une qualification faible, mais en progression

L’illettrisme en Guadeloupe atteint des taux relativement élevés (15% des jeunes de 16-24

ans et 17% des 25-29 ans), supérieurs à ceux de la Martinique (12% pour ces deux

groupes d’âge).

Par ailleurs et en dépit des réels progrès enregistrés ces dernières années, la part des non

diplômés s’élève encore en Guadeloupe à plus de 40% de la population non-scolarisée (15

ans ou plus), soit deux fois plus qu’en moyenne nationale (20%). Entre 1999 et 2007, cette

part a pourtant reculé de 6 points, pendant que celle des titulaires de CAP-BEP augmentait

de plus de 1 point, et celle des bacheliers et diplômés de l’université de plus de 4 points.

La part des détenteurs du Baccalauréat est aujourd’hui très proche de la moyenne

nationale. Mais les effectifs de diplômés du supérieur croissent moins vite sur l’île6.

6 Ils ont augmenté de 4 points en huit ans, contre de 5 points en métropole.

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Ce sont avant tout les femmes qui tirent ces résultats vers le haut. En 2008, 71% des

jeunes guadeloupéens, hommes et femmes confondus, ont accédé au niveau Baccalauréat

(niveau IV), contre 64,5% en France. L’avantage était toutefois plus net encore pour les

femmes, avec 80% contre 62% pour les hommes. La part de femmes obtenant le

Baccalauréat est la même en Guadeloupe qu’en métropole. Pour les diplômés du

supérieur, elles maintiennent leur avance sur les hommes : en 2007, on en comptait 27,2%

chez les femmes de 30-34 ans, contre 18,9% pour les hommes du même âge.

De fortes inégalités selon le lieu de naissance

Les progrès évoqués ne doivent pas masquer les fortes inégalités selon le lieu de

naissance. Parmi les natifs la part de non-diplômés atteint 56% et elle dépasse les 70%,

parmi les personnes nées à l’étranger, contre 40% en moyenne départementale. A

contrario, 40% des natifs de métropole résidant en Guadeloupe sont diplômés du

supérieur ; si on leur ajoute ceux qui ont atteint le niveau Baccalauréat, on rassemble près

des deux tiers des natifs de métropole installés sur l’île. Seuls 25% des natifs de

Guadeloupe vivant dans le département ont atteint ces niveaux.

Cette sélectivité de la migration métropolitaine vers les DOM est encore plus nette pour les

jeunes de 30-34 ans résidant en Guadeloupe : près de la moitié sont diplômés du supérieur,

soit un taux supérieur à la moyenne hexagonale (42%). Aux mêmes âges, la proportion

n’est que de 20% chez les Guadeloupéens, et seulement 9% chez les individus nés à

l’étranger.

A l’inverse, alors que le taux d’échec scolaire en Guadeloupe atteint 17% (contre 9% en

métropole), il s’établit à 50% pour les natifs des pays-tiers (hors UE).

Une émigration de diplômés du supérieur vers la métropole

Si le niveau général de formation de la population guadeloupéenne progresse à un rythme

plus élevé qu’en métropole pour les niveaux CAP-BEP et Baccalauréat, il n’en va pas de

même pour les diplômés du supérieur. Une des explications tient au fait qu’un très grand

nombre des jeunes souhaitant poursuivre leurs études à l’université choisissent ou se

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voient contraints de quitter la Guadeloupe pour la France métropolitaine, sans pour autant

y revenir à la fin de leurs études.

L’université des Antilles-Guyane ne voit pas ses effectifs se réduire pour autant. En 2009,

elle comptait 12 613 inscrits (44,2% en Guadeloupe), soit 5,7% de plus par rapport à

l’année précédente. Toutefois, 80% correspondaient à des inscriptions au niveau Licence

qui, en France, ne rassemblent que 59% des inscrits. La faible part d’étudiants inscrits en

Master ou Doctorat en Guadeloupe s’explique en partie par le nombre restreint de

spécialités proposées localement, obligeant les étudiants à migrer en métropole.

La situation de la Guadeloupe se caractérise aussi par un important « brain drain » vers la

métropole. En 2007, près de 60% des Guadeloupéens de 20-24 ans diplômés du supérieur

vivaient en métropole, alors que la proportion n’est que de 20 % des peu ou pas diplômés.

Le même phénomène s’observe chez les plus âgés : 40% des 40-45 ans diplômés du

supérieur sont installés en France métropolitaine.

EMPLOI

Depuis le début des années 1990, le rythme annuel des créations d’emplois a toujours été

positif en Guadeloupe. Les effets de la crise économique de la fin des années 2000 se sont

néanmoins faits sentir, d’abord par une baisse des créations, suivie en 2009 d’un recul de

l’emploi de 1,7%, puis d’une légère remontée de 0,9% en 2010. Cependant, le chômage a

augmenté de 1,5% en 2009 et de 10% en 2010.

Avec 55% en 2010, le taux d’emploi des 20-64 ans en Guadeloupe est très inférieur aux

moyennes nationale et communautaire (69%) ; il varie selon le sexe, de 60% pour les

hommes à 51% pour les femmes.

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Un fort taux de chômage, surtout pour les femmes et les jeunes

Malgré une croissance de l’emploi un peu plus soutenue qu’en métropole, surtout dans la

construction et les services marchands, le chômage n’a pas diminué en Guadeloupe. En

2009, il s’établissait à 23,8%, taux le plus élevé des DOM après La Réunion (27,3%),

contre 9,4% en métropole. Si on inclut les inactifs souhaitant travailler, le taux grimpe à

29%, contre 11% en métropole.

Si les femmes guadeloupéennes sont plus touchées (26%) que les hommes (21,5%), ce

sont surtout les jeunes qui en souffrent : plus d’un sur deux est sans emploi en Guadeloupe

contre un sur quatre en métropole. La proportion de jeunes de 20-24 ans « inoccupés » (ni

étudiant, ni en emploi) atteint 45%, soit plus du double de la moyenne nationale (20%). Ce

sont les étrangers qui pâtissent le plus de cette situation. A 15-24 ans, ils sont 47% dans

ce cas contre 25% pour les natifs.

De plus, lorsqu’ils sont occupés, ils ont souvent des emplois précaires, un tiers d’entre eux

ne disposant que d’un contrat à durée déterminée. Les Guadeloupéens pâtissent souvent

d’une forte précarité de leurs conditions d’emploi : en 2009, 28% des moins de 30 ans et

une part équivalente des femmes travaillaient à temps partiel. Pour plus des deux tiers de

ces femmes, ce temps partiel était une contrainte et non un choix.

Le faible emploi en Guadeloupe se traduit par un fort niveau de « dépendance effective »,

avec 2,2 personnes dépendantes pour 1 en emploi, un taux très au-dessus de la moyenne

nationale (1,4).

Emplois par secteurs

En Guadeloupe, comme en Martinique, le marché de l’emploi est tiré par le secteur des

services qui rassemble plus de 80% des salariés. La construction, qui a connu une forte

évolution de ses effectifs entre 2005 et 2007 (+20%), rassemble aujourd’hui 7,2 % des

salariés de l’île, juste avant l’industrie (6,9%). L’agriculture, elle, ne fournit plus que 2%

de l’emploi salarié (moins de 2% dans les autres DOM) après une baisse de 9% de ses

effectifs en 2005-2007.

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Dans le secteur des services, comme en métropole, l’emploi est principalement alimenté

par le tertiaire marchand, mais de manière plus spécifique à la Guadeloupe et aux DOM en

général, par l’emploi public. La région compte 30 agents de la fonction publique pour 100

salariés, contre 20 en moyenne nationale. En réalité, cette différence tient moins à une

hypertrophie du secteur public qu’à la faiblesse de l’emploi privé. En effet, rapporté à la

population de l’île, la Guadeloupe dispose de 9 agents publics pour 100 habitants, contre 8

pour 100 habitants en moyenne métropolitaine. Contrairement aux idées reçues, les

niveaux demeurent donc relativement proches.

Précarité et exclusion

Outre un chômage plus élevé qu’en métropole, la Guadeloupe se caractérise par des durées

très longues de recherche d’emploi. Alors que la durée moyenne du chômage est de 12

mois en métropole pour les actifs de plus de 30 ans, elle atteint près de 50 mois dans l’île.

La part des chômeurs de longue durée est donc tout naturellement plus importante en

Guadeloupe – de même qu’en Martinique et en Guyane - qu’en métropole7. Seule La

Réunion se situe légèrement en deçà avec, tout de même, plus de 60% de chômeurs de

longue durée.

Signe de l’augmentation du nombre de ces exclus de l’emploi, les allocataires des

minimas sociaux sont en progression constante. Ils étaient 56 422 en 2009, soit 24% de la

population de plus de 15 ans. Ce taux, le plus fort de tous les DOM, est cinq fois supérieur

à celui de la métropole. Dans ces minimas, on compte une part importante d’allocataires

du RMI (15,9%) et du RSO (6,9 %). Le minimum vieillesse tient également une place

importante. Il concerne, chez les plus de 65 ans, près de deux Guadeloupéens sur cinq. Les

bénéficiaires de l’allocation parent isolé (API) ont, eux, progressé de 60% en sept ans,

passant de 3 897 femmes de 15 à 49 ans, à plus de 6 000 en 2009, soit un taux

d’allocataires de 6 %, contre 1% en métropole. Ces chiffres se répercutent sur le niveau de

revenu médian du département, base de calcul du seuil de pauvreté. En 2006, ce seuil

s’établissait à 6 806 euros (contre 10 560 en métropole), et 17,8% de la population se

situaient en dessous, en nette augmentation par rapport à 2001 (13,5%). Soulignons, à titre

7 Soit 81% contre 35% en métropole, 79,5% en Martinique et 75% en Guyane.

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de comparaison, que ce taux est resté stable en France métropolitaine ces dernières années,

aux environs de 13%.

Les effets de la migration sur l’emploi

Face à cette situation, l’émigration vers la métropole peut apparaître comme une solution

pour de nombreux jeunes guadeloupéens en quête d’emploi, ou à la recherche d’une

qualification supérieure. Mais les effets de cette migration sont quasi inexistants pour les

natifs diplômés du supérieur : leurs taux d’emploi sont similaires, qu’ils résident dans le

département ou en métropole. Il en est de même pour les emplois occupés, les

Guadeloupéens qualifiés en métropole n’y sont pas plus souvent cadres que dans leur

DOM.

Pour les « peu ou pas diplômés », dont le taux de chômage en Guadeloupe atteint 27%, le

bénéfice est apparemment plus net : les hommes installés en métropole affichent des taux

d’emploi supérieurs à la moyenne métropolitaine, et l’écart est encore plus net pour les

femmes. Mais plus que les effets d’un accès systématiquement plus favorable à l’emploi,

ce résultat traduit l’effet d’une forte sélection. En effet, ne s’installent durablement en

métropole que ceux qui ont réussi à se faire embaucher, les autres font le choix d’un retour

au pays, quitte à être au chômage.

Sur l’île, l’arrivée des métropolitains ne crée pas de réelle concurrence pour les diplômés

du supérieur. Toutefois, à diplôme égal, les premiers paraissent accéder plus facilement à

des fonctions de cadre : 50% des hommes nés en métropole occupent un poste de ce

niveau, contre moins de 35% des natifs de la région. Il en va un peu différemment pour les

« peu ou pas diplômés » : cette fois les métropolitains s’insèrent beaucoup mieux sur le

marché de l’emploi local que les natifs de même niveau. C’est donc pour cette population

des « peu ou pas diplômés », la plus fragile face à l’emploi, que la concurrence semble la

plus rude sur l’île entre natifs et immigrants.

ECONOMIE

Le PIB SPA de la Guadeloupe (17 200 euros en 2008) s’est légèrement rapproché de la

moyenne européenne depuis 1995, comblant 17% de son retard en 13 ans. Il demeure,

cependant, 30% inférieur à la moyenne communautaire. La croissance du PIB de la

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Guadeloupe (31% entre 2000 et 2008) est pour l’essentiel due à la croissance de la

productivité (l’emploi n’ayant cru que de 3,8%), bien que cette productivité soit encore de

17% inférieure à la moyenne nationale8.

La Guadeloupe a principalement développé une économie de services (84% de la valeur

ajoutée) qui réserve une maigre place à la construction (9%), l’industrie (4%) et

l’agriculture (4%). La région affiche une balance commerciale très déficitaire (taux de

couverture de 8%) et 55% de ses exportations consistent en produits agroalimentaires,

avec l’UE pour client à 46% et les autres DOM à 41%. Le développement des échanges

avec les pays de la Caraïbe, qui ne reçoivent que 2% des exportations guadeloupéennes,

constitue à cet égard une vraie exigence.

MENAGES – LOGEMENT

Comme en Martinique, et dans la Caraïbe en général, la monoparentalité est élevée en

Guadeloupe. Elle concerne 46% des familles ayant des enfants. Neuf fois sur dix ces

familles sont dirigées par des femmes, dont les deux tiers sont sans emploi. Dans

l’ensemble des familles avec enfant(s), 36% ne comptent aucun adulte en emploi9. Outre

ses effets sur les politiques d’aide sociale, cette situation est un facteur important de

précarité ; elle s’accompagne souvent d’une éducation minimale des enfants, avec pour

risque une précarisation continue des prochaines générations d’actifs.

Ne couvrant que 16,2 % du parc de logements, le secteur public (HLM) ne peut accueillir

tous les ayant droits, pourtant nombreux du fait de l’importance du chômage et qui

rencontrent de grandes difficulté pour trouver un logement adapté à un prix abordable. Les

8 L’écart était de 23% en 2000-2001.

9 Parmi les couples avec enfants, 21% n’ont aucun adulte en emploi

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logements ces dernières années, bâtis pour bon nombre en vue de tirer profit des avantages

fiscaux, sont peu adaptés à ce type de familles : ils sont trop petits et trop chers. En

conséquence, la part des logements surpeuplés atteint encore 15% en Guadeloupe, et l’on

recense, par ailleurs, 15% de logements ne disposant pas d’une commodité de base

(électricité, eau à l’intérieur ou évacuation des eaux usées).

SANTE

Alors que l’espérance de vie en Guadeloupe avait rejoint la moyenne nationale au début

des années 2000, l’écart s’est de nouveau creusé depuis 2005 ; parallèlement les mortalités

infantile et maternelle se maintiennent à des niveaux très élevés, respectivement 2 fois et 5

fois plus qu’en France.

Parmi les causes de mortalité, la Guadeloupe se caractérise par l’importance des décès liés

aux maladies endocriniennes et métaboliques (dont le diabète lié à la consommation de

sucre, sa teneur étant plus élevée dans les sodas importés et plus encore dans ceux produits

localement). Si la région semble mieux lotie que la France métropolitaine pour la mortalité

par tumeurs, elle connait en revanche une mortalité par maladies des appareils circulatoire

et génito-urinaire beaucoup plus élevée. Les maladies infectieuses et les causes externes

(accidents) y sont aussi un peu plus fréquentes. Chez les hommes, la mortalité due aux

troubles mentaux liés à la consommation d’alcool y est aussi moitié plus fréquente qu’en

France.

Le faible niveau d’éducation, l’éloignement du travail et la précarité participent

pleinement des causes sociales de la mortalité en Guadeloupe. On décide d’aller chez le

médecin lorsque la maladie est déjà bien avancée, faute de connaissances ou de moyens. Il

apparaît impératif de renforcer la prévention, notamment en développant l’information sur

les maladies de mode de vie et sur les dangers que représentent certaines prises de risques.

L’insuffisance des services de santé joue aussi un rôle important : les taux de médecins

généralistes, et plus encore de spécialistes, par habitant sont inférieurs à la moyenne

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nationale, de respectivement 10% et 33%. L’accès aux centres de santé reste difficile pour

certaines communes éloignées.

Le VIH/Sida est lui trois fois plus fréquent en Guadeloupe qu’en France, principalement

parce que les données incluent St Martin où la prévalence est élevée, notamment chez les

populations étrangères.

ENVIRONNEMENT

Comme la plupart des milieux insulaires tropicaux, la Guadeloupe possède une riche

biodiversité terrestre et marine, mais elle est aussi sujette aux catastrophes naturelles,

cyclones, tremblements de terre et éruptions volcaniques. Elle connaît des problèmes de

distribution et de qualité de l’eau potable, mais aussi de collecte et traitement des eaux

usées (20% des ménages ne sont pas raccordés à l’égout ou à une fosse septique) et des

déchets (74% sont mis en décharges et seulement 3% étaient recyclés en 2005).

L’utilisation dans les années 1970-1993 d’un dangereux pesticide, le chlordécone, a

contaminé les sols et les eaux, incluant les eaux côtières.

En Guadeloupe, 14,7% de la production d’électricité sont assurés par des sources

renouvelables (géothermie, solaire, hydraulique et éolien), mais cela reste insuffisant et

l’île importe l’intégralité de ses hydrocarbures.

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2. IMPACT DES TENDANCES DEMOGRAPHIQUES ET MIGRATOIRES

La Guadeloupe va connaître un vieillissement de sa population plus rapide que la France.

Avant 2020, les personnes âgées de 65 ans et plus seront plus nombreuses que les moins

de 15 ans. A cette date, l’indice de vieillissement devrait atteindre 109% et continuer de

progresser ensuite. Le taux de dépendance totale (jeunes et personnes âgées) de 55%

actuellement dépassera alors la moyenne nationale et approchera 70% en 2025.

La population de l’île va croitre très légèrement jusqu’en 2025, passant de 404 000 à

410 000 habitants, puis elle se stabilisera, marquant la fin de la transition démographique,

elle-même hâtée par l’émigration des jeunes.

Impact sur l’éducation

La forte décroissance de la part des jeunes entrainera une diminution des effectifs

scolarisables. Dans le primaire, la baisse devrait être de 17% d’ici 2020 puis encore de 6%

entre 2020 et 2030 ; dans le secondaire, les baisses seraient respectivement de 12% puis

10% sur les mêmes périodes.

Mais cette réduction des effectifs ne doit pas masquer le besoin crucial d’un enseignement

plus efficace et de meilleure qualité pour enfin réduire l’illettrisme et l’échec scolaire.

D’autant que s’y ajoutent les effets des redoublements qui accroissent les charges

d’éducatives des niveaux inférieurs, en y maintenant des élèves ayant dépassé l’âge

normal. A l’évidence, l’effort et l’investissement en matière d’éducation devront être

maintenus voire accrus dans les prochaines années.

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L’objectif EU2020 en matière d’éducation (40% de diplômés du supérieur en 2020) sera

difficile à atteindre en Guadeloupe, même en tenant compte de l’immigration

métropolitaine et communautaire, car les départs de natifs qualifiés vers la métropole (où

vivent près de 60% des jeunes guadeloupéens diplômés du supérieur) vont sans doute se

poursuivre.

Impacts sur l’emploi et la dépendance effective

Dans l’hypothèse de taux d’activité constants, la population active devrait décroitre de 6%

en 2020 et de 13 % en 2030 (par rapport à 2010). Dans le domaine de l’emploi, l’objectif

UE2020 de 75% des 20-64 ans en emploi en 2020 semble lui aussi irréaliste. Même la

moyenne européenne actuelle (69%) apparaît impossible à atteindre à cette date. Le niveau

de créations d’emplois des années fastes d’avant la crise (environ 2 000 par an) n’y

suffirait pas. On peut toutefois espérer y parvenir à l’horizon 2030, en étalant sur 20 ans

les créations d’emploi et en profitant de la baisse de la population d’âge actif. Cette

possibilité repose sur une double hypothèse : que les créations d’emplois retrouvent leur

niveau d’avant la crise et que la réduction du nombre des adultes actifs ne ralentisse pas la

croissance économique.

Un des enjeux sera de maintenir le « taux de dépendance effective » à un niveau

soutenable, en dépit du vieillissement démographique. Si les taux d’emploi restent à leur

niveau d’avant la crise, la « dépendance effective » devrait passer de 224 % en 2010 à 293

% en 2030, soit près de 3 personnes dépendantes pour 1 en emploi. Si le taux d’emploi

atteint en 2030 la moyenne communautaire actuelle, ce taux de dépendance reculerait

alors à 181%.

Santé, une croissance très rapide du nombre et de la proportion de personnes âgées

Dans le même temps, le nombre de personnes âgées de 75 ans et plus, comme celui des 85

ans et plus, vont plus que doubler. Ces évolutions devraient s’accompagner d’une forte

croissance des dépenses de santé qui se concentrent majoritairement sur ces classes

d’âges. De plus, pour simplement atteindre le niveau actuel de la France métropolitaine, il

serait nécessaire d’accroitre le nombre de médecins (+ 1,7 % par an), de spécialistes (+ 4,3

%) et de lits d’hôpitaux (+ 1,1% par an). L’importance de ces besoins, qui ne tient pas

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compte du vieillissement futur, plaide pour un développement rapide de la télémédecine10

et exige de nouvelles approches de la prise en charge de la dépendance aux grands âges.

Le vieillissement et la quasi stabilisation de la population s’accompagneront quelques

temps encore d’une progression du nombre de ménages, de l’ordre de 9 % d’ici 2020 et

encore de 5 % entre 2020 et 2030, mais d’une légère diminution de leur taille de 2,5 à 2,2

personnes par ménage. Cette croissance du nombre de ménages devrait se répercuter sur la

demande d’énergie et d’eau mais aussi la production de déchets. La consommation

d’énergie reste difficile à prévoir, notamment sa répartition entre carburants et électricité.

L’orientation du parc automobile vers les véhicules hybrides pourrait être une voie pour la

réduction de la consommation en carburant, mais en l’état on ne dispose d’aucune base

fiable pour établir une prévision. Quoiqu’il en soit, une part accrue de production locale

d’électricité à partir de sources renouvelables est certainement plus avantageuse que

l’importation des hydrocarbures.

10

Notamment pour les spécialités médicales déficitaires

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3. RISQUES ET OPPORTUNITES

Comme l’ont montré les deux sections précédentes, la Guadeloupe est au plan

démographique – autant qu’au plan socio-économique - très proche de la Martinique, avec

peut-être une contrainte d’espace disponible moins forte. En conséquence, l’analyse des

risques, l’inventaire des opportunités, autant que les recommandations qui peuvent être

énoncées pour chacune de ces deux régions apparaissent très proches. Elles ne pourraient

réellement se distinguer que par le choix des champs d’action prioritaires par les décideurs

politiques. Mais ce point dépasse le cadre d’une étude démographique et

socioéconomique. Peut-on tout au plus souligner que cette proximité pourrait (devrait !)

être mise à profit pour renforcer l’intégration régionale en développant des partenariats sur

des projets économiques et sociaux d’intérêt commun, en combinant leurs investissements

et en augmentant les économies d’échelle.

La Guadeloupe sera, après la Corse et la Martinique, la région française qui connaitra le

vieillissement démographique le plus rapide au cours des deux prochaines décennies, et

donc la fin de l’avantage d’une structure de population plus jeune que celle de la

métropole.

La population d’âge scolaire va continuer de décroitre, de même que la population active

(dès 2015), pendant que s’accélérera l’augmentation, en nombre et en proportion, des

personnes âgées. La migration étrangère - bien que plus importante qu’en Martinique - ne

suffira pas à compenser les départs de natifs, d’autant qu’il s’agit principalement d’une

immigration régionale peu qualifiée.

Ces mutations démographiques s’inscrivent dans un contexte de retard socio-économique

par rapport au continent, retard particulièrement conséquent en ce qui concerne le niveau

de qualification de la population active. Même si l’accès et les résultats au baccalauréat

rejoignent progressivement les moyennes nationales, l’illettrisme et l’échec scolaire

demeurent importants, et les objectifs UE2020 pour l’éducation et l’emploi semblent

impossibles à atteindre.

Pourtant, l’amélioration du niveau de qualification est la condition préalable pour,

augmenter les taux d’emploi face à une demande de travail de plus en plus sélective, au

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risque sinon d’atteindre des niveaux si élevés de « dépendance effective » qu’ils

deviendraient insupportables pour les ménages comme pour la collectivité. (cf. ci-dessus).

Cette situation impose que soit, d’une part, poursuivi et même accru dans les prochaines

années l’effort de cohésion en matière d’éducation-formation susceptibles de renforcer

l’offre de travail dans les domaines en manque de personnels qualifiés, et, d’autre part,

maintenues les aides à l’emploi en recherchant toutefois de meilleurs ajustements pour une

plus grande efficacité.

Dans le domaine de la santé, l’augmentation des maladies cardiovasculaires et des

diabètes laisse craindre une forte progression des besoins de financement, alors que le

retard déjà important des services de santé (y compris à l’hôpital public) risque de

s’accroitre en raison de la rapidité du vieillissement de la population et de l’augmentation

de la dépendance.

Au plan de l’habitat et de l’environnement, l’amélioration du logement, le renforcement

de l’efficacité énergétique, les progrès dans le mix-énergétique au profit des sources

d’énergie renouvelables, la préservation de l’environnement (avec un effort particulier sur

la gestion des déchets et des décharges et la réparation des dégâts causés par le

chlordécone) sont autant de chantiers incontournables pour tenir les objectifs UE2020 en

matière d’environnement et d’énergie. La construction de foyers de jeunes travailleurs et

de structures d’accueil pour personnes âgées, qui font cruellement défaut, devrait aussi

s’inscrire dans ce cadre.

Ces sujets, sur lesquels pèse fortement l’évolution démographique, sont autant de défis

que la Guadeloupe devra relever, en examinant toutes les opportunités de réorientation des

dépenses d’investissement. Sur ce point les arbitrages peuvent se révéler délicats.

Ainsi, les économies associées à la baisse du poids des jeunes, notamment dans le

domaine de l’éducation, ne pourront pas être intégralement transférables vers les plus

âgés. La réduction de l’illettrisme et de l’échec scolaire devra demeurer une priorité et à ce

titre un effort important devra être entrepris pour améliorer la qualité de l’enseignement et

de la formation professionnelle des jeunes peu diplômés. Leur ouvrir l’accès à l’emploi en

Guadeloupe ou en mobilité hors du département, impose d’augmenter leur qualification et

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de renforcer leur employabilité, dans le cadre d’une requalification de ces services et avec

l’effort financier que cela suppose.

Il en va de même dans le domaine de la santé. Les économies associées à la chute de la

natalité et à la réduction du nombre d’enfants ne seront pas non plus totalement

transférables vers les populations vieillissantes, les mortalités infantile et maternelle

demeurant plus importantes qu’au niveau national et l’hôpital nécessitant particulièrement

des améliorations. En parallèle, le coût de certaines pathologies des adultes devrait

continuer de croître, laissant peu de marge de transferts au profit des dépenses

d’accompagnement du vieillissement. Toutefois, la progression rapide du nombre de

personnes âgées devrait permettre des économies d’échelle dans ce champ d’activité

nouveau et en expansion.

Répondre à ces défis impose en priorité d’accroître les potentialités d’activité et d’emploi,

afin de réduire la charge de la « dépendance » sur les actifs ayant un emploi. A cet égard,

les évolutions évoquées constituent, pour certaines, de nouvelles opportunités en ce

qu’elles sont aussi potentiellement créatrices d’emplois. Les uns relèvent du domaine

social, pour accompagner la dépendance avec une professionnalisation paramédicale « a

minima », dont le coût devra rester accessible aux ménages qui verront se restreindre

l’apport des solidarités familiales. Dans une autre voie, à plus forte valeur ajoutée et

nécessitant un plus fort niveau de qualification, le développement de la télémédecine et la

prévention des maladies de mode de vie représentent un réel potentiel d’emplois. Il en va

de même, dans le secteur de l’éducation, publique ou privée, des besoins de formation des

jeunes faiblement diplômés

L’accroissement du nombre des ménages, l’augmentation et l’évolution de leurs besoins

(souci accru de bien-être des plus jeunes et évolution des modes de vie des personnes

âgées) ouvrent aussi des perspectives dans les domaines novateurs de l’amélioration de

l’habitat et du cadre de vie, et de la recherche d’une plus grande efficacité énergétique au

niveau domestique. Le développement des transports publics – pratiquement inexistants-

sur le modèle de ce qui existe à la Réunion, pourrait aussi améliorer les conditions de

déplacement en réduisant la circulation automobile individuelle.

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L’exigence d’un recul de la dépendance de la région à l’égard de l’énergie fossile importée

ouvre - dans le champ des énergies renouvelables et de leur développement - des pistes qui

doivent prendre appui sur les progrès technologiques en cours. Plus avantagée pour la

géothermie que la Martinique, la Guadeloupe devrait tout de même profiter des recherches

de l’île sœur en matière de production d’électricité à partir des différences de températures

des océans. Pour l’une et l’autre de ces régions, il conviendrait d’encourager les activités

R&D visant à l’adaptation aux réalités des milieux tropicaux de la production et de la

distribution efficaces des énergies renouvelables.

Cette orientation aurait pour autre intérêt majeur d’ouvrir de nouvelles perspectives aux

universités locales, de renforcer leur poids, leur attractivité et leurs contributions, en

partenariat avec des centres de recherche du continent ou des pays environnants. Sur ce

modèle, l’exploitation et l’utilisation des ressources de sa biodiversité terrestre et marine

peuvent placer la Guadeloupe en situation de pôle d’excellence. Par ailleurs, les nouveaux

métiers de l’environnement offrent des potentialités non encore investiguées d’emplois et

de recherche pour coller aux réalités des régions tropicales.

La taille des équipes de recherche et les coûts en investissement que suppose le

développement de ces nouveaux secteurs, imposent l’établissement de nouveaux

partenariats avec le continent (centres de recherche français et européens ou américains)

placés cette fois sur des segments d’activité à forte valeur ajoutée, susceptibles d’engager

la Guadeloupe et la Martinique dans la voie d’une plus grande autonomie économique et,

par suite, de réduire leur dépendance à l’égard de la métropole.

Les déclinaisons et applications locales de ces recherches pourraient être conduites en

partenariat avec l’Europe et trouver des débouchés à l’exportation vers les autres DOM et

les pays de la région. Dans le domaine de l’environnement, de tels partenariats existent

déjà pour le recyclage et le traitement des déchets. Les enjeux liés à la formation pour

l’emploi et à l’éducation pour la santé pourraient suivre la même voie d’un partenariat

avec la métropole et l’Europe, et ouvrir par la suite des débouchés vers les îles de la

Caraïbe. Ainsi, de nouvelles approches doivent être développées et de nouvelles voies

expérimentées notamment dans les domaines de l’éducation, de la santé, de l’énergie et de

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l’environnement, et elles pourront se faire dans le cadre d’une plus grande intégration

régionale.

Cet accent porté au développement des nouvelles technologies constituerait, en outre, un

puissant facteur d’attraction pour les natifs installés en dehors du département

(principalement en métropole), notamment les plus qualifiés qui, jusque-là, n’y trouvent

pas les débouchés en adéquation avec leur niveau de qualification. Ces retours auraient

pour autres effets bénéfiques de limiter la baisse de la population active, de réduire les

taux de dépendance et d’accroitre la qualification de la main d’œuvre locale, en

bénéficiant pleinement des niveaux de diplôme et de l’expérience professionnelle des

natifs vivant en métropole ou dans l’UE.

Trois des ambitions majeures pour l’avenir de la Guadeloupe se trouvent ici rassemblées :

augmentation et valorisation du capital humain, développement économique endogène à

partir d’activités à forte valeur ajoutée, coopération régionale et internationale.