23
L'HABITAT DE BEAUNE INTRA-MUROS UN ESSAI DE TYPOLOGIE DES SYSTEMES DE DISTRIBUTION par Virginie INGUENAUD Restreint à l'intra-muros, le repérage de l'habitat, effectué dans le cadre d'une étude du service régional de l'inventaire de Bourgogne 1 fut tributaire des conditions d'accessibilité des demeures : ouvertes avec possibilités d'accès partiel ou total aux parties distributives, fermées, inhabitées 2 . Cet état de fait trouva naturellement son pendant dans les données recueillies pendant le repérage. Les 662 demeures ayant fait l'objet d'une fiche sur le terrain sont donc informées avec plus ou moins de précision : si certaines rubriques ont pu être systé- matiquement remplies (localisation, forme, situation et largeur du fonds, matériaux, organisation et datation de la façade principale), d'autres l'ont été de façon aléatoire (composition et datation d'en- semble, distribution). Néanmoins, d'après les méthodes employées en statistiques, les données recueillies 3 sur un large échantillon représen- A.D.C.O. : archives départementales de Côte-d'Or A.C. Beaune : archives communales de Beaune B.M. Beaune : bibliothèque municipale de Beaune 1. Les dossiers qui rendent compte de cette étude sont conservés à la Direction Régionale de Affaires Culturelles de Bourgogne, service régional de l'inventaire (39-41 rue Vannerie, 21000 Dijon) où ils sont librement consultables. 2. Il fallait aussi respecter la propriété privée et la volonté de tranquillité des résidents. Que soient ici chaleureusement remerciées les personnes m'ayant facilité l'accès aux édifices ainsi que mes collègues dont les conseils et l'aide ont toujours été précieux : Monique Chatenet, Georges Coste, Bernard Gauthiez et Thierry Lochard pour la méthode, le traitement des données et leur analyse, Alain Morelière pour l'illustration graphique et Michel Thierry pour la couverture pho- tographique et la reproduction des documents anciens. 3. exploitées grâce au logiciel Excel, en mode bases de données (et non pas calcul comptable) © Mémoires de la Commission des Antiquités de la Côte-d'Or, T. XXXIX, 2000-2001, p. 207-229.

L'HABITAT DE BEAUNE INTRA-MUROS UN ESSAI DE … CACO/1832...L'HABITAT DE BEAUNE INTRA-MUROS UN ESSAI DE TYPOLOGIE DES SYSTEMES DE DISTRIBUTION par Virginie INGUENAUD Restreint à l'intra-muros,

  • Upload
    others

  • View
    3

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

L'HABITAT DE BEAUNE INTRA-MUROSUN ESSAI DE TYPOLOGIE

DES SYSTEMES DE DISTRIBUTION

par Virginie INGUENAUD

Restreint à l'intra-muros, le repérage de l'habitat, effectué dansle cadre d'une étude du service régional de l'inventaire de Bourgogne1

fut tributaire des conditions d'accessibilité des demeures : ouvertesavec possibilités d'accès partiel ou total aux parties distributives,fermées, inhabitées2. Cet état de fait trouva naturellement son pendantdans les données recueillies pendant le repérage. Les 662 demeuresayant fait l'objet d'une fiche sur le terrain sont donc informées avecplus ou moins de précision : si certaines rubriques ont pu être systé-matiquement remplies (localisation, forme, situation et largeur dufonds, matériaux, organisation et datation de la façade principale),d'autres l'ont été de façon aléatoire (composition et datation d'en-semble, distribution). Néanmoins, d'après les méthodes employées enstatistiques, les données recueillies3 sur un large échantillon représen-

A.D.C.O. : archives départementales de Côte-d'OrA.C. Beaune : archives communales de BeauneB.M. Beaune : bibliothèque municipale de Beaune

1. Les dossiers qui rendent compte de cette étude sont conservés à laDirection Régionale de Affaires Culturelles de Bourgogne, service régional del'inventaire (39-41 rue Vannerie, 21000 Dijon) où ils sont librement consultables.

2. Il fallait aussi respecter la propriété privée et la volonté de tranquillité desrésidents. Que soient ici chaleureusement remerciées les personnes m'ayantfacilité l'accès aux édifices ainsi que mes collègues dont les conseils et l'aide onttoujours été précieux : Monique Chatenet, Georges Coste, Bernard Gauthiez etThierry Lochard pour la méthode, le traitement des données et leur analyse, AlainMorelière pour l'illustration graphique et Michel Thierry pour la couverture pho-tographique et la reproduction des documents anciens.

3. exploitées grâce au logiciel Excel, en mode bases de données (et non pascalcul comptable)

© Mémoires de la Commission des Antiquités de la Côte-d'Or, T. XXXIX, 2000-2001, p. 207-229.

2 0 8 VIRGINIE INGUENAUD

tatif (339 individus) ont pu être extrapolées à l'ensemble du corpus4,avec certes une marge potentielle d'erreurs mais cependant minime,à l'instar des sondages dont les médias sont coutumiers...

1. PARTI D'ENSEMBLE ET MATÉRIAUX CONSTITUTIFS DES DEMEURES

Quelques données générales, collectées systématiquement, per-mettent d'appréhender rapidement le parti d'ensemble des demeuresavant d'aborder la question des schémas distributifs.

a) Le nombre de corps de logis

II existe 73,50 % de logis à corps unique (soit les 3/4) contre26,50 % (1/4) de logis à 2 corps (20%) ou plus (6,5%)

b) L'orientation du logis

Indépendamment du nombre de corps, 90 % des logis possèdentleurs façades principales orientées vers la rue (et en alignement avecles voisines). Seuls 10 % des logis voient leurs façades principalesprendre le jour vers un espace libre, qu'il soit cour ou jardin.

4. Pour le dynamisme de la construction privée dans le temps (constructionsnouvelles ou reprises de façades de maisons plus anciennes) en lien ou non avecla formation du tissu urbain de l'actuel intra-muros beaunois, voir INGUENAUD

(Virginie), " L'habitat de Beaune intra-muros : quelques éléments pour com-prendre le contexte ", Mémoires de la commission des antiquités de Côte-d'Or, t.XXXVIII, 1997-1999, p. 269-290.

Le bâti tel que nous le connaissons est dans sa quasi totalité postérieur detrois siècles ou plus à l'apogée médiévale. La plupart des gros-oeuvres médiévauxont été remplacés après 1500, ils auront duré de trois à six siècle environ, lesderniers ayant été remplacés au XIXe siècle. Les reprises de façade interviennentde l'ordre de deux siècle après la construction, soit peut-être à mi-vie des édificesconcernés, et il ne s'agit bien souvent que d'un simple placage. La longévité desmaisons en est certainement en partie faussée, mais dans une proportion difficileà mesurer. En effet, l'état du parc bâti actuel est fortement déterminé par l'ampleurde la crise de la fin des 14e-15e siècles, dont la conséquence est une constructionactive une fois la stabilité retrouvée. Dans une période plus prospère, l'entretienest assuré plus régulièrement, l'âge est alors un facteur peut-être moins détermi-nant pour la reconstruction.

L'HABITAT DE BEAUNE INTRA-MUROS 209

c) Les matériaux de gros-oeuvre des façades principales

Celles-ci se composent principalement de moellons enduits(86,5 %). La pierre de taille n'est pas absente mais reste peuemployée (9 %), tandis que les matériaux composites modernes(1,5 % de briques, parpaings etc.) sont en concurrence avec le rare(ce sont là les aléas de l'histoire) pan de bois (1,5 %, ce qui confèreaujourd'hui aux demeures concernées la valeur d'" unica ").

La qualification de la demeure n'a aucune incidence quant àl'emploi de tel ou tel matériau plus noble qu'un autre pour la façadeprincipale, car, paradoxalement, l'emploi de la pierre de taille estbien plus fréquent pour les maisons de petit module que pour lesdemeures de qualité et les hôtels.

2. MAISONS SIMPLES ET DEMEURES DE QUALITÉ :RÉPARTITIONS DES ÉLÉMENTS DISTRIBUTIFS

La taille du fonds ainsi que sa forme et son emplacement condi-tionnent naturellement l'ampleur ou non, ainsi que la disposition duou des logis. Ainsi certaines demeures deviennent-elles représenta-tives d'un type donné auquel il convient de se référer pour avoir unevision globale du type en question. Il est bien entendu que ne sontprésentées plus bas que les principales familles, certaines formulesdistributives se trouvant " à cheval " sur plusieurs (cas des demeuresavec entrées décentrées). Concernant les corps de logis, les termes" étroit ", " plus large " et " large " renvoient respectivement auxdimensions suivantes : moins de 6 mètres, de 6 mètres (inclus) à 9mètres (non inclus), 9 mètres et plus5.

5. Au niveau de la fiche de repérage, la rubrique " largeur " fut systémati-quement et objectivement remplie à partir de données concrètes collectées pourl'ensemble du corpus. Mais, pour le traitement informatique et statistique de cesdonnées, la rubrique comportait un trop grand nombre de variables (une trentaine).Pour y remédier, il a fallu construire des classes, c'est à dire convertir en variablesdiscontinues (ou variables qualitatives) des variables continues (ou variablesquantitatives). Ainsi des classes de largeur ont-elles pu être définies : moins de 6m, de 6 m (inclus) à 9 m (non inclus), à partir 9 m.

Si les classes ont été construites de façon pertinente, on doit retrouver sen-siblement la même proportion d'individus, indépendamment du nombre total d'in-dividus considérés, soit à l'échelle d'échantillons, soit à l'échelle de l'ensemble ducorpus. Ce principe s'est ici vérifié au fur et à mesure de la progression del'enquête.

210 VIRGINIE INGUENAUD

Maisons

2 0 % 7,5 %

X

2 %

A

7,5 %

dont 0,3%

Demeures de qualité 2 %

A

•8,0% dont 0,3%

Logis : Cour

Escalier

Cheminement piéton

Cheminement cocher

Fig. 1- typologie de l'habitat :

système de distribution des maisons etdemeures de qualité à corps de logis unique

L HABITAT DE BEAUNE INTRA-MUROS 211

7,5 % 7,5 %

0,6 %

0,3 %

! ! Logis Cour

Escalier

Cheminement piéton

Cheminement cocher

0,3 %

Fig. 2 - typologie de l'habitat :

système de distribution des maisons etdemeures de qualité à deux corps de logis

2 1 2 VIRGINIE INGUENAUD

a) Les édifices à corps de logis unique (fig. I )

- le logis est étroit,- l'entrée est latérale, c'est une porte piétonne qui ouvre- sur un couloir conduisant à l'escalier (avec ou sans espacelibre derrière) : 67, soit 20 %- directement sur l'escalier : 26, soit 7,5 %- sur un couloir conduisant à l'espace libre puis à l'escalier : 6,soit 2 % (1,8%)

- le logis est plus large,- l'entrée est centrale, c'est une porte piétonne qui ouvre

- sur un couloir conduisant à l'escalier (avec ou sansespace libre derrière) : 25, soit 7,5 %- directement sur l'escalier : 7, soit 2 % (voir ci-dessous lamaison dite " du colombier ")

La maison dite " du colombier ", à l'angle des rues CharlesCloutier et Edouard Fraisse

Cette maison du début du 16e siècle, qui conserve encore sesvolumes et son système distributif d'origine, a été plusieurs foisremaniée : implantation d'une tourelle en poivrière6 à la fin du 16°siècle (couronnant sans doute une campagne de rénovation carl'édifice était décrit en très mauvais état en 1574 et I5767), remanie-ment des baies (avec enlèvement des meneaux et / ou des linteaux enarc en accolade) aux 17e et 18e siècles.

Edifices dont les proportions se rapprochent d'un hôtel, maisdont l'accès n'adopte pas les caractéristiques (voir plus bas) :- le logis est large

- il y a deux entrées : une entrée piétonne et une entrée cochèreCes édifices, au nombre de 52, soit 8 % (sur le total du corpusde 661 édifices), sont plutôt des maisons de négociants en vins(d'où l'importance des communs8) ou de personnes à larecherche de notabilité, cette dernière catégorie étant à l'origine

6. A comparer avec celles de l'hôtel Berbis, 16 place des Ducs et de lamaison Millière, 52 rue de la liberté, à Dijon. GUIXZYNSKI (Henri-Stéphane), L'ar-chitecture à Dijon de 1540 à 1620 [thèse de doctorat, université de Paris IV, 1997].Villeneuve d'Asc : presses universitaires du Septentrion, 1999.

7. A.C. Beaune, D archives Delissey I : Delissey (Joseph), la maison dite leChâteau-Gaillard en 1574 et 1576.

8. Cette question ne sera pas développée ici.

L'HABITAT DE BEAUNK INTRA-MUROS 213

de la construction ou du remaniement des deux demeures pré-sentées plus bas.

- l'entrée principale est centrale, c'est une porte piétonneou bâtarde qui ouvre

- sur un couloir conduisant à l'escalier, avec ensuiteaccès à l'espace libre : 1, soit 0,3 % (voir ci-dessousl'ancienne maison canoniale de la place Marey)- sur un vestibule où se trouve l'escalier, avec ensuiteaccès à l'espace libre : I, soit 0,3 % (voir ci-dessousla maison Moyne)

L 'ancienne maison canoniale, 9 bis place Marey1'La façade sur rue de cette maison de la fin du 15e siècle ou du

début du 16° siècle aux volumes importants, ayant appartenu auchapitre de la collégiale Notre-Dame de Beaune, a été refaite dans lecourant du 18e siècle (baies avec linteaux délardés). Mais la façadesur cour conserve en partie son organisation primitive, quoiquerestaurée au 19L> siècle. Vendue comme bien national, il fut unmoment envisagé (en 1790 et 1791) d'y installer l'administration dudistrict de Beaune. Mais le projet resta sans suite. Le jardin quiprolonge la cour avait autrefois un accès à la Bouzaise. Il fut amputéde 100 m2 en 1898 pour raison d'alignement car la rivière venaitd'être recouverte pour l'aménagement de l'avenue de la République.

La maison Moyne, 40 rue Maufoux10

Le 13 août 1780, Jean et Louis Moyne (père et fils) se rendentadjudicataires d'une partie du bastion Bretonnière. Ils y fontconstruire peu après une vaste demeure dont Louis, entrepreneur, estvraisemblablement aussi l'architecte.

L'austère façade de cette demeure est la seule à Beaune, avecl'hôtel du 35 rue de Lorraine, qui puisse, tant dans son élévation quedans son aspect, renvoyer discrètement au néoclassicisme, la seuleornementation consistant au rez-de-chaussée en un bossage continuen pierre de taille.

9. INGUHNAUD (Virginie), " 28 pluviôse an V1I1 - 17 février 2000 : à proposdu bicentenaire de la création du cors préfectoral. Parcours parmi les édificesbeaunois ayant abrité des bureaux de l'administration de l'Etat ", Centre beaunoisd'études historiques, recueil de travaux, t. 18, 2000, p. 49-62.

10. Id. , " L'habitat de Beaune intra-muros : quelques éléments pour com-prendre le contexte ", Mémoires de la commission des antiquités de Câte-d'Or,t. XXXV111, 1997-1999, p. 269-290. Id. , " Les fortifications de Beaune aux 18"-' et19° siècle : d'éléments défensifs à sujets de polémique ", Centre beaunois d'étudeshistoriques, recueil de travaux, l. 20, 2002. p. 64-82.

214 VIRGINIE INGUENAUD

b) Les édifices à deux corps de logis reliés par une galerie (fig. 2)

II y a donc une cour et le fonds est bien souvent traversant (dansce cas l'entrée secondaire est piétonne) :- le logis est étroit ou plus large,

- l'entrée est latérale, c'est une porte piétonne qui ouvre- sur un couloir conduisant à l'escalier puis à l'espacelibre (25, soit 7,5 %) (voir ci-dessous la maison 18rue de Lorraine)- sur un couloir conduisant à l'espace libre puis àl'escalier (25, soit 7,5 %) (voir ci-dessous la maison22 rue de Lorraine)

La maison 18 rue de LorraineLe décor de la façade principale, sur rue, daté par une inscrip-

tion de 1577, est traditionnellement attribué à Hugues Sambin". Uneautre inscription côté cour, qui se retrouve presque à l'identique dansune maison de Bourg-en-Bresse12, a parfois conduit à penser que lamaison beaunoise avait été le siège d'une société littéraire dans lecourant du 16e siècle. L'ensemble a été très remanié pour être fonc-tionnalisé selon les normes actuelles.

Le décor de sa façade est le seul à Beaune à faire autant d'em-prunts aux motifs chers à Hugues Sambin et à ses épigones. L'uniquelucarne concentre l'essentiel du décor : couverte d'un fronton cintréorné de denticules sur son pourtour et d'un mufle de lion en soncentre13 (ce fronton étant lui-même sommé d'un obélisque), elle estépaulée par deux termes pour lesquels quelques demeures dijon-naises peuvent offrir des points de comparaison14.

11. GARNIER (N.), " Contribution à l'histoire de Hugues Sambin ", Mémoiresde la Société Bourguignonne de Géographie et d'Histoire, t. VII, 1891, p. 108,note 1.

12. AUBERTIN (Charles), Remarques sur l'analogie de deux inscriptions envers latins à Bourg-en-Bresse et à Beaune. Beaune, 1899.

13. A comparer avec l'ornementation des baies de l'étage supérieur de lamaison Milsand rue des Forges ( 1561 ) et de celles de la maison Malyon, rue Chau-dronnerie à Dijon. Lire, au sujet de ces demeures, GULCZYNSKI (Henri-Stéphane),Op. cit.

14. La maison Milsand, rue des forges (1561), la maison Malyon, rue Chau-dronnerie (3e quart 16e siècle), la maison Maillard, place Notre-Dame (années1560-1570), la maison des Cariatides 28 rue Chaudronnerie (4e quart 16e siècle),la maison dite du grand saint Antoine rue de la manutention (1580). Lire, au sujetde ces demeures, GULCZYNSKI (Henri-Stéphane), Op. cit.

L'HABITAT DE BEAUNE INTRA-MUROS 215

Les larges baies en plein cintre du rez-de-chaussée (rétréciesaujourd'hui) servaient d'ouvertures à une boutique.

La maison 22 rue de LorraineCet édifice est peut-être plus ancien que ne le laisse supposer

son décor de façade subsistant, datable par son style de la limite des16e et 17e siècles. Néanmoins, la datation de l'escalier ouvert, en bois,pourrait correspondre. N'ayant qu'un côté sur rue, ce fonds possèdenéanmoins deux cours. La façade sur rue a été remaniée plusieursfois, dont une en 1855, dans sa partie supérieure.

Le rez-de-chaussée concentre la totalité du décor ancien15,autour des larges baies en plein cintre, aujourd'hui rétrécies, mais quiservaient d'ouvertures à une boutique.

- le logis est plus large,- l'entrée est centrale, c'est une porte piétonne qui ouvre

- sur un couloir conduisant à l'espace libre puis à(aux) l'escalier (s) : 2, soit 0,6 %

Les deux seuls individus composant cette famille sont lesmaisons des 8 rue de Lorraine (une galerie) et 9 rue Monge(2 galeries).

3. LES HÔTELS

C'est paradoxalement ce qu'on ne peut pas observer depuis lavoie publique qui assoit une demeure. Celle d'une personne dequalité (ou qui veut s'en donner les apparences) se doit de posséderune entrée cochère pour laisser passer les équipages ou, du moins lesvoitures et les chevaux dételés, mais ne saurait posséder un accès aucorps de logis immédiatement depuis la voie publique. C'est doncune fois passée l'entrée cochère (donc la seule visible depuis la rue,qu'elle soit un portail dans clôture ou un passage d'entrée), que l'ontrouve l'entrée piétonne, dissimulée aux regards du commun par voiede conséquence.

15. Communs avec l'ornementation des pièces de mobilier, les motifs sou-lignant l'ouverture des baies se retrouvent employés à Beaune à la maison 1 ruePasumot, datée par inscription de 1586, à la maison 15 place Fleury ainsi que danscertains éléments architecturaux déposés au musée lapidaire installé dans lebeffroi (ne se visite pas).

216 VIRGINIE INGUENAUD

A

3 %

A

1,2%

A

1,5%

A

0,3 %

X >hv

| Logis | | Cour

Escalier

• Cheminement piéton

s* Cheminement cocher

Fig. 3 - typologie de l'habitat :

système de distributiondes hôtels à corps de logis unique

L HABITAT DE BEAUNE INTRA-MUROS 217

;

A

0,6 %

Fig. 4 - typologie de l'habitat :

système de distributiondes hôtels à corps de logis unique (suite)

0.3 %

Tx

; Logis ! | Cour

EscalierCheminement piéton

' Cheminement cocher0,3 %

218 VIRGINIE INGUENAUD

a) Les édifices à corps de logis unique (fig. 3 et 4)

- le logis est large et sa façade principale, prenant le jour vers la rue,se trouve en alignement avec les voisines,

- l'entrée est latérale, c'est une porte cochère qui ouvre (fig. 3) :- sur un passage d'entrée depuis lequel on accède à l'esca-lier (avec espace libre derrière) : 6, soit 3 % (voir ci-dessous l'exemple de l'hôtel de Bray)- sur un passage d'entrée conduisant à l'espace libre puis àl'escalier : 4, soit 1,2 %

L'hôtel de Bray, 35 rue de LorraineCet hôtel construit vers le milieu du 18e siècle pour la famille de

la Mare d'Aluze16 sur un large fond, réunion de plusieurs parcellesétroites héritées d'un lotissement médiéval (comme ce que l'onobserve tout au long de la rue), fut acquis par la ville de Beaune en1947 pour y installer l'école des Beaux Arts17.

Son élévation extérieure austère annonce le néo-classicisme.L'ampleur de l'escalier principal, exceptionnelle à Beaune (avec celuide l'hôtel de Montille 12 rue Maufoux, voir plus bas) en fait uneparfaite illustration de la définition du Dictionnaire d'architecturecivile et hydraulique d'Auguste-Charles d'Aviler : " escalierprincipal ou grand escalier. C'est l'escalier le plus spacieux qui nesert qu'à monter aux plus beaux appartements d'une maison. Cetescalier ne passe pas ordinairement le 1er étage. La moindre largeurqu'on puisse lui donner est de quatre pieds, deux personnes nepouvant monter ou descendre dans un moindre espace sans se nuirel'une à l'autre ".

- l'entrée est centrale, c'est une porte cochère qui ouvre (fig. 3) :- sur un passage d'entrée depuis lequel on accède à l'escalier(avec espace libre derrière, et entrée secondaire égalementcochère) : 5, soit 1,5 % (Voir ci-dessous l'hôtel Berbis et l'hôtelGauvain)

L'hôtel Berbis, 24 rue de LorrainePropriété de l'hospice de la Charité depuis le 2e quart du 19e

siècle (la famille Fouquerand ayant fait une donation en 2 parties),

16. B.M. Beaune, FL II 729 : DELISSEY (Joseph), Les anciennes famillesnotables de Beaune. Manuscrit sans date [vers 1960-1970].

17. A.C. Beaune, M IV § 18.

L'HABITAT DE BEAUNE INTRA-MUROS 219

cette vaste demeure du début du 16e siècle était, sous l'ancien régime,la propriété de la famille Berbis de Corcelles18, dont un des membresfut chanoine de la collégiale Notre-Dame de Beaune au 18e siècle19.L'ensemble a été plusieurs fois remanié. Notons cependant, lors de laréfection de la façade au 18e siècle (nouveau porche, appuis en ferforgé aux fenêtres), un rare respect de l'ancienne ordonnance : lesfenêtres n'ont pas été retaillées, seuls les meneaux centraux ontdisparus (mais on en voit toujours le départ). L'ensemble possède uneseconde issue vers la rue Jean Belin.

L'ampleur de la façade côté rue de Lorraine est très rare àBeaune : le mur est tellement allégé que le vide des baies occupe plusde place que le plein de la maçonnerie. Mais si cette formule apparaîtnovatrice dans son contexte, le vocabulaire employé, variationsautour de l'arc en accolade, est lui redevable au moyen âge finissant.On retrouve un parti de façade identique et contemporain à la maisonPétral (9 place Monge), à la maison voisine (11 place Monge), etavec moins d'ambition au 32 place Monge.

La dissymétrie de l'organisation de la façade du 16e siècletémoigne de la réunion de deux maisons en une seule. L'ensemble estracheté par les lucarnes avec linteaux en arc segmentaire du 18e

siècle implantées régulièrement.

L'hôtel Gauvain, 7 place Carnot20

L'hôtel fut construit vers le milieu du 18e siècle pour Jean-EdmeGauvain, écuyer, et Marie Arthauld son épouse, ou plus vraisembla-blement pour leur fils François-Bernard-Claude (1739-1805), car lesinitiales CG entrelacées sont sculptées au dessus du porche del'entrée d'apparat côté place Carnot (l'issue de service de ce fonds en" L " donne sur la rue Vergnette de la Motte). Resté sans enfants,celui-ci légua par testament du 3 fructidor an XII (21 août 1804) lademeure familiale à l'hospice de la Charité, en laissant l'usufruit à sa

18. B.M. Beaune, FL II 729 : DELISSEY (Joseph), Les anciennes famillesnotables de Beaune. Manuscrit sans date [vers 1960-1970].

19. Celui-ci habitait la maison canoniale aujourd'hui 3, rue d'Enfer.INGUENAUD (Virginie), " Les particuliers face à l'administration : à propos d'ali-gnements à Beaune au 18e siècle ", Centre beaunois d'études historiques, recueilde travaux, t. 19, 2001, p. 41-64.

20. INGUENAUD (Virginie), " 28 pluviôse an VIII - 17 février 2000 : à proposdu bicentenaire de la création du corps préfectoral. Parcours parmi les édificesbeaunois ayant abrité des bureaux de l'administration de l'Etat ", Centre beaunoisd'études historiques, recueil de travaux, t. 18, 2000, p. 49-62.

220 VIRGINIE INGUENAUD

veuve, Marie-Thérèse Courtot (1759-1818), sa vie durant. L'autori-sation nécessaire à l'hospice pour accepter ce legs fut délivrée par undécret impérial en date du 19 avril 1806. En 1962, l'hospice se séparade cet ensemble qui abrite aujourd'hui, entre autres, le syndicat desnégociants en vin de Bourgogne.

Un projet de 182721 resté sans suite prévoyait d'y installer lasous-préfecture, locataire à cette date de l'hôtel de Montille.

En dépit des devantures des magasins installés au rez-de-chaussée, l'élévation de la façade principale du 18e siècle côté placeCarnot est restée bien lisible : ici, comme ailleurs pour les demeuresde qualité, c'est le 1er étage que l'on privilégie, avec de grandesfenêtres aux allèges basses et ornées de garde-corps en fer forgé.

- sur un passage d'entrée conduisant à l'espace libre puis à l'es-calier (Fig. 3) : 1, soit 0,3 % (voir l'unique exemple ci-dessous)

21. L'hôtel est ainsi décrit : " Nous soussigné Emiland Dorey-Maldantarchitecte des hospices de la ville de Beaune, et Jean Baptiste Tréboul voyer de ladite ville, le premier expert nommé par l'administration des hospices, le secondpar arrêté de monsieur le sous-préfet de l'arrondissement de Beaune à la date du19 janvier dernier, à l'effet de procéder contradictoirement à l'estimation d'unemaison appelée l'hôtel Gauvain appartenante à l'hospice de la Charité, certifionsque ce jourd'hui cinq février mil huit cent vingt sept nous nous sommes transportéau dit hôtel place Saint-Pierre et nous avons procédé à la visite ainsi qu'il suit :

Au rez-de-chaussée est un porche desservant un cour où sont les bâtimentsde service,

A droite en entrant sous le porche est une salle à manger et un office,A gauche deux chambres à feu et un cabinet,Derrière la salle à manger est l'escalier qui dessert le premier et le second.Au premier étage, une antichambre, une salle à manger, un salon, deux

chambres à coucher et deux cabinets; au second formant mansardes troischambres à coucher et deux cabinets,

Un grenier règne sur le tout, le bâtiment a une cave voûtée,Le premier pallier de l'escalier donne entrée à une cuisine, cabinet d'éviet

et office,Dans la cour est une cuisine, cabinet d'éviet et office, à côté une salle de

bain et un cabinet,Au dessus de la dite cuisine, deux chambres à feu et un grenier sur le tout,A côté de la cuisine est une remise, un bûcher, et une grande écurie ayant

issue sur la rue Saint-Etienne,Tous ces bâtiments sont bien construits en pierre, couverts partie en ardoise

et partie en tuiles, le tout en bon état ainsi que les distributions.C'est pourquoi nous les avons estimé valoir la somme de 34 000 francs "

(A.D.C.O., IV N IV article 11 : administration et comptabilité départementales,sous préfecture de Beaune, bâtiments)

L HABITAT DE BEAUNE INTRA-MUROS 221

VX

0,3 % 0,3 % 0,3 %

Logis Cour

Escalier

•• Cheminement piéton

[ j > Cheminement cocher

Fig. 5 - typologie de l'habitat :

système de distribution des hôtelsà un ou deux corps de logis

2 2 2 VIRGINIE INGUENAUD

L'hôtel 14 rue des TonneliersEdifice du 17e siècle distribué de façon archaïsante par un

escalier en vis implanté dans une tourelle quadrangulaire contre lafaçade côté cour. La façade sur rue a été entièrement reprise dans lecourant du 18e siècle. L'ensemble possédait autrefois un second accèspour la desserte côté rue de l'enfant (ancienne rue Saint-Etienne).

- le logis est large, implanté " entre cour et jardin " (fig. 4). La courest séparée de la voie publique par un portail dans clôture. L'accès aulogis s'effectue depuis la cour :

- l'entrée est centrale, c'est une porte bâtarde qui ouvre- sur un vestibule où se trouve l'escalier : 2, soit 0,6 %(ce sont l'hôtel de la Mare 9 rue Marey22, et l'hôtel deMontille 12 rue Maufoux)

L'hôtel de Montille, 12 rue Maufoux23

Pierre Brunet, baron de Chailly et Cercey, conseiller auParlement de Paris en 1686 et président en la Chambre des Comptesde Paris en 1702, est probablement le commanditaire de cet hôtelconstruit à la fin du 17e ou au début du 18e siècle, qui faillit devenir(en 1737) le logement du commandant militaire. C'est à cetteoccasion que le beaunois Denis Quinard leva des plans qui donnentl'état de l'édifice à cette date. Un autre projet plus ambitieux, sans

22. Propriété, à la fin du 18e siècle, du chanoine de la Mare, cette demeureest décrite, au moment de la Révolution, comme " occupée par JeanneChavansot...laquelle maison consiste dans une porte cochère, avec un treige àdroite et à gauche, devant sont trois chambres à feu et six cabinets au rez-de-chaussée, sous lesquelles sont trois caves voûtées dont l'une peut contenir centpièces de vin, l'autre cinquante et la troisième trente à quarante pièces, cinqchambres hautes dont une antichambre, trois greniers dessus, une cour à la suittede laquelle sont deux cuisines, dont l'une voûtée, trois cabinets, une remise, unpuits, des latrines, sur les dittes cuisines et remises, sont une chambre à feu, deuxcabinets, une autre grande chambre, une petite ensuitte, un grand grenier pardessus, ensemble une porte de communication à la rue de la Philosophie, le touttenant du long de devant aux héritiers Boileau, de couchant au citoyen Faupin, dubout de septentrion à la rue de l'Unité, d'autre bout du midi à la rue de la Philo-sophie " (A.D.C.O., Q 81 : biens nationaux de 2ème origine, confiscations etA.D.C.O., L413 : listes imprimées des biens des émigrés).

23. FROMAGET (Brigitte), " Histoire de l'hôtel de Montille, actuelle sous-préfecture ", Centre beaunois d'études historiques, recueil de travaux, t. 18, 2000,p. 67-82.

L'HABITAT DE BEAUNE INTRA-MUROS 223

doute commandé par le gouverneur, fut réalisé le 20 septembre 1738par Pierre Le Mousseux, collaborateur de l'architecte du roi JacquesGabriel, présent à Dijon de 1733 à 1739 pour participer à la construc-tion de l'escalier et de la chapelle des Elus au Palais des Etats.

Pierre Brunet de Chailly, comte de Serrigny, demeurant à Paris,vendit en 1737 à Jacques Pelletier, écuyer seigneur de Cléry et MarieFromageot son épouse. C'est sans doute eux puis leur fils Françoisqui firent remanier et redécorer l'hôtel pour le mettre au goût du jour.Le plan levé par Denis Quinard montre qu'en 1737 l'accès à l'étagese faisait par un escalier tournant, situé à droite. Le large escalier enpierre qui occupe actuellement une grande partie du vestibule a doncété édifié après cette date.

En 1785, l'hôtel passa par contrat de mariage à FrançoisBizouard de Montille24. C'est sans doute alors qu'il prit le nomd'hôtel de Montille. Puis la sous-préfecture s'y installa en 1815, entant que locataire. En 1827, le Conseil général du départementproposa de participer à l'acquisition d'un hôtel de sous-préfecture parla ville de Beaune. Hubert Etienne Vergnette de la Motte et sonépouse Elizabeth Bizouard de Montille, qui avait hérité de son pèrel'immeuble où se trouvait déjà la sous-préfecture, acceptèrent de levendre à la ville.

- le logis est large et implanté latéralement dans le fonds(fig. 4), il estdonc précédé d'une cour séparée de la voie publique par un portaildans clôture. L'accès au logis s'effectue depuis la cour

- l'entrée est centrale, c'est une porte bâtarde qui ouvre- sur un vestibule avec l'escalier : 1, soit 0,3 %(il s'agit de hôtel de Joursanvault 14 rue Marey)- sur un passage d'entrée conduisant à l'espace libre puis àl'escalier (entrée secondaire cochère): 1, soit 0,3 % (ils'agit de l'hôtel de Saulx)

L'hôtel de Saulx, 13 place Fleury25

La famille de Saulx, l'une des plus prestigieuse de Bourgognea l'instar de celle des Rolin, serait à l'origine de la construction, au

24. Pour l'histoire de cette famille, lire : DOLLINGER (Sonia), " Esquissed'une histoire de la maison de Montille ", Centre becumois d'études historiques,recueil de travaux, t. 18, 2000, p. 83-95.

25. DIDIER (Frédéric), " L'hôtel de Saulx à Beaune ", Congrès archéolo-gique de France, 152e session, 1994, Côte-d'Or. Paris, Société française d'archéo-logie, 1997, p. 217-224.

2 2 4 VIRGINIE INGUENAUD

15e siècle, de ce vaste hôtel. Propriété des Lorenchet de Montjamontà partir de 1590 puis des Régnier au début du 18e siècle, l'hôtel deSaulx appartint, à la fin du 19e siècle, à M et Mme Duvergey-Tabourot qui en firent don aux hospices de Beaune en 1919. Diversbâtiments d'habitation sont venus clore la cour dans le courant du 19e

siècle, remplaçant vraisemblablement d'anciens communs. Sansdoute faut-il y voir la volonté de transformer cet hôtel en immeublede rapport.

L'origine de la famille explique l'importance du bâtiment. Lapartie la plus ancienne est certainement le pavillon d'angle (2e quart15e siècle '?) qui, avec la tourelle d'escalier, assure l'articulation et ladistribution du corps de logis côté place Fleury et du corps avecgalerie d'apparat côté rue Louis Véry qui apparaît comme le fruitd'une seconde campagne (fin 15e siècle), l'ensemble formant un "L"autour d'une cour centrale. Le corps de logis regardant vers la placeFleury a été entièrement reconstruit au 17e siècle avec refonte de lafaçade en 1838 par le propriétaire d'alors, M. Chabot-Cornu26.

Côté cour, la tourelle d'escalier garde des traces de dispositionsanciennes dont une porte aujourd'hui murée qui desservait autrefoisl'étage de l'aile primitive (celle qui fut refaite courant 17e siècle) parl'intermédiaire d'une galerie de distribution en encorbellement,comme à l'hôtel des Ducs.

b) Les édifices à un ou deux corps de logis reliés par une galerie(fig. 5)

II y a deux cours et le fonds est traversant (une entrée piétonnesur la rue principale, une entrée cochère sur la rue de desserte) :- le logis est large,

- l'entrée est latérale, c'est une porte piétonne qui ouvre- sur un couloir conduisant à l'espace libre puis à l'esca-lier : 2, soit 0,60 % (voir les deux exemples correspon-dants ci-dessous)

L'hôtel Brunet, 29 rue MaufouxLe corps de logis de l'hôtel patrimonial de la famille Brunet27,

de la limite des 15e siècle et 16e siècle, conserve encore, côté cour,

26. A.C. Beaune, O I §2, article 51, n°2.27. B.M. Beaune, FL II 729 : DELISSEY (Joseph), Les anciennes familles

notables de Beaune. Manuscrit sans date [vers 1960-1970].

L'HABITAT DE BEAUNE INTRA-MUROS 225

quelques unes de ses baies d'origine. Mais la façade côté rue a étéentièrement refaite en 1860. La galerie en pierre, assurant la liaisonavec le petit corps contenant l'escalier rampe sur rampe est datée de1542 par un cartouche sculpté sur un des piliers du dernier niveau28.L'ensemble possède une seconde issue sur la rue Louis Very, pour leservice et pour le passage des véhicules autrefois hippomobiles.

La maison Pétral, 9 place Monge29

D'après une reconnaissance de rente, le marchand drapierJacques Pétral, en 1490, se déclarait propriétaire de la maison dontbeaucoup d'auteurs ont attribué à tort la construction à Jean Pétral en1522, à cause de la date inscrite sur la galerie de la première cour. Lafamille Pétral n'est pas inconnue à Beaune, mais on ignore enrevanche quels furent les liens de parenté entre Jacques et Jean. Si onpeut faire remonter la construction de cette maison au 3e quart ou 4equart du 15e siècle, rien n'empêche effectivement qu'elle ait pu êtreremaniée dans les années 1520, avec notamment l'aménagement dela galerie en pierre de la première cour et la refonte des façades.Passant entre diverses mains puis acquise par Pierre de Massol en1592, la maison est alors décrite dans des termes tels que l'on peut sedemander si elle ne tombait pas en ruine, ou si la construction n'avaitjamais été achevée. En tout cas, l'ensemble sera relevé (ou achevé) audébut du 17e siècle.

La place Monge (nom actuel) n'existe que depuis 1795, date dela démolition de l'ancien hôtel de ville. Sous l'ancien régime, lamaison Pétral prenait donc le jour sur une rue, artère commerçante,qui, depuis la porte Saint-Nicolas, menait au marché du centre de laville. Le rez-de-chaussée est toujours ouvert par deux arcades pourrecevoir une boutique, montrant bien là que la demeure combinait enun seul lieu la résidence et l'exploitation et prouvant que l'on avait àfaire à une riche famille bourgeoise, et non pas aristocratique quin'aurait pu travailler sans déroger.

Un couloir latéral donne accès à une cour au fond de la laquellese trouve un second corps de logis, ces deux corps étant distribués par

28. DAVID (H.), De Sluler à Sambin. Essai critique sur la sculpture et ledécor monumental en Bourgogne au 15'' et au 16e siècle. Paris, E. Leroux, 1933,t. Il, p. 271 et 273 note I.

29. INGUBNAUD (Virginie), " Beaune. Remarques à propos de l'hôtel Pétral,9 place Monge ", Bulletin monumental, t. 159-111, 2001, p. 9.

226 VIRGINIE INGUENAUD

une galerie sur 3 niveaux et une tourelle d'escalier. L'intégralité decette galerie, largement ouverte par des arcatures surbaissées et ornéede bustes en haut relief, est construite en pierre, chaque niveau étantvoûté d'ogives. L'ensemble est daté de 1522, ce parti se retrouvant20 ans plus tard à l'hôtel du 29 rue Maufoux (voir plus haut).

Une seconde cour, bordée de constructions dont les baiesaccusent le 17e siècle, et où figure également une galerie, donneaccès à la rue de l'enfant (ancienne rue Saint-Etienne).

Le mur de façade côté place Monge est tellement allégé que levide des baies occupe plus de place que le plein de la maçonnerie.Mais si cette formule apparaît novatrice dans le contexte beaunois, enfonction bien sur des dispositions aléatoirement conservées30, levocabulaire employé, variations autour de l'arc en accolade, est luiredevable au moyen âge finissant. On retrouve un parti de façadeidentique et contemporain à la maison voisine (11 place Monge).

- l'entrée est centrale, c'est une porte piétonne qui ouvre- sur un couloir conduisant au 1er escalier puis à l'espace libreet au 2e escalier : 1, soit 0,3 % (voir l'unique exemple ci-dessous)

L'hôtel Thiroux de Saint-Félix, 33 rue MaufouxAncienne propriété de la famille Thiroux de Saint-Félix31, dont

le gros-oeuvre, datant sans doute de la 1ère moitié du 16e siècle, futmodifié, ainsi que la distribution, courant 17e (escaliers, aspects desfaçades côté cour et côté rue etc.) . L'ensemble possède une secondeissue sur la rue Louis Very, pour le service et pour le passage desvéhicules autrefois hippomobiles.

Cet édifice est composé de deux corps de logis qui furent reliéspar deux galeries de part et d'autre de la lre cour. Ces galeries, enpans de bois mais soutenues par des colonnes en pierre portant ladate de 1542, possèdent une ornementation Renaissance, très rareà Beaune.

30. Avec les remaniements intervenus aux époques moderne et contempo-raine, il est en effet difficile d'appréhender quantitativement le succès que cetteformule a pu rencontrer au cours du \6C siècle. Ici., " L'habitat de Beaune intra-muros : quelques éléments pour comprendre le contexte ", Mémoires de la com-mission des antiquités de Côte-d'Or, t. XXXVIII, 1997-1999, p. 269-290.

31. B.M. Beaune, FL II 729 : DELISSEY (Joseph). Les anciennes famillesnotables de Beaune. Manuscrit sans date [vers 1960-1970].

L'HABITAT DE BEAUNE INTRA-MUROS 227

4. UN ÉLÉMENT ESSENTIEL DU SYSTÈME DISTRIBUTIFD'ENSEMBLE : L'ESCALIER

Les sources compulsées restent très discrètes sur ces organespourtant indispensables à la distribution. Les matériaux constitutifssont parfois cités, ainsi que la présence d'une rampe en fer forgé.Forme et implantation semblent ne pas avoir retenu particulièrementl'attention des rédacteurs de ces divers procès-verbaux :

" Dans la dite cour est encore un escalier en forme d'échelle de meu-nier avec un retour, partie en pierre, partie en bois, couvert en tuilles32 "

" un grand escalier en pierre garni de deux rampes en fer pourmonter au premier étage33 "

" un escalier construit en plâtre pour desservir le haut34 "" dans le vestibule est un degré à la parisienne qui va jusqu'au

grenier [...] un escalier en pierre de taille à deux rampes enfer, unetraverse au dessus, le tout garni de trois pommes de cuivre [...] l'es-calier pour communiquer à la chambre haute est à la française35 "

" la tour dans laquelle est l'escalier pour desservir les apparte-ments du dessus36 "

" escalier tournant à marche sur le noyaux [...] escalier de boisfait avec [...] et plâtras à marche tournante sur le noyaux37 "

" en descendant la première rampe de l'escalier en pierre ducôté de la cour, on trouve vis à vis de cette rampe un petit escalier àla parisienne qui conduit à un cabinet38 "

32. A.C. Beaune, B II §1, art. 3, n°2 (biens et revenus de la chambre despauvres) : visites, reconnaissances et mémoires concernant une maison situéeplace Saint-Pierre de Beaune, 1757.

33. A.D.C.O., Q 66 : biens nationaux de 1ère origine, estimations (maisoncanoniale occupée par l'ex chanoine Buffet).

34. A.D.C.O., Q 67 : biens nationaux de 1ère origine, estimations (maisonappartenant à l'hôtel-Dieu).

35. A.D.C.O., G 2902 / pièce 5 : domaine de la collégiale Notre-Dame deBeaune (maisons canoniales).

36. A.D.C.O., E suppl. 647 : famille Courtot, vente d'une maison à Beaune,rue Bourgeoise [act. 6 rue Carnot], par Pierre Courtot, écuyer, secrétaire du roi enla chancellerie de Languedoc, à François Ratheau, marchand, pour la somme de7000 livres, le 20 avril 1748.

37. A.D.C.O., H 1512/2 : ordre de Malte, commanderie de Beaune (devisestimatif dressé le 30 avril 1755 par Denis Quinard suivant l'ordre du commandeurdu 25 avril 1755).

38. A.D.C.O., 44 F 80 (fonds Duparc) : " visite et état d'une maison quiappartient à mine Dekimare veuve Charpy, ensemble de l'inventaire des meublesqui en dépendent " 118e siècle]

2 2 8 VIRGINIE INGUENAUD

a) Les types et les implantations

L'escalier suspendu à retour domine largement (~ 33 %) parrapport aux autres types. Il est presque toujours implanté en oeuvre(~ 29 %). Les escaliers en vis représentent = 29 % du total et sontcontenus majoritairement dans des tourelles demi hors oeuvre(~ 21 %). Cependant, ~ 8 % sont implantés en oeuvre. Les escaliersà volée(s) droite(s) composent le dernier grand groupe (~ 17 %). Ilsse répartissent également en oeuvre (~ 8 %) ou à l'extérieur (~ 8 %).

b) Les types et la datation

C'est le 17e siècle qui fait rentrer l'escalier dans la demeure, lesfonctionnalités autrefois apparentes tendant à être intégrées dans lecorps de logis même.

La quasi totalité des escaliers conservés du 16e siècle sont en vis(~ 24 % sur un peu plus de 25 %). Ceux du 17e siècle sont pour untiers rampe sur rampe (~ 3,50 % sur ~ 10,50 %). Ceux des époquespostérieures sont pour moitié suspendus à retours (50%).

c) Décor et mise en valeur de l'escalier

Les 9 escaliers repérés (sur 201 vus) comportant une ramped'appui en fer forgé datent tous du 18e siècle. Les sources d'archivesconcernant l'habitat beaunois, fort discrètes en dates de construction(ou de remaniement) et noms pour l'ancien régime, n'ont, jusqu'àprésent, livré pour les ouvrages de ferronnerie le nom que d'un seulartisan39. Encore s'agit-il de l'hôtel de Malte, dont les travaux dumilieu du 18e siècle sont exceptionnellement documentés.

Deux escaliers, l'un en vis, l'autre rampe sur rampe, d'ampleurtrès modeste, sont cependant signalés à l'intention des visiteurs parun discret décor ornant l'accès au rez-de-chaussée de la tourelle, àlaquelle on accède par un long couloir puis par quelques pas dans lacour. Si ce système distributif est relativement fréquent, le décor dela cage, bien localisé autour de l'accès du rez-de-chaussée, restecependant exceptionnel :

- La maison 20 rue de LorraineLe couloir latéral du rez-de-chaussée donne en même temps

accès à la cour et à l'escalier dans sa tourelle. Le décor sculpté, dont

39. Charles Moine, pour " Ici rampe de fer qu'il a fourni et posé sur l'esca-lier ", est qualifié de " serrurier " (A.D.C.O., H 1512/2)

L'HABITAT DE BEAUNE INTRA-MUROS 229

les motifs rappellent ceux employés pour le mobilier, semble daterdes années 1570-1580. Il subsiste quelques traces de polychromie surles armoiries (non identifiées) du linteau.

- L'hôtel Brunet, 29 rue MaufouxLe couloir latéral (disparu, mais on peut le restituer) du rez-de-

chaussée mène à la cour qu'il faut traverser pour atteindre la tourelled'escaiier. Le décor de celle-ci est sans doute contemporain de laconstruction de la galerie datée 1542 dans un cartouche et qui assurela liaison physique entre la dite tourelle et le corps de logis.

cl) L'escalier "fait-il " la qualité de la demeure ?

Si certains édifices présentent un seul escalier de belle taille ouplusieurs escaliers, dont un principal assez spacieux, et un autresecondaire plus modeste pour le service, fort peu d'escaliers peuventcependant être qualifié " d'escalier d'honneur " au sens " d'escalierprincipal d'un édifice présentant un caractère monumental ", etrépondre ainsi à la définition de D'Aviler40 : ceux de l'hôtel de Bray(35 rue de Lorraine) et l'hôtel de Montille (12 rue Maufoux).

Le gabarit de l'escalier ne contribue donc pas à la qualité d'unedemeure, l'escalier restant avant tout un élément fonctionnel indis-pensable à la distribution. Sa mise en valeur, on pourrait presque diresa mise en scène, relève, dans le contexte beaunois, de l'anecdo-tique : il faut chercher la distinction ailleurs, certainement dans l'or-ganisation des façades principales tournées à 90 % vers la rue et àl'alignement des voisines.

(séance du 18 octobre 2000)