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3 Les études islamiques N° 13, Juin 2008 Directeur - responsable de la publication : Dr. Bouamrane Chikh / Président du H.C.I. Directeur de la rédaction : M. Boudjenoun Messaoud. Assistante du Directeur : M me Ould Ali Rahima. Secrétaire de rédaction : M elle . Bouheddi Zohra Correspondant : M. Zohaïr Méziane Comité scientifique : Dr. Boutefnouchet Mustapha (Université d’Alger). Dr. Belamine Seif-el-Islâm (Université d’Alger). Pr. Gaïd Tahar (Ecrivain et ancien Ambassadeur). Dr. Ihaddaden Zahir (Université d’Alger). Dr. Smati Mahfoud (Université d’Alger). Pr. Zerhouni Tahar(Ancien directeur central au Ministère de l’éducation). Adresse de la rédaction HCI- 6, avenue du 11 décembre 1960 El-Biar 16030- Alger . Tél: 021.91.54.10/12/13 Fax : 021.91.54.36 E-mail : [email protected] Revue académique semestrielle éditée par le Haut Conseil Islamique-Alger

Les études islamiques N° 13, Juin 2008hci-dz.com/srt/uploads/2019/04/revue-13.pdf · Les articles qui parviennent à la revue ne sont pas rendus à leurs auteurs, quils soient publiés

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Les études islamiques N° 13, Juin 2008

Directeur - responsable de la publication :

Dr. Bouamrane Chikh / Président du H.C.I.

Directeur de la rédaction : M. Boudjenoun Messaoud.

Assistante du Directeur : Mme Ould Ali Rahima.

Secrétaire de rédaction : Melle. Bouheddi Zohra

Correspondant : M. Zohaïr Méziane

Comité scientifique :

Dr. Boutefnouchet Mustapha (Université d’Alger).

Dr. Belamine Seif-el-Islâm (Université d’Alger).

Pr. Gaïd Tahar (Ecrivain et ancien Ambassadeur).

Dr. Ihaddaden Zahir (Université d’Alger).

Dr. Smati Mahfoud (Université d’Alger).

Pr. Zerhouni Tahar(Ancien directeur central au Ministère de

l’éducation).

Adresse de la rédaction

HCI- 6, avenue du 11 décembre 1960 – El-Biar –16030- Alger .

Tél: 021.91.54.10/12/13 Fax : 021.91.54.36

E-mail : [email protected]

Revue académique semestrielle éditée par le Haut Conseil

Islamique-Alger

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Les études islamiques

Revue académique bimestrielle publiée par le Haut Conseil

Islamique (H.C.I) Alger.

Cette revue est une tribune libre. Tout ce qu’elle publie

n’exprime pas nécessairement ses opinions ; tout chercheur

est responsable de ses idées. La possibilité des discussions et

des répliques est ouverte à tous.

Les articles qui parviennent à la revue ne sont pas rendus

à leurs auteurs, qu’ils soient publiés ou non.

Il est souhaitable que l’article reste dans les limites

suivantes : 10 pages au minimum et 15 pages au maximum.

Il est demandé aux auteurs de se conformer à la méthode

scientifique, à l’objectivité et aux règles de publication en

vigueur.

Les articles reçus par la revue sont soumis à l’étude du

Conseil scientifique, habilité à recommander leur publication ou

leur ajournement.

Correspondance avec la rédaction : 06, Boulevard du 11

décembre 1960, El-Biar , 16030- Alger

B.P. 70 Bis El-Biar.

Tél. : 021.91.54.09 (Ligne directe).

Site Internet : www.hci.dz

Courrier électronique (e-Mail): [email protected]

Dépôt légal 1884-2002

ISSN 1112 4083

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Tableau de transcription.

Dans un souci d’uniformiser et d’harmoniser les textes

et articles de la revue Les Etudes islamiques, les Professeurs,

écrivains et journalistes collaborant à cette revue académique,

sont priés de respecter ce tableau de transcription en se

conformant à ses recommandations.

1. Eviter de laisser des espaces entre les mots.

2. Respecter le sens des paragraphes et éviter de revenir

à chaque fois à la ligne.

3. Eviter de laisser du blanc au bas des pages, sans

raison.

4. Faire très attention aux fautes d’orthographe, autant

que faire se peut.

5. Mettre les citations en italique et entre guillemets

avec la source et la référence. Mettre aussi les titres

des ouvrages et les noms de journaux en italique.

6. Traduire toujours Allah par Dieu.

7. Ecrire toujours l’Islâm avec un accent circonflexe sur

le a.

8. Ecrire toujours le début d’un mot d’origine arabe

avec « Al ». exemple : Al-Fâris, Al-Chams, Al-

Rahmâne.

9. Eviter de mettre des majuscules sans raison et

respecter les noms propres.

10. Les points de suspension doivent se limiter à trois

points (c-à-d) …

11. Les points cardinaux (Est, Ouest, Nord et Sud)

doivent s’écrire en majuscules.

12. Dans les références, s’il y a une seule page à citer, il

faut écrire un seul p ; s’il y en a plus, il faut écrire pp.

13. dans la citation des références coraniques, il faut

respecter cette manière d’écrire : exemple Coran (s.2,

v.256).

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Sommaire Editorial………………………………………………………….……....7

Sourate Al-Rahmân, « la mariée » du Coran - 31 interpellations….………...….8

Pr. Smaïl Boudechiche

La place du soûfisme dans l’Islâm……………………………………....14

M. Messaoud Boudjenoun

L’Islâm et la civilisation de l’Occident………………………….………21

Dr. Bouamrane Chikh

Le Coran est-il applicable au siècle de la technologie ?...........................24

Pr. Tahar Gaïd

Colloque mars 2008 :

La jeunesse entre authenticité et actualité………………………………45

Dr. Bouamrane Chikh

La jeunesse entre l’authenticité et le monde actuel……………………..51

Pr. Christian Valantin

Grandes figures :

Al-Maqdissi : l’homme et l’œuvre………………………………………55

Pr. Chérif Kassâr

Hommage à Nasreddine (Etienne) Dinet……………………………….58

M. Messaoud Boudjenoun

Choix de textes à méditer :

Le portrait du Prophète (qsssl)…..………….…………………………...62

Activités du H.C.I………………...………………………...…………..67

Réplique à un pamphlet de A. Benchabane, journaliste à Montréal,

Canada……………………………………………………………...……67

Entretien du Président du HCI avec le quotidien El Watan……………..69

Entretien du Président du Haut Conseil Islamique avec Horizons

quotidien d’Alger………………………………………………………..73

Réplique sereine à A.Benchabane…………………………………….…76

Mise au point au quotidien Le Soir d’Algérie………………………..….78

Réponses aux questions du Jour d’Algérie…………………………..….79

Communiqué du Haut Conseil Islamique ………………………………82

Compte-rendu de la visite d’une délégation française composée de hauts

fonctionnaires du ministère de l’intérieur et des affaires étrangères……83

Recommandations du colloque international sur la jeunesse entre

l’authenticité et le monde actuel……………………………………...…85

Visite de Mr Christian Delorme, prêtre à Lyon…………………...….…88

Allocution du Président du H.C.I, prononcée lors de l’enterrement du

savant et homme de lettres, le Cheikh Mohammed Sâlah Ramadân (1913-

2008) le 23/07/2008………..……………………………………………89

Mise au point au quotidien d’Echo d’Oran………...………………...…91

Liberté de culte ou transgression de la souveraineté nationale ?.……….92

Compte-rendu………………………………………..….………...…….94

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Editorial

Le treizième numéro de la revue Les Etudes Islamiques que

nous présentons à nos lecteurs contient une série d’articles sur la

pensée de l’Islâm dans sa riche diversité. Dans la rubrique « Etudes

coraniques », nous continuons l’études des repères coraniques qui

traite de la sourate Al-Rrahmân,( le Miséricordieux).

L’article suivant parle de la place du soûfisme dans l’Islâm,

en montrant que les principes et les bases élaborés par les maîtres de

cette grande voie spirituelle sont puisés dans le Coran et la Sunna du

Prophète (qsssl) sans emprunts à d’autres voies et expériences

spirituelles comme le soutiennent à tort certains orientalistes.

Un troisième article traite de la position des savants musulmans

face à la civilisation de l’Occident. L’auteur distingue trois grands

courants : le courant traditionnel qui rejette tout emprunt à cette

civilisation, le courant scientiste qui veut se fondre dans cette civilisation

et le courant de civilisation qui veut emprunter à l’une ce qu’elle a de

meilleur, tout en gardant notre authenticité et notre originalité. Dans

cette optique, un autre article traite de la possibilité de mettre en lumière

les rapports du Coran avec le siècle de la technologie, en insistant sur la

particularité de l’Islâm à embrasser tous les problèmes de la vie

spirituelle et profane.

Comme le Haut Conseil Islamique a organisé cette année

son colloque international sur le thème de la jeunesse entre

l’authenticité et le monde actuel, nous présentons aux lecteurs

deux communications à ce sujet, l’une du Président du H.C.I et

l’autre due à un universitaire français sur le thème de la jeunesse.

Par ailleurs, la personnalité dont nous présentons la biographie

dans la rubrique « Grandes figures » dans ce numéro est celle du

savant Al-Maqdisi, qui traite de l’homme et de son œuvre.

Dans la revue, les lecteurs pourront lire également un

hommage au peintre musulman Nasreddine Dinet, tandis que la

rubrique habituelle « Choix de textes à méditer » est consacrée à

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certains passages du livre de cet auteur extrait de son livre « La

vie de Prophète de Dieu » et d’autres textes et informations

ayant trait aux activités du H.C.I.

Le Comité de la revue.

Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux

Dans la série « Repères coraniques »

La Sourâte Al-Rahmân Ou « la mariée » du Coran

31 interpellations

Pr. Smaïl BOUDECHICHE*

Introduction

Dans la grande série des repères coraniques, nous avons le plaisir

de présenter une autre sourâte, à l'architecture particulière admirable.

Elle est qualifiée, selon un hadîth reproduit dans les commentaires,

de « mariée » du Coran. Une mise en forme de sa structure, orientée

autour de trente et une interpellations, révèle quelques-uns de ses

aspects merveilleux qui contribuent à sa compréhension, à son

apprentissage, à son rappel et à sa communication.

L'apprentissage de cette sourâte a de tout temps posé

problème à ceux qui veulent l'apprendre par cœur, en raison des

répétitions qu'elle renferme. On rapporte des anecdotes sur les

« taleb » (maîtres coraniques) les plus entreprenants qui usent de

ruses et de procédés divers pour pouvoir l'apprendre et lutter

contre son oubli. Le procédé le plus répandu est celui de former

des lettres avec les initiales de chaque répétition, ce qui permet au

« taleb » d'avoir un guidage et des repères lors de sa lecture et de

son rappel. Malgré tout, les « taleb » et les croyants réussissent, à

force de rappel, à aplanir ces difficultés.

* Auteur de la série « Repères coraniques ».

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Ainsi approchée, elle rend sa traduction plus aisée et plus

claire. Là où on voyait difficulté et problèmes, elle devient source de

clairvoyance et de simplicité. Cela facilite l'accès à la compréhension

et fait reculer l'oubli dans des proportions importantes. Qu'on en juge.

Les méthodes modernes de classification et d'analyse permettent

de résoudre le problème à la base, comme le montre cet essai structurel.

Toutes les traductions présentent le texte coranique en débutant par

les numéros de versets, ce qui donne l'impression qu'il s'agit d'un

livre canonique difficile, sinon impossible à pénétrer. La mise en forme

du texte coranique, en montrant sa structure et les repères proposés,

donne une autre approche révélatrice de ce que comporte le texte divin.

L'analyse de la sourâte fait ressortir le schéma suivant :

1. Une introduction de quatre versets indiquant la source de

la révélation divine, provenant d'Al-Rahmân, c'est-à-dire du

Miséricordieux qui se définit à travers trois caractéristiques propres

à Dieu.

2. Le corps de la sourâte avec ses 31 interpellations se

répartit ainsi :

- 1è partie évoquant les choses d'Ici-bas, en donnant

des preuves et des défis de Dieu : 11 interpellations.

- 2é partie évoquant des signes sur l'Au-delà : 20

interpellations.

3. Une conclusion comprenant une louange.

On a ainsi :

1- l'introduction avec les trois définitions du Miséricordieux :

l'enseignement du Coran, la création de l'homme et le raisonnement.

2- « Le Miséricordieux » (01)

3- « Il a enseigné le Coran (02),

Il a créé l’homme (03)

et Lui a appris le raisonnement » (04).

Dans la première partie, il y a onze interpellations concernant

les preuves et défis de Dieu. Les preuves sur l'existence et le pouvoir

divin comportent cinq interpellations. Elles portent successivement

sur l’interpellation n°1.

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On y trouve des signes d'ordre cosmologique au nombre

de huit cités par deux : le soleil et la lune, les herbes et les

arbres, le ciel et la balance, la terre et les plantes :

- « Le soleil et la lune gravitent d’après un calcul (05).

- « Les herbes et les arbres se prosternent (06).

- « Le ciel, Il l’a élevé et Il a établi la balance (07).

- « Alors ne soyez pas injustes, dans la balance (08).

- « Soyez équitables lors de la pesée et ne faussez point la

balance (09).

- « La terre, Il l’a placée pour les créatures (10).

- « Il y a des fruits, des palmiers chargés de panicules (11).

- « Des grains dans leurs balles et des plantes aromatiques

(12).

- Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? » (13).

L’interpellation n°2 porte sur la création de l'homme et

des djinns :

- « Il a créé l’homme d’une argile semblable à la poterie (14).

- « Et Il a créé les démons d’un feu sans fumée (15).

- « Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (16).

L’interpellation n°3 porte sur deux Orients et deux Occidents :

- « Il est le Seigneur des deux Orients et des deux Occidents (17).

- « Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (18).

Les interpellation n°s4,5 et 6 portent successivement sur les

deux mers, douce et salée, les perles et le corail et enfin les

vaisseaux sur mer qui sont également des signes de Dieu et

non le fait du hasard.

- « Il a donné libre cours aux deux mers pour se rencontrer (19).

- Il y a toutefois entre elles un isthme, de sorte qu’aucune ne

puisse l’emporter sur l’autre (20).

- Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? » (21).

- « Il est extrait (de ces deux mers), des perles et du corail (22).

- Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? » (23).

- « A lui appartiennent les vaisseaux qui voguent sur la mer

comme des minarets (24).

- Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous?» (25).

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Les interpellations 7, 8, 9,10 et 11 représentent cinq défis de Dieu

aux deux charges sur terre : l'homme et le djinn : tout a une fin, sauf

Dieu ; toute créature a besoin de Dieu, aucune créature n'échappera au

rendez-vous fixé par Dieu ; la science pour aller dans l'espace est limite

infranchissable. On a :

- « Tout ce qui est sur terre est voué au néant (26).

- Seul subsistera le visage de ton Seigneur plein de majesté et

de noblesse (27).

- Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (28).

- Quiconque est dans les cieux et sur la terre Lui adresse des

demandes. Chaque jour, il est dans une nouvelle situation

(29).

- Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (30).

- Nous aurons à nous consacrer à vous, ô vous les deux charges

sur terre (31).

- Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (32).

-O peuple des démons et des humains ! Traversez si vous

pouvez les espaces célestes et terrestres. Mais vous ne pouvez

le faire qu’avec un pouvoir (émanant de Dieu) (33).

- Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (34).

- Il sera lancé contre vous un jet de feu et de fumée et vous ne

saurez vous secourir (35).

- Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (36).

Dans la deuxième partie, on trouve les interpellations sur

l'Au-delà.

Elle sont au nombre de 20, réparties comme suit :

- deux pour la description du Jour Dernier

- deux pour le sort des mécréants

- seize pour le sort de celui qui craint Dieu, sous forme

d'une symétrie de deux paradis (huit interpellations), suivis

de deux autres (également huit interpellations). Dites Dieu est

Grand à la lecture de cette parabole !

On remarque :

A- Les interpellations douze et treize comportent deux

signes sur le Jour dernier :

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- « Lorsque le ciel se fendra en devenant comme une rose à la

couleur huilée (37).

- « Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (38).

- « Ce jour-là, ni les humains, ni les démons ne seront

interrogés sur leurs péchés (39).

- « Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (40).

B- Les interpellations quatorze et quinze décrivent ce

qui attend les mécréants :

- « Les criminels seront reconnus à leurs traits distinctifs. Ils

seront alors saisis par les toupets et les pieds (41).

- « Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (42).

- « (Il leur sera dit) : «Voici la géhenne que les criminels

niaient » (43).

- Ils circuleront entre elle et une eau chaude à la limite de

l’ébullition (44).

- Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (45).

C- Les seize interpellations restantes comportent quatre

jardins pour celui qui craint Dieu (de seize à trente et une).

D'aucuns peuvent penser que seize interpellations sont

trop étendues pour être retenues, notamment pour les

mémoires faibles. La mise de sa forme résout ce problème

définitivement, du fait qu'elles se présentent dans une

parabole symétrique de deux parties contenant chacune huit

interpellations. La première décrit deux paradis pour celui qui

craint Dieu avec huit interpellations. La deuxième renferme

également deux autres paradis avec huit interpellations avec

des descriptions différentes. On note :

1 – les deux premiers paradis : interpellations de seize à vingt deux.

Elles décrivent successivement les privilèges de ces deux paradis :

deux paradis, couleur multicolore, deux fleuves, de chaque fruit, un

couple, des fauteuils, des houris (versets 20-21-22). Voici les huit

interpellations sur les deux premiers paradis :

- « Celui qui aura craint la grandeur de Dieu aura deux

jardins (46).

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- « Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (47),

- « (Jardins) aux multiples ramures (48).

- « Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (49).

- « Deux sources y couleront (50).

- « Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (51).

- « Il y aura de chaque fruit deux espèces (52).

- « Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (53).

- (Les bienheureux) y reposeront sur des tapis doublés de

brocart, les fruits (des jardins) à leur portée (54).

- « Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (55).

- « Là, il y aura des houris aux regards chastes que ni

humain, ni démon n’auront touchées avant eux (56).

- « Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (57),

- « On pourrait les croire semblables à l’hyacinthe et au corail (58).

- « Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (59).

- « La récompense du bien est-elle autre chose que le bien (60).

- « Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (61).

2 – les deux jardins en plus comportent des interpellations de

vingt trois à trente et une.

Elles décrivent successivement les privilèges de ces

deux autres jardins en plus, avec beaucoup de similitudes

avec les deux premiers : deux jardins, de couleur verte, deux

jets d’eau, des fruits, des houris (trois interpellations) et des

fauteuils. Voici les huit dernières interpellations :

- « En deçà, il y aura deux autres jardins (62).

- « Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (63).

- « Ils (les jardins) sont d’une couleur verdâtre (64).

- « Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (65).

- « Il y aura deux sources jaillissantes (66).

- « Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (67).

-« Il y a aura des fruits, des palmiers-dattiers et des grenadiers

(68).

- « Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (69).

- « Il y aura des (femmes) vertueuses et belles (70).

- « Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (71).

- « Ce sont des houris cloîtrées en des tentes (72).

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- « Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (73).

- Aucun humain, ni démon ne les auront auparavant touchées

(74).

- « Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (75).

- « Ils (Les bienheureux) seront accoudés à des coussins verts

sur des tapis épais d’une merveilleuse beauté (76).

- « Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (77).

5- La conclusion porte sur la glorification de Dieu.

- « Béni soit le nom de ton Seigneur plein de majesté et de

noblesse (78).

Y a-t-il à redire sur cette architecture, autrement que glorifier

Al-Rahmân pour ce présent aux croyants en particulier et aux

autres en général qui veulent admirer la beauté du texte coranique.

Cette sourate mérite bien son titre de « mariée du Coran ». Dieu

soit loué.

La place du soufisme dans l’Islâm

M. Messaoud Boudjenoun

Le soufisme en tant que pratique spirituelle et en tant que

comportement (souloûk) a toujours été lié intimement à l’histoire

de l’Islâm. Il est un moyen d’intériorisation de l’Islâm et une

marche sur les pas du Prophète (qsssl). En effet, pour les plus

grands maîtres de la Voie, le premier soufi en tant que tel fut le

Prophète Mohammad (qsssl), puisque toute sa vie fut une quête

permanente de Dieu et un cheminement vers Lui. Que ce soit

avant la Révélation ou après, sa vie de méditation dans la grotte de

Hirâ, sa quête de recherche de Dieu, de renoncement aux plaisirs

de ce monde, d’amour de Dieu, de certitude quant à Sa présence et

à Sa proximité de lui, de confiance absolue en Lui, font de lui le

maître et le guide pour tous ceux qui veulent emprunter la voie de

la quête de Dieu. Il est l’exemple et l’archétype de l’homme parfait

que tous ceux qui sont en quête de Dieu doivent prendre comme

modèle.

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Un grand nombre de ses compagnons furent d’authentiques

soufis, à l’image d’Abû Dharr, Alî Ibn Abî Tâleb, Salmâne Al-

Fârisî, Abû Addardâ, Abdallah Ibn Sallâm, Bilâl Ibn Rabbâh,

Moss’ab Ibn Omayr, Abdellah Ibn Massoûd et autres. Il en est de

même du célèbre ascète du Yemen Ouways Al-Qarnî qui avait cru

au Prophète (qsssl), sans le voir et dont celui-ci avait vanté les

mérites comme il est rapporté dans un hadîth authentique cité dans

le Sahîh de Mouslim. Cet homme avait atteint le degré de sainteté

(wilâya) par sa propre quête et son contact spirituel à distance avec

le Prophète (qsssl) dont on rapporte qu’il disait : « Le souffle du

Miséricordieux m’arrive du Yemen ». C’est pourquoi on appelle

« ouwaysi » tous ceux - très rares il est vrai - qui entreprennent la

quête de Dieu, sans l’assistance d’un maître spirituel.

Dans le Coran, beaucoup de versets incitent à la vie

spirituelle et à la recherche de l’au-delà. Les maîtres soufis

qui ont écrit sur les principes du soufisme ont toujours puisé

dans le Coran les versets justifiant et confortant les états

(ahwâl) et les stations (maqamât) de la voie soufie1.

Nous rejoignons ainsi la définition du soufisme par l’illustre

maître de la Voie, Aboû Al-Qâsim Al-Jounayd qui disait que « le

soufisme est un état spirituel (hâl) et non une parole (qawl) ». En

effet, même si le mot « soufisme » n’était pas usité à l’époque des

compagnons du Prophète, il n’empêche que cette pratique spirituelle

était la caractéristique propre de ces hommes illustres et cela se

reflétait sur tous leurs actes quotidiens.

Le grand historien Ibn Khaldoûn a écrit à ce sujet : « Le

soufisme est une doctrine née au sein de la théologie qui a récemment

pris corps dans l’Islâm. C’est un système de morale spirituelle que les

premiers musulmans, les Compagnons du Prophète (qsssl), leurs

disciples et les générations des hommes pieux qui les ont suivis ont

1. Pour plus de précisions, voir à ce sujet les ouvrages des grands maîtres

soufis qui ont écrit sur ces états spirituels et ces étapes, comme Al-

Qouchayri, Al-Ansâri Al-Haraoui, Al-Kalabâdhi, Ahmad Zarroûk…

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toujours considéré comme une voie conduisant à la Vérité et à Sa Loi

infaillible »1.

De leur côté, les grands maîtres de la Voie nous ont

laissé des propos qui montrent l’authenticité de cette méthode

d’intériorisation de la foi et la place privilégiée qu’elle

occupe dans l’Islâm.

Celui qui est considéré comme le maître du groupe

(Sayyid Al-tâïfa) Aboû-al-Qâsim Al-Jounayd a dit : « Le

soufisme, c’est la pureté du comportement envers Dieu ». Il a

dit aussi : « Le soufisme, c’est que tu sois avec Dieu sans

intermédiaire ».

Pour sa part, l’illustre maître Al-Mouhâsibi dans son Kitâb Al-

Wasâya, note que, dans son désir d’agir purement pour Dieu, en

imitant le Prophète (qsssl), il s’était montré extrêmement peiné du

manque de guides spirituels et troublé du désaccord de la

communauté. Alors, dit-il, je m’exhortais à m’enquérir de ce que je

n’arrivais pas à trouver par moi-même auprès de gens en qui j’avais

remarqué des signes de piété, d’abstinence et d’observance

scrupuleuse, donnant à l’autre vie la préférence sur celle-ci.

De son côté, le célèbre Aboû Hâmid Al-Ghazâlî a écrit dans

son livre Al-mounqidh mina Al-dhalâl : « La méthode des soufis est

fondée sur le savoir et la pratique tout à la fois. L’essentiel de leur

savoir consiste à surmonter les obstacles de la nature humaine, à

vaincre ses bassesses et ses vices afin de vider le cœur de toute

chose autre que Dieu et de le parer de la présence constante de

Dieu. Après être entré dans leur voie, je devins persuadé que les

soufis vivent par la pratique ce que d’autres vivent par la parole ».

Une autre définition du soufisme nous est donnée par le

grand maître Ahmad Zarroûk qui écrit dans son livre Les

bases du soufisme : « Le soufisme est une science visant à

1. Ibn Khaldoûn, in Al-Mouqaddima.

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corriger les cœurs et à les attacher exclusivement à Dieu, au

même titre que la jurisprudence a pour but de corriger les

actes, maintenir l’ordre et mettre en évidence la raison d’être

des lois »1.

Les pieux anciens (al-salaf alsâlih) qui suivirent cette voie

s’illustrèrent par leur dévotion et leur ascétisme. Certains d’entre

eux marquèrent leur époque par leur spiritualité qui fit d’eux de

véritables maîtres et guides spirituels, à l’image d’Al-Hasan Al-

Basri, Mâlik Ibn Dinâr, Soufiân Al-Thawrî, Rabî’a Al-‘Adawiyya,

Ibrahîm Ibn Al-Adham, Foudhayl Ibn ‘Ayyâdh, Ma’roûf Al-

Karkhî, Bichr Ibn Al-Hârith Al-Hâfi, Al-Jounayd et de nombreux

autres dont les biographies sont citées par Ibn Al-Jawzi dans son

livre Sifât Alsafwâ2.

Ce sont ces dévots-là qui donnent à la religion sa ferveur, sa

vigueur et son véritable sens, chaque fois que les hommes tombent

dans le littéralisme des textes et délaissent l’esprit et le noyau de la

religion pour son écorce3. Tout au long des siècles qui jalonnent

l’histoire de l’Islâm, on voit des hommes de cette envergure

apparaître au moment où on observe un relâchement de la morale

ou un attrait excessif pour les plaisirs éphémères de ce bas monde.

Ces hommes viennent rétablir l’équilibre entre la recherche somme

toute nécessaire des biens terrestres et la quête de l’au-delà, entre

les nourritures terrestres et les nourritures spirituelles, afin que

l’être adamique n’oublie pas le rôle pour lequel il est créé : être le

vicaire de Dieu sur terre.

Chaque siècle vit apparaître certains de ces illustres hommes qui

se distinguèrent par leur grande aura spirituelle, leurs connaissances

ésotériques et exotériques (bâtin et dhâhir), leur sagesse et leur dévotion.

1. Cf. Qawâ’id Al-tasawwoûf du cheikh Zarroûk, p.6. 2. Sifât Al-safwa ou la description de l’élite est un ouvrage célèbre de

l’écrivain Ibn Al-Jawzi. L’auteur de cet article est en train de le traduire

en français. 3. Comme l’avait fait l’illustre Aboû Hâmid Al-Ghazâlî en son temps, en

écrivant son célèbre Ihyâ, revivification des sciences de la religion.

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Ces grands hommes marquèrent profondément la conscience de leurs

contemporains qui virent en eux des saints et des réformateurs de la

religion comme l’indique un célèbre hadith1. En effet, malgré les siècles

et les vicissitudes de l’histoire, les noms d’Aboû Hâmid Al-Ghazâlî,

Abdalqâdir Al-Jilâni, Aboû Madiène Chou’ayb, Abdallah Al-Ansâri Al-

Haraoui, Aboû Al-Hasan Al-Châdili, Jalâl Al-Dîn Al-Roûmi, Bahâ

Al-Din Al-Naqchabandi, Ali Al-Houdjwirî, Ahmad Sirhindi, Ahmed

Zarroûk, l’Emir Abdalqâdir Ibn Mouhyaddîn et autres, continuent d’être

évoqués avec vénération et respect de génération en génération, dans

toutes les contrées du monde musulman.

Beaucoup de maîtres soufis nous ont laissé des œuvres d’une

grande portée spirituelle où ils rapportent leurs expériences dans la

voie de la quête de Dieu, où ils mentionnent les différentes étapes

qui mènent à cette connaissance supérieure. Toutes ces étapes de la

voie soufie sont confortées par des versets coraniques et des

hadiths prophétiques qui sont à la base de toute quête divine

entreprise sur le chemin de la voie.

Voici les plus importantes de ces étapes, telles qu’elles

sont vues par les maîtres soufis, chacune étant confortée par

un verset ou un hadîth du Prophète (qsssl).

La première étape dans la voie de la quête de Dieu est la

tawba, le repentir ou le retour à Dieu. Les maîtres soufis

affirment qu’elle est le point de départ de toute expérience

spirituelle, selon le verset coranique : « C’est Lui qui accepte

le repentir de Ses serviteurs, efface les mauvaises actions et

sait ce que vous faites ». Les soufis insistent sur cette

condition du repentir et un grand maître comme Sahl Al-

Toustarî enseigne que le retour à Dieu doit être sans cesse

renouvelé.

- le zouhd, c’est-à-dire l’ascétisme ou le renoncement est,

selon les maîtres soufis, l’effort ascétique qui doit dépouiller l’âme

1. Il s’agit du fameux hadith qui dit : « Dieu envoie à la fin de chaque

siècle à cette communauté celui qui lui réforme sa religion ».

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de toute attache au créé. Le Prophète (qsssl) a dit à ce sujet :

« Renonce à ce bas monde et Dieu t’aimera ; renonce à ce que

possèdent les gens et les gens t’aimeront »1. Il a dit aussi : « Sois

en ce bas monde comme un voyageur ou un étranger »2.

Al-Jounayd a dit dans cette optique : « Le renoncement, ce

sont les mains vides de biens et les cœurs vides de toute attache ».

Quant au soufi et théologien hanbalite, Al-Ansâri, il a dit : « Le

renoncement consiste à faire tomber de la chose le désir qu’on en

a, de façon totale ». Et de citer ce verset : « Ce qui reste auprès

de Dieu est un bien pour vous »3.

- le tawakkoul ou l’abandon à Dieu : il s’agit, nous dit

Al-Ansâri, de confier toute l’affaire à Celui qui est le Maître

et se reposer sur Sa gérance, selon ce verset du Coran : « Sur

Dieu appuyez-vous, si vous êtes croyants »4.

- al-khouchoû’ ou l’humilité consiste, selon les maîtres de la

voie, en ce que l’âme cesse de s’enflammer et que la nature cesse

de brûler, pour quelque chose de grand ou de terrible. Il cite le

verset : « L’heure n’est-elle point venue pour ceux qui croient que

leur cœur s’humilie devant le rappel de Dieu et devant la vérité qui

est descendue du ciel ? »5. Le Prophète (qsssl) ajoute dans cette

optique : « Celui qui s’humilie devant Dieu, Dieu l’élèvera ».

- al-khawf ou la crainte révérencielle consiste à s’arracher

à la quiétude de la sécurité par la considération de la parole

reçue, conformément au verset : « Ils craignent leur Seigneur

au-dessus d’eux »6.

- le sabr, la patience ou la constance, consiste à se

retenir de se plaindre, malgré une impatience cachée, dans le

sens du verset : « Sois constant : ta constance ne sera

qu’avec l’aide de Dieu »2.

1. Rapporté par Ibn Mâja - 2. Rapporté par Al-Boukhârî - 3. s.73, v.20 - 4. s. 5, v.20 - 5. s.57, v.16 - 6. s.16, v.50.

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- le dhikr ou la rappel constant de Dieu permet de se

délivrer de l’insouciance et de l’oubli, conformément au

verset coranique : « Rappelles-toi ton Seigneur quand tu

oublies »3.

- al-mahabba ou l’amour divin est privilégiée dans le

chemin vers Dieu. Al-Ansâri la résume comme l’attachement

du cœur, entre la préoccupation et l’intimité, dans le don et le

refus, de façon exclusive ». Al-Jounayd l’explique par

l’inclinaison des cœurs vers le Bien-Aimé. Pour l’historien du

soufisme, Al-Kalabâdhi, « l’amour est conformité à Dieu en

ce qu’Il ordonne, abstention de ce qu’Il prohibe, agrément de

ce qu’Il décide et décrète ». Les soufis aiment citer ce verset :

« Quiconque parmi vous rejette sa religion, Dieu amènera un

peuple qu’Il aimera et que Dieu aimera »4.

Le Prophète (qsssl) a dit dans ce même ordre d’idées :

« L’homme sera avec celui qu’il aime »5. Il a dit aussi :

« Lorsque Dieu aime un serviteur, Il le met à l’épreuve ; s’il

fait preuve de patience, Il le rapproche de lui ; s’Il en est

satisfait, Il en fait un de Ses bien-aimés (Walîs) »6. Et aussi :

« Celui qui aime la rencontre de Dieu, Dieu aimera sa

rencontre »7.

- l’i’tisâm ou le fait d’être fidèle au pacte conclu avec Dieu :

« être fidèle au pacte conclu avec Dieu, dit Al-Ansâri, c’est être

fidèle à Son obéissance en guettant Ses ordres. Etre fidèle au pacte

conclu avec Dieu, c’est s’élever au-dessus de toute imagination et se

délivrer de toute hésitation, conformément au verset : « Mettez-vous

1. s.16, v.50 - 2. s.16, v.127 - 3. s.18, v. 24 - 4. s.5, v,54. 5. Rapporté par Ahmed Ibn Hanbal. 6. Rapporté par Ibn Mâja. 7. Rapporté par Al-Boukhâri et Moslim.

hors de péril en vous cramponnant au lien avec Dieu. Il est vôtre

Maître »1.

1. s.22, v. 78.

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Telles sont les principales étapes que les maîtres soufis ont

établies sur le chemin que toute âme assoiffée de Dieu désire

suivre. Ces étapes trouvent leur source dans le message spirituel de

l’Islâm et sont puisées directement dans le Coran. Les grands

maîtres soufis les ont fixées au gré de leurs expériences spirituelles

respectives. C’est une intériorisation du message coranique que

l’expérience spirituelle des soufis se fait le devoir d’entreprendre.

C’est à cette conclusion qu’aboutit tout chercheur, spécialiste ou

profane qui étudie le soufisme et sa place dans l’Islâm.

L’Islâm et la civilisation de l’Occident

Dr. Bouamrane Chikh

« Je dis que l’Islâm n’a donné ni au Calife ni au Cheikh la

moindre autorité en matière de doctrine et de formation des

règles. Quelle que soit l’autorité détenue par l’un d’eux, c’est une

autorité civile définie par la loi islamique. Il est inadmissible que

l’un d’eux puisse revendique un droit de contrôle sur la foi ou le

culte de l’individu ou puisse le requérir de défendre sa façon de

penser » (Mohammad Abdou).

L’idée de civilisation comporte deux acceptions distinctes, l’une

d’ordre matériel et l’autre d’ordre moral. Une civilisation donnée se

définit par l’organisation qu’un certain groupe humain s’est donnée ;

elle exprime ses aptitudes techniques, ses connaissances scientifiques

et sa culture. En outre, une civilisation présente nécessairement

des valeurs morales, une éthique propre qui donne un sens à

la vie personnelle et collective. La civilisation contemporaine est

essentiellement une civilisation industrielle et technicienne. Comment

les autres civilisations se comportent-elles vis-à-vis de cette civilisation

dite encore occidentale ? En particulier, quelle est l’attitude de l’Islâm,

en tant que système religieux, social et moral, par rapport à une telle

civilisation ? Il est possible de ramener les différentes positions

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essentiellement à trois courants : le courant traditionnel, le courant

scientiste et le courant qui veut concilier tradition et modernité.

Le courant traditionnel.

C’est celui des savants et penseurs qui veulent maintenir la

lettre des textes et n’acceptent guère de s’en écarter. L’ijtihâd et la

réflexion critique jouent un rôle réduit. C’est l’imitation ou taqlîd

qui domine. Une telle attitude est très difficile à maintenir, en

raison de l’évolution de nos sociétés, d’une part, de l’évolution du

monde, d’autre part. Les auteurs du 19è s., en particulier, ceux

de la renaissance (Nahdha) ont contesté cet immobilisme et la

prétention de ceux qui veulent seuls orienter la communauté

islamique d’aujourd’hui dans un sens trop strict. Mohammad

Abdou, en particulier, a condamné l’immobilisme de la pensée. Il

a affirmé avec force la responsabilité de chaque croyant en

Islâm : « Je dis que l’Islâm n’a donné ni au Calife, ni au Mufti, ni

au Cheikh, la moindre autorité détenue par l’un d’eux, c’est une

autorité civile définie par la loi islamique. Il est inadmissible que

l’un d’eux puisse revendiquer un droit de contrôle sur la foi ou le

culte de l’individu ou puisse le requérir de défendre sa façon de

penser ».

Le courant scientiste.

A l’antipode du précédent, ce courant veut tout rejeter et opte

pour l’Occident matérialiste, sous prétexte que notre temps est celui

de la science et de la technologie. Il faut abandonner toute référence

à la vie religieuse et se comporter librement, en s’adaptant aux

exigence de notre époque. Les partisans de ce courant préconisent

avec conviction la séparation du spirituel et du temporel. Ils

affirment que la vie moderne doit se dégager de toutes les règles

d’ordre religieux et « se conformer à la laïcité » adoptée par

plusieurs Etats d’Europe. La science, selon cette tendance, gouverne

tout, la vie quotidienne et la vie morale : aujourd’hui, dit-on, comme

on le voit, l’inspiration est nettement positiviste, le dernier mot

appartient à la science. On reconnaît là l’influence d’Auguste Comte

et de son école. L’exemple d’Ataturk et de son action a fait l’objet de

nombreuses discussions. On pourrait se reporter à ses déclarations et

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à sa politique. Le courant scientiste ou moderniste y trouve les

raisons de conforter ses positions. Mais il est difficile de tirer des

conclusions d’une expérience faite dans un seul pays et dans des

circonstances historiques particulières. En effet, l’attitude scientiste

risque de couper brutalement un peuple de ses racines profondes.

Rachîd Ridâ l’a bien noté : « C’est une folie, en effet, que de vouloir

anéantir une nation en supprimant tout ce qui constitue son

originalité, ses croyances, ses instincts, sa morale, sa littérature, ses

mœurs … ». Or, l’Islâm fait partie intégrante de notre civilisation.

Le courant de civilisation.

Ce courant analyse objectivement les causes de notre

retard. Elles sont de plusieurs ordres, il faut bien l’admettre,

si l’on veut sortir du sous-développement culturel et scientifique.

L’esprit d’autorité s’est substitué à l’esprit de libre examen. Nos

juristes et nos savants n’ont pas toujours compris la nécessité

d’acquérir les sciences, sans lesquelles aucun développement

n’est possible. Nous avons assisté à leur essor chez les peuples

d’Occident depuis le début des temps modernes, sans y prendre

notre part. Une telle attitude doit être révisée, sans tomber dans

l’excès des scientistes. Nous avons le devoir de concilier les

règles de notre religion, bien comprise. Les deux systèmes sont

complémentaires. Comme l’indique le philosophe Mohammad

Iqbâl (m. en 1938), l’expérience religieuse est réelle ; l’expérience

scientifique est différente, chacune se situant sur un plan distinct. La

religion embrasse la réalité totale : « elle doit occuper une place

centrale dans une synthèse quelconque de toutes les données de

l’expérience humaine… » (Reconstruire). La science, par contre,

est fragmentaire par nature ; elle ne peut prétendre à une vision

complète de la réalité. Si elle se sépare de la religion, elle peut

aboutir à la destruction de l’humanité. « Le Coran, dit-il,

enseigne que la vie est un processus de création progressive

constante, ce qui nécessite que chaque génération guidée, mais

non entraînée par l’œuvre de ses prédécesseurs, a le droit de

résoudre ses problème. La vie se meut en portant la charge de

son passé » (op. cit).

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La science a donné la puissance à l’homme, mais cette

puissance doit être contrôlée par la sagesse que la science ne donne

pas. C’est plutôt la mission de la religion liée à l’éthique vécue. C’est

pourquoi la philosophie scientifique, politique et économique de

l’Occident ne peut être accueillie par l’Islâm, sans analyse critique

préalable. L’Islâm, en effet, possède sa philosophie propre et sa

conception originale de la civilisation. Il ne peut se fondre dans un

autre système, sous prétexte d’adaptation, d’accommodation ou de

modernité.

Le Coran est-il applicable au siècle de la

technologie ? Pr. Tahar Gaïd

Le Coran : mode de société.

Une lecture sérieuse et approfondie du Coran ne laisse

aucun doute que l’Islâm se destine à organiser la vie publique

et privée de tous les hommes, quelles que soient leur époque

et leur espace géographique. Il traite aussi bien de l’âme que de

tous les aspects de la société, sans rien laisser en suspens. Une

telle conviction s’ancre davantage dans la pensée lorsque le

lecteur se penche sur les événements vécus par le Prophète et

réfléchit aux manifestations périodiques de la révélation et à ses

méthodes opérationnelles. Il s’en dégage une mine précieuse de

renseignements quant aux comportements à la fois moraux et

politiques, conformes à l’esprit et aux orientations du Coran et

aux objectifs pratiques vers lesquels la Parole de Dieu conduit les

créatures humaines.

La globalité du Coran se prouve par les règles juridiques

énoncées par le Coran et la Sunna se référant aux délits et aux

crimes, aux affaires commerciales et aux relations sociales, aux

prérogatives de l’Etat relatives à la déclaration de la guerre ou à

l’établissement de la paix, à la ratification des traités de paix et de

bon voisinage. Le Coran donne également de nombreux textes

qui condamnent la discrimination raciale, réfutent l'exploitation

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du pauvre par le riche et désapprouvent le fanatisme religieux

ainsi que le sectarisme idéologique. A chacun de ces problèmes,

il expose des solutions simples et équilibrées, dépouillées des

méthodes manœuvrières et éloignées des sentiers tortueux.

En fait, les Décrets de Dieu s’adressent à l’homme et au

milieu dans lequel il vit. Au premier, ils renforcent en lui sa

volonté et sa constance en vue de concrétiser le licite et

d’abandonner l’immoral. Quant au second, ils tendent à l’intégrer

dans un moule déterminé et à le vêtir d’une forme conséquente.

La sagesse de cette double orientation, d’ailleurs intimement liée,

s’explique clairement, car l’homme ne peut pas se mouvoir,

d’une manière lucide et clairvoyante, dans un milieu obscur et

désorganisé. Il a besoin d’une lumière qui lui fraie le chemin et

l’aide à atteindre ce vers quoi il aspire.

Les Commandements exposés dans le Livre sacré, les récits

concernant les premiers peuples et les anciennes civilisations, la

description des scènes de l’existence et de la création servent

de leçons et de méthodes à l’homme et à la société, afin d’édifier une

nation vouée à l’adoration de Dieu et à la réalisation concrète de Sa

Loi, sachant qu’aucune rupture ne s’opère entre la vie individuelle et

l’être humain dans son ensemble. L’Islâm se caractérise par

l’uniformité de sa législation. Les codes qui agissent sur la

conscience s’identifient à ceux qui organisent le foyer familial, à

ceux qui instituent la justice politique et sociale dans la construction

de l’Etat. Tous émanent d’une même source et conduisent au même

but. Ils sont comme le corps humain. Quand un membre est malade,

c’est tous les autres qui souffrent et ressentent la douleur. C’est ainsi

que si la paralysie atteint l’un des codes, c’est l’ensemble qui ressent

le mal et c’est toute la société qui, en subissant les conséquences,

dépérit progressivement et meurt sans appel.

Le Coran dans la vie de l’homme.

Les problèmes du développement ne se résument pas aux

seules questions de la production et de la consommation. La pureté

de leurs moyens et de leurs fins, la morale des relations établies entre

les créateurs d’œuvres matérielles et intellectuelles, les libertés et les

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droits stimulateurs de cette création puisent leur légitimité de la

religion, laquelle anime le processus de la civilisation et revêt de

grandeur la nation qui s’inspire, sincèrement et honnêtement, de

toute la richesse contenue en elle. En effet, les Arabes mecquois et

médinois étaient des tribus relativement insignifiantes avant la mission

du Prophète. Ils s’imposèrent en une communauté universelle grâce à

leur foi en la religion de Dieu. Le Maghreb était un carrefour ouvert

aux invasions étrangères, avant la pénétration de l’Islâm. Il s’érigea en

une force dynamique et porta la civilisation en Europe, tant que la

religion demeura le ferment de sa politique.

Il en résulte que l’avenir de l’Islâm tient à ses succès

politiques. A cet effet, les références aux valeurs coraniques

s’insèrent dans le cadre des exigences de la modernisation.

C’est ce qui a été fait, dans le passé, par des intellectuels et

des hommes politiques tels que Jamâl al-Dîn al-Afghânî et le

chaykh ‘Abdou. Le vrai croyant est celui qui, sans être un

théologien, place la politique au service de la religion, plutôt

que de se servir de cette dernière comme instrument de ses

ambitions. C’est que le Coran est le Livre à la fois de l’âme et

de l’organisation de la vie en ce monde. Il constitue ses piliers et

son être. Il s’érige en gardien de sa conscience morale. Il est, de

ce fait, sa loi fondamentale et son mode d’existence. C’est, en

définitive, la référence de toute activité, de tous les modes de

création et du mouvement vers le progrès.

Un fossé profond s’établira entre les musulmans et le Coran

si les premiers ne se conforment pas correctement aux textes du

second. Il convient pour eux de ne pas perdre de vue que le Livre

de Dieu s’adresse à une communauté d’individus actifs qui vivent

une réalité concrète. Il oriente les événements du monde immédiat

et prépare le terrain à la vie dernière. Il suscite en chacun des êtres

humains une lutte contre lui-même, quel que soit le lieu où il se

trouve sur cette terre. Le combat mené subit évidemment les

vagues du changement et des interactions de leurs mutations. Un

voile épais subsistera entre les musulmans et le Coran aussi

longtemps qu’ils se contenteront de le réciter ou de l’écouter,

comme s’il n’avait été descendu qu’à cet effet, sans relation avec

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les réalités quotidiennes auxquelles l’homme est confronté. Or, les

versets coraniques ont été révélés pour orienter les âmes et les

actes, afin de leur donner une vive résonance qui se répercute sur

l’ensemble de la société.

Certes, le miracle coranique a pour but de résoudre une

réalité déterminée d’une vie communautaire déterminée. La

première communauté islamique a mené alors une grande bataille

qui a transformé son histoire et celle de toute l’humanité. Il n’en

reste pas moins qu’il a été conçu pour que les hommes de toutes les

époques, et la nôtre bien entendu, puissent faire face à leurs

problèmes intérieurs et extérieurs. C’est donc un instrument

spirituel et moral destiné à terrasser les germes de la Jâhiliyya qui

subsistent ou se renouvellent actuellement. Il opère aussi dans le

domaine de la conscience, de la même manière qu’il agissait au

temps de la révélation. Il appartient donc aux musulmans de ce

siècle de saisir la réalité vivante qui se trouve dans le Coran et de

tirer profit de sa force opérante.

C’est toute une activité de mujâhada (effort sur soi-

même) et de muhâsaba (contrôle de soi-même ou examen de

conscience). Le jihâd al-nafs (effort sur son soi) implique la

présence de Dieu dans la pensée et le cœur. En chaque

individu se trouve le souffle du Seigneur. Chacun a reçu de

Lui al-amâna, c’est-à-dire un dépôt représenté par la raison et

la responsabilité individuelle. A cet effet, l’homme doit s’en

remettre à Lui (al-tawakkul) et se repentir, c’est-à-dire de

revenir à Lui à chaque instant. Fort de ces atouts, il est donc à

même de lutter contre sa passion, son égoïsme et ses

ambitions démesurées. Débarrassé de ces fléaux, il passe de

l’orgueil à l’humilité et atteint le stade de l’istiqâma (la

rectitude). Dans cette optique, nous constatons que le Coran a

agi sur la vie de la première communauté musulmane. Il est

apte à opérer de la même façon sur notre vie actuelle et sur

celle des générations futures. Il est évident qu’il n’est pas un

simple Livre de lecture, éloigné de nos réalités quotidiennes

ou qu’il se compose de pages écrites dans le passé et jaunies

par le temps, pour demeurer dans les oubliettes de l’histoire.

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Il est indéniable que le Coran est une Vérité dotée d’une

essence invariable au même titre que l’existence de notre univers.

Il est le Livre de Dieu ouvert interminablement aux regards, destiné

à la lecture ininterrompue. L’un et l’autre témoignent de l’existence

de leur Créateur. Tous les deux sont des entités qui servent à la

réalisation d’œuvres salutaires. En effet, le premier, avec ses lois,

continuera à se mouvoir et à remplir sa fonction que Dieu lui a

assignée. Le second, avec ses normes, jouera sans arrêt le rôle que

le Seigneur lui a défini.

Quant à l’homme, il restera tel qu’il est dans sa réalité

physique et sa nature originelle jusqu’à la fin des temps. Il ne se

transformera pas en une autre créature, quelles que soient les

circonstances. Il est, par conséquent, comme cet univers. Il n’accepte

pas le changement radical de sa physionomie. Sous prétexte de son

ancienneté qui prend racine dans la nuit des temps. Il a été créé pour

adorer le Très-Haut. Pour ce faire, il est de son devoir d’accepter le

Coran comme un discours universel, éternel et immuable, chargé de

parfaire sa condition spirituelle et morale. Il en résulte qu’il est

aberrant de déclarer puisque tel astre est ancien, il est donc temps de

le changer par une autre constellation. Il en est de même du Livre de

Dieu. Il est inconcevable de prétendre qu’il est dépassé et qu’il est,

par voie de conséquence, grand temps de lui trouver une alternative !

L’Islâm, suivant le Coran, a donc pour objet d’organiser la

société musulmane sur la base de l’entraide, de la miséricorde, de la

tolérance, de la confiance, de la justice, de l’amitié, de la purification,

de l’élimination des résidus de la jâhiliyya et de l’instauration de

nouveaux points de repères. Parallèlement à ces objectifs, il existe un

autre dont la profondeur et les effets ne sont pas moindres dans la vie

sociale des croyants. Il est même le fondement sur lequel les

premières projections s’appuient pour prendre leur élan réformateur.

Il s’agit de la définition de la religion, du contour à donner à la foi, de

la connexion de toutes les organisations et les institutions qui

régissent la vie de l’individu, celle de la société et celle de l’Etat en

général.

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La religion se traduit par la soumission volontaire et

l’obéissance réfléchie à la loi fondamentale du Créateur. Dans cette

optique, la société fonctionne sous la direction d’une aqîda. Le tout

se résume dans un pouvoir seigneurial représenté par l’Envoyé de

Dieu et ce qui lui a été communiqué. C’est la conformité avec cette

loi qui accorde à l’homme la qualité de musulman et l’insère dans la

société islamique. Sans cette concordance avec la charî’a (Coran et

Sunna), l’être humain ne peut vraiment se réclamer de l’Islâm.

Comprendre et appliquer le Coran.

Le Coran est un Livre qui couvre tous les problèmes de la

vie. Si le thème principal s’axe autour de l’unicité de Dieu, il n’en

reste pas moins qu’il aborde la question des pratiques cultuelles et

le trait caractéristique de toute société musulmane, à savoir le

commandement du convenable et l’interdiction du blâmable, ce

qui implique une morale et la défense des droits de l’homme. Cet

ensemble s’inscrit dans la charî’a qui a besoin d’être clarifiée.

Il n’y a pas que dans l’opinion européenne que nous rencontrons

des gens pour lesquels l’Islâm ne se perçoit pas dans leur univers

mental. Il existe aussi des personnes qui se disent publiquement

musulmanes mais qui, en réalité, situent leur pensée dans une aire

culturelle étrangère aux aspirations profondes de leur société. Eux aussi

recourent à des stéréotypes, empruntés à l’autre et se prêtent au jeu de

l’amalgame pour désigner tous ceux, sans exception, qui militent en

faveur de l’instauration des valeurs islamiques au sein de leur peuple.

C’est alors qu’ils voient partout des fanatiques, des intégristes, des

terroristes... pour mieux introduire leurs idées laïques plus virulentes

que celles des pères de la laïcité qui, eux, sont connus pour leur

tolérance à l’égard des religions.

D’une manière générale, l’Islâm est revêtu de plusieurs sens

alors qu’il est Un. Des concepts sont inventés tels que : Islâm

politique, Islâm progressiste, Islâm réactionnaire, Islâm moyenâgeux,

Islâm extrémiste …1. C’est qu’il y a une confusion entre le corps de

1 . J’ai même lu un article où il était question de musulmans athées !

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l’Islâm, représenté par le Coran, et les applications pratiques qui en

sont faites. A travers les multiples réalités historico-socio-culturelles

des sociétés musulmanes, on découvre des « Islâms » ( !) différents et

on leur applique des étiquettes étrangères à la Parole de Dieu et à la

Sunna de Son Envoyé. Or, une analyse objective de l’Islâm implique

comme point de départ les textes scripturaires.

C’est à partir de ce socle doctrinal que la politique des États et

des gouvernements musulmans devrait être appréciée car, comme le

précise Saddek Rabah1 : « L’Islâm est traversé, de part en part, par

le mouvement de l’histoire. Car, si sa Révélation se situe en dehors

de l’histoire, les pratiques sociales et culturelles qui en découlent

subissent, quant à elles, les vicissitudes, le flux et le reflux de cette

même histoire. Ce qui engendre des situations fort différentes les

unes par rapport aux autres, où de nombreux éléments entrent en

jeu pour donner forme à diverses configurations sociétales».

La charî’a dans le Coran.

De la même manière que le Coran est la source première de la

‘aqîda, il l’est également pour la législation al-charî’a. L’Islâm est

une foi intérieure que les actes extériorisent. La ‘aqîda exprime cette

foi et la charî’a s’articule autour des actes qu’il s’agisse de la relation

de l’homme avec son Seigneur, comme les pratiques cultuelles telles

que la prière, le jeûne, la zakât et le pèlerinage, qu’il s’agisse de la

relation de l’homme dans sa famille, des relations civiles, financières

et politiques entre les membres de la nation ou des relations

internationales entre la nation islamique et les autres nations dans les

périodes aussi bien de paix que de guerre.

Certaines personnes, qui se réclament d’une philosophie dite

moderne par eux prétendent que le terme charî’a n’est cité qu’une

seule fois dans le Coran mecquois, c’est-à-dire avant la révélation

des règles juridiques qui organisent la vie de la société. «Puis, Nous

t’avons mis sur la voie (‘alâ charî’tin) de l’Ordre. Suis-la donc et ne

suis pas les passions de ceux qui ne savent pas»1. Ils en concluent que

1. L’Islâm dans le discours médiatique, éd. al-Bourâq, 1998.

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le Coran n’attache pas d’importance à la charî’a ! Ils commettent une

grossière erreur, car si le Coran ne mentionne qu’une seule fois le mot

charî’a, cela ne veut pas dire qu’il lui accorde peu d’importance.

Examiné sous cet aspect, nous pourrons conclure aussi que le Coran

se désintéresse de la ’aqîda, puisqu’il ne mentionne le terme dans

aucun verset. Nous pouvons aussi déduire qu’il ne se prononce pas sur

la morale, puisque ce vocable n’est cité qu’une seule fois à propos de

l’éloge adressé au Prophète (qsssl). «Certes, tu es d’une moralité

éminente»2. En réalité, ce qui est important, c’est la teneur de ces

terminologies et non pas les mots eux-mêmes. Or, ce contenu est

répandu dans les commandements coraniques, ses interdits et ses

orientations.

Il est vrai que le Coran attache un grand intérêt à la ‘aqîda

ainsi qu’à la morale et aux fondements de la vertu. Mais il ne néglige

pas pour autant les questions législatives : il définit la méthode

pratique de la vie de l’individu musulman et la vie de la société

musulmane. Dieu exhorte l’homme dans plus de 90 versets sous

cette forme : «Ô vous qui croyez !» Cette expression : « ayyuha

alladhîna âmanû » est une formule nouvelle qui résonnait dans les

oreilles des habitants de la presqu’île arabique, eux qui avaient pour

habitude de s’interpeller : Yâ ‘arab (Ô vous les Arabes), yâ ‘ajam (Ô

vous les étrangers), yâ banî fulân (Ô fils d’un tel). En interpellant

l’homme, le Coran se réfère à la foi.

D’aucuns diront que ce monde n’a pas besoin de la

religion pour l’organiser. Au contraire, ce monde revêt une

grande valeur parce qu'il représente un champ de culture dont

les semences préparent les gens à la vie dernière. L’homme

agit en ce monde éphémère pour connaître l’éternité de l’au-

delà. Le monde présent est en quelque sorte un capital qu’il

faut fructifier et exploiter aux moyens des bonnes œuvres qui

assurent la félicité du monde futur.

1. s.45, v.18 -2. s.68, v.4.

Les oulamâ divergent sur le nombre de versets qui se préoccupent

de la charî’a, connus sous le nom de « âyât al-ahkâm ». Certains disent

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qu’il y en a 500 et d’autres beaucoup plus. Ce qu’il y a lieu de retenir,

c’est que le Coran se tait sur les questions dont les données varient très

souvent avec le temps et l’espace telles que la forme de l’autorité d’un

État et les mesures judiciaires. Il se prononce parfois sur certaines

questions d’une manière générale, sans entrer dans les détails. C’est le

cas de la chûrâ (la concertation) dans la vie sociale, la politique et la

justice. Le Livre de Dieu n’indique ni ses procédures ni ses méthodes

d’application. Nous trouvons tantôt que le Coran détaille les règles de

certaines affaires qui ne changent pas beaucoup avec le temps et l’espace

tels que la famille, le mariage, le divorce, l’aumône purificatrice, l’héritage

et comme certains problèmes relatifs à certains délits.

Il est vrai que ces règles juridiques pratiques signalées

par le Coran ne sont pas très nombreuses mais elles revêtent

une valeur considérable, car ce sont elles qui distinguent une

nation d’une autre, une civilisation d’une autre.

Ainsi, l’obligation de la prière, de la zakât, du jeûne du

Ramadân et du pèlerinage, la commanderie du convenable et

l’interdit du blâmable, la remise des dépôts à leurs légitimes

propriétaires, la justice au nom de ce que Dieu a révélé,

l’illicité du taux usuraire et de la fornication, les rapports

sexuels contre nature, les jeux de hasard, l’usurpation du bien

d’autrui, la corruption de la terre, la condamnation de

l’assassinat et du voleur etc. caractérisent la spécificité de la

personnalité islamique. Dans cette optique, il ne faut pas perdre de

vue deux choses : D’abord, Dieu sait ce qu’il faut de bien aux

hommes. Ensuite Il leur facilite leur religion. «Il se peut que vous ayez

de l’aversion pour une chose alors qu’elle vous vous est un bien. Et il

se peut que vous aimiez une chose alors qu’elle vous est mauvaise.

C’est Dieu qui sait, alors que vous ne savez pas»1. « Dieu ne veut pas

vous imposer quelque gêne, mais Il veut vous purifier et parfaire pour

vous Son bienfait. Peut-être serez-vous reconnaissants»2. « Dieu veut

pour vous la facilité. Il ne veut pas la difficulté pour vous…»3.

1. s.2, v. 216 - 2.s.5, v. 6 - 3. s.2, v. 185 - 4. s.4, v. 28.

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« Dieu veut vous alléger (les obligations) car l’homme a été

créé faible»1.

En réalité, le Coran vise la réalisation du bonheur des gens et de

leurs intérêts. Ainsi, il permet le divorce alors que le christianisme

l’interdit, ce qui a conduit des chrétiens en Occident à abandonner ce

principe et à abandonner leur religion. C’est le cas de la polygamie

que l’Occident exclut de sa législation, mais elle se pratique dans la

vie, sans respect pour la morale. Il en est ainsi des unions contre nature

acceptées par l’Occident, au point de susciter des maladies comme le

sida ; il y a de quoi menacer la civilisation matérielle de déclin. Il en

est de même du taux usuraire dont les économistes occidentaux eux-

mêmes ont reconnu qu’il était derrière les crises économique dans le

monde.

Le Coran n’est pas un Livre révélé pour être mis en

œuvre à une époque donnée ou destiné à une génération

précise. Son application couvre, au contraire, tous les âges

historiques jusqu’à la fin des temps. De plus, il s’adresse à

toute l’humanité quels que soient les peuples et les sociétés

qui la composent et quelle que soit leur zone géographique.

C’est pourquoi, contrairement aux autres Livres révélés pour

une durée déterminée et abrogés les uns par les autres, le

Coran a été sauvegardé par Dieu de manière que les siècles

ne puissent pas l’altérer et que les hommes ne puissent pas

le falsifier. C’est qu’en effet, établissant l’Islâm en tant que

Religion définitive de Dieu, il a été la dernière révélation céleste. Il

en résulte que ses enseignements sont éternels.

Agir autrement, cela revient à abolir une loi coranique

et la remplacer par une loi nouvelle. Cela donne à la créature

humaine le droit de supplanter le Créateur et le droit de

réviser Sa loi, de sorte à garder ce qui correspond à ses

passions et à supprimer ce qui la gêne.

Il ne fait aucun doute qu’il n’est pas possible à un musulman

de croire à une partie du Livre et de refouler dans les oubliettes de

1. s.4, v. 28.

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l’histoire une autre partie, sachant que son contenu convient à

toute l’humanité quel que soit son âge. «Ceci n’est qu’un

Rappel pour l’univers»1. C’est ainsi que s’ouvre également la

sourate al-Furqân : «Qu’on exalte la bénédiction de Celui qui a

fait descendre le Livre de discernement sur Son serviteur, afin

qu’il soit un avertisseur pour l’univers»2. C’est pour cela que le

Coran ne s’adresse pas seulement à la raison, à la conscience et

au cœur. Son discours porte sur l’entité, l’être humain dans son

ensemble. Aussi, Dieu s’adresse-t-Il à l’homme (al-Insân) en lui

rappelant les étapes de sa formation physique. «Ô homme !

Qu’est-ce qui t’a trompé au sujet de ton Seigneur, le Noble, qui

t’a façonné dans la forme qu’Il a voulue»3.

Le Coran ne s’adresse pas seulement à une race spécifique ou

à un peuple particulier. Il ne s’applique pas non plus à une

orientation rationnelle et logique déterminée. Plutôt, ses exhortations

couvrent les diverses sociétés de la communauté internationale et les

multiples pensées qui s’y manifestent. Ainsi, celui qui est à la

recherche de la réalité spirituelle trouve dans le Coran ce qui

convient à son goût et nourrit sa conscience et sa sensibilité. Quant à

celui qui recherche la réalité de la foi, il y trouvera ce qui est à même

de l’éclairer sur Dieu et sur Ses envoyés, sur Sa rencontre et Sa

récompense. C’est alors que le doute et la suspicion disparaissent de

son cœur. «…en tant que messagers, annonciateurs et avertisseurs,

afin qu’après la venue des messagers, il n’y eût pour les gens point

d’argument devant Dieu»4. Il en est ainsi de celui qui s’attache aux

valeurs morales. Sa requête sera certainement exaucée puisque le

Coran indique la voie du bien et guide dans le chemin de la Vérité.

«Faites le bien. Peut-être réussirez-vous !»5 et «Que soit issue de

vous une communauté qui appelle au bien, ordonne le convenable et

interdit le blâmable»6.

Le Coran est le mode vie du musulman en tant

qu’individu. Il s’érige, en même temps, en constitution de la

collectivité. Il constitue, d’une manière générale, la méthode

1. s. 81, v. 27 - 2. s.25, v. 1 - 3. s.82, v. 6 et 7 - 4 s.4, v.165 - 5. s.22, v. 77 - 6. s.3, v.104.

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de travail pratique qui véhicule les fondements de l’orientation de la

vie de l’homme, de sa relation avec le Seigneur, avec l’univers et son

environnement, de ses rapports avec lui-même, avec sa famille, ses

voisins et sa société, avec toutes les nations musulmanes et les

nations des autres parties du monde aussi bien en période de paix

que de guerre. Dans cet ensemble, il se situe dans le juste milieu,

c’est-à-dire entre les matérialistes qui prétendent que ce monde est

une fin en soi et qu’il n’y aura donc pas une autre vie et ceux qui,

dans leur spiritualité, outrepassent les mesures, au point de se priver

des bonnes choses licites que Dieu leur accorde et de freiner leurs

énergies de sorte à ne pas les exploiter au profit de l’essor matériel

de la vie. Le Coran est, par voie de conséquence, une méthode de

gouvernement dès lors qu’il établit une stratégie politique et fixe des

objectifs. Il est bien précisé : «Nous avons fait descendre vers Toi le

Livre avec la vérité, pour que tu juges entre les gens selon ce que

Dieu t’a appris»4.Comme toutes les constitutions, il n’entre pas dans

tous les détails de la vie en ce domaine. Il se préoccupe d’exposer les

fondements du pouvoir et ses orientations.

Le premier fondement est la foi en Dieu. Il s’agit de

s’engager dans une voie politique qui L’agrée. Autrement dit,

il est question de retenir dans les projets à élaborer ce qui est

licite et ce qui ne l’est pas. Quant à leur application, ils relèvent

de l’effort intellectuel, al-ijtihâd, de la mise en œuvre de la

raison du musulman. L’intellect humain n’est tenu que par les

principes directeurs arrêtés par le Livre de Dieu. C’est à leur

lumière qu’il forge ses théories et les concrétise en actes. C’est dans

cette optique qu’il convient de comprendre ce verset parmi d’autres :

« Chercherais-je un autre juge que Dieu alors que c’est Lui qui a

fait descendre vers vous ce Livre bien exposé ?… Et la Parole de ton

Seigneur s’est accomplie en toute vérité et équité. Nul ne peut

modifier Ses paroles. Il est l’Audient, l’Omniscient»2.

Le Coran a déjà répondu à ces musulmans qui, apparemment,

clament leur foi en Dieu mais qui, au fond d’eux-mêmes, cherchent

1. s.4, v. 105 - 2. s.6, v. 114 et 115.

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à substituer absolument leur raison à Sa révélation. «N’as-tu pas vu

ceux qui prétendent croire à ce qu’on a fait descendre vers toi et à

ce qu’on a fait descendre avant toi ? Ils veulent prendre le Tâghût,

alors que c’est en lui qu’on leur a commandé de ne pas croire.

Mais le diable veut les égarer très loin dans l’égarement»1.

A travers la personne du Prophète - Que la prière et le salut soient

sur lui -, Dieu s’adresse à tous ceux qui détiennent une autorité.

«Juge parmi eux d’après ce que Dieu a fait descendre. Ne suis

pas leurs passions et prends garde qu’ils ne tentent de t’éloigner

d’une partie de ce que Dieu t’a révélé»2.

Il est évident qu’exercer une autorité selon la Loi divine est

une obligation. Dans la logique de la foi, il n’est pas permis

d’accepter certains règles législatives révélées et de refuser d’autres,

quelle qu’en soit la motivation. C’est pourquoi, il est aberrant

d’entendre certains dire que les versets où Dieu ordonne de juger

selon ce qu’Il a descendu concerne seulement les gens du Livre,

comme l’indique le contexte des versets. Ce Commandement,

prétendent-ils, ne s’applique pas aux musulmans. Cette opinion est

vraiment étrange. Il est insensé de juger entre les juifs et les chrétiens

selon le Coran et de s’abstenir de le faire quand il s’agit de musulmans

bien que la dernière révélation s’adresse à eux. Il est à se demander

alors pourquoi Dieu leur ordonne de lire le Coran, de l’apprendre, de

l’appliquer et de se conformer à son contenu ? Ceci nous rappelle ce

que Tabari rapporte dans son commentaire. Un homme interrogea

Hudhayfa Ibn al-Yamân à propos des trois derniers versets cités, en

lui disant qu’ils concernaient uniquement les fils d’Israël. Il lui

répondit : Bien sûr, pour eux tout ce qui est amer et pour vous

tout ce qui est doux.

Il faut convenir que la leçon à tirer d’un texte se fonde

sur la généralisation des termes qui s’y trouvent et non pas

par rapport à la particularité de la cause. Si, dans le contexte

de ce verset, la cause vise essentiellement les fils d’Israël, le

vocabulaire employé revêt un sens général. Il englobe aussi

1 . s.4, v. 60 - 2 . s.5, v. 49.

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bien les fils d’Israël que tous ceux qui ne jugent pas selon la

Loi de Dieu et, partant, les qualificatifs qui décrivent les

premiers caractérisent aussi les seconds.

Il est étrange aussi d’entendre des gens dire que ces versets

se limitent aux affaires de justice. Ils concernent les juges des

tribunaux qui tranchent les litiges. Ils n’ont rien à avoir avec les

chefs d'État, les rois et autres détenteurs de l’autorité, tels que les

ministres et les parlementaires qui, eux traitent de politique

intérieure et extérieure en dehors de ce que Dieu a révélé. C’est à

se demander pourquoi il est exigé du magistrat de juger selon la

Loi de Dieu et s’il ne le fait pas, il devient un pervers, un injuste

et un mécréant, tandis que la seconde catégorie de personnes est

innocente de telles accusations alors que c’est elle qui élabore,

codifie les lois et nomme les juges ? Il s’ensuit qu’il n’est pas

possible de croire à une partie du Livre et d’ignorer une autre.

C’est le blâme adressé par Dieu aux fils d’Israël dans les temps

lointains : «Croyez-vous en une partie du Livre et rejetez-vous le

reste (parce qu’il ne se conforme pas à vos inclinations

irréfléchies) ? Ceux d’entre vous qui agissent de la sorte ne

méritent que l’ignominie dans cette vie et, au Jour de la

résurrection, ils seront refoulés au plus dur châtiment, et

Dieu n’est pas inattentif à ce que vous faites»1.

Le Coran est un tout indivisible. Il n’est pas dans la logique

de la foi ni dans celle de la raison d’accepter, par exemple, un

verset traitant du culte et désavouer celui de la famille. Agir de la

sorte revient à ne retenir de la sourate al-Baqara que le verset du

Trône2 qui appartient au domaine de la divinité et refouler dans les

oubliettes le verset condamnant le taux usuraire (al-ribâ)3 qui

relève du domaine des affaires sociales (al-mu’âmalât). Il en est

ainsi de celui qui accepte le verset ayant trait aux ablutions avant la

prière (s.5, v.6) et réfute celui traitant du vol (s.5, v. 38) qui figurent

1. s.2, v. 85 - 2. s.2, v. 255 - 3. s.2, v. 278-279.

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pourtant dans la même sourate. Pour rester toujours dans la même

sourate, il est inimaginable de la dépecer, de la morceler et de la

dépouiller d’une partie de sa substance pour en garder ce qui

convient à nos désirs.

C’est ainsi qu’il n’est pas logique de faire siens les deux

versets qui nous autorisent de manger les bonnes choses licites

créées pour nous par Dieu et de ne pas appliquer le verset

prohibant les boissons alcooliques et les jeux de hasard (s.5, v. 90)

parce qu’il répondrait mieux à nos goûts. Il est possible de

poursuivre les exemples du même genre. C’est dire donc que les

enseignements et les lois du Coran sont complémentaires et liés

les uns aux autres. Les textes coraniques agissent les uns sur les

autres. « La ‘aqîda » alimente les pratiques cultuelles et ceux-ci

nourrissent les vertus morales. L’ensemble concerne l’aspect

pratique et législatif dans la vie.

Cette vérité que nous venons d’énoncer contredit les prétentions

de certaines personnes qui s’imaginent que seuls les versets mecquois

sont applicables dans le temps et l’espace. Quant au Coran médinois,

avec ce qu’il comporte en règles législatives, en commandements

et en interdits en vue d’édifier la société et de l’organiser, il s’exclut

des obligations car, disent - ils, son contenu s’agence à des réalités

qui changent et évoluent. Il est indéniable que cette attitude présente

un grave danger.

En effet, dès que nous ouvrons le Coran, que lisons-nous ? la

Fâtiha et la sourate al-Baqara sont dans leur quasi-totalité médinoises.

Nous y relevons une description des caractéristiques des gens pieux

et bien guidés «qui croient à l’Invisible et accomplissent la prière et

dépensent de ce que Nous leur avons attribué»1. Le verset joint

l’aspect dogmatique, à savoir la croyance au mystère (al-imân

bil ghayb), à l’aspect cultuel, soit l’accomplissement de la prière

(iqâmatu al-salât) et à l’aspect économique, c’est-à-dire dépenser

dansl’obéissance de Dieu ce qu’Il nous a attribué (al-infâq mimmâ

razaq Allah). Dans le même ordre d’idées, nous trouvons les

1. s.2, v. 3.

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descriptions des croyants, des gens pieux, bienfaisants dans toutes les

sourates aussi bien mecquoises que médinoises. Ni les unes ni les

autres ne séparent une forme d’une autre. Il en est de même des

commandements et des interdits qui s’insèrent dans toutes les sourates

coraniques. Celles-ci réunissent, dans un même contexte et sans

dissocier une démarche par rapport à une autre, entre « la‘aqîda », les

pratiques cultuelles et la morale du comportement, entre ce qui se

rapporte au spirituel et au temporel, à l’individu ou à la famille ou à la

société.

Il est à noter que le Coran emploie parfois cette formule « kutiba

‘alaykum » (Il vous a été prescrit). Cela dénote l’obligation de la règle.

Elle a été utilisée au sujet des Qissâs qui relèvent des peines pénales,

du testament qui concerne le statut personnel et familial, du mois de

Ramadân qui se rattachent aux symboles du culte, de la guerre et de

la paix qui s'appliquent aux relations internationales etc. En outre,

le Coran, dans le domaine des commandements et des interdits,

enchaîne entre eux les aspects spirituels, matériels, moraux, sociaux et

économiques. Il en est ainsi de ces quelques exemples parmi d’autres :

« En vérité, la prière préserve de la turpitude et du blâmable»1;

«Prélève de leurs biens une aumône (zakât) par laquelle tu les purifies

et les bénis »2; « Fais une annonce pour le pèlerinage. Ils viendront

vers toi, à pied, et aussi sur toute monture, venant de tout chemin

éloigné pour participer aux avantages qui leur ont été accordés et

pour invoquer le nom de Dieu aux jours fixés»3; «Le diable veut jeter

parmi vous, à travers le vin et le jeu de hasard, l’inimité et la haine et

vous détourner d’invoquer de Dieu et de la prière »4.

En dépit de toutes ces considérations, ceux qui se réclament

pourtant de l’Islâm abordent le Coran de différentes manières.

Certains affirment croire au Coran et, de ce fait, se conforment

à ses prescriptions mais seulement en certains domaines. Ainsi, ils

acceptent ses données du point de vue des « ‘aqâyid », (des dogmes)

des «‘ibadât » (des pratiques culturelles) et « al-akhlâq » (la morale),

1. s.29, v. 45 - 2. s.9, v. 103 - 3. s.22, v. 27 et 28 - 4.s.5, v. 91.

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mais refusent de s’y soumettre en matières législatives, économiques,

politiques et autres. D’autres, par contre, admettent son aspect législatif,

mais ils le limitent à la famille et au statut personnel. Dès lors, ils ne lui

accordent aucune importance dans l’édification de la société avec tout

ce qu’elle comporte en pouvoir politique, économique et, encore moins

en relations internationales. Telle est la méthode adoptée par le Coran

et telle est la voie qu’il a tracée : la relation indestructible entre tous les

phénomènes de la vie. Du moment qu’il existe une corrélation entre

les divers objets de la matérialité et de la spiritualité de l’existence,

il s’ensuit que les données de toute sa législation s’interfèrent, se

coordonnent et s’harmonisent. C’est ainsi que Dieu révèle : «Qu’y a-t-il

de meilleur que Dieu, en matière de jugement, pour des gens qui ont

une foi ferme ?». Il en résulte que le vrai croyant est celui qui croit

sans restriction aux prescriptions du Coran et les met en application :

«Ce sont ceux-là qui triompheront», dit le Coran qui précise : «Il

n’appartient pas à un croyant ou à une croyante, une fois que Dieu et

Son Messager ont décidé d’une chose d’avoir encore le choix dans leur

façon d’agir»1.Quant aux autres, Dieu dit à leur sujet : «Ceux-là sont

des injustes»2.

Charî’a et liberté de réflexion.

Il est impensable que le Créateur puisse dans ces conditions,

avilir Sa créature humaine au point d'en faire une mécanique

répondant à des ordres, sans qu'elle ait elle-même une faculté de

raisonnement et un pouvoir de décisions adaptées à ses besoins.

La dignité confiée à l'homme date du moment même de sa

création, lorsque Dieu ordonna aux anges de se prosterner

devant les valeurs intellectuelles qu'Il lui a inculquées, dès

lors qu'Il lui a appris les noms de toutes les choses et devant

les valeurs morales dont Il l'a doté.

Cette prosternation est un acte qui témoigne de sa dignité et de

son honneur. Comment donc un être devant lequel des anges

s'inclinent pourrait-il à son tour courber l’échine devant des

préceptes dont il ne comprendrait ni la teneur no le sens de leur

1. s.33, v. 36 - 2. s.5, v. 45

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l'échine devant des préceptes dont il ne comprendrait ni la

teneur ni le sens de leur orientation ? Comment peut-il se

conduire comme un animal guidé par son seul instinct ? Le

Coran précise : « Ils ont des cœurs, mais ne comprennent pas.

Ils ont des yeux, mais ne voient pas. Ils ont des oreilles, mais

n'entendent pas. Ceux-là sont comme les bestiaux, même plus

égarés qu'eux »1.

Ainsi, les orientations, que l'homme se fixe, dépendent de la

manière dont il se sert de ses facultés intellectuelles. Il lui

appartient de se hisser au niveau du genre humain et de garder sa

dignité et son honneur ou au contraire de s'abandonner à ses élans

imprévisibles et sombrer dans l'avilissement. Il aura beau être

connu pour sa culture immense, sa richesse colossale ou même

pour les deux à la fois, mais il sera toutefois dépourvu de moyens

affectifs et du sens de l'initiative temporelle, fondés sur les valeurs

morales. Il se complaira alors inconsciemment dans le discrédit car

c'est au fond de lui-même que la dépréciation s'installe et s'enracine

définitivement. En effet, dans ses relations sociales, il lui manquera

le sentiment de la fraternité universelle qui l’encourage à s'associer

aux joies de son semblable et à manifester sa tristesse devant les

malheurs de son prochain. Examiné sous cet angle, le Coran nous

offre cette très belle image qui est plus significative qu'un long

discours : « L'un de vous aimerait-il manger la chair de son frère

mort ? Vous en aurez horreur »2.

L'Islâm ne crée donc pas des automatismes chez l'homme.

Certes, celui-ci inscrit son activité dans un cadre social et évolue

dans une société. Il obéit même à des commandements divins Cette

situation ne l'empêche pas d'être lui-même, d'exercer son intelligence

et ses facultés intellectuelles, de manifester son indépendance de

réflexion et de jugement et de conserver ainsi sa personnalité

particulière qui le distingue des autres membres de la collectivité. Il

n'est pas l'instrument docile d'une force intérieure incontrôlable ou

même nécessairement d'une pression sociale du moment qu'il garde

1. s.7, v. 179 - 2. s.49, v.12.

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la liberté d'analyser, de comparer et de choisir. C'est dire que son

obéissance aux prescriptions divines ne résulte pas d'une

soumission irraisonnée et d'un conformisme irréfléchi.

En effet, le Coran exige de lui de contrôler ses instincts,

de maîtriser ses actes spontanés, de lutter contre ses passions

désordonnées. Il dit : « Celui qui craint de comparaître

devant son Seigneur et préserve son âme de la passion »1. Il

lui ordonne le discernement et le refus du suivisme aveugle.

"Ne suis pas la passion, sinon elle t'égarera du sentier de

Dieu »2- « Ne suivez pas les passions afin de ne pas dévier de

la justice »3- « Ils disent : Nous avons trouvé nos ancêtres sur

une religion et nous sommes sur leurs traces »4. Il ajoute :

« Ils disent : Non, mais nous suivons les coutumes de nos

ancêtres » - Quoi ! et si leurs ancêtres n'avaient pas raisonné

et s'ils n'avaient pas été dans la bonne direction ?5.

Le Coran ne tait pas certaines questions par omission. C'est

délibérément que Dieu ne révèle pas de solutions à leur sujet.

Il a voulu, par miséricorde, laisser le soin à Ses créatures une

certaine liberté de réflexion et d'action. A ce sujet, le Coran

dit aux versets 101/102 de la sourate 5 ce qui suit : « Ô vous

qui croyez ! Ne posez pas de questions à propos de choses qui

vous nuiraient si on vous les faisait connaître ; mais si vous posez

des questions à leur sujet alors que le Coran est révélé, on vous

les fera connaître. Dieu pardonne cela, car Dieu est Celui qui

pardonne. Il est le Miséricordieux. Des gens avant vous avaient

posé de telles questions, puis mécru à propos d'elles ». Pour sa

part, le Prophète blâma ceux qui, par leurs questions incessantes

et les réponses apportées, mettaient dans la gêne les autres à

cause des interdictions qui s'en suivaient : « La plus grande faute

d'un musulman envers les musulmans est celle de l'homme dont la

question importune a causé l'interdiction de ce qui serait resté

permis s'il ne l'avait pas posée ».

1. s.79, v.40 - 2. s.38, v.26 - 3. s.4, v.135 - 4. s.43, v. 22 et 23 - 5. s.2, v.170.

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Le philosophe pakistanais Muhammad Iqbâl résume ces idées

et en donne la raison1 : « De même que l'Islam décourageait les

pratiques rigoureuses, comme la vie monacale, il interdit aussi les

questions portant sur les détails de nombreux points qui nécessiteraient

que telle ou telle pratique devienne obligatoire et une grande liberté fut

laissée au jugement individuel ou aux contingences du moment et du

lieu. L’exercice du jugement joue un rôle très important en Islâm et

cela laisse une grande liberté aux différentes nations et communautés

pour établir des lois en fonction des situations nouvelles et des

changements».

Il s’ensuit que sous l’impulsion du Coran et de la Sunna, la

pensée humaine à la faculté de remettre en cause une construction

juridique pour lui substituer une autre. Elle se doit donc de rechercher

des solutions aux situations qui se manifestent à la suite des

incessantes mutations de la société et du changement des mentalités

qui s’opèrent en même temps. C’est à juste titre qu’Iqbal écrit :

«Quant au canevas de principes juridiques contenu dans le Coran, il

est parfaitement clair que loin de ne laisser aucune latitude à la

pensée humaine et à l’activité législative, la nature extrêmement

vague de ces principes fait plutôt en pratique stimuler l’activité

intellectuelle humaine ».

Ainsi, ce que l'intelligence humaine a produit, une autre peut

aussi bien l'abroger et le remplacer par une nouvelle règle juridique

plus appropriée et plus conforme. Cela relève de l'ijtihâd dont

l'objet n'est pas de moderniser la charî'a, selon l'expression courante

dans certains milieux, mais d'actualiser son application. C'est dire

qu'à notre époque, il est à la portée du juriste versé dans les

questions coraniques et la tradition prophétique, sans être pour

autant un homme de religion, de modifier, d'améliorer, voire de

changer complètement une ancienne norme et de lui substituer une

règle juridique adaptée aux exigences du temps et aux besoins de la

société.

1. Mohammad Iqbâl, Reconstruire la pensée religieuse de l’Islâm, édit.

Adrien-Maisonneuve

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Cela est faisable car le Coran est une synthèse des diverses

aptitudes des hommes, entièrement fondée sur le même critère,

celui de la piété. A cet effet, il se montre certes stable, ferme,

décisif et tranchant dans ses préceptes. En soumettant les croyants

à une morale et à une discipline rigoureuse, il n'envisage pas moins

la concrétisation d'idéaux communs à tout le genre humain, tant du

point de vue de la morale individuelle et familiale que de la morale

sociale et de l'Etat.

Cette discipline, qualifiée par certains d'autoritarisme, n'a

rien d'étonnant puisque le droit positif lui-même, pour éviter le

désordre et l'anarchie des passions, impose un cadre de lois

coercitives que les citoyens de l'Etat se doivent de respecter sans

quoi ils risquent d'être verbalisés, voire condamnés à des peines

plus graves. Il n'en reste pas moins qu'au même moment, dans ses

applications inhérentes aux pratiques cultuelles et aux relations

humaines, l'Islâm se caractérise également par son réalisme et

donc par ses ouvertures aux initiatives et aux appréciations

humaines aussi réfléchies que judicieuses, ce qui le revêt d'un

caractère libéral, rationnel et progressiste.

Ainsi, chaque catégorie d'individus, du croyant ordinaire au

mystique, sans faillir aux principes stables et immuables et aux

axes dynamiques du mouvement, trouve ce qui correspond le

mieux à sa nature et à son tempérament, à sa condition physique et

morale, à sa force de caractère et à son degré de détermination.

C'est que le Coran prend en compte les réalités concrètes et n'exige

pas de l'homme plus qu'il ne peut supporter. En cela, ses interdits et

ses commandements n'enfreignent pas les lois naturelles de

l'existence. Mais, l'Islâm comporte un ensemble d'obligations pour

tous, d'où la nécessité de l'obéissance. Là également, il ne fait pas

exception à la règle universelle puisque la mise en pratique de toute

doctrine, quant à son essence et à sa substance, comporte des

obligations sans lesquelles l'anarchie s'instaurerait et sa finalité ne

pourrait être concrétisée.

Ainsi, la religion comporte l'obligation de correspondre les actes

à la charî'a et, par la même occasion, la nécessité de réfléchir, de

raisonner et de prendre des initiatives à la mesure des changements qui

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s'opèrent dans nos sociétés. C'est dire que l'Islâm accorde aux facultés

évolutives de l'homme un pouvoir permanent de décision qui le

distingue des autres créatures de Dieu. Il n'y a rien de surprenant

puisque dans les Etats où la religion est exclue de la politique,

l'homme est tenu par les impératifs de la constitution en vigueur, c'est-

à-dire d'un cadre législatif qu'il ne peut pas transgresser. Certes, dirons-

nous, les constitutions démocratiques changent au gré de la volonté

humaine. Il n'en reste pas moins vrai que si les mots et les expressions

se nuancent, le fond demeure le même : esprit de liberté, de justice

et d'égalité avec, souvent, la morale en moins dans les applications.

Dans l'un et l'autre cas, le développement est orienté dans le sens de la

satisfaction des besoins avec cette différence que le laïc, quand il n'est

pas athée, se souvient de Dieu par intermittence, tandis que le

musulman croyant, bien sûr, a constamment ancré dans son esprit

l'idée de Dieu Omniprésent et dans ses actes celle du sacré. C'est alors

que chacune de ses œuvres est dictée par ce que l'Islâm appelle al-

hayâ qui est un mélange de pudeur et de crainte de mal faire. Et

comme le dit l'Envoyé de Dieu, ce qui distingue l'Islam des autres

religions, c'est précisément cette réserve fortement empreinte de

crainte révérencielle.

Introduction au colloque international du HCI

( 24-26 mars 2008)

La jeunesse entre authenticité et actualité

Dr. Bouamrane Chikh*

La crise que vit une grande partie de la jeunesse de notre pays

plonge ses racines dans de multiples causes, généralement imbriquées,

intéressant les aspects éducatifs, culturels, économiques et sociaux de

la vie. Beaucoup de nos jeunes éprouvent aujourd’hui un réel malaise,

car ils s’estiment marginalisés. Les difficultés socio-économiques

auxquelles ils sont confrontés et qu’ils ne parviennent pas à surmonter

*. Président du H.C.I.

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et le désespoir que cela engendre sont souvent à l’origine de rupture

avec leur environnement social, voire familial, rupture qui se traduit,

soit par le désir d’exil à tout prix vers des cieux regardés, plutôt à tort,

comme plus cléments, soit par le désir d’échapper aux problèmes

quotidiens en se réfugiant dans le monde virtuel des hallucinogènes

qui les happe sans merci, soit au pire par le renoncement à toute forme

de lutte pour la survie les menant à mettre un terme brutal et

prématuré à leur vie.

Le système éducatif.

Tout d’abord, malgré les efforts consentis par l’Etat

depuis des décennies le système éducatif n’est pas parvenu à

atteindre véritablement les objectifs fixés. La déperdition

scolaire est importante à tous les paliers du système scolaire,

concernant un tiers des jeunes de 6 à 24 ans1 et près d’un tiers

des élèves retombent dans l’analphabétisme. Les résultats

médiocres obtenus relèvent autant de raisons pédagogiques

privilégiant une tête bien pleine sur une tête bien faite que de

raisons liées au statut de l’enseignant dont l’image s’est

fortement et progressivement dépréciée à tous les niveaux de

l’enseignement général (primaire, secondaire et supérieur).

Bien que la scolarisation soit obligatoire pour tous les

enfants jusqu’à l’âge de 16 ans, le nombre d’enfants n’ayant

jamais été scolarisés n’est pas négligeable : en 2005, le taux

brut de scolarisation avoisinait les 65% tombant même à

moins de 39% pour le cycle secondaire1.

La faiblesse de la qualité et du rendement du système

éducatif a été maintes fois soulignée et résulte « pour l’essentiel

d’un taux d’encadrement en régression dans le moyen et le

secondaire » du fait de l’inadéquation entre les effectifs des

élèves, en augmentation, et ceux des enseignants, en baisse2.

Une proportion encore très insuffisante de nos jeunes accède à

l’Université (21,8% en 2005)3 où leur avenir est encore compromis par

1. Rapport national sur le développement humain, Algérie 2006, p.35.

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nombre de dysfonctionnements tant au plan de la gestion qu’aux plans

matériel et pédagogique, essentiellement « la faiblesse du taux et de la

qualité de l’encadrement pédagogique, détérioration des conditions de

travail des enseignants »4, de même que la formation universitaire est

en complète dissociation avec les secteurs économiques, de sorte que les

jeunes diplômés n’ont que peu de chances de trouver leur place dans les

différents secteurs d’activité : les diplômés du supérieur ne représentent

que 11% de la population occupée, mais près de 17% des chômeurs5.

En outre, la formation professionnelle constitue un faible

palliatif à l’échec scolaire car l’offre, en termes quantitatifs, dans ce

secteur est encore très en deçà de la très forte demande, de sorte

que la majorité des exclus du système scolaire se trouvent livrés à la

rue et à toutes les dérives auxquelles elle expose ; en outre, les

diplômés de ce secteur trouvent de « grandes difficultés d’insertion

dans la vie active en raison, entre autres, de la faible adéquation

formation – emploi » ainsi que du « faible niveau de qualification

des formateurs »6.

Faute d’associer de manière effective et d’être à l’écoute

de l’ensemble des partenaires concernés (Etat, corps enseignant,

associations de parents d’élèves, représentations estudiantines,

secteurs utilisateurs), les réformes successives du système éducatif

n’ont pas été en mesure d’apporter les véritables solutions aux

problèmes posés.

Sur le plan culturel.

Les jeunes sont les plus exposés aux différentes formes

d’agression culturelle que notre société subit du fait de la multiplication

des moyens de communication. L’entreprise de déculturation entamée

durant la période coloniale a laissé des traces persistantes encore

perceptibles aujourd’hui. Cela explique que de nombreux jeunes

s’interrogent sur leur identité et se trouvent de ce fait fragilisés et

victimes des mirages qu’ils se construisent.

1. Idem, p.26 - 2. Idem, p.27 - 3. Idem, p.27 - 4. Idem, p.28 - 5. Idem, p.59 - 6 . Idem, p.27.

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Le bouleversement de l’échelle des valeurs privilégiant les

aspects matériels de la vie aux dépens de moyens d’épanouissement

plus nobles et comptant plus sur d’éventuels appuis que sur le mérite

individuel ont conduit une majorité de jeunes à ériger le bien-être,

voire le confort matériel en but ultime, les poussant par voie de

conséquence au désespoir, en cas d’échec de cette quête.

Il est indispensable de réinsérer nos jeunes dans leurs

valeurs de culture, de civilisation et de spiritualité, d’abord en

accordant une place plus importante à l’éducation morale et

religieuse dans le système scolaire et universitaire et dans les

divers moyens de communication, selon des méthodes actives

actuelles, de manière à mettre l’accent sur les valeurs de probité,

de dévouement, de solidarité, à partir de programmes élaborés par

des spécialistes de la culture islamique authentique. Nos jeunes,

une fois imprégnés de leurs valeurs propres, pourront tirer profit

de l’ouverture à d’autres valeurs.

L’enseignement de notre histoire constitue le second pilier de

cette formation. Elle contribue à forger la personnalité de nos jeunes,

leur donnant conscience qu’ils appartiennent à une nation qui a une

longue histoire, jalonnée de hauts faits et portant la marque de

personnages illustres.

Sur le plan économique.

Les difficultés de ce secteur se répercutent d’abord sur la

population des jeunes arrivant sur le marché du travail. La faiblesse

du tissu économique1 pourvoyeur d’emplois, les lourdeurs

administratives et bancaires, la faible technicité d’une grande partie

des personnels, sont responsables des performances généralement

médiocres des entreprises et ont pour corollaire un taux de chômage

élevé et endémique touchant autant les jeunes sans formation ou

1. Idem, p.61 : « le secteur industriel public connaît, dans l’ensemble, une

dégradation progressive de ses performances reflétée par le taux moyen

d’utilisation des capacités qui passe de 70% en 1984 à 40% en 2000 ». 2. Idem, p.37 - 3. Idem, p.57 - 4. Idem, p.17.

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ayant une formation sommaire que les diplômés souvent même dans

des spécialités dont le pays a grandement besoin. Sans compter

qu’en raison de leur faible attractivité en termes de rémunération

et d’opportunités de perfectionnement, beaucoup d’entreprises

enregistrent une déperdition de leurs éléments les plus performants,

contribuant ainsi à aggraver la médiocrité des rendements qui les

caractérisent.

Les réformes économiques, entamées dans le cadre du

« programme d’ajustement structurel », ont eu pour effet « une

baisse du niveau de l’emploi et du pouvoir d’achat »2 induisant

chômage (27% de la population active en 2001 et plus de 30%

pour les jeunes de moins de 25 ans)3 et pauvreté (particulièrement

dans les zones rurales).

Ainsi que le soulignent les experts4, « la pauvreté signifie la

négation des opportunités et perspectives fondamentales sur lesquelles

repose tout développement humain ». En 1991, dans son rapport

mondial sur le développement humain, le PNUD relevait que « ce qui

entrave le plus le développement humain, c’est le manque de revenus ».

Les réformes économiques doivent tendre à permettre la

création d’entreprises productives et compétitives capables d’assurer

un niveau de vie décent aux citoyens et d’ouvrir la voie à l’innovation,

seuls moyens d’être non pas des spectateurs passifs, mais des acteurs

actifs dans l’économie mondiale.

Sur le plan social.

Les multiples difficultés sont une conséquence et une cause

aggravante des problèmes éducatifs et économiques. La crise du

logement – dont la chronicité, malgré les efforts consentis par l’Etat,

se traduit par une spéculation effrénée dans ce domaine et l’envolée

persistante des prix des habitations, y compris les plus modestes,

associée au chômage ou à l’insuffisance de revenus1 de beaucoup de

jeunes exerçant une activité, est à l’origine du net recul de l’âge du

1 . Idem, p.32 : « le salaire moyen réel, tous secteurs confondus, a baissé

de 20% entre 1989 et 2004 ».

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mariage dans les deux sexes1 et, à l’extrême, d’un phénomène très

préoccupant, le célibat forcé prolongé ou définitif: les statistiques

révèlent que le nombre de célibataires est en augmentation. L’espoir

de fonder une famille diminue avec l’âge, particulièrement chez les

jeunes filles. Cela conduit à de graves dérives morales, voire à des

actes relevant de la justice pénale.

Le niveau de pauvreté rapporté par les institutions officielles

nationales et internationales constitue un élément également préoccupant.

Cette pauvreté est la conséquence du sous-emploi, de la faible qualification

et des dysfonctionnements au niveau de l’administration ou de la gestion ;

elle freine à son tour les efforts dans les domaines de l’éducation et de la

formation, ce qui crée un cercle vicieux difficile à rompre.

Le secteur de la santé, autre indicateur du développement à côté

de l’éducation et de l’emploi, a bénéficié d’importants investissements

de l’Etat et a enregistré des résultats incontestables, mais il demeure

malheureusement encore en deçà de la demande tant en termes de

couverture sanitaire qu’en termes de qualité de soins et de suivi.

La conséquence de ces nombreuses entraves à une vie décente

conduisent une proportion non négligeable de nos jeunes à choisir des

issues mettant leur vie en péril à court ou à long terme : le suicide

constitue la forme extrême de démission devant les difficultés de la

vie ; une étude portant sur 1263 cas enregistrés entre 1995 et 2003 à

travers 14 wilayas du pays et publiée dans un quotidien national2

rapporte que la majorité des cas concernent des personnes dans la

tranche d’âge 20-40ans, que 11% étaient des cadres de l’Etat, 10%

étudiants, 68% sans emploi et 64% issus des grandes villes ; enfin le

suicide frappe davantage le sexe masculin.

1. Idem, p.22 : Dans le sexe féminin, l’âge au premier mariage est passé

de 27,6 ans en 1998 à 29,6 ans en 2002. 2 . Quotidien Al-Chouroûq, 14-11-2007, p.19, Rapport à l’occasion du

Colloque sur les maladies psychiques, novembre 2007.

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La jeunesse entre l’authenticité

et le monde actuel

Pr. Christian Valantin*

La jeunesse algérienne vit, à l’instar de la communauté internationale,

spécialement d’Afrique, une phase capitale de son histoire. La mondialisation

ébranle le statu quo par de terribles bouleversements dans l’ordre économique,

social, culturel, politique. Dans le même temps, des économies retardataires,

des intégrismes religieux, la poussée de la jeunesse rendent plus difficiles

des situations déjà fort compliquées. Le monde est en mutation et l’Algérie

et sa jeunesse ne resteront pas étrangères à ces changements.

1 – La situation de la jeunesse algérienne.

On évalue la population algérienne à 33 300 000 habitants dont

48, 27 % représentent les moins de 20 ans1. En 32 ans, de 1966 à 1998,

le nombre de personnes en âge de travailler (20-59 ans) est passé de 36

% à 45 % et le marché du travail ne peut toujours pas absorber le stock

de chômeurs et la demande annuelle d’emplois qui vient s’y ajouter.

Comme en Afrique, la situation des jeunes s’est dégradée en

Algérie ; en cause, les politiques d’ajustement structurel qui ont lourdement

amoindri les crédits qui étaient indispensables dans les secteurs de

l’éducation et de la santé. Or ce qui intéresse les jeunes, c’est une éducation

de qualité susceptible de les faire accéder à l’emploi et à une série

d’activités qui fassent appel à leur sens des responsabilité : possibilité

d’expression civique et culturelle, participation démocratique à la vie

locale et nationale. L’Algérie n’échappe pas au chômage des jeunes ;

c’est un danger.

La vulnérabilité de la jeunesse algérienne est en partie amplifiée par

la position toute particulière qu’elle occupe au sein d’une société en crise.

Les jeunes ne voient pas la réalisation des politiques qui les concernent et

qui sont à long terme. L’éclatement de la famille, la perte des repères

* . Ecrivain, Membre du conseil de la francophonie. 1 . Recensement général de la population de 1998.

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identitaires, le mal-vivre, les blessures physiques et morales du terrorisme

interpellent toute la société : comment s’adapter sans se renier, comment

devenir autonome dans le respect de la liberté et de l’évolution de l’autre ?

Comment maîtriser le progrès et le développement durable ? Comment

parvenir à un équilibre social ? Comment relever le défi des technologies

de l’information et de la communication ? Comment redonner du rêve et de

l’espoir à la jeunesse ? Comment répondre à ce besoin l’idéal et de valeurs

qui est le propre des jeunes ? Que choisir entre les différentes sources

(famille, école, religion, médias, organisation sportives et culturelles, partis

politiques) souvent convergentes, mais parfois contradictoires.

Entre l’universel et le particulier, une forte tension s’installe : les

effets de la mondialisation sont irréversibles dans maints domaines alors

que les particularismes s’accentuent. Enracinement et ouverture, disait

Léopold Sédar Senghor, premier Président de la République du Sénégal ; le

meilleur moyen pour un individu de s’ouvrir aux autres c’est de s’enraciner

d’abord dans son propre environnement, dans sa propre culture et de

greffer sur elle les apports extérieurs qui le conduiront à l’universel. C’est

ce qui l’a poussé à revendiquer la création de la francophonie et ramasser la

langue française « dans les décombres de la colonisation », pour emprunter

à Kateb Yacine cette expression haute en couleur : le français, leur pensée

et leur culture en l’assimilant sans être assimilés, le français parce que c’est

une langue mondiale et qu’elle nous ouvre sur l’extérieur. La francophonie,

porte ouverte sur l’universel. Il s’ensuit dès lors que les tensions entre le

local et le global s’estompent et que la mondialisation peut se vivre et

s’accepter sans complexe, à condition qu’elle soit humaine et qu’elle

n’éloigne pas l’humain de ses racines.

2 – La jeunesse algérienne et son présent.

Priorité des priorités : l’emploi.

Avant de penser à leur avenir, les jeunes se préoccupent de leur

présent. De multiples activités peuvent être envisagées dans la culture, dans

l’audiovisuel, dans le cinéma, dans les industries culturelles qui produisent

de la richesse et créent des emplois. Ces secteurs d’activités génèrent de

nombreux métiers qui nécessitent une formation. Ces formations existent ;

certaines sont courtes, d’autres sont longues. Le tourisme et l’artisanat sont

aussi des secteurs pourvoyeurs d’emplois et créateurs de richesses.

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L’éducation est un des piliers du développement durable. Il faut

scolariser aussi bien chez les garçons que chez les filles et réduire les

dysfonctionnements (redoublements, abandons). L’école fondamentale

ne parvenant pas à faire parvenir une grande proportion d’élèves jusqu’en

fin du cursus scolaire, les programmes scolaires ne conduisant pas

toujours les jeunes aux attentes du marché du travail, le recours à des

alternatives comme l’apprentissage non scolaire, l’éducation permanente,

l’enseignement à distance, l’apprentissage en ligne et la formation sur le

terrain offre des solutions. En la matière, le programme des Nations

unies Education pour tous (EPT) qui tarde à atteindre ses objectifs prévus

pour 2015 devrait être réellement pris en compte. L’alphabétisation

constitue le fondamental de l’éducation. Et l’alphabétisation des tout jeunes

ne doit pas faire oublier celle des jeunes adultes déscolarisés en demande

constante d’insertion sociale : une alphabétisation professionalisante peut

leur être réservée ; elle donne un métier tout en réactualisant quelques

notions apprises à l’école, mais oubliées alors qu’elles sont indispensables

dans la vie.

Religion et culture. Senghor, encore lui, affirmait qu’en Afrique « la

religion est la sève des civilisations », une donnée fondamentale en

Algérie, l’Islâm est la religion d’Etat. C’est le fondement de son identité ;

l’Algérie est une République démocratique : les partis politiques y sont

nombreux. La liberté religieuse y est respectée : les religions chrétiennes

(protestants évangéliques et catholiques) y sont présentes, ainsi qu’une

une petite communauté juive. L’autonomie de la sphère religieuse est

cependant toute relative : le prosélytisme y est interdit, les imams, prêtres

et rabbins sont rémunérés par l’Etat et l’autorité religieuse est obligée de

demander l’autorisation de prêcher.. Et pourtant, d’autres Etats de par le

monde (Angleterre, Danemark par exemple) sont à religion d’Etat :

aucune restriction n’est imposée à aucune religion. Certes après les

attentats terroristes de 2006, le gouvernement britannique à réagi contre

l’Islâm politique ; ces réactions ne touchaient pas l’Islâm en tant que

religion. L’Algérie s’est trouvée dans une situation à peu près semblable.

Mais le contexte n’était pas le même.

C’est à partir de 1988 qu’est apparu en Algérie l’Islâm politique, le

religieux s’étant mêlé au politique. Si militairement les islamistes n’ont pas

gagné, les idées et les hommes issus des terroristes pénètrent progressivement

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les esprits, s’installent au cœur de la société, s’approprient les revendications

nationalistes et identitaires, ajoutant à la confusion créée par les bouleversements

issus de la mondialisation. Avec en prime que toute intégration des islamistes au

système de représentation n’est possible que s’ils jouent le jeu de la démocratie.

Dans le doute, la porte reste fermée à toute évolution possible. Cette situation

trouble les esprits qui se sentent peu à peu privés de leur liberté de penser,

embrigadés dans une culture de chantage à quiconque ne respecte pas les idées

totalitaires de la mouvance islamiste.

La laïcité proclamée ou pas offre peut-être des solutions, pas la

laïcité française qui s’est construite dans d’autres circonstances et dans

un certain contexte, mais une politique qui reconnaît aux religions,

même aux plus modestes, la capacité de penser, d’exprimer leur pensée,

de l’enseigner, tout en sachant que cette liberté consentie ne doit pas être

déviée de ses objectifs premiers1, la culture de la paix, celle de la

tolérance et du respect des droits de l’homme et de la femme2. Dans ce

cadre, l’Etat se voit assigner un rôle visant à assurer l‘égalité entre toutes

les religions et non à leur imposer un programme tout fait. L’ouverture

vers l’extérieur renforcera cette volonté de vivre ensemble que la

mondialisation impose.

3 – La jeunesse algérienne et son avenir.

Les Algériens se rendent bien compte que le dialogue interreligieux

se développe dans le monde et que les musulmans de ce pays en font partie,

que les trois religions monothéistes discutent et s’entendent sur tout ce qui

relève de la culture, de la tolérance et de la paix dans le monde, qu’elles

vivent ensemble et non plus séparément. Plus rien de ce qui se passe sur

cette terre ne leur est étranger : la mondialisation, la lutte contre la pauvreté,

le réchauffement climatique ... La religion bien comprise peut donner du

sens à la vie, peut aider les familles à donner des règles de vie à leurs

enfants, peut contribuer à leur éducation.

L’Etat algérien, dans son rôle, peut faire évoluer le statut de la femme

algérienne qui a prouvé son patriotisme, ses compétences, sa sensibilité particulière,

son savoir-faire dans bien des domaines. Au Sénégal, pays musulman à 90%,

1. Senghor, Ni athéisme, ni propagande antireligieuse. 2. Même vis à vis des incroyants.

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les femmes occupent une position déterminante. De nombreux exemples le

prouvent : plusieurs femmes ont été ou sont ministres, députées, maires et membres

de conseils municipaux et ruraux, hauts fonctionnaires, chefs d’entreprises,

animatrices de diverses associations. La parité hommes / femmes progresse. Ce

sont les femmes qui défendent le plus et le mieux la laïcité, puisque la République

sénégalaise est constitutionnellement laïque. Le Code de la famille, qui est une loi

adoptée en 1971, les favorise. L’Etat sénégalais a toujours soutenu l’émancipation

des femmes.

Toute politique concernant les jeunes ne peut être prise, sans

qu’ils soient associés démocratiquement à son élaboration et à la

décision de la mettre en œuvre, sans que l’opinion de la jeunesse soit

bien comprise, sans que le contexte dans lequel elle doive prendre corps

le permette. Des conseils et autres assemblées de proximité se réuniront

dans lesquels les jeunes et leurs associations, élus par leur base, auront

la première place. Les jeunes auront alors le sentiment qu’ils auront

construit leur pays et l’avenir de ceux qui viendront après eux, sans

renier leur passé et leur histoire, mais en prenant en compte le meilleur

dans les changements du monde.

Grandes figures :

Al-Maqdissi : l’homme et l’œuvre Pr. Chérif Kassar

D’une famille originaire de Jérusalem (Bayt al-Maqdis),

Al-Buchcharij Al-Maqdissi ne nous est connu que par les

maigres indications qu’il nous donne sur lui-même dans son

ouvrage intitulé Ahsan al-taqâssîm fi marifati al-aqâlîm (la

meilleure division pour connaître les régions du monde). Il est

étonnant de constater que cet écrivain qui a fréquenté les oulamâ,

les magistrats, qui a été au service des rois, n’ait pas été signalé par

les auteurs contemporains ou postérieurs, à l’exception de Yaqût

qui, dans son Mujam al-buldân (le dictionnaire des pays), le classe

parmi les géographes musulmans dont il critique les écrits.

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Nous ignorons la date exacte de sa naissance. Il nous apprend qu’il

a achevé son ouvrage à l’âge de quarante ans, soit en l’année 375 de

l’hégire. La date de sa naissance se situerait alors vers l’année 335 de

l’Hégire, soit au début du règne du Calife Al-Muti’ qu’il cite dans

l’énumération des Califes abbassides. Il s’arrête dans cette énumération,

au Calife Taï’ qui a régné de 363 à 381. Quant à la date de sa mort, elle se

situerait entre les années 375 et 381 de l’Hégire. Il mourut ainsi jeune, ce

qui ne l’empêcha pas de parcourir le monde musulman et de connaître sa

civilisation dans toutes ses composantes. Il fut contemporain des

Abbassides à Bagdad, des Ikhchchidites, des Fatimides en Syrie, en

Egypte et au Maghreb.

Il nous apprend qu’il reçut une formation à la fois juridique et

littéraire très solide, qu’il fréquenta savants, magistrats, ascètes …,

qu’il fut au service des rois. Ce qui lui permit, à coup sûr, de

connaître l’homme et le monde dans leur vivante complexité. Par

ailleurs, il nous apprend qu’il était de rite hanafite, contrairement à

ses contemporains et qu’il n’entendait nullement l’abandonner pour

adopter le leur. En outre, il nourrissait des sentiments pro-fatimides,

au contraire des ses compatriotes qui étaient pro-omayyades.

Dès son jeune âge, il formait, à l’en croire, un projet de

« faire quelque chose, dit-il, qui puisse rappeler mon nom,

être utile aux créatures et plaire à Dieu ». Il crut bon de

rédiger un ouvrage sur le monde musulman à l’époque. Il ne

voulait nullement reproduire et copier les devanciers, mais au

contraire, fonder son ouvrage d’abord sur l’observation

personnelle et l’expérience directe. Il se mit donc à voyager.

Nous ignorons l’itinéraire qu’il suivit, mais nous savons

qu’il parcourut et visita tous les pays musulmans, de l’Est à

l’Ouest, de Constantinople au Sud de la presqu’île arabique,

région par région, province par province, à l’exception de

l’Andalousie. Ces voyages étaient de véritables expéditions,

grâce à l’esprit de tolérance qui l’animait et à la patience dont

il ne s’était jamais départi, Al-Maqdissi vint à bout de toutes

les difficultés.

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Comment a-t-il construit cet ouvrage ? Quelles ont été ses

sources ? Quelle a été sa méthode ? Autant de questions auxquelles

répond Maqdissi. Après avoir délimité son sujet, dans l’espace, il s’agira

du monde musulman seulement, il s’efforça d’éviter les erreurs ou les

défaillances et insuffisances de ses prédécesseurs. « sache, dit-il, que

quelques gens de science et visirs ont composé sur ce sujet des

ouvrages, mais que leurs œuvres présentent des défaillances ; car, la

majeure partie et même la totalité, de ce qu’ils rapportent ne leur était

connue que par oui-dire. Je n’ai pas laissé une région où je n’aie

pénétré, ni rien que je n’aie appris par moi-même, sans oublier en

même temps d’examiner, d’interroger, d’observer, de fouiller

bibliothèques et livres, de consulter les maîtres de la science et de

l’éducation. Mon ouvrage a, ainsi, été composé en partant de trois

éléments : ce que j’ai vu de mes yeux, ce que j’ai entendu dire et ce que

j’ai trouvé consigné dans les livres consacrés à mon sujet et à d’autres

encore. Il n’est resté aucune bibliothèque de roi que je n’aie lue, aucune

doctrine religieuse ayant des adeptes dont je n’aie été informé, aucun

ascète, avec lequel je ne ne sois entré en rapport, si bien que je fus à

même de réaliser correctement le projet que j’avais formé »1. Notre

auteur a réalisé correctement son projet. Il est curieux de constater que

Maqdissi qui cite ses devanciers et les critiques n’ait mentionné ni

Istakhri ni Ibn Hawqal.

L’ouvrage de notre auteur s’ouvre par une longue

introduction touffue où se mêlent des considérations de tous

ordres (géographie physique, travaux des devanciers, écoles

juridiques, terminologie etc …). Puis, suit une première partie

où sont traitées les provinces arabes ou arabisées : Arabie,

Irâq, Haute Mésopotamie, Syrie, Egypte, Maghreb. Quant à

la deuxième partie, elle est consacrée aux provinces persanes

et non arabes de l’Est.

Chaque province fait l’objet d’un chapitre spécial plus ou

moins long, conçu selon un plan identique : généralités sur la

province, description des villes et de districts qui en dépendent,

des renseignements sur les doctrines religieuses, les monnaies,

1. Ahsan al-taqâssîm, B.G.A. III Leyde, 1906, pp. 8-9.

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les curiosités, les impôts…L’activité économique y tient donc

une place de choix.

Ainsi, si le but de notre auteur, dans sa vie, est de rédiger un

ouvrage qui serait utile aux hommes, ce but a été atteint. Cette

œuvre non seulement jette la lumière sur l’époque, mais encore

demeure la source principale et la base de toute étude sur le

monde musulman au Xè siècle ap.J.C.

Hommage à Nasreddine (Etienne) Dinet

M. Boudjenoun Messaoud

Avec peut-être le regretté Dr Philippe Grenier, l’illustre

érudit et soufi René Guénon (‘Abd El-Wahîd Yahia), le grand

peintre Nasreddine (Etienne) Dinet est l’ancêtre et le précurseur

des Français (du moins parmi les plus célèbres d’entre eux) qui

ont embrassé l’Islâm, au moment où une partie du monde arabe

et notamment l’Algérie croulait sous le joug du colonialisme

français. Pourtant, son origine européenne, sa famille catholique

et conservatrice et son éducation occidentale pleine de préjugés

contre l’Islâm étaient loin de laisser prévoir qu’il allait embrasser

l’Islâm et devenir un de ses plus ardents défenseurs.

Alphonse Etienne Dinet est né à Paris, le 28 mars 1861, d’une

famille originaire du Loiret, d’un père avoué prés du Tribunal de la

Seine et d’une mère elle-même fille d’un avoué. Après des études

primaires et secondaires couronnées par l’obtention du baccalauréat, il

entre à l’école des Beaux-Arts de Paris, alors que sa famille s’attendait

à ce qu’il fasse des études de droit pour reprendre l’étude juridique

paternelle. Mais Dinet avait répondu à ses aspirations artistiques

profondes qui ne demandaient qu’à s’épanouir. Il deviendra un grand

peintre, reconnu par tous les critiques et récompensé par diverses

médailles à de nombreuses expositions. Après deux médailles l’une

en 1882 et l’autre en1883 qui lui permettent de faire son premier

voyage en Algérie en 1884, le salon du palais de l’industrie lui

décerne une troisième médaille et surtout une bourse qui lui donne

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l’occasion de repartir pour l’Algérie qui semble l’attirer de plus en

plus.

Il fait alors un grand périple jusqu’au Sud algérien, à Ouargla

et Laghouat. Cette découverte décisive de la vie dans le désert va

profondément marquer la vie de notre peintre. Son génie de peintre

se manifeste encore plus dans les immensités du désert où l’homme

ressent plus qu’ailleurs la transcendance de Dieu et Sa présence

permanente. En 1889, il obtient la médaille d’argent à l’exposition

universelle de Paris. Durant ses fréquents et longs séjours en Algérie,

Dinet a appris à connaître les us et coutumes des musulmans ainsi

que leur foi et leurs traditions. Il a appris aussi la langue arabe et

pénétré l’âme musulmane en s’y imprégnant profondément.

Cet homme, attiré par la simplicité de l’Islâm et par la rationalité

de ses dogmes, a fini par franchir le Rubicon et par répondre à cet appel

irrésistible de la foi, en embrassant l’Islâm, se donnant le prénom de

Nasreddine. Coupant tout lien avec son univers occidental d’origine, il

s’installe aux portes du désert algérien à Bousaada où il se lie d’amitié

avec un notable et lettré de la ville Si Slimane Benbrahim qui deviendra

son compagnon inséparable. Son amour de l’Islâm et du désert le

pousse jusqu’à recommander d’être enterré à Boussaada en Algérie.

Ayant compris combien les idées que l’Occident se fait sur l’Islâm

étaient fausses, Dinet s’attelle à les corriger dans nombre d’ouvrages, à

commencer par celui qu’il écrit avec son compagnon et frère dans la foi

Slimane Benbrahim sur la vie du Prophète (qsssl) sur laquelle beaucoup

de préjugés et d’idées préconçues ont été véhiculés par certains auteurs

occidentaux de mauvaise foi.

Le regretté Dinet n’est pas le seul occidental à avoir été conquis

par les dogmes simples et rationnels de l’Islâm. Beaucoup d’autres

occidentaux, bien qu’ils n’aient pas franchi le pas décisif comme lui

et embrassé l’Islâm, n’en furent pas moins pleins d’admiration et

d’éloges à l’égard de l’Islâm, de ses enseignements et de la prestigieuse

civilisation à laquelle il donna naissance. Il en fut ainsi de l’empereur

Napoléon Bonaparte qui manifestait une grande admiration pour la

rationalité de l’Islâm et de ses lois dont il s’est inspiré largement pour

rédiger son célèbre code civil ; Il en fut ainsi de l’illustre poète allemand

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Goethe qui disait : « Si tel est l’Islâm, ne sommes-nous pas tous

musulmans ? ». Il en fut ainsi de l’autre illustre poète allemand du dix-

neuf siècle, Reinman Rilke qui, après avoir visité des pays musulmans

et, surtout, l’Andalousie, fut saisi par le faste et la beauté des

monuments laissés par les musulmans andalous. Il rédigea alors de

nombreuses lettres qu’il envoya à la comtesse Maria Taxas et dans

lesquelles il exprima sa profonde admiration pour l’Islâm et pour la

rationalité de ses dogmes et préceptes. Il en fut de même pour le grand

sociologue Auguste Comte qui s’inspira largement des enseignements

de l’Islâm qu’il admirait pour leur simplicité et leur conformité avec la

raison et la science, pour élaborer sa philosophie, le positivisme.

Dans tous les livres que notre peintre et écrivain a composés, il a

essayé de montrer l’Islâm sous son vrai visage, loin des faux clichés et

autres stéréotypes forgés par certains orientalistes et auteurs occidentaux

sectaires et partiaux. En plus de la biographie du Prophète de l’Islâm

(qsssl) écrite avec la collaboration de son compagnon Slimane

Benbrahim, devenue une référence pour les lecteurs francophones, il a

laissé de nombreux autres ouvrages dont L’Orient vu de l’Occident, le

pèlerinage à la Maison d’Allah, et un petit livre intitulé Quelques traits

de la lumière de l’Islâm.

Dans ce dernier livre, Dinet met en relief plusieurs des principes

fondamentaux de l’Islâm et certains de ses traits particuliers devenus

sujets préjugés pour les détracteurs de l’Islâm. Par là, ils veulent jeter

la suspicion sur la capacité de cette grande religion à répondre aux

attentes de l’homme dans cette époque moderne, marquée par de

nombreux défis qui interpellent l’humanité. Ce livre est à l’origine une

conférence que l’auteur avait donnée au cercle de la Fraternité

musulmane de Paris dans les années vingt. Il a été traduit en langue

arabe par le Pr Râched Rostom revu par l’auteur lui-même et Slimane

Benbrahim, puis publié dans le périodique de culture islamique au

Caire en 1379 H/1960. Nous l’avons traduit à partir du texte arabe

pour la mettre à la disposition des lecteurs francophones1.

1. Il est paru aux éditions Alâm Al-Afkâr, à Alger, en 2008, sous le titre de

Quelques rayons de la lumière de l’Islâm.

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Avec sa confiance profonde dans les ressorts inépuisables

de l’Islâm, il démonte les préjugés et les amalgames tissés autour

de cette religion par des orientalistes malveillants et certains

chrétiens sectaires dont il dénonce la malveillance et la partialité.

Il montre combien l’Islâm est capable de répondre aux attentes

aussi bien terrestres que spirituelles de l’homme. De ce point

de vue, et face aux campagnes de dénigrement ciblant l’Islâm, ce

livre, écrit il y a presque un siècle, reste actuel. Il mérite d’être porté

à la connaissance des jeunes musulmans visés par la propagande

malveillante des néo-missionnaires qui reprennent les préjugés

éculés du Moyen-âge pour essayer d’ébranler leur confiance dans

l’Islâm.

Au mois de mai 1929, à l’âge de soixante-huit ans, Nasreddine

Dinet, accomplit le pèlerinage à la Mecque. Ce voyage initiatique fut

pour lui un souvenir inoubliable. Il écrit dans son livre Le pèlerinage à

la Maison d’Allah : « J’ai vécu les impressions les plus sublimes de

toute mon existence. Rien dans le monde, ni dans le présent ni dans le

passé, ne peut donner une idée de ce que nous avons vu comme foi

monothéiste, comme égalité et comme fraternité entre deux cents

cinquante mille êtres humains de toutes les races, pressés les uns

contre les autres, dans le plus effroyable désert »1.

Peu de temps après son retour des lieux saints, le 24 décembre

1929, Hadj Nasreddine Dinet mourut à Paris, après une courte et

maladie qui l’emporta. Un service funèbre eut lieu à la Mosquée de

Paris, en présence d’un grand nombre de personnalités musulmanes et

de fidèles, puis son corps fut rapatrié, selon ses vœux, en Algérie et

enterré à Bou Saada le 12 janvier 1930, en présence d’une grande

foule d’amis et d’admirateurs. Puisse Dieu lui accorder Son immense

miséricorde.

1. Editions Hachette, Paris, 1930.

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Choix de textes à méditer :

Portrait du Prophète (qsssl) par Dinet

Après avoir rendu un hommage dans ce numéro au peintre

et écrivain français converti à l’Islâm, Nasreddine Dinet, il nous a

paru opportun de donner un de ses textes à méditer pour nos

lecteurs. Ce texte est tiré de son excellent livre la vie du Prophète

de Dieu.

Ce témoignage d’un occidental converti à l’Islâm sur le

Prophète vient à point nommé pour répondre aux allégations

de certains milieux occidentaux à qui leurs préjugés et leur

méconnaissance de l’Islâm enlèvent tout impartialité et toute

rigueur intellectuelle.

« D’après ‘Ali, son gendre, le Prophète était de stature

moyenne, de carrure solide ; il avait la tête forte, le teint coloré, les

joues lisses, la barbe fournie, les cheveux ondulés. Une veine qui se

gonflait sous l’effet du mécontentement s’élevait sur son front de la

naissance de son nez aquilin, entre ses sourcils, bien arqués et très

rapprochés.

« Les prunelles de ses grands yeux, encadrés d’un noir

profond, traversé de quelques reflets rouges, et son regard était

d’une extraordinaire acuité. Sa bouche était grande, comme il

convient pour l’éloquence. Ses dents que l’on comparait, pour

leur blancheur, à des grêlons, étaient légèrement écartées sur le

devant. La paume de ses mains aux doigts allongés était large et

douce au toucher, comme une étoffe de soie fine.

« Enfin, le Sceau de la Prophétie (qu’avait découvert le

moine Bahira), se trouvait au-dessous de sa nuque, entre les

épaules ; semblables à la trace d’une ventouse, ce signe était

de couleur rougeâtre, et entouré de quelques poils …

« Il était d’un caractère égal, sans morgue ni raideur. Aucun de

ses compagnons ne l’appelait sans qu’il répondît immédiatement :

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« Me voici ». Il s’amusait avec leurs enfants qu’il pressait contre sa

noble poitrine. Il plaçait sur un rang les fils de son oncle ‘Abbâs,

promettant une récompense à celui qui arriverait à lui le premier et

tous se précipitaient entre ses bras et s’asseyaient sur ses genoux.

« Il s’intéressait aux affaires de tous, des esclaves aussi

bien que des nobles et il assisait aux funérailles des plus

humbles croyants. Un jour, il entra dans une violente colère

parce qu’on avait négligé de le prévenir de la mort d’un

pauvre nègre, balayeur de la Mosquée ; il se fit indiquer sa

tombe et s’y rendit pour prier.

« Jamais, de sa main bénie, il ne frappa une femme ni un de

ses esclaves. Anâs qui le servit pendant dix années a déclaré :

« Jamais il ne me blâma ; jamais même il ne me demanda : as-tu

fait ceci ? ou pourquoi n’as-tu pas fait cela ? Abou Dherr l’a

entendu proclamer : « Ce sont vos frères, ces serviteurs que Dieu

a placés sous votre autorité ; quiconque est maître de son frère

doit lui donner de ce qu’il mange lui-même et l’habiller comme il

s’habille lui-même ».

« Les trois choses qu’il préférait en ce monde étaient :

la prière, les femmes et les parfums. Il aimait tellement la

prière que ses pieds s’étaient enflés pas suite de stations debout

trop prolongées, durant ses oraisons ; mais il considérait le droit

de prier aussi fréquemment comme une des prérogatives de son

rôle de Prophète et il n’admettait pas qu’on imitât son exemple. Il

blâma ‘Abd Allah ben Amîr à ce sujet : « Ne m’a-t-on pas dit que

tu restais debout, la nuit, à prier, et que tu jeûnais le jour ? Si tu

continues, tu perdras tes yeux et tu useras ton corps. Ton devoir,

pour toi et les tiens, c’est de jeûner et de rompre le jeûne, de te

lever la nuit et aussi de dormir ».

« Après la prière, ce que Mohammed préférait, c’était les

femmes ; ses détracteurs le lui ont fréquemment reproché. Certes, il

était ardent en amour, il était un mâle, dans l’entière acception du

terme, au moral et au physique, mais avec une chasteté qui n’est

nullement incompatible avec la volupté saine. A son imitation, les

Arabes se distinguent, encore de nos jours, par une pudeur extrême,

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mais dénuée de toute affectation et sans ressemblance aucune avec

l’hypocrisie pudibonde des puritains.

« Cet amour pour les femmes le rendit plein de sollicitude à

leur égard ; en toutes occasions, il chercha à améliorer leur sort.

Tout d’abord, il supprima la monstrueuse coutume de « Wâd al-

Banât » ou enterrement des filles vivantes dont nous avons parlé

plus haut. Ensuite, il restreignit la polygamie, limitant à quatre, le

nombre des épouses légitimes ; encore recommanda-t-il aux

fidèles d’observer ce verset du Coran : « Si vous craignez d’être

injustes, ne prenez qu’une seule épouse »1.

« Puis, après avoir déclaré : « Entre toutes les choses licites,

celle qui est le plus désagréable à Dieu, c’est le divorce », il

accorda à la femme le droit de le réclamer si son époux manquait

aux obligations du mariage.

« Enfin, grâce à ses prescriptions, la vierge ne fut plus

mariée malgré elle ; la dot, qui était versée par le mari entre les

mains du père de la fiancée, dût être versée entre les mains de cette

dernière. C’est la coutume, si sage, de cette dot que les ennemis de

l’Islâm ont qualifiée : achat d’une femme. Ils ignorent sans doute la

terrible riposte que leur font les musulmans, lorsqu’ils constatent

qu’en certains pays d’Occident la dot est versée par le père de la

jeune fille entre les mains du fiancé ! de plus, le mari musulman

doit pourvoir à l’entretien du ménage sans toucher à la fortune de

son épouse, fortune sur laquelle il ne possède aucun droit.

« Le Prophète accorda aussi à la femme un droit dans

les successions. Si ce droit n’est que d’une demi-part, il faut

tenir compte de la compensation que la femme trouve dans la

dot et les frais d’entretien de la maison.

« Le Prophète aimait les parfums, parce qu’ils sont le

complément de la purification par les ablutions et que celui

qui exhale une odeur agréable sera plus digne et saura mieux

faire respecter son honneur que celui dont l’odeur provoque

1. s.4, v. 3

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le dégoût. Il se parfumait avec du musc et faisait brûler du

santal, du camphre et de l’ambre. Il oignait sa chevelure avec

de la pommade et laissait pendre quatre tresses, deux de

chaque côté, le long de ses oreilles. Il taillait sa barbe et ses

moustaches avec des ciseaux, et les entretenait avec un

peigne en ivoire ou en écaille de tortue. Il noircissait ses

paupières avec le khôl qui aiguise les regards et fortifie les

cils. Il soignait ses dents en les frottant fréquemment avec le

masowâk (morceau de bois tendre d’arak) dont les fibres,

quand on en mâche l’extrémité, produisent l’effet d’une

brosse …

Son souci de justice et de charité s’étendait aux animaux.

Il a dit : « Un homme vit un chien tellement altéré qu’il lapait de

la boue. Prenant une de ses babouches, cet homme s’en servit

pour puiser de l’eau qu’il offrit au chien et il répéta ce manège

jusqu’à ce que l’animal fût désaltéré. Dieu sut gré à cet homme

de son action et l’accueillit au Paradis ».

« Cette bonté et le rayonnement mystérieux qui se dégageait

de la personne de Mohammed impressionnaient les animaux, voir

même les objets inanimés, aussi bien que les humains. Lorsqu’il gravit

les degrés d’une chaire nouvellement construire dans la Mosquée

d’Al-Madîna, l’humble tronçon de palmier sur lequel il avait coutume

de monter, pour prêcher, se mit à pousser des gémissements et ne se

calma que sous l’imposition de ses doigts bénis.

« Le Prophète travaillait de ses propres mains : on le voyait

traire ses brebis, rapiécer ses sandales, raccommoder ses vêtements,

nourrir ses chameaux, dresser sa tente, etc., sans accepter qu’il

incombe de porter ses achats. Il condamnait ainsi, par son exemple,

l’habitude de ces riches qui achètent nombre d’objets dont ils

chargent leurs serviteurs sans s’inquiéter du poids.

« Il poussait aux dernières limites le mépris des biens de

ce monde. Voici, d’après ‘Aïcha, ses paroles à ce sujet :

« Dieu me proposa de changer pour moi, en or pur, tous les

cailloux des environs de Mecca et je lui répondis : « O Dieu !

accorde-moi seulement d’avoir faim un jour et d’être rassasié le

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lendemain ; le jour où j’aurai faim, je T’implorerai, et le jour où je

serai rassasié, je Te remercierai ». Qu’ai-je à faire avec les biens

de ce monde ? Je suis comme un voyageur qui s’étend à l’ombre

d’un arbre ; le soleil, en tournant, le rejoint, et il quitte cet arbre

pour n’y plus revenir ». O Dieu ! fais-moi mourir pauvre et

ressuscite-moi dans les rangs des pauvres ! ».

« La sobriété du Prophète était extrême ; jamais il ne prenait

deux sortes de nourriture au même repas ; s’il mangeait de la

viande, il se privait de dattes et s’il mangeait des dattes, il se privait

de viande. Il avait une prédilection pour le lait qui apaise à la fois la

soif et la faim.

« Fréquemment, plusieurs mois se passaient sans que,

dans aucune des maisons du Prophète, le feu ne fût allumé

pour la cuisson du pain ou de quelque autre aliment ; pendant

ce temps, il ne se nourrissait, lui et sa famille, que de dattes

sèches et il ne buvait que de l’eau pure. Lorsque la faim

tenaillait trop cruellement ses entrailles, il appliquait sur son

ventre une pierre qu’il sanglait avec une ceinture. Il sortit de

ce monde sans s’être rassasié d’aucun mets, pas même de

galette d’orge.

« De son corps, qu’il entretenait dans un état de pureté

parfaite par d’incessantes ablutions, il se souciait peu, au point de

vue de bien-être. Il dormait souvent sur une natte rugueuse dont les

traces s’imprimaient profondément dans sa chair ; son oreiller était

fait de fibres de palmier et son lit, d’un manteau plié en deux. Une

nuit, ‘Aïcha ayant plié le manteau en quatre, le Prophète se fâcha

trouvant sa couche trop moelleuse et donna l’ordre de la rétablir

dans l’état habituel.

« Avant de mourir, il avait affranchi tous ses esclaves,

et distribué le peu de biens qu’il possédait encore. Il jugeait

inconvenant de se présenter devant son Seigneur avec de l’or

en sa possession. On ne trouva dans sa demeure que trente

mesures d’orge pour l’achat desquelles il avait dû déposer sa

cuirasse en gage chez un usurier.

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« Tels sont les principaux caractères du portrait du Prophète,

conservé par la tradition. Les musulmans l’admettent comme

véridique, mais il n’est, pour eux, que semblable à l’image d’une

étoile reflétée sur la surface des eaux. La lueur tremblotante est

descendue à portée de la main, mais elle reste insaisissable, et

combien pâle en comparaison de l’astre qui l’émet et qui brille, au

plus haut des cieux, d’un éclat resplendissant.

Activités du HCI

Réplique à un pamphlet de A. Benchabane,

journaliste à Montréal, Canada.

Un de nos compatriotes algériens, journaliste au Canada, vient

de s’adonner à un réquisitoire digne d’un procès de l’Inquisition

à l’encontre du Cheikh Abderrahmane Chibane, ancien député à

l’Assemblée algérienne, ancien ministre des affaires religieuses et actuel

Président de l’Association des Oulama algériens. Pourquoi cela ? Le

Professeur Chibane a eu le tort de répondre à un missionnaire évangéliste

qui a agressé l’Islâm à Tizi Ouzou ces derniers jours et a fini par quitter le

pays. Le journaliste du nom de A. Benchabane a pris la défense de ce

missionnaire, en invectivant le Pr Chibane à l’aide d’une série d’injures.

Or, le Pr Chibane est loin de tout cela. Homme de culture, ouvert, il a

toujours été respectueux de ceux qui ne partagent pas ses convictions ;

disciple du cheikh Ibn Badîs, pionnier de notre renaissance, il préconise le

dialogue et la coexistence pacifique avec les autres religions à condition

qu’elles respectent l’Islâm, surtout dans notre pays.

Par ailleurs, le journaliste avance dans son pamphlet des contre-

vérités qui n’ont aucun fondement. En effet, s’il est vrai que le

Christianisme est plus ancien d’un point de vue historique que l’Islâm, il

n’y a pas d’opposition irréductible entre eux, puisque l’Islâm complète le

Christianisme, tout comme ce dernier a complété le Judaïsme. L’Islâm

fait preuve de tolérance, en laissant chacun suivre sa foi, en déclarant : « Il

n’y a nulle contrainte en matière de religion » (Coran, s.2, v.256).

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Il précise même que « Celui qui veut croire qu’il croie, celui qui ne veut

pas croire qu’il ne croie pas » (Coran, s.18, v.29). Il est inutile d’essayer

d’intenter un faux procès à l’Islâm.

L’auteur du pamphlet prétend, d’autre part, que seule la région de

Kabylie serait concernée par l’activité missionnaire. Cela est inexact. Il

va sans dire puisque cette activité s’exerce aussi dans d’autres lieux

comme Oran, Ouargla… Nos compatriotes de Kabylie qui ne sont pas

les seuls visés par cette nouvelle croisade pratiquent sereinement l’Islâm

de leurs ancêtres, dans leur grande majorité, mais ils ne peuvent

accepter que l’Islâm soit l’objet d’un dénigrement sectaire de la part des

néo-conservateurs évangélistes. Il prétend aussi que les chrétiens sont

persécutés en Algérie, parce que, selon lui, les cloches ne retentissent

pas à la Basilique de Notre Dame d’Afrique ! Devons-nous lui

rappeler que le muezzin aussi ne retentit pas dans les mosquées

occidentales et que les filles n’ont pas le droit de porter le foulard !

Les pays occidentaux disent que cela fait partie de leur souveraineté

et du respect de la laïcité qui régit leurs Etats. Nous aussi nous avons

le droit de faire appliquer notre souveraineté chez nous.

Dans notre pays, nous respectons les minorités religieuses

qui vivent parmi nous. C’est l’Islâm lui-même qui nous l’ordonne.

La loi récente sur l’organisation des cultes non musulmans n’a pas

pour objet de les persécuter, loin s’en faut. Ils sont libres de

pratiquer leurs cultes, mais elles n’ont aucun droit de porter atteinte

à la religion musulmane qui est la foi de la majorité du peuple

algérien.

L’auteur du pamphlet n’hésite pas à utiliser des mensonges gratuits

et des accusations fallacieuses. Premièrement, Le cheikh Chibane n’a

jamais demandé de trancher la tête des convertis. C’est là une vue de

l’esprit du journaliste. Deuxièmement, que vient faire El-Qâida ici ? Il

s’agit d’amalgame et de confusion politique qui n’a pas de sens, alors que

le débat porte sur le prosélytisme agressif. Troisièmement, l’auteur

prétend que Nous étions chrétiens, avant même l’arrivée des Arabes. Il

s’agit là d’une contre-vérité historique. L’empire romain a imposé le

Christianisme, religion étrangère à l’époque à la Numidie et a réprimé la

résistance des patriotes donatistes qui n’acceptaient pas la domination

romaine. Avant l’arrivée des Arabes, le Christianisme a été détruit par les

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Vandales. Nous avons le témoignage du biographe de Saint Augustin,

évêque d’Hippone, gravement malade au moment où les Vandales

assiégeaient sa ville : « En 430, il ne restait dans le pays que deux

basiliques ». Cf. Possidius, évêque de Calama (Guelma), Vie de saint

Augustin, p.XIX, in Confessions, 9ème édition, Gaume et Cie, Paris.

Quant aux Arabes qu’il veut assimiler à des envahisseurs, ils

étaient accompagnés d’éducateurs et d’hommes de grande spiritualité

qui ont répandu le message de l’Islâm, adopté rapidement par la

majorité des habitants de l’Afrique du Nord. Les Banoû Hilâl, eux,

étaient des pasteurs ; ils se sont bien intégrés aux habitants autochtones,

si bien que nous sommes aujourd’hui des Berbéro-Arabes ou des

Arabo-Berbères. M. Benchabane croit-il à la pureté des races ? Il se

trompe, car le brassage des habitants est une réalité scientifique

incontestable.

Le journaliste Ahmed Benchabane dirige aujourd’hui Le Nord

Africain, journal communautaire libre à Montréal (Canada). Il est là-

bas, momentanément, à l’abri de poursuites judiciaires. Il devrait

réviser ses positions et renoncer au chauvinisme et à la diffamation,

savoir raison garder, s’armer d’objectivité et de courtoisie et se

mettre à l’étude de l’histoire exacte, d’une part, et de l’actualité

réelle, d’autre part.

Alger le 1/02/2008

La cellule de Communication du Haut Conseil Islamique

Entretien du Président du Haut Conseil

Islamique avec le quotidien El Watan (2008)

Q1. En tant que président d’une institution versée dans les

études islamiques, quel commentaire faites-vous des informations

faisant état d’une campagne soutenue d’évangélisation des jeunes

Algériens, notamment au Sud du pays ? Y a-t-il vraiment de quoi

s’inquiéter ?

R. Cette campagne d’évangélisation dont notre pays est

l’objet n’est pas la première ni la dernière. Tout au long de

l’histoire de l’Islâm, les représentants du Christianisme ont

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voulu freiner, d’une façon ou d’une autre, la progression de

l’Islâm et sa propagation partout dans le monde, surtout dans

les contrées où le Christianisme était présent.

Chez nous par exemple, les tentatives d’évangélisation

n’ont jamais cessé depuis que l’Islâm a pris pied sur cette

terre, en gagnant le cœur de ses habitants. Entre le douzième

et le treizième siècles, le philosophe orientaliste Raymond

Lulle est venu en Algérie, plus précisément à Béjaïa, dans le but

d’évangéliser ses habitants et chercher le martyr. Prêchant sur la

place centrale de la ville hafside, à l’époque, il insulta le Prophète

(qsssl) et dénigra l’Islâm. Les habitants de Béjaïa s’apprêtaient à

le molester, lorsque le mufti de la ville, averti, le reçut et eut une

discussion avec lui. A la fin, il fut placé sur un bateau et renvoyé

chez lui.

Quelques siècles plus tard, à la suite de la reconquête de

l’Andalousie, le cardinal Ximenez, l’un des chefs de l’Inquisition, s’est

emparé d’Oran où il plaça la croix sur le minaret de la Grande Mosquée

pour annoncer le début de la christianisation de l’Algérie. Lors de

l’occupation française d’Algérie, le général de Bourmont s’adressa à ses

aumôniers militaires en ces termes : « Vous venez de rouvrir avec nous

la porte du Christianisme en Afrique. Espérons qu’il y viendra bientôt

faire refleurir la civilisation qui s’y est éteinte », d’après le témoignage

de l’abbé Dobigez dans son livre, Souvenirs de l’Algérie, (éditions

Béthune, Paris 1840, p.164-166). Le rôle que joua durant la colonisation

le cardinal Lavigerie pour évangéliser nos compatriotes, pendant les

années de famine, est connu de tous. Comme vous le constatez à travers

ces campagnes d’évangélisation, certains chrétiens regardent l’Islâm

comme un rival, alors qu’il est venu compléter les religions qui l’ont

précédé.

Q2. Les missionnaires catholiques et autres évangélistes

ont-ils le droit de propager leurs religions en Algérie dans le cadre

de la loi ?

R. Les chrétiens qui vivent parmi nous ont le droit de

pratiquer leur culte en toute liberté sans que personne ne se mêle de

leurs affaires. L’Islâm reconnaît les religions du Livre et leur garantit

le droit de pratiquer leur culte. Il déclare : « Si Dieu l’avait voulu, Il

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aurait fait de vous une seule communauté. Mais Il a voulu vous

éprouver par le don qu’Il vous a fait. Cherchez à vous surpasser les

uns les autres dans les bonnes actions. Votre retour à tous se fera

vers Dieu. Il vous éclairera alors au sujet de vos différences ».

(Coran, s.5, v.48).

Le Prophète (qsssl) a dit de son côté : « Celui qui maltraite un

homme appartenant à une religion des gens du Livre m’aura

comme adversaire le jour de la résurrection ». Mais l’Islâm ne peut

accepter que des gens viennent chez lui et insultent notre Prophète et

notre foi, en usant de dénigrement et de diffamation, profitant de la

détresse sociale de certains jeunes pour les convertir, promettant en

contre- partie visas et autres avantages matériels. C’est pourquoi

nous avons proposé avec d’autres institutions de l’Etat que des

mesures soient prises pour organiser les cultes non musulmans dans

notre pays. Cette loi est entrée en vigueur ; elle protège les chrétiens

qui veulent vivre leur foi d’une façon sereine et met un terme aux

activités illégales des évangélistes néo-conservateurs qui ont le vent

en poupe depuis l’arrivée d’une administration américaine de cette

tendance.

Q3. Où se situe la limite entre la liberté de conscience

consacrée par la Constitution algérienne et le prosélytisme sous

toutes ses manifestations ?

R. La limite, c’est celle du respect de l’autre, en s’abstenant de

s’immiscer dans sa religion et de la dénigrer.

Q4. Certains membres – des Algériens convertis – d’associations

d’églises dûment agréées par les autorités se plaignent d’être

quasiment persécutés dans leurs pratiques religieuses. Ont-

ils le droit de pratiquer librement leurs nouveaux cultes ?

R. Nous n’avons aucune information faisant état d’une

quelconque persécution dont seraient l’objet des néo- convertis au

Christianisme, alors que des musulmans vivant à l’étranger ont des

problèmes, comme celui du voile notamment. Ils sont souvent l’objet

de procès d’intention, suspectés et exclus de leur travail, comme cela a

été le cas à Roissy (France). Ils éprouvent des difficultés pour bâtir des

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mosquées, en Italie, en Suisse, en Espagne, en France, en Allemagne,

au Danemark, en Roumanie, en Grèce...

Q5. La notion de « ridda » (hérésie) est-elle applicable

à ces nouveaux convertis ?

R. L’Islâm déclare qu’il n’y a pas de contrainte en matière

de religion (Coran, s.2, v.256). Chacun est libre de croire ou de ne

pas croire, mais le respect de l’autre et de ses convictions doit être

la règle de conduite. L’Islâm nous dit : « Ne discutez avec les

gens du Livre que de la manière la plus courtoise ». (Coran, s.29,

v.46). Le Prophète (qsssl) nous recommande aussi de ne pas nous

mêler des affaires des gens du Livre et de leur dire seulement :

« Nous croyons en ce qui vous a été révélé et en ce qui nous a été

révélé ». Nous attendons des autres religions un comportement

réciproque.

Q6. Quelle est, de votre point de vue, la meilleure façon de

contrer ces campagnes de prosélytisme, si tant est qu’elles aient

véritablement pris une ampleur phénoménale ?

R. Le prosélytisme est condamnable, parce qu’il repose sur

le dénigrement de l’autre. La liberté de conscience n’autorise pas

ce dénigrement. Pour combattre ce phénomène, il est nécessaire

de le combattre par la loi qui s’applique à tous.

Q7. Vous présidez une institution scientifique, ne pensez-vous

pas qu’il faille entreprendre un effort d’exégèse dans ce domaine

pour éviter les interprétations extrémistes, voire politiciennes, de

l’Islâm ?

R. Il est évident que nos savants, nos professeurs et nos

imâms sont appelés à présenter l’Islâm d’une façon pédagogique,

en le montrant tolérant, pacifique et ouvert au dialogue courtois, tel

qu’il est réellement. C’est un message spirituel qui apporte à ses

adeptes une vie morale d’équilibre, de sérénité et de solidarité

active à l’égard des démunis et des persécutés.

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Q8. Salafisme, wahhabisme, chiisme et maintenant christianisme. Les Algériens sont-ils malades de leur religion au point de tenter tous les « isme », y compris le terrorisme ?

R. L’extrémisme existe dans les trois religions révélées, lorsqu’elles sont mal interprétées. Mais il est le fait de minorités. Il convient de le combattre par l’éducation et la tolérance ; s’il s’étend, on doit le dénoncer et prendre des mesures pour le réduire par des dispositions légales.

Alger, le 04 /02/ 2008

Entretien du Président du Haut Conseil Islamique

avec Horizons quotidien d’Alger (2008).

La plupart de ces questions m’ont été posées plusieurs

fois. Ne vous étonnez pas si je me répète.

Q1- Le phénomène de l’évangélisation constitue- t-il

réellement une menace pour l’Algérie ?

R- Le phénomène de l’évangélisation constitue effectivement

un danger pour notre pays, dans la mesure où il dénigre l’Islâm,

religion de l’Etat et de notre peuple musulman dans son immense

majorité. Il risque de nous créer une minorité hostile et de porter

atteinte à notre unité spirituelle, alors que nous respectons la

minorité chrétienne qui est libre de pratiquer son culte, à condition

qu’elle ne dénigre plus l’Islâm.

Q2- S’agit-il d’une manipulation politique ?

R- Il ne s’agit pas à notre sens d’une manipulation politique

mais d’une campagne orchestrée par les évangélistes conservateurs

qui viennent des Etats-Unis et d’autres pays chrétiens disposant de

moyens importants.

Q3- Faut-il réduire la liberté de culte consacrée en Algérie ?

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R- Nous venons de dire que le culte chrétien est libre. l’Etat

a le droit de faire observer la loi qui s’applique à tous, comme

font certains Etats en Europe et ailleurs à l’égard des minorités

musulmanes (voile, mosquée…).

Q4- Que faut-il faire pour mieux cerner ce phénomène ? Et

pourquoi focaliser uniquement sur la Kabylie alors que selon des

sources fiables, c’est le Sud qui est le plus touché ?

R- La campagne d’évangélisation ne se limite pas seulement

à la Kabylie ; elle s’étend à Oran, Ouargla, Adrar… Le Sud n’est

pas plus touché que d’autres régions ou d’autres villes du Nord. La

campagne touche les régions pauvres particulièrement.

Q5- Peut- on imputer cela aux penseurs et aux Oulamâ

algériens n’ayant pas pu préserver l’Islâm de ce genre de politique,

sachant que même au temps de la Révolution algérienne la France a

essayé d’instaurer le Christianisme, mais elle a échoué ?

R- Les imâms et les penseurs assument leur mission et

combattent l’évangélisation agressive, comme l’Etat prend des

mesures. Pendant la période coloniale (1830-1962), l’Etat français

et les Eglises ont mené une grande activité missionnaire (Lavigerie

et les Pères blancs, les pasteurs protestants…). Les mouvements

nationalistes et Ben Bâdîs l’ont combattue avec vigueur.

Q6- Pourquoi décide-t-on un jour de changer de

religion ? Est-ce un signe de désespoir ou… ?

R- Ceux qui changent de religion le font, soit par conviction,

soit par intérêt. Dans notre pays, ce dernier facteur paraît plus

important : échapper au chômage, obtenir un visa et un emploi à

l’étranger. Mais les promesses faites sont souvent illusoires ; plusieurs

déçus en reviennent comme le révèlent des témoignages parus dans la

presse nationale.

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Q7- Que pensez- vous de l’idée du mufti de la République et

de Dâr al- iftâ ? Cette institution ne risque t-elle pas d’entraver le

travail du HCI ?

R- Un projet existe au ministère des affaires religieuses. Nous

l’avons étudié au HCI, à la demande de l’ancien chef de gouvernement.

Nous n’avons pas d’objection de principe à la nomination d’un mufti,

mais nous avons souhaité qu’il ne se transforme pas en une

administration lourde (directions centrales, secrétariat général…), qu’il

relève du ministère des affaires religieuses pour éviter un conflit

possible avec d’autres institutions, comme c’est le cas en Egypte entre le

mufti et Cheikh al- Azhar, enfin qu’il soit compétent, intègre et ouvert

au dialogue avec les autres cultures. Le mufti ne peut entraver l’action

du HCI ; chacun a sa mission définie. Son statut sera précisé par

l’autorité compétente et sans doute ses relations avec le HCI.

Q8- Donnez- vous une fatwa sur le phénomène kamikaze.

Est-il halâl, ou du moins a-t-il existé auparavant dans l’Islâm ?

R- Une fatwa a été donnée par plusieurs savants musulmans.

Il n’est pas nécessaire d’en formuler encore une autre. Il suffit de

rappeler que l’Islâm est une religion de paix qui condamne le

violence ; il respecte la vie et la fraternité. Le kamikaze s’attaque à

des innocents parmi ses concitoyens ; il croit à tort défendre une

cause juste. L’Islâm ne recourt à la résistance armée qu’en cas de

légitime défense, lorsque son territoire est occupé par un Etat

étranger et que sa foi est persécutée (Palestine, Irâk…). Autrefois la

secte « hachchachîn » pratiquait l’assassinat politique ; elle a cessé

d’exister depuis longtemps.

Q9- Les courants islamiques et le terrorisme ont fortement

entaché l’image de l’Islâm dans le monde musulman, y compris

en Algérie. Quelle stratégie engager pour redonner à l’Islâm ses

vraies valeurs ?

R- Dans toutes les religions, il existe des extrémistes,

généralement minoritaires, alors que la majorité des fidèles ne

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prône pas la violence. En Islâm, le Coran recommande le juste

milieu et la paix : « Nous avons fait de vous une communauté

éloignée des extrêmes » (Coran, s.2, v.143). Nous devons donner

de l’Islâm une image exacte faite de fraternité, de solidarité et de

tolérance. A ce sujet, nous disposons de deux revues périodiques ;

nous éditons des livres et organisons des conférences mensuelles.

Chaque année, nous préparons un colloque international en mars

sur des questions importantes et sur les problèmes de l’heure. La

presse écrite, la radio et la télévision rendent compte de nos

activités. Le HCI participe aux Congrès étrangers (Espagne,

Egypte, Turquie, Maroc, Corée du Sud…). D’autres institutions

du pays contribuent également à cet effort comme l’éducation, les

affaires religieuses, la culture, la presse nationale….

Alger, le 16/02/2008

Le Président du Haut Conseil Islamique

Dr. Bouamrane Chikh

Réplique sereine à A. Benchabane

e-mail : [email protected]

Alors que nous nous attendions à ce que le journaliste A.

Benchabane revienne à de meilleurs sentiments, comme nous le lui avions

recommandé dans notre réponse et qu’il reconnaisse ses torts à l’égard

d’une grande personnalité algérienne respectée dans toute l’Algérie et par

extension dans tout le monde islamique, voilà qu’il persiste et signe et va

même jusqu’à parler de menaces dirigées contre lui ! Il se considère

presque comme une victime, alors que c’est lui qui a lancé un pamphlet

agressif contre le Pr Abderrahmane Chibane. De quelles menaces s’agit-il ?

Le fait de parler de poursuites judiciaires devant les tribunaux pour

diffamation constitue-t-il une menace ? Il semble que ce journaliste

déraisonne. Il est admis dans tous les pays du monde, y compris le Canada

où il vit actuellement, que les procès en diffamation sont une pratique

courante.

Sans entrer dans les détails d’une folle dérive qui ne semble

connaître aucun discernement, le pamphlet de ce journaliste use

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d’amalgames à outrance et à tous les niveaux, alors que notre réponse

concernait uniquement l’agression verbale dont fut l’objet le cheikh

Abderrahmane Chibane de sa part. En effet, A. Benchabane dénigre et

invective sans distinction des personnalités éminentes, l’Etat et ses

institutions, la culture et l’histoire du peuple algérien ainsi que l’Islâm,

religion de la quasi majorité des Algériens, s’acharnant en particulier

jusqu’au détail sur un ministre de la République. Concernant

l’entrepreneur auquel il fait allusion, ce dernier peut s’adresser à la

justice, s’il s’estime vraiment lésé, d’autant plus qu’il est, selon

l’auteur du pamphlet, un « ancien maquisard ».

En somme, ce journaliste est révolté contre son pays d’origine

et semble s’inspirer d’une idéologie étrangère hostile à notre pays

pour régler ses comptes. La seule référence historique qu’il cite est le

savant Ibn Khaldoûn, sans mentionner le texte auquel il se réfère ;

mais il occulte les références à l’histoire romaine et à celle du

Christianisme car elles ne cadrent pas avec son idéologie. En

d’autres termes, il choisit dans l’histoire ce qui lui convient et rejette

le reste. En un mot, il n’arrive pas à se débarrasser de certains relents

racistes et de sectarisme tenace.

A.Benchabane est vraiment spécialisé dans les injures et les

invectives ; il excelle dans le maniement des insultes les plus débridées.

Nous souhaitons encore une fois qu’il garde la tête froide et qu’il se

limite à la question du savant Abderrahmane Chibane sans évoquer

d’autres problèmes dans une confusion indescriptible. Ce faisant, nous

l’invitons à méditer ce verset qui nous recommande l’indulgence, le

pardon et l’amour du prochain à l’égard même de l’adversaire : « La

bonne action et la mauvaise action ne peuvent être mises sur le même

pied d’égalité. Agis de la meilleure manière à l’égard de celui qui te

cause un tort ; il deviendra alors comme ton ami intime » (Coran, s.41,

v.34). Un tel texte confirme l’amour du prochain que prêche également

l’Evangile. Ce journaliste peut-il agir de la sorte à l’égard du cheikh

Abderrahmane Chibane ? Nous l’espérons. Alger, le 19/02/2008

P/ la Cellule de communication du H.C.I

Messaoud Boudjenoun, directeur de la Rédaction

de la revue Les Etudes Islamiques

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Mise au point au quotidien Le Soir d’Algérie (2008)

Monsieur le Directeur de la Rédaction :

Dans votre édition du 27 février 2008, vous avez publié

un article sous le titre sensationnel de « Cheikh Bouamrane –

Ghoulamallah : les raisons d’un clash » ! Cet article tenait la

une de votre quotidien comme s’il s’agissait d’un scoop, alors

que cette affaire est simple et a fait l’objet de plusieurs mises

au point et clarifications de notre part dans la presse écrite.

Au risque de nous répéter, nous disons que cette affaire n’a

nullement les arrières pensées et les desseins que votre journal

veut lui prêter. C’est une mauvaise interprétation de mes propos à

la chaîne une de la radio nationale par un quotidien national

ajouté à un titre provocateur qui a déclenché cette polémique.

Interrogé par l’animatrice de l’émission « Tahawoulât » sur une

supposée fuite de l’argent récolté par le fonds de la zakât, au

cours d’une émission consacrée, au demeurant, au problème du

prosélytisme chrétien dans notre pays, j’ai répondu que nous

n’avons aucune information à ce sujet, mais que si cela s’avère

vrai, cette question relève des prérogatives du ministère des

affaires religieuses et de celui de l’Intérieur et des collectivités

locales.

Ensuite, à la question sur notre avis concernant le fonds

de la zakât, j’ai rappelé la position prise par l’un de nos

éminents membres qui est un jurisconsulte et un responsable

d’une grande zaouia, qui a soutenu lors d’une conférence

donnée dans la wilaya de Naâma en 2004 que l’argent de la

zakât doit être utilisé au profit des pauvres, des nécessiteux et

des autres catégories citées par le verset du Coran consacré à

la zakât.

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Réponses aux questions de Jour d’Algérie (2008)

Q1- Quoi qu’il ait toujours existé en Algérie, le phénomène de

l’évangélisme semble prendre depuis quelque temps des proportions

alarmantes. Nombreuses sont les réactions suscitées à ce sujet aussi

bien en Algérie qu’ailleurs dans le monde, en particulier en France.

Quels sont selon vous les tenants et aboutissants de cette campagne et

peut-on savoir pourquoi c’est en cette période que l’évangélisme en

Algérie s’est tellement amplifié ?

R- Comme vous le dites, le phénomène de l’évangélisation a

toujours existé en Algérie, bien qu’il n’ait jamais pu prendre racine

dans notre pays, y compris aux pires moments de la colonisation.

Notre peuple est attaché à la religion de ses ancêtres, religion qui lui

donne sérénité, équilibre, esprit de solidarité et amour de la liberté et

de la dignité. Les seuls cas d’évangélisation que nous avons connus

sont le fait d’orphelins recueillis par le Cardinal Lavigerie pendant la

grande famine qu’a connue l’Algérie dans les années 1866-1868. Si

cette campagne prend maintenant des proportions alarmantes, c’est

parce qu’elle vient dans un contexte particulier marqué par la volonté

d’une grande puissance de propager la religion évangéliste partout

dans le monde, tout particulièrement dans le monde musulman. Une

telle campagne est menée par les néo-conservateurs évangélistes,

alliés aux sionistes avec des moyens financiers importants. Elle est

destinée à former une minorité chrétienne au sein de la majorité

musulmane pour pouvoir intervenir dans les affaires du pays.

Q2-D’après vous, y a-t-il un courant politique qui

encourage la pratique de l’évangélisme en Algérie? Et puis,

n’est-ce pas que cette pratique est l’une des conséquences

néfastes de la mondialisation ?

R- Comme je viens de vous le dire, ce n’est un secret

pour personne que cette campagne est soutenue et encouragée

par les milieux que je viens de citer. Il est clair pour nous

qu’elle ne se propose pas de sauver des âmes, mais de créer

des minorités dans le monde musulman. Les musulmans ont

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une religion révélée et n’ont nullement besoin de nouveaux

sauveurs.

Q3- Une vive polémique s’est fait jour tout récemment

entre deux institutions cultuelles du pays, à savoir le HCI dont

vous êtes le premier responsable et le ministère des affaires

religieuses et des wakf. La polémique a trait bien sûr à la gestion

du fonds de la zakât. Pouvez-vous nous expliquer quelle est votre

position sur cette question et aussi en quoi consistent exactement

les reproches que vous avez émis au sujet de la gestion du fonds

de la zakât ?

R - En réalité, il ne s’agit pas de polémique, mais d’un

malentendu qui a été dissipé. Il fallait répondre à une question : la

zakât doit-elle passer par une caisse ou aller directement aux

pauvres, aux nécessiteux et autres catégories précisées par le Coran ?

c’est cela le problème posé.

Q4- Certaines sources affirment que le ministre des

affaires religieuses aurait sollicité le Président de la République

pour que ce dernier procède à la dissolution du HCI ou alors le

placer sous tutelle des affaires religieuses et des wakf. Quel est

votre commentaire à ce sujet ?

R - Ce sont des rumeurs qui n’ont aucun fondement.

Q5- Le HCI est une institution constitutionnelle dépendant

directement de la Présidence de la République, créée en 1996 pour

encourager et promouvoir l’idjtihâd ; cependant, ce que l’on a pu

constater depuis quelque temps, c’est plutôt cette attitude d’indifférence,

pour ne pas dire de désintéressement, par rapport à l’implication du

HCI dans la lutte contre le terrorisme en général et les attentats suicides

en particulier. Peut-on dès lors savoir pourquoi le HCI ne s’implique

pas, bien sûr à sa manière, par la condamnation des attentats dans la

lutte antiterroriste ?

R- Le H.C.I a toujours condamné les actes de violence

et les attentats. Vous pouvez consulter les nombreux textes et

communiqués que nous avons publiés à ce sujet.

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Q6- Compte tenu que seul l’avortement thérapeutique est

autorisé actuellement dans notre pays, quel est votre avis quant à

la nécessité de l’élargissement de cette pratique aux cas où la

femme fait l’objet d’un viol et désire procéder à l’interruption

volontaire de la grossesse (IVG) ?

R- Le H.C.I a publié une fetwa en ce sens en 2001,

alors qu’il était dirigé par mon prédécesseur le Professeur

Abdelmadjid Meziane (que Dieu lui accorde Sa miséricorde).

Vous pouvez vous y référer.

Q7- Face à la recrudescence des viols durant les années

noires, les autorités civiles et religieuses ont réagi en autorisant

l’avortement pour les femmes victimes de la barbarie terroriste.

Etant donné que le nombre de femmes ayant fait l’objet de viols

de toute autre nature est actuellement en augmentation effarante,

qu’est-ce que vous proposez comme solution pour les femmes qui

refusent de garder leurs bébés non désirés ?

R- Il a été répondu à cette question plus haut.

Q8- Selon les chiffres du ministère de la solidarité

nationale, pas moins de 5 000 enfants abandonnés, nés hors

mariage, sont enregistrés chaque année dans notre pays. Qu’est-

ce que vous proposez pour assister et soutenir ces femmes qui

payent souvent pour des actes qu’elles n’ont pas commis ?

R- L’Etat a le devoir de prendre en charge ces enfants et de

trouver des solutions pertinentes pour les mères célibataires. Alger, le 13/03/2008

Le Président du Haut Conseil Islamique

Le Docteur Bouamrane Chikh

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Communiqué du Haut Conseil Islamique

Le Haut Conseil Islamique a tenu sa trente-sixième session

ordinaire le 27 mars 2008, à l’hôtel Aurassi, sous la présidence du

Docteur Chikh Bouamrane, à la suite de son colloque international

sur le thème la jeunesse entre l’authenticité et le monde actuel.

L’ordre du jour a comporté les activités du H.C.I ent re deux

sessions, le phénomène de l’évangélisation, l’évaluation des résultats

du colloque et les recommandations à proposer.

Chacun des membres du Haut Conseil a fait un compte

rendu de ses activités entre les deux sessions. Certains d’entre eux

ont effectué des déplacements à Mostaganem, à Tiaret, Bordj

Bouaréridj, où ils ont animé des conférences et participé à des

colloques dans ces wilayas. Les membres du Haut Conseil ont pris

également une part active à la célébration du Mawlid Al-Nabaoui

dans les différents moyens d’information.

Le Haut Conseil Islamique a édité plusieurs publications,

notamment les actes du colloque international consacré à la civilisation

musulmane en Andalousie au sixième siècle de l’Hégire. Il a publié

aussi deux cahiers, le premier ayant pour titre Aboû Ziyyân Al-

Tilimsâni et le second consacré à l’histoire de l’Union Générale des

Etudiants Musulmans Algériens (UGEMA) dans les pays arabes et

musulmans durant la guerre de libération. Il a publié également une

étude académique ayant pour thème le Cheikh Abd-Al-Hamîd Ibn

Bâdîs en tant qu’homme de lettres, en 2 volumes (thèse de doctorat).

La question de l’évangélisation a fait l’objet d’une attention

particulière de la part du Haut Conseil qui a mis l’accent sur le

danger de ce phénomène et sur la nécessité d’y faire face dans le

cadre de la loi. Le Haut Conseil a condamné fermement les

caricatures portant atteinte à la personne du Prophète (qsssl). Il a

appelé les musulmans à répondre à cette campagne haineuse avec

les différents moyens possibles et selon la recommandation du

Coran : « Discute avec eux de la manière la plus courtoise ».

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Le Haut Conseil a procédé à l’évaluation de son colloque et a

relevé des points positifs en ce qui concerne les conférences et les

études qui ont été présentées sur les problèmes de la jeunesse, ainsi

que les propositions pratiques qui ont été avancées pour résoudre ces

problèmes. Les propositions ont besoin d’être enrichies par les

institutions spécialisées concernées.

A la fin, le Haut Conseil Islamique a salué la réponse du

Président de la République aux aspirations du peuple afin

qu’il se porte candidat pour un troisième mandat et puisse

poursuivre ses efforts dans la construction et l’édification du

pays.

La séance fut levée à treize heures de l’après-midi à la

date précitée. Alger, le 02/04/2008

La cellule de communication du HCI

Compte-rendu de la visite d’une délégation française

composée de hauts fonctionnaires des ministères

de l’intérieur et des affaires étrangères.

Le Président du Haut Conseil Islamique a reçu le 14 avril

2008, au siège du H.C.I, sur la demande de son excellence

l’Ambassadeur de France à Alger, une délégation française

composée de hauts fonctionnaires des ministères de l’Intérieur et

des affaires étrangères. L’entretien s’est déroulé en présence de

cadres du H.C.I ; il a porté sur les points suivants :

1. la situation des musulmans en France.

2. la structuration des organisations représentatives des

musulmans en France (C.F.C.M et la Fondation des œuvres

musulmanes).

3. la formation des imâm de France en Algérie.

4. la situation de la minorité chrétienne en Algérie.

5. les possibilités de coopération et de renforcement du

dialogue entre les deux rives de la Méditerranée.

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Le chef de la délégation française a fait un exposé sur la

situation de l’Islâm et des musulmans en France en mettant

l’accent sur les mesures prises par les autorités françaises pour

organiser le culte musulman qui est devenu la deuxième religion de

France dans un cadre officiel représentatif, à l’instar des chrétiens

et les juifs. De son côté, le Président du H.C.I, le Docteur Chikh

Bouamrane a présenté l’organisme qu’il préside, ses missions et

ses objectifs, en exprimant la disponibilité de l’Islâm au dialogue et

à la coexistence pacifique avec les autres religions et civilisations.

Au cours de cette réunion, la délégation française a soulevé le

problème de la formation des imâms devant officier dans les mosquées

en France. Ces imâms qui viennent de pays ayant une communauté en

France ne répondent pas toujours aux critères souhaités par les autorités.

La délégation française a proposé que des imâms français, d’origine

algérienne, soient formés en Algérie dans des instituts spécialisés. Dans

ce contexte, un membre de la délégation française a déclaré que la

formation des imâms se déroule actuellement à l’Institut catholique de

Paris, en précisant que cette formation se limite à la culture générale et

ne concerne pas les études islamiques. Le Président du H.C.I a déclaré

que cette proposition mérite d’être étudiée par nos autorités concernées.

Il a proposé dans ce même sens l’ouverture d’une chaire de théologie

musulmane à l’Université de Strasbourg, au même titre que les chaires

catholique, protestante et hébraïque.

Par ailleurs, son excellence l’Ambassadeur de France à

Alger a attiré l’attention sur les préoccupations de la minorité

chrétienne en Algérie, surtout après l’entrée en vigueur de la

récente loi sur l’organisation des cultes non musulmans. Des

éclaircissements lui ont été fournis.

A la fin, les deux parties ont convenu d’établir des relations de

coopération et de dialogue suivi pour l’intérêt des deux pays. Il

convient de signaler que cette visite a été rapide et aucune information

du notre ministère des Affaires étrangères ne nous est parvenue à ce

sujet. Alger, le 14/04/2008

La cellule de communication du H.C.I

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Recommandations du colloque international sur

les problèmes de la jeunesse.

Un colloque international s’est tenu à l’hôtel Al-Aurassi, les

24, 25 et 26 mars 2008, sur le thème la jeunesse entre l’authenticité

et le monde moderne. De nombreux professeurs et chercheurs,

Algériens et étrangers y ont participé. Le colloque a traité les axes

suivants :

Premier axe : L’éducation en général, l’éducation islamique

en particulier la culture.

Deuxième axe : L’économie et les problèmes sociaux

vécus par les jeunes aujourd’hui.

Troisième axe : La médecine et la santé mentale face

aux déviations diverses.

Quatrième axe : Les recommandations et les mesures

juridiques à prendre.

Plusieurs conférences ont été données en séance plénière

autour de ces axes ; l’ensemble des questions intéressant les jeunes

ont été débattues au sein de trois ateliers. Les travaux du colloque

ont cerné les problèmes vécus par les jeunes et ont proposé des

recommandations approuvées par la majorité des participants. En

voici le résumé.

Pour le premier axe, il convient de

1. définir l’éducation islamique : elle consiste à éduquer

l’enfant, étape après étape, selon les préceptes de l’Islâm, jusqu’à

ce qu’il atteigne sa maturité. Cette éducation s’appuie, dans son

ensemble, sur le rôle confié à la famille et à la société en général.

2. intégrer la formation de la personnalité des jeunes dans un

cadre juridique adéquat qui reconnaît les droits fondamentaux des

jeunes et constitue une charte nationale de la jeunesse englobant les

droits et les devoirs des jeunes.

3. créer un observatoire national de la jeunesse qui aura pour

mission de suivre les questions relatives aux jeunes dans le domaine

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de l’éducation et de la culture et qui œuvre en concertation et

coordination avec le Haut Conseil Islamique et les autres institutions

qui s’occupent des problèmes des jeunes.

4. créer un Conseil national scientifique composé d’experts

dans différents domaines dont le rôle sera de contrôler le contenu des

programmes dans le domaine audio-visuel et notamment les chaînes

de télévision spécialisées dans l’éducation et sur l’éducation

islamique et la culture.

5. assurer la qualité de l’encadrement et s’appuyer sur les

méthodes pédagogiques modernes, sensibiliser les moyens

d’information, afin qu’ils jouent leur rôle dans le domaine de

l’éducation et de la culture, consacrer deux heures par semaine à

l’enseignement de l’éducation islamique dans tous les paliers de

l’enseignement et de la formation, enseigner l’histoire nationale

depuis l’Antiquité, les temps modernes et la période contemporaine

jusqu’à la Révolution libératrice à laquelle nous devons notre

indépendance.

6. choisir les versets coraniques et les hadiths prophétiques

relatifs à la jeunesse et créer une commission scientifique pour

contrôler les livres en général et les livres religieux en particulier.

7. faire participer les jeunes dans tous les domaines les

concernant et renforcer leur participation au sein de structures publiques,

des clubs et des centres de jeunes.

Malgré les moyens matériels et humains mobilisés pour

résoudre les problèmes de la jeunesse, cette dernière continue

à endurer les problèmes du chômage, de la baisse du niveau

de vie et de l’instabilité.

Pour le second axe, il convient de :

1. créer un institut de prospective et de stratégie chargé

d’établir un plan de développement multisectoriel sur la base

d’objectifs politiques, définis par les instances responsables ;

2. introduire le management dans la gestion des entreprises

économiques et autres, quelles soient publiques ou privées ;

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3. consacrer 80% des crédits pour la création de petites

et moyennes entreprises productives, créatrices d’emplois

pour les jeunes ;

4. établir des critères scientifiques et objectifs dans la

désignation et l’évaluation des gestionnaires dans tous les

domaines ;

5. accorder la priorité au développement des ressources

humaines et élever leur niveau selon les critères universels ;

6. moderniser le système des données informatiques

dans le domaine économique et social, notamment vers la

catégorie des jeunes ;

7. aider les jeunes à acquérir des logements à des prix

raisonnables et à loyer modéré ;

8. attribuer aux jeunes chômeurs une indemnité de

chômage ;

Pour le troisième axe :

1. faire une étude sur les maladies répandues parmi les

jeunes en particulier et les prendre en charge sur le plan

médico-social ;

2. prendre en charge les problèmes des jeunes handicapés

mentaux ;

3. augmenter les taxes sur le tabac et les alcools ;

4. lutter contre la production des stupéfiants et drogues

ainsi que leur commercialisation et leur consommation ;

5. mettre en place une politique rationnelle et des mécanismes

spécialisés pour trouver des solutions aux problèmes des jeunes

délinquants et créer des centres de redressement spécialisés pour leur

rééducation et leur réinsertion dans la société ;

6. dépénaliser les actes des harragas et traiter leurs

problèmes sur le plan social, économique et humain ;

7. accorder à la mère au foyer une indemnité pour

qu’elle puisse élever ses enfants jusqu’à ce qu’ils atteignent

leur cinquième année ;

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8. créer un fonds national pour aider les jeunes à fonder

une famille ;

9. créer des postes de travail pour des psychologues afin

qu’ils prennent en charge les problèmes des jeunes.

Visite de Mr Christian Delorme, prêtre à Lyon.

Le Président du Haut Conseil Islamique, le Docteur Chikh

Bouamrane, a reçu le lundi 26 mai 2008, au siège du H.C.I et en

présence de ses collaborateurs. Le père Christian Delorme, prêtre au

diocèse de Lyon, religieux français engagé dans le dialogue inter-

religieux. Le père Delorme est venu en Algérie pour participer à un

colloque sur l’Emir Abd-el-Kader et les droits de l’homme, organisé

par le Sénat. Il a tenu à rendre visite au Président du H.C.I.,

accompagné de Mr Abdelhakim Fahhas, traducteur auprès du Conseil

de la nation.

L’entretien a porté sur les relations entre l’Islâm et le

Christianisme et sur les possibilités d’approfondir les relations entre

les religions abrahamiques.

Le père Delorme a rappelé qu’il a gardé de très bons

souvenirs de sa dernière visite en Algérie et de ses entretiens avec

le Président du H.C.I avec la délégation islamo chrétienne venue

de Lyon, conduite par le Professeur Azzedine Gaci, Recteur de la

mosquée de Villeurbanne, membre du C.F.C.M et le Cardinal

Barbarin, Archevêque de Lyon et Primat des Gaules.

A la fin de la visite, le Président du H.C.I a offert des revues

et des livres édités par son institution. Le père Delorme lui a offert

un de ses ouvrages et quelques livres traitant de l’Islâm édités en

France. Alger, le 26/05/2008

La cellule de communication du H.C.I

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Allocution du Président du H.C.I, le 23 /07/2008,

prononcée lors de l’enterrement du savant et homme

de lettres, le regretté Cheikh Mohammed Sâlah Ramadân

(1913-2008).

Au Nom de Dieu Clément, le Miséricordieux., que la

prière et le salut soient sur le plus noble des Messagers.

« Chaque âme doit goûter à la mort »(Coran).

Aujourd’hui, nous faisons nos adieux à l’érudit Cheikh

Mohammed Sâlah Ramadân qui nous a quittés le 22 juillet 2008. Il

était savant, homme de lettres, poète, écrivain, éducateur, guide dans

le scoutisme et mudjâhid. Il est né à Al-Kantara en 1913 où il a fait ses

premières études, avant de se déplacer à Constantine en 1934 où il se

joignit au cercle d’enseignement du Cheikh Abdelhamid Ibn Bâdîs à

la Mosquée verte. Ensuite, il fut nommé comme enseignant à l’école

de l’éducation et de l’enseignement à Constantine, en compagnie de

son ami le Cheikh Mohammed Al-Ghasirî. Il s’occupa de l’éducation

religieuse au sein du scoutisme musulman et composa pour les scouts

un livre de poésies, intitulé « Chants de la jeunesse ». Il devint par la

suite un membre de la direction du scoutisme.

Il a voyagé en Espagne avec un groupe de scouts et de

membres de l’Association des Oulamâ et a représenté le

mouvement scout en Pologne (Varsovie) et composa un livre

sur son voyage. Il a occupé le poste de directeur de Dâr al-

Hadith à Tlemcen où il a remplacé le Cheikh Al-Ibrahîmî.

Quelque temps après, il se déplaça à Alger où il fut nommé

comme Inspecteur général des écoles de l’Association des

Oulamâ musulmans Algériens aux côtés de son ami et

compagnon le Cheikh Al-Ghasirî.

Après le déclenchement de la guerre de libération nationale, il

milita au sein du F.L.N dans la qasma de Kouba où il habitait. Au

début de l’indépendance, il devint membre du Comité central du

F.L.N et occupa le poste de Directeur central au ministère des affaires

religieuses ; il a supervisé la mise en place de l’enseignement originel

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dans les instituts musulmans pour lesquels il composa des textes

littéraires en quatre volumes. Ensuite, il enseigna la littérature arabe au

lycée Hassiba Ben Bouali à Kouba jusqu’à sa retraite. Il fut membre

du Conseil national de la culture, puis conseiller au ministère de la

communication et de la culture, en 1991. Retraité, il se consacra à

l’écriture et a publié plusieurs ouvrages. Il a édité notamment le

commentaire coranique de son maître (l’exégèse du Coran), le Cheikh

Ibn Bâdîs et les cours qu’il a donnés sur le hadîth et les dogmes de

l’Islâm, d’autres ouvrages littéraires dont deux ouvrages consacrés à

son maître et plusieurs articles qui firent connaître d’une façon

générale la mission du pionnier de notre renaissance culturelle. En

outre, il a donné une série de conférences dans les séminaires sur la

pensée islamique, les écoles et les Universités, et a continué son

activité intellectuelle jusqu’à sa dernière maladie.

Le Cheikh Mohammed Sâlah Ramadân s’est distingué par

plusieurs qualités éminentes : la modestie, l’intégrité, la sincérité,

l’amour du pays et de l’Islâm, l’amour de la lecture, la critique

constructive, les bonnes œuvres et la culture. Il était membre de

l’Union des écrivains Algériens et fut désigné comme membre de

l’ancien Haut Conseil Islamique qui dépendait du ministère des

affaires religieuses. Il a continué à publier des articles dans les

revues du Haut Conseil Islamique actuel et a revu peu avant sa

mort la dernière édition du « Tafsîr » d’ibn Bâdîs que le Haut

Conseil Islamique a décidé d’éditer pour honorer le défunt et

l’auteur du commentaire.

Puisse Dieu accorder au Cheikh Mohammed Sâlah Ramadân

Sa vaste miséricorde, et l’introduire dans Son vert paradis et inspirer

à sa famille la patience et la résignation devant Sa volonté. « Nous

sommes à Dieu et c’est à Dieu que nous retournerons » (Coran).

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A Monsieur le Directeur de la publication

du quotidien l’Echo d’Oran(2008).

Objet : Eclaircissements.

Monsieur le Directeur,

Nous avons lu le compte rendu fait par votre journaliste de la

conférence de presse que le Président du Haut Conseil Islamique,

entouré des membres du Haut Conseil, a donnée à Mostaganem,

publié dans votre édition du 29/06/2008. Nous vous remercions pour

l’intérêt que vous portez aux activités du Haut Conseil Islamique.

Toutefois, le compte rendu appelle de notre part les remarques

suivantes :

1. Le Haut Conseil Islamique est un organisme consultatif

auprès du Président de la République.

2. Le projet de chaîne de télévision coranique a été initié

par l’Etat. Le Haut Conseil Islamique l’a étudié et donné son avis.

3. Les événements de Berriâne ne sont pas une affaire

de rite comme le rapporte votre journaliste. Le Haut Conseil a

estimé que les rites malikite et ibadite ont toujours coexisté

dans l’harmonie et la concorde. Il est malheureux que des

troubles viennent perturber cette harmonie.

4. Concernant la conversion au Christianisme, le Président

du H.C.I n’a pas parlé de « takfîr ». Il a cité le verset coranique :

« Celui qui veut croire, qu’il croie et celui qui ne veut pas croire

qu’il ne croie pas ». Il a ajouté que l’Islâm ne fait pas de porte-à -

porte pour amener les chrétiens à se convertir à l’Islâm, ce qui n’est

pas le cas pour « les évangélistes » qui font tout pour que les

musulmans embrassent le Christianisme.

5. L’Algérie a inscrit dans sa Constitution que l’Islâm

est la religion de l’Etat.

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6. Le Président du H.C.I a précisé que les sciences

islamiques contribuent à former la personnalité nationale au

lieu de ce qui a été écrit dans votre journal.

7. Au sujet des harraga, le H.C.I a indiqué qu’il s’agit

d’une question psychologique dont la cause principale cause

est le chômage et non de maladie.

8. Enfin, pour qu’il n’y ait pas de confusion dans l’esprit de

vos lecteurs, il n’existe pas de « mufti » officiel, mais il existe une

commission de fatwa pour les problèmes nouveaux qui se posent à

notre société. Le conseiller qui a répondu à une question posée par

un journaliste en disant que « al-harga n’est pas un suicide » est le

Docteur Mohammed Cherif Qâhir, président de la commission de

« l’iftâ » du Haut Conseil et non le Président du H.C.I, comme

semble le suggérer l’article de votre journaliste.

En espérant que ces précisions seront publiées dans les

colonnes de votre quotidien, nous vous prions de croire en

nos salutations cordiales.

Alger, le 2/08/2008

Le journal El Watan : Liberté de culte ou

transgression de la souveraineté nationale ?

Un article a paru dans la rubrique Idées-Débat du quotidien El

Watan du 31 mars 2008 sous le titre : A quand la liberté de culte ?

L’auteur semble faire l’amalgame entre la liberté de la pratique du

culte qui est un droit sacré reconnu pour tous et le droit pour tout

pays d’exercer sa souveraineté sur son territoire. La récente loi fixant

les conditions et les règles d’exercice des cultes non musulmans qui

vient d’entrer en vigueur, semble gêner le journaliste, au point qu’il

l’a qualifiée d’injuste ! Cette loi fait la distinction entre les chrétiens

sincères qui veulent vivre leur foi et pratiquer leur culte, comme ils

l’ont toujours fait chez nous et ceux qui sont animés par des desseins

autres que religieux dont des étrangers qui viennent profiter de notre

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hospitalité pour semer les semences de la division et de « la fitna »

parmi notre peuple.

Doit-on rappeler à cet auteur que chaque pays a le droit d’exercer

sa souveraineté chez lui selon les intérêts que lui dicte sa politique

intérieure et extérieure ? La France interdit le port du foulard dans les

écoles, parce qu’elle prétend que cela relève de sa souveraineté ;

l’Angleterre soumet les mosquées du royaume à une stricte surveillance

policière, parce qu’elle prétend que cela relève de sa souveraineté ;

certains autres pays européens soumettent la construction de nouvelles

mosquées à des conditions draconiennes en prétendant que cela relève

de leur souveraineté...

L’Algérie n’a-t-elle pas le droit d’exercer sa souveraineté

chez elle, en mettant fin à l’anarchie qui caractérisait l’exercice

du culte chrétien, surtout après l’apparition des évangélistes soutenus

ouvertement par l’actuelle administration américaine ? Ce qui est

permis pour les autres est-il interdit pour nous ? Les arguments que

l’auteur de cet article avance pour justifier son plaidoyer ne tiennent

pas la route. Pour lui, en effet, du moment que certains chrétiens ont

soutenu l’indépendance de notre pays, il faut les associer dans tout

ce qui concerne le destin et l’avenir de l’Algérie. L’engagement de

ces hommes-là en faveur de l’indépendance de notre pays, qui

mérite notre respect et reconnaissance, reste tout de même un

engagement individuel, en réaction à l’injustice et à l’exploitation

auxquelles était soumis notre peuple de la part du colonialisme.

Un tel argument nous rappelle un fait historique qu’il serait

utile de mentionner ici. Le général de Gaulle a été accueilli par les

Anglais au lendemain de la défaite de son pays face aux Allemands.

Les Anglo-Américains l’ont aidé, assisté et soutenu dans la

libération de la France en 1945. Mais ont-ils exigé pour autant d’être

associés dans la direction et la gestion des affaires de la France ?

Bien plus, devenu le président de la République française, de Gaulle

a pris de la distance avec eux en refusant de les suivre aveuglément,

gardant à la France une certaine indépendance dans sa politique

étrangère.

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En outre, l’auteur de l’article commet certains amalgames en

prétendant que le père du Mouvement national, en l’occurrence

Messali Hadj était influencé par Mustapha Kamal Attaturk le

fondateur de la Turquie laïque. D’où tient-il ces informations ? Ce

que nous connaissons de Messali Hadj est qu’il était un adepte d’une

zâouia à Tlemcen et un musulman farouchement attaché à ses

valeurs arabo-islamiques qu’il a pu renforcer grâce à sa rencontre

avec l’Emir Chakîb Arslâne en Suisse. Messali Hadj n’a jamais

prôné de laïcité pour l’Algérie, du moins pas celle qui est pratiquée

en France et qui sert de référence à certains de nos intellectuels

coupés de leur univers culturel et spirituel.

Notre pays reconnaît depuis toujours les confessions minoritaires

qui pratiquent leurs cultes en toute liberté, sans aucune intervention de

l’Etat dans leurs affaires intérieures. Malheureusement, notre pays est

confronté depuis un certain temps à un mouvement de prosélytisme

virulent qui veut s’imposer parmi la population, en utilisant tous les

moyens pour attirer les gens les plus fragiles, y compris le dénigrement

systématique de la religion de la majorité du peuple. C’est pour faire face

à ce prosélytisme pernicieux qui risque de constituer un danger pour

l’unité nationale et religieuse du pays que cette loi est entrée

en vigueur. Cette loi sépare le grain de l’ivraie et distingue les chrétiens

sincères qui ont toujours vécu leur foi avec sérénité et quiétude parmi

nous des nouveaux évangélistes qui sont mus par d’autres considérations

et qui portent autant préjudice aux musulmans qu’aux vrais chrétiens. Alger, le 12/08/2008

Compte-rendu.

Le Président du Haut Conseil Islamique, le Docteur Chikh

Bouamrane, entouré de ses collaborateurs, a reçu le 26/05/2008, au siège

du H.C.I, le Professeur Ian Lesser, Conseiller auprès de la Fondation

German Marshalle, invité par l’Institut des études stratégiques globales

(IESG). Ce dernier était accompagné du directeur des relations

extérieures de cet Institut.

Au cours de l’entretien, le Professeur Ian Lesser a voulu

savoir quel est le rôle du Haut Conseil Islamique en Algérie et ses

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prérogatives. Il a posé des questions sur les perspectives du

dialogue entre le monde musulman et l’Occident.

Le Président du H.C.I lui a expliqué le rôle et les missions

imparties à son institution avant de lui faire un exposé sur les

relations historiques, culturelles et politiques entre les civilisations

musulmane et chrétienne, ainsi que des problèmes actuels qui

entravent ces relations. Le Président du H.C.I a mis en exergue

notamment la volonté de l’actuelle administration américaine à

vouloir dominer le monde, au nom d’une seule civilisation qu’elle

veut imposer aux autres peuples de la planète. Le Professeur Ian

Lesser a dit partager cette analyse, surtout concernant la violation

des droits de l’homme à Guantanamo, à Abou Ghrib et dans

d’autres pays.

A la fin de l’entretien, le Président du H.C.I a offert à

son hôte des revues et des ouvrages édités par le Haut Conseil

Islamique. Alger, le 26/08/2008