OEUVRES COMPLETES DE M. LE VICOUTE liE CHATEAUBRIAND ........ D. L'ACADt"l. Fll""4t01S1. -- TOME SEJZIEME. LES NATCHEZ. TOilE I. PARIS. POURRAT FRERES, EDITEURS, ava DB PftlT.. "V6111Tms; •• 5. I'V.II., L tUAI DI. AUCU.TIJI •• 1'1" 3ij. II Deee xxxv.
Oeuvres complètes de m. le vicomte de ChateaubriandliE
II Deee xxxv.
••• :.....
Lorequ'ell ISbo je quittai l'Ang1eterre pour reatrer. en France
eous un nom suppose, je n'oeai me charpr d'un trap grol bil8a~: je
laiNai la plupart de mea ma nuacrita i. Lobellel. Parmi cea manuma
Ie tI'ouvoit celui dea6atclle~, dontje n)pportois i. Pamqu~,
Jlta/a, et q11elque~deacriptions de l'Amerique.
Quatorze annees s'ecoulerent ava~t q11e lea commu nications avec
la Grande-Bretagne se rouwsent. Je ne songeai guere i. mes papiera
dans Ie premier mo ment de la Restauration ;-et d'ailleU1'8
comment lea ... tI'ouver PDa etoient restea remermea dana une mane,
chez une Angloiae qui m'avoit 108e nn petit appatte m~nt i.
Londres. J'avois oublie Ie nom de cette fem~e; Ie nom de la rue et
Ie, nume~ de lam~ 00. ra.oil dem~ure..etoient eplemen¥ortis de ma
memoire.
Sur quelques renseipementa vagues et m~me eon tradictoires, que je
6a paller Ii Londrea, MM. de Thni'l' eurent la bon~ de coqunencer
des recherchea; ila lea pourauivirent avec un die, u~
pene~rancedont il r ~
a tria pen d'e:s:emplea : je me plais ici... leur en _oi-•goer
publiquement ma recoDnoillance. ns decouvrirent d'abord avec une
peipe· -'nie la
maison que j'avois habitee dans la ,Eartie ouest de Lon dree. Mais
mon Mtesse etoit morte depuis plulieura
LII lUTeBD. T. I. 1
2 PREFACE.
annees, (It ron ne savoit ce que ses enfants etoient de venus.
lJ'indicationl en indication., de renseignements en
renseigne~ent&, MM. de Thuisy, apres bien des courses
infructueuses, retrOU\Terent .enSn , dans un vil~.. lage aplusieurs
milles de..Londres, la fainill, de mon
',," . h6tesse. .
• ·A.voit-ellf\~garde la maUe d'un emigre, une mJlle remplie de
vieus; papiera a peu pre. indkhiffrable8"? N'avoit-elle point jet4i
au feu eet.;Mu.tile ramal de ma- nuacrita fram,oi. P ...,.
Diun autre c6te, ai m0l)..JJom IOrti de ~o:q.ob.curite
avoit. attire dana les journaux de Londres 1'attention des e.manta
de mon ancieone h6teaae, n'auroieJit- ils poin~ voulu pro&ter
de cea papiera, qui des lora aeque roient une eertaine
vale~?
'"aieh de tout eela n'etoj&. arrive : Ie. manuscrita
fl\'t)i~tlt ete conserve.; la malle n'avoit pas mt\me ete oU"erte.
Une religieuse 6.delite, dan. une famille mal heu~use, avoit ete
gardee a un enfant du tnalhetr. l'avoii" confW, avec simplicite Ie
produit dei travllUX d.'un~ partie de ma vie aJa probite d'un
depoai"taire ev.nger, et mon trUor m'etoit rendu avec ·la m~me
eimp1icite. Je ne connoia rien qui m'eit plus touche dana•.ma vie
que la honne f<¥ et la loyaute de cette
.. paovre familie antJIoise. . V~ comme je parlois dee NatcMz.
danala Preface de la premiere edition d'-iltala .~
I C J'eteis encore tres jeune 10l"eque je conc;ue I'idee de cfaire
l'epopU de l'komme de la nature, ou de peindre.. ,c lee mreU1'8 des
SaU.vagea, en lea liant aquelqo.e eve-
PREFACE. 3. . IInementc~nnu. Aprea la'decouverte de l'Amerique, je
«ne vis pas de sujet plus interessatt, IUrto,t pour des II
Frarfc;ois , que Ie rdssac'1-e de la colonie de. Niltchez a ula
Louiltiane, en t 727. Toutes- 1. tl'ibu8 indiebnes
•a. cQnspirant, apres deux siecles d'appression, ponr • •II rendre
la liberte au Nouveau - Monde, me parurent
a. offrir un sujet fresque au~si heureux que la conqu~te . cdu
Manque. Je jetaj quelques fragments de eat OUt
«vrage SQr Ie ptpier; mais je m'aperc;us bientM que je' cmanquois
des vraies eJuleurs, ~t que si je voulois 'aire (( une im~e
semblab1e, il falloit, al'exemfle d'Homere, (I visiter fes peupl~s
que je voulois peindre. •
..tn 1789,je 6s pm AM. detMalerherbes du de88&in (l qu6j'avois
d~ passer en y.erique. Mais, desirant tft.
a.~~me temps donner un but utile t\ mon voyage, j~ • cformal I~
dessein de deeouvrir par terre Ie pa8Sag6
a. tant cherche, et sur lequel Cook m~me avbit lais&e (I des
doutes. J~ partis;~ .les solitudes amerieaines, a. et je revinl
avec des plans pour un sec*fnd voyage t
<l qui devon: durer nimf ans. Je me .~roposois de t1'a~ «verser
tout IQ,eontinent de l'Amerique septentrionale, <cde remonter
ensuite Ie long des c6tes, an nOl'd de Ia «Californie, et de
re-renir. par la baie d'Hudt,on, en
•• tournant sous Ie p61e t. M. de Malesherbes se chargea ~ .
«de presente, m~s plans au gouYernement, et ce fut i
«alors qu'il "ente:ndit" I~ll premiers ~mentsdu petit c ouvrage que
je donne aujo~rd'hui ' ... public. La r~, I' •
I 1\1. l\Iackensie a depuis execute une partie de ce plan •.
• La eapillrine Franklin est e';tri\ dernierement dans 1. mer
Polaire, vue par Bearne. et continue dans ce moment ses
recberch~s.
t.
PREFACE.
«volution mit £in a. tous mes projets. Couvert du sang • de mon
frere uniqtie, de ma beUe-sreur, de celui de ul'illustre vieill¥d
leur pere, ayaDt vu ma mere et une II autre sreur pleine. de
talent& mourir des suites du trai '~ten:.tentqu'eUes
avoient,eprouve dans les cachots, j'ai , erre sur les terres
etrangeres...
uDe tous mes manuscrits sur l'Amerique, je n'ai "sauve que quelques
frapents, en p~rticu1ier .Atala, c qui n'etoit eUe-m~mequ'un
episode dfiS Natc4ez. .Atala I a ete, ecrite dans Ie desert, et
sous lea huttes des II Sauvages. Je ne sais si Ie public golltera
cette histoire, «qui sorl' de toutesles routes connues, et
qw'presente ,une nature et des Qlalurs tout-a.-fait citrangeres a.
d'Europe s.. .
Dans Ie Genie liu Christ~is11UJ,tome n de~ anciennes 'editioDs., au
chapitre du Yague au PassiON, on lisoit ·ces mots:
«Nous seroit-il permis-\ie· donner aux lecteurs un «episode
.erlrait, comme .Alala, de nos ~nciens Nat
u chez: G'est la vie ·de ce jeune Rene, a. qui Chactas a 'raconte
son hiitoire, etc. lJ
Enn, dans la Preface generale de l'edition de zpes OEuvqcs, j'ai
deja donne quelquea renseignements,sur les Natcnez.\
'Un manuscrit dontj'ai pu tirer .At~la, Rene, et plu sieurs
descripti9ns placees dans Ie Genie au Cnristia
.nisme, n'est PIS tout-a.-fait aterile. II sa compose, comme je
l'ai'llit aiUeurs II, de deux mille trois cent
I Preface de 1a premiere edition d'.4tala. • A_vertissement des
(Euvrea complthea
PREFACE.
quatre-vingt-trois pages'in-folio. Ce premier m!1nuscrit eat ecrit
de suite, sans section i tous les sujeu y sont confondus , voyages,
histoire natureUe, partie drama tique, etc. i.mais aupres de ce
m~nu8crit d'un seul jet it en existe un autre partage en livres,
qui malheu reusement n'est .pas complet, et aU j'avois commence
aetablir I'ordre. Dans eEl second travail non ache~e,
j'avois non-seulement procede ala division de la ma:' . tiere, mais
j'avois encore chang«He genre de la compo sinon, en la fainnt
passer du roman. Ii. l'epopee.
La revfsion, et m~me la simple I~cture de cet im mense Qlanuscrit,
a ete un travail penible: il a faUu mettre Ii part ce qui est
voyage, apart ce qui est his toire naturelle" Ii part ce qui est
drame i il a faUu beau couJirejeter, et brdler encore davan~agede
ces compo sitions 3ll1'llbondantes. Un jeune homme qui entasse
p~le-m~le ses idees, Ses inve~tions, ses e~udes, ses lectures, doit
produire Ie chaos i mais· aussi dans ce chaos il y a une certaine
fecondite qui tient ala puis sance de l'Age, et qt1i diminue en
avaD~antdans la vie.
n m'est arrive ce qui n'est .peut-~tre jamais arrive. un auteur:
c'est de relire apres trente annees un ma nuscrit que j'avois
totalement oublie. Je l'ai jut¢comme j'aurois pu juger l'ouvrage
d'un etranger : .I,e vieil ecri vain forme a son art, l'homme
eclaire par la critique, " l'homme d'nn esprit calme et d'un sang
rassis, a corrige les essais d'ug auteur iDlexperimente, abando~e
aux caprices de son imagination.
J'avois pourtant un danger acra!ndre. En repas8ant Ie pinceau sur
Ie tableau, je pouvois ealindre les COQ:o
6 PREFACE.
leurs'; upe main plus sdre, mais moins rapide, couroit risque de
faire disparottre les traits moins corrects, mais av.ssi les
touches plus vives de lajeunesse : il fal loit conserver ala
composition son independanc,e, et pour ainsi dire sa tougue; il
fa~oit laisser l'ecume au frein du jeune cout'8ier. S'il y a dans
les Natchez des
, . c~oses que je ne hasarderois qu'en tremblant aujour- Aui, il ya
aU8si des choses que je n'ecriroi~plus, 00
tamment la lettre de Rene dans Ie second volume.
Plrtout, dans ..et immense tableau, des :if6cu~!l considerables se
sont presentees au peintre : il n'?Joit pas tout-a-fait aise, par
exemple, de m~ler ades com;'
bats, a des denombrements de .troupes Ii la maniere des anciens, de
m~ler, dis-je, des descriptions de ba-
taiUes, de revue., de manreuvres, d'uniformes et d'armes modernes.
Dans ces sujets mixtes, od mar~he
constamm~nt entre de~x ecueI1s, l'aff'ectatfon ou la trivialite.
Quant Ii l'impressioD generale qui resulte de la lecture des
Natchez, c'est, si je n'e me trompe, celle qu'on eprouve a'1a
lecture de Rene et d'Atala: il est naturel que Ie tout ait de
l'afflnite avec la..partie.
On peut lire «tans Charlevoix (Histoire de la NoufJelle France,
tome IV, page 24) Ie fait historique qui sert de base a la
Qemposition des NatcMz. C'eat de l'action'
particuliere, racontee par l'Hlstorien, que j'ai fait, en
l'agrandissant, Ie sujet de mon ouvrage. Le lecteur verra ce que la
fiction a ajoute Ii la veri1l6. •
J'ai deja dit qu'il existoit deux manuscritA des Nat -chez .. l'un
divise en livres, et qui ne va guere qu'a la
moitie de l'oun-age; rautre qui cofttient Ie tout sans
PREFACR~ J
division, et .vee tout Ie dosordre "de la matiere. De J.a une
singnlarite liUeraire~ana I'OUvreg6 tel que je Ie donne au publio:
Ie pre.wer volume s'elel"e. aIII dipite
.de l'epnpee, CQmme dens IN Marv" j Ie 8eoond VOIUlUO descend ala
nap-ation ordinaire, COIQ.JllQ dan. A tal" ett.· ,..d.ns 8,,,..
1
Pour arrwer al'unfe du style., i1 edt fllUu e.er du pre.wel' volume
Ii oouleur epUlue, ou l'etendre lUI' Ie second: or, dans run ou
l'autre C4ls,je D'auroi. plus reproduit avec &dellte Ie travail
d" ma jeunesae.
Ainlli d(Jnc, danstle premier volume d. NatcluJ;s •
on trouvera.le me",eilleu, et Ie DlCIrveiUeux de toute. les
aapeces: Ie merveilleux chretitlll, Ie merveillet4 my
tkoloCique, Ie merveille8il in~ien; 06 rencontrera de.. muses ,.
des aog.t;a; des dlmon., des genies, des com bats, des perao.nagel
allegoriques: la Renonmu!e, Ie Temps, la Nuit, la Mort, l'A~itie.
Ce veluGle offre de. invocations, des sacrinC6f, des prodiges, -des
compa
raisons multipliees, les.unes co..-a:e., les ,utres lon gues, Ii
la fa~~ d'Homere, et 'formant de petitl1 ta
bleaux. Dansie second volume, Ie mervei/leu.z elispar., mais" .
~l'intrigue Ie complique, et les .rsonnages se multi-
plient : quelq~s-uns d'entre ellX .ont pris j~1Squedans les rangs
inferieurs de la socie~. Enfin Ie roman r. place Ie potime, saos
mlanmoins descendre au-dessous du style de Rene etd'...ltata, et ~~
remontaM quelque Eois, par III nature du sujet, par celIe des
caracteres et par la description'des lieux, au ton de
l'epopee.
Le premier volume contient la suite de l'histoire de
.. PRBFACE. Chaetal et Ion voyage a Paris. L'intention de ce r.;cit
est de mettre en oppoaitiob les mretirl des peuples chasseurs;
~cheura et pasteura, avec lea'mreul'8 du peuple Ie pille police de
la terre. ,C'elt 1 la fois la cri- ' tique et l'eloge du aiecle 'de
Loui~XlV, et un plaidoyer entre la civilisation et !'etat de
nature: on verra quel. juge decide la questiOll.
PoUr faire passer 8Oua'lesyeux de Chactallel hammett : illu8trel du
gl'8lld .iecle, j'ai quelquefoia ete oblige de ser~r lei temps, de
grouper ensemble des hommes qui n'oat"pa. vecu tout~a-f'ait
edtemble, mais qui ae aont auccede dana la suite d'un long rigne.
Pel'SOnne ne me reprochera saDa doute cellegera anachronilmea, que
je devoil pol1l'tant ffire.remarquer ict
Je dis la ml\me chose des evenemeD18 que j'ai trans portes et
renfermes dana une periode obligee, et qui a'etendent,
bistoriquemcnt, en d~ et au-dela de cette
periode. ~
On De I¥ 1Il0ntreia, j'espet:e, p~ plu de rigueur POUl'la critique
des lois. La procedure criminelle cessa d'~tre publique en France
sou, FranCiOil ler, et les ac cuses n'a,voient pas de
de(e,nseUl's. Ainsi, quand Chactas suiste a la plaidoin. d'un
jugement criminel, il y a anachronis~e pour lea loia: Ii j'avois
besoin SUI' ce pamt d'une justi&.catioa, je la trouverois danl
Racine m~me; Dandin dit a Isabelle :
Avez-VO\l1 jamail vu donner la queltion i'
lSolBBLLB.
Non, et De Ie verrai, que je crois, de ma vie.
PRE-N.CE.
D"'I'DIIf. ", ":
• .. ..... LL ••
.. P4Jf.DII'. •, Bon! cela fait tolljou... paaae.. !In. beUl'l!
o~eUll.
9
Racine luppoee qu'on voyoit de lOll empa donner la question, et
eela n'etoit pas: les jugel, Ie gret1ler, Ie bourreau et lea
gaJ'CtOns, assistoient seuls l la tol'ture.
r(>spere en&n qu'aucun veritable~ de noa joW'l ne
I'offenfera du recit d'one seance i. l'Academie,
etd'uneinnocente critique de la science ioual.ouia XIV, Cl'itique
qui tI'ouve d'ailleW'll son contre-poids au 10" ptJr cM:&
Ninon. Ds ne a'en offenseront paa davantage que lea gens de robe ne
se blesseront de! ma relation d'UIle audience au Palais. Nos
avocate /'nobles deren aeurs des libertes publiqu,es, ne p8J'lent
plus comme Ie Petit-.lean des PlaitJeur.l; et dall&"notre
,siecle, ou. la .clenee a fait de ~i grands pas ~~e'tantde
prodiges, la pedanlerie est_, ridictfle ~pIeteDleDt ignore de nos
illustrel savants. '. '
On tMfItve aus" dana Ie premier volume des NatcM:&
un livre d'nn Ciel chr8iitm, different du~l du Mar
.,.,..: en Ie lisant j'ai eru eprouve~ un sentiment de l'infini qui
m'a determine acOnsetJer ee livre. Lea ideee de Platon y sont
confonduea avec les idees ehretiennes, et ee melange ne m'a paria
preaent~r rien de profane ou de bizarre.
Si on s'occupoit encore de style, les jeunes ecri-
#'
L'histoirf:, qui punit et qui recdmpense, perdroit sa puissance. s{
elle ne savoit peindre: sans Tite - Live, qui se sOfvipdroit du
vieuI Brutus? sa~s Tacite,. qui penseroit a Tibere? Cesar a plaide
lui-m~me la cause de son immortalite dans ses Commentaire&, et
il l'a gagnee. Achille n'existe que par Homere. Otez de ce monde
I'art d'ecrire, il est probableJJue vous en 6tereJi la, gloire.
Cette gloire est peut~treJoe assez belle inu tilite pour qufil
soit bon de la conserver, du rqpins encore quelque temps.
•
·LIVRE PREMIER. - ...
A l'ombre del for~ta americainea, je veux chan ter del airl de la
lolitude tela que n'en ont point encore entendu del oreilles
mortelles ; je veux ra conter VOl malheurf; 6 Natchez 1 6 nation
de la I.<>uiliane 1dont il ne relte plul que dea aOUf"enirs.
~)nfo!-tunes .'un obscur haMtant des bois au roient-elles moins de
droits it n08 pleurs que celIes des autres hommes ? d lea mausoIees
des rois dans nos temples sont-ils plus touchanta que Ie tombeau
d'un Indien IOUS Ie ch~ne de sa patrie?
Ettoi, flambeau des meditlltions~ astre des nuits,.. . sois pour
moi l'astre du Pinde 1marehe devant mes pas, it travers les regions
inconnues du ~ouveau
Monde, pour me decouvrir it ta lum~ere lei secreta ~jssanta de ees
desertal . J
Rene, accompagne de ses guides, avoitt remonte Ie coura du
Mesehacebe; sa barque flo&tojt au pied des troia collines doni
ie rideau derobe aux regar. Ie beau pays des enfanta diJ. Solei!.
II s'elance sur Ia rive, gravit Ia e6te escar.pee, et atteint,le
sommet Ie plus ~Ieve ,4es trois eoteaux•. Le jrau.d village des
Nattbez se montroit it quelque flistance dans
12 LES NATCHEZ.
une plaine parsemee de' bocages de sas88fraa: ~ et lit errojent des
Indiennes aussi Iegeres que les bichefavec lesquelles
elles,~n.dissoient; leur bras gauche etoit charge d'une corheille
sUllpendue it 'une longue ecorce de bouleau; elles cueilloient les
fraises .dont l'incarnat teignoit les doigts et lea gazons
d'alentollI' Rene descend de la colline et s'avance TRs Ie village.
Les femmes s'arr~toient it quelque distance pour voir passer les
etrangers, et puis s'enfuyoient vers les bois: ainsi des colombes
regardent Ie chasseur du haut d'une roche elevee , et s'envolent it
80n approche.
Les voyageursarrivent ath premieres cabanes du grand village; ils
se presentent it la porte d'une de ces cabanes. La une
familleassembIee' etoit.as sise sur des nattes de jonc; les hommes
fum.oient Ie calumet; les femmes filoient des nerfs de che vreuil.
Des melons d'eau, des plakmines seche8, et des pommes de.mai
etoient poses sur de8 feuilles eje vign~vierge au mi~ieu du cercle
:.un nmud de bambou servoit pour ,boire l'eau d'erable.
Les voyageurs 8'arr~terent'sUl' Ie seuil et dirent: «Nous 80mmes
venus. Jl Et Ie chef de la' famille repcindit: «Vous ~te8 venus,
c'est bien.. D Apres quoi chaque voyageur s'assit sur une natte et
par tagea Ie fe$tin 8ans parler. Quand cela fut fait, un de8
interp~etes eleva la voix et dit: «0'1 e8t Ie «Soleil t ? D Le chef
repondit: «Absent. D Et Ie si lence recommen~a.
c' • ~ • I Le Soft/ii, Ie Grand-Chef I ou I'Empereur del
Natchez.
LIVRE I. 13
One jeune IDle parut a l'entree de la cahane. Sa taille haute, fine
et deliee, tenoit a laSlis de l'eM gance di1 palmier et de la
foiblesse du roseau. Quelque chose de souffrant et de r~veur se
m~loit
a Se8 grftces presque divines. Les Indiens, pout:' 'peindre la
tristes8e et la beaute de Celula, disoient queUe avoit Ie regard de
la Nuit et Ie 80urire de l'1\urore. Ce n'etoit point encore une
femme mal heureuse, mais une femme destinee a Ie devenir. On
auroit ete tentc de presser cette admirable crea t..-e dans ses
bras, si ron n'eUt craint de sentir palpiter un emur devoue
d'avance aux chagrin8 de IJ'v~
celuta ~re en rougissant dansla cabane, pa.sse devant I•
.etrangeps, 8e penche a l'~~.ille de la ma trone du lieu, lui dit
quelques mots' a voixbaase et se retire. Sa robe blanclle d'eeorce
de murier on-
•doyoit Mgerem~erriere eUe, et ses deux talons de rose en
rele\roient Ie bord a chaqtie pas. L'air dellleura embaflme 8~ les
trace'S de l'Indienne du parfum des Beurs de upgnolia qui
couronnoient sa ~te: telle parut1lero aux fltes d'Abydos; telle
Venus se fit eonnoitre, dans les bois de Carthage, a sa demarche et
a,l'odeur d'ambroisie qu'exhaloit sa .elure. ", .
Ce'pendant les guides acheveht leur repas, Ie
levent et disent : u Nous nous en altons. » Et Ie chef ildien'
....epond: II Allez oil Ie veulent les Genies.,. Et lIs sortent
avec Rene sans qu'oQ. leur demande quels soin8 Ie ciel leur a
eommiB.
Us pa88ent au milieu du grand village, dont les •
14 LES NATCHEZ.
cabanes carl'e~ supportoient' un toit arrond~en
dome. Ces ~its de chaume de Ibms entrelace de feuilles s'apphyoient
sur des murs reco~ert8 en dedans et en dehors de nattes fort
minces. A l'ex tremite du village les voyageurs arriverent sur un~
place irreguliere que formoi~tla cabane du Grand Chef des Natchez
,et celIe de 88 plus proche pa- rente,la Femme-Chefl. - <
..
U concours d'Indiens de tOUI les 'ges animoit cel lieux. La nuit
etoit survenue, mais les flam-.'beaux de cedre albtmes de toutes
parts jetaient • v1ve clarte sur la mobilite du tableau. Des
vieillards fumoient leurs calumets, en s'entretenant des ~ho/es du
passe; des meres allaitoient leurs enfants, ou les IUlpendoieotd~s
leurs berceaux aux bioanches des ta~ar~s; plus "loin de jeunes
gar~ons, les brill attach~s ensemble, s'essa.oient il.(lui
supporteroi~
piuS' long-temps l'ardeur d'un ~bon e~flamme;
lea guerriers jouoient it. Ia balle'ldec des raquettes garnies de
peauxlfde serpen_ts; d'lutres gue~rs
avoient de vives contestatious' aux jeux des pailles et des
osselets; un "plus grandi~m.bre executoit Ia danse de Ia guerre ou
celIe .u buffie, tandis que des musicicos frappoient avec ~lDe
seule baguette une sorte pe tambour, sou~ient dans ulW:~n.
que sauvage, ou tiroient des sonI d'un os de che vreuil perc6 i
qu.e trous, comme Ie flfre aimt d,u sdldat. '" • '0' i
~'etoit l'he...e ·ou __ Aeun de'l'hibiscus com·- " ....
I Le lU, de celle ilemme heriloit de 1a royaute• •
LIVRE I. 15
mencent it .'entr'ouvrir dana lee lavanes, ou lelt tortUe8 du Beuve
vieDllent deposer leurs milfs dana ses sabl.. Les etrangers avoient
deja passe sur la place des jeux tout Ie temps qu'un enfant mdieD
met it parcourir- une cabane, quaod, pour e888.yer Ia marche, Ia
mere lui presente la 'maJDC!lle, et Be
retire en souriant devant lUi. On vit alo~8 paroitre un vieillard.
Le ciel avoit voulu l'eprouvet: Sett
yeux ne voyoi~nt plus la lumiere du Jour..,II che minoit tout
courbe, s'appuyant'd'un c6te, sur Ie bras d'une jeune femme, de
l'autre sur un' bAton de ch~ne.
I.e patriarche du desert Be promenoit au milieu de la fowe charmee;
les, ~aclaem8 mt,me paroil lOient aaisis de respect, ~ ~soient, en
Ie suivant, un cortege de siecles au'~enerable homme qui jetoit
tant ll'ecIat et'attiroit tant d'amour sur Ie viwil Age.
•
J6 LESNATOHEZ.
• etranger, vous devez,' un pied- nu dans Ie Reuve .et une main
~tendue sur. lei eaux, faire un sacri- • lice-au ~eschacebe: C4lr
l'etranger estaime du • G.-d-Espri!. D
Pre8 du lieu ou parloit ainsi Ie vieillard se voyoit un catalaa ·au
trone noueux, aux rameaux etendus et charg~sllde leurs:
le"vieillard ordonne it sa iille de 1'1' cQnd~ke. n .'usied au pied
de I'arbre avec Retie et)es guide8. Des enfantB montesaur les bran
ches du catalpa eclairoient avec des flambeaux la scene au-dessou8
d'eux. Frappes de la lueur rou geAtre des torches, Ie vieil arbre
et Ie vieil homme Ie pr~toient mutuellement une beaute religieuse;
l'un et I'autre porteient les marques de8 rigueurs du ciet, et
~ourtant ila ieuri880ient enco~ apre8 &Voir ete frappe8 de
la"foudre.
Le frere d'AmeIie ne se la880it poi~t d'admirer Ie Sachem. Chactas
(c'etoit son nom) ·ressembtflit am: heros l'epresente8 par ces
bustes antiques qui expriment Ie repos dans Ie genie, et qui
semblent naturellement aveugles. La. pm des passiqnf eteinc tel se
m~loit, sur Ie front de Chactas, ~tte sere nite reOllll'q~le chez
les hommes qui ont v.erdu Ia vue; soit qien etant prives de la
lumiere terre8tre nOU8 commercion8 plus intimement avec celle .des
cie~, ~ q,ue I'ombre 00. vivent les aveugle. ait
•• Y .
un calme qtll8'etende sur l'Am.e; de m~me que la nuit eftt plus
silencieuse ~e Ie jour.
, .
LIVRE t. 17.. terre, et 1a troi8ieme autour .. l'hoJJizo,n. EDBwte
ill: pre8enle 'aUX etrangers. Alors Ie .frere d'Ameli,; ; dit: •
Vieillard t·. pui888 Ie ciel te Mng dana l~• .. e..fan41 Es-tv-1e
paste'!l..de ~ peuple qt,li t'eD~
.. vironne? permetl-mQi de me ran~r parmi Wn, tr ."II oupeau.» ,"
1>iF> : •
... -.,... Etranger, re.partit Ie sage «\es boi8,.Ie .ne ...ui8
qu'un sim~' .Sachem, .fil, d'Outaiiasi. Qa .. me nomme C¥cta.,
paJlte·qu'on pretend que ~a • von a cwelque douceut~ qui peut
"r~enu.de .la crainte..q~ j'ai (lu frrand-EsR.rit., Si noUl te II
reeevons comme un fill,. n.oui .De devOIl8. point . II en retirer
de 10uan,ge8., Oepuia IODg-~mp8 nou~ • • iommes amis d'Ononthio t
dont Ie Sole~ 2 babi~
II de rautre cottdu lac "'8 rivage 3. lei vieill~tds II d.e toq
pays ont disconru avec les vi~ill~ ~
.. mien, et mene dans leur .templ.la dapse de~ lor~,. 'c. 01;>8,
aie~x etoient tine race. pw88at\te..JJQ~ usom~nous aul.u:;es de n~s
pli.eul:ffjl~i-melX\e
"uqJi ~e parle,j'ai habite ~dis'parmi tes,peres :je.. II n'e1;8is
pas courbe vers.laterr~,GO'A~ ~1JjoU!"
II ~hui, et mOD n6m retentis80it. qaqs Jes for~t8.,
II J';ti contracte ~ne Wande dette ~n,!er:Jt.laFr~.
u Si rOIl me trouve quelqJle ~e~e:~8t~ un Fran- Cl ~Oi8 que je i~
dais;; ce 80nt· 8ea ·1~$qn8 qui. onf, ugerme daD/!. mon ~reUll' :
le8.,parole~ ~ l'homme, Cl selpn.les v.oies du .~fand-Esprit. llont
des (f'lline% u figes, que lea brise.8 de la fec~nditedispersent
'dlins « mille climats, OU ~ne6 se qevel()~nt.en·pur m~,.
• I Ite gouvefneu';.~ranc;oi•.
LIla lUTCBBI.. T. I. •
I t,tI • LES NATCHEZ.
. «0\1 fM ft'niu d~li(!iel1X. Me. ()8 ,:~mon fit.~ J'e,P0.
Clseroient mollement dans la cabane'tle la mort, si ije pou~oh,
avant de ~cendre it·lacontree. ~e8 d A.melt, prouver rna:
r~nnoissanc:e' l"lr quelque • se'rvice rendu aux c0'¥'PQtriote&
d~ mon ancien'
1« hote du P8lYs des Blanes. It
, En llcheva'nt deprononcer ces' mots, Ie Nest~r . des Natchez 'Ie
cou~rit la t~e "'e son manteau, et pattit ae perdre dans ettfelque
grUld souvenir. La beaute de'~ vieillard, Jj.eloge d'uD h~mp1e
polic~ prononce au milieu d'un desert par uri Sauvage,
•1'e titre de fils donne it un ~t..anger, cette cotitume • ilaive
des peuples de III nature, d~ traiter de parents
tous lei hommes, touchoienl profondement Rene. . .
, Chactas, apres quelques moments de silence, tepr,it llinsi la
parole: CI. Etranger du pay' de I'An «rore, .i je t'ai bien
compris, il me semble qUe 8 tu el venn pour habitcr les forMs ou Ie
solell se • coOOhe. Ta fais III ,une entreprise perilleusff; il
~·e.t pas aU8silli.e q'le tu Ie penses d'erreJ' par a'le! sentiers
du cheVI'euiL. II fa~t que les Maftitou~
CI du malheur t'aient donne des songes bien fu II nestes, pour
t'a~oir cond~t It une pareilIe resolu «tion. Baconte"BOUS ton
histoire, jeune et~nge":
ci~Juge par J.a fratcheur de ta voix~ 'et en to,!chant c tea bras
je vois par leur \ouplesse .que tu dois «~tre'dans l'Age des
passions. Tn ttot1venas lei des It cmurs qui pourront compatir a
tell souffrafices. c Plusieura des'Sachems qui nous ecoutent con •
noissent la langue et lea mmurs d.e ton pays-; tu CI dois
apercevoir aussi, dans la fotile, des bl81'lC8.
.. LIVRE I. .•9..
Ii..• ~pfltrit)tes~Jl fort .Roaelie, flui seront~ehar.· - mes
d'~eDdl'e parl~r de lel;lrpaya.» .-
Le frere d'Amelie I'epoodit d\1ne TO~ uoobWe: -1ndleo , ma ~ie elf;
saA. aventUres, ot Ie cmur. de R • . •u ene n~ ;~ J'8C98.te
pOlllt". )i
Ges pHole, brUllCil1les fW"eot .uivies d'lUl profmMf silence: lea
regards du ftoore ,d'Amelie etinceloient cfun' feu iOmbre; les
pelM8eS .'amoneeloient et a'em'9~Vfoiedt 4KU' SOD trout. comme
desn~•.; 8e8 cheyeux a.voient U~ legere agitation sur sit te~ea.
Mille 8el)umtnts oonfus regnoient dalJ8 la ~ultitude:Ie. uns p~ent
.'etnmger pour 1IIl in ae~se, ldI autrea pou.r un flenie' revka
dl\lfl~~ • hUUlaine. .
fIhacta&, etendan:t la' main dt1D8 l'om1?re, prit celie
de.Rene.uEtr~ger'lui dit-il, pudonne amil . «'{'riere indi~r4he;
lea vieillardB eont .curieux ;'0. • a aiment.~ecouter lea
iliatoires po. avoir Je pltUil' ade faire des ~90ntL: .¥t. • '.
.... ~
Sorta~.t iel'amel'twnede set pense., fKr8IDI8H
au senti~nt de sa nouv"lle existence, Rebe· .up" plia Chactaa de Ie
faira ..dmeure. au nombr.e i~'"
guerriers n~tchez, et de .l'~opter. lw-mtlme Pour II8Il fils. . . .
! '" ; , •.
,\.Tu. trouveru .. natf4 ~an8 ma ~~~•.~~ a ponqit Ie Sachem.,t mes
Vleux ans seQ. r6J01Ul'
.
•• 20 LE~ NATCHEZ.
• «~I\ oomr lea ~gret8 de 'Ia.patrie ? Tout ~ reduit :souvent, pour
Ie voyageur, a echanger dans la • terre etrangere ~sjllU8ions
contre des sou,!enirs. «Vhomme entretient datA SO'ft sein' un delir
~e «ben1'ieur qui IJt se detruit ni ne -se reaIjee; il y a .
-. dans n08 boil une plante dont la 8eu.r se forme .et,ne
s'epanouitjalllBis!c'est l'esperance. D ' •
Ainsi parloit Ie Sachem : m~lant la force a la douceur, il
ressemblait lees vietA ch~nes oU. les
iabeilles ont cache lellr mieI.' • Chac.tas Be leve a l'aide elI
bras de' sa fille. Le
&ere d'Amelie suit 1e Sachem, que la foule em pre88~e
.ec80duit it sa cabane. Lett guidet: reto\lr- nerent au fort
Rosalie. ..
Cepepdant Retie eroit e'ntre sous.le toil de;a~on hl;te,
qu'ombrageoient ~atre. supeI'bes tulipiers.
• On fait chauffer nne eau pure dans ~ vase·de pierre noire, ponr
la-.er lea' pieds du frl!re d'Ame
,lie.' Chactas sacri6.e ~~*apitous ~rotecteurs des .etrangers;.j!
brule en leur honneur ~Qf feuilles de saule': Ie saule est agreable
aux genies..des voya geurs, parce qtllil croit au bord des
fleuves, em.. bleiiIes d'une vie errllnte. Apres ceci"'Chactas pre
senta it Bene la calebasse de l'hospitalite, ou It\ ~neNllion8
avoient bu l'eau.:.~'erable. Ene lItoit ~ronnee d'hyacinthes ble.
qui repandoient nne bonne odeur. Deux Indien\;c~llres par .leur
esprit ingeniewt;. avoient crayon~e iur ~s flanc~
dQres I'histoire~ll!un voyageur. egare daM le~ bois. :loRene,
IIpres avail' mouilIe ses levres dim818;.~oupe
fragile, la rendit aux mains tl'emblantes du patron
LIVRE I. 2i
de la 8olitUlJe. Le calumet'de pai~, ~ont Ie four neau etoit fait
d'une pierre rouge, fut de nOlilveau pre8ente au frere d'Amelie. On
lui servit en m~me
temp8 "deuX jeune8 ramiers qui, nourri8 de baiel :de geoevrier par
leur .mere, e~oieI1t un mets digne- ,de la table d'un roi. Le repas
acheve·, une jeune • fille aux bru nUl parut devant l'etranger, et,
dan I8nt la chanson de l'h08pitalite', eUe disoit:
."'ut, h6te du Grand-Esprit! sqlJIt, (\ Ie pItA uacrts dedhomme8!
Nou8 avODS du mai8 et une • cou.e ~our toi': salut, h6te du
Grand-Esprit t' 41 8alut, (\ Ie plu8 sacre des hommes ! D La jeune
tiUe prit l'etranger p8.'r la main, Ie conduisit a la peau d'otlrs
qui devait lui servir de lit, et puis eUe Be retira aupres de ses
parents.~ene s'etendit sur Il.. c~u~ije du chasseur', et dormit 80n
premier' 80mmeil chez lee Natchez: ••
Tandis que la nation du Soleil 8'OCCUPe" encore' de jeux et de
_f~tes, une fatale destinee precipite de toutes parts les
evenements. Abandonnant les. champa fertili8~ par les sueurs de
leurs aieux, de jeunes hommes, plantes etrangeres arrachees au doux
sol: de la Franc~, viennent en foule peuplel' de 'eur fructueux
exil Ie fort' qui gourm~nde Ie' Mesehacebe, et qui fait redire a
ses bords Ie nom ch~rmant de Rosalie. Perrier, qui gouverne a la
Nouv~ne-OrIean"es vastes champs de la Loui 8iane, Perrier- ordonne
a Chepar, vaillaot capitaine des- Fran~oj8 aox Natchez., de faire-
Ie d~nombre
ment de 8es 80ldats, lfin de porter ensuite, si telIe! etqit la
nece88ite, Ie .80C ou la b~cl}e jusque ~ao3
I
~. LES NATCHEZ.
lea tombeaux: des lDdieR&. Chepal' commap~aua· ~tot.a ses
baiaillopa de Ie deployer a la pr~miere Q.urore sur lea bords du
leuve.
A peioe' les rayons du mann avoient jailli du ,ein des mel'S
Allantiquea, que Ie' bruit des tam boura et lea .fanfares"de.
trompettes font tl"e88aillir
·le guerrier dans sa tente ~a.lpi. Le desert .'ep6u vante et
aecoue. sa cbevelure de fol~tI; la terreur peBetre au fond de sea
demeur~s', qui, depu¥ la naisianCe du rrionde, ne repetoient quek8
soupil'8 des vents, Ie bramement de8certi et Ie cru.t des Qiseaux.
,
A ce signal, Ie demon· d~s combats, Ie sangui naife Areskoui 1 et
les autl'es eSprits des ombres pousscot un cII de joie. L'ange du
Dieu des aPIDee8 repond a leurs menaces en frappant sa"lance d'or
sur SOIl bouclter dediamant: telles 80nt tes rumeu'" de l'Ocean
lorsque lei 8euvea amerieains. en8ant leurs urnes, rondent tous
ensemble 'sur leur vieux pere; rOce~, frac8l88nt sel vagues entre
lea 1'0
chers,- etinca:Ue; il se souleve indig.e, se precipite sur sea·
nIs, et les frappant de son trident, leI re pousse-. dans leur lit
fangeur. Le loldat ~i. enten,d -ees bruits; il se reveille, oomme
Ie che'tal de bataille qui dresee l'breille au fremiasement de
rairain, ouvre ses narines fumanre., remplit rail' «te sel gr~les
hennissements, m¥d.· les barreaux de sa creche, qu'il couvre
d'ecume, et dece~e dans t~te8 les allures l'impatience, Ie
courll8e, la CrA£e et· la legerete. ""
I Genie oa di~de Ia lJW!I'l'8 claM le, 88l1VlltJUo. ·
LIVRE I, 13
'4Un DlOUV4NQtItt .n'ral Ie ....... Ie camp e1 Jdant. Ie fort.· U.
fllllta8lio. caUtiot au faiaceaux d'armea; I... cavalier. volti••
deja .ur leun counier.) on eDteod Ie~ dee chaiaee et lea rouJelD"tB
de la PCADW artillerie. Partout brille l'aoiet,:, putout Sotte..!
lee d.,.~~ de Ie
• Frrmce: drapeau ilJllPortela.eouven.d, ~tI'ice~ comIQe~a
gultrri~PI vieillia dan.le~ COlDbaW. Bie.. t(\t l'&rIDee Ie
d61W1e.le IOB8 ~ MeJc~be, La chreur dea inatrumentl de Bellone
anir;q, de let
air. triom~ toua c~ brave., tae(ija que ron voit .'8fPter en
fadenoe Ie bonnet du greQadier, qui, ",poM .ur 881 ,a~a, ba! Ie
~ure avec une • piete q,ii in.pire la wrreur.
Fille de Mn81D01fCle 8. fa loop ..moire 1Am~ poetiqu~ dea
trepied"de Delphea 8t det 'colombe. de Dodone, 'deetH qui elumtu
aulOUr.du U~ pbap d'Ho~ere 8U1' quelque tp'eve inconnue de Ia ~r
Esee, VOUI qui, non loin de rantique Parthe. QO~, f~te. naitre.trJ
laurier du wmbeau d~Virpe, l\lute1 daign~ qQitter UQ .~oment~ cee
morW harmonieut et 1eurf viy_a pouaaieret; .... donnez lea
riv{lge& de I'Au80nie, lea OQdes du Spel'> olUua et lea
cham~ OU £ut Troie; .vene,cn'animer de vot1'e divin touffte: qQje
pJliaae DOIDIIl8r I. ~pitainea et lef. bataill0D8 de oe ,peuple
indornpte ' dont lea exploita fatigueJ'4,lNmt ~, " CaMiope 1 votre
poitrine immor~ne!
Au centre de l'amiee paroiseoit ce _taillon vthu d'amr. q,ui I~nce
lea foudree de Bellone: c'eet lui qui, dane pres4ue taus le8
cp'lDbatt, determine la
~4 LES, NATCHEZ.
~une it Nine laFl'lltlce; instruit dan. lea ~ie_• . lea plus
lublimes, iI'mt s~r Ie geniel ....couron
Iler lavictoire. Nulle nation tfe peut se vaitter d'une pareille
troupe. Folard la commande, l'impassible Folard, qui peut, da~ les
plus grands dangers, mesurel' Ia courbe du' boulet 011 d~ la
bomhe,
. i.fadiquer :'a colline dont il faut'se .aisir, tracer • et
resoudre SUi'. l'arime sanglan\e' au· milieu des few: et de la
mort, les figures et .lesproblemea de Pythagore.
.L'infanterie, blanche et Ie~l'e oomme la neige, ~ ae forme
rapidement devant lesJeutes machines
~qui vomis~ent·le fer :et 1& flamme. Marseille', dont les
gale~es remontent fantique Egyptus; 1orient, qui fait vogueI' sell,
vaisseaw:jusque daos-!es mel'S de la Trapobane; la Tourmn~; si
delic!euse par se8
fruits; la Flandl'e aw: plaines en88llglvuees; Lyon la romai.ne;
Strasbourg la~ermanique; ~oulouse,
siceIebre par eel troUbadours; Reims, ou les rois vont
che'tcher'leur eouronne; ParisI ouils viennent la Porter : tmltes
les'~illes, totltes le~provinces, tOUIJ les Seoves des Gaules,
ont"donne-'~s fameux soldats a l'Amerique. "
Leun ~es nQt sont p~ l'epee on rangon; ils. . ne 5e parent Jlus du
large bracha et d~ colliers d'or; 'ils portent un tube enftamme,
surmoote du glaivefd.e Bayonne; leur ..~tement est celui du lis,
synIDole virginal de l'honneur de Ia France. ' . Divisee en
'einquante QOmpagnies, cinquanie ca
pitaines choisis commandent cette infant~rie for midable. La'se
montteDt Ell l'infatigabIe ..Toustain,
.. LIVRE. I. 25
qui n:qui-.ux plaines de la Beauee, ou. Ie.lIioiuOn' roulenten
nappe.d'or, etle prompt Armagnae, qui fut plon6~en ,paissant dans
ce fteuve dont les ondea inllpirent Ie ~ouraae et lea saillies, et
Ie patient TOUl'fille; DOurri dansles valIeea herl>ues aU dan
s~t des paYSannes ala haute eoiffure et IU conet de 8Oie. Mais qui
pourroit nomIner 'tant d'iJlultrea fruerriers.: Beaumanoir, sorti
des rochers de l'Ar-
.~riqu.,·Causans, qqe la tendre mere mit au jour au bord de la
fontaine de Laure;d'Aumale, qui g01ita)e vin d'Ai avant Ie lait de
sa nou""~ce ; Saint Aulaii-e de Ntmel, eleve 80US uIt portiqUe
ramain; et Gautier de Paris, dont 1a jeuneue enchantee ·coula parmi
les roses de Fontenay, les ch~nes de Senar, lea jardin8 de
Chantilly, de Ve~aillea e( d'Ermenonville ? ~. •
Parmi ces vaillants capitaines, on di8tingue 8ur tout l.jeune
d'Artaguettei\labeaute de son vilase,
. al'air d'humanite et de do~ur qui tempere l'in trepidite de son
regard.. ll 8uit Ie cIrapeau de I'hon neur, et bnile d~ ~erser80n'
sang pourla France; mai8 il deteste le8 it;lj118tice., et plu8
d'une fois, dalls lea conseils. de Is .guetre, il a defendu lea
malheureui: Indiens contre Ja cupidite de leun
., . ~ . oppresleur8. . " ..
A la 'gauche de l'infa~terie ;~tendent les lestes escadrons de celt
e8peces de Centautes au v~tement
vert, dont Ie'cuq~e est sUrinonte d'un dragon. bn . voit sur leur8
t~tes se mou"toir leurs aigrettes' de crin, qu'agitent les
mouvements du !coursier re tenu a~ec peine dan. Ie rang de se~
.compagnons.'
~ LESN.TcaEi eel ca~er& enfonceot'1eu... jambet dal}' UD cuir
noirci, d~pouilledu bufBe Bau~8e; up.IoD8 aabl'8 reboodit sur leur
cuisae, lorsqUe balaynt la terre llvec lea SallCJ de leur coursier,
ila fondent, Ie pia tolet it la main, sur l'ennemi. SeJon Ie.
hasal'~ de' Bel1Qne, po les voit quiUCr leura cheva.u a la cri
Di~pe doree, oombattre it pied aur, la mon.e" s'cHancer de
Douveausurleura couraiere, deiCendre et remonter encore. Cea
guerriers ont preiCJll8 to116 vu Ie jour non loin de ce Renve oule
aoleil milrit un Yin legw propre a eteindre la soif du 80Idat dari8
l~-eur de 1. bataiUe; i18 obeilNlePt i la will du brillant
Villara.,
A I'aile opposee du corp~ de l'annee plp'Oit,. immobile, la pe8lmte
cavalerie, dont Ie v~tement,
d'un sombre azUl', est ranime par un pli .hriUant emprunt~ du voile
de I'Aurore:Le. gland.a, d'uD or file et 101'00, aauteDt en
etincelant sur Its epaulet des guerrier., au .tro~ _awe de leon
chevaux. . Cea guerriera couvrent lenr. frontl du chapeau gaulois,
dont 1e-'~riaD~lebizarre e.torne d'uge roM
blanche ,qu'a~ha soUvent la main d'unevierp timide~ et que aurmoow
de 88 cime Ie~e un tJl'ac.ieux faia_u de flUIDet- C'etoit voue,
intre-.
_pide Nemours, qui meniez ces fameux chev.ux aux combata. •
.~."
Maia pourr~a - je ouhlier cette phalange qui, pllicee derriere
toute l'armee, de.yoit '}a defendre des surprises de l'ennew? Sacre
:bataillon de la boureura, vous etiez deecendua des ~rs de
l'Helvetie, V~tu8 de la pourpre de Mars; la"pique
LIVRE I. 27 dOfttvos aiellS: peI'oorent lea tyl'8Q8 est encore dana
vos main8. ruatiq.uea: au milieu du deso~re de, campa. et de la
i:ibt-rupUon du ,nouvel AS-, 'Y011&
gardez vos vertIii 'premieres. Le souveni!- de 't0S
demeurea champ~ires TOUS poursuit; ce·n'est 'qt1a regret qtie
:VOU1l vous tronvez exiles SUI' de lointains riTages, et' I'on
erai~t de vouyai~~nteDdre ees ail's de lao patrie qui vous
rappellent '"'Ids peres, voa meres, vos freres, vos 8OOUI'S, et
le'mugi.sement
. .. des troupeaus: sOT V08 -montagnes. .
D'Erlaeh tie~t sous sa discipline eea enfants de Guillaume Tell; il
jeseend d'UJl de ef(f Suisses qur teignirent de leur sang; aupre'
de Henri JI1, les Lis abandjnnes. !Ieureux si, sur !f..~ degres
dtJl'~uvre,
.fs fils de ees' etrangers ne renouvellent POUlt leur ~crince! .' .
Enfin Ie Canadien Henri dirige it l'avant-garde
cette troupe de Franc;ois demi - sauvages, enfant.. sana sQueis des
for~ts du Nouveau - Monde. Ces ehesseun, assembles p~le-m~le ala
t~te de l'ar\\l.ee, portent pour tout v~tement une tunique de lin'
qu'une eeinture l'approche de leurs flan9S : nne corne de
chevreuil; renfennant Ie plomb ~t~e sal-
• p~tre, s'attache par un cordon, en forme)Je bau drier, lUI' leur
poitrine; une coune earabine rayee Ie suspend comm~ ~n carquois
it:~8 epaules : rareinent ils mal~uent leur but, et poursuitlent
lea hoinmes dans lqs £ois eomme lea daims et ~es cerfa. Rivaux dea
peoples du dcsertJ.ils en ont ~~, les fI>:UU,.8 mreun et la
litlertj.; Ii, savent, de eouvrir lea traces d'un ennemi, lUI
'tend~ des
28 LES NATCHEZ.
embdches,' ou Ie forcer dans sa retraite. En vain les p~ndourJ(s
qui let accompagn~nt~surleur~ petits . clievaux-"'3e race tartare,
en VIlIQ.··ces cavahenl du Danube,. aux' longs pantalons, aut
vestes fo~rrees
BJitant en arriere, au bonnet oriental, aux mous taehes
retroussees, veulent devancer Ie' eOureurs'
)canadien' : m.oins r~de est l'hirondelle effleurant Ie. ondes,~
Ieger Ie duvet du roaeau qu'em pbrte '~n tourbillon.
tes troupes ainsi rassemhlees hordoient les rives dO: Beuve,
lorsque, monte sur une cavale blanche, ~Ievee vagabQnde dins les
savanes me~coine8,
void venir Chepar ad milieu d'J:t cortege de guel"- riel'S. . it
._. '.. .. •
Ne sous la tente J:s Luxembourg e1des Catinat;."'· Ie vieux
capitaine- ne voyoit la 80ciete que dan; les armes; Ie monde pour
lui ~toit un camp. Inu tilement iI. avoit trav~tse les mel'S, sa
vueOrestoit cirronscrite au cer&le qu'elle avoitjadis
e~}lra88e, et 1'~ll1erique sauvage ne' reproduisoit a Se8 yeu que
I'Europe civili~e : ainsi Ie vel' lahorieux, qui ourdit.IQ plus
helle trame; ne ceniloit cependaot que sa v:oute d'or, et ne peut
etendre sei regards . sur la n'tture: .'Ill
Le chef s'avahee, et s'arrMe bientot a quelques .pas du fron# '~es
gUerriers ties 'roulements des. tauM8urs se font entendre, les
tapitaines codrent a ~ur poste, les 80ldata s'affermissent dans
l~mr8 raogs. Au &eCOid 8i~al, la liFe se fixe et devient
im~o~iIe, ~hljhle~alors au mur d._ci~ au- dess\fk dtlquel flottent
le8 drapeaox de Mars. . ..
" LIVRE J.. . 29 .~u;a tambours se taisent;. une T~ s'.Ueve, et va
~ repeta~t Ie long des bataIllon8, .de'~hefen chef, eomm~l'echp en
echo. Mille tubes -enleves de la terre £rappent ensemble l'epaule
du fantassin; lea eavaliers. tirent leurs tabres; dont l'aCier,
re8echi...
".sant les rayons du soleil, m~le ses eclairs aux tri ples ondes
du feu ~s baionnettes: ainsi durant une nuit d'hiver brille une
solitude OU dea tribus clnadiennes celebrent 18 f~te de leurs
~niesj1'eu-
.nies 'sur la surface solide d'ud 8euve, elles dansent \'a !llueur
des pins alJumes d& toutes parts; le~
cataractes. enchainCea, le8 montagne8- de neige, 1«& ~ts de
criatal, se rev~tent de aplelldeur, tandls que.~ 'Sauvag. croient
voir les Esprits du nord voguerd~ leurs canota aeriens, aVeA. des
pagaiett de Hammes., sur l'aurore·mouvan~.4e'Boref\.....
• Cependantles raBgS d~l'armee s,:entr'ou~rent, ~t
presentent au co~andant des alIees regt1her~ : .it les parcollrt
a~iTenteur,examinant les gueM'iel's soumis a ses. otdres, comme
umajardinier se pro mete entre les fUes ~.Mmne8 arbres ~8nt sa
main
".ffermit-Ies raciltes\et dirige les .rameaux. AU88itbt que1a ~Vve
est Bnie, Chepar v~t que"
lea capitaines exereent les troupes auxjeux de MarS. L'or~rc .est
donn~t J~e coup de bague~te retentit. SoudJrn VOU8 eusslt'tnVU Ie
soldat~endreet porter. en ava'nt Ie pied gauche, avec l'lssut'ance
et la fer ms.te d'GnHe,rcule. L'armee eohere- s'ehraole';' ses ':8
egahx ·melfurent I: mawhe tID..'£rappent 1M· tamltonrs. Les jambes
nOI~8 dWS 80ltlAtQ onvrent
~'7\ • et fel'lI)eut nne longue avenue.! an se' cToisant
30 LES NNfCREZ. " cornme lea cit,eaux d'une jeune' fiUe qui
<teooye d'iDgenieux.;,;.'l~rages. Par intervalles, lee caisses
d'airain quelrecouvre la peau de l'onagre aHaisent au aigne du
geant qui les guide; alors'mille instru menta, fila d'Eole,
animent lei for~ta, tandis que les cymbales du negre se choquent
dan' rail' eff toument comme deux soleils.
Rien de plus merveilleux et de plus terrible ala foi.; que de voir
cea legions marcher au son de'a musique, comme .i elles ouvrorent
leI dall8e1l de quelque f~te : nul pe peut les resarder sarlS
8lse~
iho PQssede de la fureur des combats, sans -bn\ler de partager leur
gloire et leurs perils. Les f,nt... sins s'appuient et toument 8ur
le..s ailes'dl'cilU. lerie comme;'sur deux p61e1; tautOt
ils";.iarr~tent , e1:¥'anlent 18 '$oiitude pal'o de pesantes.
decharges,
'9. . ou par un feti successif 1ui remonte et red~cend Ie long de
la ligne comme le8 ~~Ut!s d'un serpent;' tantot ils baissent tous
8. la, ~!; la pointe de la baionnette, si fatale dans des muns
fram;oif!es:
, . coueher leurs armes 8. t., lea reprendre, les lancer aleur
epaule, les pre.,enter au salut, lee· char8* ou se reposer sur
lilt'll, te n'eSl pas-Ia duree d'un moment pour ees enfants de la
¥ictoire. ,. cet exercice des armes ,,~~cedent de savantt!8 ,
manreuvr~. Tour a tour l'a~ee s'allonge :et se: resserre, tour
a10»1' s'avance et se reti~e: ici elle Ie creuse coinme la
corbeille de Flore; la elle s'enle hemme les cqp~1'8 ~.'une· urne
de Co~i~the :. i~ Meandre .~ repli" main' de foil aur lui-m~me, la
ilanse ~'Ariad~e....8rav~ sur Ie bouclier d'AchiIle .
LIVRE I. 31
avoit moina a'erreurs-que°les labpinthea trace. lIur
la plaine ,ar 00& diaciplea de. Mar•. Leur. m~itainea font
prendre au bataillons toutea lea figures de rart d'Uranie : .nnsi
des enfanta etendeut dea80iea legere. aur leur. doigts legers; sans
con~ndre ou briser Ie dedale fragile, ils ..Ie deploient. tlD
etoile t
•
...
- .-
.,';,..
- - . ""'-
'.
•
• .._.
Satan,"pla~ant da~s~es airs l . ~u-dea8u~de l'~e-' . rique, jetoit
un reg,ard" desesp.er,e sur cette pilrti~,
de la terre, 'ou 'Ie Sauveur Ie poursuit J comme Ie , . . . I :
.•.
soleH ql}i!' s'avanc;;an.t des portes de POrient" cha.se de"'ant
lui les tenebres ; Ie Chili, Je Perou, Ie Mexiqil'e,la Californie,
reconnoisserit deja le~ lois de l'Evangile; d'autres colonies
~hretiennes cou vrent les rivages de I'Atlantique, et qes mission
naires ont enseigne ~e vrai Dieu aux Sauvages des deserts. Sattn,
rempli ~·p.fojets de vengeance, v.a aux enfers rassembler
Ie'conseil des derp,ons.. '
11 deroule, devant SeS compagrions de douleurl' Ie tableau de ce
qu'il a fait pour perdre la raCl!l humaine, "pour partager Ie monde
cree avec Ie Createur,'pOur opposer Ie mal au biens~ terre,
•• ~. • 1'.
et, au-dela' de'la terre, l'enfer au ciel. II p'ropose ani legion's
maudites un dernier combat"; il veut armer y>utes !~s nations
idolatres du nouve~oT\i. • tinent, il veut'iroir toutes ces nations
dans un vaste' complot, ann d'exterminer les chretiens. . ' .
C'esJ;~u milieu des)~atchez qu'il ape~oit.l8,
pass~ons propres it secohderlon entreprise. u Dieux . ude
I'Awerique, ~'ecrie-t-i\', anges tOQlges avec u moi, vous q~i ~q:s
faites adorer soug la forme « d'uy serpe'ht, ~o~ que I'on iny.oq~
4ilomme les /I Genies des s:a:st~rI et deS-ours, vous qui, .sous
le
LES NATChEZ. LIVRE II. 33
• nom de Manitous, nempliaaez ,les .onges, in.pirez • lea craintes
eu entretenez Ie. eaperallces dea peu- • pIes barbares; vous qui
murmure.z d~ lea vents, aqui mugiaaez dans les cQ&Ilractes, qui
pre.idez au •'silence ou a la terreur del forits, allez defe~ avOS
autel•. Repandez le~ illusions et lei tenebrel; ", a80Ufftez de
toute part la discorde, la jalousie, l'a- • mour, l~ haine, la
,,"engeance. .Melez-vous aux con- a seils et aux jeux ~ Natchez;
que tout devierme • prodiae che.z des homuiea 00. tout eat mte.
et.~om ..
{J ~ ~.
• bats. Je vous donnerai mes ordres : soyez attenti& • ales
executer. D •
II dit, et'l~ Tartare pOUSIe un rtigissement de' joie, qui fut
enmndu dans les fo~ts du Nouveau Monde. Areakol1i, demon de Ia
guerre, AthaeD.ic qui excite a Ia ven.geance, Ie genie des
fatales
, amoul'$, mille autres puisaaDces infernales S6 levent a loa fois
pOl1r seconder les desseins du prince des tenebrea. Celui-ei va
chercher aur la tllre Ie drimon de Ia renommee, qui n'avo)t point
assiste au cons... inftitbal. f ' .
Le soleil ne faisoit que de paroitre a l'hoNon lorsque Ie frire
d'Amelie ouvrit lea yeux dans la demtare d'un· ~vage. L'ecore- qui
serv6it de porte ala hutte,8'Voit ete roulee et relevee•.le toit.
Enveloppe dansYson manteau, Rene Ie, trou voit cou~ sur Aa· natte
de marYere qu~~' tete atoit placee aTouverture de la cabane. Lea
pre miers objets qui, s'offrirent a sa-vue, en'sortant d'lHl
pl"Ofond aommeil, furent la vaste coupole d'ull ciel bleu ou
voloient quelques .oiaealU, et All cime
us IUTeBIZ. T. I. J
34 LES NATCHEZ.
des tulipiers qui fremis80ient au souffle des brise. du matin. Des
ecureuils se jouoient dans les bran ches de ees beaux arbres, et
des perruches sif BoieDt sous leurs feuilles satinees. Le village
tourne '"8 Ie dbme azure, .le jeune etranger enfonc;oit
,s~ regards dans ce dQme qui lui paroissoit ,d'une immense
profond~tlr et transparent comme Ie verre,' Un sentiment c~nfus de
bonheur, trop in connn a Rene, reposoit au fond de son Ame, en
m~me temps que Ie frere d'Amelie croloit sentiI' son sang.
rafraichi descendre de son coour dans ses
• veines, et par un 10llg detour remonter asa source: tell~
l'antiquite nous peint des ruisseaux de lait ·s'efflrant au sein de
la terre, lorsque les hommes avoienl leur innocence, ,et que Ie
soleil de l'Age d'or se levoit aux chants d'un peuple de
pasteurs.
Un mouvement dans la, cabane tira Ie voyageur de sa r~verie : il
apert;ut a10rs Ie patriarche des Sauvagesavissur une natte de
roseau. Aupres du
Joyer., Sasega, laborieuse matrone, faisoit infb.ser de8 dentelles
de Loghetto avec des ecorces de pin rouge, qui donnent une pOUl'pre
eclatante. Dans un lieu retire, la niece de Chaetas. empennoit des
8eches avec'det plumes de faucon. Cel., 80n amic., qui l'etojt
venue visiter, sembloit l'aider dans son travail; mais sa main,
6rr~tee sur l'ouvrage, ann~oit que d'autres sentiments occ1jlOient
son OCEur.
Le frere d'Amelie s'etmt endormi l'homme de la societe, il se
reveilloit l'homme de la nature. I.e ciel e.>it sur sa t~te,
comme Ie daia de sa coucbe ;
LIVRE JI. 35
des courtiJles de feuiJlages et de fte~rs sembloient pendre de ce
dais superbe; des vents soufftoient la ' fraicheur et IS. sante;
des hommes libres, des femmes pures entouroient la ~ouche du jeune
homme. lIse aeroit volontiers touche pour s'a88u rel'de son
existence, pour se convainere qu'autour de lui tout n'etoit pas
iiIusion. Tel fut Ie reveil du guerrier aime d'Armide, lorsque
l'enchanteresse trouvant son ennemi plonge dausle 8Ommeil, l'em
porta sur une nue 'et Ie deposa dans los boeages des i1es
Fortunees.. , Rene se Jeve, sort, seplonge dans l'onde
voisine,
respire l'odeur des sassafras et des liquidamhars, salue la lumiere
de l'orient, les flats du Meschacebe, les S8vanes et les for~ts, et
rentre dans la cabane.
Cependant les remmes sourioient des manierea de l'etrangerj c'etoit
de ce sourire de femmes qui ne blease point. Celuta fut chargee
d'appr~ter.Ie
repas de l'h6te de Chaetas: elle' prit de la farine de -mais,
qu'elle petrit avec de l'eal_ de fontaine; elle elt"fonna un gAteau
qu'elle presenta a la flamme, en Ie 'soutenant avec une pierre.
Elle fit ensuite bouillir de reau dans un vase en forme de
corl:>eillej elle versa cette eau sur la poudre de la(
! racine de smilaxc;. ce melange, expose a' l'air, se , changea en
une, geIee rose d'un gout deIicieux.t Alors Celuta retira Ie pain
du foyer et l'offrit au frere d'Amelie: dle'lui serVit ea.~~me
temps, avec la HeMe nouvelle, un rayon de miel et de reau
d'erable.
Ayant tini ces choses avec un grand zele, elle se 3.
'3lj LES. NATCH~.
tint debout for~ agitee deval)t l'etranger. Celui-ci, enseigne par
Chaeta,s, se leva, imposa leQ deux mains en signe de deuil sur la
telt: de l'Indienne, car elle avoit 'perdu son' pere et sa mere,·et
elte n'avoit plus pour soutien que son frere Outougamiz. La famille
poussa les trois c.ris de douleur, appeles cris de veuve : Celuta
retourna' a son ouvragej Rene eommen~a son repa~ du matin.
Alors Celuta, chargee d'amuser Ie guerrier blanc, St;' mit It
chanter. Elle disoit:, .
II Voici Ie plaqueminierj soo.s ce plaqueminier il • II Y a un
gazonj sous ce gazon .repose une.femme.
IIMoi qui plelire sous Ie plaqueminier, je tp'appelte II Celuta :
je suis nIle de la femme qui repose s~us
. .A,
II Ie gazon j eUe, etOlt rna mere. II Ma mere me dit en
m<?'urant : Travaille; sois n-
-II dele-a ton epoux quand tu l'auras trouve-j s'il est (l h(mreux,
sois humble et timidej n'approche ~ (lluiqu:e Iorsqu'il te dira:
Viens, mes'levres veulent tI parler aux ltiennes. '•
•.S'il est infortune, sois prodigue de tes~aressesj
II que ~ton arne envirohne la sieime, que ta chair • soit
insensible aux vents et aux douleurs. Moi, qui «m'appelle Celuta,
je pleure maintenant sous Ie «plaqUlXninier; je suis Ia nile~a
femme qui re- {l pos.e sous Ie gazon. J) ...;.. •
L'lndienne, en f~a~tant ces pal'ol~, trembloit, ct des lal'mes
eodte'ICnt comme des perles Ie long de ses joues : eHe:ne savoit
pourquoi, a la VU9 du frere d'Amelie, elle se souvenoit des
derniers con .seil. de sa mere. Rene sentoit lui-meme ses
yeux
. i.IVRE II. 31
humide8. La famille partageoit l'emotion de Celu~ et toute la
cabane pleuroit de regret, d'amour et de vertu. Tel fut Ie repas du
matin..
A peinecette scene etoit termmee qu'un guerrier parut: il apportoit
une hache en present it I~etran
gel', pour qu'il se b'dt une cabane. II conduisoit en m~me temps
une vier.ge plus helle et plus jeune que Chryseis, atin que Ie
nouveau tils de Chaew comment;'t un lit dans Ie desert. Celuta
bais.la ~te danS\.aon aein: Chacta8, averti de ce qui Ie paslQit,
devina Ie reate. Alon, d'une voix courrotl cee~ II Veut- on faire
un affront it Chactas? Le II guerrier adopte par ~oi ne doit paa
~tre traite· • comme un etranger••
Conlterne it cette reprimande du vieillard, I'en voye frappa des
main. et a'ecria : • Rene adopte • par Chaetal ne doit pas ~tre
r~gard.e comme ub II etranger. a
. Cependant Chactas oonaeilla au frere d'AIDelie de faire un
present it Mila, dana 10: crain~e d'offen seI' une famiUe
puiSsaDte qui comptoit plus de trente tombeaux. Rene obeit: iI
ouvrit une cusette de bois de papaya; il en tira un collier de
porce laine : ce collier etoit monte sur un til d~ la racin~
du tremble, appeIel'arhre du refus, parce que 1a liane se deaseche
autour de son tronc. Rene faisoit ces ch08es plllfltle conleil de
Chactas; il donna Ie collier aMila, apeine Agee de quatorze ana, en
lui diaant: u Heur.eux.votre pere etvotre Dlere! plu. • heureo.x
celui qui aera votre epoux!. Mila jeta Ie collier a terre.
as LES 'NATCHEZ.
La paix de8cendit sur la cabane Ie re8te de la journee; Celuta
retourna chez 80n frere Outouga-, miz, ;Mila chez 8e8 parenti, et
C~tu alia conver aeravec 1e8 Sachem8.
.Le .6oir on 8e ral8embla 8Oulle8 tulipi'ers: Ia famille prit un
repa8 sur l'herbe semee de verveine empourpree et de ruellel d'or.
Le chant ~onotone du>will-poor-will, le bourdonnement du,
colibri, Ie .cride8 dinde8 sauvage8, le8 80upirs de la non
pareille, Ie 8ifflement de l'oiaeau moqueur, Ie IOUrd mugissement
des crocodile8 dans lesgl~euli, fot' moient l'inexprimable
8ymphonie de ce banquet.
Echappes du royaume de8 ombrel, et de8cen dant 8ans bruit it la
clarte des etoile8, le8 80nges venoient 8e reposer 8urIe'toit des
Sauvage8. C'e toit I'heure ou Ie cyclope europeen rallume la
fournaise dont'la fI~mme8e dilate ou 8e concentre aux mouvements
des larges soufflets. Tout it coup ~n cri retentit; reveilIees en
sursaut danslacabane, leI fem~el se dressent sur leur couche;
Chactaa prete l'oreille; une Indienne souleve l'ecorce de la porte,
et ees mots se pressent sur ses leYres : • Les « meehants Manitous
80nt deehaincs: sortez! sortez! D'
La faI:Dille·se prceipite 80US lea tulipiers. La nuit rcgnoit: des
nuages brisc8 ressembloient,
dans leur dcsordre 8ur Ie firmament ,aux ebauches d'un peintre dont
]e pineeau se aeroit eS8aye au huard sur une toile azuree. Des
langues de feu li vides et Il?-ouvantes Iechoient la voute du
eiel. Sou dain ees feux s'eteignent: on entend quelque chose de
terrible passer dans l'obscurite; et du fond de8
LIVRE II. 39
for~t8 s'eleve une voix qui n'a rien de I'homme. "Dans"ce moment un
gUerrier se presente a la
porte de la cabane; iI adresse aChactu ces paroles precipitees:".
I.e conseil de la" nation s'assemble; I( les Blanes se preparent a
lever la hache contre u nous; illeur est arrive de nouveauxsoldats.
D'une u autre part Ie trouble est dans la nation: Ia.Femme CI
Chef, mere dujeune Solei}, elten proie aux mau u vais Genies;
Ondoure .paroit possede d'une pas • sion funeste. Le Grand-Pr~tre
parle d'oracles'et II de 8Onges; on murmure sourdement contre Ie
"Fram;ois que vous voulez faire adopter. VOllS ~tes
II temoin des prodiges de la nuit: hAtez - vous de II vous rendre"
au conseil.•
En achevant ces mots, Ie messager poul'luit sa route et va
reveiller Adario. Chactas rentre dans sa cabane: il suspend it son
epaule gauche 10D
manteau de peau de martre; il demande Ion baton d'hicory 1 surmonte
d'une tete de vautour.Milcoue avoit coupe ce ba10n dans sa
vieillesse; il I'avoit lai&8e en heritage a son fils Outalissi,
et celui-ci a son fils Chactas, qui, appuye sur ce Iceptre here
ditaire, donnoit des l~ons de sagesse aux jeunes chuseurs reunis au
carrefour del forets. Un Indien compIetement arme vient chercher
Chactu, et Ie conduit au con@eil. .
Tous les Sachems avoient deja pril leurpla~: les guerriers etoient
ranges derriere eox; les ma trones ayant a leur tete la
Femme-Chef, mere de
, Eapece de n(l'fe~.
40 LES NATCHEZ.
}'h~ritier de la couronne, occupoi«mt leI lieges qui leur etoient
reserves, et ~ti -dessoul d'~lles S'Il8
seyoient les pr~tres.
Adario, chef de la tribu de la Tortue, Ie leve: " inaccessible it
la crainte, insensible a l'esperance,
ee Sa~heR1", se distingue par un ardent amour de ~
patrif:}mplacable ennemi des Europeeos qui avoi'ent massacre son
pere, mais.les abhol"rant en core plus comme 'tyrans de son pays,
it parloit in ~essammentcontre ~ux dans les conleils. .Quoiqu'il
reverAt Chactas. et qu'il se plut it conresser la su periorite du
Sachem aveugle, ib etoit ceperidant presque 'toujours d'un avis
OPPOI~ a celui de Ion ~~a~ .
Les bras pendants et immobiles, les regards nt tach~s ala terre;
il prononc;a'l'ce discours:'
u SacheIn8, 'matrones, guerriers des quatre tri- ci bus, ~cotitez:
"
~Deja l'aloes avoit fteuri deux fois, depuis que 1I Ferdinand de
Soto, l'Espagnaf; etoit tombe sous 1I la massue de nos anc'~trcsl;
deja nous etions alMs ci combattre les tyrans 10iQde nos borcts,
lorsque «Ie Meschacebe raconta it nos vieillards qu'une na- d tion
etra'ngeredescendoitde scs sources. Ce peuple «n'etoit point..de la
race sup'erbe des giIerriers de I
u feu 1. Sa gaiete, s.a bravoure, son amour des for~ts
1I et de'·nos usages, Ie faisoient cherir. Nos cahanes Ii eurent
pitre de S8 misere, etdonnerent aLasalle 2
CI tout ce qu'elles pouvoient lui offrir.
J Lea Eapagnob. • II deacendit Ie prt'mier Ie Miaaiuipi.
.~ LIVRE II. 41
• Bient4t la nation Mgere aborde de toutes parts •sur DOS rives:
d'Iberville, Ie dompteur des Bots, • he Ses guerrien au Centre m~me
de notre pays. aJe m'opposai it cet ~tablissement; mag vous atta- •
chAtes Ie grand canot de l'etranger am:: bui880DS, •:en.uite aID:
arbres, pq.is an rochen, enfin it' la • grande mon.e, et vous
asseyant sur la chaine ,qui lioit Ie cf\n~t des Blanes it nos
Beuves, vous •• voultites plus faire qu'un .peuple avec Ie peu li
pIe de l'Auro!'~.
aVoua savez, 6 SachelD81 queUe fut la recom- • pense de votre
hospitalite IVous prites les wrmes; • mais, trop prompts it les
quitter, vous rallumA.tes .Ie calumet de ·pais:. Hommes imprudent.
I la fu • mee de la servitude et celle de I'independance
apouvoient-elles sortir du m~me calumet? n mut • nne ~ plus forte
que celle de l'escrave pour • n'~tre point troublee par Ie parfum
de la libene.
•Apeine avez-vous eD~rre la hache'!, it peine, • vous repoSRDt sur
la foi de~ colliera 2, commencez avousaeclaircir la chaine
d'union"que, par lit:plus • noire des perfidies, Ie chef actuel des
Franc;ois u veut vous attaquer sur vos nattes. La biche n'a • pas
change plus de fois d~ parure que je n'ai de • doigts it cette main
mutilee en defendant mon apere, depuis que les derniett.1ittentats
des Blanes .ont aouilM nos savanes~ Et nous h.esitons encore!
aPeut-etre, enfants du Soleil, peut~tre comPtez Ii vous changer de
desert, abandonner it vos oppres-
_ ' Faire I. pais. • Lettrt'I, contratl. traites. etc.
42 LES NATCHEZ.
a seurs la terre de la patrie? Mais oil voulez;..vous a porter vos
pas? Au couchant, au .levant , vel's a l'etoi]e immobile t, vel's
ces regions oil Ie Genie a du jour s'assied sur ]a natte de feu 2,
partout lont' ales ennemis de votre race. III ne lont pIUI, eel II
temps .ou. vous pouviez disposer de toutes les 8Oli (( tudes, ou.
tous les fleuves couloient, pour vous a seuls. Vos tyrans oot
demande de nouveaux satel a lites; ils meditent une, nouvelle
invasion de nOI a foyers. Mais notre jeunesse est florissante et
nom a breuse; n'attendons pas qu'on vienn~ nous I~r
(( prendre et nous egorger comme des femmes. Mon a 8img se rallume
dans mel V'eines, ma hache brUle « it ma ceinture. Natchez!
soyezdi~s de vo.s peres, a et Ie vieil Adario vous conduit 'des
aujourd'hui fl aux ba,tailles sanglantes. Puissent les fleuves
rouler a it .la grande eau les cadavres des ennemis de rna (
patrie! Puissiez-voull, (, terre trop genereuse des «chairs rouges,
etouffer dans votre sein Ie froment (I empoisonnc qu'y jeta Iii
main de la servitude! a PuiSlent ce!l mois80ns impies, repandues
sur la a {loussiere de nos aieux, ne porter sur leur tige a que les
setnences de 1;1 tombe ! J)
Ainsi parle Adario. Les guerrieri, les rnatron~s,
les vieillards m~me, troubl~s par sa mAle eloquence, s'agitent
comme l~ hie dans Ie boisseau bruyant q?i Ie verse it Ia meule
rapide. Ondoure se Ieve au milfeU de l'assembIee. '
Le :Grand-Chef des Natchez, bien qu'il fulen
I Le nord. • Le midi.
LIVRE II. 43
core d'une force etonnante, touchoit am derniefts limites de la
vieille8se; sa plus proche parente, Ia violente Akansie, • mere du
jeune fils qui'devoit heriterdu rang supr~me: ainsi l'avoit regM la
loi de I'Etat. Akansie Doul'I'iasoit au fond de 80n C<eur ' une
pai8ion criminelle pour Ondoure, un des prin cipaux guerriers de
la nation; mais Ondoure, au lieu de repondre aramour
d'Aka~8ie,brnloit pour Celuta, dont Ie creul' commenc;oit a
incliner veJ'8 l'etranger, hote du venerable Chactas.
Devore d'ambition et d'amour, ayant contracte to )US les vices des
Blanes, qu'i1 detestoit, mais dont il avoit l'adresse de se
&ire paiseI' pourI'ami, On doure ~voit pris la resolution dese
taire dans Ie coMeil, &fin de Be menager, corrime ason
ordinaire, e~tre les deux partis ; mais son amour pour Celuta et sa
jalousie nais8ante contre Rene l'entrmnerent a prononcer ces
paroles: Cl Peres de'la patrie, qu'at «tendons-nolls? Le grand
Adari'o ne nous a-t-il pas «trace la rovte ? Je ne vois ici que Ie
sage Chactas u qui puisse s'opposer a Ia levee de la hache t. Mais
«enfin Ie venerable fils d'Outalissi montre un trop «grand penchant
pour les etrangers. Falloit-il qu'il «introduisit encore parmi nous
cet hote doltt ral' « rivee a' ete marq~ee par des signes
ronestes? Chac a tas, cette lumiere des"peuples, senti~:.hientot
que usa generosite l'emporte au-dela des hornes de·la a prudence :
iI sera Ie premier a. renier ce 61s ,~~op fl tif, a Ie sacrifier,
s'iI Ie faul, a. la patrie. D
'La guerre.
44 LESN,ATCHEZ.
Comme autrefois une Bacchante que l'esprit du Dieu avoit saisie,
couroit echevelee SUI' lea monta gnes qU'elle faisoit retentil'
'd":~s hurlements, la j~ouse mere du jeune Solei! ~ tent
transportee de roreur a ces paroles d'Ondoure: elle y decoUvre la
paaaion de ce guerrier pour une rivale. Ses joues pA liuent, IeS
rega~lancent des eclairs sur l'homme do~telle eft 'meprlsee:tous
ses memhres sont agites comme dans une fiev~ ardente. Elle v~ut
parler, et res mots manquentases pensees. Que va-t-elle dire? que
va-t...elle proposer au conseil? La guerreou la paix ?
Exigera-t-ell~ la mort ou Ie banninemeilt de l'etranger qui
'augmente l'amour d'Ondoure pour I~
fille~TabamicalDemandera-t-elle, aucgptraire, I ~dQptlon du nouveau
:6.ls de Chactas, ann "de ., soler,; par ]a presence de Rene,
l'ingrat qui ]a d~
~aigne, afin de lui faire eprouver une pattie des tourments qu'elle
endure? Ces paroles tombent de ses ]evres decolorees et tremblantes
:
a Vieillards lnsenses ! n'avez-vous pojnt songe au • danger de la
presence des Europeens parmi nous ? uAvez-vous des secrets pour
rendre Ie sein des • femmes aussi froid que Ie v6tre ? Lorsque ]a
vierge «troitlfee sera ~omme Ie poisson que Ie 6.let a jete 1I
palpitant st,lr Ie sable aride j lorsque l'epouse aura u trahi
l'e~~ de sa couche"';lorsque la mere,ou u Wiant son' 6.ls; 8uivra
eperdue dans ]es for~ts Ie <l<guerrier qui l'entraine, vous
reconnoitrez, mais u trop tard, 'Yotre imprudence. Reveillez-vous
de II ]'asRoupis~.~ihent'~vos annees ! Oui, jl ~aut du l( sang
aujourd'tui ! La guerre ! il faut du saug! les
LIVRE II. 45
tl Manitous l'ordonnent! un feu devor~llt coule dans tl tQus les
cmurs. Ne consultez poin~ entrailles tl de 1'0uI'I'sacre : les vmu,
lcs prie..ei;~les aritels, tl sont inutiles a nos maux ! I)
Elle dit: sa couronne de plumes et de Beurs tfJinbe de sa: t~te.
CommeuD pavot frappe des rayons do soleil se penche vers la terre,
et laisse echapper de sa tige les gouttes ameres du sommeib ain;i
la femme jalouse, devoree par les feux de l'amour; baiNe sonfront,
dont la mort sembleepan ch~ des sueurs glaeces. La confusion regne
dans l'assemhIee; une epaisse fumee, repandue par lea E9f'rits du
mal, remplit la salle de tenebres; on entenJJJes eris dea matrones,
les mouvements de. guerriers, ta..'liyoix des vieillaros. AhWi ,.
,dans un ate lier, des ouvriers preparent les lai~8- d;AlhiQD
OU
". de l'lberie : ceu:t-ei hatten~ les toisons'poudreuses , ceux-Ul
les transf(fr;J!).ent e~ de merveilleux tissus . plusieurs les
plongebt dans la pourpre de Tyr QU
dans l'azur de' l'lndostan : mais si quelque main mal assuree vient
a reptitdre sur la f1amme la li queur des. cuvesbrulabtes, Rne
vapeur s'cleve avec un sif'tlement da1ls h~s ..lIes, et des
c1ameurs sor tent de cette soudaine nnit.
Toutes les esperanQes se toni-noient vers Chae tas; luhleul
ponvoit' ~etablir Ie calme : il annonce par un signe qu'il va se
faire eiltendr.e. L'assem hie.- devic~t immobile' et muette',' et
'l'orateiIr, qui n'a 'pas encore parle, ~mbIe"deja Faire por':' ter
au-¥: passions leA chaines' 'de lIa piliAie cIo- quence. i'.
46 LES. N!A.TCHEZ.
nse leve: sa Mte couronnee de cheveux argen tes, Ull pept"balancee
par la vieillesse et par d'at tendrissants·souvenirs, ressemble
aretoile du soir, qui parolt tremeler avant de Be plonger dans.les
Bots de rOcean. Adressant son discours it son ami Adario, Chactas
s'exprime de la sorte:
_Mon frere rAigle, vos paroles ont rabondan~ e des grandes e~ux, et
les cypres d~ la savane 80nt «enracines moins fortement que vous
8ur les tom e beaux de n08 peres. Je sais aussi lea injustices des
«Blancs; mon cmur s'en est afBige. Mais 80mmes e nous certains'
que nous n'avoDs rien it nous "re- • procher noul-m~mes?Avonl-nous
fait tout ce que • nousavons pu 'pour demeurer libres? Est!ce avec
• des mains pures que nous pretenc:lons lever la c hache
d'Aresioui? Mes enfants, car mon Age et II mon amour pour vous ine
permettent de vous a donnt:r ~ nom, je deplore la perte de
l'innocente • simplicite qui faisoit la bea\Jte. de nos cabanea. •
Qu'auroient dit nos p~re8, s'ils avoient decouvert • dans une
matrone les sio't~s qui vienneDt de trou a bIer Ie cODseil? Femme,
portez ailleurs l'ega _rement de vos esprits; n~ venei point au
milieu a des Sachems, avec Ie souffle de vos passions, • tirer des
plaintes du feujIlage fletri des vieux .ch~Des.
Cl Et toi, jeune,. chef, qui as ose .prendre la pa • role avantJes
vieillards, crois-tu doqc trol9per .. Chactas,? Tremble que je De
devoiie ton 'm~ «aussi c;:reuse que le'l'ocher OU Be renrerme
l'ours «du Labrador I .
,LIVRE H. 47
• Preparons- nous aux je~ d'Areskoui, exer· • ~ons notre jeunesle,
faisoD$ de~ alliances avec II de puis88nts voisins, Iilais
aupilravant prenon8 .le8 sentier8 de la paix: renOUOII8 la chaine
d'al .liance avec Chepar; qu'il. parle dans la verite • de Ion
creur, qu'il dise dan8 quel dessein il ral- • semble ses guerriers.
Mettons les Manitou8 equi- • tahles de notre c6te, et si nous
sommes' ennn • forces it lever la hache, nous combattrons avec
.1'assurance de la victoire ou d'une mort sainte, .la plus helle et
la plus certaine des delivrances. • J'ai dit.., .'
Chactas jette un collier hleu, symbole de paix, au'milieu:de
l'assemhIee, et se ras!,ied..Tous les guerriers etoient emus: II
QueUe experience! di soient les· UD,8 ; queUe douceur et queUe
autorite ! disoient les autres. Jamais on ne retrouvera un tel
Sachem. II sait la langue de ~outes les foret8; il connoit tous les
tomheaux qui 8erven! de limites aux: peQilles, tous les fleuve8
qui'separent les na tions. Nos peres ont ete plus heu,reux que
nOU8: ils ont passe leur vie avec sa sagesse; nons, nons ¥ Ie.
verr6ns que maurir. D Ainsi parloient les. '
guerrlers. L'avis de Chactas £ot adopte: quatre deputes
pol'tant Ie calumet de paix-furent envoy.~ au fort Rosalie. Mais
Areskoui ,,~dele aux- ordres de Satan, riant d'u,n rire farouche,
suivoiHtil1ielque'distance les mes8agers de paix avec la T~son ,.la
PeW", J.a Fuite, les Do.teurl et la Mort. '. , .
Cependant Ie p~incedes enf:r. etoif arrive aux
48 LE~ NATCHEZ.
extremites du monde, sous Ie pOle dont l'intri!pide Cook mesura la-
circonference a travers les vents et lea teoip~tea. La, au milieu
des terres australes qu'une barriere deglaces derobe it la
curiosite dea hommes, s'eleve ,-une montagne qui 8urpasse en
hauteur ; lea sommets lea plus eleves de. Andes dans Ie
Nouveau-Monde, ou du Thibet dan. Tan tique Asie.
Sur cette montagne est.bAti un palai8,ouvrage des p~issancea
infernales. Ce palais a mille por tiques d'airain; le8 moindres
bruita viennent frap per les d6mes de eet edifice, dont Ie silence
n'a jamais franchi Ie ..-euil. '
Au centre du monument est une voute tournee en spirale, comme u~
,oonque, et faite de sorte que tous lea son8 qui penetrent dans Ie
palais y ilboutissent: mais par un e.ffet du genie de l'ar
chitecte des mensonges,la plupart de ees 8001 Ie
trouvent faussement reproduits; lOuvent une Ie gere ruDkur s'entle
et gronde en entr. pal' la voie preparee a~ eclats du tonnerre,
tandis ,que lea roulementa de la foudre expirent, en pauant par lea
routes sinJleuses destineea aox foibles br_it'"'~~
C'est la que, l'oreille placee a l'ouverture de eet immense echo.
estassis sur. un tr6ne retentilUant un de~lP , la Renomlfte. Cette
puissance ,filie de Satan et de ~!Orgueil, noouit autrefois pOUI'
an nOBCcP'le mal: ,~ant Ie jour 00. Lucifer leva I'e wndard
oontre'1. Tout-Puissant, la Renommee etoit inconnue. 8~un m~mde
.e,noitra .'animer ou a s'eteindre; si I'Eternel .a.oit tire un
univers du
LIVRE'II. , 49
n~~nt, ou teplonge un. de '~ ouvraget danl Ie chaos; s'il avoit
jetedet soleil. dans l'espace, cree un lIlo,uvel ordre de
Seraphins, e8881e1a b.onUi d'une lumiere. toutel ee8 ,choaea
etoieat aU88it6t con,nues dane 'Ie ciel par un .entimeot intime.d'.
miration et d'amout, par' Ie ehllllt mylterie~. la celeste
Jerusalem. Mais apoos. II: re~lliOD del mauvais anges, la Renommee
usurpa la place de cette intuition diviD:e. ~ent6t ,pr,OOipit8e. a~
en fel'l, ce fut ,elle qui puhlia dana ,I'ahlme la nail sance_de
notre, globe, et qui- porta l'enneJDi de Dieu 'il tenter la chute~
l'hoQlllle. Elle vint iur . ]a terre avec la Mort, et des ~mo~ot
elle e~lit
sa demeure .aur la mo~l:agne, o~'elle entend at' re pete
conN8ement ce qui Ie~ lur I~ tetre, aux enfers et dans les
cieux.
Satan! arrive au palais, peb.etr~ jUl:p'au liJu ou' veilloit la
Renom~ee.. ,.
u.\\fa fille, iui dit-iI, cstrce ainsi ~e" Ilie, se~]. u peux-tu
ignorer les proj~ts que' je medite'? Toi. u seule n'as point paru
dans l'aaseJDhlee des pui. u sances inferDllles. Cependant, 6.11~
:,ingraw, pour u qui travailIe-je' en ce,,'mom~nt, si 'Ce' n'est
~ur utoi~~l estJ.'ange que j'ai fl~ plus tendr,e-. u ment que.je ne
i'ai~e? Lorsq¥c; 'l'QraueiI, .~n, a premier ~mpur, 'W ;.donna
~anoo, je ttl JWi~
u sur mes poux, je'~e, pr~iguai las care8"~'un u pere. Hl\te":toi
done de me p~ouver qu.e ~ n'~.
«pal rompu Ies Ii~ns. ,qui ;noJJ8 .Wli~e~t .. .vie~•..; « suis-mol
j Ie temps prC8se j il faut que ill par-Ies, «il faut que tu
repete8 cel que je t'a,IWrel\~raij
LES NlTCBIlZ. T. I. •
• tOl1 eileke peut mettte en danger mon empire. l)
~ demOn de III renotnmee 80uriant au prince de. Un~bre8, lui r~pond
d'une Vo1X eclatante: .•0 mMt peret je n'ai' paw rompu les liens
qui ttklU8 "Dissenl. J'fti "entendu les bruit$ l'cpandus «par tor
cheZ' les Natchez; j'ai' yu avec transport .Ies gra.' cho~ que tn'
prepares; mai~' il me • veftOit dM18 'ce inomeil't d.'autres bruits
de'la terre: 1j'~tMs 'Oet'lipee"aredire au '~ond'e 'Ia gloire d'un
«~arquede 'I'EttTOpe 1. Ces ~ran~ois m'accah1ent • de' letu'S"
tne!'Veilles; il me faudroit des siec1es Ii ~1lr les:entendre et
les raconter. Cependant je • suis- pJ"~ oft· te -suiTre, et
j'abandonne tout pour «servlr fe$. desseins. li . .
En fl'Ch'eTarit ees motS, ~ Reriommee descend de 80n t.rone : de
toutes les voutes, de tous les d6mes, de tous 1~'SOuterrains du
palais ebranle, s'echap pent des 'sons confu~ et discordants: teIs
'sont les rDtJissements d'un troupeau de, lions, lorsque. la
·SUeuleenAatnmee·, la 'langue 'pendante, ils e1evelh la yOOi
dut-ant urie s~cherellse dans 1'aridite des 88bles'
afrioai'il8~""
Stttan et' 18 R~ommee sortent du sonore edifice, g"ahattent ~uie
deux aigles au. pied de 11{;mon taspe; on l8. ~nit' leur amime un
char.' Ds y mon tent. La Renommee saisit les 'rMes qu.i flottoient
emha'rrassees dans las ailes' des deu~ ~our8iers : demon
fantastique,' dans h~s tenehres elle ressem ltfe a un,geant; ala
lumiere eUe n'est plus qu'un , . • .: . ". .;. ~ " , t· •
. 'I'Loui. XIV: '.;.".) , . -
pygmee. L'EtQIlQement 1& precede, I'Enw'ie la'.uit de pres, et
I'Adtniratioll I'BOOomPSgDe de loin. ~ ~ple pe,vel'8 franchit
eel,mer. meJ.plor6tt
qui. s'~tendeDt entre la CO:..Ipole de glaeeet.tet'J'eS
q~ n'avoieot point encore oommee. let Cook et lei ·Laper()U.f~ La
ReJll)mmee" dir~ea.ot 8es coureier.l auf' la ~ro,ix .du &ud"
tOUPM Ie doa aees cooetelia.. bOOr ~trtl1es qJl'u.o reilhumaio ne
vit jQ.mUsi puis, paJ'1.e eone.eil de S..tan, de 'pep.r .d'~tre
apel" ~l1e de i'lutge,qui6arde l'A_; 8U lieu. de reJOODter
l'ocean PlWiliq~ ,.elle ~llcl veta l'orieot, pour 'Wler $.ll' Is
plain.e h\l,mide qui slipare I'Afl'ique du nouv~ e~mtiQenl;. ~Ue
.De voit'point Owti' .-vee ~ pahniel'8, ,SeI chantt, .ae,8 eb~UP8
,see daoM', et '8e8 peuple. <pJi f'ecotJlm~ru:oi.eot la Grice.
Plus I'apide' que le petlsk. Ie~r do~ble Ie cap ou un ocelW,
&.i lons-telJlPJ i800,6-, livre d'eterneLt·.eom.. ba14 &UJ:
mer.. de l'Jiociet.l monde. . '
Sata» et III ~Jllee laiateat loin .Perriere.t lea~~ q"".i
s'ele17~p.t 4ee teFre8 Magellaaiqu.eil; pltare ~~:q~'8uct1ne meiIl
,o~allnwe, ~t qui. brUle aansiJat'doien" aUK boJodS·d'une JDel'aaD8
navi. pteur. lis VO\lS.8al~nt, ruines fumantes ~ JMo.,. JaneiJ·.,
ro~Dlent ~ to valeur, /) Won &u:neu:x. oompatriote! "
SatanJrappe d.e,'.i.a~~,~oursiers haletants., et b~t'il • p_ ~lt,~
qui reQut ja61is un~ eolOl)ie _Carth.~. L'''mazone deCQuVN so.n
i~~~~~¢hur~, "* leu que La Conda. mine ,conduit' par ,la .celeste,
Uranie , visita d'JMl sa doote course, etque
It'lmhgldtdevoit:illustrer.
4.
52 LES NATCHEZ.- . A l'inatant m~lIle, Ie char traverse la ligne
que
Ie soleiI bnile de sea fem l entre dansl'autre he misphere, et I~e
sur la gaucJte la tri8te Cayenne, que l'avenir a marquoo.pour
l'exiI et la douleur. Les deux puisaancea iofernaIes, en penIant de
VJle eette terre qui lea fait aourire~ volent au-deuus des iles des
Caraihes, etse trouvent engagees dans I'archipel du golfe.
Mexicain. La montueuse Marti nique, qui n'etoit poi,nt encore
soumise.& la valeur franc;oise, la Dominique conquise par les
~nglois,
disparoissent sousles roues du char. Saint-Domin gue, qui depuis
s'enivra de richesses, de 'sang et de liberte, Saint-Domingue, d~nt
les destinees de voient ~tre 8i extraordinaires, se montroit alors
·.en partie sauvage, ,tel que lea intrepides ·ftibustiera l'avoient
Iaisse en heritage &la France. Et toi, ~ile
de San:"Salvador, a jamais celebre entre toutes les iles, tu fos
decouver-te parl'mil de-I. Renommee, bien qu'uneingrate obscurite
aitsuccede atagloire. Elevant la t~te·entre tea smu~ de Bahama, ce
Eot toi qui sOuris Iii premiere &CoIQmb; ce fut toi qui vis
descendre de sea vaisseaux l'imIilortel Genois, eomIhe Ie fiIs-alne
de l'Ocean; ce fut sur tes rivages ,que se 'V'il4iterent lea
peuples ~~ I'Ocoident et de I'Aurore, qu'ils se saluerent
mt.ftuellemenJ du nom d'hommes! Tea rochen retentis~entdu bruit
d'une musique guerriere annonc;ant cette grande'alliance, tandis
.que ColqIDb tomboit it genoux,' et baisoit cette terre, autre
moitie de l'heritap,e des filsd'Adam.
A peine la Renommee a-t-cUe quitte San-Sal vador, qu'elle aborde a
l'iathme des Florides: elle
LIVRE II. S3 aJ'~te Ie char, 8'eliince avec l'archangelUr les
greves dont- I~ mer 8e retire. Seta'n promene un moment 8e8 regard8
8ur les for~ts, comme s'il aper cevoit deja dan8 ce8 solitUdes de8
'peuple8 detftines . a changer la face du monde. La Renommee jette
. un nuage'8ur 8On- char, etend ses ailes, donne une main a IOn
eompagnon : tous deux, renferme8 dans un globe de feu, s'elevent a
Une hauteur demesn...:' ree, et retombimt au bord 'du Meschacebe.
U, Satan quitie sa trompeuse fille pour voleI' ad'au tres
desseins, tandis qu'elle Be hAte d'executer lelJ: ordres de 80il
pere. , EIle prend 18 demarche et la contenanced'un' vieillard,
&fin de donner un plm grand air de ve rite ases paroles. Sa
~te se depouille, 80n corps se courbe sur un arc detendu qu'elle
tient a la main en guise de bAton; sea traits re88emblent parfaite.
menl aceux du Sachem Ondaga, un dea pIu8 8age8' hommes des Natchez.
Ainsi transforme, Ie demon' indi8cret'va frappant de cabane en
cabane, paeon~ taot Ie doux penehant de'Celuta pour Rene, et
aj()u~
tant toujours quelque circonstance qui eveille la curi08it~, la
baine, l'envie ou l'amour. La jalouse mere du jeune Soleil,
Akansle, POUS8e' un cri de joie it ces bruit$ 8emelJ par la
Reoomm~, car elle esp6roit qu'ainsi rejete de Celutll, Ondoure
revien "droit peut-~tre a l'amante qu'il avoit dedaignee; mais Ie
faux -,j,eillard ajoute aussit6t qu'Ondoure est tomb6 dans Ie plus
violent desespoir, et qu'il menace les jours de l'etranger.
\.
Ces dernieres paroles glac.ent Ie «Xeur d'Akan8ie,
,
54 LES' NATCHEZ.
La femme infottunee 8'eerie: «-8<1,S de rna ca'bane, «0 le'p}vs
imp~d~nt des vieillard8! Va continuer «ai~leurs tell ..ecits'
in8epses. Puis8ent Ie. Sachems ee &ire de toi' un exemple
memorable; et t'arracher «cette langue qui distille Ie
pOisonl-
En pronODl;atlt ces moti, Aka,Deie, nouvelle Me~ dee,8e sent pr~te
it deehirer ses enfants et it plon gel' I~ poip,lilard dans Ie
.clEur de sa rival~ ,
La Renommee quitt~ la Femme-Chef, et va cher cher Ondonre. Elle Ie
trouva derriere 8a cabane f" . ' ,
travaillant dan. la foret a la construction, d'un canot d'ecorce de
bouleau; fragile nacelle de.tinee it 'flatter 8Ur lesein des
la<;e f' comma Ie cygne, dont elle imitoit la blancheur et la
f()rJile.
La Renommee 8'avanoe vert Ie guerrier, et exa mine d'sbard en
silence eon, ouvr8ge. Contempteur de la vieille88e et des lois,
OndourtS dit au faJlx Ondaga, en Ie regardant d'un air moqueur: (I
Tu a ferois mieux, Sachem~ d'aller cauter avec les'au (l tres
hommes dont l'age a affoibli la raison, et a rendu las