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143 3.2 Prédominance de cellules polynucléaires (à noyau segmenté) Leucémie myéloïde chronique BCR-ABL1 positive (LMC) La LMC est caractérisée par la présence du chromosome Philadelphie t(9;22) (q34;q11.2) correspondant, sur le plan moléculaire, au réarrangement BCR- ABL1. Le diagnostic se fait la plupart du temps au cours de la phase chronique ; le principal risque évolutif est la transformation en une phase d’accélération et une phase blastique de pronostic sévère. Remarque Caractéristiques de la LMC • Âge de survenue : possible à tout âge ; pic aux alentours de 50 ans. Clinique : fatigue, anémie, parfois splénomégalie, pas de fièvre. Frottis sanguin : hyperleucocytose et myélémie ; parfois Hb, plaquettes ou . Examens complémentaires : cytomorphologie médullaire, cytogénétique et génétique moléculaire (translocation Philadelphie et réarrangement BCR- ABL1). Diagnostic différentiel : hyperleucocytose réactionnelle, autres maladies myéloprolifératives (myélogramme, histologie médullaire, cytogénétique, génétique moléculaire). Évolution, traitement : évolution chronique ; progression de la maladie marquée par une transformation en phase accélérée ou blastique. Traitement de choix par les inhibiteurs de tyrosine kinase de première génération (ima- tinib) et de 2 e génération (nilotinib, dasatinib). En raison du bon contrôle de la maladie avec ces médicaments, l’allogreffe de cellules souches n’est plus utilisée que dans des situations d’exception (stades avancés de la maladie et absence de réponse aux inhibiteurs de tyrosine kinase). Conduite diagnostique devant une LMC X Frottis sanguin, examens biologiques et clinique. La LMC, dans sa phase chronique, se traduit par une hyperleucocytose avec une myélémie nette, l’ab- sence d’anémie ou une anémie modérée, une thrombopénie modérée ou une thrombocytose. La présence d’un excès de basophiles est assez caractéristique,

Leucémie myéloïde chronique BCR-ABL1 positive (LMC) · Dans la leucémie myéloïde chronique BCR-ABL1 positive en phase chronique, l’exa-men cytologique de la moelle osseuse

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3.2 Prédominance de cellules polynucléaires (à noyau segmenté)

Leucémie myéloïde chronique BCR-ABL1 positive (LMC)

La LMC est caractérisée par la présence du chromosome Philadelphie t(9;22)(q34;q11.2) correspondant, sur le plan moléculaire, au réarrangement BCR-ABL1. Le diagnostic se fait la plupart du temps au cours de la phase chronique ; le principal risque évolutif est la transformation en une phase d’accélération et une phase blastique de pronostic sévère.

Remarque

Caractéristiques de la LMC• Âge de survenue : possible à tout âge ; pic aux alentours de 50 ans.• Clinique : fatigue, anémie, parfois splénomégalie, pas de fi èvre.• Frottis sanguin : hyperleucocytose et myélémie ; parfois ↓ Hb, plaquettes ↓

ou ↑.• Examens complémentaires : cytomorphologie médullaire, cytogénétique

et génétique moléculaire (translocation Philadelphie et réarrangement BCR-ABL1).

• Diagnostic différentiel : hyperleucocytose réactionnelle, autres maladies myéloprolifératives (myélogramme, histologie médullaire, cytogénétique, génétique moléculaire).

• Évolution, traitement : évolution chronique ; progression de la maladie marquée par une transformation en phase accélérée ou blastique. Traitement de choix par les inhibiteurs de tyrosine kinase de première génération (ima-tinib) et de 2e génération (nilotinib, dasatinib). En raison du bon contrôle de la maladie avec ces médicaments, l’allogreffe de cellules souches n’est plus utilisée que dans des situations d’exception (stades avancés de la maladie et absence de réponse aux inhibiteurs de tyrosine kinase).

Conduite diagnostique devant une LMC

Frottis sanguin, examens biologiques et clinique. La LMC, dans sa phase chronique, se traduit par une hyperleucocytose avec une myélémie nette, l’ab-sence d’anémie ou une anémie modérée, une thrombopénie modérée ou une thrombocytose. La présence d’un excès de basophiles est assez caractéristique,

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souvent associée à la présence de noyaux de mégacaryocytes dans le sang. Il existe une splénomégalie. Les examens biologiques montrent souvent une aug-mentation des LDH et de l’acide urique, témoins d’un taux de renouvellement cellulaire élevé.

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3.2 Prédominance de cellules polynucléaires (à noyau segmenté)

Information

Myélémie importante incluant quelques myéloblastes, augmentation des éosinophiles et basophiles : suspicion de leucémie myéloïde chronique BCR-ABL1 positive (LMC).

Cytogénétique et génétique moléculaire. Dans 95 % des cas de LMC, les cellules sanguines et médullaires portent le « chromosome Philadelphie » qui correspond à un chromosome 22 anormal. Il résulte d’une translocation t(9;22)(q34;q11.2). Dans les 5 % restants de LMC, on ne décèle pas de chromosome Philadelphie à l’analyse chromosomique mais on peut mettre évidence, par FISH ou PCR, un gène de fusion BCR-ABL1 inframicroscopique, appelé alors réarran-gement BCR-ABL1 « cryptique ».

L’étude du score de la phosphatase alcaline leucocytaire (PAL), diminué dans les polynucléaires de la LMC, n’a plus d’intérêt diagnostique.

Analyse de la moelle osseuse. Dans bon nombre de situations cliniques, le frottis sanguin et la splénomégalie évoquent fortement le diagnostic que le réar-rangement BCR-ABL1 décelé sur les cellules sanguines confi rme. • L’examen de la moelle osseuse fournit cependant une indication plus précise

sur le stade évolutif de la maladie (phase chronique – phase d’accélération – phase blastique) et cet examen est donc utile, dans la mesure du possible, dès le diagnostic (Tableau 3-XII).

• Il existe presque toujours une augmentation de la densité cellulaire ; l’image globale est dominée par la granulopoïèse qui présente, dans la phase chronique, un aspect de maturation quasi normale avec simplement un discret excès des formes initiales (myéloblastes et promyélocytes). À l’opposé d’une hyperleucocytose réactionnelle, il n’y a pas de formes réactives (comme par exemple des granulations toxiques ou une dissociation de maturation nucléo-cytoplasmique).

Figure 3-19 Leucémie myéloïde chronique.a. Frottis au cours d’une LMC dans sa phase chronique : polynucléaires neutrophiles

à noyau segmenté (1), polynucléaire à noyau non segmenté (2) (le noyau « replié » le fait ressembler à un métamyélocyte), myélocyte avec défi cit de granulations (3) et promyélocyte (4).

b, c. LMC en phase chronique : myéloblaste (1), promyélocyte (2), myélocyte avec défi cit de granulations (3), éosinophile immature (4), polynucléaire basophile (5) (granules plus épais et plus foncés, noyau plus dense que celui du promyélocyte).

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Figure 3-20 Cytologie médullaire au cours d’une LMC.a. Cytologie médullaire au cours d’une phase chronique : augmentation de la densité

cellulaire en raison d’une granulopoïèse accrue et augmentation de la proportion des formes jeunes, dont un nid de promyélocytes (1) et des mégacaryocytes (2). Augmentation des éosinophiles (fl èches), diminution apparente de l’érythropoïèse.

b. Micromégacaryocytes sur un frottis médullaire.c. Cellules pseudo-Gaucher dans la moelle osseuse au cours d’une LMC.

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3.2 Prédominance de cellules polynucléaires (à noyau segmenté)

• Les polynucléaires mûrs peuvent parfois revêtir un aspect pseudo-Pelger (voir page 135).

• Souvent, on observe une augmentation des polynucléaires basophiles et éosi-nophiles.

• L’érythropoïèse est relativement peu modifi ée lors de la phase chronique.• Les histiocytes peuvent accumuler des glucocérébrosides d’origine membra-

naire (« cellules pseudo-Gaucher ») ou des lipides sous forme de précipitations bleu marine (« histiocytes bleus » ou « histiocytes bleu de mer »).

• Les mégacaryocytes sont souvent augmentés et ont l’aspect de micromégaca-ryocytes avec seulement 1 à 2 noyaux à peine plus grands que ceux des pro-myélocytes. Leur cytoplasme renferme des granulations nuageuses typiques comme dans la maturation cytoplasmique plaquettogène normale.

Suivi de l’évolution de la LMC. L’évaluation précise de la réponse de la leucémie myéloïde chronique aux inhibiteurs de tyrosine kinase peut être appréciée par plusieurs procédés. L’examen morphologique du sang et de la moelle osseuse permet de déterminer le degré de réponse hémato logique, l’analyse chromosomique donne une indication sur la rémission cytogé-nétique et la PCR renseigne sur l’état de rémission moléculaire. L’European Leukemia Net (ELN) a émis des recommandations pour la défi nition des cri-tères de rémission.

Remarque

Dans la leucémie myéloïde chronique BCR-ABL1 positive en phase chronique, l’exa-men cytologique de la moelle osseuse n’est pas indispensable pour le diagnostic.

Progression des différents stades de la LMC (Figure 3-21)• Au cours d’une LMC il est indispensable de contrôler régulièrement le frottis

sanguin non seulement pour apprécier l’obtention et le maintien d’une rémis-sion hématologique, mais également pour déceler une résistance au traite-ment ou une rechute.

• Phase d’accélération : il faut soupçonner une accélération de la maladie lorsque le pourcentage de blastes médullaires atteint à 10-19 % et les plaquet-tes diminuent en dessous de 100 G/l (en dehors d’un effet thrombopéniant du traitement).

• Phase blastique : la poursuite de l’augmentation du taux des blastes mène fi nalement à un tableau similaire à celui d’une leucémie aiguë. Dans cer-tains cas, la phase aiguë de la maladie est présente d’emblée (phase blas-tique de novo) : le pourcentage de blastes dans le sang ou la moelle dépasse

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alors 20 %. Souvent, on observe une augmentation des basophiles contem-poraine de l’apparition des blastes, voire la précédant. Devant ce tableau de leucémie aiguë, la présence d’une splénomégalie, d’une hyperéosinophilie ou d’une hyperbasophilie peut alors orienter vers le diagnostic de LMC acutisée.

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