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L’harmonisation de la Notion D’originalite en Droit D’auteur Nicolas Berthold Avocat au barreau de Bruxelles S’il est un concept qui peut e ˆtre qualifi e de fondamental en droit d’auteur, c’est sans nul doute celui d’originalit e. Si une œuvre est d enu ee d’originalit e, elle ne fera l’objet d’aucune protection par le droit d’auteur. Or, cette notion n’a jamais et ed efinie de manie `re g en erale par le l egislateur europ een, de sorte que la jurisprudence et la doctrine se sont divis ees quant a ` l’interpr etation a ` lui donner. Finalement, la Cour de Justice de l’Union Europ eenne (CJUE) s’est saisie du proble `me pour donner a ` cette notion une d efinition conforme a ` la conception subjective traditionnelle. Si cette d efinition eut normalement du ˆ sonner le glas des interpr etations divergentes, il est malheureusement apparu qu’en Belgique, post erieurement a ` cette d ecision de la Cour de Justice, la plus haute juridiction nationale a rendu une d ecision qui prend le contrepied de cette d efinition. Mots-Cle´s Droits d’auteur; originalit e; d efinition; conception subjective Historique L’originalit e est un concept essentiel en droit d’auteur. Pour qu’une cr eation puisse faire l’objet d’une protection par le droit d’auteur, il est indispensable qu’elle soit mise en forme et qu’elle soit originale. Les diff erents Etats membres de l’Union europ eenne ont int egr e le concept d’originalit e au sein de leurs l egislations nationales respectives. Naturellement, si le concept est partag e par tous, l’interpr etation qui en est faite diffe `re selon les Etats et, egalement, au sein des Etats. L’on distingue traditionnellement les conceptions objective – qui est la conception majoritaire dans les pays de « common law » – et subjective – qui est la conception majoritaire dans les pays de tradition « civiliste » – de la notion d’originalit e. Paradoxalement, lors de la r edaction de la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la soci et e de l’information, le l egislateur europ een n’a pas jug e opportun de donner une d efinition g en erale de l’originalit e, dont il n’est d’ailleurs me ˆme pas fait mention. Cette absence de r ef erence a ` l’originalit e ne manque pas de surprendre, dans la mesure ou `, conform ement a ` son intitul e et au prescrit des premier, troisie `me, sixie `me et neuvie `me consid erants, un des objectifs vis es par la directive etait pr ecis ement de r egler les questions primordiales, relatives au droit d’auteur et aux droits voisins, et d’harmoniser les l egislations europ eennes. Or, comment proc eder a ` l’harmonisation d’une branche toute entie `re du droit, sans donner une d efinition unique, claire et pr ecise, d’une de ses notions les plus fondamentales, en ce sens qu’elle constitue v eritablement le fondement de la protection d’une cr eation par le droit d’auteur ? Certes la notion d’originalit e etait abord ee et me ˆme d efinie, en ce qui concerne les programmes d’ordinateur, par la directive 91/250/CEE du 14 mai 1991 concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur, en ce qui concerne les photographies, par la directive 93/98/CEE du 29 octobre 1993 relative a ` l’harmonisation de la dur ee de protection du droit d’auteur et de certains droits voisins et, en ce qui concerne les bases de donn ees, par la directive 96/9/CE du 11 mars 1996 concernant la protection juridiques des bases de donn ees. Mais la d efinition de la notion d’originalit e qui y est donn ee n’avait The Journal of World Intellectual Property (2013) Vol. 16, no. 1–2, pp. 58–71 doi: 10.1111/j.1747-1796.2013.12003.x

L'harmonisation de la Notion D'originalite en Droit D'auteur

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Page 1: L'harmonisation de la Notion D'originalite en Droit D'auteur

L’harmonisation de la Notion D’originalite en Droit

D’auteur

Nicolas BertholdAvocat au barreau de Bruxelles

S’il est un concept qui peut etre qualifi�e de fondamental en droit d’auteur, c’est sans nul doute celui d’originalit�e. Si

une œuvre est d�enu�ee d’originalit�e, elle ne fera l’objet d’aucune protection par le droit d’auteur. Or, cette notion n’a

jamais �et�e d�efinie de maniere g�en�erale par le l�egislateur europ�een, de sorte que la jurisprudence et la doctrine se sont

divis�ees quant a l’interpr�etation a lui donner. Finalement, la Cour de Justice de l’Union Europ�eenne (CJUE) s’est

saisie du probleme pour donner a cette notion une d�efinition conforme a la conception subjective traditionnelle. Si

cette d�efinition eut normalement du sonner le glas des interpr�etations divergentes, il est malheureusement apparu

qu’en Belgique, post�erieurement a cette d�ecision de la Cour de Justice, la plus haute juridiction nationale a rendu une

d�ecision qui prend le contrepied de cette d�efinition.

Mots-Cles Droits d’auteur; originalit�e; d�efinition; conception subjective

Historique

L’originalit�e est un concept essentiel en droit d’auteur. Pour qu’une cr�eation puisse faire l’objet d’une

protection par le droit d’auteur, il est indispensable qu’elle soit mise en forme et qu’elle soit originale.

Les diff�erents Etats membres de l’Union europ�eenne ont int�egr�e le concept d’originalit�e au sein de

leurs l�egislations nationales respectives. Naturellement, si le concept est partag�e par tous, l’interpr�etationqui en est faite differe selon les Etats et, �egalement, au sein des Etats.

L’on distingue traditionnellement les conceptions objective – qui est la conception majoritaire dans

les pays de « common law » – et subjective – qui est la conception majoritaire dans les pays de tradition

« civiliste » – de la notion d’originalit�e.Paradoxalement, lors de la r�edaction de la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001, sur l’harmonisation

de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la soci�et�e de l’information, le

l�egislateur europ�een n’a pas jug�e opportun de donner une d�efinition g�en�erale de l’originalit�e, dont iln’est d’ailleurs meme pas fait mention. Cette absence de r�ef�erence a l’originalit�e ne manque pas

de surprendre, dans la mesure ou, conform�ement a son intitul�e et au prescrit des premier, troisieme,

sixieme et neuvieme consid�erants, un des objectifs vis�es par la directive �etait pr�ecis�ement de r�egler lesquestions primordiales, relatives au droit d’auteur et aux droits voisins, et d’harmoniser les l�egislationseurop�eennes.

Or, comment proc�eder a l’harmonisation d’une branche toute entiere du droit, sans donner une

d�efinition unique, claire et pr�ecise, d’une de ses notions les plus fondamentales, en ce sens qu’elle

constitue v�eritablement le fondement de la protection d’une cr�eation par le droit d’auteur ? Certes la notiond’originalit�e �etait abord�ee et meme d�efinie, en ce qui concerne les programmes d’ordinateur, par la

directive 91/250/CEE du 14mai 1991 concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur, en

ce qui concerne les photographies, par la directive 93/98/CEE du 29 octobre 1993 relative a

l’harmonisation de la dur�ee de protection du droit d’auteur et de certains droits voisins et, en ce qui

concerne les bases de donn�ees, par la directive 96/9/CE du 11 mars 1996 concernant la protection

juridiques des bases de donn�ees. Mais la d�efinition de la notion d’originalit�e qui y est donn�ee n’avait

The Journal of World Intellectual Property (2013) Vol. 16, no. 1–2, pp. 58–71

doi: 10.1111/j.1747-1796.2013.12003.x

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vocation qu’a etre appliqu�ee aux objets sp�ecifiques de la protection par le droit d’auteur vis�es par cesdirectives, a savoir, les programmes d’ordinateur, les photographies et les bases de donn�ees.

Alors que doctrine et jurisprudence tentaient depuis des ann�ees de d�egager des pistes de solution

quant a une interpr�etation g�en�erale a donner a cette notion, la Cour de Justice de l’Union Europ�eenne ad�ecid�e, de maniere tout a fait surprenante – mais particulierement bienvenue, de se substituer au

l�egislateur europ�een.Pour ce faire, la Cour de Justice s’est servie d’une question pr�ejudicielle qui lui �etait pos�ee, dans le

cadre d’une affaire Infopaq,1 pour donner une d�efinition g�en�erale du concept d’originalit�e qui, il faut enconvenir, n’�etait pas v�eritablement indispensable pour r�epondre a la question qui lui �etait pos�ee. Par lasuite, la Cour de Justice a eu l’occasion de pr�eciser, a plusieurs reprises, les contours de cette d�efinition, cequ’elle n’a pas manqu�e de faire.

Les diff�erentes conceptions de la notion d’originalit�e

Afin de comprendre l’importance de l’harmonisation de la notion d’originalit�e op�er�ee par la Cour de

Justice, il convient de s’attarder un instant sur les diff�erences de conceptions qui existent, au sein de

l’Union europ�eenne. L’on oppose traditionnellement les conceptions objective et subjective de la notion

d’originalit�e.

La conception objective

La conception objective se retrouve traditionnellement dans les pays de « common law ». C’est donc tout

naturellement que cette conception est pr�esente au Royaume-Uni, ou seules les œuvres litt�eraires,artistiques, dramatiques et musicales doivent etre originales pour etre prot�eg�ees (Bently et Sherman, 2009,

p. 93).

Ainsi, au Royaume-Uni, une œuvre sera consid�er�ee comme originale si elle est une cr�eationind�ependante de son auteur, qui n’est pas la copie d’une œuvre pr�eexistante (Torremans, 2001, p. 178).

Cette d�efinition, qui trouve sa source dans le Copyright Act de 1911, sera affin�ee, au fil des ans, par la

jurisprudence. A l’heure actuelle, on considere que, pour etre originale, l’œuvre doit, en outre, etre le fruit

d’efforts suffisants en termes de travail, d’habilet�e ou de jugement.2 Certaines d�ecisions considerent queces conditions de travail, d’habilet�e ou de jugement sont cumulatives, mais cette jurisprudence est

minoritaire (Michaux, 2009, p. 478).

Le seuil de protection des œuvres litt�eraires, artistiques, dramatiques et musicales par le droit d’auteur

est donc plus bas que dans les Etats de tradition civiliste (Strowel, 1993, p. 463), en ce sens que la

conception britannique admet qu’une œuvre soit consid�er�ee comme originale, meme si elle est le seul

produit du travail de son auteur et qu’il ne s’agit pas d’une cr�eation intellectuelle qui lui est propre (Bentlyet Sherman, 2009, p. 94).

Il s’agit d’une conception objective, puisqu’elle ne requiert pas d’appr�eciation subjective de la part dujuge, lequel ne doit pas d�eterminer si l’œuvre est une cr�eation intellectuelle, ni si elle porte l’empreinte de

la personnalit�e de son auteur. Remarquons que le droit britannique a �et�e contraint d’adapter quelque peu saconception objective au prescrit des directives 91/250/CEE, 93/98/CEE et 96/9/CE, qui d�efinissent lanotion d’originalit�e de facon subjective.

Les bases de donn�ees et les programmes d’ordinateur ne peuvent etre originaux que s’ils sont une

cr�eation intellectuelle propre a leur auteur. Quant aux photographies, le texte de la directive pr�evoitexpress�ement qu’elles doivent porter l’empreinte de la personnalit�e de leur auteur. Toutefois, la doctrineanglo-saxonne consid�erait g�en�eralement que la d�efinition subjective qui est donn�ee par ces directives

se limitait aux bases de donn�ees, aux programmes d’ordinateur et aux photographies (Bently et

Sherman, 2009, p. 94).

L’harmonisation de la Notion D’originalite en Droit D’auteur Nicolas Berthold

© 2013 John Wiley & Sons LtdThe Journal of World Intellectual Property (2013) Vol. 16, no. 1–2 59

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La conception subjective

Les pays de tradition civiliste ont une approche diff�erente de la notion d’originalit�e. Il est g�en�eralement

admis qu’une œuvre est originale si elle constitue une cr�eation intellectuelle propre a son auteur.

Une doctrine majoritaire interprete cette d�efinition comme signifiant traditionnellement que l’œuvre

est originale si elle est l’expression de la personnalit�e de son auteur3. L’on percoit imm�ediatement que

cette d�efinition n�ecessite que le juge examine et appr�ecie si l’auteur a fait preuve d’une certaine cr�eativit�e.Cette d�efinition traduit une volont�e de protection qualitative des œuvres. Ce n’est pas tant la quantit�e

de travail fournie par l’auteur qui importe, mais son activit�e cr�eatrice. Cette conception pr�esentel’avantage d’etre plus s�elective quant aux œuvres qui pourront b�en�eficier de la protection par le droit

d’auteur. Une simple compilation de texte, un travail de reproduction qu’une personne r�ealise de faconquasi m�ecanique, sans y mettre de sa personnalit�e, ne pourra pas faire l’objet d’une protection par le droitd’auteur.

Reste que cette d�efinition ne donne pas lieu a une interpr�etation uniforme, loin s’en faut. Outre

certains errements d’une jurisprudence parfois bien peu inspir�ee,4 un courant doctrinal – minoritaire –

reprochant a la conception subjective un cot�e trop abstrait, trop flou, et consid�erant qu’elle n’est pas

adapt�ee aux domaines qui ne sont ni artistiques, ni musicaux, ni litt�eraires (Maffre-Bauge, 2004, p. 120),

va tenter de d�egager une approche plus objective de la notion d’originalit�e.Certains de ces auteurs se fondent sur le fait que diff�erentes d�ecisions ont parfois consid�er�e qu’il �etait

n�ecessaire, mais suffisant, que l’œuvre, pour etre originale, soit le fruit d’un v�eritable effort intellectuel del’auteur (Desjeux, 1986, p. 32). D’autres pr�etendront que l’originalit�e se confond avec la nouveaut�e, en cesens qu’une œuvre qui n’est pas nouvelle ne peut pas etre originale.5

L’exemple g�en�eralement cit�e pour s’opposer a cette th�eorie de la nouveaut�e et illustrer le fait

qu’originalit�e et nouveaut�e ne se confondent pas est celui de deux peintres qui se placent en meme temps,

devant le meme site, sous la meme perspective et le meme �eclairage pour reproduire ce qu’ils y voient. Lesœuvres seront toutes deux originales, puisque chaque peintre a n�ecessairement d�emontr�e une activit�ecr�eatrice propre (Desbois, 1966, p. 5).6

La controverse, quant a l’application de l’une ou l’autre conception va persister jusqu’a ce que la Cour

de Justice se d�ecide a interpr�eter, elle-aussi, la notion d’originalit�e. En effet, les diff�erentes juridictionsnationales qui seront amen�ees a aborder le sujet ne permettront pas de trancher la controverse, faute d’une

ligne de conduite constante.

Ainsi, bien qu’avant l’arret Infopaq, la Cour de cassation belge s’�etait d�eja prononc�ee a plusieurs

reprises en faveur de l’interpr�etation subjective de l’originalit�e,7 certaines d�ecisions consacraient toujoursl’interpr�etation objective,8 alors que d’autres cumulaient les deux interpr�etations.9

La jurisprudence francaise n’�etait guere plus claire dans son approche de l’originalit�e. La aussi,

certaines d�ecisions se prononcaient en faveur de la conception subjective,10 alors que d’autres tranchaienten sens contraire.11

Remarquons que la Cour de Justice Benelux (CJB) a eu, elle aussi, l’occasion de se prononcer sur la

question de la d�efinition de l’originalit�e, dans une affaire Screenoprints v Citroen.12 Dans cette affaire, quiest relative a la contrefacon de pare-soleils pour voitures, le Hoge Raad des Pays-Bas posa a la Cour

de Justice Benelux plusieurs questions relatives a l’interpr�etation de l’article 21 de la loi uniforme

Benelux enmatiere de dessins et modeles (LBDM). La Cour de Justice Benelux r�epondit a ces questions etindiqua qu’une œuvre est un produit a caractere propre et original portant l’empreinte personnelle de

l’auteur : 13

(23) […] compte tenu de la r�eserve qui s’impose a la Cour en raison du degr�e limit�ede l’uniformisation du droit d’auteur, signal�e sous le n˚18, il peut se d�eduire de ce qui

pr�ecede:

Nicolas Berthold L’harmonisation de la Notion D’originalite en Droit D’auteur

© 2013 John Wiley & Sons Ltd60 The Journal of World Intellectual Property (2013) Vol. 16, no. 1–2

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(a) que les Etats contractants ont consid�er�e que, apres la modification apport�ee au droit belge parl’article 21, alin�ea 2, les trois l�egislations nationales sur le droit d’auteur concorderaient quantaux conditions d’admission d’un dessin ou modele au b�en�efice de la protection du droit

d’auteur, en ce qu’il est requis qu’il y ait une œuvre – c’est-a-dire un produit a caractere propre

et original portant l’empreinte personnelle de l’auteur – dans le domaine de l’art (appliqu�e) ; et[…].

La d�ecision de la Cour de Justice Benelux n’a toutefois pas permis de mettre fin a la controverse. La

port�ee d’une d�ecision de cette juridiction n’a d’effet que pour les Etats du Benelux, soit la Belgique, le

Luxembourg et les Pays-Bas, et n’est pas de nature a permettre une harmonisation communautaire, pas

plus qu’une harmonisation au sein des pays de tradition civiliste.

En outre, meme en Belgique, certaines d�ecisions nationales post�erieures a cet arret continuerent a sefaire l’�echo de la conception objective… 14

Le temps de l’harmonisation communautaire

Les pr�emisses d’une d�efinition g�en�eraleC’est a l’occasion de l’affaire Infopaq15 que la Cour a, pour la premiere fois, donn�e une d�efinitioncommunautaire g�en�erale de l’originalit�e, passant outre les consid�erations de l’Etat autrichien, partie a lacause, qui indiquait que l’absence d’harmonisation communautaire des conditions de protections des

œuvres impliquait n�ecessairement une appr�eciation de ces conditions conform�ement au droit national.16

La Cour s’est donc, en quelque sorte, substitu�ee au l�egislateur europ�een qui n’avait pas jug�e utile – ou

vraisemblablement, qui avait omis – de d�efinir ce concept fondamental.

L’affaire qui �etait soumise a la Cour portait sur les faits suivants : la soci�et�e Infopaq �etablissait unesynthese d’articles, issus de la presse nationale danoise, en fonction des sujets pouvant int�eresser sesclients. Pour ce faire, des collaborateurs de la soci�et�e danoise enregistraient manuellement les articles en

question dans une base de donn�ees �electronique. Ensuite, ces articles �etaient num�eris�es afin d’etre

transform�es en fichiers de type TIFF, qui �etaient transf�er�es sur un serveur a reconnaissance optique. Ce

serveur convertissait ces fichiers en formats texte, qui pouvaient etre reconnus et lus par n’importe quel

logiciel de traitement de texte. Puis, le fichier texte �etait analys�e pour d�eterminer des mots cl�es permettant

d’effectuer une recherche. Enfin, une fiche de suivi �etait �etablie, permettant une recherche ad�equate. Lesyndicat professionnel des quotidiens de la presse danoise consid�era que pareil traitement d’articles de

presse, sans l’autorisation de leurs auteurs, �etait interdit.Les questions pr�ejudicielles pos�ees par le juge danois portaient sur l’interpr�etation de l’article 2.a) de

la directive 2001/29 et sur les conditions d’exemptions des actes de reproduction provisoires, au sens de

l’article 4 de cette directive.

Rien ne semblait laisser supposer que la Cour doive, pour r�epondre a ces questions, donner une

d�efinition – ou une appr�eciation – g�en�erale, de la notion d’originalit�e. La Cour a constat�e, a titre liminaire,

que la directive 2001/29 ne d�efinissait pas les notions de « reproduction » et de « reproduction en partie »,telles que vis�ees a l’article 2.a) et d�ecida de rem�edier a ce manque. Elle indiqua donc que ce droit de «

reproduction en partie » avait n�ecessairement pour objet une « œuvre ».

Pour d�eterminer ce qu’il convient d’entendre par « œuvre », la Cour s’est alors fond�ee sur la

Convention de Berne, dont l’article 2, al. 5 et 8, dispose que la protection de certaines œuvres pr�esupposequ’elles soient « des cr�eations intellectuelles ».17 Afin d’�etayer son d�eveloppement, la Cour se fonda

�egalement sur les directives 91/250, 96/9 et 2006/116, relatives aux programmes d’ordinateur, aux bases de

donn�ees et aux photographies, qui indiquent que ces œuvres ne sont prot�egeables par le droit d’auteur que sielles sont originales, c’est-a-dire qu’elles constituent une « cr�eation intellectuelle propre a leur auteur ».

L’harmonisation de la Notion D’originalite en Droit D’auteur Nicolas Berthold

© 2013 John Wiley & Sons LtdThe Journal of World Intellectual Property (2013) Vol. 16, no. 1–2 61

Page 5: L'harmonisation de la Notion D'originalite en Droit D'auteur

La Cour insista alors sur la volont�e du l�egislateur europ�een – qui ressort des consid�erants de la

directive 2001/29-d’�etablir un cadre juridique harmonis�e, en matiere de droits d’auteur, et en d�eduisit quele droit d’auteur n’est susceptible de prot�eger une œuvre que si celle-ci est originale, en ce sens qu’elle est« une cr�eation intellectuelle propre a son auteur ». La Cour reprend donc le prescrit des directives 91/250,96/9 et 2006/16 et indique que la d�efinition de l’originalit�e qui y est donn�ee doit s’appliquer, de maniere

g�en�erale, a tout type d’œuvre (Benabou, 2009, p. 77).Si c’est la premiere fois qu’une d�efinition g�en�erale de la notion d’originalit�e est donn�ee, il convient de

constater que, jusque-la, rien dans le raisonnement de la Cour ne permet d’�etablir, avec certitude, si elleconcoit l’originalit�e comme n�ecessitant que l’œuvre cr�e�ee soit revetue de l’empreinte de la personnalit�ede son auteur ou si elle penche pour une appr�eciation plus objective de cette notion (Michaux, 2009,

p. 481).

Toutefois, la Cour va appliquer son raisonnement au cas d’espece qui lui �etait soumis, en indiquant

que si des mots, isol�ement, ne sont pas constitutifs d’une œuvre originale, une suite de mots, dont le choix,

la disposition et la combinaison permettent a l’auteur d’exprimer son esprit cr�eateur, de maniere originale,

et d’aboutir a un r�esultat, est une œuvre originale.

La tournure de phrase choisie par la Cour, si elle ne reprend pas exactement les termes « l’empreinte

de la personnalit�e de l’auteur », laisse clairement apparaitre qu’elle considere que la notion d’originalit�edoit etre appr�eci�ee de facon subjective (Joachimowicz, 2012, p. 984; Michaux, 2009, p. 482). Ce que la

Cour met en exergue, c’est l’exigence de la pr�esence de l’esprit cr�eatif de l’auteur dans l’œuvre, et non lefait que l’œuvre soit nouvelle ou qu’elle soit le produit d’un effort intellectuel. L’œuvre est originale parce

qu’elle exprime la personnalit�e de son auteur, son esprit cr�eatif.Et, selon la Cour, cette personnalit�e, cet esprit cr�eatif, s’exprime parce que l’auteur effectue des choix

qui lui sont propres – en l’espece, l’auteur a proc�ed�e a une disposition et a une combinaison particulieresde mots. En d’autres termes, la Cour met l’accent sur l’expression de l’effort fourni par l’auteur et non sur

l’intensit�e de cet effort (De Visscher et Michaux, 2000, p. 15).

Convenons cependant que ce soutien a la conception subjective est op�er�e de maniere assez subtile. La

Cour n’affirme pas haut et fort qu’une œuvre doit, pour etre originale, revetir la personnalit�e de son auteuret reste assez sommaire sur la question de savoir quand une œuvre revet effectivement la personnalit�e deson auteur.

L’approfondissement du raisonnement de la Cour

La Cour a d�evelopp�e quelque peu son raisonnement, dans un arret BSA.18 La soci�et�e Bezpecnostnı

softwarova asociace (ci-apres : BSA) avait sollicit�e, du ministere tcheque de la culture, l’autorisation

d’assurer la gestion collective des droits d’auteur relatifs aux programmes d’ordinateur. Le ministere de la

culture refusa de lui octroyer cette gestion, et invoqua que la loi tcheque sur le droit d’auteur protege

exclusivement le code objet et le code source d’un programme d’ordinateur. BSA saisit la justice tcheque,

notamment aumotif que la loi relative au droit d’auteur donne une d�efinition des programmes d’ordinateur

qui vise �egalement l’interface utilisateur graphique, mais se fit d�ebouter, tant en premiere instance qu’en

degr�e d’appel. BSA s’est pourvue en cassation et la Cour de cassation tcheque a pos�e une question

pr�ejudicielle a la Cour de Justice afin de savoir si tout ou partie de l’interface utilisateur graphique pouvaitb�en�eficier de la protection offerte par le droit d’auteur, conform�ement a l’article 1, § 2 de la directive 91/

250.

Tout comme cela avait �et�e le cas pour l’arret Infopaq, la Cour va estimer n�ecessaire d’aborder la

question de l’originalit�e au regard du droit communautaire. La Cour va se r�ef�erer a l’arret Infopaq, en cesens qu’elle rappelle qu’une œuvre est originale si elle est une cr�eation intellectuelle propre a son auteur.Des lors, elle considere que l’interface utilisateur graphique d’un programme d’ordinateur peut b�en�eficierde la protection par le droit d’auteur si elle est une cr�eation intellectuelle propre a son auteur.

Nicolas Berthold L’harmonisation de la Notion D’originalite en Droit D’auteur

© 2013 John Wiley & Sons Ltd62 The Journal of World Intellectual Property (2013) Vol. 16, no. 1–2

Page 6: L'harmonisation de la Notion D'originalite en Droit D'auteur

Tout en rappelant que l’appr�eciation du caractere original d’une œuvre doit etre op�er�ee par le jugenational, la Cour indique que ce dernier devra tenir compte de la disposition des �el�ements et de la

configuration sp�ecifique de l’interface utilisateur graphique, soit des choix op�er�es par l’auteur du

programme.

Elle pr�ecise �egalement que, lorsque l’interface obtenue est le r�esultat d’imp�eratifs techniques, le

critere d’originalit�e n’est pas pr�esent (Triaille, 2012, p. 117).La Cour indique aussi que si les possibilit�es de mettre en œuvre une id�ee sont limit�ees, a tel point que

l’id�ee et son mode d’expression se confondent, le critere d’originalit�e ne sera pas rencontr�e. Cetteconsid�eration est �evidente pour les partisans de la conception subjective puisque si l’auteur, entrav�e pardes consid�erations techniques, n’a pas la possibilit�e de choisir librement la forme de la cr�eation qu’il

souhaite r�ealiser, il ne peut pas exprimer son esprit cr�eateur.Des lors, si une id�ee ne peut etre mise en forme que de rares manieres diff�erentes, octroyer la

protection offerte par le droit d’auteur a l’une de ces mises en forme reviendrait a entraver, de maniere

totalement injustifi�ee, la libre concurrence et la libert�e d’entreprendre, voire meme a accorder

un monopole de fait a un auteur qui n’a pas fait preuve de cr�eativit�e, mais qui a eu l’inspiration – ou la

chance – de mettre en œuvre une id�ee au bon moment.

Cette exigence de libert�e cr�eatrice sera r�eaffirm�ee dans l’arret Premier League.19 Cet arret, relatif a latransmission de matches de football du championnat anglais, aborde la question de savoir si des matches

de football sont susceptibles d’etre prot�eg�es par le droit d’auteur. L’arret fait, une nouvelle fois,

explicitement r�ef�erence a l’arret Infopaq,20 et pr�ecise qu’il convient de v�erifier si des matches de football

peuvent etre consid�er�es comme originaux, en ce sens qu’ils sont une cr�eation intellectuelle propre a leur

auteur.

La r�eponse est imm�ediate et cinglante.21 R�eaffirmant que des rencontres sportives sont uniques et,

dans une certaine mesure, originales, la Cour indique qu’elles sont susceptibles d’etre prot�eg�ees, mais par

une protection qui doit etre �etablie en droit interne. La Cour pr�ecise cependant que des rencontres de

football sont encadr�es par des regles de jeu, lesquelles ne laissent pas de place pour une libert�e cr�eative(Hubin et Jost, 2012, p. 123). Elle en conclut que des rencontres sportives ne sont pas prot�egeables par ledroit d’auteur.

A la lecture de ces arrets, il apparait clairement que la volont�e de la Cour est de favoriser

l’interpr�etation subjective de la notion d’originalit�e, en mettant l’accent sur l’aspect cr�eatif, dont il estn�ecessaire qu’il transparaisse de l’œuvre. Toutefois, la Cour n’exprimera sa pens�ee de maniere limpide

que dans un arretPainer,22 rendu deuxmois apres l’arretPremier League, dont le contenu aurait du etre de

nature a mettre fin a toute pol�emique…

La d�efinition communautaire de l’harmonisation

Cet arret concerne une affaire qui a d�efray�e la chronique en Europe, a savoir l’enlevement en Autriche, en

1998, de la petite Natascha Kampusch, alors ag�ee de 10 ans. Madame Eva-Maria Painer, photographe

ind�ependante, avait pris, dans le cadre de sa profession, plusieurs photographies de la petite fille avant sonenlevement. En 2006, lorsque Natascha Kampusch, alors ag�ee de 18 ans, parvint a �echapper a son

ravisseur, la presse nationale autrichienne, mais �egalement la presse allemande, utiliserent, dans leurs

quotidiens, des photographies de Natascha r�ealis�ees par Madame Painer et destin�ees a illustrer leurs

articles. Ces quotidiens eurent la mauvaise id�ee de reproduire ces photographies sans en demander

l’autorisation a Madame Painer et sans meme mentionner son nom. Etant donn�e qu’il n’existait aucunephotographie r�ecente de Natascha Kampusch en 2006, plusieurs des quotidiens repr�esent�es a la cause ont�egalement d�ecid�e de publier son portrait « vieilli » en traitant de maniere informatique une des

photographies r�ealis�ee, en son temps, par Madame Painer qui a donc saisi les juridictions autrichiennes

afin d’obtenir la cessation de la reproduction et de la distribution de son œuvre, sans son consentement et

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sans son nom. Parallelement a cette proc�edure « au fond », elle introduisit aussi une action en r�ef�er�e, aucours de laquelle la Cour Supreme autrichienne d�ecida que les quotidiens n’avaient pas besoin de

l’autorisation de Madame Painer pour publier le portrait-robot vieilli de Natascha Kampusch, issu du

traitement d’une photographie r�ealis�ee par Madame Painer.

La Cour de Justice va r�esumer, comme suit, la position de la Cour supreme autrichienne:

[…] la qualification d’adaptation ou de libre utilisation d�ependrait de l’activit�e cr�eatrices’exprimant dans lemodele initial. Plus le niveau d’activit�e cr�eatrice est �elev�e, moins une libre

utilisation du modele est envisageable. S’agissant de photographies de portrait, telles que la

photographie litigieuse, le cr�eateur n’a que des possibilit�es r�eduites de cr�eation artistique

originale. Pour cette raison, la port�ee de la protection conf�er�ee par le droit d’auteur a cette

photographie est restreinte. […].23

Madame Painer va alors saisir la Cour de Justice, et lui poser plusieurs questions. La Cour de Justice

va, une nouvelle fois, faire r�ef�erence a la notion d’originalit�e. Elle va, a nouveau, indiquer qu’une œuvren’est prot�egeable que si elle est originale, en ce sens qu’elle est une cr�eation intellectuelle propre a son

auteur. Mais, cette fois, la Cour ira plus loin. Elle va �egalement express�ement indiquer qu’une cr�eation estpropre a son auteur si elle reflete sa personnalit�e.

Ce faisant, la Cour fait clairement le choix d’instituer la th�eorie subjectiviste de la notion

d’originalit�e. Si cette tendance transparaissait des arrets pr�ec�edents, ce n’est que par cet arretPainer que laCour choisit de reprendre les termes g�en�eralement utilis�es par la doctrine et la jurisprudence «

traditionnelle » (Dahan et Bouffier, 2012, p. 15). La Cour va d’ailleurs se justifier en indiquant que cette

d�efinition r�esulte du prescrit du consid�erant 17 de la directive 93/98.24 Elle mettra ensuite l’accent sur le

fait que l’auteur doit avoir la possibilit�e de faire des choix libres et cr�eatifs (Janssens, 2012, p. 128).La Cour va consid�erer qu’une photographie de portrait permet a son auteur de faire de nombreux

choix, libres et cr�eatifs, tant lors de la phase de mise en scene que lors de la pose de la personne, lors du

choix de l’�eclairage, de la prise de la photographie en elle-meme, etc. et est susceptible d’etre prot�eg�ee parle droit d’auteur.

Si la Cour en �etait rest�ee la, l’on eut d�eja pu dire de cet arret qu’il revet une importance toute

particuliere, en ce qu’il donne, pour la premiere fois, une d�efinition communautaire g�en�erale et claire de lanotion d’originalit�e, qui ne devrait plus etre sujette a d�ebats et interpr�etations. Mais la troisieme chambre,

d�ecidemment tres en verve lorsqu’il s’agit de combler les lacunes l�egislatives et de trancher les h�esitationsjurisprudentielles et doctrinales, ne va pas s’arreter-la. En effet, elle va s’interroger sur la question de

savoir si la notion d’originalit�e doit etre interpr�et�ee diff�eremment en fonction du type d’œuvre pour

laquelle la protection par le droit d’auteur est revendiqu�ee.La Cour va pr�eciser que rien, dans aucune des directives prises en matiere de droits d’auteur, ne

permet de moduler la protection offerte par le droit d’auteur en fonction des diff�erences de possibilit�es decr�eation artistique qu’offrent certains types d’œuvres. Cet arret pose donc le principe d’�egalit�e de la

protection offerte par le droit d’auteur a toute œuvre originale qui a fait l’objet d’une mise en forme.

En d’autres termes, soit une œuvre est originale et elle b�en�eficie de la protection offerte par le droit

d’auteur, au meme titre que toute autre œuvre originale, soit une œuvre n’est pas originale et elle ne peut

jouir de cette protection (Benabou, 2012, p. 147).25 Cette consid�eration �etait d�eja implicitement retenue

par la Cour, dans l’arret Infopaq. Cet arret indiquait que, meme si l’originalit�e se limite au choix ou a la

disposition de diff�erents �el�ements qui composent une œuvre, cette œuvre, dans son ensemble, b�en�eficie dela protection par le droit d’auteur (Michaux, 2009, p. 484). Dans l’arret Painer, la Cour va indiquer

explicitement que la protection dont b�en�eficie une photographie de portrait originale ne peut etre

inf�erieure a la protection dont jouissent les autres œuvres.26

Nicolas Berthold L’harmonisation de la Notion D’originalite en Droit D’auteur

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La th�eorie dite de la “petite monnaie” en vertu de laquelle certaines œuvres devraient b�en�eficier d’uneprotection r�eduite, compte tenu du fait qu’elles autorisent a leur auteur unemoins grande part de cr�eativit�e,et pr�esentent une moins grande originalit�e, a donc v�ecu.

La confirmation

Suite a cet arret Painer, la Cour aura encore l’occasion de se pencher sur la notion d’originalit�e. Si lesd�eveloppements qui y seront op�er�es seront moins importants que ceux qui ont �et�e formul�es dans les arretsqui pr�ecedent, ce qui est normal, compte tenu du fait que la d�efinition de l’originalit�e est maintenant

�etablie, ils n’en sont pas moins int�eressants, car ils vont synth�etiser ou appliquer cette d�efinition g�en�erale ades œuvres particulieres – respectivement : bases de donn�ees et manuels de programme d’ordinateur, enindiquant comment la pr�esence ou l’absence d’originalit�e peut y etre appr�eci�ee.

Ainsi, dans l’arret Football Dataco,27 la Cour indique, en se r�ef�erant aux arrets Infopaq, BSA et

Painer, qu’une base de donn�ees est originale si son auteur y exprime sa capacit�e cr�eative en effectuant deschoix libres et cr�eatifs et y imprime, de ce fait, sa « touche personnelle ».

Ensuite, la Cour indique qu’a contrario, et par analogie aux arrets BSA et Premier League, une base

de donn�ees n’est pas originale si sa cr�eation est dict�ee par des consid�erations techniques qui ne laissent pasde place a la libert�e cr�eative de son auteur.

Finalement, la Cour va pr�eciser que la cr�eation d’une base de donn�ees qui serait le fruit d’un travail etd’un savoir-faire de l’auteur ne peut etre prot�eg�ee par le droit d’auteur si cette base de donn�ees n’est pasoriginale dans le choix ou la disposition de donn�ees, meme si le travail et le savoir-faire d�eploy�e par

l’auteur sont significatifs. Force est de constater que la cr�eation d’une base de donn�ees laisse peu de place ala cr�eativit�e, a l’expression de la personnalit�e de son auteur, l’œuvre �etant, par nature, tres fonctionnelle.La Cour va naturellement consid�erer qu’une base de donn�ees peut etre consid�er�ee comme originale – et en

ce cas b�en�eficier de la protection par le droit d’auteur, au meme titre que toute autre œuvre originale – etva pr�eciser que l’originalit�e doit etre recherch�ee, par le juge national – qui doit d�ecider de conf�erer, a unebase de donn�ees, la protection offerte par le droit d’auteur – dans le choix ou28 la disposition des donn�ees.

Enfin, dans l’arret SAS,29 la Cour va confirmer le principe, d�eja connu et �etabli dans l’arret BSA, selonlequel un programme d’ordinateur peut b�en�eficier de la protection par le droit d’auteur s’il est original.30

Elle va �egalement s’attarder sur le caractere original d’un manuel d’utilisation d’un programme

d’ordinateur en sp�ecifiant que c’est a travers le choix, la disposition et la combinaison de mots, chiffres ou

concepts que l’esprit cr�eateur de l’auteur peut apparaıtre dans une œuvre fonctionnelle, comme le manuel

d’utilisation d’un programme d’ordinateur, et aboutir a un r�esultat original.

Un revirement inattendu

Si l’incertitude r�egnait manifestement avant l’intervention de la Cour de Justice, les diff�erents arrets

susmentionn�es ont d�efinitivement permis de trancher la controverse existante : une œuvre est originale si

elle constitue une cr�eation intellectuelle propre a son auteur, en ce sens qu’elle est l’expression de sa

personnalit�e.Cette d�efinition communautaire s’impose au juge national (Michaux, 2102, p. 600). En effet, comme

l’indiquait la Cour, dans l’arret Infopaq : 31

27 A titre liminaire, il convient de rappeler qu’il d�ecoule des exigences tant de l’application dudroit uniforme du droit communautaire que du principe d’�egalit�e que les termes d’une

disposition de droit communautaire qui, telles que celles de l’article 2 de la directive 2001/29,

ne comporte aucun renvoi expres au droit des Etats membres pour d�eterminer son sens et sa

port�ee doivent normalement trouver, dans toute la Communaut�e, une interpr�etation autonome

L’harmonisation de la Notion D’originalite en Droit D’auteur Nicolas Berthold

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et uniforme (voir, notamment, arrets du 6 f�evrier 2003, SENA, C-245/00, Rec. p. I-1251, point23, et du 7 d�ecembre 2006, SGAE, C-306/05, Rec. P. I-11519, point 31).

28 Ces exigences s’imposent tout particulierement en ce qui concerne la directive 2001/29,

compte tenu des termes de ses sixieme et vingt et unieme consid�erants.

Par ailleurs, l’on �etait en droit de penser que les juridictions nationales, et tout particulierement les

juridictions supremes, profiteraient de la possibilit�e offerte par la Cour de Justice de rendre des d�ecisionsd�enu�ees de toute ambiguit�e et conformes au droit communautaire.

En tout �etat de cause, l’on pouvait raisonnablement croire que la Cour de cassation belge qui, malgr�eune certaine doctrine et diverses d�ecisions de juridictions « inf�erieures » qui donnaient a la notion

d’originalit�e une conception objective, a toujours maintenu qu’une œuvre devait, pour etre originale, etre

une cr�eation intellectuelle propre a son auteur, en ce sens qu’elle doit etre l’expression de sa personnalit�e,poursuivrait dans ce sens, suite a la position claire de la Cour de Justice.

Pourtant, de maniere totalement surprenante, la Cour de cassation belge a op�er�e un revirement de

jurisprudence particulierement regrettable, dans un arret du 26 janvier 2012,32 rendu deux mois a peine

apres l’arret Painer. L’affaire a trait a la protection de dessins de « vue de villes », auxquels l’auteur a

apport�e ce que la Cour qualifie de « variations ». La Cour d’appel de Gand a refus�e d’octroyer a ces dessinsle b�en�efice de la protection par le droit d’auteur aux motifs que:

La forme ne porte pas l’empreinte de la personnalit�e de […] l’auteur. Sa personne n’influence

pas la forme au point que l’œuvre pr�esente un caractere personnel. La cr�eation intellectuelle

de l’auteur n’est pas d�ecelable dans les dessins.

L’auteur s’est pourvu en cassation contre cette d�ecision. Et, alors que cette d�ecision de la Cour

d’appel de Gand s’inscrivait en droite ligne de la jurisprudence de la Cour de cassation, celle-ci a cass�el’arret attaqu�e, consid�erant que :

En vertu de cette disposition, une œuvre litt�eraire ou artistique est prot�eg�ee par le droit

d’auteur si elle est originale, en ce sens qu’elle est la cr�eation intellectuelle propre a son

auteur. Il n’est pas requis, a cet �egard, que l’œuvre porte l’empreinte de la personnalit�e del’auteur (mis en �evidence par l’auteur).

[…]

Les juges d’appel qui ont, ainsi, exig�e que pour b�en�eficier de la protection du droit d’auteur,

une œuvre porte l’empreinte de la personnalit�e de l’auteur, n’ont pas l�egalement justifi�e leurd�ecision.

A la lecture de cet arret, l’on souhaiterait �evidemment connaitre les raisons qui ont pouss�e la Cour arevenir sur une jurisprudence pourtant bien �etablie et confirm�ee a plusieurs reprises par la d�efinitiondonn�ee par la Cour de Justice (Gotzen, 2012, p. 204)33. Malheureusement, la Cour ne donne pas un mot

d’explication pour justifier sa d�ecision (Joachimowicz, 2012, p. 983).

Esp�erons que cette d�ecision restera isol�ee et ne donnera pas de mauvaises id�ees a d’autres juridictions�etrangeres et que la Cour de cassation belge profitera d’une nouvelle affaire, qui ne manquera

certainement pas de lui etre soumise, pour rectifier sa position afin d’�eviter que la jurisprudence belge ne sefonde sur cet arret du 26 janvier 2012 pour donner, a certaines œuvres qui ne pr�esentent pas un degr�ed’originalit�e suffisant, le b�en�efice de la protection par le droit d’auteur.

Nicolas Berthold L’harmonisation de la Notion D’originalite en Droit D’auteur

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De l’importance de l’harmonisation op�er�ee par la Cour

Il convient tout d’abord de rappeler que le l�egislateur europ�een a op�er�e un vaste mouvement

d’harmonisation du droit d’auteur.

En effet, celui-ci a pris de nombreuses directives dont l’objet porte sur le droit d’auteur. Ce processus

d’harmonisation n’est d’ailleurs pas encore achev�e, puisqu’une proposition de directive du 24 mai 2011

portant sur les œuvres orphelines doit encore etre adopt�ee (Lucas, 2012, p. 19).Pourtant, malgr�e une prose l�egislative plus qu’abondante, le l�egislateur a omis de donner une

d�efinition g�en�erale a l’une des notions les plus fondamentales du droit d’auteur. Cette absence de

d�efinition ne manque pas de surprendre, notamment au regard du fait que le l�egislateur avait donn�e uned�efinition particuliere de l’originalit�e a certaines œuvres, d�efinition qu’il aurait pu reprendre textuellement

dans la directive 2011/29.

En outre, en 2004, la Commission a examin�e la question de l’opportunit�e de combler ce vide l�egislatif,en donnant une d�efinition g�en�erale a la notion d’originalit�e. Toutefois, de maniere totalement surprenante,

la Commission a consid�er�e qu’une telle d�efinition g�en�erale ne lui semblait pas n�ecessaire, le plus

important �etant d’harmoniser cette notion pour les œuvres « technologiques », telles les bases de donn�eeset les programmes d’ordinateur.34

La Commission indiqua que, si l’absence d’harmonisation de la notion d’originalit�e pouvait, en

th�eorie, causer des problemes au fonctionnement du march�e int�erieur et, plus pr�ecis�ement, etre la source

d’entraves au commerce int�erieur, ces problemes ne semblaient pas etre rencontr�es en pratique…

Ce raisonnement ne manque pas de surprendre. Ce n’est pas parce qu’un probleme potentiel et

identifi�e ne se pose pas encore qu’il ne faut pas l’anticiper. L’absence d’harmonisation de la notion

d’originalit�e a entrain�e le d�eveloppement de deux tendances totalement antagonistes, dont la cons�equenceest qu’unememe cr�eation peut etre prot�eg�ee par le droit d’auteur au sein d’un Etat membre, alors que cette

meme protection ne sera pas accord�ee dans un autre Etat (Michaux, 2009, p. 488; Bently et

Sherman, 2009, p. 111), ce qui est en totale contradiction avec le principe de s�ecurit�e juridique

(Berenboom, 2008b, p. 6).

Outre le fait que l’�etablissement d’une d�efinition permet d’assurer la s�ecurit�e juridique des citoyens etd’harmoniser le droit d’auteur au niveau communautaire, le contenu de la d�efinition a toute son

importance. La Cour de Justice, en faisant le choix de la conception subjective, et consacrant ainsi le

critere de la personnalit�e de l’auteur, soit un critere qualitatif, nous semble avoir « remis l’�eglise au milieu

du village ».

Le droit d’auteur constitue, comme tous les droits de propri�et�e intellectuelle, une exception au

principe g�en�eral de la libert�e de commerce et d’industrie, duquel d�ecoulent la libert�e d’entreprendre et ledroit de copier (Remiche et Cassiers, 2010, pp. 670–671). Ces principes sont d’une importance

fondamentale dans notre soci�et�e. Toute personne a le droit d’entreprendre et, pour ce faire, de s’inspirer dece que fait autrui.

N�eanmoins, il est admis qu’une personne qui innove peut, sous certaines conditions, b�en�eficier d’undroit de propri�et�e intellectuelle qui lui accorde une exclusivit�e temporaire sur sa cr�eation – qu’il s’agissed’une invention ou d’une œuvre, au sens le plus large du terme.

Or, a l’heure actuelle, nous assistons a un renforcement spectaculaire de ces droits de propri�et�eintellectuelle. Ce renforcement se traduit notamment par la cr�eation de nouveaux droits, tel le droit des

bases de donn�ees, par l’augmentation du nombre de droits octroy�es aux titulaires de droits de propri�et�eintellectuelle et par l’affaiblissement de leurs obligations (Cassiers, 2010, p. 116). Ce renforcement s’est

�egalement illustr�e par une port�ee tres large donn�ee a certains concepts fondamentaux, comme celui

d’invention, notion cl�e du droit des brevets, mais �egalement celui d’originalit�e, en droit d’auteur

(Remiche, 2009, p. 279).

L’harmonisation de la Notion D’originalite en Droit D’auteur Nicolas Berthold

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Nous assistons aussi a une financiarisation des droits de propri�et�e intellectuelle, en ce sens que

l’innovateur cede de plus en plus le pas a l’investisseur (Cassiers, 2010, pp. 116–117)35. Cette tendance au

renforcement croissant des titulaires de droits de propri�et�e intellectuelle s’est notamment traduite, en

droits d’auteur, par le d�eveloppement de la conception objective de la notion d’originalit�e, qui permet de

prot�eger, par le droit d’auteur, toute une s�erie de cr�eations qui ne sont que le r�esultat d’un investissement

intellectuel et/ou financier (Berenboom, 2008b, p. 5).

Par cons�equent, l’on augmente le nombre d’entraves a la libert�e d’entreprendre au profit d’auteurs quin’ont pas fait preuve d’une particuliere cr�eativit�e (Joachimowicz, 2012, p. 985). Et, des lors qu’un auteur

n’a pas fait preuve d’une cr�eativit�e particuliere, pourquoi devrait-il etre favoris�e par l’octroi de droits

exclusifs, qui lui conferent un monopole temporaire d’exploitation sur une cr�eation et p�enalisent desconcurrents �eventuels ?

En donnant une d�efinition subjective de la notion d’originalit�e, la Cour de Justice a r�eaffirm�el’exigence de cr�eativit�e inh�erente a la protection d’une œuvre par le droit d’auteur et a refus�e d’�etendre, demaniere trop large, les pr�erogatives offertes par le droit d’auteur, ce qui doit etre approuv�e.

A propos de l’auteur

Nicolas Berthold est avocat au barreau de Bruxelles et pratique le droit de la propri�et�e intellectuelle ausein de l’association Sybarius (www.sybarius.net) ; e-mail : [email protected].

Notes

1. CJUE, 16 juillet 2009, C-5/08, Infopaq v Danske Dagblades Forening.

2. Ladbroke v William Hill (1964) 1 All ER 465, 469 (Lord Reid).

3. En ce sens, notamment, en droit francais : Desbois. H. (1966) Le droit d’auteur en France, deuxieme �edition,

Dalloz, Paris, p. 5 et suiv. ; Bertrand. A-R. (1991) Le droit d’auteur et les droits voisins, Masson, Paris, p. 104 et

suiv. ; Lucas. A. et Sirinelli. P. (1993) ’L’originalit�e en droit d’auteur’, J.C.P., p. 253 et suiv. ; Bertrand. A-R.

(2011/2012) Droit d’auteur, Dalloz Action, Paris, p. 140 ; en droit belge : De Visscher. F. et Michaux. B. (2000)

Pr�ecis du droit d’auteur et des droits voisins, Bruylant, Bruxelles, p. 13 et suiv. ; Berenboom. A. (2008) Le

nouveau droit d’auteur et les droits voisins, quatrieme �edition, Larcier, Bruxelles, p. 53 et suiv. ; en droit

allemand, la notion d’individualit�e est utilis�ee a la place de celle d’originalit�e, mais leur signification est lameme :

Geiger. C. (2004) Droit d’auteur et droit du public a l’information. Approche de droit compar�e, Litec, Paris, p.

212 ; Ulmer. E. (1980) Urheber – und Verlagsrecht, troisieme �edition, Springer Verlag, Berlin, p. 127, cit�e par

Strowel. A. (1993) Droit d’auteur et copyright. Divergences et convergences, Bruylant, Bruxelles, p. 431 ; en

droit luxembourgeois : Putz. J-L. ‘Le droit d’auteur au Luxembourg : une introduction’, disponible a l’URL

suivante : http://www.innovation.public.lu/catalogue-publications/propriete-intellectuelle/droits-auteur/intro-

duction_aux_droits_d_auteur_2010_FR.pdf, pp. 2-3, consult�e le 15 aout 2012.

4. Certaines d�ecisions exigeaient qu’une œuvre revete un caractere artistique marqu�e (voyez, en ce sens : Cass., 10

d�ec. 1998, A&M., 1999, p. 355 et suiv.), alors que d’autres confondent originalit�e et signe distinctif (voyez, en ce

sens : Trib. Gr. Inst. Seine, 10 novembre 1961, D. 1962, 113, cit�e par Lucas. A. et Sirinelli. P. (1993) op. cit.,

p. 256).

5. En ce sens, notamment, en droit francais : Vivant. M. et Bruguiere. J-M. (2009)Droit d’auteur, premiere �edition,

Dalloz, Paris, p. 167 ; Gautier. P-Y. (1999) Propri�et�e litt�eraire et artistique, PUF, Paris, n˚ 426 ; en droit belge :

Poirier. P. (1936) ‘Le droit d’auteur’, in Les novelles. Droits intellectuels. Tome II, Larcier, Bruxelles, p. 833.

6. Notons que le Professeur Desbois donne �egalement l’exemple de deux traducteurs qui, se retrouvant face a un

meme texte, obtiendraient deux traductions identiques, qui ne seraient donc pas nouvelles, mais pourraient etre

originales : Desbois. H. (1950) Le droit d’auteur, Dalloz, Paris, p. 68.

Nicolas Berthold L’harmonisation de la Notion D’originalite en Droit D’auteur

© 2013 John Wiley & Sons Ltd68 The Journal of World Intellectual Property (2013) Vol. 16, no. 1–2

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7. Cass., 24 f�evrier 1995, R.W., 1995-1996, p. 433 et suiv. ; Cass., 10 d�ecembre 1998, Pas., 1998, 516 ; Cass.,

11 mars 2005, Pas., 2005, 153.

8. Bruxelles, 16 mars 1954, Pas., 1956, 17 ; Anvers, 30 novembre 1998, A&M., 2004/4, p. 420 et suiv.

9. Cass., 27 avril 1989, Pas., 1989, 908.

10. Paris, 1er mars 1993, R.I.D.A., 1993, p. 335 et suiv ; Versailles, 22 mars 2001, Legipresse, 2002, p. 6 et suiv.

11. Grenoble, 19 septembre 1989, J.C.P., 1990, n˚ 15751.

12. Cour de Justice Benelux, 22 mai 1987, A/85/3, Screenoprints v Citroen, pp. 8-9.

13. Remarquons que la Cour de Justice Benelux reprend, dans son arret, les consid�erations du Hoge Raad des Pays-

Bas qui indique: «Il n’y a pas unanimit�e, dans la jurisprudence et la doctrine n�eerlandaise, quant au critere a

appliquer pour appr�ecier s’il s’agit d’une ‘œuvre de l’art appliqu�e’ au sens de la disposition susvis�ee. La

condition n�ecessaire (et suffisante) que l’on retrouve dans une partie des d�ecisions judiciaires et dans la majorit�e

de la doctrine – encore que non formul�ee en termes identiques – est constitu�ee par le caractere original propre de

l’œuvre, l’empreinte personnelle que lui a donn�ee son auteur (conception A) ; quelques commentateurs et

certaines d�ecisions judiciaires y ajoutent la condition que l’œuvre doit pr�esenter ‘une certaine valeur artistique’

ou, selon une autre formule parfois utilis�ee, exprimer ‘une certaine recherche artistique’ de l’auteur (conception

B) » (page 4). Il appert donc manifestement que la doctrine n�eerlandaise �etait �egalement majoritairement acquise

a l’interpr�etation subjective de la notion d’originalit�e. Quant a la jurisprudence, elle se faisait vraisemblablement

l’�echo de cette doctrine majoritaire, certaines d�ecisions exigeant malheureusement, en outre, que l’œuvre

pr�esente une ‘recherche artistique’.

14. Anvers, 30 novembre 1998, A&M., 2004/4, p. 420 et suiv.

15. CJUE, 16 juillet 2009, C-05/08, Infopaq v Danske Dagblades Forening.

16. Point 26 des conclusions de l’avocat g�en�eral.

17. Point 32 de l’arret.

18. CJUE, 22 d�ecembre 2010, C-393/09, Bezpecnostnı softwarova asociace – Svaz softwarov�e ochrany v

Ministerstvo kultury.

19. CJUE 4 octobre 2011, C-403/08 et C-429/08, Football Association Premier League v QC Leisure & K. Murphy.

20. Point 97 de l’arret.

21. Point 98 de l’arret.

22. CJUE 1er d�ecembre 2011, C-145/10, Painer v Standard VerglasGmbH.

23. Point 42 de l’arret.

24. Point 88 de l’arret.

25. Ce qui n’est pas de nature a remettre en cause le fait que certains auteurs considerent l’originalit�e comme une

‘notion a g�eom�etrie variable’, ces termes devant etre entendus en ce sens que l’originalit�e – l’empreinte de la

personnalit�e de l’auteur – se manifeste diff�eremment en fonction du type d’œuvres : Lucas. A. et Lucas. H-J.

(2006) Trait�e de la propri�et�e litt�eraire et artistique, troisieme �edition, Litec, Paris, p. 83, cit�e par Michaux. B.

(2009) ‘L’originalit�e en droit d’auteur, une notion davantage communautaire apres l’arret Infopaq’, op. cit.,

p. 486.

26. Point 98 de l’arret.

27. CJUE 1er mars 2012, C-604/10, Football Dataco v Yahoo !.

28. Ainsi, comme l’indique Michaux. B. (2009) ‘L’originalit�e en droit d’auteur, une notion davantage

communautaire apres l’arret Infopaq’, op. cit., p. 484, il n’est pas requis que le choix et la disposition

d’�el�ements soient originaux, bien que l’arret Infopaq utilise le pr�efixe « et ». Il est n�ecessaire, mais suffisant, que

l’originalit�e se retrouve dans le choix ou la disposition d’�el�ements.

29. CJUE 2 mai 2012, C-406/10, SAS Institute v World Programming.

30. Point 45 de l’arret.

31. Points 27 et 28 de l’arret.

32. Cass. (1ere ch.), 26 janvier 2012, C.11.0108.N, J.L.M.B., 2012/21, pp. 977-980.

L’harmonisation de la Notion D’originalite en Droit D’auteur Nicolas Berthold

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33. Dans cette contribution, le Professeur Gotzen se demande s’il ne convient pas de minimaliser la port�ee de l’arret

du 26 janvier 2012. La jurisprudence ant�erieure de la Cour de cassation indiquait, en effet, que l’œuvre doit

‘t�emoigner d’une personnalit�e’. Le Professeur Gotzen suggere donc que la Cour a peut-etre voulu marquer une

diff�erence avec les termes utilis�es par les juges d’appel, soit que l’œuvre doit porter “l’empreinte de la

personnalit�e de son auteur”, tout en pr�ecisant que pareille explication serait totalement insuffisante pour justifier

cette d�ecision, au regard de la jurisprudence r�ecente de la Cour de Justice.

34. Commission Staff Working Paper on the review of the EC legal framework in the field of copyright and related

rights, SEC (2004) 995, Bruxelles, 19 juillet 2004, pp. 13-14, document disponible a l’URL suivante : http://ec.

europa.eu/internal_market/copyright/docs/review/sec-2004-995_en.pdf, consult�e le 15 aout 2012.

35. Le Professeur Cassiers cite l’exemple de la loi belge du 31 aout 1998 sur les bases de donn�ees transposant le

directive du 11 mars 1996, qui accorde la protection juridique au producteur de la base de donn�ees, soit la

personne physique ou morale qui prend l’initiative et assume le risque des investissements qui sont a l’origine de

la base de donn�ees.

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