9
Lettre N o 9 Odéon-Théâtre de l’Europe mars 2014 OD ON UNE ANNéE SANS éTé CATHERINE ANNE JOëL POMMERAT Une pièce de jeunesse(s) LES BIBLIOTHèQUES DE L'ODéON SHAKESPEARE A 450 ANS Colloque international / rencontres TARTUFFE TARTUFFE MOLIèRE LUC BONDY En attendant Tartuffe

Lettre de l'Odéon #9

  • Upload
    caron

  • View
    220

  • Download
    1

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Programmation printanière de l'Odéon-Théâtre de l'Europe

Citation preview

Page 1: Lettre de l'Odéon #9

Lettre No 9 Odéon-Théâtre de l’Europe mars 2014

OD

ON

uNE aNNéE saNs éTé

caThEriNE aNNEjOëL pOmmEraTune pièce de jeunesse(s)

LEs bibLiOThèquEs dE L'OdéON

shakEspEarE a 450 aNs

colloque international / rencontres

T AR

TU

F F E

TarTuffE

mOLièrELuc bONdyEn attendant Tartuffe

Page 2: Lettre de l'Odéon #9

2 3

sommairep. 2 à 5 EN aTTENdaNT TarTuffETarTuffEmolièreLuc bondy

p. 6 fLEury EN scèNELE VEsTiairE

p. 7 à 10 LEs bibLiOThèquEs dE L'OdéONshakEspEarE a 450 aNs

p. 11 à 12 uNE piècE dE jEuNEssE(s)uNE aNNéE saNs éTécatherine annejoël pommerat

p. 13 LE TEmps dE La créaTiON LEs jOurNéEs EurOpéENNEs dEs méTiErs d'arT

LE cErcLE dE L'OdéON

p. 14 aVaNTagEs abONNés invitations et tarifs préférentiels

p. 15 achETEr ET résErVEr sEs pLacEs

qui est-il, ce monsieur Tartuffe ? que veut-il, que vaut-il ? depuis qu'Orgon l'a rencontré, sa piété tranquille est devenue fanatisme, et son amitié pour Tartuffe a tout d'une passion. comment donc un père de famille apparemment sans histoires, soudain aliéné et comme dévoré de l'intérieur par un effroyable parasite, a-t-il pu succomber à une telle emprise, jusqu'à faire don de tous ses biens et vouloir livrer sa propre fille à un inconnu rencontré par hasard quelques semaines plus tôt ? Et jusqu'où devra aller Elmire, son épouse, pour lui ouvrir les yeux ? il y a peu, Luc bondy a signé l'adaptation d'un Tartuffe en version allemande dont l'épaisseur balzacienne et la vivacité digne de Lubitsch ont fait l'un des grands succès du printemps 2013 à Vienne. il revient aujourd'hui à l'original pour explorer les mécanismes intimes, familiaux et sociaux qui rendent possible le succès de l'imposture, tout en nous mettant sous les yeux, entre farce et terreur, le portrait génial d'un incroyable aveuglement.

En mai 2013, Luc bondy a présenté à l'Akademietheater, qui est la deuxième salle du burgtheater de Vienne, un Tartuffe dont il cosignait la version allemande avec peter stephan jungk. bondy choisit de saisir dans cette nécessité de traduire l'occasion d'une libération. La réussite du spectacle a tenu pour une bonne part à ce refus initial de se laisser dicter d'avance les moindres détails de la mise en scène au nom d'une fidélité trop littérale à l'original. Tant dans le fond que dans la forme, la traduction, d'une grande cohérence, jouait franchement la carte de la transposition. bondy et son colla-borateur ont renoncé d'emblée à resti-tuer le vers moliéresque pour s'en tenir à une prose contemporaine, confir-mant l'ancrage de l'action dans une époque qui pourrait être la nôtre. chez molière, madame pernelle reproche à sa bru d'aller «vêtue ainsi qu'une prin-cesse» ; à Vienne, au XXie siècle, Elmire s'est retrouvée «attifée comme une diva» (aufgedonnert wie eine Diva).

cette décision de privilégier la vivacité moderne de l'expression explique éga-lement que le rythme des échanges ait été généralement accéléré. Lorsque madame pernelle allonge un souf-flet à flipote pour la presser de sor-tir, il lui faut deux vers et demi (trente syllabes, donc) pour commenter son geste ; il ne lui en faut que neuf dans l'adaptation allemande. cependant, à quelques détails et coupes près, l'enchaînement des répliques ainsi que leur teneur étaient rigoureuse-ment respectés. L'actualisation et l'explicitation du sens, délivré de sa gangue historique, ne visaient qu'à rendre plus accessibles les enjeux de chaque scène, sans jamais affecter la logique du développement drama-tique. même sans connaître l'alle-mand, un bon connaisseur de l'original pouvait donc reconnaître sans mal la plupart des grands moments de la comédie et leurs mouvements carac-téristiques. Et apprécier l'humour qui sous-tendait certains écarts. chez

EN aTTENdaNTTarTuffE(VOyagE dE mONsiEur mOLièrE dE ViENNE à paris)

(suite p.4)

à Vienne au XXie siècle, Elmire est «attifée comme une diva»...

Le fait théâtral obéit à ses propres lois.

Le retour au français s'imposait. mais lequel ?

il se trouve toujours des artistes pour aimer prendre des risques.

ce Tartuffe sera empreint de romanesque.

26 mars – 1er juin / berthier 17 e

TarTuffEde molièremise en scèneLuc bondycréation

décorrichard peduzzicostumesEva desseckerlumièredominique bruguièremaquillages/coiffurescécile kretschmar

avec françoise briongilles cohen Victoire du boisjean-marie frin Laurent grévill clotilde hesme yannik Landrein micha Lescot yasmine Nadifi fred ulysse pierre yvon(distribution en cours)

productionOdéon-Théâtre de l'Europe

avec la participation du jeune théâtre national

rencontre avec l'équipe artistiquedimanche 18 mai à l'issue de la représentation

d e l’ O d é O n

molière, madame pernelle n'entre en scène et ne lance la pièce qu'avec la ferme intention d'en sortir au plus vite, à toutes jambes s'il le faut ; selon bondy, elle est clouée dans une chaise roulante, et le tempo qui en découle donne à toute l'exposition un relief assez inattendu... Le public viennois, lui, n'avait garde de comparer des textes. Emporté par le plaisir du jeu, il adhérait d'autant plus volontiers au contrat proposé qu'il n'est pas fami-lier autant que nous le sommes (ou que nous sommes censés l'être) d'un texte qui à nos yeux est un classique.

Lorsqu'il s'est demandé comment compenser la perte irréparable du Comme il vous plaira que devait monter patrice chéreau, Luc bondy a songé à son Tartuffe. il ne pouvait cependant pas être question de programmer huit ou dix semaines durant un spec-tacle en langue allemande, même au Théâtre de l'Europe. Le retour au fran-çais s'imposait – mais lequel ? La ten-tation était grande de réintroduire la liberté, la fraîcheur, la légèreté de ton de la version viennoise dans la recréa-tion parisienne. autrement dit, d'adap-ter à son tour l'adaptation de bondy et jungk.

Le geste pourrait surprendre, voire choquer certains spectateurs. il ne serait pourtant pas sans exemple, puisqu'il reviendrait en somme à trai-ter molière comme le sont souvent les grands maîtres du répertoire étranger. shakespeare, Tchekhov ou les tra-giques grecs ont fourni plus d'une fois un matériau théâtral que les

metteurs en scène ajustent à leur guise, en s'autorisant d'ailleurs des interventions autrement plus radi-cales que celles de bondy abordant molière. si personne n'y trouve à

redire, sans doute est-ce pour deux raisons. d'abord, parce que le public aujourd'hui a moins de réticence à admettre que le fait théâtral obéit à ses propres lois, et que s'il plie par-fois le texte à ses exigences, le livre, après tout, n'y perd rien  : l'autorité reste à l'auteur, la reconnaissance du rôle créateur du metteur en scène est à peu près acquise, et chacun reste maître chez soi tout en négociant au coup par coup ces imprévisibles trêves armées que sont les spectacles. Ensuite, parce que dans le cas du répertoire étranger, les licences que le théâtre s'accorde avec les mots qui l'animent (et qu'il anime) se trouvent être comme imposées d'entrée de jeu, pour un public français, par le fait brut de la traduction – condition préalable, inévitable, de toute entrée en rapport avec le texte quand on n'en parle pas soi-même la langue. Nous ne sommes pas dépositaires de la lettre de shakespeare  ; ce n'est pas

au français qu'en est confiée la garde. mais nous pouvons faire de nécessité vertu, et puisant dans cette non-res-ponsabilité (ou dans cette irrespon-sabilité, comme on voudra) une autre chance, nous pouvons tirer de la dis-tance même qui nous sépare des mots originaux l'espace d'une liberté, d'une aisance qu'on ne s'accorderait peut-être pas aussi facilement dans l'idiome du poète.

pourquoi dès lors ne pas envisager molière comme si les siècles avaient creusé de nous à lui une distance analogue, et l'approcher avec toute la latitude de jeu que l'on s'accorde avec shakespeare, Eschyle ou même Tchekhov ? ce serait tout à fait envi-sageable. certains puristes, nombreux peut-être, se récrieront au motif que l'œuvre originale de molière est inscrite dans notre langue : n'a-t-on pas tout à perdre à réécrire un tel chef-d'œuvre ? mais il ne s'agit pas de supplanter un original ; il n'est pas question de l'effa-cer sous un nouveau texte, mais d'en proposer un autre abord. une telle approche offre d'ailleurs aux clas-siques un bain de jouvence que bien des auteurs historiquement plus proches de nous pourraient leur envier (la mise en scène de certains grands dramaturges du XXe siècle, verrouillée dans des limites strictes par leurs ayant-droit, contribue-t-elle à préserver dans sa première jeu-nesse un «bon» sens primitif fixé une fois pour toutes, ou plutôt à en accélérer le vieillissement ?).

cette liberté, comme toujours, ne va pas sans risques. supposons pour-

tant qu'on veuille les prendre – et il se trouve des artistes pour aimer en prendre. alors il faudrait marquer net-

tement, ce serait bien le moins, qu'il ne s'agit plus d'une œuvre de molière, mais d'après molière. faute de quoi ce qui était une information exacte et de bonne foi sur une affiche autrichienne (molière a beau être traduit de façon très particulière, on peut admettre qu'il s'agit d'une version de son texte) deviendrait sur une affiche française une inexactitude, sinon une tromperie. En outre, quand bien même on produi-rait un tel spectacle – qui s'appelle-rait, par exemple, «Un Tartuffe, d'après molière» – il faudrait espérer que le public saisisse clairement les impli-cations d'un tel intitulé, accepte de se détacher des formules originales, renonce à des comparaisons inop-portunes pour mieux se concentrer sur la restitution vivante d'un drame sur le plateau, dans des formes et des rythmes contemporains, en des

termes qui ne fassent pas écran à une perception non savante du spectacle.

On comprend dans ces conditions pourquoi Luc bondy s'est finalement résolu à repartir, pour ce nouveau tra-vail, du texte de molière. combler le trou laissé dans notre saison par la dis-parition de patrice chéreau lui impo-sait de trouver une solution d'urgence, et cette même urgence lui interdisait non seulement de consacrer à l'écriture d'une adaptation moderne du Tartuffe tout le temps nécessaire, mais de s'en expliquer suffisamment à l'avance, de façon à éviter tout malentendu sur la nature du projet.

repartir de molière ne signifie pas pour autant que ce nouveau Tartuffe selon bondy manquera de fantai-sie ni de profondeur romanesque. Et pas davantage que le metteur en

scène s'interdira d'apporter au texte quelques aménagements, ici pour effacer un archaïsme, là pour inquié-ter le rythme de l'alexandrin. En atta-quant ce nouveau travail, bondy est fort de l'expérience du spectacle vien-nois. il en reprend le décor, conçu

Décor du Tartuffe, mis en scène par Luc Bondy à l'Akademietheater de Vienne – mai 2013 –,réalisé par Richard Peduzzi © Ruth Walz

Page 3: Lettre de l'Odéon #9

4 5Tartuffe

© Ruth Walz

une première version de Tartuffe (qui selon certaines sources s'intitulait L'Hypocrite) a été créé à Versailles le soir du 12 mai 1664 dans le cadre des trois journées de fête qui composaient Les Plaisirs de l'île enchantée. Louis XiV semble avoir apprécié la comédie, qui compte alors trois actes. moins de qua-rante-huit heures plus tard, il fait cepen-dant savoir à molière qu'il n'en autorise pas la représentation publique. il ne s'oppose pas pour autant à des lectures privées, auxquelles il lui arrive même d'assister (par exemple chez monsieur, frère unique du roi et protecteur officiel de la troupe de molière, qui la fait jouer à Villers-cotterêts fin septembre 1664). ce premier Tartuffe est représenté une dernière fois au château de raincy le 29 novembre, en présence du prince de condé. molière a-t-il déjà entrepris de retravailler sa pièce ? un an plus tard, toujours à raincy, il semble bien que le grand condé ait assisté à une version en quatre actes. mais il faut attendre le 5 août 1667 pour que soit créée au palais-royal, sous le titre de L'Imposteur, une comédie en cinq actes dont le héros, rebaptisé panulphe, n'est plus un dévot mais un «homme du monde» se faisant hypocri-tement passer pour tel. il est impensable que ce Tartuffe remanié ait été donné au public sans l'aval de Louis XiV (qui peut en avoir découvert les «adoucisse-ments» – le terme est de molière – vers la mi-juillet, au cours d'une représen-tation privée). mais au lendemain de la première, coup de théâtre : alors que le roi est retenu loin de paris par le siège de Lille, le premier président du parle-ment de paris fait interdire L'Imposteur. Et moins d'une semaine plus tard, avant que le souverain ait pu répondre favo-rablement au placet que le dramaturge lui a aussitôt adressé, l'archevêque de paris en prohibe à son tour toute repré-sentation ou lecture, privée ou publique, sous peine d'excommunication. Le Tartuffe définitif, le seul dont nous possédions le texte, est finalement créé le 5 février 1669. Le prototype de 1664 a disparu. malgré l'absence de docu-ments, les érudits se sont employés à reconstituer son aspect à par-tir des polémiques qu'il a suscitées, de quelques allusions de molière lui-même dans ses placets, et d'indices dramaturgiques. quelques années après la mort de molière, ses proches tentèrent d'ac-créditer une pieuse légende  : le pre-mier Tartuffe aurait été une œuvre encore inachevée dont seuls les trois premiers actes furent présentés au roi. Les représentations publiques de la pièce n'auraient donc pas été interdites mais simplement ajournées sur ordre de Louis XiV, «jusqu'à ce qu'elle fût entière-ment achevée et examinée par des gens capables d'en juger». michelet fut le pre-mier à mettre en doute cette version des faits quelque peu invraisemblable et à supposer que seule une comédie

Orgon aux aguets erre comme un spectre dans sa propre maison...

LE scaNdaLE du mONdE EsT

cE qui faiT L'OffENsE,

ah ! si d'uN TEL rEfus VOus êTEs EN cOurrOuX, quE LE cœur d'uNE fEmmE EsT maL cONNu dE VOus !

L'hOmmE EsT, jE VOus L'aVOuE, uN méchaNT aNimaL !

par richard peduzzi, et dominique bruguière est à nouveau chargée de l'éclairer. ces deux collaborateurs devaient travailler avec chéreau sur Comme il vous plaira, ce qui n'a certai-nement pas été étranger à la décision de bondy de revenir à son Tartuffe, où il a aussi tenu à confier des rôles à clotilde hesme, gilles cohen et Laurent grévill. Le cadre général, les intentions de cette recréation pari-sienne seront donc les mêmes qu'à Vienne. recréation et non pas simple reprise en langue française, car bondy l'a déjà annoncé à ses nouveaux inter-prètes  : il s'agira bien pour eux de réinventer en sa compagnie les per-sonnages qu'ils incarneront.

avec ce Tartuffe, bondy présente le troisième volet d'une sorte de trip-tyque secret, après Le Retour et Les Fausses Confidences. a-t-on remar-qué, à cet égard, que micha Lescot et Louis garrel se sont comme partagé le travail ? dans la première pièce, ils jouaient deux frères, l'un beau parleur et l'autre tout en muscles ; dans la deux- ième, c'est Louis garrel qui tient le rôle de l'intrus brûlant de désir ; c'est micha Lescot qui s'en charge dans la troi-sième, dont il interprète le rôle-titre. La pièce de molière, comme celles de marivaux et de pinter, est en effet une

histoire de corps étranger introduit dans un intérieur et une étude des pertur-bations qui s'ensuivent au sein d'une famille dysfonctionnelle... Tartuffe, plus encore que dorante, est un homme qui part de loin et cherche à grimper à l'échelle sociale. dans sa situation, les scrupules moraux seraient un luxe : comme le monde auquel il s'attaque ne lui fera jamais la moindre place, il n'a d'autre ressource que de la conqué-rir à tout prix (pour bondy, Tartuffe est ce qu'on appelle aujourd'hui un winner). Et pour conquérir cette place, il lui faut d'abord l'inventer. selon les évangiles, «la vérité vous rendra libre», mais il n'est pas écrit, et pour cause, qu'elle vous rendra riche ou puissant... Tartuffe se met donc à une place où il n'est pas, mais qui est la seule à lui donner accès auprès d'Orgon. il ne peut pas ne pas être hypocrite, car l'hypocrisie est son «moyen de parve-

nir». il lui faut assumer un rôle (et s'il était sincèrement dévot, ne serait-ce pas encore pire ?). stendhal s'en sou-viendra quand il composera Le Rouge et le Noir. mais là où dorante et julien sorel ont aussi la ressource de jouer du meilleur costume  : leur propre corps, d'une beauté telle qu'elle équi-vaut à une richesse, Tartuffe est obligé de nier le sien – ce pauvre corps dési-rant, maladroit, envahissant, qui l'em-barrasse tellement dans le rôle qu'il a à jouer, est comme un acte manqué à lui tout seul ! mais tel est le prix que doit payer Tartuffe s'il veut espérer trouver enfin une place. Voire occuper toute la place. héritier à la place de son fils et époux de sa fille, il serait le succes-seur absolu d'Orgon – et sur un versant plus intime, plus dangereux, il le sup-planterait tout bonnement en devenant l'amant de sa femme et le propriétaire de sa maison.

à Vienne, le corps de Tartuffe sem-blait déborder sans cesse du cadre que son maître (?) tentait de lui assi-gner : le front luisant, les mains moites, joachim meyerhoff semblait toujours se surveiller, obsédé par le contrôle le plus rigoureux, vérifiant à tout ins-tant la correction de sa coiffure, scru-tant le prochain signe de désir qui finirait fatalement par échapper à son organisme animé d'une intenable ambition... sa façon de manger sans manger, de grignoter des grissini du bout des dents, comme s'il ne pouvait se permettre une jouissance qu'à la condition que la matière en soit maigre et sèche, répondait au regard de bête traquée, angoissée du grand gerd Voss dans le rôle d'Orgon, lui aussi aux aguets, errant comme un spectre dans sa propre maison dont il explo-rait les recoins à la fois pour y retrou-ver son cher Tartuffe et y débusquer on ne sait quels espions fantoma-tiques, prêts à bondir sur lui dès qu'il trahirait ses lourds secrets incons-cients... ces corps d'hommes, dans ce Tartuffe, semblaient vouloir se nier eux-mêmes tout en s'épaulant l'un l'autre dans leur épuisant vertige de négation, jusqu'à ce qu'Elmire y mette bon ordre en rendant un sexe à Tartuffe et des yeux à son mari pour lui faire enfin voir à quelle place Tartuffe aspire : à la sienne, tout simplement... comment gilles cohen entrera-t-il dans la peau d'Orgon et clotilde hesme dans celle d'Elmire  ? quel Tartuffe micha Lescot va-t-il inven-ter, quelles inflexions toute la troupe apportera-t-elle au roman viennois de bondy ? L'expérience est en cours. réponse dans quelques semaines aux ateliers berthier.

Daniel Loayza, 16 janvier 2014

ET cE N'EsT pas péchEr quE péchEr EN siLENcE.

complète en trois actes avait pu être représentée en 1664. L'examen de la structure du Tartuffe de 1669 confirme cette hypothèse. L'acte ii, qui forme un intermède quasiment indépendant du reste de l'action, s'or-ganise autour d'un type de scène dont molière était familier : le «dépit amou-reux». quant à l'acte V, il repose tout entier sur un ultime rebondissement qui ne fait que retarder la défaite définitive de l'imposteur démasqué. restent les actes i, ii et iV. à quelques détails près, il s'avère qu'ils constituent un tout cohé-

rent du point de vue dramaturgique, et qui ne manque pas d'antécédents roma-nesques ou théâtraux dans la litté-rature médiévale ou la commedia dell' arte  : «(i) un mari dévot accueille chez lui un homme qui semble l'incarnation de la plus parfaite dévotion ; (ii) celui-ci, tombé amoureux de la jeune épouse du dévot, tente de la séduire, mais elle le rebute tout en répugnant à le dénon-cer à son mari qui, informé par un témoin de la scène, refuse de le croire ; (iii) la confiance aveugle de son mari pour le saint homme oblige alors sa femme à

lui démontrer l'hypocrisie du dévot en le faisant assister caché à une seconde tentative de séduction, à la suite de quoi le coupable est chassé de la maison»*. On l'aura noté, mariane n'a pas de rôle à jouer dans une telle histoire. En donnant une sœur à damis et une fille à Orgon (lequel peut dès lors songer à lui faire épouser Tartuffe), molière ne s'est pas seulement ménagé un élément d'intrigue pour son acte ii : il a aussi transformé le caractère de son protagoniste. En 1664, Tartuffe devait être un dévot véritable, d'une stricte chasteté ; son hypocrisie

n'était pas un choix stratégique préa-lable mais un masque adopté à la suite de sa rencontre avec Elmire, une atti-tude que lui imposait son incapacité à résister aux tentations de la chair. En 1667, en revanche, panulphe devait déjà présenter l'aspect du Tartuffe que nous connaissons : loin d'être un croyant sin-cère que sa faiblesse contraint à jouer la comédie, il est désormais un aven-turier arriviste et tout à fait disposé à épouser la fille de son protecteur pour parvenir à ses fins. La modification du titre, de L'Hypocrite à L'Imposteur, sou-

ligne donc que la conception même du personnage a changé, ce que l'acte V achève de mettre en relief : Tartuffe n'est qu'un «fourbe renommé», un ambitieux sans scrupules pour qui la religion n'est qu'un déguisement – un impie d'autant plus dangereux pour les familles, pour l'état et pour l'église qu'il se couvre des apparences de la piété.

Daniel Loayza, 22 janvier 2014

* Alain Riffaud et Georges Forestier : «Le Tartuffe, ou l'Imposteur : notice», in Molière : œuvres complètes, Gallimard, coll. de la Pléiade, 2010, t. II, p. 1375. Nous empruntons toutes nos informations à ces auteurs.

acte iV, scène 5, vv. 1411-1412

«hors contexte, cette réplique me fait bondir !» c'est pourtant celle que clotilde hesme choisit de distinguer. car ce contexte, l'actrice le connaît bien : il s'agit du moment où le personnage qu'elle va incarner se fait à son tour comédienne pour prendre Tartuffe au piège et lui rendre la monnaie de sa pièce. à hypocrite, hypocrite et demie. En usant contre l'imposteur du vieux préjugé masculin selon lequel le «non» des femmes peut vouloir dire «oui», Elmire endort sa méfiance ; en l'amenant à se croire désiré d'elle, elle exacerbe son désir pour achever de l'aveugler – unique moyen pour elle d'ouvrir les yeux de son mari...

acte iV, scène 5, vv. 1505-1506

sans s'être concerté avec sa partenaire de jeu, c'est également à la scène 5 de l'acte iV que micha Lescot emprunte son distique préféré. il est sensible à la contradiction entre la solennité du ton (cette réplique, dit-il, est «formulée comme un prêche des plus profonds») et la totale «absence de morale et de culpabilité» dont elle témoigne : pas vu, pas pris ! Le grand style sert ici de parure à un cynisme glacial qui semble presque s'abolir à l'instant même où il se manifeste, racheté par la noblesse spécieuse de l'expression. un peu comme si la sentence de Tartuffe mimait la leçon qu'elle affirme : est-ce encore être une crapule que l'être aussi éloquemment ?

acte V, scène 6, v. 1847

gilles cohen, sans le savoir, a retenu l'un des vers favoris de Luc bondy. Orgon vient d'apprendre que Tartuffe, non content de le déloger de chez lui, l'a dénoncé aux autorités. On pourrait donc croire que «l'homme» en ques-tion est le traître qui veut le faire jeter en prison. La majuscule de l'édition de 1682 indique qu'il n'en est rien. comme toujours, Orgon cède à ses «emporte-ments» et généralise : devant l'ignomi-nie de Tartuffe, c'est bien l'humanité entière qu'il condamne. bondy a donc eu raison de lui faire dire à Vienne : Der Mensch [et non Der Mann], das muss ich sagen, ist wirklich ein gemeines Tier !

TarTuffE dE 3 à 5

Clotilde Hesme © Rudy Waks/modds

Gilles Cohen © DR

Micha Lescot © DR

Page 4: Lettre de l'Odéon #9

6 7

comment est né l'atelier de théâtre créa-tif que vous animez à fleury-mérogis ?

au début, c'était un atelier d'écriture créative. mais en prison, l'écrit n'est pas toujours maîtrisé et fait peur à beaucoup. je me suis vite aperçue que la pratique lit-téraire de la langue provoquait finalement plus de frustration que de plaisir, plus de rivalités que d’harmonie. avec l’équipe du service culturel, nous avons réfléchi au moyen de rendre cet atelier plus attractif. j’ai formalisé ce que je pratiquais déjà de temps en temps : écrire du théâtre à par-tir d’improvisations. peu importait si on savait écrire ou non, il fallait juste imagi-ner, construire aussi. j’aimais aussi l’idée d’une œuvre collective.

plus concrètement, comment procédez-vous ?

c’est un peu magique. il y a des jours avec et des jours sans. j’apporte des idées qui fonctionnent comme des déclencheurs et je les fais improviser là-dessus. je n’ai pas de magnéto, juste un cahier et un crayon, je dois écrire vite. On reprend le texte ensemble, il y a des participants plus créatifs que d’autres, nous rebondissons sur nos propositions, je lance des idées, des répliques mais ils sont capables de s’en emparer, les mettre à leur sauce. je travaille en amont et en aval. chez moi, je restitue ce qui s’est dit en éliminant les lourdeurs, je polis, je cisèle. mais quand je leur rapporte mes transcriptions, je leur dis toujours «Enlevez ces mots-là, c'est les miens, mettez les vôtres...» je ne connais pas leur argot, je ne pourrais pas l'inventer, il est plein de trouvailles. Leur langue à eux, c'est celle de la marge, un territoire que je ne connais pas et qu'ils habitent. ils règnent dessus, personne ne peut les en déloger. je les aide à donner des lettres de noblesse à cette langue-là rien qu'en la mettant par écrit. Ça ne leur déplaît pas de voir leurs paroles prendre de l'épaisseur sur le papier à mesure que le texte s'élabore. il y a une poésie dans le langage des prisonniers et de tous ceux qui veulent échapper aux règles, j’adore leur humour, leur distance. peut-être parce que la vie s'est moquée d'eux, ils se moquent de la vie et d'eux-mêmes. ils sont malheureux, à quoi bon en rajouter en parlant du malheur ? ils ne s'apitoient pas sur eux-mêmes. ils ont d'ailleurs l'humour assez vache, ils s'envoient de sacrées vannes.

quelle sera l'histoire en 2014 ?

cette année, le fil conducteur, c'est le foot. Le travail s'appelle Le Vestiaire. un espace très masculin, très fermé... et très émotionnel. d'abord, avant un match, entre une grosse équipe et des amateurs. On voit ensuite les entraîneurs qui coachent leur équipe. Et pour finir, le vestiaire après le match, côté amateurs : contre toute attente, ils ont gagné. c’est une histoire pleine d’espoir qui se produit parfois en vrai.

combien de participants ?

six par groupe. comme il était d'emblée prévu de sortir pour présenter le travail au Théâtre de l'Odéon, il a fallu limiter le nombre de participants.

Et comment se présente ce nouveau travail ?

On est reparti sur les mêmes bases que l'an dernier : découpage en dix scènes, écriture, relecture, gros travail à la table. mais je ne les fais plus bouger dans l'es-pace. ils aiment souvent le sport mais ont un problème avec cet aspect du tra-vail théâtral. Les assouplissements, les bras en l'air, ça les gêne un peu et ils n’en comprennent pas forcément l’intérêt, ça reste un peu «intello». Et puis, nous n’avons pas non plus beau-coup de temps. au total six mois pour créer cette pièce. il faut travailler vite. comment s'élabore l'intrigue ?

La difficulté, c'est la fin  : du moment que les amateurs reviennent victorieux, qu'est-ce qui reste à raconter, puisque tout est joué ? On travaille à remettre du conflit là-dedans. par exemple, les vainqueurs refont le match entre eux, et revoilà les problèmes  ! que ce soit en prison, dans un vestiaire de stade ou ailleurs, un groupe offre toujours un potentiel de conflit.

Et les personnages, comment se développent-ils ?

chacun tricote le sien, mais parfois je leur demande de lire le rôle des autres. Tout le monde dit une réplique, sans souci d'ordre ni de cohérence. c'est très important, d'abord parce qu'on ne sait pas qui sera finalement là le jour de la représentation, et puis parce que ça enri-chit. peu à peu, les personnages accu-mulent ainsi des strates différentes. L'an dernier, il y avait un chinois qui ne parlait pas un mot de français. je lui ai demandé

comment il s'appelait, il m'a répondu par un monosyllabe, et c'est devenu un per-sonnage. Lui n'est pas resté, mais son personnage, oui. On lui a fait parler une langue étrangère totalement imagi-naire et loufoque. je me suis dit : il ne faut pas que j'oublie ça, cette façon dont les personnages sont inspirés par les uns, travaillés par d'autres, passent de l’un à l'autre comme des témoins dans une course de relais. chacun laisse sa marque... mais cela dit, j'impose tou-jours des types. je tiens en particulier à ce qu'il y ait un intellectuel. L'année der-nière, ils ont écrit tout un dialogue entre un religieux et un scientifique. cette fois-ci, dans l'acte i, on a un syndicaliste qui veut faire grève avant le match. Et dans le dernier il y a «Einstein», un fort en maths.

personnellement, qu'est-ce que vous leur apportez ?

il me semble que je les aide à sortir, expri-mer ce qu’ils portent en eux, dont ils n’ont parfois même pas conscience. certains ont vraiment du talent et se révèlent dans ces séances. ils prennent confiance en eux. Et puis nous vivons des instants de grande complicité sans lequel il n’y aurait pas de création collective. Nous rions énormément ensemble !

Est-ce que vous sentez une évolution de leur regard au fil des semaines ?

ils analysent mieux. ils sont plus sen-sibles à la manière. ils voient l'envers, la construction de tous ces films qu’ils regardent à la télé. La façon dont l'au-teur travaille. Et ils saisissent mieux leurs propres idées. je leur fais beaucoup tra-vailler le «pitch» : réduire une situation à une phrase simple, sujet-verbe-com-

plément. Tant qu'on n'arrive pas à se la formuler comme ça, avec cette netteté, c'est qu'il y a quelque chose qui échappe. j'y reviens tout le temps : dites-moi, avec vos mots, comment la scène est arti-culée, d'où elle part, où elle arrive. Le plus simplement possible. c'est un tra-vail fructueux. Voilà pour le sens de la construction. Et du côté de l'imagina-tion, ça marche aussi. quand on écrit, on ne peut pas toujours attendre que les muses viennent nous visiter. On doit faire appel à des ruses, à des trucs. par exemple, prenez un groupe d'hommes où ça ne bouge plus beaucoup. il suffit de faire surgir une femme là-dedans et aussitôt ça réagit ! ils ont inventé une cer-taine Lili. Elle est devenue un fil rouge qui traverse toute la pièce...

pensez-vous que cet atelier est utile pour leur réinsertion ?

bien sûr. cet atelier leur permet de porter un projet de a à Z. il y a tellement d'ate-liers de théâtre où l'animateur, le profes-seur, arrive avec des scènes qu'ils n'ont pas choisies, les distribue dans des rôles en fonction de ses propres intérêts, et que ce soit un emploi ou un contre-emploi n'y change rien. On ne trouve d'ailleurs jamais «la» pièce qui corres-pondrait au groupe. Là, ils doivent se prendre en charge, s'ils veulent que leur rôle soit bien, à eux de se creuser la cer-velle... Et puis il y a le collectif. moi, je trouve que la réinsertion, c'est déjà leur apprendre ça, travailler avec les autres.

qu'est-ce qu'une présentation publique représente à leurs yeux ?

un bel enjeu. il y a un gars formidable qui n'arrête pas de dire que même s'il est

libéré, il sera là le 29. Les autres le char-rient, mais lui ne se laisse pas démon-ter. Et pourtant paris l'intimide. il nous a raconté – c'était très drôle – que tout ce qu'il connaissait de paris, il l'avait vu à travers le grillage du fourgon cellulaire, pendant les fêtes de fin d'année. c'est la seule image qu'il ait de la ville : les déco-rations, les guirlandes qui défilaient dans la petite fenêtre.

comment envisagez-vous les trois derniers mois de travail ? ils vont devoir vraiment prendre garde à ne pas se disperser, et moi avec eux... mais c'est toujours ainsi. il faut tenir des projets raisonnables. faire avec les contraintes. celles qui sont liées à la pri-son mais aussi au théâtre. ils s'en font une idée très classique, très «au théâtre ce soir» : pour eux, il faudrait les trois coups, le rideau, un décor, sans quoi ils ne reconnaissent pas «le» théâtre. dans nos séances, ils doivent aussi apprendre que c'est à eux de tout représenter, de tout faire passer sur une scène minus-cule. de faire tout avec rien. c'est en soi un défi qu'ils seront certainement fiers de relever devant un vrai public. Et cette fierté peut, je l'espère, leur donner un nouvel élan.

Propos recueillis par Daniel Loayza le 12 décembre 2013

* Enseignante et comédienne, Sylvie Nordheim anime depuis 2010 des ateliers d’écriture créative à la Maison d’arrêt de Fleury-Mérogis. En 2012, elle a ajouté une dimension théâtrale à cette activité afin de la rendre également accessible aux personnes détenues qui ne maîtrisent pas l’écrit, ni par-fois notre langue.

«fairE TOuT aVEc riEN»entretien avec sylvie Nordheim*, animatrice de l'atelier de théâtre de la maison d'arrêt de fleury-mérogis

LEs bibLiOThèquEs 29 mars – 7 mai 2014

OD ON

© Maison d'arrêt de Fleury-Mérogis

fLEury EN scèNEsamEdi 29 mars / 15h et 18hLe VesTIAIRe

au Théâtre de l'Odéon – salon roger blintarif unique 6€

01 44 85 40 40 – theatre-odeon.eu

en partenariat avec le spip de l’Essonne, la maison d’arrêt de fleury-mérogis, l’association Léo Lagrange île-de-france, la fondation la poste et la fondation sfr en collaboration avec Lilian Thuram et sa fondation éducation contre le racisme

William Shakespeare. Gravure publiée en frontispice du recueil d’œuvres édité à Londres en 1623 par Isaac Jaggard et Edward Blount.

Page 5: Lettre de l'Odéon #9

8 9

daniel Loayza – pourriez-vous nous dire deux mots de la société que vous présidez ?

dominique goy-blanquet – La société française shakespeare va fêter ses quarante ans l'an prochain, entre les deux grandes commémorations shakespeariennes. Elle a été fon-dée par un groupe d'universitaires, dont jean jacquot, l'auteur de shakespeare en France, qui a été un peu le pionnier, au cNrs, de ce qu'on appelle aujourd'hui les études théâ-trales. On a tendance à oublier qu'à l'époque où j'étais étudiante, on trai-tait encore les textes de théâtre comme des objets littéraires parmi d'autres, sans particularité notable. il y avait aussi richard marienstras, dont je viens d'éditer chez gallimard une importante œuvre posthume : shakespeare et le désordre du monde, marie-Thérèse jones-davis, robert Ellrodt, henri fluchère... L'idée était de créer un lieu de rencontre et de discussion qui prendrait en compte tous les aspects de la recherche et de la création autour de shakespeare. d'où l'idée d'organiser des congrès, et d'inviter non seulement des pro-fesseurs ou des critiques, français et étrangers, mais aussi des praticiens : scénographes, metteurs en scène, acteurs, dramaturges, ou d'autres personnalités, des psychanalystes, par exemple... au début, les relations n'étaient pas toujours simples... mais la sfs a toujours lutté contre une cer-taine tradition très française de cloi-sonnement, de division. En angleterre, les relations entre la scène et l'uni-versité sont depuis toujours beau-coup plus ouvertes et cordiales. il est vrai que là-bas, les grands acteurs et metteurs en scène shakespeariens, à commencer par peter brook, sont eux-mêmes très souvent issus de l'univer-sité. d'ailleurs, la pratique théâtrale y est tout naturellement implantée dans le cursus secondaire. sur ce terrain, les choses ont commencé à bouger en france, mais beaucoup reste à faire. La sfs y a contribué et entend bien continuer. Et si j'avais un souhait pour l'avenir, ce serait que notre société s'ouvre encore davantage. je pense en particulier aux enseignants du secondaire. de ce côté-là, on a lancé plusieurs initiatives, notamment avec l'appui de françoise gomez, une ins-pectrice très énergique et enthou-siaste toujours en première ligne dès qu'il s'agit de théâtre. j'invite donc tous ceux qui veulent en savoir plus à nous visiter sur notre site. Vous pour-rez y consulter les actes de nos précé-dents congrès. Tout le monde peut être membre de la sfs. Nous ne sommes pas une enclave d'universitaires, ni même d'anglicistes !

d. L. – Votre congrès 2014 doit d'ail-leurs s'ouvrir à l'Odéon-Théâtre de l'Europe...

d. g.-b. – ce sera une belle occasion de toucher un public plus large, lors d’une semaine qui célèbrera le 450e anniversaire de shakespeare, la date officielle de sa naissance étant le 23 avril, fête de saint georges, patron

shakEspEarE a 450 aNs21 aVriL cOLLOquE iNTErNaTiONaL29 - 30 aVriL / 6 - 7 mai shakEspEarE daNs L'aTELiEr rOmaNEsquE

shakEspEarE, raciNE du rOmaNTismEentretien avec dominique goy-blanquet*, présidente de la société française shakespeare

de l'angleterre. Notre journée inaugu-rale se tiendra au Théâtre de l'Odéon. beaucoup d'autres manifestations sont prévues, en sorbonne, au musée delacroix, au musée Victor hugo, à l'auditorium saint-germain, au cinéma le Louxor. Entre autres !

d. L. – quelles sortes de fils thématiques avez-vous déjà dégagés ?

d. g.-b. – avec florence Naugrette, qui est une spécialiste du théâtre roman-tique, nous avons de la matière pour un mois de lectures, et nous continuons à en trouver tous les jours. par exemple, il y a eu autour d'hamlet et d'Ophélie une production énorme de documents qui s'enchaînent au fil des années et des différentes mises en scène. On peut observer comment le personnage d'Ophélie évolue tout au long du XiXe siècle, de Théophile gautier à joris-karl huysmans. même chose pour ce qu'on peut appeler l'hamlétisme : très vite, le prince du danemark est assimilé à une figure du poète ou du penseur, dont on peut suivre les avatars jusqu'à mallarmé, Laforgue, claudel et au-delà. autre exemple, la création fin 1829 du More de

Venise, la version d'Othello qu'a donnée alfred de Vigny. Elle a donné lieu à une véritable bataille. Toute la jeune géné-ration romantique est impliquée. dès le lendemain de la première, Victor hugo rencontre sainte-beuve et revendique la victoire : grâce à eux, lui dit-il, tout s'est passé au mieux. quelque temps après, hugo écrit au même sainte-beuve pour lui faire part de ses griefs : tous comptes faits, Vigny n'est qu'un ingrat – alors que lui, hugo, l'avait soutenu de ses applau-dissements frénétiques, et qu'il avait laissé passer Le More avant Hernani, qui était prévu pour le précéder à l'af-fiche ! si je parle de bataille, c'est qu'il s'agit manifestement d'un épisode de la guerre que se mènent, dans ces années-là, depuis le Racine et shakespeare de stendhal, les défenseurs de la tradition française et les admirateurs du dra-maturge anglais. alexandre dumas en parle bel et bien comme d'un combat où la jeune troupe romantique compo-sée, dit-il, de «fils de généraux» brûlant d'en découdre pour une noble cause, aurait eu grand besoin d'un meneur d'hommes plus inspiré et engagé que Vigny, ce condottiere qui ne touchait

pas le sol... Le langage est extrême-ment militaire ! On est quasiment dans une répétition générale de ce qui sera la grande bataille du romantisme nais-sant, celle d'Hernani, quatre mois plus tard. On retrouve les mêmes querelles, y compris sur les questions de forme. On critique les choix de Vigny, qui a osé maintenir dans sa version des acces-soires aussi vulgaires et triviaux que le mouchoir de desdémone ou l'oreil-ler avec lequel Othello l'étouffe ! Les classiques réclament le respect du décorum, tandis que les romantiques revendiquent le mélange des genres qu'on leur reproche. cette discus-sion-là s'engage à l'orée du roman-tisme naissant et va déterminer toute la suite.

d. L. – Tout bascule en 1830, avec la révolution de juillet...

d. g.-b. – Oui. c'est un tournant majeur dans notre histoire politique et esthé-tique. Voilà aussi pourquoi nous tenions tant à organiser ces séances à l'Odéon, qui est en 1827 le lieu où commence véritablement la passion française pour shakespeare lors d’une représentation de Hamlet. dans ces années-là, l'influence du dramaturge a été séminale. On le retrouve un peu partout. je relisais tout récemment Mademoiselle de Maupin – non seule-ment Comme il vous plaira intervient au milieu du roman, mais c'est toute l'in-trigue qui tourne autour d'une jeune et belle héroïne déguisée en homme... ce qui se passe en amont, entre 1800 et 1825, est moins connu mais non moins intéressant. Nous avons prévu de par-ler des débuts de la vogue shakespea-rienne en france. Et de l'influence de certains passeurs. chateaubriand est le plus vénérable, mais on le sent encore réticent, imprégné de classi-cisme. comme charles Nodier, qui dans un premier temps se montre à la fois fasciné et réservé devant cer-tains aspects de l'œuvre. ce qui n'em-pêche pas celui qui fut le mentor du jeune hugo de poser très tôt, dès avant stendhal, les enjeux du conflit à venir.

d. L. – finalement, cet atelier s'avère être plus romantique que romanesque ?

d. g.-b. – je comprends que vous ayez l'impression que le roman-tisme domine : je vous ai cité dumas, hugo ou gautier. il y a aussi flaubert qui intervient dans la deuxième soi-rée, «du grotesque au sublime»... je ne vous ai pas tout raconté  ! saviez-vous que flaubert, au moment où il écrit Madame Bovary, est plongé dans la lecture de shakespeare ? cela revient constamment dans sa corres-pondance. son traitement de la mort d'Emma est manifestement influencé par sa façon d'appréhender le mélange shakespearien du grotesque et du pathétique. Et à propos d'empoison-nement, alexandre dumas fournit un autre bel exemple dans La Reine Margot – je pense à ce chapitre intitulé «la sueur de sang», où le roi charles iX à l'agonie impose sa volonté à sa mère, catherine de médicis... cette soirée-là commencera avec la préface de

Cromwell, elle-même très nourrie de Nodier et des travaux de guizot – hugo affiche une grande hostilité à son égard, mais en fait, il s'en est beau-coup servi et inspiré. On croisera aussi barbey d'aurevilly, Villiers de l'isle-adam – il y a dans ses Contes Cruels un texte merveilleux, «Le désir d'être un homme»... Les romanciers sont donc bien là. proust est du nombre, et gide, et yourcenar. Nous pensons terminer avec un très joli passage d'elle sur le rêve. cela dit, l'influence de shakespeare décroît très sensiblement au XXe siècle. après 1945, shakespeare semble inté-resser surtout les universitaires et les gens de théâtre. On trouve beaucoup moins de traces de lui chez les plasti-ciens, les compositeurs, les danseurs, alors que jusqu'au début du XXe, les

Vie et opinions de Tristram shandy, gentilhomme est un roman de Laurence sterne, publié en neuf volumes, les deux premiers à york (angleterre) en 1759, les sept autres dans les dix années suivantes. il parut en france pour la première fois en 1776. ce roman, relativement peu connu en france, est pourtant considéré comme l'un des plus importants de la littérature occidentale.

claro*, quand avez-vous lu ce livre pour la première fois ? racontez-nous les circonstances de cette lecture.

L'adolescence est ce moment où les livres s'invitent dans votre vie en cou-rants d'air. portés par des rumeurs, annoncés comme le messie ou l'anté-christ, ils tournent souvent autour de vous sans oser se poser sur votre table de chevet. On les essaie parfois comme des vêtements empruntés à un ami, pour parader plus que pour se vêtir. Tristram shandy a longtemps fait par-tie pour moi de ces livres qu'on ne lit pas en entier mais dont on n'hésite pas à vanter l'excellence, la folie bref de ces livres que l'adolescent se sent en droit de célébrer sans pourtant avoir eu la patience de s'y laisser engloutir. j'ai donc dû le lire en contrebandier, ou plutôt en taupe, y creusant des tun-nels au détriment de certaines galeries, sans cesse aspiré par cette fameuse page noire qui vaut pour le jeune lec-teur comme le monolithe de kubrick pour l'apprenti cinéphile. Tant il est vrai, aussi, que Vie et opinions de Tristram shandy se feuillette, afin d'en goûter, du bout de l'œil, les multiples variations typographiques, les insolites composi-tions, la pléthore de tirets finissant par se convulsionner à la fin du livre Vi en lignes sismiquement facétieuses. Les grands livres sont souvent de «grands ivres» : ils titubent dans notre expé-rience de lecteur avant de nous dévoiler leur complexe et grisante géographie.

Nous reproduisons ici, avec l'aimable auto risation de Flammarion, un extrait de l'in-terview qui figure dans l'édition de la GF, mise à jour en 2014. © Flammarion

� e ANNIVERSAIREDE SHAKESPEAREDU AU AVRIL À PARISshakespeareanniversary.org/shake450

gOûTEr, du bOuT dE L'œiL, LEs muLTipLEs VariaTiONs TypOgra-phiquEs

mardi 8 avril / 18hpourquoi aimez-vous ?Tristram shandy de Laurence sterneen présence de clarorencontre animée par daniel Loayza

lundi 7 avril / 20hExils, conversation avec paula jacquesLawrence durrell / mathias énardtextes lus par Olivier cruveiller en partenariat avec france inter

Lawrence Durrell par Daniel Berland, libraire il existe des romans si extraordinaires que leur découverte embellira et mar-quera à tout jamais l’âme et la vie de leurs futurs lecteurs. L’œuvre maî-tresse de Lawrence durrell, Le Quatuor d’Alexandrie, est l’un d’eux. Enraciné dans l’histoire, Le Quatuor d’Alexandrie est une quête de l’art en même temps qu’une quête amoureuse. Les chas-sés-croisés sentimentaux sur fond de préoccupations sociales et géopoli-tiques dans l’alexandrie de l’entre-deux-guerres forment la colonne vertébrale

de cette œuvre polyphonique de plus d’un millier de pages. darley, person-nage principal du Quatuor, semble voué à osciller en permanence entre le désir et le rejet, le bien et le mal, la constance et le caprice. cette valse des sentiments se déploie sur le grandiose théâtre, en scène et en coulisses, de la magique alexandrie, «comme dans un grand congrès d’anguilles enchevê-trées dans la matière visqueuse d’un complot.» Lentement, au terme d’une sorte d’initiation truffée de rebondis-sements, darley apprendra l’amour et accédera à sa maturité d’homme et d’ar-tiste. Et puisqu’il est des œuvres qu’un simple résumé déflore et appauvrit, je m’arrête ici et exhorte chacun des lec-teurs de cet article à se (re)plonger dans cette époustouflante merveille de la lit-térature mondiale.

écrit dans les années 1930 et interdit par son auteur à toute publication de son vivant, Petite musique pour amoureux retrace la vie d’un jeune garçon britan-nique, clifton Walsh, de son enfance en inde jusqu’à son retour dans une angleterre qui le mettra au pied du mur de ses contradictions et des déchire-ments auxquels le confronte sa double culture. ce roman d’apprentissage lar-gement autobiographique apparte-nait depuis longtemps au domaine de la légende. Les initiés s’arrachaient sous le manteau les très rares tapus-crits à prix d’or, la plupart des copies de l’ouvrage ayant été détruites dans

un incendie durant les bombardements de l’axe sur Londres. de la liberté des grands espaces de son himalaya natal jusqu’aux étroits corridors conven-tionnels d’une angleterre décadente et étriquée, l’auteur, plein d’une fraîche et franche naïveté, s’y raconte en toute inti-mité. un roman de jeunesse dans lequel on sent déjà poindre à chaque page le lumineux génie de l’auteur du Quatuor. La première édition française de ce texte mythique devrait constituer l’un des événements littéraires majeurs du printemps. Citrons acides a été inspiré à Lawrence durrell par son passage à chypre entre 1953 et 1956, alors que l’île est en pleine guerre de décolonisation contre l’Empire britannique. Très éloi-gné d’une démarche politique, durrell réserve toute la maîtrise de son art à la peinture de personnages plongés dans les tourmentes de l’histoire. «je voudrais que ce livre soit tenu pour un monument utile élevé à la paysannerie chypriote et aux paysages de l’île.» déclare l’auteur dans sa préface. Lawrence durrell est mort en france en 1990, il aurait fêté ses 100 ans en 2012. j’envie ceux qui ne l’ont encore jamais lu et sont sur le point de sauter le pas en s’absorbant dans les méandres inoubliables de son œuvre.

apprENdrE L'amOur

créateurs étaient encore imprégnés de son univers. Et le disaient. il y a de superbes exceptions, bien sûr : Valère Novarina, yves bonnefoy... à l'occa-sion du congrès «shakespeare 450», j'ai demandé à des écrivains qui avaient une relation manifeste à son œuvre d'écrire une lettre à shakespeare. Le livre va paraître en mars aux éditions Thierry marchaisse. peut-être en lirons-nous quelques extraits : le genre épistolaire se prête bien à la lecture ! Propos recueillis par Daniel Loayzale 13 janvier 2014

*christophe claro, plus connu sous le simple nom de claro, est écrivain, auteur entre autres de Livre XIX (Verticales), Plonger les mains dans l’acide (inculte), Madman Bovary, CosmoZ, Tous les diamants du ciel (actes sud), et traducteur (Thomas pynchon, salman rushdie, William T. Vollmann, hubert selby...). il a accepté de répondre au ques-tionnaire «pourquoi aimez-vous Tristram shandy ?» pour la gf.

Les bibliothèques de l'Odéon 9

Premières éditions françaises de Justine, Balthazar, Mountolive et Clea (Le Quatuor d'Alexandrie).Lawrence Durrell. éd. Buchet/Chastel, 1957-1960.

shakespeare 450 grande sallecoordonné par dominique goy-blanquet

colloque international lundi 21 avrilintroduction par Michel Bataillon11-12h conférence d'Yves Bonnefoy, «Pourquoi Shakespeare»12-13h conférence d'Andreas Höfele, «Elsinore, Berlin : Hamlet in the Twenties»15-16h entretien avec Luc Bondy conduit par Georges Banu16-17h débat avec David Bobée, Thomas Jolly, Vincent Macaigne, Gwenaël Morin, animé parLeila Adham et Jean-Michel Déprats17h30-19h master class dirigée par Philippe Calvario, Vincent Dissez et Émeric Marchand

> ENTréE LibrE sur résErVaTiON 01 44 85 40 40 / ThEaTrE-OdEON.Eu

shakespeare dans l’atelier romanesque salon roger blin avec dominique goy-blanquet, florence Naugrette, daniel LoayzaTextes lus par jacques bonnaffé

Le doute et les ombres mardi 29 avril / 18h comment les romantiques français découvrirent-ils shakespeare en france ? quelle stature philosophique donnèrent-ils à hamlet, incarnation du devoir de vengeance et de l’artiste rêveur, et à Ophélie, figure de la douce démence et de l’amour contra-rié ? à quelles parodies et critiques l’«hamlétisme» a-t-il donné lieu ? Textes de chateaubriand, hugo, Vigny, dumas, musset, sainte-beuve, flaubert, banville, baudelaire, Laforgue, mallarmé, claudel, gide…

du grotesque au sublime mercredi 30 avril / 18hLa réversibilité du grotesque et du sublime s’alimente de nombreux modèles shakes-peariens, dont richard iii, falstaff et caliban, incarnations de l’ivresse, de la déme-sure, du mensonge, de la difformité, de la bestialité, de la monstruosité physique ou morale, ou d’un mal qui n’inspire pas seulement l’horreur mais aussi le rire ou la pitié. Textes de chateaubriand, stendhal, hugo, gautier, dumas, flaubert, renan, barbey d’aurevilly, jarry, ionesco, Novarina.

passions funestes, crimes et vengeance mardi 6 mai / 18hLe couple macbeth, Othello, le roi Lear font partie des figures à la fois terrifiantes et pitoyables à l’origine de nombreux portraits et situations romanesques : du bon-heur dans le crime à l’autodestruction sacrificielle, en passant par la volonté de puissance, l’obsession de la culpabilité, la jalousie morbide, la soif de vengeance, la rupture des liens familiaux. Textes de dumas, hugo, Vigny, balzac, gautier, flaubert, barbey d’aurevilly, proust, claudel, Vercors, céline, ionesco.

masques et dédoublements mercredi 7 mai / 18hdécouverte tardivement en france, la comédie shakespearienne plaît par sa fantai-sie, son inventivité scénographique, sa capacité à exalter les pouvoirs du théâtre, ses potentialités romanesques, et la richesse de son questionnement existentiel sur la nature de l’homme, via la comédie des erreurs et le motif du travestissement. Textes de madame de staël, Nodier, stendhal, hugo, gautier, sand, rimbaud, copeau, artaud, beauvoir, aragon, yourcenar.

> Tarif 6€ 01 44 85 40 40 / ThEaTrE-OdEON.Eu

*Dominique Goy-Blanquet est également professeur émérite de littérature élisabé-thaine à l'Université de Picardie et membre du comité de rédaction de La Quinzaine Littéraire.

La revue Page des libraires s’associe à l’Odéon-Théâtre de l'Europe pour vous proposer le regard des libraires indépen-dants sur l’œuvre des auteurs program-més dans le cadre des Bibliothèques de l’Odéon.

La revue Page des libraires œuvre depuis 25 ans à diffuser au plus grand nombre l’avis des libraires indépendants sur l’ac-tualité littéraire. En lisant les titres avant parution et en sélectionnant les ouvrages qu’ils ont aimés, les 1200 libraires du réseau Page, acteurs clé de la chaîne du livre, témoignent de leur expertise et de leur plaisir à partager leurs lectures avec les lecteurs, tous les deux mois en librairie.

ci-contre : Pages tirées de la première édition de l'œuvre The Life and Opinions of Tristram Shandy, Gentleman (1759 à 1767) publiée à Londres par Ann Ward (volumes 1-2 en 1759), Dodsley (3-4 en 1761) et Becket and DeHondt (5-6 en 1762, 7-8 en 1765, 9 en 1767).

Page 6: Lettre de l'Odéon #9

10 1111

© Élisabeth Carecchio

uNE piècE dE jEuNEssE(s)NOTEs sur L'arT d'accOmpagNErentretien avec joël pommerat

daniel Loayza – pouvez-vous revenir sur le projet d'Une année sans été, et sur le mot, «accompagner», que vous employez pour le décrire ?

joël pommerat – depuis plusieurs années, je m'interrogeais sur la manière de m’investir dans un rôle d'«accompagnant» de jeunes artistes, comédiens de théâtre. On m'a pro-posé quelquefois d'intervenir dans des lieux institutionnels, dans des écoles de théâtre, mais ces propositions me gênaient, en particulier parce que j'avais l'impression que je ne pourrais rien approfondir. que dans ces lieux-là, malgré toute la bonne volonté de tout le monde, les interventions étaient ponctuelles et restaient donc un peu superficielles. alors j'ai eu l'idée et l'envie de créer quelque chose comme une structure, à l’intérieur de ma com-pagnie, éventuellement en partena-riat avec des théâtres. ce projet aurait mis l'accent sur l'autonomie, la mise en responsabilité des jeunes artistes. cela

n'a pas pu se faire. je n'ai pas monté ce projet personnel, et je ne suis pas non plus intervenu dans les écoles. aujourd'hui, ce projet de spectacle est un peu une façon de trouver un équi-libre entre ces deux renoncements. c'est nettement moins ambitieux que de créer ma propre structure. mais c'est aussi un peu plus qu'un simple passage dans une école. c'est la pos-sibilité d'approfondir avec un groupe d'acteurs sur une très longue durée et de les mettre dans une situation de res-ponsabilité artistique.

d. L. – c'est-à-dire ?

j. p. – c'est-à-dire que grâce à ce projet, ces jeunes gens se retrouvent confron-tés à des situations «pour de vrai», des situations artistiques réelles de mise en danger et de mise en responsabilité. de mise en demeure de prendre leurs responsabilités. Voilà ce que je pourrais dire de l'historique et du contexte de ce projet. Et de comment j'en suis arrivé là.

d. L. – avez-vous adopté un processus de travail particulier ?

j. p. – dans le contexte actuel de l'éco-nomie du théâtre, et dans le cadre de la compagnie, c'est un spectacle qui aurait pu être monté en quatre ou cinq semaines. il est assez court : à peine une heure et quart environ. Nous l'avons monté en quatorze semaines. c'est-à-dire que nous avons réellement pris notre temps.

d. L. – Et à part le temps de répétitions, y a-t-il d'autres différences ?

j. p. – ce que ce temps passé indique, c'est l'investissement de la compagnie, l'implication de tous ceux qu'on peut nommer aujourd'hui les piliers de la compagnie, qui étaient présents et qui se sont engagés d'une façon différente, à l'écoute, en dialogue, en conversation avec ces jeunes gens. je dois préciser que le projet était aussi ouvert à diffé-rents autres jeunes dans d'autres sec-teurs que le jeu. il y en avait à la mise en scène, au son, à la lumière et à la scéno-graphie, mais qui n'ont été présents que dans le temps des répétitions.

d. L. – pourquoi tenez-vous à ce mot : «accompagner» ?

j. p. – accompagner, pour moi, cela veut dire : mettre en situation et être présent pour pouvoir soutenir, dialoguer, donner des conseils, simplement réconforter, être là. accompagner, comme quand on part faire une marche en montagne. être à côté, simplement, comme si on disait : «je ne vais pas t'apprendre à marcher, ça tu sais le faire et si tu ne sais pas par-faitement comment on marche en mon-tagne tu vas le comprendre. je vais juste être à côté de toi. j'ai déjà fait ce che-min dix ou quinze fois. je ne suis pas non plus diplômé en marche. je vais être là pour toi.» Voilà tout. c'est comme cela que je comprends cette position. je n'ai pas la prétention de l'avoir inventée, c'est juste celle que j'ai voulu mettre en place, pour créer.

d. L. – ... En compagnie ?

j. p. – je n'avais jamais fait le lien entre les deux termes. Oui, ça me paraît très juste. Et si j'ai employé le mot «je», c'est parce que j'étais dans l'exemple et dans la pro-jection. mais la vérité, je le redis, c'est que c'est toute la compagnie qui s'est inves-tie – et je les remercie parce qu'au début c'était mon projet. je l'ai défendu et il a été non seulement accepté mais porté et accompagné par tous. Ça a été vrai-ment très beau. du dehors, ça ne se voit pas et ça n'a peut-être pas grande impor-tance, mais de l'intérieur, pour nous, ça a été quelque chose d'assez fort.

d. L. – c'est la première fois que vous tra-vaillez sur un autre texte que les vôtres ?

j. p. – c'est absolument vrai. mais je ne renonce pas pour autant à cette position que j'ai toujours défendue, qui est d'être avant tout un créateur de spectacles. si j'ai abordé autrement les choses pour ce projet, c'est pour une raison essen-tielle, qui est très simple à comprendre : en m'appuyant sur un texte déjà écrit, je me donnais de la disponibilité pour

accompagner ces jeunes gens. quand je suis engagé dans un processus d'écri-ture la pièce s'écrit pendant les répé-titions. cette façon de faire habituelle pour moi prend beaucoup d'énergie et de temps pendant la phase de créa-tion et donc de répétitions. Toute mon énergie et ma concentration sont enga-gées en vue de l’aboutissement d’un tout. Or je voulais être disponible, pour cet accompagnement dont j'ai parlé. On me dira que j'aurais pu monter une de mes pièces déjà existantes. j'au-rais pu, c'est vrai. mais je n'ai pas eu envie de «réchauffer» un de mes textes. alors, puisque je venais de décider de ne pas écrire et que de toute façon, j'allais me retrouver dans la position de simple metteur en scène, j'ai trouvé plu-tôt intéressant de le faire avec le texte de quelqu'un d'autre. un texte qui évidem-ment n'a pas été choisi au hasard, c'est l'autre point important.

d. L. – comment s'est opéré ce choix ?

j. p. – une première chose qu'il faut dire, c'est que je connais ce texte depuis très longtemps. Une année sans été est un texte qui est presque inscrit dans ma propre histoire d'auteur. quand j'ai commencé à écrire, la pièce était jouée ou venait d'être jouée au Théâtre de la bastille. sa création a eu beaucoup de retentissement à l'époque, un gros impact dans le milieu du théâtre, et j'en garde une trace. c'est une des premières fois que j'entendais dire que quelqu'un écrivait et mettait en scène son propre théâtre. Et il s'agissait en plus d'une équipe très jeune, ce qui m'a interpellé, comme on peut imaginer. j'avais 23 ans, à peu près l'âge de ces jeunes gens. je n'ai pas vu le spectacle, mais quand j’ai lu ce texte quelque temps plus tard, j’ai été très touché. Ensuite, il se trouve que certains jeunes gens de la distribution du spectacle actuel avaient pris l'initia-tive de monter cette pièce, il y a à peu près deux ans. finalement, ils ont aban-donné leur projet et moi, j'ai décidé de le poursuivre, de le prendre en charge et de le prendre en main artistiquement. donc, c'est un peu comme si on avait tous choisi ce texte. Ou que ce texte s'était choisi dans l’espace de notre ren-contre. plus j'y réfléchis, plus je me rends compte qu'il y a eu comme un ensemble de points qui créent tous ensemble une belle justesse. d'un côté ce projet tourné vers la question de l'accompagnement, et d'un autre côté cette pièce qui a pour thème la jeunesse, et qui a été écrite par une auteure ayant l'âge des comédiens et des personnages... c'est une pièce de jeunesse, une pièce de jeunes, pas une pièce «sur» la jeunesse. j'ai fait l'erreur, au début, de dire que c'était une pièce «sur» la jeunesse, mais je pense décidé-ment que ce n'est pas juste. c'est une pièce «de» jeunesse. c'est vraiment en ça qu'elle est instructive et touchante selon moi à propos de la jeunesse.

d. L. – par cette conjonction de plusieurs jeunesses : celle de l'auteur, des inter-prètes, des personnages ?

j. p. – Oui, et parce que ces jeunesses sont en miroir les unes des autres, et en miroir avec le projet d'accompa-gnement. au centre de cette pièce, il y a l’âge des débuts, l’âge de la vie qu’on

appelle jeunesse, mais aussi la question artistique, la question de la création artistique et de la vocation artistique. c'est une pièce d'une jeune auteure, catherine anne, mais qui est aussi ins-pirée de l'œuvre et de la vie de rilke, du jeune rilke, et également du rilke plus mûr des Lettres à un jeune poète. ce livre où il est question de la parole d'un artiste expérimenté s'adressant à un artiste en devenir. Tout cela s'est configuré d'une manière naturelle, j'insiste, on n'a pas monté tout un échafaudage intellec-tuel pour arriver à ça. Ça s'est fait par accident, par hasard et je vois cette ren-contre ou cette conjonction comme un signe de justesse de ce projet.

d. L. – à propos de miroir, n'y a-t-il pas aussi celui que vous tendait, pour la première fois, une écriture autre que la vôtre ? En vous mesurant à elle, avez-vous vu s'ouvrir une autre perspective sur votre propre travail de «créateur de spectacles» ?

j. p. – sur Une année sans été, c'est vrai que je me suis retrouvé avec une matière d'écriture qui m'était étrangère – mais comme, finalement, me devient étrangère ma propre matière d'écriture textuelle. ce qui fait qu'au fond je n'ai pas ressenti de si grand dépaysement. La seule chose que je peux dire, c'est : oui, je n'ai pas été de la même manière au cœur de ce projet, mais de même que je demande aux acteurs, quand ils travaillent ma parole, de s'approprier mes mots, d'en faire leur propriété, de même, moi, je me suis approprié les mots de catherine anne, et en fin de compte c'est exactement comme si je les avais écrits moi-même. de ce point de vue, je me suis retrouvé dans la même position que celle que je connaissais.

d. L. – Vous avez publié cet été dans Libération une page intitulée «mon texte mettait en scène un mort...», où vous par-lez de votre propre entrée en écriture. y a-t-il un rapport avec Une année sans été, qui raconte les efforts d'un poète de 19 ans pour trouver sa propre voix ?

j. p. – Oui. Et je ne m'en suis vraiment aperçu que cet automne pendant les répétitions de la pièce. En écrivant ce texte-là cet été je n'avais pas du tout fait le rapport. mais il y en a un, c’est vrai. dans l’atmosphère de cette pièce, dans les actions, les propos des personnages, je peux me retrouver, moi, individu, d'une façon assez anecdotique et assez intime aussi. c'est peut-être le spectacle que j’ai fait le plus rapproché d'une sorte de biographie personnelle. parce que j'ai vécu sans doute des situations assez en proximité avec celles évoquées dans le texte. c'est quand même bizarre : le seul texte de ma vie que j'ai monté sans l'avoir écrit est celui qui parlerait de façon anec-dotique le plus de moi.

d. L. – Et de votre recherche de l'écriture ?

Oui c’est ça. «d’où» on écrit, «comment» on écrit. anecdotique donc, mais assez essentiel bien sûr pour la personne concernée.

Propos recueillis par Daniel Loayza le 19 janvier 2014

prOchaiNEmENT

Lire le théâtreLa Tempête / shakespeare mardi 1er avril / 18h salon roger blin

avec yves bonnefoy / textes lus par martin juvanon du Vachatanimé par jean-yves Tadié

fantômes en littérature La Femme au collier de velours mercredi 2 avril / 18h salon roger blin

d'après alexandre dumas / lu par julie-marie parmentierprésenté par françois angelier

Exils Lawrence durrell / mathias énard lundi 7 avril / 20h grande salle

textes lus par Laurent cruveillerprésenté par paula jacques

pourquoi aimez-vous ?Tristram shandy mardi 8 avril / 18h salon roger blin

de Laurence sterne / en présence de claroanimé par daniel Loayza

pourchassez le naturel ! Pourquoi regarder les animaux vendredi 11 avril / 18h salon roger blin

de john berger / lu par jeanne balibarorchestré par Thibault de montalembert

La N

uit

de

Dia

ne (d

étai

l), J

an F

abre

, 20

06,

inst

alla

tion

© P

aris

, Mus

ée d

e la

Cha

sse

et d

e la

Nat

ure.

So

phi

e Ll

oyd

La chouette de minerve ne prend son vol qu'à la tombée de la nuit.

die Eule der minerva beginnt erst mit der einbrechenden dämmerung ihren flug.

georg Wilhelm friedrich hegelPrincipes de la philosophie du droit, 1821

1- seul ou en collaboration, combien de pièces shakespeare a-t-il écrites ?19 24 37

2- Et combien de sonnets ?62 154 332

3- quelle est sa pièce la plus longue (en nombre de mots) ?Cymbeline Richard III Hamlet

4- Et la plus courte ?Les Deux gentilshommes de VéroneLa Comédie des erreursLa Tempête

5- que font juliette et roméo quand ils se parlent pour la première fois ? ils échangent un baiser ils composent un sonnetLes deux

6- qui a dit : «chaque fois que je lis shakespeare, il me semble que je déchiquète la cervelle d'un jaguar» ?Lautréamont blaise cendrarscarmelo bene

7- avec quelle plante a-t-on empoisonné le roi du danemark ?armoise ciguë jusquiame

8- quelle éminente actrice anglaise a-t-elle interprété les rôles de juliette, Ophélie, Viola, imogène, béatrice, régane, Lady macbeth, cléopâtre et Volumnie ?Vanessa redgrave helen mirrenjudy dench

9- quel roi shakespearien parle-t-il fran-çais sur scène ?richard ii henry V henry Viii

10- combien de syllabes comprend le mot le plus long employé dans le corpus shakespearien ?11 13 16

11- dans quel coffret bassanio découvre-t-il le portrait de portia ? plomb argent or

12- qui a écrit des ouvertures pour La Tempête et Le Roi Lear ?Tchaïkovsky berliozmendelssohn

13- dans quelle pièce se trouve la didas-calie : «il sort, poursuivi par un ours» ?Coriolan Troïlus et CressidaLe Conte d'hiver

14- une autre didascalie précise que le héros entre, «mouillé». dans quelle pièce?La Comédie des erreursPériclès La Tempête

15- quel est le rôle masculin le plus long ?falstaff hamlet iago

16- Et le rôle féminin le plus long ?rosalinde cléopâtre juliette

17- quel personnage s'exclame «mon royaume pour un cheval !»bolingbroke percy richard

18- que signifie le mot «turtle» dans le titre du poème The Phoenix and the Turtle ?Tourterelle Tortil Tortue

19- L'aspic de cléopâtre est dissimulé dans un panier degrenades abricots figues

20- Entre les règnes de richard ii et de richard iii, combien de pièces shakespeare glisse-t-il ?2 3 6

21- combien d'enfants a eus Lady macbeth ?deux aucunOn en discute encore

cONNaissEZ-VOus shakEspEarE ?

1- 37 (sans compter Sir Thomas More et les pièces perdues) • 2- 154 (sans compter ceux qui figu-rent dans les pièces) • 3- Hamlet (Richard III et Cymbeline occupent les 2

e et 3

e rangs)

• 4- La Comédie des erreurs • 5- Les deux (mais leur dialogue forme un sonnet à leur insu !) • 6- Lautréamont • 7- Jusquiame • 8- Judy Dench • 9- Henry V • 10- 13 syllabes (et 27 lettres : «hono-rificabilitudinitatibus», Peines d'amour perdues, V, 1) • 11- Plomb • 12- Berlioz (Tchaïkovsky a écrit entre autres une ouverture pour Roméo et Juliette, et Mendelssohn pour Le Songe d'une nuit d'été) • 13- Le Conte d'hiver • 14- Périclès • 15- Hamlet (sauf si l'on additionne les rôles de Falstaff dans les trois pièces où il apparaît) • 16- Rosalinde (dans Comme il vous plaira) • 17- Richard (dans Richard III) • 18- Tourterelle • 19- Figues • 20- 6 (les deux Henry IV, Henry V, et les trois Henry VI) • 21- On en discute encore (cf. Macbeth, I, 7) !

répONsEs

Tarifsgrande salle

plein tarif 10€Tarif réduit 6€

salon roger blinTarif unique 6€

carTE Les BIBLIOTHÈQUes De L'ODÉON

carte 10 entrées 50€

01 44 85 40 40 theatre-odeon.eu

prOgrammE cOmpLETsur theatre-odeon.eu

suiVEZ NOus sur TWiTTEr@bibliodeon

cONcOurspour gagner des places

sur chacune des soirées «shakespeare dans l'atelier romanesque»,

envoyez votre réponse à l'adresse les.bibliothè[email protected]

quel rôle shakespearien a-t-il été interprété par isabelle huppert

à l'Odéon-Théâtre de l'Europe ?

quelle pièce inspirée de Titus Andronicus a-t-elle été créée par

Luc bondy aux ateliers berthier ?

Page 7: Lettre de l'Odéon #9

13

écrirEUne année sans été est mon premier texte édité, en 1987, il marque un pas-sage, me révèle comme une personne qui écrit. j’écris depuis longtemps. j’ai gardé des poèmes écrits lorsque j’avais dix-douze ans. depuis cet âge, j’écris. écrire, pour crier sans faire trembler les murs. ma mère avait toujours peur que nous dérangions les voisins. dès que les cris ou les rires éclataient, ma mère disait : «moins fort, il y a des gens qui dorment !». à toute heure du jour, il y avait «des gens qui dorment». ce qui n’est pas faux… alors écrire ! pour ne pas déranger le sommeil des voisins. Ensuite, adolescente, je me suis frot-tée au théâtre, un lieu pour dire tout haut. L’écriture des autres a été vibra-tion, plaisir, violence en moi. j’ai aimé jouer et j’ai fait mon apprentissage de comédienne sans que jamais l’écri-ture ne me lâche. L’écriture des autres m’a ouvert des mondes. puis soudain, au début de l’âge adulte, rainer maria rilke. Les Lettres à un jeune poète. révélation. sentiment d’intime proxi-mité. plongée dans l’œuvre du poète, ses nouvelles de jeunesse, sa corres-pondance, Les Cahiers de Malte Laurids Brigge. j’ai été emportée, joie et dou-leur mêlées. j’ai reconnu mes désirs et mes terreurs : aimer, être aimée, créer, accepter l’enfance inachevée tapie au fond de soi… Lire rilke à ce moment de ma vie m’a ouvert un chemin pour me balbutier écrivain. à l’époque, je ne me disais pas encore écrivaine, je n’avais pas conscience que la tension entre ma nécessité et mes empêche-ments avaient en partie à voir avec ma féminité. je n’avais pas encore rencon-tré des écritures qui me bouleversent encore aujourd’hui : Nathalie sarraute, Virginia Woolf, marguerite duras, clarice Lispector. cela me frappe, en relisant Une année sans été, de consta-ter que la figure de l’écrivain est gérard, tandis que le personnage d’anna dit qu’elle peut vivre sans écrire. pour moi, nourrie comme tous les lycéens (de mon époque ?) de littérature mascu-line, il était plus «naturel» de faire por-ter la figure de l’écrivain par un jeune homme !

VOyagErdans cette première pièce, il est beau-coup question de voyages, de départs, d’un pays à l’autre ou depuis la pro-vince vers paris. ces déplacements participent du développement des personnages et permettent les ren-contres, les absences, les retrou-vailles – nourritures de l’amour. pour moi, encore aujourd’hui, chaque départ provoque une souffrance et un sentiment d’abandon en même temps qu’une joie et une libération. réussir à s’arracher ! Ne pas être prisonnière ! Le voyage implique l’idée de retour, le départ celle d’un changement radical. Les deux me semblent nécessaires, bénéfiques, un certain nombre de fois dans une existence humaine. En quit-tant – voyage ou départ – le lieu des habitudes, on éprouve que l’on est tou-jours vivant !

jEuNEssEécrivant Une année sans été, je ne vou-lais rien raconter sur la jeunesse, j’ai juste écrit une œuvre mettant en fic-tion et en friction cinq personnages ayant environ vingt ans… j’avais à peu près l’âge des personnages et des affi-nités avec eux. Les mêmes rêves ! rêve de vivre, rêve de voyager, rêve d’aimer, rêve d’échapper à l’emprise du passé. je me disais qu’il y avait sûrement plu-sieurs chemins, celui de l’artiste me faisait trembler. aujourd’hui, lorsque je vois des gens qui ont l’âge que j’avais au moment de l’écriture, je suis émue par leur jeunesse, à l’époque, je me sentais tout sauf jeune !

cENTENairEcette nouvelle mise en scène d'Une année sans été est jouée cent ans après l’année où fut déclarée une guerre… qui a confisqué le bonheur de l’été à des millions d’Européens. Le fait que cette guerre soit actuellement ample-ment commentée donne sans doute à l’épilogue de la pièce un poids par-ticulier. La guerre est une des catas-trophes qui fracassent en masse des existences humaines. dans l’ardeur de

leurs questions de jeunes gens, aucun des personnages ne peut supporter de la voir venir, cette «grande guerre».

créaTiON – 1987 – LuXE ET frugaLiTéLa création d'Une année sans été a été une aventure de jeunes gens. Nous sortions tous du cNsad, les cinq interprètes – hélène alexandridis, éric doye, isabelle Larue, fabienne Lucchetti, aladin reibel – et moi. Le luxe, c’était notre enthousiasme, notre désir de théâtre, notre enga-gement, notre disponibilité. Le luxe, c’était l’absence de souci matériel  : six salaires jTN, à temps complet, trois mois durant, deux de répéti-tions, un de représentations. Le luxe, c’était d’être accueillis au Théâtre de la bastille, alors dirigé par jean-claude fall, et qu’il ne nous soit rien demandé d’autre que de créer un beau spectacle. sur simple lecture du texte, sans aucun appui particulier, le théâtre nous fut ouvert, simplement, quinze jours de plateau pour finir les répétitions, un mois de représenta-tions. La frugalité, c’était d’avoir très peu d’argent, juste l’aide à la création dramatique ; cet argent servit presque entièrement à louer une salle de répé-tition agréable (calme, claire, chauf-fée). La frugalité, c’était de n’avoir aucun décor que les murs du théâtre et d’habiller les personnages en allant tous ensemble un matin récupérer des fripes à saint-roch. Nous avons beau-coup ri et beaucoup tremblé ensemble. Le souvenir en est intense, beau. Notre équipe était minimale : cinq comédiens et l’auteur-metteur en scène. ghislaine gonzalès, alors régisseuse au Théâtre de la bastille, aimait la lumière, elle a éclairé le spectacle, gracieusement. Ensuite est venue la chance : le suc-cès. créé le 20 mars 1987, le spec-tacle a pu tourner dès l’automne de la même année  ; trois mois entre octobre et décembre, dans de grands théâtres régionaux et nationaux, ainsi qu’une reprise à paris dans le cadre du

«iL y aVaiT pLusiEurs chEmiNs»En 1987, catherine anne n'avait encore rien publié. aucun de ses textes n'avait été joué. Elle ne connais-sait pas l'auteur qu'elle deviendrait, elle ignorait qu'elle dirigerait un jour un théâtre. catherine anne avait l'âge de ses personnages, elle était jeune et n'y pensait pas... retour sur la magie d'un beau début.

une année sans été12

4 – 30 avril / berthier 17 e petite salle

uNE aNNéE saNs éTé de catherine annemise en scène joël pommerat

scénographie et lumièreéric soyercostumes et accessoiresisabelle deffinson françois Leymariemusiqueantonin Leymariedramaturgie marion boudier

avec carole Labouzefranck LaisnéLaure Lefortrodolphe martingarance rivoal

production compagnie Louis brouillardcoproduction Théâtre National – bruxelles, Odéon-Théâtre de l'Europe,Les Théâtres de la Ville de Luxembourg,cNcdc – centre National de création et de diffusions culturelles de châteauvallon, l'hippodrome – scène nationale de douai, saint-Valéry en caux – Le rayon Vert, Théâtre d'arles – scène conventionnée pour des écritures d'aujourd'hui

La compagnie Louis brouillard reçoit le soutien du ministère de la culture − drac île-de-france et de la région île-de-france

joël pommerat est artiste associé au Théâtre National – bruxelles

créé le 8 janvier 2014 à l'hippodrome – scène nationale de douai

durée 1h10

Une année sans été a bénéficié de résidences de création à la maison des métallos, au T2g – centre dramatique National de gennevilliers et au Théâtre paris-Villette.

Le texte de catherine anne est publié aux éditions actes sud-papiers.

rencontre avec l'équipe artistiquele mardi 29 avril à l'issue de la représentation

représentation en Langue des signes française

le mercredi 30 avril à 20h

festival d’automne. réactivité impen-sable aujourd’hui (hélas !). dans cette même frugalité, nous tournions à sept, les comédiens, l’éclairagiste-régis-seuse et moi, trimballant les costumes et les gélatines. un souvenir pour sou-rire : à notre arrivée au TNs, le régis-seur général nous a demandé à quelle heure arriverait le camion avec le décor et nous avons répondu que tout le décor était là, avec nous… il y avait une valise et quelques tissus.

2014 jOëL pOmmEraTj’ai reçu, il y a deux ans, un mot de joël pommerat me demandant les droits d'Une année sans été. c’était un éton-nement de lire qu’il connaissait et aimait ce texte «depuis toujours» et qu’il voulait «franchir le pas et le mon-ter avec des jeunes comédiens». je l’ai vécu comme une belle surprise  ! j’aime et admire le travail de joël depuis la période héroïque de paris-Villette, j’ai eu la joie lorsque je diri-geais le Théâtre de l’Est parisien d’y accueillir Le Petit Chaperon rouge, et nous avons eu ensemble parfois de belles conversations. il me semble qu’il y a une sorte d’affinité entre nous – malgré d’évidentes différences – dans la façon d’être au monde, mais je n’aurais jamais imaginé qu’il puisse un jour me demander le droit de mettre en scène une de mes pièces. ce qu’il m’a dit de son désir de transmission et de son engagement avec les jeunes acteurs qu’il emmène dans cette aven-ture artistique particulière m’a plu. c’est une façon intelligente et géné-reuse d’offrir à de jeunes artistes des conditions ambitieuses de création. de cette rencontre entre la force de son théâtre, de jeunes interprètes fer-vents et mon premier texte, j’attends… ce qui viendra… avec curiosité, appé-tit et confiance !

Catherine Anne, janvier 2014

peuvent coexister avec l'instantanéité du spectacle vivant. L'entreprise peut alors être une ressource pour le théâtre, en se positionnant non pas uniquement comme soutien financier, mais pourquoi pas comme inspirateur de contenus ou développeur de compétences.

que peut-on vous souhaiter pour cette nouvelle année au sein du cercle de l'Odéon?

En tant qu'entrepreneur mécène, par-ticiper à l'innovation artistique et au rayonnement du théâtre est une action qui me tient à cœur. Le spectateur que je suis, lui, voudrait toujours être sur-pris, pas nécessairement en bien d'ail-leurs, et continuer de venir admirer cette esthétique de l'audace qui me fascine et m'interpelle.

Propos recueillis par Pauline Rouer le 8 janvier 2014

FABERNOVEL est une agence de conseil en innovation numérique. FABERNOVEL est membre du Cercle depuis 2013.

Le cercle de l'Odéon rassemble tous les passionnés

de théâtre, spectateurs et entreprises*, qui désirent se

retrouver autour d'un des foyers majeurs de la création

européenne.

chaque saison, le cercle participe au financement de

quatre spectacles phares de la programmation, autour

desquels sont proposées des rencontres et des soirées

en présence des équipes artistiques.

L'Odéon remercie l'ensemble des membres du cercle pour

leur soutien à la création théâtrale.

hervé digne est président du cercle de l'Odéon.

information et contact

pauline rouer

01 44 85 40 19

[email protected]

*Les dons versés à l’Odéon donnent droit à une déduction fiscale.

devenez mécène de l’Odéon

Entretien avec stéphane distinguinfondateur et PdG de faBernoVeL

à quand remonte votre rencontre avec le théâtre ?

Le théâtre est une passion qui remonte à ma toute petite enfance. j'ai plusieurs souvenirs de la comédie-française, où mes parents m'emmenaient réguliè-rement. certains sont plus marquants que d'autres, notamment lorsque j'étais allé voir Le Cid, mis en scène par francis huster avec jean marais, jean-Louis barrault et Emmanuelle devos (Théâtre du rond-point, 1985). je me rappelle avoir attendu fébrilement les comédiens à la sortie de la pièce pour demander un autographe à chacun d'entre eux. je ne me suis plus départi de cette passion depuis. à l'époque où j'ai créé fabErNOVEL, en septembre 2003, je me dépêchais de me rendre au rond-point après ma journée de travail, parfois jusqu'à quatre fois par semaine pour assister aux représenta-tions du Grand Mezze d’édouard baer et françois rollin. On peut dire que la création de ma société s'est faite paral-lèlement à de nombreuses découvertes théâtrales, qui m'ont profondément influencées.

pourquoi avez-vous souhaité faire adhé-rer fabErNOVEL au cercle de l'Odéon ?

il me semble qu'il y a un pont naturel entre les industries numérique et cultu-relle, qui ont en partage le même souci

de création. c'est cette création que je viens chercher au théâtre, source d'ins-piration et de dépassement. Le cercle de l'Odéon me permet aussi de partager une expérience particulière avec mes clients ou mes amis. j'apprécie tout particulièrement le fait de ne pas avoir à choisir, et d'être surpris par les spec-tacles que l'on me propose. La convivia-lité et le dynamisme qui caractérisent les soirées du cercle m'ont aussi amené à faire des rencontres singulières, qui n'auraient pas pu avoir lieu autre part. Les échanges avec les équipes artis-tiques ou celles du théâtre sont tou-jours riches et surprenants.

de quelle manière votre entreprise fabErNOVEL, spécialiste de l'innova-tion pourrait-elle contribuer au dévelop-pement du théâtre ?

fabErNOVEL a pour objectif pre-mier de favoriser la rencontre entre les grandes entreprises et les start-up, afin de provoquer une expérience qualitative et inédite, principalement dans l'indus-trie numérique. cette innovation numé-rique, au cœur de notre activité, offre un formidable champ de réflexion pour le théâtre, notamment sur les questions d'accessibilité du public à l'offre cultu-relle, par exemple en termes de billet-terie ou de diffusion. plus encore que le cinéma, le théâtre est un lieu d'ex-périmentation où les activités digitales

d e l’ O d é O n

pour la deuxième année consécutive, l'Odéon-Théâtre de l'Europe s'asso-cie aux journées Européennes des métiers d'art. La matière, les tech-niques, les démonstrations de savoir-faire, l’innovation, le partage, l’orientation, la transmission sont au cœur de ces journées, au tra-vers d’une programmation diversi-fiée et innovante qui a pour objectif de faire découvrir au grand public le secteur des métiers d'art. cet évé-nement national est coordonné par l'institut National des métiers d'art. Neuf pays européens ont également rejoint cette initiative et présenté leurs savoir-faire : l’italie, l’Espagne, la belgique (Wallonie), la suisse (genève), l’allemagne (berlin), etc.La programmation 2014 – 4, 5, 6 avril  – permettra d’élargir notre vision de ce secteur autour de la question du temps de la création.

après «Lecture d'un décor : autour du Prix Martin» proposé l'an passé, l'Odéon-Théâtre de l'Europe convie le public, le samedi 5 avril à 14h, aux ateliers berthier, à découvrir les pratiques et les secrets de nos ateliers.cette rencontre s'intitulera «Le temps d'un décor : Le Tartuffe» et vous per-mettra d'explorer pendant une heure et demie toutes les étapes de l'élaboration d'une scénographie, de sa conception à son implantation sur le plateau, en com-pagnie de représentants de l'équipe tech-nique du théâtre – régisseur plateau, chef d'atelier, menuisier et peintre décorateur. La projection d'un court reportage réca-pitulera les principaux moments de l'éla-boration du montage.Vous serez invités à poser toutes vos questions, mais aussi à manier sur site des éléments de décor : ne manquez pas cette occasion d'entrer dans l'inti-mité des processus de fabrication d'un spectacle !

LEs jOurNéEs EurOpéENNEs dEs méTiErs d’arT 2014

samEdi 5 aVriL / 14hVisiTE du décOr dE TARTUFFe auX aTELiErs bErThiEr

Le temps d'un décor : Le Tartuffesamedi 5 avril à 14hentrée libre sur inscription aux ateliers berthier1 rue andré suarès (angle du bd berthier), paris 17e

m° et rEr c porte de clichy

renseignements et inscriptions fanny gauthier 01 44 85 41 [email protected]

Cou

pe

long

itud

inal

e d

u T

héât

re d

e l'O

déo

n 6e

L'iNNOVaTiON NumériquE OffrE uNfOrmidabLE champ dE réfLEXiONpOur LE ThéâTrE

© Élisabeth Carecchio

Page 8: Lettre de l'Odéon #9

14 15

maison Européenne de la photographie 

EXpOsiTiONs «daVid LyNch, smaLL sTOriEs» «jOaN fONTcubErTa, camOufLagEs»

Cinéaste de renom, David Lynch est aussi artiste plasticien, designer et musicien. Pour la Maison Européenne de la Photographie, qui lui a donné carte blanche, il a imaginé «Small Stories».Pour sa part, Joan Fontcuberta propose ses «Camouflages». Camouflage de l’auteur, camouflage de la photographie, camouflage de la réalité, camou-flage de la vérité… Expositions présentées jusqu'au 16 mars.> Laissez-passer valables sur toute la durée des expositions> réservation au 01 44 85 41 17 / [email protected]> mEp – 5/7 rue de fourcy, paris 4e

Odéon-Théâtre de l'Europe

lundi 10 février / 20h

james baldwin / alain mabankou / marcel bozonnet«Exils»

Lecture/rencontre animée par Paula Jacques. «Je serai peut-être ivre d'ici l'aube mais cela ne me sera d'aucun secours. Je prendrai le train pour Paris malgré tout. Le train sera un train comme les autres ; les gens, qui essaieront comme toujours de trouver un certain confort, une certaine dignité, sur les sièges de bois à dossier raide de troi-sième classe, seront des voyageurs comme tous les voyageurs, et moi je serai toujours moi.»James Baldwin, La chambre de Giovanni, trad. Élisabeth Guinsburg, Paris 1998, ed. Rivages-Poche

en coproduction avec France Inter> réservation au 01 44 85 41 17 / [email protected]> Théâtre de l'Odéon, place de l'Odéon, paris 6e

vendredi 14 mars / 10h30

Visite du Théâtre de l'OdéonLe Théâtre de l'Odéon, qui a ouvert ses portes en 1782, est le premier théâtre-monument de Paris. Sa restauration a duré trois ans, il a rouvert en 2006. Accompagnés d’une guide de l’Odéon-Théâtre de l’Europe, parcourez les coulisses, les dessous et les parties publiques. Découvrez l’histoire du théâtre et de la scénographie du XVIIIe à nos jours et devenez familiers de ces lieux magiques !> réservation au 01 44 85 41 17 / [email protected]> Théâtre de l'Odéon, place de l'Odéon, paris 6e

lundi 17 mars / 20h

julia kristeva / isabelle huppert«Voix de femmes»

«Tandis qu'elle agonise, Thérèse mon amour»Lecture/entretien présenté par Jean Birnbaum. Le visage renversé d'une femme endormie, à moins qu'elle ne soit déjà morte de plaisir, bouche ouverte, porte avide d'un corps vide que remplit sous nos yeux un bouillonnement plissé de marbre... dans cette pièce de théâtre radiophonique, pensée pour Isabelle Huppert, Julia Kristeva célèbre son amour de Thérèse à partir de l'agonie de la sainte...en coproduction avec France Cultureen partenariat avec le Monde des Livres> réservation au 01 44 85 41 17 / [email protected]> Théâtre de l'Odéon, place de l'Odéon, paris 6e

Les concerts de radio france

fEsTiVaL présENcEs «paris-bErLiN» saLLE pLEyELvendredi 14 février / 20h

Le festival de création musicale Présences mettra à l’honneur les jeunes compositeurs allemands et français sous la direction de Peter Hirsch. À l’affiche, Wolfgang Rihm, Philippe Manoury, et l’ombre portée de Bernd Alois Zimmermann, auteur de cet opéra halluciné qui a pour titre Die Soldaten et dont on donnera ici la méconnue symphonie vocale.> réservation au 01 44 85 41 17 / [email protected]

musée d'Orsay

EXpOsiTiON «gusTaVE dOré (1832-1883). L'imagiNairE au pOuVOir»du 18 février au 11 mai

Gustave Doré est l'un des plus prodigieux artistes du XIXe siècle. Caricatu-riste à quinze ans à peine, puis illustrateur, il embrasse tous les domaines de la création : dessin, peinture, aquarelle, gravure, sculpture. Son talent s'investit dans tous les genres, de la satire à l'histoire, livrant des tableaux gigantesques et des toiles plus intimes, des aquarelles flamboyantes...> Offre abonnés de l'Odéon. 13€ au lieu de 17€ pour la visite de l’exposition avec un confé-rencier. réservation obligatoire 10 jours au moins avant la visite au 01 53 63 04 63. Envoi des billets à domicile. dates des visites sur www.musee-orsay.fr.> musée d'Orsay – 1, rue de la Légion d'honneur, paris 7e

aVaNTagEsabONNés

Orchestre de paris

cONcErT symphONiquE saLLE pLEyELmercredi 19 février / 20h

Place à la danse et au cabaret allemand des années 30 ! Une grande soirée articulée autour des suites du ballet Cendrillon de Prokofiev et de l’Opéra de quat’sous de Kurt Weill.> Tarifs préférentiels de -30% (hors catégorie 5) pour les abonnés de l'Odéon en réservant avec le code «OdEON» au 01 56 35 12 12 ou sur internet www.orchestredeparis.com> Orchestre de paris à la salle pleyel – 252 rue du faubourg saint-honoré, paris 8e

fondation cartier pour l'art contemporain

EXpOsiTiON «américa LaTiNa 1960-2013»jeudi 20 février / 18h

L’exposition, rassemblant plus de soixante-dix artistes de onze pays différents, révèle la grande diversité des pratiques photographiques en présentant aussi bien le travail de photographes que des œuvres d’artistes contemporains, à travers le prisme de la relation entre texte et image pho-tographique. La Fondation Cartier, en coproduction avec le Museo Amparo de Puebla (Mexique), présente cette exposition jusqu'au 6 avril. > réservation au 01 42 18 56 67 / [email protected]> fondation cartier pour l'art contemporain – 261 boulevard raspail, paris 14e

forum des images

ciNéma «La ViE EsT bELLE» dE fraNk capra samedi 22 février / 21h

Venez (re)découvrir le cinéma optimiste et tendre de Capra. Un homme bon mais désespéré est poussé au suicide. Son ange gardien le fait vivre dans un monde fictif où il ne serait pas né. Ses amis et sa famille sont la richesse de George Bailey, mais il ne s’en rend compte qu’en passant dans un autre univers, injuste et cruel. Un film enthousiaste, chaleureux et poétique.Dans le cadre du cycle «L'argent ne fait pas le bonheur (!)», présenté jusqu'au 28 février.> réservation au 01 44 85 41 17 / [email protected]> forum des images – forum des halles, porte saint-Eustache, paris 1er

Odéon-Théâtre de l'Europe / musée du Luxembourg

parcOurs crOisés «mirOir mON bEau mirOir»mardi 18 mars / 20h : spectacle Les Fausses Confidences samedi 22 mars / 10h30 : visite de l'exposition Joséphine

Côté pile, Araminte, figure emblématique des Fausses Confidences de Marivaux, riche veuve, séductrice et rompue aux intrigues amoureuses. Côté face, Joséphine, l’impératrice volage, follement dépensière, régnant avec habileté sur la cour de Napoléon. (Entre)croisez les destins de ces deux héroïnes à l’Odéon-Théâtre de l’Europe puis au Musée du Luxembourg.> parcours à 40,50€ (place en 1re série à l'Odéon)> réservation à museeduluxembourg.fr espace «billetterie» puis «parcours croisés»> musée du Luxembourg – 19 rue de Vaugirard, paris 6e

> Théâtre de l'Odéon – place de l'Odéon, paris 6e

Opéra national de paris

Opéra «TrisTaN ET isOLdE»jeudi 17 et lundi 21 avril / 18h

Pour mettre en musique ce mythe, Richard Wagner repousse loin les limites de son art : tonalité mouvante, tension languissante, résolution toujours re-tardée jusqu’à la mort d’amour d’Isolde.Sous la direction de Philippe Jordan, cette production réunit deux grands artistes : le metteur en scène Peter Sellars et le vidéaste Bill Viola. Sur scène, ce dernier a conçu un monde d’images parallèles, une vie par-delà la vie qui est comme «le reflet du monde de l’esprit dans le miroir du temps.»> Tarif préférentiel de -20% (catégories 1, 2, 3 soit 124€, 108€, et 92€ au lieu de 155€, 135€, et 115€) pour les abonnés de l'Odéon en réservant avec le code «OdEON131» sur operadeparis.fr, onglet «billetterie» dans le champ «Offres en partenariat» ; par téléphone au 08 92 89 90 90 (0,34€ TTc/min) ou aux guichets du palais garnier et de l'Opéra bastille.> Opéra bastille – place de la bastille, paris 12e

dEs prOpOsiTiONs pONcTuELLEs éLabOréEs aVEc LEs parTENairEs cuLTurELsdE L'OdéON-ThéâTrE dE L'EurOpE

Ouvertures de location tout public TarTuffE représentations du 26/03 au 27/04theatre-odeon.eu mercredi 5 févrierguichet / téléphone mercredi 12 février

TarTuffE représentations du 29/04 au 01/06theatre-odeon.eu / guichet / téléphone mercredi 26 mars

uNE aNNéE saNs éTétheatre-odeon.eu / guichet / téléphone mercredi 5 mars

LEs bibLiOThèquEs dE L'OdéONVous pouvez d'ores et déjà réserver pour l'ensemble de la saison

01 44 85 40 40 – theatre-odeon.eu

abonnéssi vous n’aviez pas choisi de date, merci de contacter le service abonnement pour réserver votre place et vérifier la disponibilité sur la date que vous souhaiteriez, au plus tard quinze jours avant la première du spectacle. à l’issue de cette réservation téléphonique, retournez votre contremarque.

Vous avez la possibilité de réserver des places supplémentaires aux dates d’ouverture de location de chaque spectacle.

Vous bénéficiez d’un tarif réduit pour Les Bibliothèques de l’Odéon, en grande salle.Ligne réservée aux abonnés 01 44 85 40 38

représentations TarTuffEdu mardi au samedi à 20h, le dimanche à 15h, relâche le lundi> ateliers berthier1 rue andré suarès (angle du bd berthier), paris 17e

m° et rEr c porte de clichy

uNE aNNéE saNs éTé durée : 1h10

du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 15h, relâche le lundi> ateliers berthierpetite salle36 bd berthier, paris 17e

m° et rEr c porte de clichy

Tournée uNE aNNéE saNs éTé

draguignan – Théâtre en dracénie13 mai 2014

istres – Théâtre de l’Olivier16 mai 2014

acheter et réserver ses places

15

calendriermars spEcTacLEs LEs bibLiOThèquEs berthier 17e grande salle Odéon 6e / salon roger blin 6e

mer 26 Tartuffe 20hjeu 27 Tartuffe 20hven 28 Tartuffe 20hsam 29 Tartuffe 20h fleury en scène / Le Vestiaire 15h/18hdim 30 Tartuffe 15h

aVriL berthier 17e berthier petite salle 17e grande salle Odéon 6e / salon roger blin 6e

mar 1 Tartuffe 20h Lire le théâtre / La Tempête – William shakespeare 18hmer 2 Tartuffe 20h fantômes en littérature / La Femme au collier de velours 18h jeu 3 Tartuffe 20hven 4 Tartuffe 20h une année sans été 20h sam 5 Tartuffe 20h une année sans été 20hdim 6 Tartuffe 15h une année sans été 15hlun 7 Exils / Lawrence durrell / mathias énard 20hmar 8 Tartuffe 20h une année sans été 20h pourquoi aimez-vous ? claro & Tristram shandy 18hmer 9 Tartuffe 20h une année sans été 20hjeu 10 Tartuffe 20h une année sans été 20h ven 11 Tartuffe 20h une année sans été 20h pourchassez le naturel ! / Pourquoi regarder les animaux 18hsam 12 Tartuffe 20h une année sans été 20hdim 13 Tartuffe 15h une année sans été 15hlun 14 mar 15 Tartuffe 20h une année sans été 20h mer 16 Tartuffe 20h une année sans été 20hjeu 17 Tartuffe 20h une année sans été 20hven 18 Tartuffe 20h une année sans été 20hsam 19 Tartuffe 20h une année sans été 20hdim 20 Tartuffe 15h une année sans été 15hlun 21 shakespeare 450 11h-19h mar 22 Tartuffe 20h une année sans été 20hmer 23 Tartuffe 20h une année sans été 20hjeu 24 Tartuffe 20h une année sans été 20hven 25 Tartuffe 20h une année sans été 20hsam 26 Tartuffe 20h une année sans été 20hdim 27 Tartuffe 15h une année sans été 15hlun 28 mar 29 Tartuffe 20h une année sans été 20h shakespeare dans l'atelier romanesque i 18hmer 30 Tartuffe 20h une année sans été 20h* shakespeare dans l'atelier romanesque ii 18h

mai berthier 17e grande salle Odéon 6e / salon roger blin 6e

jeu 1 fériéven 2 Tartuffe 20hsam 3 Tartuffe 20h dim 4 Tartuffe 15h lun 5 mar 6 Tartuffe 20h shakespeare dans l'atelier romanesque iii 18hmer 7 Tartuffe 20h shakespeare dans l'atelier romanesque iV 18h jeu 8 Tartuffe 20h ven 9 Tartuffe 20h sam 10 Tartuffe 20h dim 11 Tartuffe 15h lun 12 mar 13 Tartuffe 20h mer 14 Tartuffe 20h jeu 15 Tartuffe 20h ven 16 Tartuffe 20h sam 17 Tartuffe 20hdim 18 Tartuffe 15hlun 19 mar 20 Tartuffe 20hmer 21 Tartuffe 20hjeu 22 Tartuffe 20hven 23 Tartuffe 20hsam 24 Tartuffe 20h dim 25 Tartuffe 15hlun 26 mar 27 Tartuffe 20h mer 28 Tartuffe 20hjeu 29 Tartuffe 20hven 30 Tartuffe 20hsam 31 Tartuffe 20h

juiN berthier 17e

dim 1 Tartuffe 15h

invitations (nombre de places restreint)

Tarifs préférentiels

TarifsTarifs hors abonnement Théâtre de l’Odéon ateliers berthier

série 1 série 2 série 3 série 4 grande salle roger blin une année sans été

plein tarif 36 € 26 € 16 € 12 € 10 € 6€ 30 € 36 €moins de 26 ans, étudiant, bénéficiaire du rsa* 18 € 13 € 8 € 6 € 6 € — 15 € 18 €public en situation de handicap* 18 € 13 € 8 € 6 € 6 € — 15 € 18 €demandeur d’emploi* 20 € 16 € 10 € 6 € 6 € — 20 € 20 €élève d’école de théâtre* (2h avant la représentation) 6 € 6 € 6 € — 6 € — 6 € 6 €Lever de rideau (2h avant la représentation) — — — 6 € — — — —pass 17 * (dates spécifiques)** — — — — — — 15 € 18 €

bibliothèques de l’Odéon

carTE LEs bibLiOThèquEs dE L'OdéON carte 10 entrées 50€ / à utiliser librement ; une ou plusieurs places lors de la même manifestation.

*justificatif indispensable ** Tartuffe : vendredi 18 avril à 20h / samedi 26 avril à 20h / dimanche 11 mai à 15h / dimanche 25 mai à 15h Une année sans été : dimanche 13 avril à 15h / dimanche 20 avril à 15h

*représentation en Langue des signes française

Tartuffe

Page 9: Lettre de l'Odéon #9

16

couv

ertu

re :

affic

he d

e Ta

rtuf

fe ©

des

ign

Wer

ner

Jeke

r /

Lice

nces

d’e

ntre

pre

neur

de

spec

tacl

es 1

06

4581

- 1

06

4582

- 1

06

00

64

13/14 14 septembre – 19 octobre / Odéon 6e

au mONdEjoël pommerat

18 septembre – 19 octobre / Odéon 6e

LEs marchaNdsjoël pommerat

20 – 26 septembre / berthier 17 e

diE gELbE TapETELe papier peint jaune

charlotte perkins gilman / katie mitchell

4 – 13 octobre / berthier 17 e

diE biTTErEN TräNEN dEr pETra VON kaNT

Les Larmes amères de petra von kantrainer Werner fassbinder / martin kušej

7 novembre – 15 décembre / berthier 17 e

La bONNE âmE du sE-TchOuaNbertolt brecht / jean bellorini

20 novembre – 1er décembre / Odéon 6e

TOdO EL ciELO sObrE La TiErra(EL síNdrOmE dE WENdy)

Tout le ciel au-dessus de la terre(Le syndrome de Wendy)

angélica Liddell

8 janvier – 1er février / berthier 17 e

pLaTONOVanton Tchekhov / benjamin porée

16 janvier – 23 mars / Odéon 6e

LEs faussEs cONfidENcEs marivaux / Luc bondy

création

26 mars – 1er juin / berthier 17e

TarTuffEmolière / Luc bondy

création

4 – 30 avril / berthier 17 e

uNE aNNéE saNs éTécatherine anne / joël pommerat

7 mai – 28 juin / Odéon 6e

cyraNO dE bErgEracEdmond rostand / dominique pitoiset

septembre 2013 – juin 2014LEs bibLiOThèquEs dE L’OdéON

rencontres littéraires et philosophiques

renseignements et location par téléphone 01 44 85 40 40 du lundi au samedi de 11h à 18h30

par internet theatre-odeon.eu ; fnac.com ; theatreonline.com au guichet du Théâtre de l’Odéon du lundi au samedi de 11h à 18h

contacts abonnement individuel, jeune, et carte Odéon

01 44 85 40 38 [email protected] groupe d’adultes, amis, association, comité d’entreprise,

01 44 85 40 37 / 40 88 [email protected] public de l'enseignement

01 44 85 40 39 [email protected] public de proximité des ateliers berthier, public du champ social et

public en situation de handicap 01 44 85 40 47 [email protected]

Toute correspondance est à adresser à Odéon-Théâtre de l’Europe – 2 rue corneille – 75006 paris

Théâtre de l’Odéon place de l’Odéon paris 6e

métro Odéon rEr b Luxembourg

ateliers berthier > grande salle

1 rue andré suarès (angle du bd berthier) paris 17e

> petite salle36 bd berthier paris 17e

métro et rEr c porte de clichy

Salles accessibles aux personnes à mobilité réduite, nous prévenir impérativement au 01 44 85 40 40

suiVEZ-NOus Twitter «@TheatreOdeon»

facebook «Odéon-Théâtre de l'Europe»