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Lésions d’ischémie-reperfusion en transplantation pulmonaire Stéphane Gennai 1,2 , Christophe Pison 3 , Raphaël Briot 1,2 1. CHU de Grenoble, pôle urgences et médecine aiguë, CS 10217, 38043 Grenoble cedex 09, France 2. Laboratoire TIMC-IMAG, UMR 5525, domaine de la Merci, 38706 La Tronche cedex, France 3. Université Joseph-Fourier, laboratoire de bioénergétique fondamentale et appliquée, Inserm U1055, BP 53, 38041 Grenoble cedex 09, France Correspondance : Stéphane Gennai, CHU de Grenoble, pôle urgences et médecine aiguë, CS 10217, 38043 Grenoble cedex 09, France. [email protected] Disponible sur internet le : 13 juin 2014 Presse Med. 2014; 43: 921930 ß 2014 Elsevier Masson SAS Tous droits réservés. en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com Transplantation 921 Mise au point Key points Ischemia-reperfusion injury after lung transplantation Lung ischemia-reperfusion is characterized by diffuse alveolar damage arising from the first hours after transplantation. The first etiology of the primary graft dysfunction in lung is ischemia-reperfusion. It is burdened by an important morbi- mortality. Lung ischemia-reperfusion increases the oxidative stress, inactivates the sodium pump, increases the intracellular cal- cium, leads to cellular death and the liberation of pro-inflam- matory mediators. Researches relative to the reduction of the lung ischemia- reperfusion injuries are numerous but few of them found a place in common clinical practice, because of an insufficient level of proofs. Ex vivo lung evaluation is a suitable technique in order to evaluate therapeutics supposed to limit lung ischemia-reper- fusion injuries. Points essentiels L’ischémie-reperfusion pulmonaire est caractérisée par des dommages alvéolaires diffus survenant dès les premières heures post-transplantation. La défaillance primaire du greffon a comme première étiolo- gie l’ischémie-reperfusion pulmonaire. Elle est grevée d’une importante morbi-mortalité. L’ischémie-reperfusion pulmonaire augmente le stress oxy- datif, inactive la pompe à sodium, augmente le calcium intra- cellulaire, induit la mort cellulaire et la libération de médiateurs pro-inflammatoires. Les recherches relatives à la réduction des lésions d’ischémie- reperfusion pulmonaires sont nombreuses mais peu d’entre elles ont trouvé une place en pratique clinique courante, en raison d’un niveau de preuves insuffisant. L’évaluation pulmonaire ex vivo constitue une technique de choix pour évaluer des thérapeutiques supposées limiter les lésions d’ischémie-reperfusion pulmonaires. tome 43 > n89 > septembre 2014 http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.01.018

Lésions d’ischémie-reperfusion en transplantation pulmonaire

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Page 1: Lésions d’ischémie-reperfusion en transplantation pulmonaire

Presse Med. 2014; 43: 921–930� 2014 Elsevier Masson SASTous droits réservés.

en ligne sur / on line onwww.em-consulte.com/revue/lpmwww.sciencedirect.com

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Lung ischemia-reperfusion is chdamage arising from the first hThe first etiology of the primarischemia-reperfusion. It is burdemortality.Lung ischemia-reperfusion incinactivates the sodium pump, incium, leads to cellular death andmatory mediators.Researches relative to the redreperfusion injuries are numeroplace in common clinical practiclevel of proofs.Ex vivo lung evaluation is a sevaluate therapeutics supposedfusion injuries.

tome 43 > n89 > septembre 2014http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.01.018

Lésions d’ischémie-reperfusion entransplantation pulmonaire

Stéphane Gennai1,2, Christophe Pison3, Raphaël Briot1,2

1. CHU de Grenoble, pôle urgences et médecine aiguë, CS 10217, 38043 Grenoblecedex 09, France

2. Laboratoire TIMC-IMAG, UMR 5525, domaine de la Merci, 38706 La Tronche cedex,France

3. Université Joseph-Fourier, laboratoire de bioénergétique fondamentale etappliquée, Inserm U1055, BP 53, 38041 Grenoble cedex 09, France

Correspondance :Stéphane Gennai, CHU de Grenoble, pôle urgences et médecine aiguë, CS 10217,38043 Grenoble cedex 09, [email protected]

Disponible sur internet le :13 juin 2014

ter lung transplantation

aracterized by diffuse alveolarours after transplantation.y graft dysfunction in lung isned by an important morbi-

reases the oxidative stress,creases the intracellular cal-

the liberation of pro-inflam-

uction of the lung ischemia-us but few of them found ae, because of an insufficient

uitable technique in order to to limit lung ischemia-reper-

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Points essentiels

L’ischémie-reperfusion pulmonaire est caractérisée par desdommages alvéolaires diffus survenant dès les premièresheures post-transplantation.La défaillance primaire du greffon a comme première étiolo-gie l’ischémie-reperfusion pulmonaire. Elle est grevée d’uneimportante morbi-mortalité.L’ischémie-reperfusion pulmonaire augmente le stress oxy-datif, inactive la pompe à sodium, augmente le calcium intra-cellulaire, induit la mort cellulaire et la libération de médiateurspro-inflammatoires.Les recherches relatives à la réduction des lésions d’ischémie-reperfusion pulmonaires sont nombreuses mais peu d’entreelles ont trouvé une place en pratique clinique courante, enraison d’un niveau de preuves insuffisant.L’évaluation pulmonaire ex vivo constitue une technique dechoix pour évaluer des thérapeutiques supposées limiter leslésions d’ischémie-reperfusion pulmonaires.

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S Gennai, C Pison, R Briot

Les lésions d’ischémie-reperfusion (I/R) sont caractériséespar des dommages alvéolaires diffus non spécifiques, unoedème pulmonaire et une hypoxie pouvant conduire jusqu’àla dysfonction primaire du greffon, parfois responsable dudécès du patient, de la prolongation de son assistance respi-ratoire par ventilation mécanique ou du rejet aigu du greffon.Elles constituent la principale étiologie de la dysfonction pri-maire du greffon (DPG), syndrome qui apparaît habituellementdans les 72 heures post-transplantation. Quatre grades desévérité de DPG ont été identifiés par l’International Societyof Heart and Lung Transplantation (ISHLT), selon la valeur durapport entre la pression partielle artérielle en oxygène (PaO2)et la fraction inspirée en oxygène (FiO2), et la présence ou nond’infiltrats radiologiques compatibles avec un oedème pulmo-naire (tableau I) [1].La DPG peut également résulter d’agressions survenant chez ledonneur avant le prélèvement d’organe. Il s’agit de la préser-vation pulmonaire en ischémie froide, de la ventilation méca-nique, de la mort cérébrale, de l’hypotension, des aspirationsbronchiques et d’éventuels traumatismes ou infections. C’est laraison pour laquelle l’évaluation du donneur doit s’attacher àsélectionner des poumons qui seront à même de supporterplusieurs heures d’ischémie, sans qu’ils soient trop impactés surle plan fonctionnel.Plusieurs stratégies de prévention et de traitement des lésionspulmonaires induites par l’I/R, introduites en pratique clinique,ont permis de réduire l’incidence de la DPG de 30 à 15 %.

EnjeuxEn dépit des avancées en matière de préservation pulmonaire,de l’amélioration des techniques chirurgicales et de la prise encharge péri-opératoire, les lésions pulmonaires induites parl’I/R demeurent une cause importante de morbi-mortalité, à lafois précoce et tardive, après transplantation pulmonaire.

Tableau I

Grades de sévérité de la dysfonction primaire du greffon pul-monaire, d’après l’ISHLT [1]

Grade PaO2/FiO2 Infiltrats radiologiques compatibles avecun oedème pulmonaire

0 > 300 Absents

1 > 300 Présents

2 200–300 Présents

3 < 200 Présents

FiO2 : fraction inspirée en oxygène ; PaO2 : pression partielle artérielle en oxygène.

Depuis 1982, la transplantation pulmonaire a rencontré unsuccès croissant. Elle constitue la thérapie de dernier recoursd’un grand nombre pathologies pulmonaires au stade ultime deleur évolution. Les dernières décennies ont été marquées par lenombre croissant de patients sur liste d’attente de greffemalgré l’augmentation significative des centres pratiquant latransplantation pulmonaire [1]. Le registre de l’ISHLT rapportaiten 2011 que près de 45 000 transplantations pulmonaires etcardio-pulmonaires avaient été effectuées à travers le monde[1]. En France, le nombre de patients enregistrés sur listed’attente de transplantation pulmonaire ou cardiopulmonaireest passé de 166 en 2007 à 185 en 2011. Dans le même temps,le nombre de patients décédés en attente d’une greffe pulmo-naire ou cardiopulmonaire diminuait (54 en 2007, 20 en 2011)grâce à l’augmentation de l’activité de greffe sur le territoire(223 en 2007, 324 en 2011) [2]. Par ailleurs, le taux de survie à5 ans des patients transplantés est passé de 25 % dans lesannées 1980, à 50 % actuellement [2]. Ce résultat encorerelativement mauvais est principalement imputable à la DPG.Selon une étude publiée par l’ISHLT en 2005 et qui concernaitprès de 5000 patients, la prévalence de la DPG était de 10 %[1]. La DPG augmentait le risque de décès des patients trans-plantés à la fois en aiguë (42 % des patients avec DPGdécédaient à 30 jours versus 6 % en l’absence de DPG) eten chronique, avec une augmentation du risque dedécès > 35 % dans les quatre ans post-greffe. La DPG étantla principale conséquence des lésions d’I/R, celles-ci sontdevenues une thématique fondamentale de recherche, avecpour perspective la réduction de la morbi-mortalité post-trans-plantation pulmonaire.

PhysiopathologieLes poumons sélectionnés pour la transplantation sont classi-quement perfusés avec du liquide de préservation froid puisconservés en hypothermie, afin de ralentir leur métabolisme : ils’agit de l’ischémie froide, période de refroidissement del’organe intervenant au cours de la décroissance ou del’arrêt de la perfusion de sang ou d’un liquide de substitution(perfusat). L’ischémie est responsable d’une réduction de laquantité d’oxygène apportée aux organes par le perfusat : ils’agit de l’hypoxie. Hypothermie, ischémie, hypoxie et reperfu-sion induisent de nombreux processus physiopathologiquessusceptibles de concourir à la mort cellulaire, tels que l’aug-mentation du stress oxydatif, l’inactivation de la pompe àsodium, l’augmentation du calcium intracellulaire, l’inductionde l’apoptose et la libération de médiateurs pro-inflammatoires(tableau II).

Conséquences de l’ischémie froide et de l’hypoxieAccumulation de substances à l’origine du stress oxydatifLe stress oxydatif est caractérisé par la production d’espècesoxygénées particulièrement instables telles que l’anion

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Tableau II

Éléments de physiopathologie de l’ischémie-reperfusion en transplantation pulmonaire

Conséquences de l’ischémie froide et de l’hypoxie Conséquences de la reperfusion

Glycolyse anaérobie et acidose lactique Production d’espèces oxygénées réactives responsables de lésionscellulaires et de l’ouverture du PTPm

Décroissance en ATP Apoptose par ouverture du PTPm

Inactivation de la pompe à sodium avec accumulation de calciumintracellulaire qui potentialise la production d’espècesoxygénées réactives

Libération de médiateurs pro-inflammatoires tels que :IL-1b, IL-6, TNF-a et RAGE

Surcharge en calcium intracellulaire qui favorise l’ouverture du PTPm Activation du système du complément

Accumulation d’hypoxanthine et de NADPH à l’origine du stress oxydatif

Production d’oxyde nitrique par les eNOS dont la production estfavorisée par la NADPH oxydase

ATP : adénosine triphosphate ; IL : interleukine ; NADPH : nicotinamide adénine dinucléotide phosphate ; eNOS : endothelial nitric oxide synthase ; PTPm : pore de transition deperméabilité mitochondriale ; RAGE : receptor for advanced glucose end-products ; TNF : tumor necrosis factor.

Lésions d’ischémie-reperfusion en transplantation pulmonaireTransplantation

superoxyde, le peroxyde d’hydrogène et le radical hydroxyle,susceptibles d’interagir avec la première structure molécu-laire rencontrée, habituellement les lipides constitutifs de lamembrane cellulaire. Les lésions cellulaires induites vont dela simple augmentation de perméabilité à la lyse cellulaire. Lestress oxydatif intéresse la plupart des cellules du paren-chyme pulmonaire [3]. Il résulte de deux mécanismes :� un premier lié à l’hypoxie–anoxie : la décroissance de

l’adénosine triphosphate (ATP) avec accumulation de sonproduit de dégradation, l’hypoxanthine, à partir duquel desespèces oxygénées réactives sont produites au moment de laréoxygénation par reperfusion et/ou ventilation ;

� un second lié à l’ischémie mais non lié à l’hypoxie ou à ladécroissance en ATP, nicotinamide adénine dinucléotidephosphate (NADPH) oxydase dépendant, qui survientprincipalement au niveau des cellules endothéliales, despolynucléaires neutrophiles et des monocytes/macrophages(figure 1). Au niveau endothélial, la modification des forcesphysiques liées à l’arrêt du flux sanguin induit des signauxbiochimiques (méchanotransduction), responsables de l’acti-vation de la NADPH oxydase et du facteur nucléaire (NF)-kB[4].

Inactivation de la pompe à sodium

L’augmentation de la glycolyse anaérobie au cours del’ischémie est responsable de l’accumulation d’acide lactiqueet d’ions H+ au niveau cytoplasmique. Les ions H+ sortent enpartie de la cellule grâce à l’échangeur membranaire Na+/H+. Lesodium entrant est ensuite évacué de la cellule par la pompeNa+/K+-ATPase dont dépend essentiellement la clairance liqui-dienne alvéolaire. En situation d’hypothermie ou d’hypoxie, la

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pompe Na+/K+-ATPase dysfonctionne et le sodium s’accumuleau niveau intracellulaire, entraînant un « oedème cellulaire » [3].En parallèle, l’échangeur Na+/Ca2+ est responsable d’uneaccumulation de calcium au niveau cytoplasmique d’autantplus importante que la pompe à sodium est inefficace (figure 1).

Surcharge en calcium intracellulaire

La surcharge en calcium intracellulaire est liée à l’hypoxie quiinactive la pompe Na+/K+-ATPase et à l’hypothermie qui libèrele calcium de ses espaces de stockage intracellulaire. Cettesurcharge peut engendrer des dommages cellulaires, en parti-culier en favorisant l’ouverture du pore de transition de per-méabilité mitochondriale (PTPm) et la transformation de laxanthine déshydrogénase en xanthine oxydase qui potentialisela production de radicaux libres (figure 1) [3].

Production d’oxyde nitrique

L’oxyde nitrique ou monoxyde d’azote (NO) est un radical libresynthétisé les NO synthases (NOS), protéines enzymatiquescomportant trois isomères. La forme neuronale (nNOS) estessentiellement présente dans le cytosol des cellules neuro-nales du système nerveux central et a un rôle neuro-modula-teur. La forme inductible (iNOS) est présente dans le cytosol desmacrophages, induite par des cytokines et endotoxines et a unrôle cytotoxique. La forme endothéliale (eNOS) est essentiel-lement présente dans la membrane des cellules de l’endothé-lium vasculaire et a un rôle vasodilatateur. Ces trois isomèressont calcium dépendants. En hypoxie, l’activité de la eNOScalcium/calmoduline dépendante décroît, réduisant à sontour la production de NO. Il en résulte une vasoconstriction,défavorable notamment au passage de la solution de

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Secteurextracellul aire

Secteurintrac ellulai re

Na+

Na+Na+

Ca2+K+

H+

ATP AD P

hypoxanthine NADPH

NADPHoxydase

xanthineoxyda se

xanthinedéshydrogénase O2

espèces oxygénéesréac�ves

Ca2+

Hypoxie Ischémie

Na+intracellulai re

Ca2+intracellulai re

H+intracellulai re

lactates

glycol yse anaérobie

Mitochondrie

Ca2+

PTPm

Figure 1

Formation d’espèces oxygénées réactives au cours de l’ischémie-reperfusion pulmonaireL’hypoxie est responsable, au niveau intracellulaire, de la mise en route de la glycolyse anaérobie, de l’accumulation de lactates et d’ions H+. La baisse de la production d’ATP

et l’accumulation de son produit de dégradation, l’hypoxanthine, favorise la production d’espèces oxygénées réactives sous l’effet de la xanthine oxydase. Les ions H+

accumulés au niveau intracellulaire s’échangent avec les ions Na+ extracellulaires. La pompe Na+/K+-ATPase ne fonctionnant plus par manque d’ATP, le Na+ s’accumule au

niveau intracellulaire et s’échange avec le Ca2+ extracellulaire. Le Ca2+ accumulé au niveau intracellulaire favorise à son tour l’ouverture du PTPm et la transformation de la

xanthine déshydrogénase en xanthine oxydase. L’ischémie est par ailleurs responsable d’une accumulation de NADPH qui, sous l’effet de la NADPH oxydase, favorise la

production d’espèces oxygénées réactives. Ces dernières favorisent à leur tour l’ouverture du PTPm. ATP : adénosine triphosphate ; ADP : adénosine diphosphate ; NADPH :

nicotinamide adénine dinucléotide phosphate ; PTPm : pore de transition de perméabilité mitochondriale.

S Gennai, C Pison, R Briot

préservation [5]. Certains auteurs ont cependant montré que laproduction de NO pouvait augmenter en situation hypoxique vial’élévation de la concentration intra-cytoplasmique en calcium[5].

Conséquences de la reperfusionAugmentation du stress oxydatifL’hypoxanthine et la NADPH, accumulées en phase d’ischémiefroide et d’hypoxie, favorisent la production d’espècesoxygénées réactives au moment de la réoxygénation parreperfusion (figure 1). Ces dernières sont responsables à lafois de lésions cellulaires directes par dégradation ou destruc-tion des structures moléculaires rencontrées et de lésionscellulaires indirectes en favorisant l’ouverture du PTPm.

Mort cellulaire et pore de transition de perméabilitémitochondriale

Chez l’homme, dans les transplantations pulmonaires réus-sies (fonction pulmonaire conservée, devenir favorable despatients), environ 30 % des cellules pulmonaires entrent en

apoptose dans les deux heures qui suivent la reperfusion. Desfaits similaires ont été observés expérimentalement chez lerat, après 12 heures d’ischémie froide [3]. L’apoptose n’inter-vient alors pas au moment de l’ischémie (contrairement à lanécrose), mais à la reperfusion. L’induction de l’apoptose estrégulée par deux voies, intrinsèque et extrinsèque [3]. Lavoie intrinsèque met en jeu la mitochondrie et le PTPm ; elleest notamment activée par les espèces oxygénées réactiveset l’accumulation de calcium intracellulaire (figure 1). Lavoie extrinsèque met en jeu des récepteurs de mortcellulaire et leurs ligands (ex : TNF et son récepteur). L’acti-vation de la première voie est précoce lors de la reperfusion ;la seconde est tardive, son induction prenant parfois plusieursheures.Le PTPm est situé au niveau de la membrane mitochondrialeinterne. Sa structure moléculaire est toujours débattue. Dansdes conditions physiologiques normales, le PTPm est ferméet la membrane mitochondriale interne est imperméable à laplupart des ions et métabolites. Sous l’effet du stress oxy-datif, le PTPm s’ouvre et les forces osmotiques engendrées

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par les protéines de la matrice mitochondriale deviennentresponsables d’un gonflement de la matrice, pouvant conduireà la rupture de la membrane mitochondriale externe et à lalibération au sein du cytoplasme de facteurs pro-apoptotiques[6].

Libération de médiateurs pro-inflammatoires

L’I/R des organes solides tels que les reins, le foie, le coeur et lespoumons, est responsable de la libération précoce de cytokinespro-inflammatoires telles que les interleukines (IL)-1b et IL-6 oule tumor necrosis factor (TNF)-a [3]. Une grande partie de cescytokines est produite par les macrophages alvéolaires, enréponse au stress oxydatif. L’I/R s’accompagne égalementd’un remodelage membranaire avec production de lipidesbioactifs dont certains ont des fonctions de médiateursintra- ou extracellulaires. Elle est également responsable del’activation du système du complément et de la productiond’endothéline qui vont indirectement augmenter la perméa-bilité vasculaire et amplifier la réponse inflammatoire [3].Le receptor for advanced glycation end-products (RAGE) cons-titue par ailleurs un marqueur relativement spécifique de lalésion épithéliale pulmonaire. En situation de stress, le RAGE,produit principalement par les cellules alvéolaires de type I quirecouvrent 95 % de la surface pulmonaire, se retrouve auniveau alvéolaire et du perfusat. Les travaux de Briot et al.montrent que la concentration de RAGE dans le liquide alvéo-laire est corrélée aux capacités de réabsorption liquidienneépithéliale du poumon [7]. Le taux de RAGE est égalementcorrélé à la mortalité précoce post-transplantation.

Prévention des lésions d’ischémie-reperfusion pulmonairesLes principaux moyens préventifs des lésions d’I/R en trans-plantation pulmonaire, utilisés en pratique clinique courante,sont résumés dans le tableau III.

Tableau III

Principaux moyens préventifs des lésions d’ischémie-reperfusion en

Moyens préventifs utilisés au moment de l’ischémie

Prostaglandines injectables

Solutions de préservation extracellulaires avec apportde glucose et faible concentration en potassium

Administration de la solution de préservation par flush antérogradeprogressif, pneumoplégie rétrograde additionnelle ou flush rétrograde

Inflation pulmonaire avant réimplantation

FiO2 � 50 %

Hypothermie 4–8 -C

FiO2 : fraction inspirée en oxygène ; PEP : pression expiratoire positive.

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Moyens préventifs utilisés au moment de l’ischémieThérapies injectables ou en nébulisationUn certain nombre de thérapies ont été testées juste avantl’ischémie, dans l’espoir de réduire les lésions d’I/R. Ainsi,l’administration de calcium-bloqueurs avant le prélèvementpulmonaire, limiterait les lésions d’I/R [3]. Certains auteursont montré sur un modèle animal, que l’administration de N-acétyl cystéine par nébulisation avant ischémie (effet anti-oxydant par stimulation de la production de glutathion) limitele nombre de macrophages, lymphocytes et neutrophiles etréduit les taux d’IL-1b dans le lavage broncho-alvéolaire (LBA)après reperfusion [8]. Par ailleurs, plusieurs travaux ont mis enévidence l’effet protecteur des prostaglandines (PG) sur lasurvenue des lésions d’I/R. L’administration de PGE1 en intra-veineux (IV) avant ischémie, améliore la distribution du liquidede préservation et diminue l’oedème pulmonaire en réduisantle coefficient de filtration capillaro-alvéolaire [9]. L’administra-tion conjointe de PGE2 et de rolipram en nébulisation, possèdeégalement un effet protecteur sur la survenue des lésions d’I/R[10]. Cependant, aucune de ces études ne possède un niveaude preuve suffisant pour légitimer un consensus de prise encharge.

Surfactant

Le surfactant est principalement constitué de lipides. Il estproduit, stocké et sécrété par les cellules alvéolaires de typeII. Il existe un pool intracellulaire au sein des cellulesépithéliales alvéolaires de type II et un pool intra-alvéolaire.Le surfactant dysfonctionne au cours de l’I/R. L’administra-tion de surfactant exogène améliore la fonction pulmonaireaprès transplantation, notamment lorsqu’elle intervient chezle donneur avant prélèvement [11]. Mais les études à hautniveau de preuve manquent et l’utilisation de surfactantexogène n’est pas recommandée en pratique clinique cou-rante.

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transplantation pulmonaire utilisés en pratique clinique courante

Moyens préventifs utilisés au moment de la reperfusion

Circulation extracorporelle

Levée progressive du clamp artériel

Faibles volumes courants (5-7 mL/kg) et PEP = 5 cmH2O

FiO2 la plus basse possible

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S Gennai, C Pison, R Briot

Préconditionnement

En partant du postulat qu’un tissu exposé à un premier stresspeut développer une tolérance à un second stress, plusieurséquipes ont développé dans les années 1990 des méthodes depréconditionnement pulmonaires et cardiaques, qui visaient àréduire les lésions d’I/R. Ainsi, l’application de brèves périodesd’ischémie ou d’hyperthermie juste avant la période isché-mique permettait de réduire les lésions secondaires à lareperfusion [12]. Deux effets protecteurs sont actuellementdistingués dans la littérature : un effet précoce plus efficient etun effet tardif, survenant plus de 12 h après la phase depréconditionnement et persistant pendant 72 h. Les mécanis-mes physiopathologiques à l’origine de ces effets protecteursont été partiellement élucidés ces dernières années. Ils fontintervenir la production de protéine kinase C, à l’origine d’unecascade d’événements aboutissant à l’activation des protéineskinases activées par des agents mitogènes (mitogen-activated

protein kinases [MAPK]), qui inhibent l’ouverture du PTPm [12].

Solutions de préservation

La solution de préservation idéale doit avoir une pressiononcotique et une composition électrolytique proches du milieuextracellulaire, tout en garantissant un apport énergétiquesuffisant. Elles se partagent deux groupes : les intracellulairesd’une part avec Euro-CollinsW et University of WisconsinW, etles extracellulaires d’autre part avec CelsiorW, PerfadexW (lowpotassium dextran [LPD] – glucose) et WallworkW. Le Perfa-dexW, développé spécifiquement pour les poumons, est laseule solution qui contienne du dextran. Cela lui confère unplus grand pouvoir osmotique dont l’objectif est de réduirel’oedème cellulaire secondaire à l’accumulation cytoplasmiquede sodium, et un rôle anti-thrombotique par l’amélioration dela déformabilité des érythrocytes. La faible concentration enpotassium des solutions CelsiorW et PerfadexW permet de seprémunir de la vasoconstriction secondaire à la dépolarisationdes cellules musculaires lisses et, en conséquence, de laproduction d’espèces oxygénées réactives par les artèrespulmonaires. Le bénéfice des solutions extracellulaires entransplantation pulmonaire, bien qu’ayant fait l’objet decontroverses, a été démontré par un grand nombred’études : elles réduisent l’oedème pulmonaire post-trans-plantation et garantissent une meilleure fonction initialedes greffons dans des délais pouvant atteindre 24 heuresd’ischémie [13]. En revanche, la supériorité d’une solutionextracellulaire par rapport à l’autre n’est pas établie.

Techniques d’administration de la solution depréservation

La plupart des équipes qui pratiquent la transplantation pul-monaire utilisent la méthode du flush unique (flush antéro-grade via l’artère pulmonaire) en raison de sa simplicitétechnique. Toutefois, certaines équipes utilisent la techniquedu flush rétrograde additionnel : le flush antérograde via

l’artère pulmonaire est suivi d’un flush rétrograde via les veinespulmonaires. Cette technique permettrait d’obtenir un refroi-dissement plus rapide du greffon, associé à une moindreexpression de cytokines pro-inflammatoires telles que l’inter-féron (IFN)-g [14]. D’autres équipes ont évalué, chez l’animal, latechnique du flush rétrograde, associée ou non à un refroidis-sement in situ du greffon. Elle permettrait de « laver » lespoumons des médiateurs pro-inflammatoires accumulés enphase d’ischémie et d’évacuer de la circulation pulmonairedes petits caillots ou d’éventuelles autres embolies crééespendant le prélèvement, réduisant ainsi les résistances vascu-laires pulmonaires et améliorant l’oxygénation des greffonspost-transplantation. Par ailleurs, dans une étude expérimen-tale qui comparait le débit de perfusion d’une solution depréservation de 20 mL/kg en 6 minutes, à l’administrationdu même volume en fixant la pression d’administration auniveau de l’artère pulmonaire à 18–20 mmHg, le tempsd’administration de la solution de préservation était réduit,les capacités d’oxygénation améliorées, la présence d’eaupulmonaire réduite, et la survie post-opératoire des animauxplus élevée, dans le groupe à plus haut débit de perfusion [15].Les études à haut niveau de preuve manquant, il n’existe pas deconsensus relatif à la technique d’administration de la solutionde préservation. L’utilisation d’une solution hypothermiquereste néanmoins la règle.

Inflation, oxygénation et température de préservation

De nombreuses études montrent qu’on améliore la préserva-tion pulmonaire en pratiquant une inflation durant la périoded’ischémie froide. Cela permet de maintenir un certain niveaude métabolisme aérobie et donc une production énergétique.Le maintien de la pompe Na+/K+-ATPase évite ainsi, au niveauintracellulaire, une surcharge en sodium et la surcharge encalcium qui en résulterait (figure 1). En conséquence, la pro-duction de radicaux libres et le risque d’apoptose sont réduitsau moment de la reperfusion. L’inflation permet également depréserver, au moins partiellement, l’intégrité du surfactant etle transport épithélial alvéolaire. Sakuma et al. ont montréque l’inflation pulmonaire permettait de maintenir la clairanceliquidienne alvéolaire (versus déflation avec décroissance de laclairance), indépendamment de la présence d’oxygène [16].Certaines équipes réalisent une fibroscopie bronchique avant laphase d’ischémie. Elle optimiserait l’inflation pulmonaire enpermettant l’extraction d’éventuels bouchons muqueux et laréalisation de manoeuvres de recrutement alvéolaire sélectif. Iln’existe pas à ce jour d’étude avec un niveau preuve suffisant,qui justifierait son utilisation en pratique clinique courante.D’une façon générale, l’inflation pulmonaire vise à réduireles atélectasies, associées à des résistances vasculairespulmonaires élevées et à une moins bonne distribution de lasolution de préservation. Cependant, la détermination d’uneinflation « idéale » qui lèverait les atélectasies en évitant les

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barotraumatismes demeure empirique, la plupart des étudespubliées à ce sujet portant sur des modèles animaux.La présence d’oxygène est requise durant la période de préser-vation des poumons prélevés. Toutefois, une FiO2 > 50 %s’associerait à une peroxydation lipidique accrue et donc àplus grande production d’espèces oxygénées réactives aumoment de la reperfusion. L’utilisation d’une FiO2 de 50 %ou moins est recommandée en pratique clinique.La température de préservation des poumons a fait l’objet dedébats. Certaines équipes ont suggéré que les poumonsdevraient être préservés à 10 8C plutôt qu’à 4 ou 15 8C, maisd’autres auteurs n’ont pas corroboré cette thèse. Si à cela onajoute qu’à 10 8C les poumons ont davantage besoin de sub-strats métaboliques et qu’au-delà de 10 8C le risque de lésionpulmonaire augmente fortement, une température de préser-vation comprise entre 4 et 8 8C semble être la plus adaptée [3].De fait, il s’agit de la température de conservation habituelle-ment utilisée en pratique clinique courante.

Moyens préventifs utilisés au moment de lareperfusionThérapies injectablesDes thérapies impliquant des médiateurs de l’inflammation,utilisées au début de la reperfusion, permettraient de réduireles lésions d’I/R. Il s’agit, par exemple, de l’administration dePGE1 en phase précoce de reperfusion. Les mécanismes encause sont les propriétés vasodilatatrices de PGE1 et la modi-fication du profil des cytokines, avec décroissance des cytokinespro-inflammatoires TNF-a et IL-12, et production de la cytokineanti-inflammatoire IL-10 [17]. Les études à haut niveau depreuve faisant défaut, l’utilisation de PGE1 n’est pas recom-mandée en pratique clinique courante. L’inhibition du systèmedu complément semble aussi avoir un effet bénéfique sur leslésions d’I/R, la durée d’intubation et la durée moyenne deséjour en réanimation des patients transplantés [18]. Parailleurs, l’injection d’agents anti-apoptotiques de typeinsulin-like growth factor (IGF)-1 ou ZVAD-fmk (Z-Val-Ala-Asp(OMe)-CH2F) avant la reperfusion permettrait de réduireles lésions d’I/R sur des modèles murins [19].

Monoxyde d’azote

Le NO a des propriétés vasoactives et immunomodulatrices [3].Il catalyse la formation de 30-50-guanosine monophosphatecyclique (GMPc), principal événement qui entre en comptedans son mécanisme d’action. Le NO réduit le tonus vasculaireet la vasoconstriction hypoxique, limite l’adhésion plaquettaire,est impliqué dans la destruction d’organismes exogènes etlimite les lésions tissulaires. Il décroît au cours de l’I/R. L’aug-mentation du NO avant reperfusion, soit par un apport exogènesous forme d’inhalation, soit par stimulation de l’activité desNOS, permettrait de réduire les lésions d’I/R [3]. Cependant, leNO peut réagir avec l’anion superoxyde pour former l’acideperoxynitreux, oxydant très actif qui peut induire une libération

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d’endothéline et majorer les lésions alvéolaires. Le NO n’atoutefois pas démontré son intérêt dans la prévention dela défaillance primaire du greffon, la durée de séjour ou lamortalité à 30 jours des patients greffés [3].

Monoxyde de carbone

Le monoxyde carbone (CO) est issu de la voie de l’hèmeoxygénase. Il a, comme le NO, des propriétés vasoactivesvia la formation de GMPc. Il possède également une activitéanti-inflammatoire et anti-apoptotique, dépendante de la voiedes MAPK et distincte de la voie NO/GMPc [3]. Une surexpres-sion de l’hème oxygénase risque cependant d’entraîner uneaccumulation de fer libre à l’origine de la catalyse du radicalhydroxyle, augmentant ainsi le stress oxydatif.

Techniques de reperfusion

Deux techniques chirurgicales sont applicables aux premiersinstants de la reperfusion : la purge rétrograde et la purgeantérograde du lit vasculaire pulmonaire. La purge antérogradea l’inconvénient d’exposer le lit vasculaire d’aval à une reper-fusion à haute pression, à moins qu’une assistance circulatoirene soit utilisée. Dans les deux cas, il est recommandé de leverprogressivement le clamp artériel pulmonaire afin de limiter ledébit initial de reperfusion. Aucune technique n’a cependantdémontré sa supériorité par rapport à l’autre.La transplantation cardiopulmonaire, contrairement à la trans-plantation mono-pulmonaire, indique l’utilisation d’une circu-lation extracorporelle (CEC), appelée cardiopulmonary bypass

par les anglophones. Le choix d’une CEC dans la transplantationbi-pulmonaire séquentielle dépend de plusieurs facteurs. Lepoumon dont la fonction est la plus mauvaise est généralementremplacé en premier, afin d’éviter de recourir à la CEC. Celui-cipeut toutefois se révéler indispensable en cas d’oedème dereperfusion précoce du premier poumon transplanté, favorisépar l’afflux sanguin qui correspond alors à la totalité du débitcardiaque. Certaines équipes proposent une CEC de façonsystématique, juste après l’implantation du premier poumonet avant l’implantation du second. Cette technique permettraitune meilleure oxygénation des poumons dans les heures quisuivent la transplantation et réduirait l’occurrence de l’oedèmepulmonaire sévère dans le premier poumon transplanté, encontrôlant la vitesse de reperfusion. Aucun bénéfice significatifn’a cependant été démontré sur la prévalence de la DPG ou lasurvie des patients transplantés [20]. Il existerait même unemorbi-mortalité accrue chez les patients bénéficiant de cettetechnique.

Post-conditionnement

Le concept de post-conditionnement a été développé aprèscelui du préconditionnement par Zhao et al. : l’application debrèves périodes d’ischémie au moment d’une reperfusionsuivant une période d’ischémie prolongée, réduisait significa-tivement la taille de l’infarctus myocardique [21]. Cette étude a

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permis d’établir de façon formelle le concept de reperfusionlétale qui faisait débat jusqu’alors. Les phénomènes de nécroseet d’apoptose ont été décrits dans la reperfusion létale [3]. Parailleurs, la majorité des lésions tissulaires sont déclenchées pardes événements biologiques qui surviennent lors des premiè-res minutes de reperfusion. Le post-conditionnement réduit laproduction d’espèces oxygénées réactives et la concentrationen calcium intracellulaire [3]. Cette technique n’est pas utiliséeen pratique clinique courante.

Techniques de ventilation

La variation des pressions transpulmonaires influence l’envi-ronnement microvasculaire, ce qui explique l’importance duchoix de la stratégie de ventilation. Des pressions alvéolairesélevées peuvent conduire à des lésions capillaires et à uneaugmentation du coefficient de filtration alvéolo-capillaire.Inversement, des pressions alvéolaires basses favorisent laclairance liquidienne péri-alvéolaire, facilitant les mouvementsde liquides lymphatiques depuis les espaces péri-microvascu-laires vers les vaisseaux lymphatiques plus larges. De faiblesvolumes de ventilation (VT = 5–7 mL/kg) associés à une faiblepression expiratoire positive (PEP) (5 cmH2O) ont ainsi étésuggérés pour garantir la protection des poumons, de faiblesvolumes courants étant associés à de faibles pressions auniveau des voies aériennes. Par ailleurs, le phénomène d’I/Rest responsable de la coexistence de zones normalementventilées, de zones collabées recrutables et de zones oedéma-tiées non recrutables (le plus souvent situées au niveau de lazone 3 de west). L’augmentation des volumes courants ou despressions du respirateur risque de distendre de façon inappro-priée les zones normalement ventilées et d’y induire desbarotraumatismes. Des lésions de cisaillement de la barrièrealvéolo-capillaire à l’origine d’une fuite liquidienne du secteurvasculaire vers le secteur alvéolaire peuvent également sur-venir lors de cycles répétés d’ouverture et de fermeture desalvéoles : les ventilatory induced lung injury (VILI).D’autre part, il a été clairement démontré par une étudemulticentrique intéressant 1255 patients transplantés, que lechoix d’une FiO2 la plus basse possible au moment de lareperfusion réduit le risque de survenue de la DPG [22].Les recommandations en termes de ventilation du poumon réim-planté avant l’implantation du second respectent les mêmesprincipes : faibles volumes courants, PEP modérée et FiO2 basse.

Nouvelles perspectivesCette dernière décennie a connue l’avènement de progrèstechniques et de découvertes thérapeutiques dont le principalobjectif est la réduction des lésions d’I/R. Ces avancées vonttrès probablement prendre toute leur part dans l’avenir prochede la transplantation pulmonaire.Au premier rang de ces avancées, figure la technique deperfusion pulmonaire ex vivo (ex vivo lung perfusion [EVLP]),

inventée par le chirurgien thoracique suédois Stig Steen [23].Poussés par la pénurie de greffons pulmonaires, Stig Steen etson équipe de transplantation ont été amenés à reconsidérerles critères d’acceptabilité des greffons, estimés trop stricts.L’EVLP avait alors pour objectif de requalifier objectivementdes poumons marginaux, c’est-à-dire non acceptés a priori.Depuis 2001, cette technique de « reconditionnement » a étéutilisée avec succès par divers centres de transplantation àtravers le monde. Elle a permis des greffes de poumonsmarginaux « limites » avec des résultats comparables àceux de greffes classiques [24]. Des dispositifs semi-auto-matisés facilitant la procédure d’EVLP ont même étécommercialisés : le système O.C.S. TransmedicsW qui permetl’évaluation des poumons immédiatement après leur prélève-ment (sans période d’ischémie froide) et le système VivolineW

basé sur le principe de Steen (évaluation après ischémiefroide).L’EVLP a été également utilisée par certaines équipes pourévaluer des thérapeutiques médicamenteuses, issues de lathérapie génique ou cellulaire. Inci et al. ont montré sur unmodèle animal porcin d’EVLP, que l’adjonction de N-acétylcys-téine ou d’urokinase, améliorait la fonction pulmonaire et quela réalisation d’un lavage broncho-alvéolaire avec du surfac-tant, diminuait les lésions pulmonaires induites par de l’acidegastrique [25]. Frank et al. ont montré, sur un modèle humaind’EVLP, que la clairance liquidienne alvéolaire était amélioréepar l’instillation de terbutaline [26]. Cypel et al. ont par ailleursmis en évidence sur des poumons humains dont la productionde cytokine anti-inflammatoire IL-10 était stimulée par théra-pie génique, que les capacités d’échanges gazeux s’amélio-raient et les RVP diminuaient [27]. Dans un modèle similaire,Lee et al. ont rapporté que l’administration de cellules souchesmésenchymateuses (MSC) allogéniques, une heure après l’ins-tillation d’endotoxine d’Escherichia coli, diminuait la perméa-bilité alvéolo-capillaire et restaurait la clairance liquidiennealvéolaire. L’effet bénéfique était principalement associé à lasécrétion du facteur de croissance des kératinocytes [28]. Uneétude préliminaire publiée par la même équipe sous la formed’un résumé par l’American Thoracic Society, révèle que l’admi-nistration intraveineuse de MSC humaines sur des poumonsrécusés pour transplantation, dont la clairance liquidiennealvéolaire est < 10 % mais non nulle, augmente cette dernière.Plusieurs travaux sont actuellement menés par cette mêmeéquipe, pour investiguer les effets immunomodulateursmédiés par les MSC et les effets thérapeutiques potentielsde microvésicules issues de MSC, contenant des protéines etdu matériel génétique d’intérêt.Par ailleurs, certaines équipes proposent l’utilisation d’unoxygénateur membranaire extracorporel (extracorporealmembrane oxygenator [ECMO]) pour les patients qui auraientune défaillance respiratoire aiguë immédiatement aprèstransplantation [29]. Les publications démontrent la faisabilité

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de cette technique et l’absence de risque majeur lié à sa miseen oeuvre dans cette indication.Au sein de notre laboratoire, nous avons mis en pratique latechnique de l’EVLP, afin de tester pour la première fois sur unmodèle utilisant des poumons de grands mammifères, leseffets de la cyclosporine A (CsA) dans la prévention des lésionsd’I/R pulmonaires [30]. La CsA avait déjà montré des propriétésanti-apoptotiques par inhibition du PTPm, dans différents orga-nes d’espèces animales variées. Nous avons montré que la CsAdonnée au moment de l’ischémie et au début de la reperfusion,après une période de deux heures d’ischémie froide, augmentele rapport PaO2/FiO2 comparée aux poumons non traités, defaçon dose-dépendante.

ConclusionL’I/R en transplantation pulmonaire est la première respon-sable de la dysfonction primaire du greffon. Elle est grevée

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Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflitsd’intérêts en relation avec cet article.

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