2
326 Actualités [2] Wong L, Turner L. Treatment of post-burn neuropathic pain: evaluation of pregablin. Burns 2010;36:769—72. [3] Berger MM, Davadant M, Marin C, Wasserfallen JB, Pinget C, Maravic P, et al. Impact of a pain protocol including hypnosis in major burns. Burns 2010;36:639—46. [4] Miller K, Rodger S, Bucolo S, Greer R, Kimble RM. Multimodal distraction. Using technology to combat pain in young children with burn injuries. Burns 2010;36:647—58. [5] Morris LD, Louw QA, Crous LC. Feasibility and potential effect of a low-cost virtual reality system on reducing pain and anxiety in adult burn injury patients during physiotherapy in a developing country. Burns 2010;36:659—64. Florentin Clère Consultation pluridisciplinaire de la douleur, centre hospitalier, 216, avenue de Verdun, 36000 Châteauroux, France Adresse e-mail : [email protected] doi:10.1016/j.douler.2010.09.005 L’ostéopathie et la douleur : mêmes concepts, mêmes combats ? Current osteopathic medicine: From concepts to pain management La douleur est la cause la plus fréquente d’automédication et de recours aux professionnels de santé. C’est en partant de ce constat que la revue internationale de médecine ostéopathique est venue à se questionner sur la place de l’ostéopathie dans la prise en charge de la douleur [1]. Cette place semble naturelle et pour cause : la « philosophie ostéopathique » répond sur le papier aux besoins d’une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable : le corps n’est rien sans l’esprit (concept de globalité de la personne) ; le corps est capable de s’autoréguler ; les tissus et les grandes fonctions du corps humain sont réciproquement interconnectés ; les traitements entrepris doivent être basés sur ces diffé- rents constats. Cette philosophie peut aisément se rapprocher du modèle biopsychosocial de la douleur (neurophysiologie, comportements, émotions, interactions socioculturelles, etc.). Pour autant, malgré des concepts très proches, l’ostéopathie peine à démontrer un bon niveau de preuve en termes de prise en charge de la douleur (méta-analyses de la littérature, recommandations de bonnes pratiques). L’auteur de cet article [1] invite ses collègues ostéopathes à modifier leur attitude pour : ne plus se définir comme de purs « thérapeutes manuels », dont l’approche est réductrice face à la complexité des situations rencontrées ; élargir leurs connaissances dans les champs psycholo- giques et sociaux pour mieux répondre aux besoins globaux de la personne malade, en adéquation avec la phi- losophie ostéopathique affichée comme globaliste. Cela nécessite d’ajouter des « outils thérapeutiques à leur répertoire » ; éviter de s’isoler face à la douleur chronique, en partici- pant à des prises en charge multimodales. Élargir sa vision, ajouter des cordes à son arc, collabo- rer avec d’autres professionnels : telles sont les pistes que propose cet article à l’ostéopathe moderne. Conflit d’intérêt Aucun. Référence [1] Penney JN. The biopsychosocial model of pain and contemporary osteopathic practice. Int J Osteopath Med 2010;13:42—7. Florentin Clère Consultation pluridisciplinaire de la douleur, centre hospitalier, 216, avenue de Verdun, 36000 Châteauroux, France Adresse e-mail : [email protected] Disponible sur Internet le 23 octobre 2010 doi:10.1016/j.douler.2010.09.004 L’expérience de la douleur et sa médicalisation Pain experience and its medicalization Lorsque qu’une personne dit « j’ai mal », elle a tendance à croire que sa représentation de la douleur est universelle. Dans son ouvrage La douleur, expérience et médicalisation, Jean-Claude Fondras prouve le contraire en nous faisant voyager dans des univers très différents [1]. L’historien, le philosophe, le scientifique ont chacun leur propre définition de la douleur. De même, chaque personne perc ¸oit la douleur de manière individuelle. De ce fait, le médecin aura une prise en charge différente de celle de son collègue ; la per- sonne qui présente une douleur aura une attente différente de celle de son voisin. La première partie de cet ouvrage, intitulée « Des phénomènes aux concepts », expose diffé- rents points de vue scientifiques (biologie, neurosciences) et philosophiques (antique, classique). De leurs divergences découlent toujours plus de questions. La douleur est-elle toujours localisable ? Est-elle un état fonctionnel ? Est-elle une subtile rencontre entre le corps et l’esprit ? La seconde partie, intitulée « L’épreuve et sa réplique », s’appuie sur l’anthropologie, la phénoménologie et l’expérience de la douleur vécue par des philosophes et des écrivains. Lorsqu’elle se répète dans le temps (l’auteur parle de « réplique de la douleur »), la douleur ne se réduit plus à sa fonction initiale de signal d’alarme, elle devient souffrance. Face à elle, l’individu met en place ses propres « répliques à la douleur » : ces réactions sont extrêmement variables (faibles, fortes, actives, passives). Ainsi Nietzsche, qui s’inscrit dans l’action (allant jusqu’à proposer d’amputer pour tenter de supprimer la douleur) et les épicuriens (qui estiment pouvoir être heureux malgré la douleur) sont deux exemples parmi d’autres. La dernière partie, intitulée « Médecine de la douleur, douleur de la médecine », explique

L’expérience de la douleur et sa médicalisation

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: L’expérience de la douleur et sa médicalisation

3

[

[

[

[

d

Lc

Cm

LedolCoe•

••

mceledLà•

rp

C

A

R

[

d

Lm

P

LcDJvpddpsdiredtupslL«fFà(

26

2] Wong L, Turner L. Treatment of post-burn neuropathic pain:evaluation of pregablin. Burns 2010;36:769—72.

3] Berger MM, Davadant M, Marin C, Wasserfallen JB, Pinget C,Maravic P, et al. Impact of a pain protocol including hypnosisin major burns. Burns 2010;36:639—46.

4] Miller K, Rodger S, Bucolo S, Greer R, Kimble RM. Multimodaldistraction. Using technology to combat pain in young childrenwith burn injuries. Burns 2010;36:647—58.

5] Morris LD, Louw QA, Crous LC. Feasibility and potential effect ofa low-cost virtual reality system on reducing pain and anxiety inadult burn injury patients during physiotherapy in a developingcountry. Burns 2010;36:659—64.

Florentin ClèreConsultation pluridisciplinaire de la douleur,

centre hospitalier, 216, avenue de Verdun, 36000Châteauroux, France

Adresse e-mail : [email protected]

oi:10.1016/j.douler.2010.09.005

’ostéopathie et la douleur : mêmesoncepts, mêmes combats ?

urrent osteopathic medicine: From concepts to painanagement

a douleur est la cause la plus fréquente d’automédicationt de recours aux professionnels de santé. C’est en partante ce constat que la revue internationale de médecinestéopathique est venue à se questionner sur la place de’ostéopathie dans la prise en charge de la douleur [1].ette place semble naturelle et pour cause : la « philosophiestéopathique » répond sur le papier aux besoins d’unexpérience sensorielle et émotionnelle désagréable :le corps n’est rien sans l’esprit (concept de globalité dela personne) ;le corps est capable de s’autoréguler ;les tissus et les grandes fonctions du corps humain sontréciproquement interconnectés ;les traitements entrepris doivent être basés sur ces diffé-rents constats.

Cette philosophie peut aisément se rapprocher duodèle biopsychosocial de la douleur (neurophysiologie,

omportements, émotions, interactions socioculturelles,tc.). Pour autant, malgré des concepts très proches,’ostéopathie peine à démontrer un bon niveau de preuven termes de prise en charge de la douleur (méta-analysese la littérature, recommandations de bonnes pratiques).’auteur de cet article [1] invite ses collègues ostéopathesmodifier leur attitude pour :ne plus se définir comme de purs « thérapeutes manuels »,dont l’approche est réductrice face à la complexité dessituations rencontrées ;élargir leurs connaissances dans les champs psycholo-

giques et sociaux pour mieux répondre aux besoinsglobaux de la personne malade, en adéquation avec la phi-losophie ostéopathique affichée comme globaliste. Celanécessite d’ajouter des « outils thérapeutiques à leurrépertoire » ;

sp(d«

Actualités

éviter de s’isoler face à la douleur chronique, en partici-pant à des prises en charge multimodales.

Élargir sa vision, ajouter des cordes à son arc, collabo-er avec d’autres professionnels : telles sont les pistes queropose cet article à l’ostéopathe moderne.

onflit d’intérêt

ucun.

éférence

1] Penney JN. The biopsychosocial model of pain and contemporaryosteopathic practice. Int J Osteopath Med 2010;13:42—7.

Florentin ClèreConsultation pluridisciplinaire de la douleur,

centre hospitalier, 216, avenue de Verdun, 36000Châteauroux, France

Adresse e-mail : [email protected]

Disponible sur Internet le 23 octobre 2010

oi:10.1016/j.douler.2010.09.004

’expérience de la douleur et saédicalisation

ain experience and its medicalization

orsque qu’une personne dit « j’ai mal », elle a tendance àroire que sa représentation de la douleur est universelle.ans son ouvrage La douleur, expérience et médicalisation,ean-Claude Fondras prouve le contraire en nous faisantoyager dans des univers très différents [1]. L’historien, lehilosophe, le scientifique ont chacun leur propre définitione la douleur. De même, chaque personne percoit la douleure manière individuelle. De ce fait, le médecin aura unerise en charge différente de celle de son collègue ; la per-onne qui présente une douleur aura une attente différentee celle de son voisin. La première partie de cet ouvrage,ntitulée « Des phénomènes aux concepts », expose diffé-ents points de vue scientifiques (biologie, neurosciences)t philosophiques (antique, classique). De leurs divergencesécoulent toujours plus de questions. La douleur est-elleoujours localisable ? Est-elle un état fonctionnel ? Est-ellene subtile rencontre entre le corps et l’esprit ? La secondeartie, intitulée « L’épreuve et sa réplique », s’appuieur l’anthropologie, la phénoménologie et l’expérience dea douleur vécue par des philosophes et des écrivains.orsqu’elle se répète dans le temps (l’auteur parle deréplique de la douleur »), la douleur ne se réduit plus à sa

onction initiale de signal d’alarme, elle devient souffrance.ace à elle, l’individu met en place ses propres « répliquesla douleur » : ces réactions sont extrêmement variables

faibles, fortes, actives, passives). Ainsi Nietzsche, qui

’inscrit dans l’action (allant jusqu’à proposer d’amputerour tenter de supprimer la douleur) et les épicuriensqui estiment pouvoir être heureux malgré la douleur) sonteux exemples parmi d’autres. La dernière partie, intituléeMédecine de la douleur, douleur de la médecine », explique
Page 2: L’expérience de la douleur et sa médicalisation

lapmpCndéédpemcfdttonDfcstpddmldlCs[cpdessniacloalmepeaeh

Actualités

la difficulté d’évaluer et de comprendre la douleur del’autre. Dans tous les cas, l’empathie doit aller de pair avecla démarche scientifique et l’évaluation quantitative (pardes « réglettes ») doit être complétée par une évaluationqualitative. Problématique complexe, la douleur chroniquea mis du temps pour bénéficier d’une approche spécifique,grâce à des structures spécialisées. Revers de la médaille, ladiversité des pratiques professionnelles a favorisé chez lespatients l’algophobie, donc l’attente d’une douleur zéro,véritable « image inversée du dolorisme ». Cette algophobiepousse au nomadisme médical car le patient est en quêted’un miracle. Qui plus est, douleur chronique et maladiegrave sont souvent associées. Dans un tel contexte, la priseen charge de la douleur peut devenir un motif « de suren-chère entre les différentes professions » : le développementparallèle des soins palliatifs et des soins de support en estune illustration. Au final, la douleur reste une probléma-tique complexe, malgré les progrès scientifiques et risquede le rester encore longtemps. Cet ouvrage propose un véri-table décodeur à tous ceux qui ont l’impression de faire faceà une chaîne cryptée. Sans ce décodeur, l’expression « j’aiune douleur » ne pourrait-elle être remplacée dans le futurpar « j’ai une décharge de mes fibres C » ? Ne courrons pasce risque : lisons Jean-Claude Fondras.

Conflit d’intérêt

Aucun.

Référence

[1] Fondras JC. La douleur. In: Expérience et médicalisation. Paris:Les Belles Lettres; 2009.

Florentin ClèreConsultation pluridisciplinaire de la douleur,

centre hospitalier, 216, avenue de Verdun, 36000Châteauroux, France

Adresse e-mail : [email protected]

Disponible sur Internet le 23 octobre 2010

doi:10.1016/j.douler.2010.09.003

Fibromyalgie et psychiatrie : quoi de neuf ?

Fibromyalgia and psychiatry: What’s new?

Les annales médicopsychologiques ont récemment publié unétat des connaissances actuelles sur les interactions entrepsychopathologie et syndrome fibromyalgique (SF) [1]. Lediagnostic de SF repose sur une triade associant des douleursspontanées, provoquées et des signes associés (asthénie ettroubles du sommeil principalement). Les critères diagnos-tics définis par l’American College of Rheumatology (ACR),depuis 1990, insistent sur la présence de douleurs diffusesdepuis au moins trois mois et de douleurs à la palpation

digitale d’au moins 11 des 18 points douloureux spécifiques[2]. Les auteurs insistent sur l’intérêt pour le malade demettre un nom sur son affection afin d’enrayer le nomadismemédical et de renforcer l’alliance thérapeutique avec un oudes interlocuteurs privilégiés. Ils recommandent d’utiliser

ttlrp

327

e terme de « syndrome polyalgique diffus de type fibromy-lgique », diagnostic plus intégratif et moins stigmatisantour le malade [3]. Les troubles du sommeil objectivésontrent une diminution du temps passé en sommeil longrofond et paradoxal et de multiples réveils nocturnes [3].e dernier élément rendrait compte de l’asthénie chro-ique et des douleurs musculaires. Les études montrentes épisodes dépressifs majeurs ou des antécédents de telspisodes dans 50 % des cas avec également dans certainestudes une prévalence de la dysthymie [4,5]. Les auteurséplorent un manque d’intérêt à ce jour dans la littératureour le spectre bipolaire et recommandent une discussionntre les stratégies de coping de type hypomane parfoisobilisées face à la douleur et une décompensation psy-

hopathologique. Les troubles anxieux seraient égalementréquents : état de stress post-traumatique (antécédents’abus, violences sexuelles), trouble anxieux généralisé etrouble panique. Ils s’interrogent sur la dernière classifica-ion du CIM 10 (Classification internationale des maladies)ù les troubles somatoformes recoupent en leur sein le diag-ostic de « syndrome douloureux somatoforme persistant ».e nombreux recoupements nosographiques pourraient êtreaits avec le SF [6]. Les auteurs insistent sur l’absence àe jour de profil de personnalité « type » chez les patientsouffrant de SF. Contrairement à certaines représenta-ions sociales, les personnalités « histrioniques » ne sontas sur représentées au sein de cette population. Cepen-ant, au moins un trouble de la personnalité serait retrouvéans 46,7 % des cas avec comme prévalence, du plus auoins fréquent : la personnalité obsessionnelle, border-

ine et dépressive [5]. Guitteny et al. rappellent l’intérêtes échelles d’évaluation biopsychosociale au regard de’hétérogénéité et de la complexité de cette population.oncernant l’étiopathogénie, un continuum entre la dépres-ion et la douleur a pu être proposé par certains auteurs2] : prédisposition aux affects négatifs (catastrophisme etonduites d’évitement) et mobilisation difficile des affectsositifs. L’incapacité fonctionnelle et la prise de consciencee la maladie seraient plus dépressiogènes que la douleurlle-même. Les hypothèses physiopathologiques actuelles’orientent vers un dysfonctionnement du processus deécrétion de l’adrénaline (burn-out biologique du systèmeerveux autonome). Les théories dites « périphériques »,mpliquant le muscle, sont actuellement mises de côtéu profit du concept, introduit en 2008, par Yunus deentral sensitivity syndrome [7]. Quant aux théories psycho-ogiques principalement axées sur un équivalent dépressifu somatoforme, elles restent très controversées. Aprèsvoir dégagé des facteurs de bon et de mauvais pronostic,es auteurs évoquent l’approche pluridisciplinaire recom-andée pour ces malades depuis 2008 par l’EULAR (Ligue

uropéenne contre le rhumatisme) [3]. L’accompagnementsychologique demeure le pivot de la prise en chargen favorisant l’acceptation, l’adaptation et une démarchective du patient face à son affection : thérapie cognitivet comportementale, éducation thérapeutique, relaxation,ypnose et psychothérapie de soutien. Enfin, les auteurs

erminent leur exposé en démontrant l’intérêt des trai-ements antidépresseurs du fait de leur triple action sura dépression, les troubles du sommeil et la douleur etecommandent d’éviter les prescriptions de benzodiazé-ines.