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Les études islamiques N° 13, Juin 2008
Directeur - responsable de la publication :
Dr. Bouamrane Chikh / Président du H.C.I.
Directeur de la rédaction : M. Boudjenoun Messaoud.
Assistante du Directeur : Mme Ould Ali Rahima.
Secrétaire de rédaction : Melle. Bouheddi Zohra
Correspondant : M. Zohaïr Méziane
Comité scientifique :
Dr. Boutefnouchet Mustapha (Université d’Alger).
Dr. Belamine Seif-el-Islâm (Université d’Alger).
Pr. Gaïd Tahar (Ecrivain et ancien Ambassadeur).
Dr. Ihaddaden Zahir (Université d’Alger).
Dr. Smati Mahfoud (Université d’Alger).
Pr. Zerhouni Tahar(Ancien directeur central au Ministère de
l’éducation).
Adresse de la rédaction
HCI- 6, avenue du 11 décembre 1960 – El-Biar –16030- Alger .
Tél: 021.91.54.10/12/13 Fax : 021.91.54.36
E-mail : [email protected]
Revue académique semestrielle éditée par le Haut Conseil
Islamique-Alger
4
Les études islamiques
Revue académique bimestrielle publiée par le Haut Conseil
Islamique (H.C.I) Alger.
Cette revue est une tribune libre. Tout ce qu’elle publie
n’exprime pas nécessairement ses opinions ; tout chercheur
est responsable de ses idées. La possibilité des discussions et
des répliques est ouverte à tous.
Les articles qui parviennent à la revue ne sont pas rendus
à leurs auteurs, qu’ils soient publiés ou non.
Il est souhaitable que l’article reste dans les limites
suivantes : 10 pages au minimum et 15 pages au maximum.
Il est demandé aux auteurs de se conformer à la méthode
scientifique, à l’objectivité et aux règles de publication en
vigueur.
Les articles reçus par la revue sont soumis à l’étude du
Conseil scientifique, habilité à recommander leur publication ou
leur ajournement.
Correspondance avec la rédaction : 06, Boulevard du 11
décembre 1960, El-Biar , 16030- Alger
B.P. 70 Bis El-Biar.
Tél. : 021.91.54.09 (Ligne directe).
Site Internet : www.hci.dz
Courrier électronique (e-Mail): [email protected]
Dépôt légal 1884-2002
ISSN 1112 4083
5
Tableau de transcription.
Dans un souci d’uniformiser et d’harmoniser les textes
et articles de la revue Les Etudes islamiques, les Professeurs,
écrivains et journalistes collaborant à cette revue académique,
sont priés de respecter ce tableau de transcription en se
conformant à ses recommandations.
1. Eviter de laisser des espaces entre les mots.
2. Respecter le sens des paragraphes et éviter de revenir
à chaque fois à la ligne.
3. Eviter de laisser du blanc au bas des pages, sans
raison.
4. Faire très attention aux fautes d’orthographe, autant
que faire se peut.
5. Mettre les citations en italique et entre guillemets
avec la source et la référence. Mettre aussi les titres
des ouvrages et les noms de journaux en italique.
6. Traduire toujours Allah par Dieu.
7. Ecrire toujours l’Islâm avec un accent circonflexe sur
le a.
8. Ecrire toujours le début d’un mot d’origine arabe
avec « Al ». exemple : Al-Fâris, Al-Chams, Al-
Rahmâne.
9. Eviter de mettre des majuscules sans raison et
respecter les noms propres.
10. Les points de suspension doivent se limiter à trois
points (c-à-d) …
11. Les points cardinaux (Est, Ouest, Nord et Sud)
doivent s’écrire en majuscules.
12. Dans les références, s’il y a une seule page à citer, il
faut écrire un seul p ; s’il y en a plus, il faut écrire pp.
13. dans la citation des références coraniques, il faut
respecter cette manière d’écrire : exemple Coran (s.2,
v.256).
6
Sommaire Editorial………………………………………………………….……....7
Sourate Al-Rahmân, « la mariée » du Coran - 31 interpellations….………...….8
Pr. Smaïl Boudechiche
La place du soûfisme dans l’Islâm……………………………………....14
M. Messaoud Boudjenoun
L’Islâm et la civilisation de l’Occident………………………….………21
Dr. Bouamrane Chikh
Le Coran est-il applicable au siècle de la technologie ?...........................24
Pr. Tahar Gaïd
Colloque mars 2008 :
La jeunesse entre authenticité et actualité………………………………45
Dr. Bouamrane Chikh
La jeunesse entre l’authenticité et le monde actuel……………………..51
Pr. Christian Valantin
Grandes figures :
Al-Maqdissi : l’homme et l’œuvre………………………………………55
Pr. Chérif Kassâr
Hommage à Nasreddine (Etienne) Dinet……………………………….58
M. Messaoud Boudjenoun
Choix de textes à méditer :
Le portrait du Prophète (qsssl)…..………….…………………………...62
Activités du H.C.I………………...………………………...…………..67
Réplique à un pamphlet de A. Benchabane, journaliste à Montréal,
Canada……………………………………………………………...……67
Entretien du Président du HCI avec le quotidien El Watan……………..69
Entretien du Président du Haut Conseil Islamique avec Horizons
quotidien d’Alger………………………………………………………..73
Réplique sereine à A.Benchabane…………………………………….…76
Mise au point au quotidien Le Soir d’Algérie………………………..….78
Réponses aux questions du Jour d’Algérie…………………………..….79
Communiqué du Haut Conseil Islamique ………………………………82
Compte-rendu de la visite d’une délégation française composée de hauts
fonctionnaires du ministère de l’intérieur et des affaires étrangères……83
Recommandations du colloque international sur la jeunesse entre
l’authenticité et le monde actuel……………………………………...…85
Visite de Mr Christian Delorme, prêtre à Lyon…………………...….…88
Allocution du Président du H.C.I, prononcée lors de l’enterrement du
savant et homme de lettres, le Cheikh Mohammed Sâlah Ramadân (1913-
2008) le 23/07/2008………..……………………………………………89
Mise au point au quotidien d’Echo d’Oran………...………………...…91
Liberté de culte ou transgression de la souveraineté nationale ?.……….92
Compte-rendu………………………………………..….………...…….94
7
Editorial
Le treizième numéro de la revue Les Etudes Islamiques que
nous présentons à nos lecteurs contient une série d’articles sur la
pensée de l’Islâm dans sa riche diversité. Dans la rubrique « Etudes
coraniques », nous continuons l’études des repères coraniques qui
traite de la sourate Al-Rrahmân,( le Miséricordieux).
L’article suivant parle de la place du soûfisme dans l’Islâm,
en montrant que les principes et les bases élaborés par les maîtres de
cette grande voie spirituelle sont puisés dans le Coran et la Sunna du
Prophète (qsssl) sans emprunts à d’autres voies et expériences
spirituelles comme le soutiennent à tort certains orientalistes.
Un troisième article traite de la position des savants musulmans
face à la civilisation de l’Occident. L’auteur distingue trois grands
courants : le courant traditionnel qui rejette tout emprunt à cette
civilisation, le courant scientiste qui veut se fondre dans cette civilisation
et le courant de civilisation qui veut emprunter à l’une ce qu’elle a de
meilleur, tout en gardant notre authenticité et notre originalité. Dans
cette optique, un autre article traite de la possibilité de mettre en lumière
les rapports du Coran avec le siècle de la technologie, en insistant sur la
particularité de l’Islâm à embrasser tous les problèmes de la vie
spirituelle et profane.
Comme le Haut Conseil Islamique a organisé cette année
son colloque international sur le thème de la jeunesse entre
l’authenticité et le monde actuel, nous présentons aux lecteurs
deux communications à ce sujet, l’une du Président du H.C.I et
l’autre due à un universitaire français sur le thème de la jeunesse.
Par ailleurs, la personnalité dont nous présentons la biographie
dans la rubrique « Grandes figures » dans ce numéro est celle du
savant Al-Maqdisi, qui traite de l’homme et de son œuvre.
Dans la revue, les lecteurs pourront lire également un
hommage au peintre musulman Nasreddine Dinet, tandis que la
rubrique habituelle « Choix de textes à méditer » est consacrée à
8
certains passages du livre de cet auteur extrait de son livre « La
vie de Prophète de Dieu » et d’autres textes et informations
ayant trait aux activités du H.C.I.
Le Comité de la revue.
Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux
Dans la série « Repères coraniques »
La Sourâte Al-Rahmân Ou « la mariée » du Coran
31 interpellations
Pr. Smaïl BOUDECHICHE*
Introduction
Dans la grande série des repères coraniques, nous avons le plaisir
de présenter une autre sourâte, à l'architecture particulière admirable.
Elle est qualifiée, selon un hadîth reproduit dans les commentaires,
de « mariée » du Coran. Une mise en forme de sa structure, orientée
autour de trente et une interpellations, révèle quelques-uns de ses
aspects merveilleux qui contribuent à sa compréhension, à son
apprentissage, à son rappel et à sa communication.
L'apprentissage de cette sourâte a de tout temps posé
problème à ceux qui veulent l'apprendre par cœur, en raison des
répétitions qu'elle renferme. On rapporte des anecdotes sur les
« taleb » (maîtres coraniques) les plus entreprenants qui usent de
ruses et de procédés divers pour pouvoir l'apprendre et lutter
contre son oubli. Le procédé le plus répandu est celui de former
des lettres avec les initiales de chaque répétition, ce qui permet au
« taleb » d'avoir un guidage et des repères lors de sa lecture et de
son rappel. Malgré tout, les « taleb » et les croyants réussissent, à
force de rappel, à aplanir ces difficultés.
* Auteur de la série « Repères coraniques ».
9
Ainsi approchée, elle rend sa traduction plus aisée et plus
claire. Là où on voyait difficulté et problèmes, elle devient source de
clairvoyance et de simplicité. Cela facilite l'accès à la compréhension
et fait reculer l'oubli dans des proportions importantes. Qu'on en juge.
Les méthodes modernes de classification et d'analyse permettent
de résoudre le problème à la base, comme le montre cet essai structurel.
Toutes les traductions présentent le texte coranique en débutant par
les numéros de versets, ce qui donne l'impression qu'il s'agit d'un
livre canonique difficile, sinon impossible à pénétrer. La mise en forme
du texte coranique, en montrant sa structure et les repères proposés,
donne une autre approche révélatrice de ce que comporte le texte divin.
L'analyse de la sourâte fait ressortir le schéma suivant :
1. Une introduction de quatre versets indiquant la source de
la révélation divine, provenant d'Al-Rahmân, c'est-à-dire du
Miséricordieux qui se définit à travers trois caractéristiques propres
à Dieu.
2. Le corps de la sourâte avec ses 31 interpellations se
répartit ainsi :
- 1è partie évoquant les choses d'Ici-bas, en donnant
des preuves et des défis de Dieu : 11 interpellations.
- 2é partie évoquant des signes sur l'Au-delà : 20
interpellations.
3. Une conclusion comprenant une louange.
On a ainsi :
1- l'introduction avec les trois définitions du Miséricordieux :
l'enseignement du Coran, la création de l'homme et le raisonnement.
2- « Le Miséricordieux » (01)
3- « Il a enseigné le Coran (02),
Il a créé l’homme (03)
et Lui a appris le raisonnement » (04).
Dans la première partie, il y a onze interpellations concernant
les preuves et défis de Dieu. Les preuves sur l'existence et le pouvoir
divin comportent cinq interpellations. Elles portent successivement
sur l’interpellation n°1.
10
On y trouve des signes d'ordre cosmologique au nombre
de huit cités par deux : le soleil et la lune, les herbes et les
arbres, le ciel et la balance, la terre et les plantes :
- « Le soleil et la lune gravitent d’après un calcul (05).
- « Les herbes et les arbres se prosternent (06).
- « Le ciel, Il l’a élevé et Il a établi la balance (07).
- « Alors ne soyez pas injustes, dans la balance (08).
- « Soyez équitables lors de la pesée et ne faussez point la
balance (09).
- « La terre, Il l’a placée pour les créatures (10).
- « Il y a des fruits, des palmiers chargés de panicules (11).
- « Des grains dans leurs balles et des plantes aromatiques
(12).
- Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? » (13).
L’interpellation n°2 porte sur la création de l'homme et
des djinns :
- « Il a créé l’homme d’une argile semblable à la poterie (14).
- « Et Il a créé les démons d’un feu sans fumée (15).
- « Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (16).
L’interpellation n°3 porte sur deux Orients et deux Occidents :
- « Il est le Seigneur des deux Orients et des deux Occidents (17).
- « Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (18).
Les interpellation n°s4,5 et 6 portent successivement sur les
deux mers, douce et salée, les perles et le corail et enfin les
vaisseaux sur mer qui sont également des signes de Dieu et
non le fait du hasard.
- « Il a donné libre cours aux deux mers pour se rencontrer (19).
- Il y a toutefois entre elles un isthme, de sorte qu’aucune ne
puisse l’emporter sur l’autre (20).
- Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? » (21).
- « Il est extrait (de ces deux mers), des perles et du corail (22).
- Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? » (23).
- « A lui appartiennent les vaisseaux qui voguent sur la mer
comme des minarets (24).
- Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous?» (25).
11
Les interpellations 7, 8, 9,10 et 11 représentent cinq défis de Dieu
aux deux charges sur terre : l'homme et le djinn : tout a une fin, sauf
Dieu ; toute créature a besoin de Dieu, aucune créature n'échappera au
rendez-vous fixé par Dieu ; la science pour aller dans l'espace est limite
infranchissable. On a :
- « Tout ce qui est sur terre est voué au néant (26).
- Seul subsistera le visage de ton Seigneur plein de majesté et
de noblesse (27).
- Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (28).
- Quiconque est dans les cieux et sur la terre Lui adresse des
demandes. Chaque jour, il est dans une nouvelle situation
(29).
- Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (30).
- Nous aurons à nous consacrer à vous, ô vous les deux charges
sur terre (31).
- Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (32).
-O peuple des démons et des humains ! Traversez si vous
pouvez les espaces célestes et terrestres. Mais vous ne pouvez
le faire qu’avec un pouvoir (émanant de Dieu) (33).
- Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (34).
- Il sera lancé contre vous un jet de feu et de fumée et vous ne
saurez vous secourir (35).
- Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (36).
Dans la deuxième partie, on trouve les interpellations sur
l'Au-delà.
Elle sont au nombre de 20, réparties comme suit :
- deux pour la description du Jour Dernier
- deux pour le sort des mécréants
- seize pour le sort de celui qui craint Dieu, sous forme
d'une symétrie de deux paradis (huit interpellations), suivis
de deux autres (également huit interpellations). Dites Dieu est
Grand à la lecture de cette parabole !
On remarque :
A- Les interpellations douze et treize comportent deux
signes sur le Jour dernier :
12
- « Lorsque le ciel se fendra en devenant comme une rose à la
couleur huilée (37).
- « Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (38).
- « Ce jour-là, ni les humains, ni les démons ne seront
interrogés sur leurs péchés (39).
- « Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (40).
B- Les interpellations quatorze et quinze décrivent ce
qui attend les mécréants :
- « Les criminels seront reconnus à leurs traits distinctifs. Ils
seront alors saisis par les toupets et les pieds (41).
- « Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (42).
- « (Il leur sera dit) : «Voici la géhenne que les criminels
niaient » (43).
- Ils circuleront entre elle et une eau chaude à la limite de
l’ébullition (44).
- Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (45).
C- Les seize interpellations restantes comportent quatre
jardins pour celui qui craint Dieu (de seize à trente et une).
D'aucuns peuvent penser que seize interpellations sont
trop étendues pour être retenues, notamment pour les
mémoires faibles. La mise de sa forme résout ce problème
définitivement, du fait qu'elles se présentent dans une
parabole symétrique de deux parties contenant chacune huit
interpellations. La première décrit deux paradis pour celui qui
craint Dieu avec huit interpellations. La deuxième renferme
également deux autres paradis avec huit interpellations avec
des descriptions différentes. On note :
1 – les deux premiers paradis : interpellations de seize à vingt deux.
Elles décrivent successivement les privilèges de ces deux paradis :
deux paradis, couleur multicolore, deux fleuves, de chaque fruit, un
couple, des fauteuils, des houris (versets 20-21-22). Voici les huit
interpellations sur les deux premiers paradis :
- « Celui qui aura craint la grandeur de Dieu aura deux
jardins (46).
13
- « Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (47),
- « (Jardins) aux multiples ramures (48).
- « Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (49).
- « Deux sources y couleront (50).
- « Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (51).
- « Il y aura de chaque fruit deux espèces (52).
- « Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (53).
- (Les bienheureux) y reposeront sur des tapis doublés de
brocart, les fruits (des jardins) à leur portée (54).
- « Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (55).
- « Là, il y aura des houris aux regards chastes que ni
humain, ni démon n’auront touchées avant eux (56).
- « Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (57),
- « On pourrait les croire semblables à l’hyacinthe et au corail (58).
- « Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (59).
- « La récompense du bien est-elle autre chose que le bien (60).
- « Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (61).
2 – les deux jardins en plus comportent des interpellations de
vingt trois à trente et une.
Elles décrivent successivement les privilèges de ces
deux autres jardins en plus, avec beaucoup de similitudes
avec les deux premiers : deux jardins, de couleur verte, deux
jets d’eau, des fruits, des houris (trois interpellations) et des
fauteuils. Voici les huit dernières interpellations :
- « En deçà, il y aura deux autres jardins (62).
- « Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (63).
- « Ils (les jardins) sont d’une couleur verdâtre (64).
- « Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (65).
- « Il y aura deux sources jaillissantes (66).
- « Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (67).
-« Il y a aura des fruits, des palmiers-dattiers et des grenadiers
(68).
- « Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (69).
- « Il y aura des (femmes) vertueuses et belles (70).
- « Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (71).
- « Ce sont des houris cloîtrées en des tentes (72).
14
- « Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (73).
- Aucun humain, ni démon ne les auront auparavant touchées
(74).
- « Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (75).
- « Ils (Les bienheureux) seront accoudés à des coussins verts
sur des tapis épais d’une merveilleuse beauté (76).
- « Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? (77).
5- La conclusion porte sur la glorification de Dieu.
- « Béni soit le nom de ton Seigneur plein de majesté et de
noblesse (78).
Y a-t-il à redire sur cette architecture, autrement que glorifier
Al-Rahmân pour ce présent aux croyants en particulier et aux
autres en général qui veulent admirer la beauté du texte coranique.
Cette sourate mérite bien son titre de « mariée du Coran ». Dieu
soit loué.
La place du soufisme dans l’Islâm
M. Messaoud Boudjenoun
Le soufisme en tant que pratique spirituelle et en tant que
comportement (souloûk) a toujours été lié intimement à l’histoire
de l’Islâm. Il est un moyen d’intériorisation de l’Islâm et une
marche sur les pas du Prophète (qsssl). En effet, pour les plus
grands maîtres de la Voie, le premier soufi en tant que tel fut le
Prophète Mohammad (qsssl), puisque toute sa vie fut une quête
permanente de Dieu et un cheminement vers Lui. Que ce soit
avant la Révélation ou après, sa vie de méditation dans la grotte de
Hirâ, sa quête de recherche de Dieu, de renoncement aux plaisirs
de ce monde, d’amour de Dieu, de certitude quant à Sa présence et
à Sa proximité de lui, de confiance absolue en Lui, font de lui le
maître et le guide pour tous ceux qui veulent emprunter la voie de
la quête de Dieu. Il est l’exemple et l’archétype de l’homme parfait
que tous ceux qui sont en quête de Dieu doivent prendre comme
modèle.
15
Un grand nombre de ses compagnons furent d’authentiques
soufis, à l’image d’Abû Dharr, Alî Ibn Abî Tâleb, Salmâne Al-
Fârisî, Abû Addardâ, Abdallah Ibn Sallâm, Bilâl Ibn Rabbâh,
Moss’ab Ibn Omayr, Abdellah Ibn Massoûd et autres. Il en est de
même du célèbre ascète du Yemen Ouways Al-Qarnî qui avait cru
au Prophète (qsssl), sans le voir et dont celui-ci avait vanté les
mérites comme il est rapporté dans un hadîth authentique cité dans
le Sahîh de Mouslim. Cet homme avait atteint le degré de sainteté
(wilâya) par sa propre quête et son contact spirituel à distance avec
le Prophète (qsssl) dont on rapporte qu’il disait : « Le souffle du
Miséricordieux m’arrive du Yemen ». C’est pourquoi on appelle
« ouwaysi » tous ceux - très rares il est vrai - qui entreprennent la
quête de Dieu, sans l’assistance d’un maître spirituel.
Dans le Coran, beaucoup de versets incitent à la vie
spirituelle et à la recherche de l’au-delà. Les maîtres soufis
qui ont écrit sur les principes du soufisme ont toujours puisé
dans le Coran les versets justifiant et confortant les états
(ahwâl) et les stations (maqamât) de la voie soufie1.
Nous rejoignons ainsi la définition du soufisme par l’illustre
maître de la Voie, Aboû Al-Qâsim Al-Jounayd qui disait que « le
soufisme est un état spirituel (hâl) et non une parole (qawl) ». En
effet, même si le mot « soufisme » n’était pas usité à l’époque des
compagnons du Prophète, il n’empêche que cette pratique spirituelle
était la caractéristique propre de ces hommes illustres et cela se
reflétait sur tous leurs actes quotidiens.
Le grand historien Ibn Khaldoûn a écrit à ce sujet : « Le
soufisme est une doctrine née au sein de la théologie qui a récemment
pris corps dans l’Islâm. C’est un système de morale spirituelle que les
premiers musulmans, les Compagnons du Prophète (qsssl), leurs
disciples et les générations des hommes pieux qui les ont suivis ont
1. Pour plus de précisions, voir à ce sujet les ouvrages des grands maîtres
soufis qui ont écrit sur ces états spirituels et ces étapes, comme Al-
Qouchayri, Al-Ansâri Al-Haraoui, Al-Kalabâdhi, Ahmad Zarroûk…
16
toujours considéré comme une voie conduisant à la Vérité et à Sa Loi
infaillible »1.
De leur côté, les grands maîtres de la Voie nous ont
laissé des propos qui montrent l’authenticité de cette méthode
d’intériorisation de la foi et la place privilégiée qu’elle
occupe dans l’Islâm.
Celui qui est considéré comme le maître du groupe
(Sayyid Al-tâïfa) Aboû-al-Qâsim Al-Jounayd a dit : « Le
soufisme, c’est la pureté du comportement envers Dieu ». Il a
dit aussi : « Le soufisme, c’est que tu sois avec Dieu sans
intermédiaire ».
Pour sa part, l’illustre maître Al-Mouhâsibi dans son Kitâb Al-
Wasâya, note que, dans son désir d’agir purement pour Dieu, en
imitant le Prophète (qsssl), il s’était montré extrêmement peiné du
manque de guides spirituels et troublé du désaccord de la
communauté. Alors, dit-il, je m’exhortais à m’enquérir de ce que je
n’arrivais pas à trouver par moi-même auprès de gens en qui j’avais
remarqué des signes de piété, d’abstinence et d’observance
scrupuleuse, donnant à l’autre vie la préférence sur celle-ci.
De son côté, le célèbre Aboû Hâmid Al-Ghazâlî a écrit dans
son livre Al-mounqidh mina Al-dhalâl : « La méthode des soufis est
fondée sur le savoir et la pratique tout à la fois. L’essentiel de leur
savoir consiste à surmonter les obstacles de la nature humaine, à
vaincre ses bassesses et ses vices afin de vider le cœur de toute
chose autre que Dieu et de le parer de la présence constante de
Dieu. Après être entré dans leur voie, je devins persuadé que les
soufis vivent par la pratique ce que d’autres vivent par la parole ».
Une autre définition du soufisme nous est donnée par le
grand maître Ahmad Zarroûk qui écrit dans son livre Les
bases du soufisme : « Le soufisme est une science visant à
1. Ibn Khaldoûn, in Al-Mouqaddima.
17
corriger les cœurs et à les attacher exclusivement à Dieu, au
même titre que la jurisprudence a pour but de corriger les
actes, maintenir l’ordre et mettre en évidence la raison d’être
des lois »1.
Les pieux anciens (al-salaf alsâlih) qui suivirent cette voie
s’illustrèrent par leur dévotion et leur ascétisme. Certains d’entre
eux marquèrent leur époque par leur spiritualité qui fit d’eux de
véritables maîtres et guides spirituels, à l’image d’Al-Hasan Al-
Basri, Mâlik Ibn Dinâr, Soufiân Al-Thawrî, Rabî’a Al-‘Adawiyya,
Ibrahîm Ibn Al-Adham, Foudhayl Ibn ‘Ayyâdh, Ma’roûf Al-
Karkhî, Bichr Ibn Al-Hârith Al-Hâfi, Al-Jounayd et de nombreux
autres dont les biographies sont citées par Ibn Al-Jawzi dans son
livre Sifât Alsafwâ2.
Ce sont ces dévots-là qui donnent à la religion sa ferveur, sa
vigueur et son véritable sens, chaque fois que les hommes tombent
dans le littéralisme des textes et délaissent l’esprit et le noyau de la
religion pour son écorce3. Tout au long des siècles qui jalonnent
l’histoire de l’Islâm, on voit des hommes de cette envergure
apparaître au moment où on observe un relâchement de la morale
ou un attrait excessif pour les plaisirs éphémères de ce bas monde.
Ces hommes viennent rétablir l’équilibre entre la recherche somme
toute nécessaire des biens terrestres et la quête de l’au-delà, entre
les nourritures terrestres et les nourritures spirituelles, afin que
l’être adamique n’oublie pas le rôle pour lequel il est créé : être le
vicaire de Dieu sur terre.
Chaque siècle vit apparaître certains de ces illustres hommes qui
se distinguèrent par leur grande aura spirituelle, leurs connaissances
ésotériques et exotériques (bâtin et dhâhir), leur sagesse et leur dévotion.
1. Cf. Qawâ’id Al-tasawwoûf du cheikh Zarroûk, p.6. 2. Sifât Al-safwa ou la description de l’élite est un ouvrage célèbre de
l’écrivain Ibn Al-Jawzi. L’auteur de cet article est en train de le traduire
en français. 3. Comme l’avait fait l’illustre Aboû Hâmid Al-Ghazâlî en son temps, en
écrivant son célèbre Ihyâ, revivification des sciences de la religion.
18
Ces grands hommes marquèrent profondément la conscience de leurs
contemporains qui virent en eux des saints et des réformateurs de la
religion comme l’indique un célèbre hadith1. En effet, malgré les siècles
et les vicissitudes de l’histoire, les noms d’Aboû Hâmid Al-Ghazâlî,
Abdalqâdir Al-Jilâni, Aboû Madiène Chou’ayb, Abdallah Al-Ansâri Al-
Haraoui, Aboû Al-Hasan Al-Châdili, Jalâl Al-Dîn Al-Roûmi, Bahâ
Al-Din Al-Naqchabandi, Ali Al-Houdjwirî, Ahmad Sirhindi, Ahmed
Zarroûk, l’Emir Abdalqâdir Ibn Mouhyaddîn et autres, continuent d’être
évoqués avec vénération et respect de génération en génération, dans
toutes les contrées du monde musulman.
Beaucoup de maîtres soufis nous ont laissé des œuvres d’une
grande portée spirituelle où ils rapportent leurs expériences dans la
voie de la quête de Dieu, où ils mentionnent les différentes étapes
qui mènent à cette connaissance supérieure. Toutes ces étapes de la
voie soufie sont confortées par des versets coraniques et des
hadiths prophétiques qui sont à la base de toute quête divine
entreprise sur le chemin de la voie.
Voici les plus importantes de ces étapes, telles qu’elles
sont vues par les maîtres soufis, chacune étant confortée par
un verset ou un hadîth du Prophète (qsssl).
La première étape dans la voie de la quête de Dieu est la
tawba, le repentir ou le retour à Dieu. Les maîtres soufis
affirment qu’elle est le point de départ de toute expérience
spirituelle, selon le verset coranique : « C’est Lui qui accepte
le repentir de Ses serviteurs, efface les mauvaises actions et
sait ce que vous faites ». Les soufis insistent sur cette
condition du repentir et un grand maître comme Sahl Al-
Toustarî enseigne que le retour à Dieu doit être sans cesse
renouvelé.
- le zouhd, c’est-à-dire l’ascétisme ou le renoncement est,
selon les maîtres soufis, l’effort ascétique qui doit dépouiller l’âme
1. Il s’agit du fameux hadith qui dit : « Dieu envoie à la fin de chaque
siècle à cette communauté celui qui lui réforme sa religion ».
19
de toute attache au créé. Le Prophète (qsssl) a dit à ce sujet :
« Renonce à ce bas monde et Dieu t’aimera ; renonce à ce que
possèdent les gens et les gens t’aimeront »1. Il a dit aussi : « Sois
en ce bas monde comme un voyageur ou un étranger »2.
Al-Jounayd a dit dans cette optique : « Le renoncement, ce
sont les mains vides de biens et les cœurs vides de toute attache ».
Quant au soufi et théologien hanbalite, Al-Ansâri, il a dit : « Le
renoncement consiste à faire tomber de la chose le désir qu’on en
a, de façon totale ». Et de citer ce verset : « Ce qui reste auprès
de Dieu est un bien pour vous »3.
- le tawakkoul ou l’abandon à Dieu : il s’agit, nous dit
Al-Ansâri, de confier toute l’affaire à Celui qui est le Maître
et se reposer sur Sa gérance, selon ce verset du Coran : « Sur
Dieu appuyez-vous, si vous êtes croyants »4.
- al-khouchoû’ ou l’humilité consiste, selon les maîtres de la
voie, en ce que l’âme cesse de s’enflammer et que la nature cesse
de brûler, pour quelque chose de grand ou de terrible. Il cite le
verset : « L’heure n’est-elle point venue pour ceux qui croient que
leur cœur s’humilie devant le rappel de Dieu et devant la vérité qui
est descendue du ciel ? »5. Le Prophète (qsssl) ajoute dans cette
optique : « Celui qui s’humilie devant Dieu, Dieu l’élèvera ».
- al-khawf ou la crainte révérencielle consiste à s’arracher
à la quiétude de la sécurité par la considération de la parole
reçue, conformément au verset : « Ils craignent leur Seigneur
au-dessus d’eux »6.
- le sabr, la patience ou la constance, consiste à se
retenir de se plaindre, malgré une impatience cachée, dans le
sens du verset : « Sois constant : ta constance ne sera
qu’avec l’aide de Dieu »2.
1. Rapporté par Ibn Mâja - 2. Rapporté par Al-Boukhârî - 3. s.73, v.20 - 4. s. 5, v.20 - 5. s.57, v.16 - 6. s.16, v.50.
20
- le dhikr ou la rappel constant de Dieu permet de se
délivrer de l’insouciance et de l’oubli, conformément au
verset coranique : « Rappelles-toi ton Seigneur quand tu
oublies »3.
- al-mahabba ou l’amour divin est privilégiée dans le
chemin vers Dieu. Al-Ansâri la résume comme l’attachement
du cœur, entre la préoccupation et l’intimité, dans le don et le
refus, de façon exclusive ». Al-Jounayd l’explique par
l’inclinaison des cœurs vers le Bien-Aimé. Pour l’historien du
soufisme, Al-Kalabâdhi, « l’amour est conformité à Dieu en
ce qu’Il ordonne, abstention de ce qu’Il prohibe, agrément de
ce qu’Il décide et décrète ». Les soufis aiment citer ce verset :
« Quiconque parmi vous rejette sa religion, Dieu amènera un
peuple qu’Il aimera et que Dieu aimera »4.
Le Prophète (qsssl) a dit dans ce même ordre d’idées :
« L’homme sera avec celui qu’il aime »5. Il a dit aussi :
« Lorsque Dieu aime un serviteur, Il le met à l’épreuve ; s’il
fait preuve de patience, Il le rapproche de lui ; s’Il en est
satisfait, Il en fait un de Ses bien-aimés (Walîs) »6. Et aussi :
« Celui qui aime la rencontre de Dieu, Dieu aimera sa
rencontre »7.
- l’i’tisâm ou le fait d’être fidèle au pacte conclu avec Dieu :
« être fidèle au pacte conclu avec Dieu, dit Al-Ansâri, c’est être
fidèle à Son obéissance en guettant Ses ordres. Etre fidèle au pacte
conclu avec Dieu, c’est s’élever au-dessus de toute imagination et se
délivrer de toute hésitation, conformément au verset : « Mettez-vous
1. s.16, v.50 - 2. s.16, v.127 - 3. s.18, v. 24 - 4. s.5, v,54. 5. Rapporté par Ahmed Ibn Hanbal. 6. Rapporté par Ibn Mâja. 7. Rapporté par Al-Boukhâri et Moslim.
hors de péril en vous cramponnant au lien avec Dieu. Il est vôtre
Maître »1.
1. s.22, v. 78.
21
Telles sont les principales étapes que les maîtres soufis ont
établies sur le chemin que toute âme assoiffée de Dieu désire
suivre. Ces étapes trouvent leur source dans le message spirituel de
l’Islâm et sont puisées directement dans le Coran. Les grands
maîtres soufis les ont fixées au gré de leurs expériences spirituelles
respectives. C’est une intériorisation du message coranique que
l’expérience spirituelle des soufis se fait le devoir d’entreprendre.
C’est à cette conclusion qu’aboutit tout chercheur, spécialiste ou
profane qui étudie le soufisme et sa place dans l’Islâm.
L’Islâm et la civilisation de l’Occident
Dr. Bouamrane Chikh
« Je dis que l’Islâm n’a donné ni au Calife ni au Cheikh la
moindre autorité en matière de doctrine et de formation des
règles. Quelle que soit l’autorité détenue par l’un d’eux, c’est une
autorité civile définie par la loi islamique. Il est inadmissible que
l’un d’eux puisse revendique un droit de contrôle sur la foi ou le
culte de l’individu ou puisse le requérir de défendre sa façon de
penser » (Mohammad Abdou).
L’idée de civilisation comporte deux acceptions distinctes, l’une
d’ordre matériel et l’autre d’ordre moral. Une civilisation donnée se
définit par l’organisation qu’un certain groupe humain s’est donnée ;
elle exprime ses aptitudes techniques, ses connaissances scientifiques
et sa culture. En outre, une civilisation présente nécessairement
des valeurs morales, une éthique propre qui donne un sens à
la vie personnelle et collective. La civilisation contemporaine est
essentiellement une civilisation industrielle et technicienne. Comment
les autres civilisations se comportent-elles vis-à-vis de cette civilisation
dite encore occidentale ? En particulier, quelle est l’attitude de l’Islâm,
en tant que système religieux, social et moral, par rapport à une telle
civilisation ? Il est possible de ramener les différentes positions
22
essentiellement à trois courants : le courant traditionnel, le courant
scientiste et le courant qui veut concilier tradition et modernité.
Le courant traditionnel.
C’est celui des savants et penseurs qui veulent maintenir la
lettre des textes et n’acceptent guère de s’en écarter. L’ijtihâd et la
réflexion critique jouent un rôle réduit. C’est l’imitation ou taqlîd
qui domine. Une telle attitude est très difficile à maintenir, en
raison de l’évolution de nos sociétés, d’une part, de l’évolution du
monde, d’autre part. Les auteurs du 19è s., en particulier, ceux
de la renaissance (Nahdha) ont contesté cet immobilisme et la
prétention de ceux qui veulent seuls orienter la communauté
islamique d’aujourd’hui dans un sens trop strict. Mohammad
Abdou, en particulier, a condamné l’immobilisme de la pensée. Il
a affirmé avec force la responsabilité de chaque croyant en
Islâm : « Je dis que l’Islâm n’a donné ni au Calife, ni au Mufti, ni
au Cheikh, la moindre autorité détenue par l’un d’eux, c’est une
autorité civile définie par la loi islamique. Il est inadmissible que
l’un d’eux puisse revendiquer un droit de contrôle sur la foi ou le
culte de l’individu ou puisse le requérir de défendre sa façon de
penser ».
Le courant scientiste.
A l’antipode du précédent, ce courant veut tout rejeter et opte
pour l’Occident matérialiste, sous prétexte que notre temps est celui
de la science et de la technologie. Il faut abandonner toute référence
à la vie religieuse et se comporter librement, en s’adaptant aux
exigence de notre époque. Les partisans de ce courant préconisent
avec conviction la séparation du spirituel et du temporel. Ils
affirment que la vie moderne doit se dégager de toutes les règles
d’ordre religieux et « se conformer à la laïcité » adoptée par
plusieurs Etats d’Europe. La science, selon cette tendance, gouverne
tout, la vie quotidienne et la vie morale : aujourd’hui, dit-on, comme
on le voit, l’inspiration est nettement positiviste, le dernier mot
appartient à la science. On reconnaît là l’influence d’Auguste Comte
et de son école. L’exemple d’Ataturk et de son action a fait l’objet de
nombreuses discussions. On pourrait se reporter à ses déclarations et
23
à sa politique. Le courant scientiste ou moderniste y trouve les
raisons de conforter ses positions. Mais il est difficile de tirer des
conclusions d’une expérience faite dans un seul pays et dans des
circonstances historiques particulières. En effet, l’attitude scientiste
risque de couper brutalement un peuple de ses racines profondes.
Rachîd Ridâ l’a bien noté : « C’est une folie, en effet, que de vouloir
anéantir une nation en supprimant tout ce qui constitue son
originalité, ses croyances, ses instincts, sa morale, sa littérature, ses
mœurs … ». Or, l’Islâm fait partie intégrante de notre civilisation.
Le courant de civilisation.
Ce courant analyse objectivement les causes de notre
retard. Elles sont de plusieurs ordres, il faut bien l’admettre,
si l’on veut sortir du sous-développement culturel et scientifique.
L’esprit d’autorité s’est substitué à l’esprit de libre examen. Nos
juristes et nos savants n’ont pas toujours compris la nécessité
d’acquérir les sciences, sans lesquelles aucun développement
n’est possible. Nous avons assisté à leur essor chez les peuples
d’Occident depuis le début des temps modernes, sans y prendre
notre part. Une telle attitude doit être révisée, sans tomber dans
l’excès des scientistes. Nous avons le devoir de concilier les
règles de notre religion, bien comprise. Les deux systèmes sont
complémentaires. Comme l’indique le philosophe Mohammad
Iqbâl (m. en 1938), l’expérience religieuse est réelle ; l’expérience
scientifique est différente, chacune se situant sur un plan distinct. La
religion embrasse la réalité totale : « elle doit occuper une place
centrale dans une synthèse quelconque de toutes les données de
l’expérience humaine… » (Reconstruire). La science, par contre,
est fragmentaire par nature ; elle ne peut prétendre à une vision
complète de la réalité. Si elle se sépare de la religion, elle peut
aboutir à la destruction de l’humanité. « Le Coran, dit-il,
enseigne que la vie est un processus de création progressive
constante, ce qui nécessite que chaque génération guidée, mais
non entraînée par l’œuvre de ses prédécesseurs, a le droit de
résoudre ses problème. La vie se meut en portant la charge de
son passé » (op. cit).
24
La science a donné la puissance à l’homme, mais cette
puissance doit être contrôlée par la sagesse que la science ne donne
pas. C’est plutôt la mission de la religion liée à l’éthique vécue. C’est
pourquoi la philosophie scientifique, politique et économique de
l’Occident ne peut être accueillie par l’Islâm, sans analyse critique
préalable. L’Islâm, en effet, possède sa philosophie propre et sa
conception originale de la civilisation. Il ne peut se fondre dans un
autre système, sous prétexte d’adaptation, d’accommodation ou de
modernité.
Le Coran est-il applicable au siècle de la
technologie ? Pr. Tahar Gaïd
Le Coran : mode de société.
Une lecture sérieuse et approfondie du Coran ne laisse
aucun doute que l’Islâm se destine à organiser la vie publique
et privée de tous les hommes, quelles que soient leur époque
et leur espace géographique. Il traite aussi bien de l’âme que de
tous les aspects de la société, sans rien laisser en suspens. Une
telle conviction s’ancre davantage dans la pensée lorsque le
lecteur se penche sur les événements vécus par le Prophète et
réfléchit aux manifestations périodiques de la révélation et à ses
méthodes opérationnelles. Il s’en dégage une mine précieuse de
renseignements quant aux comportements à la fois moraux et
politiques, conformes à l’esprit et aux orientations du Coran et
aux objectifs pratiques vers lesquels la Parole de Dieu conduit les
créatures humaines.
La globalité du Coran se prouve par les règles juridiques
énoncées par le Coran et la Sunna se référant aux délits et aux
crimes, aux affaires commerciales et aux relations sociales, aux
prérogatives de l’Etat relatives à la déclaration de la guerre ou à
l’établissement de la paix, à la ratification des traités de paix et de
bon voisinage. Le Coran donne également de nombreux textes
qui condamnent la discrimination raciale, réfutent l'exploitation
25
du pauvre par le riche et désapprouvent le fanatisme religieux
ainsi que le sectarisme idéologique. A chacun de ces problèmes,
il expose des solutions simples et équilibrées, dépouillées des
méthodes manœuvrières et éloignées des sentiers tortueux.
En fait, les Décrets de Dieu s’adressent à l’homme et au
milieu dans lequel il vit. Au premier, ils renforcent en lui sa
volonté et sa constance en vue de concrétiser le licite et
d’abandonner l’immoral. Quant au second, ils tendent à l’intégrer
dans un moule déterminé et à le vêtir d’une forme conséquente.
La sagesse de cette double orientation, d’ailleurs intimement liée,
s’explique clairement, car l’homme ne peut pas se mouvoir,
d’une manière lucide et clairvoyante, dans un milieu obscur et
désorganisé. Il a besoin d’une lumière qui lui fraie le chemin et
l’aide à atteindre ce vers quoi il aspire.
Les Commandements exposés dans le Livre sacré, les récits
concernant les premiers peuples et les anciennes civilisations, la
description des scènes de l’existence et de la création servent
de leçons et de méthodes à l’homme et à la société, afin d’édifier une
nation vouée à l’adoration de Dieu et à la réalisation concrète de Sa
Loi, sachant qu’aucune rupture ne s’opère entre la vie individuelle et
l’être humain dans son ensemble. L’Islâm se caractérise par
l’uniformité de sa législation. Les codes qui agissent sur la
conscience s’identifient à ceux qui organisent le foyer familial, à
ceux qui instituent la justice politique et sociale dans la construction
de l’Etat. Tous émanent d’une même source et conduisent au même
but. Ils sont comme le corps humain. Quand un membre est malade,
c’est tous les autres qui souffrent et ressentent la douleur. C’est ainsi
que si la paralysie atteint l’un des codes, c’est l’ensemble qui ressent
le mal et c’est toute la société qui, en subissant les conséquences,
dépérit progressivement et meurt sans appel.
Le Coran dans la vie de l’homme.
Les problèmes du développement ne se résument pas aux
seules questions de la production et de la consommation. La pureté
de leurs moyens et de leurs fins, la morale des relations établies entre
les créateurs d’œuvres matérielles et intellectuelles, les libertés et les
26
droits stimulateurs de cette création puisent leur légitimité de la
religion, laquelle anime le processus de la civilisation et revêt de
grandeur la nation qui s’inspire, sincèrement et honnêtement, de
toute la richesse contenue en elle. En effet, les Arabes mecquois et
médinois étaient des tribus relativement insignifiantes avant la mission
du Prophète. Ils s’imposèrent en une communauté universelle grâce à
leur foi en la religion de Dieu. Le Maghreb était un carrefour ouvert
aux invasions étrangères, avant la pénétration de l’Islâm. Il s’érigea en
une force dynamique et porta la civilisation en Europe, tant que la
religion demeura le ferment de sa politique.
Il en résulte que l’avenir de l’Islâm tient à ses succès
politiques. A cet effet, les références aux valeurs coraniques
s’insèrent dans le cadre des exigences de la modernisation.
C’est ce qui a été fait, dans le passé, par des intellectuels et
des hommes politiques tels que Jamâl al-Dîn al-Afghânî et le
chaykh ‘Abdou. Le vrai croyant est celui qui, sans être un
théologien, place la politique au service de la religion, plutôt
que de se servir de cette dernière comme instrument de ses
ambitions. C’est que le Coran est le Livre à la fois de l’âme et
de l’organisation de la vie en ce monde. Il constitue ses piliers et
son être. Il s’érige en gardien de sa conscience morale. Il est, de
ce fait, sa loi fondamentale et son mode d’existence. C’est, en
définitive, la référence de toute activité, de tous les modes de
création et du mouvement vers le progrès.
Un fossé profond s’établira entre les musulmans et le Coran
si les premiers ne se conforment pas correctement aux textes du
second. Il convient pour eux de ne pas perdre de vue que le Livre
de Dieu s’adresse à une communauté d’individus actifs qui vivent
une réalité concrète. Il oriente les événements du monde immédiat
et prépare le terrain à la vie dernière. Il suscite en chacun des êtres
humains une lutte contre lui-même, quel que soit le lieu où il se
trouve sur cette terre. Le combat mené subit évidemment les
vagues du changement et des interactions de leurs mutations. Un
voile épais subsistera entre les musulmans et le Coran aussi
longtemps qu’ils se contenteront de le réciter ou de l’écouter,
comme s’il n’avait été descendu qu’à cet effet, sans relation avec
27
les réalités quotidiennes auxquelles l’homme est confronté. Or, les
versets coraniques ont été révélés pour orienter les âmes et les
actes, afin de leur donner une vive résonance qui se répercute sur
l’ensemble de la société.
Certes, le miracle coranique a pour but de résoudre une
réalité déterminée d’une vie communautaire déterminée. La
première communauté islamique a mené alors une grande bataille
qui a transformé son histoire et celle de toute l’humanité. Il n’en
reste pas moins qu’il a été conçu pour que les hommes de toutes les
époques, et la nôtre bien entendu, puissent faire face à leurs
problèmes intérieurs et extérieurs. C’est donc un instrument
spirituel et moral destiné à terrasser les germes de la Jâhiliyya qui
subsistent ou se renouvellent actuellement. Il opère aussi dans le
domaine de la conscience, de la même manière qu’il agissait au
temps de la révélation. Il appartient donc aux musulmans de ce
siècle de saisir la réalité vivante qui se trouve dans le Coran et de
tirer profit de sa force opérante.
C’est toute une activité de mujâhada (effort sur soi-
même) et de muhâsaba (contrôle de soi-même ou examen de
conscience). Le jihâd al-nafs (effort sur son soi) implique la
présence de Dieu dans la pensée et le cœur. En chaque
individu se trouve le souffle du Seigneur. Chacun a reçu de
Lui al-amâna, c’est-à-dire un dépôt représenté par la raison et
la responsabilité individuelle. A cet effet, l’homme doit s’en
remettre à Lui (al-tawakkul) et se repentir, c’est-à-dire de
revenir à Lui à chaque instant. Fort de ces atouts, il est donc à
même de lutter contre sa passion, son égoïsme et ses
ambitions démesurées. Débarrassé de ces fléaux, il passe de
l’orgueil à l’humilité et atteint le stade de l’istiqâma (la
rectitude). Dans cette optique, nous constatons que le Coran a
agi sur la vie de la première communauté musulmane. Il est
apte à opérer de la même façon sur notre vie actuelle et sur
celle des générations futures. Il est évident qu’il n’est pas un
simple Livre de lecture, éloigné de nos réalités quotidiennes
ou qu’il se compose de pages écrites dans le passé et jaunies
par le temps, pour demeurer dans les oubliettes de l’histoire.
28
Il est indéniable que le Coran est une Vérité dotée d’une
essence invariable au même titre que l’existence de notre univers.
Il est le Livre de Dieu ouvert interminablement aux regards, destiné
à la lecture ininterrompue. L’un et l’autre témoignent de l’existence
de leur Créateur. Tous les deux sont des entités qui servent à la
réalisation d’œuvres salutaires. En effet, le premier, avec ses lois,
continuera à se mouvoir et à remplir sa fonction que Dieu lui a
assignée. Le second, avec ses normes, jouera sans arrêt le rôle que
le Seigneur lui a défini.
Quant à l’homme, il restera tel qu’il est dans sa réalité
physique et sa nature originelle jusqu’à la fin des temps. Il ne se
transformera pas en une autre créature, quelles que soient les
circonstances. Il est, par conséquent, comme cet univers. Il n’accepte
pas le changement radical de sa physionomie. Sous prétexte de son
ancienneté qui prend racine dans la nuit des temps. Il a été créé pour
adorer le Très-Haut. Pour ce faire, il est de son devoir d’accepter le
Coran comme un discours universel, éternel et immuable, chargé de
parfaire sa condition spirituelle et morale. Il en résulte qu’il est
aberrant de déclarer puisque tel astre est ancien, il est donc temps de
le changer par une autre constellation. Il en est de même du Livre de
Dieu. Il est inconcevable de prétendre qu’il est dépassé et qu’il est,
par voie de conséquence, grand temps de lui trouver une alternative !
L’Islâm, suivant le Coran, a donc pour objet d’organiser la
société musulmane sur la base de l’entraide, de la miséricorde, de la
tolérance, de la confiance, de la justice, de l’amitié, de la purification,
de l’élimination des résidus de la jâhiliyya et de l’instauration de
nouveaux points de repères. Parallèlement à ces objectifs, il existe un
autre dont la profondeur et les effets ne sont pas moindres dans la vie
sociale des croyants. Il est même le fondement sur lequel les
premières projections s’appuient pour prendre leur élan réformateur.
Il s’agit de la définition de la religion, du contour à donner à la foi, de
la connexion de toutes les organisations et les institutions qui
régissent la vie de l’individu, celle de la société et celle de l’Etat en
général.
29
La religion se traduit par la soumission volontaire et
l’obéissance réfléchie à la loi fondamentale du Créateur. Dans cette
optique, la société fonctionne sous la direction d’une aqîda. Le tout
se résume dans un pouvoir seigneurial représenté par l’Envoyé de
Dieu et ce qui lui a été communiqué. C’est la conformité avec cette
loi qui accorde à l’homme la qualité de musulman et l’insère dans la
société islamique. Sans cette concordance avec la charî’a (Coran et
Sunna), l’être humain ne peut vraiment se réclamer de l’Islâm.
Comprendre et appliquer le Coran.
Le Coran est un Livre qui couvre tous les problèmes de la
vie. Si le thème principal s’axe autour de l’unicité de Dieu, il n’en
reste pas moins qu’il aborde la question des pratiques cultuelles et
le trait caractéristique de toute société musulmane, à savoir le
commandement du convenable et l’interdiction du blâmable, ce
qui implique une morale et la défense des droits de l’homme. Cet
ensemble s’inscrit dans la charî’a qui a besoin d’être clarifiée.
Il n’y a pas que dans l’opinion européenne que nous rencontrons
des gens pour lesquels l’Islâm ne se perçoit pas dans leur univers
mental. Il existe aussi des personnes qui se disent publiquement
musulmanes mais qui, en réalité, situent leur pensée dans une aire
culturelle étrangère aux aspirations profondes de leur société. Eux aussi
recourent à des stéréotypes, empruntés à l’autre et se prêtent au jeu de
l’amalgame pour désigner tous ceux, sans exception, qui militent en
faveur de l’instauration des valeurs islamiques au sein de leur peuple.
C’est alors qu’ils voient partout des fanatiques, des intégristes, des
terroristes... pour mieux introduire leurs idées laïques plus virulentes
que celles des pères de la laïcité qui, eux, sont connus pour leur
tolérance à l’égard des religions.
D’une manière générale, l’Islâm est revêtu de plusieurs sens
alors qu’il est Un. Des concepts sont inventés tels que : Islâm
politique, Islâm progressiste, Islâm réactionnaire, Islâm moyenâgeux,
Islâm extrémiste …1. C’est qu’il y a une confusion entre le corps de
1 . J’ai même lu un article où il était question de musulmans athées !
30
l’Islâm, représenté par le Coran, et les applications pratiques qui en
sont faites. A travers les multiples réalités historico-socio-culturelles
des sociétés musulmanes, on découvre des « Islâms » ( !) différents et
on leur applique des étiquettes étrangères à la Parole de Dieu et à la
Sunna de Son Envoyé. Or, une analyse objective de l’Islâm implique
comme point de départ les textes scripturaires.
C’est à partir de ce socle doctrinal que la politique des États et
des gouvernements musulmans devrait être appréciée car, comme le
précise Saddek Rabah1 : « L’Islâm est traversé, de part en part, par
le mouvement de l’histoire. Car, si sa Révélation se situe en dehors
de l’histoire, les pratiques sociales et culturelles qui en découlent
subissent, quant à elles, les vicissitudes, le flux et le reflux de cette
même histoire. Ce qui engendre des situations fort différentes les
unes par rapport aux autres, où de nombreux éléments entrent en
jeu pour donner forme à diverses configurations sociétales».
La charî’a dans le Coran.
De la même manière que le Coran est la source première de la
‘aqîda, il l’est également pour la législation al-charî’a. L’Islâm est
une foi intérieure que les actes extériorisent. La ‘aqîda exprime cette
foi et la charî’a s’articule autour des actes qu’il s’agisse de la relation
de l’homme avec son Seigneur, comme les pratiques cultuelles telles
que la prière, le jeûne, la zakât et le pèlerinage, qu’il s’agisse de la
relation de l’homme dans sa famille, des relations civiles, financières
et politiques entre les membres de la nation ou des relations
internationales entre la nation islamique et les autres nations dans les
périodes aussi bien de paix que de guerre.
Certaines personnes, qui se réclament d’une philosophie dite
moderne par eux prétendent que le terme charî’a n’est cité qu’une
seule fois dans le Coran mecquois, c’est-à-dire avant la révélation
des règles juridiques qui organisent la vie de la société. «Puis, Nous
t’avons mis sur la voie (‘alâ charî’tin) de l’Ordre. Suis-la donc et ne
suis pas les passions de ceux qui ne savent pas»1. Ils en concluent que
1. L’Islâm dans le discours médiatique, éd. al-Bourâq, 1998.
31
le Coran n’attache pas d’importance à la charî’a ! Ils commettent une
grossière erreur, car si le Coran ne mentionne qu’une seule fois le mot
charî’a, cela ne veut pas dire qu’il lui accorde peu d’importance.
Examiné sous cet aspect, nous pourrons conclure aussi que le Coran
se désintéresse de la ’aqîda, puisqu’il ne mentionne le terme dans
aucun verset. Nous pouvons aussi déduire qu’il ne se prononce pas sur
la morale, puisque ce vocable n’est cité qu’une seule fois à propos de
l’éloge adressé au Prophète (qsssl). «Certes, tu es d’une moralité
éminente»2. En réalité, ce qui est important, c’est la teneur de ces
terminologies et non pas les mots eux-mêmes. Or, ce contenu est
répandu dans les commandements coraniques, ses interdits et ses
orientations.
Il est vrai que le Coran attache un grand intérêt à la ‘aqîda
ainsi qu’à la morale et aux fondements de la vertu. Mais il ne néglige
pas pour autant les questions législatives : il définit la méthode
pratique de la vie de l’individu musulman et la vie de la société
musulmane. Dieu exhorte l’homme dans plus de 90 versets sous
cette forme : «Ô vous qui croyez !» Cette expression : « ayyuha
alladhîna âmanû » est une formule nouvelle qui résonnait dans les
oreilles des habitants de la presqu’île arabique, eux qui avaient pour
habitude de s’interpeller : Yâ ‘arab (Ô vous les Arabes), yâ ‘ajam (Ô
vous les étrangers), yâ banî fulân (Ô fils d’un tel). En interpellant
l’homme, le Coran se réfère à la foi.
D’aucuns diront que ce monde n’a pas besoin de la
religion pour l’organiser. Au contraire, ce monde revêt une
grande valeur parce qu'il représente un champ de culture dont
les semences préparent les gens à la vie dernière. L’homme
agit en ce monde éphémère pour connaître l’éternité de l’au-
delà. Le monde présent est en quelque sorte un capital qu’il
faut fructifier et exploiter aux moyens des bonnes œuvres qui
assurent la félicité du monde futur.
1. s.45, v.18 -2. s.68, v.4.
Les oulamâ divergent sur le nombre de versets qui se préoccupent
de la charî’a, connus sous le nom de « âyât al-ahkâm ». Certains disent
32
qu’il y en a 500 et d’autres beaucoup plus. Ce qu’il y a lieu de retenir,
c’est que le Coran se tait sur les questions dont les données varient très
souvent avec le temps et l’espace telles que la forme de l’autorité d’un
État et les mesures judiciaires. Il se prononce parfois sur certaines
questions d’une manière générale, sans entrer dans les détails. C’est le
cas de la chûrâ (la concertation) dans la vie sociale, la politique et la
justice. Le Livre de Dieu n’indique ni ses procédures ni ses méthodes
d’application. Nous trouvons tantôt que le Coran détaille les règles de
certaines affaires qui ne changent pas beaucoup avec le temps et l’espace
tels que la famille, le mariage, le divorce, l’aumône purificatrice, l’héritage
et comme certains problèmes relatifs à certains délits.
Il est vrai que ces règles juridiques pratiques signalées
par le Coran ne sont pas très nombreuses mais elles revêtent
une valeur considérable, car ce sont elles qui distinguent une
nation d’une autre, une civilisation d’une autre.
Ainsi, l’obligation de la prière, de la zakât, du jeûne du
Ramadân et du pèlerinage, la commanderie du convenable et
l’interdit du blâmable, la remise des dépôts à leurs légitimes
propriétaires, la justice au nom de ce que Dieu a révélé,
l’illicité du taux usuraire et de la fornication, les rapports
sexuels contre nature, les jeux de hasard, l’usurpation du bien
d’autrui, la corruption de la terre, la condamnation de
l’assassinat et du voleur etc. caractérisent la spécificité de la
personnalité islamique. Dans cette optique, il ne faut pas perdre de
vue deux choses : D’abord, Dieu sait ce qu’il faut de bien aux
hommes. Ensuite Il leur facilite leur religion. «Il se peut que vous ayez
de l’aversion pour une chose alors qu’elle vous vous est un bien. Et il
se peut que vous aimiez une chose alors qu’elle vous est mauvaise.
C’est Dieu qui sait, alors que vous ne savez pas»1. « Dieu ne veut pas
vous imposer quelque gêne, mais Il veut vous purifier et parfaire pour
vous Son bienfait. Peut-être serez-vous reconnaissants»2. « Dieu veut
pour vous la facilité. Il ne veut pas la difficulté pour vous…»3.
1. s.2, v. 216 - 2.s.5, v. 6 - 3. s.2, v. 185 - 4. s.4, v. 28.
33
« Dieu veut vous alléger (les obligations) car l’homme a été
créé faible»1.
En réalité, le Coran vise la réalisation du bonheur des gens et de
leurs intérêts. Ainsi, il permet le divorce alors que le christianisme
l’interdit, ce qui a conduit des chrétiens en Occident à abandonner ce
principe et à abandonner leur religion. C’est le cas de la polygamie
que l’Occident exclut de sa législation, mais elle se pratique dans la
vie, sans respect pour la morale. Il en est ainsi des unions contre nature
acceptées par l’Occident, au point de susciter des maladies comme le
sida ; il y a de quoi menacer la civilisation matérielle de déclin. Il en
est de même du taux usuraire dont les économistes occidentaux eux-
mêmes ont reconnu qu’il était derrière les crises économique dans le
monde.
Le Coran n’est pas un Livre révélé pour être mis en
œuvre à une époque donnée ou destiné à une génération
précise. Son application couvre, au contraire, tous les âges
historiques jusqu’à la fin des temps. De plus, il s’adresse à
toute l’humanité quels que soient les peuples et les sociétés
qui la composent et quelle que soit leur zone géographique.
C’est pourquoi, contrairement aux autres Livres révélés pour
une durée déterminée et abrogés les uns par les autres, le
Coran a été sauvegardé par Dieu de manière que les siècles
ne puissent pas l’altérer et que les hommes ne puissent pas
le falsifier. C’est qu’en effet, établissant l’Islâm en tant que
Religion définitive de Dieu, il a été la dernière révélation céleste. Il
en résulte que ses enseignements sont éternels.
Agir autrement, cela revient à abolir une loi coranique
et la remplacer par une loi nouvelle. Cela donne à la créature
humaine le droit de supplanter le Créateur et le droit de
réviser Sa loi, de sorte à garder ce qui correspond à ses
passions et à supprimer ce qui la gêne.
Il ne fait aucun doute qu’il n’est pas possible à un musulman
de croire à une partie du Livre et de refouler dans les oubliettes de
1. s.4, v. 28.
34
l’histoire une autre partie, sachant que son contenu convient à
toute l’humanité quel que soit son âge. «Ceci n’est qu’un
Rappel pour l’univers»1. C’est ainsi que s’ouvre également la
sourate al-Furqân : «Qu’on exalte la bénédiction de Celui qui a
fait descendre le Livre de discernement sur Son serviteur, afin
qu’il soit un avertisseur pour l’univers»2. C’est pour cela que le
Coran ne s’adresse pas seulement à la raison, à la conscience et
au cœur. Son discours porte sur l’entité, l’être humain dans son
ensemble. Aussi, Dieu s’adresse-t-Il à l’homme (al-Insân) en lui
rappelant les étapes de sa formation physique. «Ô homme !
Qu’est-ce qui t’a trompé au sujet de ton Seigneur, le Noble, qui
t’a façonné dans la forme qu’Il a voulue»3.
Le Coran ne s’adresse pas seulement à une race spécifique ou
à un peuple particulier. Il ne s’applique pas non plus à une
orientation rationnelle et logique déterminée. Plutôt, ses exhortations
couvrent les diverses sociétés de la communauté internationale et les
multiples pensées qui s’y manifestent. Ainsi, celui qui est à la
recherche de la réalité spirituelle trouve dans le Coran ce qui
convient à son goût et nourrit sa conscience et sa sensibilité. Quant à
celui qui recherche la réalité de la foi, il y trouvera ce qui est à même
de l’éclairer sur Dieu et sur Ses envoyés, sur Sa rencontre et Sa
récompense. C’est alors que le doute et la suspicion disparaissent de
son cœur. «…en tant que messagers, annonciateurs et avertisseurs,
afin qu’après la venue des messagers, il n’y eût pour les gens point
d’argument devant Dieu»4. Il en est ainsi de celui qui s’attache aux
valeurs morales. Sa requête sera certainement exaucée puisque le
Coran indique la voie du bien et guide dans le chemin de la Vérité.
«Faites le bien. Peut-être réussirez-vous !»5 et «Que soit issue de
vous une communauté qui appelle au bien, ordonne le convenable et
interdit le blâmable»6.
Le Coran est le mode vie du musulman en tant
qu’individu. Il s’érige, en même temps, en constitution de la
collectivité. Il constitue, d’une manière générale, la méthode
1. s. 81, v. 27 - 2. s.25, v. 1 - 3. s.82, v. 6 et 7 - 4 s.4, v.165 - 5. s.22, v. 77 - 6. s.3, v.104.
35
de travail pratique qui véhicule les fondements de l’orientation de la
vie de l’homme, de sa relation avec le Seigneur, avec l’univers et son
environnement, de ses rapports avec lui-même, avec sa famille, ses
voisins et sa société, avec toutes les nations musulmanes et les
nations des autres parties du monde aussi bien en période de paix
que de guerre. Dans cet ensemble, il se situe dans le juste milieu,
c’est-à-dire entre les matérialistes qui prétendent que ce monde est
une fin en soi et qu’il n’y aura donc pas une autre vie et ceux qui,
dans leur spiritualité, outrepassent les mesures, au point de se priver
des bonnes choses licites que Dieu leur accorde et de freiner leurs
énergies de sorte à ne pas les exploiter au profit de l’essor matériel
de la vie. Le Coran est, par voie de conséquence, une méthode de
gouvernement dès lors qu’il établit une stratégie politique et fixe des
objectifs. Il est bien précisé : «Nous avons fait descendre vers Toi le
Livre avec la vérité, pour que tu juges entre les gens selon ce que
Dieu t’a appris»4.Comme toutes les constitutions, il n’entre pas dans
tous les détails de la vie en ce domaine. Il se préoccupe d’exposer les
fondements du pouvoir et ses orientations.
Le premier fondement est la foi en Dieu. Il s’agit de
s’engager dans une voie politique qui L’agrée. Autrement dit,
il est question de retenir dans les projets à élaborer ce qui est
licite et ce qui ne l’est pas. Quant à leur application, ils relèvent
de l’effort intellectuel, al-ijtihâd, de la mise en œuvre de la
raison du musulman. L’intellect humain n’est tenu que par les
principes directeurs arrêtés par le Livre de Dieu. C’est à leur
lumière qu’il forge ses théories et les concrétise en actes. C’est dans
cette optique qu’il convient de comprendre ce verset parmi d’autres :
« Chercherais-je un autre juge que Dieu alors que c’est Lui qui a
fait descendre vers vous ce Livre bien exposé ?… Et la Parole de ton
Seigneur s’est accomplie en toute vérité et équité. Nul ne peut
modifier Ses paroles. Il est l’Audient, l’Omniscient»2.
Le Coran a déjà répondu à ces musulmans qui, apparemment,
clament leur foi en Dieu mais qui, au fond d’eux-mêmes, cherchent
1. s.4, v. 105 - 2. s.6, v. 114 et 115.
36
à substituer absolument leur raison à Sa révélation. «N’as-tu pas vu
ceux qui prétendent croire à ce qu’on a fait descendre vers toi et à
ce qu’on a fait descendre avant toi ? Ils veulent prendre le Tâghût,
alors que c’est en lui qu’on leur a commandé de ne pas croire.
Mais le diable veut les égarer très loin dans l’égarement»1.
A travers la personne du Prophète - Que la prière et le salut soient
sur lui -, Dieu s’adresse à tous ceux qui détiennent une autorité.
«Juge parmi eux d’après ce que Dieu a fait descendre. Ne suis
pas leurs passions et prends garde qu’ils ne tentent de t’éloigner
d’une partie de ce que Dieu t’a révélé»2.
Il est évident qu’exercer une autorité selon la Loi divine est
une obligation. Dans la logique de la foi, il n’est pas permis
d’accepter certains règles législatives révélées et de refuser d’autres,
quelle qu’en soit la motivation. C’est pourquoi, il est aberrant
d’entendre certains dire que les versets où Dieu ordonne de juger
selon ce qu’Il a descendu concerne seulement les gens du Livre,
comme l’indique le contexte des versets. Ce Commandement,
prétendent-ils, ne s’applique pas aux musulmans. Cette opinion est
vraiment étrange. Il est insensé de juger entre les juifs et les chrétiens
selon le Coran et de s’abstenir de le faire quand il s’agit de musulmans
bien que la dernière révélation s’adresse à eux. Il est à se demander
alors pourquoi Dieu leur ordonne de lire le Coran, de l’apprendre, de
l’appliquer et de se conformer à son contenu ? Ceci nous rappelle ce
que Tabari rapporte dans son commentaire. Un homme interrogea
Hudhayfa Ibn al-Yamân à propos des trois derniers versets cités, en
lui disant qu’ils concernaient uniquement les fils d’Israël. Il lui
répondit : Bien sûr, pour eux tout ce qui est amer et pour vous
tout ce qui est doux.
Il faut convenir que la leçon à tirer d’un texte se fonde
sur la généralisation des termes qui s’y trouvent et non pas
par rapport à la particularité de la cause. Si, dans le contexte
de ce verset, la cause vise essentiellement les fils d’Israël, le
vocabulaire employé revêt un sens général. Il englobe aussi
1 . s.4, v. 60 - 2 . s.5, v. 49.
37
bien les fils d’Israël que tous ceux qui ne jugent pas selon la
Loi de Dieu et, partant, les qualificatifs qui décrivent les
premiers caractérisent aussi les seconds.
Il est étrange aussi d’entendre des gens dire que ces versets
se limitent aux affaires de justice. Ils concernent les juges des
tribunaux qui tranchent les litiges. Ils n’ont rien à avoir avec les
chefs d'État, les rois et autres détenteurs de l’autorité, tels que les
ministres et les parlementaires qui, eux traitent de politique
intérieure et extérieure en dehors de ce que Dieu a révélé. C’est à
se demander pourquoi il est exigé du magistrat de juger selon la
Loi de Dieu et s’il ne le fait pas, il devient un pervers, un injuste
et un mécréant, tandis que la seconde catégorie de personnes est
innocente de telles accusations alors que c’est elle qui élabore,
codifie les lois et nomme les juges ? Il s’ensuit qu’il n’est pas
possible de croire à une partie du Livre et d’ignorer une autre.
C’est le blâme adressé par Dieu aux fils d’Israël dans les temps
lointains : «Croyez-vous en une partie du Livre et rejetez-vous le
reste (parce qu’il ne se conforme pas à vos inclinations
irréfléchies) ? Ceux d’entre vous qui agissent de la sorte ne
méritent que l’ignominie dans cette vie et, au Jour de la
résurrection, ils seront refoulés au plus dur châtiment, et
Dieu n’est pas inattentif à ce que vous faites»1.
Le Coran est un tout indivisible. Il n’est pas dans la logique
de la foi ni dans celle de la raison d’accepter, par exemple, un
verset traitant du culte et désavouer celui de la famille. Agir de la
sorte revient à ne retenir de la sourate al-Baqara que le verset du
Trône2 qui appartient au domaine de la divinité et refouler dans les
oubliettes le verset condamnant le taux usuraire (al-ribâ)3 qui
relève du domaine des affaires sociales (al-mu’âmalât). Il en est
ainsi de celui qui accepte le verset ayant trait aux ablutions avant la
prière (s.5, v.6) et réfute celui traitant du vol (s.5, v. 38) qui figurent
1. s.2, v. 85 - 2. s.2, v. 255 - 3. s.2, v. 278-279.
38
pourtant dans la même sourate. Pour rester toujours dans la même
sourate, il est inimaginable de la dépecer, de la morceler et de la
dépouiller d’une partie de sa substance pour en garder ce qui
convient à nos désirs.
C’est ainsi qu’il n’est pas logique de faire siens les deux
versets qui nous autorisent de manger les bonnes choses licites
créées pour nous par Dieu et de ne pas appliquer le verset
prohibant les boissons alcooliques et les jeux de hasard (s.5, v. 90)
parce qu’il répondrait mieux à nos goûts. Il est possible de
poursuivre les exemples du même genre. C’est dire donc que les
enseignements et les lois du Coran sont complémentaires et liés
les uns aux autres. Les textes coraniques agissent les uns sur les
autres. « La ‘aqîda » alimente les pratiques cultuelles et ceux-ci
nourrissent les vertus morales. L’ensemble concerne l’aspect
pratique et législatif dans la vie.
Cette vérité que nous venons d’énoncer contredit les prétentions
de certaines personnes qui s’imaginent que seuls les versets mecquois
sont applicables dans le temps et l’espace. Quant au Coran médinois,
avec ce qu’il comporte en règles législatives, en commandements
et en interdits en vue d’édifier la société et de l’organiser, il s’exclut
des obligations car, disent - ils, son contenu s’agence à des réalités
qui changent et évoluent. Il est indéniable que cette attitude présente
un grave danger.
En effet, dès que nous ouvrons le Coran, que lisons-nous ? la
Fâtiha et la sourate al-Baqara sont dans leur quasi-totalité médinoises.
Nous y relevons une description des caractéristiques des gens pieux
et bien guidés «qui croient à l’Invisible et accomplissent la prière et
dépensent de ce que Nous leur avons attribué»1. Le verset joint
l’aspect dogmatique, à savoir la croyance au mystère (al-imân
bil ghayb), à l’aspect cultuel, soit l’accomplissement de la prière
(iqâmatu al-salât) et à l’aspect économique, c’est-à-dire dépenser
dansl’obéissance de Dieu ce qu’Il nous a attribué (al-infâq mimmâ
razaq Allah). Dans le même ordre d’idées, nous trouvons les
1. s.2, v. 3.
39
descriptions des croyants, des gens pieux, bienfaisants dans toutes les
sourates aussi bien mecquoises que médinoises. Ni les unes ni les
autres ne séparent une forme d’une autre. Il en est de même des
commandements et des interdits qui s’insèrent dans toutes les sourates
coraniques. Celles-ci réunissent, dans un même contexte et sans
dissocier une démarche par rapport à une autre, entre « la‘aqîda », les
pratiques cultuelles et la morale du comportement, entre ce qui se
rapporte au spirituel et au temporel, à l’individu ou à la famille ou à la
société.
Il est à noter que le Coran emploie parfois cette formule « kutiba
‘alaykum » (Il vous a été prescrit). Cela dénote l’obligation de la règle.
Elle a été utilisée au sujet des Qissâs qui relèvent des peines pénales,
du testament qui concerne le statut personnel et familial, du mois de
Ramadân qui se rattachent aux symboles du culte, de la guerre et de
la paix qui s'appliquent aux relations internationales etc. En outre,
le Coran, dans le domaine des commandements et des interdits,
enchaîne entre eux les aspects spirituels, matériels, moraux, sociaux et
économiques. Il en est ainsi de ces quelques exemples parmi d’autres :
« En vérité, la prière préserve de la turpitude et du blâmable»1;
«Prélève de leurs biens une aumône (zakât) par laquelle tu les purifies
et les bénis »2; « Fais une annonce pour le pèlerinage. Ils viendront
vers toi, à pied, et aussi sur toute monture, venant de tout chemin
éloigné pour participer aux avantages qui leur ont été accordés et
pour invoquer le nom de Dieu aux jours fixés»3; «Le diable veut jeter
parmi vous, à travers le vin et le jeu de hasard, l’inimité et la haine et
vous détourner d’invoquer de Dieu et de la prière »4.
En dépit de toutes ces considérations, ceux qui se réclament
pourtant de l’Islâm abordent le Coran de différentes manières.
Certains affirment croire au Coran et, de ce fait, se conforment
à ses prescriptions mais seulement en certains domaines. Ainsi, ils
acceptent ses données du point de vue des « ‘aqâyid », (des dogmes)
des «‘ibadât » (des pratiques culturelles) et « al-akhlâq » (la morale),
1. s.29, v. 45 - 2. s.9, v. 103 - 3. s.22, v. 27 et 28 - 4.s.5, v. 91.
40
mais refusent de s’y soumettre en matières législatives, économiques,
politiques et autres. D’autres, par contre, admettent son aspect législatif,
mais ils le limitent à la famille et au statut personnel. Dès lors, ils ne lui
accordent aucune importance dans l’édification de la société avec tout
ce qu’elle comporte en pouvoir politique, économique et, encore moins
en relations internationales. Telle est la méthode adoptée par le Coran
et telle est la voie qu’il a tracée : la relation indestructible entre tous les
phénomènes de la vie. Du moment qu’il existe une corrélation entre
les divers objets de la matérialité et de la spiritualité de l’existence,
il s’ensuit que les données de toute sa législation s’interfèrent, se
coordonnent et s’harmonisent. C’est ainsi que Dieu révèle : «Qu’y a-t-il
de meilleur que Dieu, en matière de jugement, pour des gens qui ont
une foi ferme ?». Il en résulte que le vrai croyant est celui qui croit
sans restriction aux prescriptions du Coran et les met en application :
«Ce sont ceux-là qui triompheront», dit le Coran qui précise : «Il
n’appartient pas à un croyant ou à une croyante, une fois que Dieu et
Son Messager ont décidé d’une chose d’avoir encore le choix dans leur
façon d’agir»1.Quant aux autres, Dieu dit à leur sujet : «Ceux-là sont
des injustes»2.
Charî’a et liberté de réflexion.
Il est impensable que le Créateur puisse dans ces conditions,
avilir Sa créature humaine au point d'en faire une mécanique
répondant à des ordres, sans qu'elle ait elle-même une faculté de
raisonnement et un pouvoir de décisions adaptées à ses besoins.
La dignité confiée à l'homme date du moment même de sa
création, lorsque Dieu ordonna aux anges de se prosterner
devant les valeurs intellectuelles qu'Il lui a inculquées, dès
lors qu'Il lui a appris les noms de toutes les choses et devant
les valeurs morales dont Il l'a doté.
Cette prosternation est un acte qui témoigne de sa dignité et de
son honneur. Comment donc un être devant lequel des anges
s'inclinent pourrait-il à son tour courber l’échine devant des
préceptes dont il ne comprendrait ni la teneur no le sens de leur
1. s.33, v. 36 - 2. s.5, v. 45
41
l'échine devant des préceptes dont il ne comprendrait ni la
teneur ni le sens de leur orientation ? Comment peut-il se
conduire comme un animal guidé par son seul instinct ? Le
Coran précise : « Ils ont des cœurs, mais ne comprennent pas.
Ils ont des yeux, mais ne voient pas. Ils ont des oreilles, mais
n'entendent pas. Ceux-là sont comme les bestiaux, même plus
égarés qu'eux »1.
Ainsi, les orientations, que l'homme se fixe, dépendent de la
manière dont il se sert de ses facultés intellectuelles. Il lui
appartient de se hisser au niveau du genre humain et de garder sa
dignité et son honneur ou au contraire de s'abandonner à ses élans
imprévisibles et sombrer dans l'avilissement. Il aura beau être
connu pour sa culture immense, sa richesse colossale ou même
pour les deux à la fois, mais il sera toutefois dépourvu de moyens
affectifs et du sens de l'initiative temporelle, fondés sur les valeurs
morales. Il se complaira alors inconsciemment dans le discrédit car
c'est au fond de lui-même que la dépréciation s'installe et s'enracine
définitivement. En effet, dans ses relations sociales, il lui manquera
le sentiment de la fraternité universelle qui l’encourage à s'associer
aux joies de son semblable et à manifester sa tristesse devant les
malheurs de son prochain. Examiné sous cet angle, le Coran nous
offre cette très belle image qui est plus significative qu'un long
discours : « L'un de vous aimerait-il manger la chair de son frère
mort ? Vous en aurez horreur »2.
L'Islâm ne crée donc pas des automatismes chez l'homme.
Certes, celui-ci inscrit son activité dans un cadre social et évolue
dans une société. Il obéit même à des commandements divins Cette
situation ne l'empêche pas d'être lui-même, d'exercer son intelligence
et ses facultés intellectuelles, de manifester son indépendance de
réflexion et de jugement et de conserver ainsi sa personnalité
particulière qui le distingue des autres membres de la collectivité. Il
n'est pas l'instrument docile d'une force intérieure incontrôlable ou
même nécessairement d'une pression sociale du moment qu'il garde
1. s.7, v. 179 - 2. s.49, v.12.
42
la liberté d'analyser, de comparer et de choisir. C'est dire que son
obéissance aux prescriptions divines ne résulte pas d'une
soumission irraisonnée et d'un conformisme irréfléchi.
En effet, le Coran exige de lui de contrôler ses instincts,
de maîtriser ses actes spontanés, de lutter contre ses passions
désordonnées. Il dit : « Celui qui craint de comparaître
devant son Seigneur et préserve son âme de la passion »1. Il
lui ordonne le discernement et le refus du suivisme aveugle.
"Ne suis pas la passion, sinon elle t'égarera du sentier de
Dieu »2- « Ne suivez pas les passions afin de ne pas dévier de
la justice »3- « Ils disent : Nous avons trouvé nos ancêtres sur
une religion et nous sommes sur leurs traces »4. Il ajoute :
« Ils disent : Non, mais nous suivons les coutumes de nos
ancêtres » - Quoi ! et si leurs ancêtres n'avaient pas raisonné
et s'ils n'avaient pas été dans la bonne direction ?5.
Le Coran ne tait pas certaines questions par omission. C'est
délibérément que Dieu ne révèle pas de solutions à leur sujet.
Il a voulu, par miséricorde, laisser le soin à Ses créatures une
certaine liberté de réflexion et d'action. A ce sujet, le Coran
dit aux versets 101/102 de la sourate 5 ce qui suit : « Ô vous
qui croyez ! Ne posez pas de questions à propos de choses qui
vous nuiraient si on vous les faisait connaître ; mais si vous posez
des questions à leur sujet alors que le Coran est révélé, on vous
les fera connaître. Dieu pardonne cela, car Dieu est Celui qui
pardonne. Il est le Miséricordieux. Des gens avant vous avaient
posé de telles questions, puis mécru à propos d'elles ». Pour sa
part, le Prophète blâma ceux qui, par leurs questions incessantes
et les réponses apportées, mettaient dans la gêne les autres à
cause des interdictions qui s'en suivaient : « La plus grande faute
d'un musulman envers les musulmans est celle de l'homme dont la
question importune a causé l'interdiction de ce qui serait resté
permis s'il ne l'avait pas posée ».
1. s.79, v.40 - 2. s.38, v.26 - 3. s.4, v.135 - 4. s.43, v. 22 et 23 - 5. s.2, v.170.
43
Le philosophe pakistanais Muhammad Iqbâl résume ces idées
et en donne la raison1 : « De même que l'Islam décourageait les
pratiques rigoureuses, comme la vie monacale, il interdit aussi les
questions portant sur les détails de nombreux points qui nécessiteraient
que telle ou telle pratique devienne obligatoire et une grande liberté fut
laissée au jugement individuel ou aux contingences du moment et du
lieu. L’exercice du jugement joue un rôle très important en Islâm et
cela laisse une grande liberté aux différentes nations et communautés
pour établir des lois en fonction des situations nouvelles et des
changements».
Il s’ensuit que sous l’impulsion du Coran et de la Sunna, la
pensée humaine à la faculté de remettre en cause une construction
juridique pour lui substituer une autre. Elle se doit donc de rechercher
des solutions aux situations qui se manifestent à la suite des
incessantes mutations de la société et du changement des mentalités
qui s’opèrent en même temps. C’est à juste titre qu’Iqbal écrit :
«Quant au canevas de principes juridiques contenu dans le Coran, il
est parfaitement clair que loin de ne laisser aucune latitude à la
pensée humaine et à l’activité législative, la nature extrêmement
vague de ces principes fait plutôt en pratique stimuler l’activité
intellectuelle humaine ».
Ainsi, ce que l'intelligence humaine a produit, une autre peut
aussi bien l'abroger et le remplacer par une nouvelle règle juridique
plus appropriée et plus conforme. Cela relève de l'ijtihâd dont
l'objet n'est pas de moderniser la charî'a, selon l'expression courante
dans certains milieux, mais d'actualiser son application. C'est dire
qu'à notre époque, il est à la portée du juriste versé dans les
questions coraniques et la tradition prophétique, sans être pour
autant un homme de religion, de modifier, d'améliorer, voire de
changer complètement une ancienne norme et de lui substituer une
règle juridique adaptée aux exigences du temps et aux besoins de la
société.
1. Mohammad Iqbâl, Reconstruire la pensée religieuse de l’Islâm, édit.
Adrien-Maisonneuve
44
Cela est faisable car le Coran est une synthèse des diverses
aptitudes des hommes, entièrement fondée sur le même critère,
celui de la piété. A cet effet, il se montre certes stable, ferme,
décisif et tranchant dans ses préceptes. En soumettant les croyants
à une morale et à une discipline rigoureuse, il n'envisage pas moins
la concrétisation d'idéaux communs à tout le genre humain, tant du
point de vue de la morale individuelle et familiale que de la morale
sociale et de l'Etat.
Cette discipline, qualifiée par certains d'autoritarisme, n'a
rien d'étonnant puisque le droit positif lui-même, pour éviter le
désordre et l'anarchie des passions, impose un cadre de lois
coercitives que les citoyens de l'Etat se doivent de respecter sans
quoi ils risquent d'être verbalisés, voire condamnés à des peines
plus graves. Il n'en reste pas moins qu'au même moment, dans ses
applications inhérentes aux pratiques cultuelles et aux relations
humaines, l'Islâm se caractérise également par son réalisme et
donc par ses ouvertures aux initiatives et aux appréciations
humaines aussi réfléchies que judicieuses, ce qui le revêt d'un
caractère libéral, rationnel et progressiste.
Ainsi, chaque catégorie d'individus, du croyant ordinaire au
mystique, sans faillir aux principes stables et immuables et aux
axes dynamiques du mouvement, trouve ce qui correspond le
mieux à sa nature et à son tempérament, à sa condition physique et
morale, à sa force de caractère et à son degré de détermination.
C'est que le Coran prend en compte les réalités concrètes et n'exige
pas de l'homme plus qu'il ne peut supporter. En cela, ses interdits et
ses commandements n'enfreignent pas les lois naturelles de
l'existence. Mais, l'Islâm comporte un ensemble d'obligations pour
tous, d'où la nécessité de l'obéissance. Là également, il ne fait pas
exception à la règle universelle puisque la mise en pratique de toute
doctrine, quant à son essence et à sa substance, comporte des
obligations sans lesquelles l'anarchie s'instaurerait et sa finalité ne
pourrait être concrétisée.
Ainsi, la religion comporte l'obligation de correspondre les actes
à la charî'a et, par la même occasion, la nécessité de réfléchir, de
raisonner et de prendre des initiatives à la mesure des changements qui
45
s'opèrent dans nos sociétés. C'est dire que l'Islâm accorde aux facultés
évolutives de l'homme un pouvoir permanent de décision qui le
distingue des autres créatures de Dieu. Il n'y a rien de surprenant
puisque dans les Etats où la religion est exclue de la politique,
l'homme est tenu par les impératifs de la constitution en vigueur, c'est-
à-dire d'un cadre législatif qu'il ne peut pas transgresser. Certes, dirons-
nous, les constitutions démocratiques changent au gré de la volonté
humaine. Il n'en reste pas moins vrai que si les mots et les expressions
se nuancent, le fond demeure le même : esprit de liberté, de justice
et d'égalité avec, souvent, la morale en moins dans les applications.
Dans l'un et l'autre cas, le développement est orienté dans le sens de la
satisfaction des besoins avec cette différence que le laïc, quand il n'est
pas athée, se souvient de Dieu par intermittence, tandis que le
musulman croyant, bien sûr, a constamment ancré dans son esprit
l'idée de Dieu Omniprésent et dans ses actes celle du sacré. C'est alors
que chacune de ses œuvres est dictée par ce que l'Islâm appelle al-
hayâ qui est un mélange de pudeur et de crainte de mal faire. Et
comme le dit l'Envoyé de Dieu, ce qui distingue l'Islam des autres
religions, c'est précisément cette réserve fortement empreinte de
crainte révérencielle.
Introduction au colloque international du HCI
( 24-26 mars 2008)
La jeunesse entre authenticité et actualité
Dr. Bouamrane Chikh*
La crise que vit une grande partie de la jeunesse de notre pays
plonge ses racines dans de multiples causes, généralement imbriquées,
intéressant les aspects éducatifs, culturels, économiques et sociaux de
la vie. Beaucoup de nos jeunes éprouvent aujourd’hui un réel malaise,
car ils s’estiment marginalisés. Les difficultés socio-économiques
auxquelles ils sont confrontés et qu’ils ne parviennent pas à surmonter
*. Président du H.C.I.
46
et le désespoir que cela engendre sont souvent à l’origine de rupture
avec leur environnement social, voire familial, rupture qui se traduit,
soit par le désir d’exil à tout prix vers des cieux regardés, plutôt à tort,
comme plus cléments, soit par le désir d’échapper aux problèmes
quotidiens en se réfugiant dans le monde virtuel des hallucinogènes
qui les happe sans merci, soit au pire par le renoncement à toute forme
de lutte pour la survie les menant à mettre un terme brutal et
prématuré à leur vie.
Le système éducatif.
Tout d’abord, malgré les efforts consentis par l’Etat
depuis des décennies le système éducatif n’est pas parvenu à
atteindre véritablement les objectifs fixés. La déperdition
scolaire est importante à tous les paliers du système scolaire,
concernant un tiers des jeunes de 6 à 24 ans1 et près d’un tiers
des élèves retombent dans l’analphabétisme. Les résultats
médiocres obtenus relèvent autant de raisons pédagogiques
privilégiant une tête bien pleine sur une tête bien faite que de
raisons liées au statut de l’enseignant dont l’image s’est
fortement et progressivement dépréciée à tous les niveaux de
l’enseignement général (primaire, secondaire et supérieur).
Bien que la scolarisation soit obligatoire pour tous les
enfants jusqu’à l’âge de 16 ans, le nombre d’enfants n’ayant
jamais été scolarisés n’est pas négligeable : en 2005, le taux
brut de scolarisation avoisinait les 65% tombant même à
moins de 39% pour le cycle secondaire1.
La faiblesse de la qualité et du rendement du système
éducatif a été maintes fois soulignée et résulte « pour l’essentiel
d’un taux d’encadrement en régression dans le moyen et le
secondaire » du fait de l’inadéquation entre les effectifs des
élèves, en augmentation, et ceux des enseignants, en baisse2.
Une proportion encore très insuffisante de nos jeunes accède à
l’Université (21,8% en 2005)3 où leur avenir est encore compromis par
1. Rapport national sur le développement humain, Algérie 2006, p.35.
47
nombre de dysfonctionnements tant au plan de la gestion qu’aux plans
matériel et pédagogique, essentiellement « la faiblesse du taux et de la
qualité de l’encadrement pédagogique, détérioration des conditions de
travail des enseignants »4, de même que la formation universitaire est
en complète dissociation avec les secteurs économiques, de sorte que les
jeunes diplômés n’ont que peu de chances de trouver leur place dans les
différents secteurs d’activité : les diplômés du supérieur ne représentent
que 11% de la population occupée, mais près de 17% des chômeurs5.
En outre, la formation professionnelle constitue un faible
palliatif à l’échec scolaire car l’offre, en termes quantitatifs, dans ce
secteur est encore très en deçà de la très forte demande, de sorte
que la majorité des exclus du système scolaire se trouvent livrés à la
rue et à toutes les dérives auxquelles elle expose ; en outre, les
diplômés de ce secteur trouvent de « grandes difficultés d’insertion
dans la vie active en raison, entre autres, de la faible adéquation
formation – emploi » ainsi que du « faible niveau de qualification
des formateurs »6.
Faute d’associer de manière effective et d’être à l’écoute
de l’ensemble des partenaires concernés (Etat, corps enseignant,
associations de parents d’élèves, représentations estudiantines,
secteurs utilisateurs), les réformes successives du système éducatif
n’ont pas été en mesure d’apporter les véritables solutions aux
problèmes posés.
Sur le plan culturel.
Les jeunes sont les plus exposés aux différentes formes
d’agression culturelle que notre société subit du fait de la multiplication
des moyens de communication. L’entreprise de déculturation entamée
durant la période coloniale a laissé des traces persistantes encore
perceptibles aujourd’hui. Cela explique que de nombreux jeunes
s’interrogent sur leur identité et se trouvent de ce fait fragilisés et
victimes des mirages qu’ils se construisent.
1. Idem, p.26 - 2. Idem, p.27 - 3. Idem, p.27 - 4. Idem, p.28 - 5. Idem, p.59 - 6 . Idem, p.27.
48
Le bouleversement de l’échelle des valeurs privilégiant les
aspects matériels de la vie aux dépens de moyens d’épanouissement
plus nobles et comptant plus sur d’éventuels appuis que sur le mérite
individuel ont conduit une majorité de jeunes à ériger le bien-être,
voire le confort matériel en but ultime, les poussant par voie de
conséquence au désespoir, en cas d’échec de cette quête.
Il est indispensable de réinsérer nos jeunes dans leurs
valeurs de culture, de civilisation et de spiritualité, d’abord en
accordant une place plus importante à l’éducation morale et
religieuse dans le système scolaire et universitaire et dans les
divers moyens de communication, selon des méthodes actives
actuelles, de manière à mettre l’accent sur les valeurs de probité,
de dévouement, de solidarité, à partir de programmes élaborés par
des spécialistes de la culture islamique authentique. Nos jeunes,
une fois imprégnés de leurs valeurs propres, pourront tirer profit
de l’ouverture à d’autres valeurs.
L’enseignement de notre histoire constitue le second pilier de
cette formation. Elle contribue à forger la personnalité de nos jeunes,
leur donnant conscience qu’ils appartiennent à une nation qui a une
longue histoire, jalonnée de hauts faits et portant la marque de
personnages illustres.
Sur le plan économique.
Les difficultés de ce secteur se répercutent d’abord sur la
population des jeunes arrivant sur le marché du travail. La faiblesse
du tissu économique1 pourvoyeur d’emplois, les lourdeurs
administratives et bancaires, la faible technicité d’une grande partie
des personnels, sont responsables des performances généralement
médiocres des entreprises et ont pour corollaire un taux de chômage
élevé et endémique touchant autant les jeunes sans formation ou
1. Idem, p.61 : « le secteur industriel public connaît, dans l’ensemble, une
dégradation progressive de ses performances reflétée par le taux moyen
d’utilisation des capacités qui passe de 70% en 1984 à 40% en 2000 ». 2. Idem, p.37 - 3. Idem, p.57 - 4. Idem, p.17.
49
ayant une formation sommaire que les diplômés souvent même dans
des spécialités dont le pays a grandement besoin. Sans compter
qu’en raison de leur faible attractivité en termes de rémunération
et d’opportunités de perfectionnement, beaucoup d’entreprises
enregistrent une déperdition de leurs éléments les plus performants,
contribuant ainsi à aggraver la médiocrité des rendements qui les
caractérisent.
Les réformes économiques, entamées dans le cadre du
« programme d’ajustement structurel », ont eu pour effet « une
baisse du niveau de l’emploi et du pouvoir d’achat »2 induisant
chômage (27% de la population active en 2001 et plus de 30%
pour les jeunes de moins de 25 ans)3 et pauvreté (particulièrement
dans les zones rurales).
Ainsi que le soulignent les experts4, « la pauvreté signifie la
négation des opportunités et perspectives fondamentales sur lesquelles
repose tout développement humain ». En 1991, dans son rapport
mondial sur le développement humain, le PNUD relevait que « ce qui
entrave le plus le développement humain, c’est le manque de revenus ».
Les réformes économiques doivent tendre à permettre la
création d’entreprises productives et compétitives capables d’assurer
un niveau de vie décent aux citoyens et d’ouvrir la voie à l’innovation,
seuls moyens d’être non pas des spectateurs passifs, mais des acteurs
actifs dans l’économie mondiale.
Sur le plan social.
Les multiples difficultés sont une conséquence et une cause
aggravante des problèmes éducatifs et économiques. La crise du
logement – dont la chronicité, malgré les efforts consentis par l’Etat,
se traduit par une spéculation effrénée dans ce domaine et l’envolée
persistante des prix des habitations, y compris les plus modestes,
associée au chômage ou à l’insuffisance de revenus1 de beaucoup de
jeunes exerçant une activité, est à l’origine du net recul de l’âge du
1 . Idem, p.32 : « le salaire moyen réel, tous secteurs confondus, a baissé
de 20% entre 1989 et 2004 ».
50
mariage dans les deux sexes1 et, à l’extrême, d’un phénomène très
préoccupant, le célibat forcé prolongé ou définitif: les statistiques
révèlent que le nombre de célibataires est en augmentation. L’espoir
de fonder une famille diminue avec l’âge, particulièrement chez les
jeunes filles. Cela conduit à de graves dérives morales, voire à des
actes relevant de la justice pénale.
Le niveau de pauvreté rapporté par les institutions officielles
nationales et internationales constitue un élément également préoccupant.
Cette pauvreté est la conséquence du sous-emploi, de la faible qualification
et des dysfonctionnements au niveau de l’administration ou de la gestion ;
elle freine à son tour les efforts dans les domaines de l’éducation et de la
formation, ce qui crée un cercle vicieux difficile à rompre.
Le secteur de la santé, autre indicateur du développement à côté
de l’éducation et de l’emploi, a bénéficié d’importants investissements
de l’Etat et a enregistré des résultats incontestables, mais il demeure
malheureusement encore en deçà de la demande tant en termes de
couverture sanitaire qu’en termes de qualité de soins et de suivi.
La conséquence de ces nombreuses entraves à une vie décente
conduisent une proportion non négligeable de nos jeunes à choisir des
issues mettant leur vie en péril à court ou à long terme : le suicide
constitue la forme extrême de démission devant les difficultés de la
vie ; une étude portant sur 1263 cas enregistrés entre 1995 et 2003 à
travers 14 wilayas du pays et publiée dans un quotidien national2
rapporte que la majorité des cas concernent des personnes dans la
tranche d’âge 20-40ans, que 11% étaient des cadres de l’Etat, 10%
étudiants, 68% sans emploi et 64% issus des grandes villes ; enfin le
suicide frappe davantage le sexe masculin.
1. Idem, p.22 : Dans le sexe féminin, l’âge au premier mariage est passé
de 27,6 ans en 1998 à 29,6 ans en 2002. 2 . Quotidien Al-Chouroûq, 14-11-2007, p.19, Rapport à l’occasion du
Colloque sur les maladies psychiques, novembre 2007.
51
La jeunesse entre l’authenticité
et le monde actuel
Pr. Christian Valantin*
La jeunesse algérienne vit, à l’instar de la communauté internationale,
spécialement d’Afrique, une phase capitale de son histoire. La mondialisation
ébranle le statu quo par de terribles bouleversements dans l’ordre économique,
social, culturel, politique. Dans le même temps, des économies retardataires,
des intégrismes religieux, la poussée de la jeunesse rendent plus difficiles
des situations déjà fort compliquées. Le monde est en mutation et l’Algérie
et sa jeunesse ne resteront pas étrangères à ces changements.
1 – La situation de la jeunesse algérienne.
On évalue la population algérienne à 33 300 000 habitants dont
48, 27 % représentent les moins de 20 ans1. En 32 ans, de 1966 à 1998,
le nombre de personnes en âge de travailler (20-59 ans) est passé de 36
% à 45 % et le marché du travail ne peut toujours pas absorber le stock
de chômeurs et la demande annuelle d’emplois qui vient s’y ajouter.
Comme en Afrique, la situation des jeunes s’est dégradée en
Algérie ; en cause, les politiques d’ajustement structurel qui ont lourdement
amoindri les crédits qui étaient indispensables dans les secteurs de
l’éducation et de la santé. Or ce qui intéresse les jeunes, c’est une éducation
de qualité susceptible de les faire accéder à l’emploi et à une série
d’activités qui fassent appel à leur sens des responsabilité : possibilité
d’expression civique et culturelle, participation démocratique à la vie
locale et nationale. L’Algérie n’échappe pas au chômage des jeunes ;
c’est un danger.
La vulnérabilité de la jeunesse algérienne est en partie amplifiée par
la position toute particulière qu’elle occupe au sein d’une société en crise.
Les jeunes ne voient pas la réalisation des politiques qui les concernent et
qui sont à long terme. L’éclatement de la famille, la perte des repères
* . Ecrivain, Membre du conseil de la francophonie. 1 . Recensement général de la population de 1998.
52
identitaires, le mal-vivre, les blessures physiques et morales du terrorisme
interpellent toute la société : comment s’adapter sans se renier, comment
devenir autonome dans le respect de la liberté et de l’évolution de l’autre ?
Comment maîtriser le progrès et le développement durable ? Comment
parvenir à un équilibre social ? Comment relever le défi des technologies
de l’information et de la communication ? Comment redonner du rêve et de
l’espoir à la jeunesse ? Comment répondre à ce besoin l’idéal et de valeurs
qui est le propre des jeunes ? Que choisir entre les différentes sources
(famille, école, religion, médias, organisation sportives et culturelles, partis
politiques) souvent convergentes, mais parfois contradictoires.
Entre l’universel et le particulier, une forte tension s’installe : les
effets de la mondialisation sont irréversibles dans maints domaines alors
que les particularismes s’accentuent. Enracinement et ouverture, disait
Léopold Sédar Senghor, premier Président de la République du Sénégal ; le
meilleur moyen pour un individu de s’ouvrir aux autres c’est de s’enraciner
d’abord dans son propre environnement, dans sa propre culture et de
greffer sur elle les apports extérieurs qui le conduiront à l’universel. C’est
ce qui l’a poussé à revendiquer la création de la francophonie et ramasser la
langue française « dans les décombres de la colonisation », pour emprunter
à Kateb Yacine cette expression haute en couleur : le français, leur pensée
et leur culture en l’assimilant sans être assimilés, le français parce que c’est
une langue mondiale et qu’elle nous ouvre sur l’extérieur. La francophonie,
porte ouverte sur l’universel. Il s’ensuit dès lors que les tensions entre le
local et le global s’estompent et que la mondialisation peut se vivre et
s’accepter sans complexe, à condition qu’elle soit humaine et qu’elle
n’éloigne pas l’humain de ses racines.
2 – La jeunesse algérienne et son présent.
Priorité des priorités : l’emploi.
Avant de penser à leur avenir, les jeunes se préoccupent de leur
présent. De multiples activités peuvent être envisagées dans la culture, dans
l’audiovisuel, dans le cinéma, dans les industries culturelles qui produisent
de la richesse et créent des emplois. Ces secteurs d’activités génèrent de
nombreux métiers qui nécessitent une formation. Ces formations existent ;
certaines sont courtes, d’autres sont longues. Le tourisme et l’artisanat sont
aussi des secteurs pourvoyeurs d’emplois et créateurs de richesses.
53
L’éducation est un des piliers du développement durable. Il faut
scolariser aussi bien chez les garçons que chez les filles et réduire les
dysfonctionnements (redoublements, abandons). L’école fondamentale
ne parvenant pas à faire parvenir une grande proportion d’élèves jusqu’en
fin du cursus scolaire, les programmes scolaires ne conduisant pas
toujours les jeunes aux attentes du marché du travail, le recours à des
alternatives comme l’apprentissage non scolaire, l’éducation permanente,
l’enseignement à distance, l’apprentissage en ligne et la formation sur le
terrain offre des solutions. En la matière, le programme des Nations
unies Education pour tous (EPT) qui tarde à atteindre ses objectifs prévus
pour 2015 devrait être réellement pris en compte. L’alphabétisation
constitue le fondamental de l’éducation. Et l’alphabétisation des tout jeunes
ne doit pas faire oublier celle des jeunes adultes déscolarisés en demande
constante d’insertion sociale : une alphabétisation professionalisante peut
leur être réservée ; elle donne un métier tout en réactualisant quelques
notions apprises à l’école, mais oubliées alors qu’elles sont indispensables
dans la vie.
Religion et culture. Senghor, encore lui, affirmait qu’en Afrique « la
religion est la sève des civilisations », une donnée fondamentale en
Algérie, l’Islâm est la religion d’Etat. C’est le fondement de son identité ;
l’Algérie est une République démocratique : les partis politiques y sont
nombreux. La liberté religieuse y est respectée : les religions chrétiennes
(protestants évangéliques et catholiques) y sont présentes, ainsi qu’une
une petite communauté juive. L’autonomie de la sphère religieuse est
cependant toute relative : le prosélytisme y est interdit, les imams, prêtres
et rabbins sont rémunérés par l’Etat et l’autorité religieuse est obligée de
demander l’autorisation de prêcher.. Et pourtant, d’autres Etats de par le
monde (Angleterre, Danemark par exemple) sont à religion d’Etat :
aucune restriction n’est imposée à aucune religion. Certes après les
attentats terroristes de 2006, le gouvernement britannique à réagi contre
l’Islâm politique ; ces réactions ne touchaient pas l’Islâm en tant que
religion. L’Algérie s’est trouvée dans une situation à peu près semblable.
Mais le contexte n’était pas le même.
C’est à partir de 1988 qu’est apparu en Algérie l’Islâm politique, le
religieux s’étant mêlé au politique. Si militairement les islamistes n’ont pas
gagné, les idées et les hommes issus des terroristes pénètrent progressivement
54
les esprits, s’installent au cœur de la société, s’approprient les revendications
nationalistes et identitaires, ajoutant à la confusion créée par les bouleversements
issus de la mondialisation. Avec en prime que toute intégration des islamistes au
système de représentation n’est possible que s’ils jouent le jeu de la démocratie.
Dans le doute, la porte reste fermée à toute évolution possible. Cette situation
trouble les esprits qui se sentent peu à peu privés de leur liberté de penser,
embrigadés dans une culture de chantage à quiconque ne respecte pas les idées
totalitaires de la mouvance islamiste.
La laïcité proclamée ou pas offre peut-être des solutions, pas la
laïcité française qui s’est construite dans d’autres circonstances et dans
un certain contexte, mais une politique qui reconnaît aux religions,
même aux plus modestes, la capacité de penser, d’exprimer leur pensée,
de l’enseigner, tout en sachant que cette liberté consentie ne doit pas être
déviée de ses objectifs premiers1, la culture de la paix, celle de la
tolérance et du respect des droits de l’homme et de la femme2. Dans ce
cadre, l’Etat se voit assigner un rôle visant à assurer l‘égalité entre toutes
les religions et non à leur imposer un programme tout fait. L’ouverture
vers l’extérieur renforcera cette volonté de vivre ensemble que la
mondialisation impose.
3 – La jeunesse algérienne et son avenir.
Les Algériens se rendent bien compte que le dialogue interreligieux
se développe dans le monde et que les musulmans de ce pays en font partie,
que les trois religions monothéistes discutent et s’entendent sur tout ce qui
relève de la culture, de la tolérance et de la paix dans le monde, qu’elles
vivent ensemble et non plus séparément. Plus rien de ce qui se passe sur
cette terre ne leur est étranger : la mondialisation, la lutte contre la pauvreté,
le réchauffement climatique ... La religion bien comprise peut donner du
sens à la vie, peut aider les familles à donner des règles de vie à leurs
enfants, peut contribuer à leur éducation.
L’Etat algérien, dans son rôle, peut faire évoluer le statut de la femme
algérienne qui a prouvé son patriotisme, ses compétences, sa sensibilité particulière,
son savoir-faire dans bien des domaines. Au Sénégal, pays musulman à 90%,
1. Senghor, Ni athéisme, ni propagande antireligieuse. 2. Même vis à vis des incroyants.
55
les femmes occupent une position déterminante. De nombreux exemples le
prouvent : plusieurs femmes ont été ou sont ministres, députées, maires et membres
de conseils municipaux et ruraux, hauts fonctionnaires, chefs d’entreprises,
animatrices de diverses associations. La parité hommes / femmes progresse. Ce
sont les femmes qui défendent le plus et le mieux la laïcité, puisque la République
sénégalaise est constitutionnellement laïque. Le Code de la famille, qui est une loi
adoptée en 1971, les favorise. L’Etat sénégalais a toujours soutenu l’émancipation
des femmes.
Toute politique concernant les jeunes ne peut être prise, sans
qu’ils soient associés démocratiquement à son élaboration et à la
décision de la mettre en œuvre, sans que l’opinion de la jeunesse soit
bien comprise, sans que le contexte dans lequel elle doive prendre corps
le permette. Des conseils et autres assemblées de proximité se réuniront
dans lesquels les jeunes et leurs associations, élus par leur base, auront
la première place. Les jeunes auront alors le sentiment qu’ils auront
construit leur pays et l’avenir de ceux qui viendront après eux, sans
renier leur passé et leur histoire, mais en prenant en compte le meilleur
dans les changements du monde.
Grandes figures :
Al-Maqdissi : l’homme et l’œuvre Pr. Chérif Kassar
D’une famille originaire de Jérusalem (Bayt al-Maqdis),
Al-Buchcharij Al-Maqdissi ne nous est connu que par les
maigres indications qu’il nous donne sur lui-même dans son
ouvrage intitulé Ahsan al-taqâssîm fi marifati al-aqâlîm (la
meilleure division pour connaître les régions du monde). Il est
étonnant de constater que cet écrivain qui a fréquenté les oulamâ,
les magistrats, qui a été au service des rois, n’ait pas été signalé par
les auteurs contemporains ou postérieurs, à l’exception de Yaqût
qui, dans son Mujam al-buldân (le dictionnaire des pays), le classe
parmi les géographes musulmans dont il critique les écrits.
56
Nous ignorons la date exacte de sa naissance. Il nous apprend qu’il
a achevé son ouvrage à l’âge de quarante ans, soit en l’année 375 de
l’hégire. La date de sa naissance se situerait alors vers l’année 335 de
l’Hégire, soit au début du règne du Calife Al-Muti’ qu’il cite dans
l’énumération des Califes abbassides. Il s’arrête dans cette énumération,
au Calife Taï’ qui a régné de 363 à 381. Quant à la date de sa mort, elle se
situerait entre les années 375 et 381 de l’Hégire. Il mourut ainsi jeune, ce
qui ne l’empêcha pas de parcourir le monde musulman et de connaître sa
civilisation dans toutes ses composantes. Il fut contemporain des
Abbassides à Bagdad, des Ikhchchidites, des Fatimides en Syrie, en
Egypte et au Maghreb.
Il nous apprend qu’il reçut une formation à la fois juridique et
littéraire très solide, qu’il fréquenta savants, magistrats, ascètes …,
qu’il fut au service des rois. Ce qui lui permit, à coup sûr, de
connaître l’homme et le monde dans leur vivante complexité. Par
ailleurs, il nous apprend qu’il était de rite hanafite, contrairement à
ses contemporains et qu’il n’entendait nullement l’abandonner pour
adopter le leur. En outre, il nourrissait des sentiments pro-fatimides,
au contraire des ses compatriotes qui étaient pro-omayyades.
Dès son jeune âge, il formait, à l’en croire, un projet de
« faire quelque chose, dit-il, qui puisse rappeler mon nom,
être utile aux créatures et plaire à Dieu ». Il crut bon de
rédiger un ouvrage sur le monde musulman à l’époque. Il ne
voulait nullement reproduire et copier les devanciers, mais au
contraire, fonder son ouvrage d’abord sur l’observation
personnelle et l’expérience directe. Il se mit donc à voyager.
Nous ignorons l’itinéraire qu’il suivit, mais nous savons
qu’il parcourut et visita tous les pays musulmans, de l’Est à
l’Ouest, de Constantinople au Sud de la presqu’île arabique,
région par région, province par province, à l’exception de
l’Andalousie. Ces voyages étaient de véritables expéditions,
grâce à l’esprit de tolérance qui l’animait et à la patience dont
il ne s’était jamais départi, Al-Maqdissi vint à bout de toutes
les difficultés.
57
Comment a-t-il construit cet ouvrage ? Quelles ont été ses
sources ? Quelle a été sa méthode ? Autant de questions auxquelles
répond Maqdissi. Après avoir délimité son sujet, dans l’espace, il s’agira
du monde musulman seulement, il s’efforça d’éviter les erreurs ou les
défaillances et insuffisances de ses prédécesseurs. « sache, dit-il, que
quelques gens de science et visirs ont composé sur ce sujet des
ouvrages, mais que leurs œuvres présentent des défaillances ; car, la
majeure partie et même la totalité, de ce qu’ils rapportent ne leur était
connue que par oui-dire. Je n’ai pas laissé une région où je n’aie
pénétré, ni rien que je n’aie appris par moi-même, sans oublier en
même temps d’examiner, d’interroger, d’observer, de fouiller
bibliothèques et livres, de consulter les maîtres de la science et de
l’éducation. Mon ouvrage a, ainsi, été composé en partant de trois
éléments : ce que j’ai vu de mes yeux, ce que j’ai entendu dire et ce que
j’ai trouvé consigné dans les livres consacrés à mon sujet et à d’autres
encore. Il n’est resté aucune bibliothèque de roi que je n’aie lue, aucune
doctrine religieuse ayant des adeptes dont je n’aie été informé, aucun
ascète, avec lequel je ne ne sois entré en rapport, si bien que je fus à
même de réaliser correctement le projet que j’avais formé »1. Notre
auteur a réalisé correctement son projet. Il est curieux de constater que
Maqdissi qui cite ses devanciers et les critiques n’ait mentionné ni
Istakhri ni Ibn Hawqal.
L’ouvrage de notre auteur s’ouvre par une longue
introduction touffue où se mêlent des considérations de tous
ordres (géographie physique, travaux des devanciers, écoles
juridiques, terminologie etc …). Puis, suit une première partie
où sont traitées les provinces arabes ou arabisées : Arabie,
Irâq, Haute Mésopotamie, Syrie, Egypte, Maghreb. Quant à
la deuxième partie, elle est consacrée aux provinces persanes
et non arabes de l’Est.
Chaque province fait l’objet d’un chapitre spécial plus ou
moins long, conçu selon un plan identique : généralités sur la
province, description des villes et de districts qui en dépendent,
des renseignements sur les doctrines religieuses, les monnaies,
1. Ahsan al-taqâssîm, B.G.A. III Leyde, 1906, pp. 8-9.
58
les curiosités, les impôts…L’activité économique y tient donc
une place de choix.
Ainsi, si le but de notre auteur, dans sa vie, est de rédiger un
ouvrage qui serait utile aux hommes, ce but a été atteint. Cette
œuvre non seulement jette la lumière sur l’époque, mais encore
demeure la source principale et la base de toute étude sur le
monde musulman au Xè siècle ap.J.C.
Hommage à Nasreddine (Etienne) Dinet
M. Boudjenoun Messaoud
Avec peut-être le regretté Dr Philippe Grenier, l’illustre
érudit et soufi René Guénon (‘Abd El-Wahîd Yahia), le grand
peintre Nasreddine (Etienne) Dinet est l’ancêtre et le précurseur
des Français (du moins parmi les plus célèbres d’entre eux) qui
ont embrassé l’Islâm, au moment où une partie du monde arabe
et notamment l’Algérie croulait sous le joug du colonialisme
français. Pourtant, son origine européenne, sa famille catholique
et conservatrice et son éducation occidentale pleine de préjugés
contre l’Islâm étaient loin de laisser prévoir qu’il allait embrasser
l’Islâm et devenir un de ses plus ardents défenseurs.
Alphonse Etienne Dinet est né à Paris, le 28 mars 1861, d’une
famille originaire du Loiret, d’un père avoué prés du Tribunal de la
Seine et d’une mère elle-même fille d’un avoué. Après des études
primaires et secondaires couronnées par l’obtention du baccalauréat, il
entre à l’école des Beaux-Arts de Paris, alors que sa famille s’attendait
à ce qu’il fasse des études de droit pour reprendre l’étude juridique
paternelle. Mais Dinet avait répondu à ses aspirations artistiques
profondes qui ne demandaient qu’à s’épanouir. Il deviendra un grand
peintre, reconnu par tous les critiques et récompensé par diverses
médailles à de nombreuses expositions. Après deux médailles l’une
en 1882 et l’autre en1883 qui lui permettent de faire son premier
voyage en Algérie en 1884, le salon du palais de l’industrie lui
décerne une troisième médaille et surtout une bourse qui lui donne
59
l’occasion de repartir pour l’Algérie qui semble l’attirer de plus en
plus.
Il fait alors un grand périple jusqu’au Sud algérien, à Ouargla
et Laghouat. Cette découverte décisive de la vie dans le désert va
profondément marquer la vie de notre peintre. Son génie de peintre
se manifeste encore plus dans les immensités du désert où l’homme
ressent plus qu’ailleurs la transcendance de Dieu et Sa présence
permanente. En 1889, il obtient la médaille d’argent à l’exposition
universelle de Paris. Durant ses fréquents et longs séjours en Algérie,
Dinet a appris à connaître les us et coutumes des musulmans ainsi
que leur foi et leurs traditions. Il a appris aussi la langue arabe et
pénétré l’âme musulmane en s’y imprégnant profondément.
Cet homme, attiré par la simplicité de l’Islâm et par la rationalité
de ses dogmes, a fini par franchir le Rubicon et par répondre à cet appel
irrésistible de la foi, en embrassant l’Islâm, se donnant le prénom de
Nasreddine. Coupant tout lien avec son univers occidental d’origine, il
s’installe aux portes du désert algérien à Bousaada où il se lie d’amitié
avec un notable et lettré de la ville Si Slimane Benbrahim qui deviendra
son compagnon inséparable. Son amour de l’Islâm et du désert le
pousse jusqu’à recommander d’être enterré à Boussaada en Algérie.
Ayant compris combien les idées que l’Occident se fait sur l’Islâm
étaient fausses, Dinet s’attelle à les corriger dans nombre d’ouvrages, à
commencer par celui qu’il écrit avec son compagnon et frère dans la foi
Slimane Benbrahim sur la vie du Prophète (qsssl) sur laquelle beaucoup
de préjugés et d’idées préconçues ont été véhiculés par certains auteurs
occidentaux de mauvaise foi.
Le regretté Dinet n’est pas le seul occidental à avoir été conquis
par les dogmes simples et rationnels de l’Islâm. Beaucoup d’autres
occidentaux, bien qu’ils n’aient pas franchi le pas décisif comme lui
et embrassé l’Islâm, n’en furent pas moins pleins d’admiration et
d’éloges à l’égard de l’Islâm, de ses enseignements et de la prestigieuse
civilisation à laquelle il donna naissance. Il en fut ainsi de l’empereur
Napoléon Bonaparte qui manifestait une grande admiration pour la
rationalité de l’Islâm et de ses lois dont il s’est inspiré largement pour
rédiger son célèbre code civil ; Il en fut ainsi de l’illustre poète allemand
60
Goethe qui disait : « Si tel est l’Islâm, ne sommes-nous pas tous
musulmans ? ». Il en fut ainsi de l’autre illustre poète allemand du dix-
neuf siècle, Reinman Rilke qui, après avoir visité des pays musulmans
et, surtout, l’Andalousie, fut saisi par le faste et la beauté des
monuments laissés par les musulmans andalous. Il rédigea alors de
nombreuses lettres qu’il envoya à la comtesse Maria Taxas et dans
lesquelles il exprima sa profonde admiration pour l’Islâm et pour la
rationalité de ses dogmes et préceptes. Il en fut de même pour le grand
sociologue Auguste Comte qui s’inspira largement des enseignements
de l’Islâm qu’il admirait pour leur simplicité et leur conformité avec la
raison et la science, pour élaborer sa philosophie, le positivisme.
Dans tous les livres que notre peintre et écrivain a composés, il a
essayé de montrer l’Islâm sous son vrai visage, loin des faux clichés et
autres stéréotypes forgés par certains orientalistes et auteurs occidentaux
sectaires et partiaux. En plus de la biographie du Prophète de l’Islâm
(qsssl) écrite avec la collaboration de son compagnon Slimane
Benbrahim, devenue une référence pour les lecteurs francophones, il a
laissé de nombreux autres ouvrages dont L’Orient vu de l’Occident, le
pèlerinage à la Maison d’Allah, et un petit livre intitulé Quelques traits
de la lumière de l’Islâm.
Dans ce dernier livre, Dinet met en relief plusieurs des principes
fondamentaux de l’Islâm et certains de ses traits particuliers devenus
sujets préjugés pour les détracteurs de l’Islâm. Par là, ils veulent jeter
la suspicion sur la capacité de cette grande religion à répondre aux
attentes de l’homme dans cette époque moderne, marquée par de
nombreux défis qui interpellent l’humanité. Ce livre est à l’origine une
conférence que l’auteur avait donnée au cercle de la Fraternité
musulmane de Paris dans les années vingt. Il a été traduit en langue
arabe par le Pr Râched Rostom revu par l’auteur lui-même et Slimane
Benbrahim, puis publié dans le périodique de culture islamique au
Caire en 1379 H/1960. Nous l’avons traduit à partir du texte arabe
pour la mettre à la disposition des lecteurs francophones1.
1. Il est paru aux éditions Alâm Al-Afkâr, à Alger, en 2008, sous le titre de
Quelques rayons de la lumière de l’Islâm.
61
Avec sa confiance profonde dans les ressorts inépuisables
de l’Islâm, il démonte les préjugés et les amalgames tissés autour
de cette religion par des orientalistes malveillants et certains
chrétiens sectaires dont il dénonce la malveillance et la partialité.
Il montre combien l’Islâm est capable de répondre aux attentes
aussi bien terrestres que spirituelles de l’homme. De ce point
de vue, et face aux campagnes de dénigrement ciblant l’Islâm, ce
livre, écrit il y a presque un siècle, reste actuel. Il mérite d’être porté
à la connaissance des jeunes musulmans visés par la propagande
malveillante des néo-missionnaires qui reprennent les préjugés
éculés du Moyen-âge pour essayer d’ébranler leur confiance dans
l’Islâm.
Au mois de mai 1929, à l’âge de soixante-huit ans, Nasreddine
Dinet, accomplit le pèlerinage à la Mecque. Ce voyage initiatique fut
pour lui un souvenir inoubliable. Il écrit dans son livre Le pèlerinage à
la Maison d’Allah : « J’ai vécu les impressions les plus sublimes de
toute mon existence. Rien dans le monde, ni dans le présent ni dans le
passé, ne peut donner une idée de ce que nous avons vu comme foi
monothéiste, comme égalité et comme fraternité entre deux cents
cinquante mille êtres humains de toutes les races, pressés les uns
contre les autres, dans le plus effroyable désert »1.
Peu de temps après son retour des lieux saints, le 24 décembre
1929, Hadj Nasreddine Dinet mourut à Paris, après une courte et
maladie qui l’emporta. Un service funèbre eut lieu à la Mosquée de
Paris, en présence d’un grand nombre de personnalités musulmanes et
de fidèles, puis son corps fut rapatrié, selon ses vœux, en Algérie et
enterré à Bou Saada le 12 janvier 1930, en présence d’une grande
foule d’amis et d’admirateurs. Puisse Dieu lui accorder Son immense
miséricorde.
1. Editions Hachette, Paris, 1930.
62
Choix de textes à méditer :
Portrait du Prophète (qsssl) par Dinet
Après avoir rendu un hommage dans ce numéro au peintre
et écrivain français converti à l’Islâm, Nasreddine Dinet, il nous a
paru opportun de donner un de ses textes à méditer pour nos
lecteurs. Ce texte est tiré de son excellent livre la vie du Prophète
de Dieu.
Ce témoignage d’un occidental converti à l’Islâm sur le
Prophète vient à point nommé pour répondre aux allégations
de certains milieux occidentaux à qui leurs préjugés et leur
méconnaissance de l’Islâm enlèvent tout impartialité et toute
rigueur intellectuelle.
« D’après ‘Ali, son gendre, le Prophète était de stature
moyenne, de carrure solide ; il avait la tête forte, le teint coloré, les
joues lisses, la barbe fournie, les cheveux ondulés. Une veine qui se
gonflait sous l’effet du mécontentement s’élevait sur son front de la
naissance de son nez aquilin, entre ses sourcils, bien arqués et très
rapprochés.
« Les prunelles de ses grands yeux, encadrés d’un noir
profond, traversé de quelques reflets rouges, et son regard était
d’une extraordinaire acuité. Sa bouche était grande, comme il
convient pour l’éloquence. Ses dents que l’on comparait, pour
leur blancheur, à des grêlons, étaient légèrement écartées sur le
devant. La paume de ses mains aux doigts allongés était large et
douce au toucher, comme une étoffe de soie fine.
« Enfin, le Sceau de la Prophétie (qu’avait découvert le
moine Bahira), se trouvait au-dessous de sa nuque, entre les
épaules ; semblables à la trace d’une ventouse, ce signe était
de couleur rougeâtre, et entouré de quelques poils …
« Il était d’un caractère égal, sans morgue ni raideur. Aucun de
ses compagnons ne l’appelait sans qu’il répondît immédiatement :
63
« Me voici ». Il s’amusait avec leurs enfants qu’il pressait contre sa
noble poitrine. Il plaçait sur un rang les fils de son oncle ‘Abbâs,
promettant une récompense à celui qui arriverait à lui le premier et
tous se précipitaient entre ses bras et s’asseyaient sur ses genoux.
« Il s’intéressait aux affaires de tous, des esclaves aussi
bien que des nobles et il assisait aux funérailles des plus
humbles croyants. Un jour, il entra dans une violente colère
parce qu’on avait négligé de le prévenir de la mort d’un
pauvre nègre, balayeur de la Mosquée ; il se fit indiquer sa
tombe et s’y rendit pour prier.
« Jamais, de sa main bénie, il ne frappa une femme ni un de
ses esclaves. Anâs qui le servit pendant dix années a déclaré :
« Jamais il ne me blâma ; jamais même il ne me demanda : as-tu
fait ceci ? ou pourquoi n’as-tu pas fait cela ? Abou Dherr l’a
entendu proclamer : « Ce sont vos frères, ces serviteurs que Dieu
a placés sous votre autorité ; quiconque est maître de son frère
doit lui donner de ce qu’il mange lui-même et l’habiller comme il
s’habille lui-même ».
« Les trois choses qu’il préférait en ce monde étaient :
la prière, les femmes et les parfums. Il aimait tellement la
prière que ses pieds s’étaient enflés pas suite de stations debout
trop prolongées, durant ses oraisons ; mais il considérait le droit
de prier aussi fréquemment comme une des prérogatives de son
rôle de Prophète et il n’admettait pas qu’on imitât son exemple. Il
blâma ‘Abd Allah ben Amîr à ce sujet : « Ne m’a-t-on pas dit que
tu restais debout, la nuit, à prier, et que tu jeûnais le jour ? Si tu
continues, tu perdras tes yeux et tu useras ton corps. Ton devoir,
pour toi et les tiens, c’est de jeûner et de rompre le jeûne, de te
lever la nuit et aussi de dormir ».
« Après la prière, ce que Mohammed préférait, c’était les
femmes ; ses détracteurs le lui ont fréquemment reproché. Certes, il
était ardent en amour, il était un mâle, dans l’entière acception du
terme, au moral et au physique, mais avec une chasteté qui n’est
nullement incompatible avec la volupté saine. A son imitation, les
Arabes se distinguent, encore de nos jours, par une pudeur extrême,
64
mais dénuée de toute affectation et sans ressemblance aucune avec
l’hypocrisie pudibonde des puritains.
« Cet amour pour les femmes le rendit plein de sollicitude à
leur égard ; en toutes occasions, il chercha à améliorer leur sort.
Tout d’abord, il supprima la monstrueuse coutume de « Wâd al-
Banât » ou enterrement des filles vivantes dont nous avons parlé
plus haut. Ensuite, il restreignit la polygamie, limitant à quatre, le
nombre des épouses légitimes ; encore recommanda-t-il aux
fidèles d’observer ce verset du Coran : « Si vous craignez d’être
injustes, ne prenez qu’une seule épouse »1.
« Puis, après avoir déclaré : « Entre toutes les choses licites,
celle qui est le plus désagréable à Dieu, c’est le divorce », il
accorda à la femme le droit de le réclamer si son époux manquait
aux obligations du mariage.
« Enfin, grâce à ses prescriptions, la vierge ne fut plus
mariée malgré elle ; la dot, qui était versée par le mari entre les
mains du père de la fiancée, dût être versée entre les mains de cette
dernière. C’est la coutume, si sage, de cette dot que les ennemis de
l’Islâm ont qualifiée : achat d’une femme. Ils ignorent sans doute la
terrible riposte que leur font les musulmans, lorsqu’ils constatent
qu’en certains pays d’Occident la dot est versée par le père de la
jeune fille entre les mains du fiancé ! de plus, le mari musulman
doit pourvoir à l’entretien du ménage sans toucher à la fortune de
son épouse, fortune sur laquelle il ne possède aucun droit.
« Le Prophète accorda aussi à la femme un droit dans
les successions. Si ce droit n’est que d’une demi-part, il faut
tenir compte de la compensation que la femme trouve dans la
dot et les frais d’entretien de la maison.
« Le Prophète aimait les parfums, parce qu’ils sont le
complément de la purification par les ablutions et que celui
qui exhale une odeur agréable sera plus digne et saura mieux
faire respecter son honneur que celui dont l’odeur provoque
1. s.4, v. 3
65
le dégoût. Il se parfumait avec du musc et faisait brûler du
santal, du camphre et de l’ambre. Il oignait sa chevelure avec
de la pommade et laissait pendre quatre tresses, deux de
chaque côté, le long de ses oreilles. Il taillait sa barbe et ses
moustaches avec des ciseaux, et les entretenait avec un
peigne en ivoire ou en écaille de tortue. Il noircissait ses
paupières avec le khôl qui aiguise les regards et fortifie les
cils. Il soignait ses dents en les frottant fréquemment avec le
masowâk (morceau de bois tendre d’arak) dont les fibres,
quand on en mâche l’extrémité, produisent l’effet d’une
brosse …
Son souci de justice et de charité s’étendait aux animaux.
Il a dit : « Un homme vit un chien tellement altéré qu’il lapait de
la boue. Prenant une de ses babouches, cet homme s’en servit
pour puiser de l’eau qu’il offrit au chien et il répéta ce manège
jusqu’à ce que l’animal fût désaltéré. Dieu sut gré à cet homme
de son action et l’accueillit au Paradis ».
« Cette bonté et le rayonnement mystérieux qui se dégageait
de la personne de Mohammed impressionnaient les animaux, voir
même les objets inanimés, aussi bien que les humains. Lorsqu’il gravit
les degrés d’une chaire nouvellement construire dans la Mosquée
d’Al-Madîna, l’humble tronçon de palmier sur lequel il avait coutume
de monter, pour prêcher, se mit à pousser des gémissements et ne se
calma que sous l’imposition de ses doigts bénis.
« Le Prophète travaillait de ses propres mains : on le voyait
traire ses brebis, rapiécer ses sandales, raccommoder ses vêtements,
nourrir ses chameaux, dresser sa tente, etc., sans accepter qu’il
incombe de porter ses achats. Il condamnait ainsi, par son exemple,
l’habitude de ces riches qui achètent nombre d’objets dont ils
chargent leurs serviteurs sans s’inquiéter du poids.
« Il poussait aux dernières limites le mépris des biens de
ce monde. Voici, d’après ‘Aïcha, ses paroles à ce sujet :
« Dieu me proposa de changer pour moi, en or pur, tous les
cailloux des environs de Mecca et je lui répondis : « O Dieu !
accorde-moi seulement d’avoir faim un jour et d’être rassasié le
66
lendemain ; le jour où j’aurai faim, je T’implorerai, et le jour où je
serai rassasié, je Te remercierai ». Qu’ai-je à faire avec les biens
de ce monde ? Je suis comme un voyageur qui s’étend à l’ombre
d’un arbre ; le soleil, en tournant, le rejoint, et il quitte cet arbre
pour n’y plus revenir ». O Dieu ! fais-moi mourir pauvre et
ressuscite-moi dans les rangs des pauvres ! ».
« La sobriété du Prophète était extrême ; jamais il ne prenait
deux sortes de nourriture au même repas ; s’il mangeait de la
viande, il se privait de dattes et s’il mangeait des dattes, il se privait
de viande. Il avait une prédilection pour le lait qui apaise à la fois la
soif et la faim.
« Fréquemment, plusieurs mois se passaient sans que,
dans aucune des maisons du Prophète, le feu ne fût allumé
pour la cuisson du pain ou de quelque autre aliment ; pendant
ce temps, il ne se nourrissait, lui et sa famille, que de dattes
sèches et il ne buvait que de l’eau pure. Lorsque la faim
tenaillait trop cruellement ses entrailles, il appliquait sur son
ventre une pierre qu’il sanglait avec une ceinture. Il sortit de
ce monde sans s’être rassasié d’aucun mets, pas même de
galette d’orge.
« De son corps, qu’il entretenait dans un état de pureté
parfaite par d’incessantes ablutions, il se souciait peu, au point de
vue de bien-être. Il dormait souvent sur une natte rugueuse dont les
traces s’imprimaient profondément dans sa chair ; son oreiller était
fait de fibres de palmier et son lit, d’un manteau plié en deux. Une
nuit, ‘Aïcha ayant plié le manteau en quatre, le Prophète se fâcha
trouvant sa couche trop moelleuse et donna l’ordre de la rétablir
dans l’état habituel.
« Avant de mourir, il avait affranchi tous ses esclaves,
et distribué le peu de biens qu’il possédait encore. Il jugeait
inconvenant de se présenter devant son Seigneur avec de l’or
en sa possession. On ne trouva dans sa demeure que trente
mesures d’orge pour l’achat desquelles il avait dû déposer sa
cuirasse en gage chez un usurier.
67
« Tels sont les principaux caractères du portrait du Prophète,
conservé par la tradition. Les musulmans l’admettent comme
véridique, mais il n’est, pour eux, que semblable à l’image d’une
étoile reflétée sur la surface des eaux. La lueur tremblotante est
descendue à portée de la main, mais elle reste insaisissable, et
combien pâle en comparaison de l’astre qui l’émet et qui brille, au
plus haut des cieux, d’un éclat resplendissant.
Activités du HCI
Réplique à un pamphlet de A. Benchabane,
journaliste à Montréal, Canada.
Un de nos compatriotes algériens, journaliste au Canada, vient
de s’adonner à un réquisitoire digne d’un procès de l’Inquisition
à l’encontre du Cheikh Abderrahmane Chibane, ancien député à
l’Assemblée algérienne, ancien ministre des affaires religieuses et actuel
Président de l’Association des Oulama algériens. Pourquoi cela ? Le
Professeur Chibane a eu le tort de répondre à un missionnaire évangéliste
qui a agressé l’Islâm à Tizi Ouzou ces derniers jours et a fini par quitter le
pays. Le journaliste du nom de A. Benchabane a pris la défense de ce
missionnaire, en invectivant le Pr Chibane à l’aide d’une série d’injures.
Or, le Pr Chibane est loin de tout cela. Homme de culture, ouvert, il a
toujours été respectueux de ceux qui ne partagent pas ses convictions ;
disciple du cheikh Ibn Badîs, pionnier de notre renaissance, il préconise le
dialogue et la coexistence pacifique avec les autres religions à condition
qu’elles respectent l’Islâm, surtout dans notre pays.
Par ailleurs, le journaliste avance dans son pamphlet des contre-
vérités qui n’ont aucun fondement. En effet, s’il est vrai que le
Christianisme est plus ancien d’un point de vue historique que l’Islâm, il
n’y a pas d’opposition irréductible entre eux, puisque l’Islâm complète le
Christianisme, tout comme ce dernier a complété le Judaïsme. L’Islâm
fait preuve de tolérance, en laissant chacun suivre sa foi, en déclarant : « Il
n’y a nulle contrainte en matière de religion » (Coran, s.2, v.256).
68
Il précise même que « Celui qui veut croire qu’il croie, celui qui ne veut
pas croire qu’il ne croie pas » (Coran, s.18, v.29). Il est inutile d’essayer
d’intenter un faux procès à l’Islâm.
L’auteur du pamphlet prétend, d’autre part, que seule la région de
Kabylie serait concernée par l’activité missionnaire. Cela est inexact. Il
va sans dire puisque cette activité s’exerce aussi dans d’autres lieux
comme Oran, Ouargla… Nos compatriotes de Kabylie qui ne sont pas
les seuls visés par cette nouvelle croisade pratiquent sereinement l’Islâm
de leurs ancêtres, dans leur grande majorité, mais ils ne peuvent
accepter que l’Islâm soit l’objet d’un dénigrement sectaire de la part des
néo-conservateurs évangélistes. Il prétend aussi que les chrétiens sont
persécutés en Algérie, parce que, selon lui, les cloches ne retentissent
pas à la Basilique de Notre Dame d’Afrique ! Devons-nous lui
rappeler que le muezzin aussi ne retentit pas dans les mosquées
occidentales et que les filles n’ont pas le droit de porter le foulard !
Les pays occidentaux disent que cela fait partie de leur souveraineté
et du respect de la laïcité qui régit leurs Etats. Nous aussi nous avons
le droit de faire appliquer notre souveraineté chez nous.
Dans notre pays, nous respectons les minorités religieuses
qui vivent parmi nous. C’est l’Islâm lui-même qui nous l’ordonne.
La loi récente sur l’organisation des cultes non musulmans n’a pas
pour objet de les persécuter, loin s’en faut. Ils sont libres de
pratiquer leurs cultes, mais elles n’ont aucun droit de porter atteinte
à la religion musulmane qui est la foi de la majorité du peuple
algérien.
L’auteur du pamphlet n’hésite pas à utiliser des mensonges gratuits
et des accusations fallacieuses. Premièrement, Le cheikh Chibane n’a
jamais demandé de trancher la tête des convertis. C’est là une vue de
l’esprit du journaliste. Deuxièmement, que vient faire El-Qâida ici ? Il
s’agit d’amalgame et de confusion politique qui n’a pas de sens, alors que
le débat porte sur le prosélytisme agressif. Troisièmement, l’auteur
prétend que Nous étions chrétiens, avant même l’arrivée des Arabes. Il
s’agit là d’une contre-vérité historique. L’empire romain a imposé le
Christianisme, religion étrangère à l’époque à la Numidie et a réprimé la
résistance des patriotes donatistes qui n’acceptaient pas la domination
romaine. Avant l’arrivée des Arabes, le Christianisme a été détruit par les
69
Vandales. Nous avons le témoignage du biographe de Saint Augustin,
évêque d’Hippone, gravement malade au moment où les Vandales
assiégeaient sa ville : « En 430, il ne restait dans le pays que deux
basiliques ». Cf. Possidius, évêque de Calama (Guelma), Vie de saint
Augustin, p.XIX, in Confessions, 9ème édition, Gaume et Cie, Paris.
Quant aux Arabes qu’il veut assimiler à des envahisseurs, ils
étaient accompagnés d’éducateurs et d’hommes de grande spiritualité
qui ont répandu le message de l’Islâm, adopté rapidement par la
majorité des habitants de l’Afrique du Nord. Les Banoû Hilâl, eux,
étaient des pasteurs ; ils se sont bien intégrés aux habitants autochtones,
si bien que nous sommes aujourd’hui des Berbéro-Arabes ou des
Arabo-Berbères. M. Benchabane croit-il à la pureté des races ? Il se
trompe, car le brassage des habitants est une réalité scientifique
incontestable.
Le journaliste Ahmed Benchabane dirige aujourd’hui Le Nord
Africain, journal communautaire libre à Montréal (Canada). Il est là-
bas, momentanément, à l’abri de poursuites judiciaires. Il devrait
réviser ses positions et renoncer au chauvinisme et à la diffamation,
savoir raison garder, s’armer d’objectivité et de courtoisie et se
mettre à l’étude de l’histoire exacte, d’une part, et de l’actualité
réelle, d’autre part.
Alger le 1/02/2008
La cellule de Communication du Haut Conseil Islamique
Entretien du Président du Haut Conseil
Islamique avec le quotidien El Watan (2008)
Q1. En tant que président d’une institution versée dans les
études islamiques, quel commentaire faites-vous des informations
faisant état d’une campagne soutenue d’évangélisation des jeunes
Algériens, notamment au Sud du pays ? Y a-t-il vraiment de quoi
s’inquiéter ?
R. Cette campagne d’évangélisation dont notre pays est
l’objet n’est pas la première ni la dernière. Tout au long de
l’histoire de l’Islâm, les représentants du Christianisme ont
70
voulu freiner, d’une façon ou d’une autre, la progression de
l’Islâm et sa propagation partout dans le monde, surtout dans
les contrées où le Christianisme était présent.
Chez nous par exemple, les tentatives d’évangélisation
n’ont jamais cessé depuis que l’Islâm a pris pied sur cette
terre, en gagnant le cœur de ses habitants. Entre le douzième
et le treizième siècles, le philosophe orientaliste Raymond
Lulle est venu en Algérie, plus précisément à Béjaïa, dans le but
d’évangéliser ses habitants et chercher le martyr. Prêchant sur la
place centrale de la ville hafside, à l’époque, il insulta le Prophète
(qsssl) et dénigra l’Islâm. Les habitants de Béjaïa s’apprêtaient à
le molester, lorsque le mufti de la ville, averti, le reçut et eut une
discussion avec lui. A la fin, il fut placé sur un bateau et renvoyé
chez lui.
Quelques siècles plus tard, à la suite de la reconquête de
l’Andalousie, le cardinal Ximenez, l’un des chefs de l’Inquisition, s’est
emparé d’Oran où il plaça la croix sur le minaret de la Grande Mosquée
pour annoncer le début de la christianisation de l’Algérie. Lors de
l’occupation française d’Algérie, le général de Bourmont s’adressa à ses
aumôniers militaires en ces termes : « Vous venez de rouvrir avec nous
la porte du Christianisme en Afrique. Espérons qu’il y viendra bientôt
faire refleurir la civilisation qui s’y est éteinte », d’après le témoignage
de l’abbé Dobigez dans son livre, Souvenirs de l’Algérie, (éditions
Béthune, Paris 1840, p.164-166). Le rôle que joua durant la colonisation
le cardinal Lavigerie pour évangéliser nos compatriotes, pendant les
années de famine, est connu de tous. Comme vous le constatez à travers
ces campagnes d’évangélisation, certains chrétiens regardent l’Islâm
comme un rival, alors qu’il est venu compléter les religions qui l’ont
précédé.
Q2. Les missionnaires catholiques et autres évangélistes
ont-ils le droit de propager leurs religions en Algérie dans le cadre
de la loi ?
R. Les chrétiens qui vivent parmi nous ont le droit de
pratiquer leur culte en toute liberté sans que personne ne se mêle de
leurs affaires. L’Islâm reconnaît les religions du Livre et leur garantit
le droit de pratiquer leur culte. Il déclare : « Si Dieu l’avait voulu, Il
71
aurait fait de vous une seule communauté. Mais Il a voulu vous
éprouver par le don qu’Il vous a fait. Cherchez à vous surpasser les
uns les autres dans les bonnes actions. Votre retour à tous se fera
vers Dieu. Il vous éclairera alors au sujet de vos différences ».
(Coran, s.5, v.48).
Le Prophète (qsssl) a dit de son côté : « Celui qui maltraite un
homme appartenant à une religion des gens du Livre m’aura
comme adversaire le jour de la résurrection ». Mais l’Islâm ne peut
accepter que des gens viennent chez lui et insultent notre Prophète et
notre foi, en usant de dénigrement et de diffamation, profitant de la
détresse sociale de certains jeunes pour les convertir, promettant en
contre- partie visas et autres avantages matériels. C’est pourquoi
nous avons proposé avec d’autres institutions de l’Etat que des
mesures soient prises pour organiser les cultes non musulmans dans
notre pays. Cette loi est entrée en vigueur ; elle protège les chrétiens
qui veulent vivre leur foi d’une façon sereine et met un terme aux
activités illégales des évangélistes néo-conservateurs qui ont le vent
en poupe depuis l’arrivée d’une administration américaine de cette
tendance.
Q3. Où se situe la limite entre la liberté de conscience
consacrée par la Constitution algérienne et le prosélytisme sous
toutes ses manifestations ?
R. La limite, c’est celle du respect de l’autre, en s’abstenant de
s’immiscer dans sa religion et de la dénigrer.
Q4. Certains membres – des Algériens convertis – d’associations
d’églises dûment agréées par les autorités se plaignent d’être
quasiment persécutés dans leurs pratiques religieuses. Ont-
ils le droit de pratiquer librement leurs nouveaux cultes ?
R. Nous n’avons aucune information faisant état d’une
quelconque persécution dont seraient l’objet des néo- convertis au
Christianisme, alors que des musulmans vivant à l’étranger ont des
problèmes, comme celui du voile notamment. Ils sont souvent l’objet
de procès d’intention, suspectés et exclus de leur travail, comme cela a
été le cas à Roissy (France). Ils éprouvent des difficultés pour bâtir des
72
mosquées, en Italie, en Suisse, en Espagne, en France, en Allemagne,
au Danemark, en Roumanie, en Grèce...
Q5. La notion de « ridda » (hérésie) est-elle applicable
à ces nouveaux convertis ?
R. L’Islâm déclare qu’il n’y a pas de contrainte en matière
de religion (Coran, s.2, v.256). Chacun est libre de croire ou de ne
pas croire, mais le respect de l’autre et de ses convictions doit être
la règle de conduite. L’Islâm nous dit : « Ne discutez avec les
gens du Livre que de la manière la plus courtoise ». (Coran, s.29,
v.46). Le Prophète (qsssl) nous recommande aussi de ne pas nous
mêler des affaires des gens du Livre et de leur dire seulement :
« Nous croyons en ce qui vous a été révélé et en ce qui nous a été
révélé ». Nous attendons des autres religions un comportement
réciproque.
Q6. Quelle est, de votre point de vue, la meilleure façon de
contrer ces campagnes de prosélytisme, si tant est qu’elles aient
véritablement pris une ampleur phénoménale ?
R. Le prosélytisme est condamnable, parce qu’il repose sur
le dénigrement de l’autre. La liberté de conscience n’autorise pas
ce dénigrement. Pour combattre ce phénomène, il est nécessaire
de le combattre par la loi qui s’applique à tous.
Q7. Vous présidez une institution scientifique, ne pensez-vous
pas qu’il faille entreprendre un effort d’exégèse dans ce domaine
pour éviter les interprétations extrémistes, voire politiciennes, de
l’Islâm ?
R. Il est évident que nos savants, nos professeurs et nos
imâms sont appelés à présenter l’Islâm d’une façon pédagogique,
en le montrant tolérant, pacifique et ouvert au dialogue courtois, tel
qu’il est réellement. C’est un message spirituel qui apporte à ses
adeptes une vie morale d’équilibre, de sérénité et de solidarité
active à l’égard des démunis et des persécutés.
73
Q8. Salafisme, wahhabisme, chiisme et maintenant christianisme. Les Algériens sont-ils malades de leur religion au point de tenter tous les « isme », y compris le terrorisme ?
R. L’extrémisme existe dans les trois religions révélées, lorsqu’elles sont mal interprétées. Mais il est le fait de minorités. Il convient de le combattre par l’éducation et la tolérance ; s’il s’étend, on doit le dénoncer et prendre des mesures pour le réduire par des dispositions légales.
Alger, le 04 /02/ 2008
Entretien du Président du Haut Conseil Islamique
avec Horizons quotidien d’Alger (2008).
La plupart de ces questions m’ont été posées plusieurs
fois. Ne vous étonnez pas si je me répète.
Q1- Le phénomène de l’évangélisation constitue- t-il
réellement une menace pour l’Algérie ?
R- Le phénomène de l’évangélisation constitue effectivement
un danger pour notre pays, dans la mesure où il dénigre l’Islâm,
religion de l’Etat et de notre peuple musulman dans son immense
majorité. Il risque de nous créer une minorité hostile et de porter
atteinte à notre unité spirituelle, alors que nous respectons la
minorité chrétienne qui est libre de pratiquer son culte, à condition
qu’elle ne dénigre plus l’Islâm.
Q2- S’agit-il d’une manipulation politique ?
R- Il ne s’agit pas à notre sens d’une manipulation politique
mais d’une campagne orchestrée par les évangélistes conservateurs
qui viennent des Etats-Unis et d’autres pays chrétiens disposant de
moyens importants.
Q3- Faut-il réduire la liberté de culte consacrée en Algérie ?
74
R- Nous venons de dire que le culte chrétien est libre. l’Etat
a le droit de faire observer la loi qui s’applique à tous, comme
font certains Etats en Europe et ailleurs à l’égard des minorités
musulmanes (voile, mosquée…).
Q4- Que faut-il faire pour mieux cerner ce phénomène ? Et
pourquoi focaliser uniquement sur la Kabylie alors que selon des
sources fiables, c’est le Sud qui est le plus touché ?
R- La campagne d’évangélisation ne se limite pas seulement
à la Kabylie ; elle s’étend à Oran, Ouargla, Adrar… Le Sud n’est
pas plus touché que d’autres régions ou d’autres villes du Nord. La
campagne touche les régions pauvres particulièrement.
Q5- Peut- on imputer cela aux penseurs et aux Oulamâ
algériens n’ayant pas pu préserver l’Islâm de ce genre de politique,
sachant que même au temps de la Révolution algérienne la France a
essayé d’instaurer le Christianisme, mais elle a échoué ?
R- Les imâms et les penseurs assument leur mission et
combattent l’évangélisation agressive, comme l’Etat prend des
mesures. Pendant la période coloniale (1830-1962), l’Etat français
et les Eglises ont mené une grande activité missionnaire (Lavigerie
et les Pères blancs, les pasteurs protestants…). Les mouvements
nationalistes et Ben Bâdîs l’ont combattue avec vigueur.
Q6- Pourquoi décide-t-on un jour de changer de
religion ? Est-ce un signe de désespoir ou… ?
R- Ceux qui changent de religion le font, soit par conviction,
soit par intérêt. Dans notre pays, ce dernier facteur paraît plus
important : échapper au chômage, obtenir un visa et un emploi à
l’étranger. Mais les promesses faites sont souvent illusoires ; plusieurs
déçus en reviennent comme le révèlent des témoignages parus dans la
presse nationale.
75
Q7- Que pensez- vous de l’idée du mufti de la République et
de Dâr al- iftâ ? Cette institution ne risque t-elle pas d’entraver le
travail du HCI ?
R- Un projet existe au ministère des affaires religieuses. Nous
l’avons étudié au HCI, à la demande de l’ancien chef de gouvernement.
Nous n’avons pas d’objection de principe à la nomination d’un mufti,
mais nous avons souhaité qu’il ne se transforme pas en une
administration lourde (directions centrales, secrétariat général…), qu’il
relève du ministère des affaires religieuses pour éviter un conflit
possible avec d’autres institutions, comme c’est le cas en Egypte entre le
mufti et Cheikh al- Azhar, enfin qu’il soit compétent, intègre et ouvert
au dialogue avec les autres cultures. Le mufti ne peut entraver l’action
du HCI ; chacun a sa mission définie. Son statut sera précisé par
l’autorité compétente et sans doute ses relations avec le HCI.
Q8- Donnez- vous une fatwa sur le phénomène kamikaze.
Est-il halâl, ou du moins a-t-il existé auparavant dans l’Islâm ?
R- Une fatwa a été donnée par plusieurs savants musulmans.
Il n’est pas nécessaire d’en formuler encore une autre. Il suffit de
rappeler que l’Islâm est une religion de paix qui condamne le
violence ; il respecte la vie et la fraternité. Le kamikaze s’attaque à
des innocents parmi ses concitoyens ; il croit à tort défendre une
cause juste. L’Islâm ne recourt à la résistance armée qu’en cas de
légitime défense, lorsque son territoire est occupé par un Etat
étranger et que sa foi est persécutée (Palestine, Irâk…). Autrefois la
secte « hachchachîn » pratiquait l’assassinat politique ; elle a cessé
d’exister depuis longtemps.
Q9- Les courants islamiques et le terrorisme ont fortement
entaché l’image de l’Islâm dans le monde musulman, y compris
en Algérie. Quelle stratégie engager pour redonner à l’Islâm ses
vraies valeurs ?
R- Dans toutes les religions, il existe des extrémistes,
généralement minoritaires, alors que la majorité des fidèles ne
76
prône pas la violence. En Islâm, le Coran recommande le juste
milieu et la paix : « Nous avons fait de vous une communauté
éloignée des extrêmes » (Coran, s.2, v.143). Nous devons donner
de l’Islâm une image exacte faite de fraternité, de solidarité et de
tolérance. A ce sujet, nous disposons de deux revues périodiques ;
nous éditons des livres et organisons des conférences mensuelles.
Chaque année, nous préparons un colloque international en mars
sur des questions importantes et sur les problèmes de l’heure. La
presse écrite, la radio et la télévision rendent compte de nos
activités. Le HCI participe aux Congrès étrangers (Espagne,
Egypte, Turquie, Maroc, Corée du Sud…). D’autres institutions
du pays contribuent également à cet effort comme l’éducation, les
affaires religieuses, la culture, la presse nationale….
Alger, le 16/02/2008
Le Président du Haut Conseil Islamique
Dr. Bouamrane Chikh
Réplique sereine à A. Benchabane
e-mail : [email protected]
Alors que nous nous attendions à ce que le journaliste A.
Benchabane revienne à de meilleurs sentiments, comme nous le lui avions
recommandé dans notre réponse et qu’il reconnaisse ses torts à l’égard
d’une grande personnalité algérienne respectée dans toute l’Algérie et par
extension dans tout le monde islamique, voilà qu’il persiste et signe et va
même jusqu’à parler de menaces dirigées contre lui ! Il se considère
presque comme une victime, alors que c’est lui qui a lancé un pamphlet
agressif contre le Pr Abderrahmane Chibane. De quelles menaces s’agit-il ?
Le fait de parler de poursuites judiciaires devant les tribunaux pour
diffamation constitue-t-il une menace ? Il semble que ce journaliste
déraisonne. Il est admis dans tous les pays du monde, y compris le Canada
où il vit actuellement, que les procès en diffamation sont une pratique
courante.
Sans entrer dans les détails d’une folle dérive qui ne semble
connaître aucun discernement, le pamphlet de ce journaliste use
77
d’amalgames à outrance et à tous les niveaux, alors que notre réponse
concernait uniquement l’agression verbale dont fut l’objet le cheikh
Abderrahmane Chibane de sa part. En effet, A. Benchabane dénigre et
invective sans distinction des personnalités éminentes, l’Etat et ses
institutions, la culture et l’histoire du peuple algérien ainsi que l’Islâm,
religion de la quasi majorité des Algériens, s’acharnant en particulier
jusqu’au détail sur un ministre de la République. Concernant
l’entrepreneur auquel il fait allusion, ce dernier peut s’adresser à la
justice, s’il s’estime vraiment lésé, d’autant plus qu’il est, selon
l’auteur du pamphlet, un « ancien maquisard ».
En somme, ce journaliste est révolté contre son pays d’origine
et semble s’inspirer d’une idéologie étrangère hostile à notre pays
pour régler ses comptes. La seule référence historique qu’il cite est le
savant Ibn Khaldoûn, sans mentionner le texte auquel il se réfère ;
mais il occulte les références à l’histoire romaine et à celle du
Christianisme car elles ne cadrent pas avec son idéologie. En
d’autres termes, il choisit dans l’histoire ce qui lui convient et rejette
le reste. En un mot, il n’arrive pas à se débarrasser de certains relents
racistes et de sectarisme tenace.
A.Benchabane est vraiment spécialisé dans les injures et les
invectives ; il excelle dans le maniement des insultes les plus débridées.
Nous souhaitons encore une fois qu’il garde la tête froide et qu’il se
limite à la question du savant Abderrahmane Chibane sans évoquer
d’autres problèmes dans une confusion indescriptible. Ce faisant, nous
l’invitons à méditer ce verset qui nous recommande l’indulgence, le
pardon et l’amour du prochain à l’égard même de l’adversaire : « La
bonne action et la mauvaise action ne peuvent être mises sur le même
pied d’égalité. Agis de la meilleure manière à l’égard de celui qui te
cause un tort ; il deviendra alors comme ton ami intime » (Coran, s.41,
v.34). Un tel texte confirme l’amour du prochain que prêche également
l’Evangile. Ce journaliste peut-il agir de la sorte à l’égard du cheikh
Abderrahmane Chibane ? Nous l’espérons. Alger, le 19/02/2008
P/ la Cellule de communication du H.C.I
Messaoud Boudjenoun, directeur de la Rédaction
de la revue Les Etudes Islamiques
78
Mise au point au quotidien Le Soir d’Algérie (2008)
Monsieur le Directeur de la Rédaction :
Dans votre édition du 27 février 2008, vous avez publié
un article sous le titre sensationnel de « Cheikh Bouamrane –
Ghoulamallah : les raisons d’un clash » ! Cet article tenait la
une de votre quotidien comme s’il s’agissait d’un scoop, alors
que cette affaire est simple et a fait l’objet de plusieurs mises
au point et clarifications de notre part dans la presse écrite.
Au risque de nous répéter, nous disons que cette affaire n’a
nullement les arrières pensées et les desseins que votre journal
veut lui prêter. C’est une mauvaise interprétation de mes propos à
la chaîne une de la radio nationale par un quotidien national
ajouté à un titre provocateur qui a déclenché cette polémique.
Interrogé par l’animatrice de l’émission « Tahawoulât » sur une
supposée fuite de l’argent récolté par le fonds de la zakât, au
cours d’une émission consacrée, au demeurant, au problème du
prosélytisme chrétien dans notre pays, j’ai répondu que nous
n’avons aucune information à ce sujet, mais que si cela s’avère
vrai, cette question relève des prérogatives du ministère des
affaires religieuses et de celui de l’Intérieur et des collectivités
locales.
Ensuite, à la question sur notre avis concernant le fonds
de la zakât, j’ai rappelé la position prise par l’un de nos
éminents membres qui est un jurisconsulte et un responsable
d’une grande zaouia, qui a soutenu lors d’une conférence
donnée dans la wilaya de Naâma en 2004 que l’argent de la
zakât doit être utilisé au profit des pauvres, des nécessiteux et
des autres catégories citées par le verset du Coran consacré à
la zakât.
79
Réponses aux questions de Jour d’Algérie (2008)
Q1- Quoi qu’il ait toujours existé en Algérie, le phénomène de
l’évangélisme semble prendre depuis quelque temps des proportions
alarmantes. Nombreuses sont les réactions suscitées à ce sujet aussi
bien en Algérie qu’ailleurs dans le monde, en particulier en France.
Quels sont selon vous les tenants et aboutissants de cette campagne et
peut-on savoir pourquoi c’est en cette période que l’évangélisme en
Algérie s’est tellement amplifié ?
R- Comme vous le dites, le phénomène de l’évangélisation a
toujours existé en Algérie, bien qu’il n’ait jamais pu prendre racine
dans notre pays, y compris aux pires moments de la colonisation.
Notre peuple est attaché à la religion de ses ancêtres, religion qui lui
donne sérénité, équilibre, esprit de solidarité et amour de la liberté et
de la dignité. Les seuls cas d’évangélisation que nous avons connus
sont le fait d’orphelins recueillis par le Cardinal Lavigerie pendant la
grande famine qu’a connue l’Algérie dans les années 1866-1868. Si
cette campagne prend maintenant des proportions alarmantes, c’est
parce qu’elle vient dans un contexte particulier marqué par la volonté
d’une grande puissance de propager la religion évangéliste partout
dans le monde, tout particulièrement dans le monde musulman. Une
telle campagne est menée par les néo-conservateurs évangélistes,
alliés aux sionistes avec des moyens financiers importants. Elle est
destinée à former une minorité chrétienne au sein de la majorité
musulmane pour pouvoir intervenir dans les affaires du pays.
Q2-D’après vous, y a-t-il un courant politique qui
encourage la pratique de l’évangélisme en Algérie? Et puis,
n’est-ce pas que cette pratique est l’une des conséquences
néfastes de la mondialisation ?
R- Comme je viens de vous le dire, ce n’est un secret
pour personne que cette campagne est soutenue et encouragée
par les milieux que je viens de citer. Il est clair pour nous
qu’elle ne se propose pas de sauver des âmes, mais de créer
des minorités dans le monde musulman. Les musulmans ont
80
une religion révélée et n’ont nullement besoin de nouveaux
sauveurs.
Q3- Une vive polémique s’est fait jour tout récemment
entre deux institutions cultuelles du pays, à savoir le HCI dont
vous êtes le premier responsable et le ministère des affaires
religieuses et des wakf. La polémique a trait bien sûr à la gestion
du fonds de la zakât. Pouvez-vous nous expliquer quelle est votre
position sur cette question et aussi en quoi consistent exactement
les reproches que vous avez émis au sujet de la gestion du fonds
de la zakât ?
R - En réalité, il ne s’agit pas de polémique, mais d’un
malentendu qui a été dissipé. Il fallait répondre à une question : la
zakât doit-elle passer par une caisse ou aller directement aux
pauvres, aux nécessiteux et autres catégories précisées par le Coran ?
c’est cela le problème posé.
Q4- Certaines sources affirment que le ministre des
affaires religieuses aurait sollicité le Président de la République
pour que ce dernier procède à la dissolution du HCI ou alors le
placer sous tutelle des affaires religieuses et des wakf. Quel est
votre commentaire à ce sujet ?
R - Ce sont des rumeurs qui n’ont aucun fondement.
Q5- Le HCI est une institution constitutionnelle dépendant
directement de la Présidence de la République, créée en 1996 pour
encourager et promouvoir l’idjtihâd ; cependant, ce que l’on a pu
constater depuis quelque temps, c’est plutôt cette attitude d’indifférence,
pour ne pas dire de désintéressement, par rapport à l’implication du
HCI dans la lutte contre le terrorisme en général et les attentats suicides
en particulier. Peut-on dès lors savoir pourquoi le HCI ne s’implique
pas, bien sûr à sa manière, par la condamnation des attentats dans la
lutte antiterroriste ?
R- Le H.C.I a toujours condamné les actes de violence
et les attentats. Vous pouvez consulter les nombreux textes et
communiqués que nous avons publiés à ce sujet.
81
Q6- Compte tenu que seul l’avortement thérapeutique est
autorisé actuellement dans notre pays, quel est votre avis quant à
la nécessité de l’élargissement de cette pratique aux cas où la
femme fait l’objet d’un viol et désire procéder à l’interruption
volontaire de la grossesse (IVG) ?
R- Le H.C.I a publié une fetwa en ce sens en 2001,
alors qu’il était dirigé par mon prédécesseur le Professeur
Abdelmadjid Meziane (que Dieu lui accorde Sa miséricorde).
Vous pouvez vous y référer.
Q7- Face à la recrudescence des viols durant les années
noires, les autorités civiles et religieuses ont réagi en autorisant
l’avortement pour les femmes victimes de la barbarie terroriste.
Etant donné que le nombre de femmes ayant fait l’objet de viols
de toute autre nature est actuellement en augmentation effarante,
qu’est-ce que vous proposez comme solution pour les femmes qui
refusent de garder leurs bébés non désirés ?
R- Il a été répondu à cette question plus haut.
Q8- Selon les chiffres du ministère de la solidarité
nationale, pas moins de 5 000 enfants abandonnés, nés hors
mariage, sont enregistrés chaque année dans notre pays. Qu’est-
ce que vous proposez pour assister et soutenir ces femmes qui
payent souvent pour des actes qu’elles n’ont pas commis ?
R- L’Etat a le devoir de prendre en charge ces enfants et de
trouver des solutions pertinentes pour les mères célibataires. Alger, le 13/03/2008
Le Président du Haut Conseil Islamique
Le Docteur Bouamrane Chikh
82
Communiqué du Haut Conseil Islamique
Le Haut Conseil Islamique a tenu sa trente-sixième session
ordinaire le 27 mars 2008, à l’hôtel Aurassi, sous la présidence du
Docteur Chikh Bouamrane, à la suite de son colloque international
sur le thème la jeunesse entre l’authenticité et le monde actuel.
L’ordre du jour a comporté les activités du H.C.I ent re deux
sessions, le phénomène de l’évangélisation, l’évaluation des résultats
du colloque et les recommandations à proposer.
Chacun des membres du Haut Conseil a fait un compte
rendu de ses activités entre les deux sessions. Certains d’entre eux
ont effectué des déplacements à Mostaganem, à Tiaret, Bordj
Bouaréridj, où ils ont animé des conférences et participé à des
colloques dans ces wilayas. Les membres du Haut Conseil ont pris
également une part active à la célébration du Mawlid Al-Nabaoui
dans les différents moyens d’information.
Le Haut Conseil Islamique a édité plusieurs publications,
notamment les actes du colloque international consacré à la civilisation
musulmane en Andalousie au sixième siècle de l’Hégire. Il a publié
aussi deux cahiers, le premier ayant pour titre Aboû Ziyyân Al-
Tilimsâni et le second consacré à l’histoire de l’Union Générale des
Etudiants Musulmans Algériens (UGEMA) dans les pays arabes et
musulmans durant la guerre de libération. Il a publié également une
étude académique ayant pour thème le Cheikh Abd-Al-Hamîd Ibn
Bâdîs en tant qu’homme de lettres, en 2 volumes (thèse de doctorat).
La question de l’évangélisation a fait l’objet d’une attention
particulière de la part du Haut Conseil qui a mis l’accent sur le
danger de ce phénomène et sur la nécessité d’y faire face dans le
cadre de la loi. Le Haut Conseil a condamné fermement les
caricatures portant atteinte à la personne du Prophète (qsssl). Il a
appelé les musulmans à répondre à cette campagne haineuse avec
les différents moyens possibles et selon la recommandation du
Coran : « Discute avec eux de la manière la plus courtoise ».
83
Le Haut Conseil a procédé à l’évaluation de son colloque et a
relevé des points positifs en ce qui concerne les conférences et les
études qui ont été présentées sur les problèmes de la jeunesse, ainsi
que les propositions pratiques qui ont été avancées pour résoudre ces
problèmes. Les propositions ont besoin d’être enrichies par les
institutions spécialisées concernées.
A la fin, le Haut Conseil Islamique a salué la réponse du
Président de la République aux aspirations du peuple afin
qu’il se porte candidat pour un troisième mandat et puisse
poursuivre ses efforts dans la construction et l’édification du
pays.
La séance fut levée à treize heures de l’après-midi à la
date précitée. Alger, le 02/04/2008
La cellule de communication du HCI
Compte-rendu de la visite d’une délégation française
composée de hauts fonctionnaires des ministères
de l’intérieur et des affaires étrangères.
Le Président du Haut Conseil Islamique a reçu le 14 avril
2008, au siège du H.C.I, sur la demande de son excellence
l’Ambassadeur de France à Alger, une délégation française
composée de hauts fonctionnaires des ministères de l’Intérieur et
des affaires étrangères. L’entretien s’est déroulé en présence de
cadres du H.C.I ; il a porté sur les points suivants :
1. la situation des musulmans en France.
2. la structuration des organisations représentatives des
musulmans en France (C.F.C.M et la Fondation des œuvres
musulmanes).
3. la formation des imâm de France en Algérie.
4. la situation de la minorité chrétienne en Algérie.
5. les possibilités de coopération et de renforcement du
dialogue entre les deux rives de la Méditerranée.
84
Le chef de la délégation française a fait un exposé sur la
situation de l’Islâm et des musulmans en France en mettant
l’accent sur les mesures prises par les autorités françaises pour
organiser le culte musulman qui est devenu la deuxième religion de
France dans un cadre officiel représentatif, à l’instar des chrétiens
et les juifs. De son côté, le Président du H.C.I, le Docteur Chikh
Bouamrane a présenté l’organisme qu’il préside, ses missions et
ses objectifs, en exprimant la disponibilité de l’Islâm au dialogue et
à la coexistence pacifique avec les autres religions et civilisations.
Au cours de cette réunion, la délégation française a soulevé le
problème de la formation des imâms devant officier dans les mosquées
en France. Ces imâms qui viennent de pays ayant une communauté en
France ne répondent pas toujours aux critères souhaités par les autorités.
La délégation française a proposé que des imâms français, d’origine
algérienne, soient formés en Algérie dans des instituts spécialisés. Dans
ce contexte, un membre de la délégation française a déclaré que la
formation des imâms se déroule actuellement à l’Institut catholique de
Paris, en précisant que cette formation se limite à la culture générale et
ne concerne pas les études islamiques. Le Président du H.C.I a déclaré
que cette proposition mérite d’être étudiée par nos autorités concernées.
Il a proposé dans ce même sens l’ouverture d’une chaire de théologie
musulmane à l’Université de Strasbourg, au même titre que les chaires
catholique, protestante et hébraïque.
Par ailleurs, son excellence l’Ambassadeur de France à
Alger a attiré l’attention sur les préoccupations de la minorité
chrétienne en Algérie, surtout après l’entrée en vigueur de la
récente loi sur l’organisation des cultes non musulmans. Des
éclaircissements lui ont été fournis.
A la fin, les deux parties ont convenu d’établir des relations de
coopération et de dialogue suivi pour l’intérêt des deux pays. Il
convient de signaler que cette visite a été rapide et aucune information
du notre ministère des Affaires étrangères ne nous est parvenue à ce
sujet. Alger, le 14/04/2008
La cellule de communication du H.C.I
85
Recommandations du colloque international sur
les problèmes de la jeunesse.
Un colloque international s’est tenu à l’hôtel Al-Aurassi, les
24, 25 et 26 mars 2008, sur le thème la jeunesse entre l’authenticité
et le monde moderne. De nombreux professeurs et chercheurs,
Algériens et étrangers y ont participé. Le colloque a traité les axes
suivants :
Premier axe : L’éducation en général, l’éducation islamique
en particulier la culture.
Deuxième axe : L’économie et les problèmes sociaux
vécus par les jeunes aujourd’hui.
Troisième axe : La médecine et la santé mentale face
aux déviations diverses.
Quatrième axe : Les recommandations et les mesures
juridiques à prendre.
Plusieurs conférences ont été données en séance plénière
autour de ces axes ; l’ensemble des questions intéressant les jeunes
ont été débattues au sein de trois ateliers. Les travaux du colloque
ont cerné les problèmes vécus par les jeunes et ont proposé des
recommandations approuvées par la majorité des participants. En
voici le résumé.
Pour le premier axe, il convient de
1. définir l’éducation islamique : elle consiste à éduquer
l’enfant, étape après étape, selon les préceptes de l’Islâm, jusqu’à
ce qu’il atteigne sa maturité. Cette éducation s’appuie, dans son
ensemble, sur le rôle confié à la famille et à la société en général.
2. intégrer la formation de la personnalité des jeunes dans un
cadre juridique adéquat qui reconnaît les droits fondamentaux des
jeunes et constitue une charte nationale de la jeunesse englobant les
droits et les devoirs des jeunes.
3. créer un observatoire national de la jeunesse qui aura pour
mission de suivre les questions relatives aux jeunes dans le domaine
86
de l’éducation et de la culture et qui œuvre en concertation et
coordination avec le Haut Conseil Islamique et les autres institutions
qui s’occupent des problèmes des jeunes.
4. créer un Conseil national scientifique composé d’experts
dans différents domaines dont le rôle sera de contrôler le contenu des
programmes dans le domaine audio-visuel et notamment les chaînes
de télévision spécialisées dans l’éducation et sur l’éducation
islamique et la culture.
5. assurer la qualité de l’encadrement et s’appuyer sur les
méthodes pédagogiques modernes, sensibiliser les moyens
d’information, afin qu’ils jouent leur rôle dans le domaine de
l’éducation et de la culture, consacrer deux heures par semaine à
l’enseignement de l’éducation islamique dans tous les paliers de
l’enseignement et de la formation, enseigner l’histoire nationale
depuis l’Antiquité, les temps modernes et la période contemporaine
jusqu’à la Révolution libératrice à laquelle nous devons notre
indépendance.
6. choisir les versets coraniques et les hadiths prophétiques
relatifs à la jeunesse et créer une commission scientifique pour
contrôler les livres en général et les livres religieux en particulier.
7. faire participer les jeunes dans tous les domaines les
concernant et renforcer leur participation au sein de structures publiques,
des clubs et des centres de jeunes.
Malgré les moyens matériels et humains mobilisés pour
résoudre les problèmes de la jeunesse, cette dernière continue
à endurer les problèmes du chômage, de la baisse du niveau
de vie et de l’instabilité.
Pour le second axe, il convient de :
1. créer un institut de prospective et de stratégie chargé
d’établir un plan de développement multisectoriel sur la base
d’objectifs politiques, définis par les instances responsables ;
2. introduire le management dans la gestion des entreprises
économiques et autres, quelles soient publiques ou privées ;
87
3. consacrer 80% des crédits pour la création de petites
et moyennes entreprises productives, créatrices d’emplois
pour les jeunes ;
4. établir des critères scientifiques et objectifs dans la
désignation et l’évaluation des gestionnaires dans tous les
domaines ;
5. accorder la priorité au développement des ressources
humaines et élever leur niveau selon les critères universels ;
6. moderniser le système des données informatiques
dans le domaine économique et social, notamment vers la
catégorie des jeunes ;
7. aider les jeunes à acquérir des logements à des prix
raisonnables et à loyer modéré ;
8. attribuer aux jeunes chômeurs une indemnité de
chômage ;
Pour le troisième axe :
1. faire une étude sur les maladies répandues parmi les
jeunes en particulier et les prendre en charge sur le plan
médico-social ;
2. prendre en charge les problèmes des jeunes handicapés
mentaux ;
3. augmenter les taxes sur le tabac et les alcools ;
4. lutter contre la production des stupéfiants et drogues
ainsi que leur commercialisation et leur consommation ;
5. mettre en place une politique rationnelle et des mécanismes
spécialisés pour trouver des solutions aux problèmes des jeunes
délinquants et créer des centres de redressement spécialisés pour leur
rééducation et leur réinsertion dans la société ;
6. dépénaliser les actes des harragas et traiter leurs
problèmes sur le plan social, économique et humain ;
7. accorder à la mère au foyer une indemnité pour
qu’elle puisse élever ses enfants jusqu’à ce qu’ils atteignent
leur cinquième année ;
88
8. créer un fonds national pour aider les jeunes à fonder
une famille ;
9. créer des postes de travail pour des psychologues afin
qu’ils prennent en charge les problèmes des jeunes.
Visite de Mr Christian Delorme, prêtre à Lyon.
Le Président du Haut Conseil Islamique, le Docteur Chikh
Bouamrane, a reçu le lundi 26 mai 2008, au siège du H.C.I et en
présence de ses collaborateurs. Le père Christian Delorme, prêtre au
diocèse de Lyon, religieux français engagé dans le dialogue inter-
religieux. Le père Delorme est venu en Algérie pour participer à un
colloque sur l’Emir Abd-el-Kader et les droits de l’homme, organisé
par le Sénat. Il a tenu à rendre visite au Président du H.C.I.,
accompagné de Mr Abdelhakim Fahhas, traducteur auprès du Conseil
de la nation.
L’entretien a porté sur les relations entre l’Islâm et le
Christianisme et sur les possibilités d’approfondir les relations entre
les religions abrahamiques.
Le père Delorme a rappelé qu’il a gardé de très bons
souvenirs de sa dernière visite en Algérie et de ses entretiens avec
le Président du H.C.I avec la délégation islamo chrétienne venue
de Lyon, conduite par le Professeur Azzedine Gaci, Recteur de la
mosquée de Villeurbanne, membre du C.F.C.M et le Cardinal
Barbarin, Archevêque de Lyon et Primat des Gaules.
A la fin de la visite, le Président du H.C.I a offert des revues
et des livres édités par son institution. Le père Delorme lui a offert
un de ses ouvrages et quelques livres traitant de l’Islâm édités en
France. Alger, le 26/05/2008
La cellule de communication du H.C.I
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Allocution du Président du H.C.I, le 23 /07/2008,
prononcée lors de l’enterrement du savant et homme
de lettres, le regretté Cheikh Mohammed Sâlah Ramadân
(1913-2008).
Au Nom de Dieu Clément, le Miséricordieux., que la
prière et le salut soient sur le plus noble des Messagers.
« Chaque âme doit goûter à la mort »(Coran).
Aujourd’hui, nous faisons nos adieux à l’érudit Cheikh
Mohammed Sâlah Ramadân qui nous a quittés le 22 juillet 2008. Il
était savant, homme de lettres, poète, écrivain, éducateur, guide dans
le scoutisme et mudjâhid. Il est né à Al-Kantara en 1913 où il a fait ses
premières études, avant de se déplacer à Constantine en 1934 où il se
joignit au cercle d’enseignement du Cheikh Abdelhamid Ibn Bâdîs à
la Mosquée verte. Ensuite, il fut nommé comme enseignant à l’école
de l’éducation et de l’enseignement à Constantine, en compagnie de
son ami le Cheikh Mohammed Al-Ghasirî. Il s’occupa de l’éducation
religieuse au sein du scoutisme musulman et composa pour les scouts
un livre de poésies, intitulé « Chants de la jeunesse ». Il devint par la
suite un membre de la direction du scoutisme.
Il a voyagé en Espagne avec un groupe de scouts et de
membres de l’Association des Oulamâ et a représenté le
mouvement scout en Pologne (Varsovie) et composa un livre
sur son voyage. Il a occupé le poste de directeur de Dâr al-
Hadith à Tlemcen où il a remplacé le Cheikh Al-Ibrahîmî.
Quelque temps après, il se déplaça à Alger où il fut nommé
comme Inspecteur général des écoles de l’Association des
Oulamâ musulmans Algériens aux côtés de son ami et
compagnon le Cheikh Al-Ghasirî.
Après le déclenchement de la guerre de libération nationale, il
milita au sein du F.L.N dans la qasma de Kouba où il habitait. Au
début de l’indépendance, il devint membre du Comité central du
F.L.N et occupa le poste de Directeur central au ministère des affaires
religieuses ; il a supervisé la mise en place de l’enseignement originel
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dans les instituts musulmans pour lesquels il composa des textes
littéraires en quatre volumes. Ensuite, il enseigna la littérature arabe au
lycée Hassiba Ben Bouali à Kouba jusqu’à sa retraite. Il fut membre
du Conseil national de la culture, puis conseiller au ministère de la
communication et de la culture, en 1991. Retraité, il se consacra à
l’écriture et a publié plusieurs ouvrages. Il a édité notamment le
commentaire coranique de son maître (l’exégèse du Coran), le Cheikh
Ibn Bâdîs et les cours qu’il a donnés sur le hadîth et les dogmes de
l’Islâm, d’autres ouvrages littéraires dont deux ouvrages consacrés à
son maître et plusieurs articles qui firent connaître d’une façon
générale la mission du pionnier de notre renaissance culturelle. En
outre, il a donné une série de conférences dans les séminaires sur la
pensée islamique, les écoles et les Universités, et a continué son
activité intellectuelle jusqu’à sa dernière maladie.
Le Cheikh Mohammed Sâlah Ramadân s’est distingué par
plusieurs qualités éminentes : la modestie, l’intégrité, la sincérité,
l’amour du pays et de l’Islâm, l’amour de la lecture, la critique
constructive, les bonnes œuvres et la culture. Il était membre de
l’Union des écrivains Algériens et fut désigné comme membre de
l’ancien Haut Conseil Islamique qui dépendait du ministère des
affaires religieuses. Il a continué à publier des articles dans les
revues du Haut Conseil Islamique actuel et a revu peu avant sa
mort la dernière édition du « Tafsîr » d’ibn Bâdîs que le Haut
Conseil Islamique a décidé d’éditer pour honorer le défunt et
l’auteur du commentaire.
Puisse Dieu accorder au Cheikh Mohammed Sâlah Ramadân
Sa vaste miséricorde, et l’introduire dans Son vert paradis et inspirer
à sa famille la patience et la résignation devant Sa volonté. « Nous
sommes à Dieu et c’est à Dieu que nous retournerons » (Coran).
91
A Monsieur le Directeur de la publication
du quotidien l’Echo d’Oran(2008).
Objet : Eclaircissements.
Monsieur le Directeur,
Nous avons lu le compte rendu fait par votre journaliste de la
conférence de presse que le Président du Haut Conseil Islamique,
entouré des membres du Haut Conseil, a donnée à Mostaganem,
publié dans votre édition du 29/06/2008. Nous vous remercions pour
l’intérêt que vous portez aux activités du Haut Conseil Islamique.
Toutefois, le compte rendu appelle de notre part les remarques
suivantes :
1. Le Haut Conseil Islamique est un organisme consultatif
auprès du Président de la République.
2. Le projet de chaîne de télévision coranique a été initié
par l’Etat. Le Haut Conseil Islamique l’a étudié et donné son avis.
3. Les événements de Berriâne ne sont pas une affaire
de rite comme le rapporte votre journaliste. Le Haut Conseil a
estimé que les rites malikite et ibadite ont toujours coexisté
dans l’harmonie et la concorde. Il est malheureux que des
troubles viennent perturber cette harmonie.
4. Concernant la conversion au Christianisme, le Président
du H.C.I n’a pas parlé de « takfîr ». Il a cité le verset coranique :
« Celui qui veut croire, qu’il croie et celui qui ne veut pas croire
qu’il ne croie pas ». Il a ajouté que l’Islâm ne fait pas de porte-à -
porte pour amener les chrétiens à se convertir à l’Islâm, ce qui n’est
pas le cas pour « les évangélistes » qui font tout pour que les
musulmans embrassent le Christianisme.
5. L’Algérie a inscrit dans sa Constitution que l’Islâm
est la religion de l’Etat.
92
6. Le Président du H.C.I a précisé que les sciences
islamiques contribuent à former la personnalité nationale au
lieu de ce qui a été écrit dans votre journal.
7. Au sujet des harraga, le H.C.I a indiqué qu’il s’agit
d’une question psychologique dont la cause principale cause
est le chômage et non de maladie.
8. Enfin, pour qu’il n’y ait pas de confusion dans l’esprit de
vos lecteurs, il n’existe pas de « mufti » officiel, mais il existe une
commission de fatwa pour les problèmes nouveaux qui se posent à
notre société. Le conseiller qui a répondu à une question posée par
un journaliste en disant que « al-harga n’est pas un suicide » est le
Docteur Mohammed Cherif Qâhir, président de la commission de
« l’iftâ » du Haut Conseil et non le Président du H.C.I, comme
semble le suggérer l’article de votre journaliste.
En espérant que ces précisions seront publiées dans les
colonnes de votre quotidien, nous vous prions de croire en
nos salutations cordiales.
Alger, le 2/08/2008
Le journal El Watan : Liberté de culte ou
transgression de la souveraineté nationale ?
Un article a paru dans la rubrique Idées-Débat du quotidien El
Watan du 31 mars 2008 sous le titre : A quand la liberté de culte ?
L’auteur semble faire l’amalgame entre la liberté de la pratique du
culte qui est un droit sacré reconnu pour tous et le droit pour tout
pays d’exercer sa souveraineté sur son territoire. La récente loi fixant
les conditions et les règles d’exercice des cultes non musulmans qui
vient d’entrer en vigueur, semble gêner le journaliste, au point qu’il
l’a qualifiée d’injuste ! Cette loi fait la distinction entre les chrétiens
sincères qui veulent vivre leur foi et pratiquer leur culte, comme ils
l’ont toujours fait chez nous et ceux qui sont animés par des desseins
autres que religieux dont des étrangers qui viennent profiter de notre
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hospitalité pour semer les semences de la division et de « la fitna »
parmi notre peuple.
Doit-on rappeler à cet auteur que chaque pays a le droit d’exercer
sa souveraineté chez lui selon les intérêts que lui dicte sa politique
intérieure et extérieure ? La France interdit le port du foulard dans les
écoles, parce qu’elle prétend que cela relève de sa souveraineté ;
l’Angleterre soumet les mosquées du royaume à une stricte surveillance
policière, parce qu’elle prétend que cela relève de sa souveraineté ;
certains autres pays européens soumettent la construction de nouvelles
mosquées à des conditions draconiennes en prétendant que cela relève
de leur souveraineté...
L’Algérie n’a-t-elle pas le droit d’exercer sa souveraineté
chez elle, en mettant fin à l’anarchie qui caractérisait l’exercice
du culte chrétien, surtout après l’apparition des évangélistes soutenus
ouvertement par l’actuelle administration américaine ? Ce qui est
permis pour les autres est-il interdit pour nous ? Les arguments que
l’auteur de cet article avance pour justifier son plaidoyer ne tiennent
pas la route. Pour lui, en effet, du moment que certains chrétiens ont
soutenu l’indépendance de notre pays, il faut les associer dans tout
ce qui concerne le destin et l’avenir de l’Algérie. L’engagement de
ces hommes-là en faveur de l’indépendance de notre pays, qui
mérite notre respect et reconnaissance, reste tout de même un
engagement individuel, en réaction à l’injustice et à l’exploitation
auxquelles était soumis notre peuple de la part du colonialisme.
Un tel argument nous rappelle un fait historique qu’il serait
utile de mentionner ici. Le général de Gaulle a été accueilli par les
Anglais au lendemain de la défaite de son pays face aux Allemands.
Les Anglo-Américains l’ont aidé, assisté et soutenu dans la
libération de la France en 1945. Mais ont-ils exigé pour autant d’être
associés dans la direction et la gestion des affaires de la France ?
Bien plus, devenu le président de la République française, de Gaulle
a pris de la distance avec eux en refusant de les suivre aveuglément,
gardant à la France une certaine indépendance dans sa politique
étrangère.
94
En outre, l’auteur de l’article commet certains amalgames en
prétendant que le père du Mouvement national, en l’occurrence
Messali Hadj était influencé par Mustapha Kamal Attaturk le
fondateur de la Turquie laïque. D’où tient-il ces informations ? Ce
que nous connaissons de Messali Hadj est qu’il était un adepte d’une
zâouia à Tlemcen et un musulman farouchement attaché à ses
valeurs arabo-islamiques qu’il a pu renforcer grâce à sa rencontre
avec l’Emir Chakîb Arslâne en Suisse. Messali Hadj n’a jamais
prôné de laïcité pour l’Algérie, du moins pas celle qui est pratiquée
en France et qui sert de référence à certains de nos intellectuels
coupés de leur univers culturel et spirituel.
Notre pays reconnaît depuis toujours les confessions minoritaires
qui pratiquent leurs cultes en toute liberté, sans aucune intervention de
l’Etat dans leurs affaires intérieures. Malheureusement, notre pays est
confronté depuis un certain temps à un mouvement de prosélytisme
virulent qui veut s’imposer parmi la population, en utilisant tous les
moyens pour attirer les gens les plus fragiles, y compris le dénigrement
systématique de la religion de la majorité du peuple. C’est pour faire face
à ce prosélytisme pernicieux qui risque de constituer un danger pour
l’unité nationale et religieuse du pays que cette loi est entrée
en vigueur. Cette loi sépare le grain de l’ivraie et distingue les chrétiens
sincères qui ont toujours vécu leur foi avec sérénité et quiétude parmi
nous des nouveaux évangélistes qui sont mus par d’autres considérations
et qui portent autant préjudice aux musulmans qu’aux vrais chrétiens. Alger, le 12/08/2008
Compte-rendu.
Le Président du Haut Conseil Islamique, le Docteur Chikh
Bouamrane, entouré de ses collaborateurs, a reçu le 26/05/2008, au siège
du H.C.I, le Professeur Ian Lesser, Conseiller auprès de la Fondation
German Marshalle, invité par l’Institut des études stratégiques globales
(IESG). Ce dernier était accompagné du directeur des relations
extérieures de cet Institut.
Au cours de l’entretien, le Professeur Ian Lesser a voulu
savoir quel est le rôle du Haut Conseil Islamique en Algérie et ses
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prérogatives. Il a posé des questions sur les perspectives du
dialogue entre le monde musulman et l’Occident.
Le Président du H.C.I lui a expliqué le rôle et les missions
imparties à son institution avant de lui faire un exposé sur les
relations historiques, culturelles et politiques entre les civilisations
musulmane et chrétienne, ainsi que des problèmes actuels qui
entravent ces relations. Le Président du H.C.I a mis en exergue
notamment la volonté de l’actuelle administration américaine à
vouloir dominer le monde, au nom d’une seule civilisation qu’elle
veut imposer aux autres peuples de la planète. Le Professeur Ian
Lesser a dit partager cette analyse, surtout concernant la violation
des droits de l’homme à Guantanamo, à Abou Ghrib et dans
d’autres pays.
A la fin de l’entretien, le Président du H.C.I a offert à
son hôte des revues et des ouvrages édités par le Haut Conseil
Islamique. Alger, le 26/08/2008