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6 OptionBio | jeudi 20 décembre 2012 | n° 482 actualités | santé publique toxicomanie L'Académie de médecine et les « salles de shoot » Dans un communiqué de presse du 30 octobre, l’Académie nationale de médecine, qui assure auprès des pouvoirs publics un rôle consultatif et de conseil, exprime son avis sur l’expérimentation des salles d’injection – salles de shoot (terme populaire d’injection de drogue) – annoncée récemment par le ministère de la Santé. « L'Académie nationale de méde- cine prend acte de l'annonce faite par la ministre de la Santé de son intention de procéder à une « expé- rimentation » [les guillemets sont dans le communiqué] des salles de consommation de drogue en France « avant la fin de l'année », afin de « permettre aux toxicomanes de consommer leurs propres produits dans de bonnes conditions d’hy- giène et supervisés par du person- nel de santé ». « L'Académie estime que la création de « Centres d’injection supervisés », au-delà de la seule réponse qu’elle est censée apporter à un objectif de sécurité sanitaire, s'inscrit plus largement dans une perspective de santé publique. « Souhaitant exprimer sa position sur le sujet dans le débat public, l'Académie a créé un groupe de travail pluridisciplinaire chargé de procéder à une analyse de ses implications sanitaires, compas- sionnelles, économiques et régle- mentaires, mais aussi d'envisa- ger les possibles conséquences sur la perception de ces pratiques par l'opinion publique. « L’Académie de médecine est convaincue qu’une telle analyse et les conclusions auxquelles elle aboutira devraient constituer un préalable à la mise en place de l’expérience annoncée ». | Y.-M. D. © SYLVIE BOUCHARD médicaments L'Europe : autoprescription d'antibiotiques = superbactéries épidémiques La Région Europe de l’OMS (Copenhague) est en alerte car ça ne s’arrange pas : on y prescrit trop d’antibiotiques pour des infections virales, et les antibiotiques qui restent dans les armoires à pharmacie sont réutilisés en automédication des familles. Ce qu’oublient les Européens : les antibiotiques tuent les bactéries, pas les virus qui, par exemple, pro- voquent 9 maux de gorge sur 10 et 10 grippes sur 10. Le recours inu- tile aux antibiotiques affaiblit leur capacité anti-infectieuse et favorise l’antibiorésistance, alerte répé- tée lors de la Journée européenne d'information sur les antibiotiques 2012 1 : n'utilisez des antibiotiques que sur ordonnance d'un médecin, a redit l'OMS ! Comme l’expliquait le Dr Zsuzsanna Jakab, directrice de l'OMS Europe : « Si nous voulons conserver ce miracle médical [les antibiotiques], nous devons parfaitement com- prendre quand ils agissent et quand ils n'agissent pas, et prendre les mesures qui s'imposent : tout le monde est concerné, ceux qui éla- borent les politiques et les straté- gies, ceux qui mènent des activités de recherche et fournissent les anti- biotiques, ceux qui les prescrivent, ceux qui les utilisent ». Selon une enquête mondiale de l'OMS, plus de 50 % de tous les médicaments, antibiotiques com- pris, sont prescrits, délivrés ou vendus de façon inappropriée, et près de la moitié des patients ne prennent pas correctement leurs médicaments. De telles pratiques entraînent un développement de la résistance aux antibiotiques, d’où de moins en moins d'anti- biotiques efficaces, or aucune nouvelle classe thérapeutique n'a été découverte ces 25 dernières années ! Le problème est aussi économique. Les infections résistantes peuvent coûter jusqu'à cent fois plus chères à traiter. On observe déjà de telles infections incurables ou difficiles à traiter dans la Région Europe. Chaque année, plus de 80 000 sujets contractent une tuberculose multi- antibiorésistante (TBMR), certains pays européens signalent des gonor- rhées résistant aux céphalosporines. Une forte menace sur la Région Europe est la propagation de bacté- ries résistantes aux carbapénèmes, molécules indispensables dans des cas graves à BMR, telle Escherichia coli : ses souches sont responsables de gastroentérites, infections uri- naires, méningite, syndrome hémoly- tique et urémique (SHU), septicémie, pneumonie. Le 30 octobre, l'OMS Europe a signé un accord avec l'Institut national néerlandais pour la santé publique et l’environnement et l’European society of clinical microbiology and infectious diseases (ESCMID) pour prévenir émergence et propaga- tion de l’antibiorésistance dans la Région. Cette initiative complète la surveillance dans l'UE par le Réseau européen de surveillance de la résistance aux antimicrobiens (EARS-Net). Le Centre européen de prévention et de contrôle des mala- dies (ECDC) coordonne la Journée européenne d'information sur les antibiotiques depuis 2008. En 2012, OMS et ECDC ont collaboré pour y faire participer les 53 États membres de la Région Europe. | Y.-M. D. Note 1. Danilo Lo Fo Wong, Lutte contre la résistance aux antimicrobiens, Division des maladies trans- missibles, de la sécurité sanitaire et de l’environ- nement, OMS/Europe. [email protected]. © A n d rea D a nti

L'Europe : autoprescription d'antibiotiques = superbactéries épidémiques

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6 OptionBio | jeudi 20 décembre 2012 | n° 482

actualités | santé publique

toxicomanie

L'Académie de médecine et les « salles de shoot »

Dans un communiqué de presse

du 30 octobre, l ’Académie

nationale de médecine, qui

assure auprès des pouvoirs

publics un rôle consultatif et de

conseil, exprime son avis sur

l’expérimentation des salles

d’injection – salles de shoot (terme populaire d’injection de

drogue) – annoncée récemment

par le ministère de la Santé.

« L'Académie nationale de méde-cine prend acte de l'annonce faite par la ministre de la Santé de son intention de procéder à une « expé-rimentation » [les guillemets sont

dans le communiqué] des salles de consommation de drogue en France « avant la fin de l'année », afin de « permettre aux toxicomanes de consommer leurs propres produits dans de bonnes conditions d’hy-giène et supervisés par du person-nel de santé ». « L'Académie estime que la création de « Centres d’injection supervisés », au-delà de la seule réponse qu’elle est censée apporter à un objectif de sécurité sanitaire, s'inscrit plus largement dans une perspective de santé publique.« Souhaitant exprimer sa position sur le sujet dans le débat public,

l'Académie a créé un groupe de travail pluridisciplinaire chargé de procéder à une analyse de ses implications sanitaires, compas-sionnelles, économiques et régle-mentaires, mais aussi d'envisa-ger les possibles conséquences sur la perception de ces pratiques par l'opinion publique.« L’Académie de médecine est convaincue qu’une telle analyse et les conclusions auxquelles elle aboutira devraient constituer un préalable à la mise en place de l’expérience annoncée ». |

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L'Europe : autoprescription d'antibiotiques = superbactéries épidémiques

La Région Europe de l’OMS

(Copenhague) est en alerte

car ça ne s’arrange pas : on y

prescrit trop d’antibiotiques

pour des infections virales, et les

antibiotiques qui restent dans

les armoires à pharmacie sont

réutilisés en automédication des

familles.

Ce qu’oublient les Européens : les antibiotiques tuent les bactéries, pas les virus qui, par exemple, pro-voquent 9 maux de gorge sur 10 et 10 grippes sur 10. Le recours inu-tile aux antibiotiques affaiblit leur capacité anti-infectieuse et favorise l’antibiorésistance, alerte répé-tée lors de la Journée européenne d'information sur les antibiotiques 20121 : n'utilisez des antibiotiques que sur ordonnance d'un médecin, a redit l'OMS !Comme l’expliquait le Dr Zsuzsanna Jakab, directrice de l'OMS Europe : « Si nous voulons conserver ce

miracle médical [les antibiotiques], nous devons parfaitement com-prendre quand ils agissent et quand ils n'agissent pas, et prendre les mesures qui s'imposent : tout le monde est concerné, ceux qui éla-borent les politiques et les straté-gies, ceux qui mènent des activités de recherche et fournissent les anti-biotiques, ceux qui les prescrivent, ceux qui les utilisent ».Selon une enquête mondiale de l'OMS, plus de 50 % de tous les médicaments, antibiotiques com-pris, sont prescrits, délivrés ou vendus de façon inappropriée, et près de la moitié des patients ne prennent pas correctement leurs médicaments. De telles pratiques entraînent un développement de la résistance aux antibiotiques, d’où de moins en moins d'anti-biotiques efficaces, or aucune nouvelle classe thérapeutique n'a été découverte ces 25 dernières années !

Le problème est aussi économique. Les infections résistantes peuvent coûter jusqu'à cent fois plus chères à traiter. On observe déjà de telles infections incurables ou difficiles à traiter dans la Région Europe. Chaque année, plus de 80 000 sujets contractent une tuberculose multi-antibiorésistante (TBMR), certains pays européens signalent des gonor-rhées résistant aux céphalosporines.Une forte menace sur la Région Europe est la propagation de bacté-ries résistantes aux carbapénèmes, molécules indispensables dans des cas graves à BMR, telle Escherichia coli : ses souches sont responsables de gastroentérites, infections uri-naires, méningite, syndrome hémoly-tique et urémique (SHU), septicémie, pneumonie.Le 30 octobre, l'OMS Europe a signé un accord avec l'Institut national néerlandais pour la santé publique et l’environnement et l’European society of clinical microbiology and

infectious diseases (ESCMID) pour prévenir émergence et propaga-tion de l’antibiorésistance dans la Région. Cette initiative complète la surveillance dans l'UE par le Réseau européen de surveillance de la résistance aux antimicrobiens (EARS-Net). Le Centre européen de prévention et de contrôle des mala-dies (ECDC) coordonne la Journée européenne d'information sur les antibiotiques depuis 2008. En 2012, OMS et ECDC ont collaboré pour y faire participer les 53 États membres de la Région Europe. |

Y.-M. D.

Note1. Danilo Lo Fo Wong, Lutte contre la résistance aux antimicrobiens, Division des maladies trans-missibles, de la sécurité sanitaire et de l’environ-nement, OMS/Europe. [email protected].

© Andrea D

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