Annales Medico-Psychologiques 170 (2012) 642–647

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www.sciencedirect.com

´

Memoire

Lien entre locus de controle et anxiete competitive : etude portantsur 150 joueurs de tennis de haut niveau

Link between locus of control and competitive anxiety: Study of 150 high-level tennis players

Julien Arnaud a, Olivier Codou b, Jerome Palazzolo b,c,*a 4, boulevard de Cimiez, 06000 Nice, Franceb Laboratoire d’anthropologie et de psychologie cognitives et sociales (LAPCOS), universite de Nice – Sophia-Antipolis, 06000 Nice, Francec 5, quai des Deux-Emmanuel, 06300 Nice, France

I N F O A R T I C L E

Historique de l’article :

Recu le 28 avril 2011

Accepte le 18 octobre 2011

Mots cles :

Anxiete de performance

Croyance

Gestion du stress

Sentiment de controle

Keywords:

Beliefs

Competition Anxiety

Locus of control

Stress

R E S U M E

But. – Cette etude se propose d’etudier les relations existant entre le locus de controle et l’anxiete

competitive.

Patients et methode. – Cent cinquante sujets ont participe a l’etude en repondant a quatre echelles

d’autoevaluation : le questionnaire tridimensionnel du locus de controle de Levenson, l’inventaire

d’anxiete-trait et etat de Spielberger, l’inventaire abrege de depression de Beck et le questionnaire

d’alexithymie de Toronto.

Resultats. – L’anxiete competitive peut etre predite par les niveaux de locus de controle des sujets. Par

ailleurs, les niveaux de depressivite et d’alexithymie sont egalement des predicteurs de l’anxiete

competitive.

Discussion. – Cette etude a confirme les liens existant entre croyances dans le sentiment de controle et

anxiete competitive. Une etude prospective longitudinale s’appuyant sur les resultats preliminaires de

cette etude transversale pourrait confirmer le role protecteur du controle interne ainsi que le role nefaste

de fortes croyances en le hasard sur l’anxiete ressentie par les sportifs en situation de performance.

� 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.

A B S T R A C T

Aim. – The aim of this work is to study the link between locus of control and competitive anxiety. We

hypothesized that subjects were anxious in performance tasks, had more beliefs in external control and

less beliefs in internal control than subjects that were not anxious.

Patients and method. – One hundred and fifty high level tennis players from six different regional tennis

leagues of French Tennis Federation participated in this study answering to four self-report

questionnaires: Spielberger’s Multidimensional Locus of Control, Levenson’s State-Trait Anxiety

Inventory, Beck Depression Inventory and Toronto Alexythymia Scale.

Results. – Competitive anxiety can be predicted by levels of locus of control. High scores on internal

locus of control predicted low anxiety, whereas high scores in external locus of control predicted a high

competitive anxiety. Moreover levels depressiveness and alexithymia are also predictors of competitive

anxiety. More the subjects have high levels of alexithymia depressiveness and more important they will

be anxious at the approach of a competition. We also compare the results of the participants (athletes

with the approach of a competition) with the standards of ‘‘normal’’ population proposed by Dhee-Perot

et al. (1996) [10]. These results seem to support the thesis that the elite athletes subjected to frequent

situations of performance, preferentially oriented toward mastery goals.

Discussion. – This study highlighted links between locus of control and competitive anxiety. A long-term

and transverse study relying on preliminary results of this study could confirm protective function of

internal control and risk of strong beliefs in luck on tennis player’s perceived anxiety. It could also assess the

effects of psychotherapy based on control beliefs on decrease anxiety. We postulate these conclusions

might be applied to others domains where performance, observation and assessment are essential.

� 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

* Auteur correspondant.

Adresse e-mail : palazzolo@free.fr (J. Palazzolo).

0003-4487/$ – see front matter � 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.

doi:10.1016/j.amp.2011.10.018

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1. Introduction

Les strategies d’intervention visant a optimiser le controle del’anxiete des athletes se sont progressivement imposees commeune priorite pour les sportifs, leur entourage familial, leurentraıneur, devant la responsabilite imputee de l’anxiete sur ladeterioration de la performance des athletes. Les premieresapproches empiriques de regulation de l’anxiete se sont enrichiesde l’apport des therapies comportementales et cognitives qui ontnotamment permis la conceptualisation claire d’une anxiete decompetition et la definition d’outils operationnels pour elaborerune demarche experimentale scientifique etudiant l’implication decette derniere dans la performance de l’athlete.

Les consequences nefastes a long terme sur les cognitions etrepresentations des athletes d’echecs dans l’atteinte de leur butdoivent inciter les professionnels de sante a s’interesser auxdeterminants de l’anxiete competitive afin de proposer aux athletesde haut niveau fortement exposes a celle-ci une authentiquedemarche de soins visant a leur permettre de se proteger de ses effetsdeleteres sur leur sante physique et psychique.

Burton, le premier, par la conceptualisation de programmesd’entraınements a la fixation de buts, suggera l’influence dusentiment de controle de l’athlete sur sa performance sur lecontrole de son anxiete a l’approche et au decours de lacompetition [6]. En effet, dans sa distinction buts de maıtrise/buts competitifs, on retrouve la dichotomie entre attribution desa performance a des facteurs internes (habiletes percues, effortsfournis, perseverance. . .) versus externes (performance desadversaires, role des arbitres, hasard. . .). Les resultats qu’ilpresenta ont entre autres montre une association entrediminution de l’anxiete competitive et attributions envers descausalites internes. D’autres etudes s’interessant a des strategiesde controle de l’anxiete competitive reposant sur une logique dereappropriation du sentiment de controle de l’athlete sur saperformance sportive ont, depuis, corrobore ces premiersconstats [1,16,18].

Ces resultats semblent concorder avec ceux observes dans ledomaine extrasportif qui ont montre une correlation positive entrefacteurs d’externalite et anxiete et une correlation negative entrecroyances internes et anxiete dans le domaine de la sante [17,20] etdans le domaine de la performance scolaire [7,14].

Il semble donc pertinent d’etudier les croyances de sportifs dehaut niveau dans leur sentiment de controle et de rechercher uneassociation eventuelle de ces croyances avec l’intensite de leuranxiete cognitive a l’approche d’une competition, cette derniere (etnon l’anxiete somatique) ayant demontre scientifiquement unerelation lineaire negative avec la performance sportive [8,11,13,22,23].

A notre connaissance, aucune etude dans le domaine du sportde haut niveau ne s’est interessee specifiquement au lien existantentre orientation du locus de controle des athletes et intensite deleur anxiete competitive [3]. Celle qui s’approcha le plus de cettedemarche experimentale fut menee en Angleterre en 2007 sur dejeunes nageurs en competition : elle mesura l’impact desattributions causales de ces enfants sur leur performance sportiveet observa chez ceux qui gagnerent leur course une attributioninterne preferentielle [19] ; parallelement, elle retrouva chez cesmemes enfants des niveaux plus faibles d’anxiete cognitive(constat non retrouve avec l’anxiete somatique), comparativementaux autres enfants ne s’etant pas imposes dans leur course.

Ces differents constats soulevent une question : existe-t-il unlien significatif entre l’orientation du locus de controle de sportifsde haut niveau et l’intensite de leur anxiete a l’approche et au coursd’une competition ?

Dans le cadre de cette etude menee sur 150 joueurs de tennis dehaut niveau, l’hypothese suivante a ete formulee : « L’anxiete

competitive d’un joueur de tennis augmente avec une orientationexterne de son locus de controle (H1a) et diminue avec uneorientation interne de son locus de controle (H1b). Ainsi, onretrouvera davantage d’orientation interne du locus de controlechez les joueurs presentant de faibles niveaux d’anxiete compe-titive. Inversement, on retrouvera davantage d’orientation externedu locus de controle chez les joueurs presentant une forte anxietecompetitive. ».

Parallelement, a ete recherchee l’association entre anxietecompetitive des joueurs et joueuses de tennis ayant participe acette etude et deux autres dimensions impliquees dans cessituations de performance : les dimensions depressiveet alexithymique. Une hypothese secondaire a ainsi pu etreformulee : « L’anxiete competitive d’un joueur de tennis augmenteavec la depressivite (intensite de la depression) et l’alexithymie (H2).Ainsi, la presence de cognitions depressives et la difficulte a repereret exprimer ses emotions et sentiments seront plus souventretrouvees chez des joueurs presentant de hauts niveaux d’anxietecompetitive. ».

2. Methodologie

2.1. Presentation generale de l’etude

Afin de repondre aux objectifs precedemment exposes, unprotocole experimental a ete soumis a l’ensemble des participantsde cette etude.

Ce protocole d’etude, valide par le Comite scientifique de laFederation francaise de Tennis, a ete propose a des joueurs/joueuses des regions Centre, Essonne, Pays-de-Loire, Yvelines,Hauts-de-Seine et Paris. Une fois le coordonnateur techniqueregional de la ligue federale de tennis informe, chaque participant(espoir, etudiant ou entraıneur) a repondu sans reticence le jour dupassage de l’experimentateur a la Ligue.

Cette etude a ainsi recueilli la participation volontaire de150 joueurs de tennis de haut niveau (aucun refus). La passationdes questionnaires de l’enquete s’est deroulee en six sessions etabliesau sein de chacune des Ligues regionales precedemment citees.

Le materiel experimental suivant a ete utilise :

� le

questionnaire IPC du locus de controle tridimensionnel deLevenson ; � l’ inventaire d’anxiete trait-etat de Spielberger ; � l’ inventaire abrege de depression de Beck ; � l’ echelle d’alexithymie de Toronto.

Par ailleurs, un recueil des donnees sociales et demographiquesa ete realise, comportant des informations sur :

� le

sexe ; � l’ age et la categorie socioprofessionnelle (espoirs, etudiants ou

entraıneurs) ;

� le lieu d’exercice (Ligue regionale de Tennis) ; � le classement national (reflet du niveau d’expertise tennistique).

2.2. Methodologie statistique

Les profils des joueurs et joueuses sur les differentes dimen-sions mesurees ont ete compares en fonction de leurs caracter-istiques sociodemographiques :

� a

l’aide du test de Wilcoxon pour comparer deux moyennes entreelles ; � a l’aide du test de Kruskall-Wallis pour comparer plusieurs

moyennes.

Tableau 1Scores aux echelles de locus de controle, d’anxiete trait-etat, de depressivite,

d’alexithymie dans la population d’etude.

na Moy�ET Mode Etendue

Locus de controle interne 147 33,1�5,4 33 20–44

Locus de controle externe autres 147 25,7�6,4 25 09–42

Locus de controle externe chance 147 22,3�6,4 19 10–39

Anxiete-trait 150 44,9�9,5 45 26–79

Anxiete-etat 149 32,7�10,0 21 20–65

Depression 150 4,0�4,1 2 0–20

Alexithymie 150 48,9�10,3 49 20–73

a Des questionnaires incomplets expliquent le nombre de reponses inegales aux

differentes dimensions mesurees.

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Ces tests non parametriques ont ete choisis du fait de l’inegalitedes effectifs dans les differents groupes.

Les liens entre anxiete competitive et dimensions du locus decontrole, depressivite et alexithymie ont ete etablis a l’aide d’uneanalyse de regression lineaire.

3. Resultats

Cent cinquante sujets ont participe a cette experience ;116 hommes (77,3 %) et 34 femmes (22,7 %) ages de dix a62 ans. Trois categories de sujets ont ete distinguees : espoirs(n = 52), etudiants (n = 84), et entraıneurs (n = 14).

3.1. Scores aux echelles d’autoevaluation

Les comparaisons statistiques (test de Wilcoxon) ne montrentaucune difference significative en fonction du sexe au sein de cettepopulation d’etude, quelle que soit la dimension evaluee. Lespopulations feminine et masculine de cette population d’etudesont donc comparables sur toutes les dimensions evaluees. Dememe, aucune difference significative n’a ete retrouvee en fonctiondu centre de reference ou du niveau d’expertise des joueurs etjoueuses.

Les comparaisons statistiques (test de Kruskall-Wallis) mettenten evidence des differences significatives :

� c

TaSc

*p

hez les etudiants qui presentent des scores moyens de locus decontrole interne (LDCI) plus bas (m = 32,0) que les espoirs(m = 34,1) et les entraıneurs (m = 36,1), et des scores d’anxiete-trait plus eleves (m = 47,5) que les deux autres categories(respectivement m = 42,0 et m = 40,0) ;

� c hez les espoirs qui presentent des scores moyens d’alexithymie

plus eleves (m = 52,4) que les etudiants (m = 47,6) et lesentraıneurs (m = 43,6).

3.1.1. Discussion des resultats

Les joueurs et joueuses participant a cette etude ont presente unecroyance plus forte dans le controle interne (Tableaux 1 et 2) que lapopulation generale, avec des scores moyens de 33,1� 5,4 versus

bleau 2ores aux echelles du locus de controle, d’anxiete trait-etat, de depressivite, d’alexith

Espoirs E

n Moy�ET Etendue n

Locus de controle interne 51 34,1�5,3 21–44 8

Locus de controle externe autres 51 25,6�7,1 10–42 8

Locus de controle externe chance 51 22,6�5,7 12–35 8

Anxiete-trait 52 42,0�7,4 26–61 8

Anxiete-etat 52 31,2�9,4 20–65 8

Depression 52 3,1�3,0 0–16 8

Alexithymie 52 52,4�9,2* 35–73 8

<0,01.

29,3� 7,1 (etude de validation en langue franc aise en populationgenerale de Dhee-Perot et al., 1996 [10]). Ces resultats semblentconforter la these selon laquelle des sportifs de haut niveau, soumis a defrequentes situations de performances, s’orientent preferentiellementvers des buts de maıtrise [6] ou leur performance est determinee pardes standards personnels sur lesquels ils peuvent exercer un reelcontrole.

Les joueurs et joueuses de tennis participant a cette etude ontpresente par ailleurs des croyances dans le controle du aux facteursaleatoires differentes de la population generale [6], avec unepredominance de la croyance dans le controle du aux autres tout-puissants par rapport au facteur chance (scores moyens de25,7 � 6,4 versus 22,3 � 6,4), alors que le constat contraire estretrouve en population generale avec une nette predominance descroyances dans le hasard (scores moyens de 14,8 � 7,8 versus

20,4 � 8,7). Il semblerait que les scores eleves du locus de controleexterne « autres » retrouves dans la population d’etude correspondenta une croyance dans le controle de l’adversaire, du fait de la specificitedu tennis qui est un sport d’opposition directe. On peut supposer quece controle exerce par d’autres personnes peut egalement concernerl’entourage proche des joueurs et joueuses (famille, entraıneur. . .),souvent tres present dans l’environnement direct des sportifs de hautniveau. Enfin, la croyance dans le controle externe « autres » desjoueurs inclus dans cette etude peut s’assimiler a la croyance dans uncontrole interne devolu a son adversaire, par exemple, la situation deperformance dans la competition a venir etant dans ce cas envisageecomme la confrontation de deux controles internes ; cette croyancedans un controle externe « autres » serait en ce sens tres differente decelle retrouvee en population generale [6] ou la predominance ducontrole externe concerne la croyance dans le hasard, qui peut pour sapart s’assimiler a une croyance dans l’absence de controle. On ne notepas de difference particuliere dans le sentiment de controle enfonction des donnees sociodemographiques relevees (hormis unecroyance moindre dans le controle interne chez les etudiants parrapport aux joueurs mineurs des poles Espoirs, ainsi que leursentraıneurs).

Les joueurs et joueuses participant a cette etude ont presenteune predisposition a percevoir une situation de performance (lacompetition sportive) comme anxiogene comparable, voire memelegerement superieure a celle observee par Bruchon-Schweitzerchez des collegiens et lyceens face a une autre situation deperformance (les examens scolaires), avec des scores moyens detrait d’anxiete respectifs de 44,4 � 8,8 pour les hommes et46,8 � 11,3 pour les femmes versus 41,9 � 9,5 pour les hommes et45,1 � 11,1 pour les femmes [5]. En revanche, la competition sportive(en tant que situation de performance) a genere un etat d’anxietemoindre chez les sujets participant a cette etude que celui mesuredans l’etude de Bruchon-Schweitzer, avec un score moyen d’etatd’anxiete de 32,7 � 10,0 versus 40,75 � 10,3. Ces resultats tendent arendre caduques et infirmer les pratiques evaluatives qui se sontprofilees en France a partir de 1980 privilegiant des mesures de traitd’anxiete dans l’espoir de reperer les athletes presentant une bonnepotentialite a supporter la pression competitive de ceux plus fragiles

ymie en fonction de la categorie socioprofessionnelle.

´ tudiants Entraıneurs

Moy� ET Etendue n Moy� ET Etendue

2 32,0�5,4* 20–43 14 36,1�2,8 32–41

2 26,0�5,9 10–39 14 24,5�6,0 17–38

2 22,5�6,5 10–39 14 19,7�7,9 10–35

4 47,5�10,2* 27–79 14 40,0�6,9 31–53

3 34,1�10,6 20–64 14 29,7�6,8 21–43

4 4,7�4,6 0–20 14 2,7�2,5 0–8

4 47,6�10,3 20–70 14 43,6�10,9 23–61

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et risquant davantage de perdre leurs moyens en competition [9]. Eneffet, si les sportifs de haut niveau ayant participe a cette etude ontbien presente une moindre apprehension anxieuse a l’approche d’unesituation de performance, il semble, au vu de nos resultats, qu’elleresulte plus d’une capacite acquise a mettre en place des strategies decoping efficaces face aux facteurs stressants qu’a une predispositioninnee a generer de faibles niveaux d’anxiete face a une situation deperformance vecue comme menacante. Il est possible que l’expositionrepetee a des situations de performance, intrinsequement anxio-genes, permette aux sportifs de haut niveau de developper unmecanisme d’habituation aux stress regulierement rencontres, etainsi de diminuer l’intensite de leur anxiete competitive. On ne notepas de difference particuliere d’intensite de l’anxiete competitive enfonction des donnees sociodemographiques relevees, hormis un traitd’anxiete plus eleve chez les jeunes adultes etudiants en formationbrevet d’Etat par rapport aux joueurs mineurs des poles Espoirs ainsique par rapport a leurs entraıneurs.

L’evaluation de la depressivite des joueurs et joueusesparticipant a cette etude a montre que la moitie de la populationd’etude ne presentait pas de cognitions depressives, au vu desnotes seuils etablies par Beck avec une mediane inferieure a quatre[4]. De meme, les trois quarts de la population d’etude n’etaient pasalexithymiques au vu des notes seuils etablies en version francaise[15], avec un troisieme quartile egal a 56. On ne note pas dedifference particuliere sur ces deux dimensions en fonction desdonnees sociodemographiques relevees, hormis pour l’alexithymiequi semble diminuer avec l’age avec un score moyen de 52,4 pourles espoirs, de 47,6 pour les etudiants et de 43,6 pour lesentraıneurs.

3.2. Predictibilite du locus de controle, de la depression et de

l’alexithymie sur l’anxiete competitive

3.2.1. Fiabilite

La fiabilite des dimensions Anxiete-etat et Anxiete-traits estsuffisante (a de Cronbach = 0,81). La variable Anxiete de competitionsera donc traitee comme la moyenne des deux dimensionsAnxiete-etat et Anxiete-traits. AnxComp = Moy (AnxEtat,AnxTrait).

3.2.2. Applicabilite

Les tests Kurtosis et d’asymetrie autorisent l’utilisation d’uneanalyse de regression lineaire sur les variables anxiete-competi-tion (AnxComp), depression, locus de controle externe (hasard)(LDCEH), LDCI. En revanche, une transformation logarithmique adu etre effectuee afin que les variables alexithymie (Alex) et locusde controle externe-autres (LDCEA) puissent etre integrees al’analyse de regression lineaire. Des lors, nous traiterons desvariables LogAlex et LogLDCEA.

3.2.3. Locus de controle externe (hasard/autres) et Anxiete de

competition

Afin de tester l’hypothese H1a, il a ete effectue une analyse deregression lineaire. Dans un premier temps, deux modelescomposes des deux variables LDCEH et LogLDCEA ont ete crees,puis un troisieme modele compose des deux variables reunis a etepropose.

Le premier modele, compose de la variable LDCEH, explique13,4 % de la variance de l’anxiete competitive (F (1,145) = 23,62p < 0,001 ; b = 0,374).

Le deuxieme modele, compose de la variable LogLDCEA,explique seulement 4 % de la variance de l’anxiete competitive(F (1,145) = 7,03 p < 0,01 ; b = 0,21).

Enfin, le troisieme modele constitue, integrant les deuxvariables (LDCEH et LogLDCEA), explique 13,2 % de variance dela variable AnxComp. Cette part de variance est sensiblement

equivalente au premier modele comprenant uniquement lavariable LDCEH. En decomposant les variables de ce troisiememodele, il apparaıt que la variable LDCEH a un effet significatif(b = 0,35 ; p < 0,001), tandis que la variable LogLDCEA n’a pasd’effet significatif (b = 0,07 ns).

Pour predire l’anxiete de competition, il n’est donc pasnecessaire d’utiliser ces deux variables. Il convient d’utiliserLDCEH. L’information apportee par la variable LogLDCEA estredondante par rapport a celle de LDCEH.

3.2.4. Locus de controle interne et anxiete de competition

Afin de tester l’hypothese H1b, un modele a ete cree, composede la variable LDCI. L’effet du LDCI sur l’anxiete competitive a eteteste a l’aide d’une analyse de regression.

Le modele compose de la variable LDCI explique 10 % de lavariance de l’anxiete competitive (F (1,145) = 17,73 p < 0,001 ;b = �0,33).

Compte tenu du caractere predictif des variables LDCEH et LDCI,un dernier modele integrant a la fois les LDCI et externe (hasard) aete cree afin de predire au plus pres l’anxiete de competition.

L’analyse de regression multiple montre que les variables locusde controle externe (hasard) et LDCI expliquent 21,7 % de la variationde l’anxiete de competition. Les deux variables ont un effetsignificatif sur l’anxiete de competition (F (2,144) = 21,24p < 0,001). En decomposant l’effet de ces variables, il apparaıtque la variable LDCEH a un effet significatif (b = 0,35 ; p < 0,001), etla variable LDCI (b =�0,29 p < 0,001). Ainsi, plus la part du LDCIaugmente et plus la part de l’anxiete de competition diminue, alorsque plus la part du locus de controle externe (hasard) augmente etplus la part de l’anxiete de competition augmente.

La part de variance expliquee par ce dernier modele (21,7 %) estsuperieure aux modeles n’integrant que la variable LDCI ou que lavariable LDCEH. Par consequent, pour prevoir l’anxiete decompetition, il est utile de prendre en compte a la fois le LDCIet externe (hasard). Y (AnxComp) = 44,75 + 0,49 (LDCEH) � 0,5(LDCI).

3.2.5. Depression/Alexithymie et Anxiete de competition

Afin de tester l’hypothese H2, un modele compose des variablesDepression et LogAlex a ete cree.

Ce modele compose des deux variables Depression et LogAlexexplique 51,9 % de la variance de l’anxiete de competition. Les deuxvariables ont un effet significatif sur l’anxiete de competition(F (2,147) = 81,36 p < 0,001). En decomposant l’effet de cesvariables, il apparaıt que la variable Depression a un effetsignificatif (b = 0,64 ; p < 0,001) et la variable LogAlex(b = �0,19 p < 0,01). Ainsi, plus les parts des scores aux echellesde depression et d’alexithymie augmentent, plus la part del’anxiete de competition sera importante. Y (AnxComp) = 4,71 + 1,42(Depression) + 16,97 (LogAlex).

Ces resultats appuient nos hypotheses, la nature du locus decontrole permet de predire le niveau d’anxiete de competition desparticipants a cette etude. En outre, les niveaux de depressivite etd’alexithymie semblent etre egalement des predicteurs de cetteanxiete.

4. Discussion

Cette etude a permis de montrer que plus les joueurs etjoueuses de tennis de haut niveau presentaient une croyance dansun controle interne (versus externe-hasard), moins (versus plus) ilsmanifestaient une anxiete a l’approche d’une competition sportive.

Ces resultats ont replique ceux des etudes s’etant interessees acette correlation dans les domaines extrasportifs tels que la sante[17,20] ou la performance scolaire [7,14]. De meme, ils semblent

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concorder avec ceux des rares etudes s’etant interessees al’efficacite des strategies de controle de l’anxiete competitive,reposant sur une logique de reappropriation du sentiment decontrole de la performance sportive par l’athlete [1,16,18].

Cette etude n’a en revanche pas confirme les premiers resultatsattestant d’une liaison entre forte croyance dans le controle du auxautres personnes et anxiete competitive ; les difficultes rencon-trees pour mettre en lumiere cette relation ont avant tout resultede la distribution des sujets vis-a-vis de leur locus de controleexterne « autres » par rapport aux normes de reference utilisees enpopulation generale [10], celle-ci aboutissant a un trop faibleeffectif de sujets presentant de faibles croyances dans le controledu aux autres personnes.

Si cette etude a permis de montrer une relation entre anxietecompetitive et croyances dans un faible controle interne et dans unfort controle du aux facteurs aleatoires, la nature transversale decette etude ne permet pas de predire la direction de cette relation.Une question se pose alors : la croyance dans le controle interneconstitue-t-elle un facteur protecteur de l’anxiete competitive, et al’inverse, la croyance dans un controle du a la chance constitue-t-elle un facteur de risque d’anxiete competitive ? Ou bien cescroyances sont-elles des consequences cognitives de l’anxietecognitive competitive face a laquelle sont soumis les sportifsde haut niveau en situation de performance ? Seul un protocoleexperimental base sur l’induction d’un type de locus (interneversus externe) en variables provoquees permettrait (toutes chosesetant egales par ailleurs) de donner une orientation au lien entrelocus de controle et anxiete competitive.

La seconde hypothese peut s’appuyer sur le modele cognitifde l’anxiete : les croyances dans le controle interne ou externepourraient ainsi reposer sur une dysfonction du traitement del’information appelee distorsion cognitive aboutissant a des penseesautomatiques influencant l’elaboration de ces croyances. Parmi lesdistorsions cognitives potentielles, citons par exemple la personna-lisation, qui peut amener le sujet a surestimer la relation entrel’occurrence d’un evenement et l’action del’individu pour la croyancedans un controle interne et l’abstraction selective qui peut entraınerle sujet a se focaliser uniquement sur les details echappant a soncontrole dans la survenue d’un evenement pour la croyance dans uncontrole du a des facteurs aleatoires, telle la chance.

La premiere hypothese peut-elle s’appuyer sur la theorie del’impuissance apprise, ou Learned Helplessness de Seligman [21] ?Cette theorie s’inspira d’experiences realisees sur des chiens soumisa des stimulations douloureuses materialisees par des dechargeselectriques d’intensite elevee. L’auteur demontra que le caracterecontrolable ou incontrolable des confrontations initiales de l’animalavec le stimulus douloureux influence grandement l’apprentissageou non de comportements sains d’evitement de ce stimulus : eneffet, si l’animal peut exercer un controle sur les premieresstimulations douloureuses, l’apprentissage des conduites d’evite-ments de ces stimulus ne sera pas perturbe ; en revanche, dans le cascontraire, un comportement de soumission sera adopte par l’animalqu’il generalisera a d’autres situations ou il pourrait pourtant exercerun controle. Seligman generalisa avec Abramson et Teasdale sonmodele en l’appliquant aux comportements humains, decrivantl’impuissance apprise comme « l’ensemble des consequencesnegatives d’une experience vecue par l’individu de la non-maıtrisede son environnement » [2] se manifestant a trois niveaux :

� a

u niveau motivationnel : le sujet ne manifestant aucunemotivation a controler la situation, entraınant une chute de sesperformances ; � a u niveau cognitif : le sujet etant incapable d’etablir un lien entre

ses actions et ses resultats ;

� a u niveau emotionnel : le sujet manifestant un etat eleve

d’anxiete, de tristesse, voire de desespoir.

Avant tout avancee comme un modele cognitif de la depres-sion, la theorie de l’impuissance apprise de Seligman permetcependant d’avancer une modelisation scientifique de l’hypoth-ese privilegiee, celle de l’imputabilite de la faible croyance dans uncontrole interne et de la forte croyance dans un controle du auxfacteurs aleatoires, renforcees par des experiences vecues de non-maıtrise de l’environnement, dans la genese de hauts niveauxd’anxiete de sujets en situation de performance (telle lacompetition sportive pour les joueurs et joueuses de tennis dehaut niveau).

Enfin, la recherche d’autres determinants de l’anxiete compe-titive nous a amenes a etudier la liaison de cette derniere,notamment avec deux autres dimensions : la depressivite etl’alexithymie. Cette etude a permis de montrer que les joueurs etjoueuses de tennis de haut niveau presentant une forte depressi-vite etaient plus anxieux a l’approche d’une competition que ceuxpresentant une faible depressivite. De meme, les joueurs etjoueuses presentant des niveaux d’alexithymie importants man-ifestaient une plus grande anxiete a l’approche de la competitioncomparativement a ceux presentant un niveau d’alexithymie plusfaible.

La mise en evidence de ces liaisons souleve la nature de larelation entre locus de controle et anxiete competitive. L’hypo-these que cette relation soit perturbee par un tiers facteur, qu’ilagisse comme modificateur de l’effet ou comme facteur deconfusion, ne peut pas etre ecartee. La depressivite et l’alexithymiepourraient donc jouer ce role de tiers facteur entre croyance dans lesentiment de controle et anxiete competitive, tout comme peut-etre d’autres donnees sociobiographiques des sujets inclus et nonrecensees dans cette etude (comme explicite plus avant). Uneanalyse stratifiee selon les classes de la variable prise comme tiersfacteur serait ainsi necessaire pour pouvoir decrire une interactioneventuelle ou reconnaıtre un possible facteur de confusion avantde pouvoir affirmer l’independance de chaque liaison decrite danscette etude, sous reserve d’avoir pris en compte tous les facteurssusceptibles d’etre des facteurs de risque.

5. Applications des resultats de l’etude, limites et perspectives

Ce travail constitue une etude preliminaire exploratoireinnovante dans la recherche d’une implication des croyances dansle sentiment de controle sur l’intensite de l’anxiete ressentie par lessportifs de haut niveau en situation de performance. Il tend ainsi amontrer que l’orientation du locus de controle de ces sportifs peutinfluencer le niveau de son anxiete competitive, sous reservequ’elle en constitue un reel facteur de risque ou a l’inverse unfacteur protecteur.

Deux implications pratiques decouleraient logiquement de ceconstat :

� l’

evaluation des croyances des sportifs de haut niveau dans leursentiment de controle pourrait ainsi constituer un prerequisimportant a la prise en charge de leur anxiete en situation deperformance, une forte croyance dans des facteurs aleatoirescomme le hasard pouvant etre consideree comme un trait devulnerabilite ; � s i certaines croyances peuvent ainsi constituer des traits de

vulnerabilite a l’anxiete en situation de performance, ellespourraient etre le levier d’une intervention psychotherapeutiquevisant a modifier certaines representations du sujet, le styled’attribution d’un individu pouvant evoluer au cours d’unepsychotherapie [12]. Une approche centree autour des cognitionsen lien avec les croyances en matiere de controle avec mise au jouret remise en cause des pensees automatiques et des postulats debase en lien avec ces representations pourrait peut-etre permettreau sujet de se reapproprier le sentiment de controle de sa

J. Arnaud et al. / Annales Medico-Psychologiques 170 (2012) 642–647 647

performance a venir et obtenir un benefice en termes de maıtrisede son anxiete competitive. Neanmoins, seule une evaluationprecise de cette approche permettrait de juger de ces retombees.

Ainsi, cette etude pourrait constituer une etude preliminaire ala realisation d’un suivi prospectif longitudinal de joueurs etjoueuses de tennis, qui, forte des premiers resultats presentes,pourrait s’adresser a un nombre plus restreint de participants afinde valider deux hypotheses :

� c

elle du facteur de risque d’anxiete competitive que constitueraitune forte croyance dans des facteurs aleatoires tels que la chance(et a contrario le role protecteur d’un fort controle interne) ; � c elle de l’efficacite d’interventions psychotherapeutiques sur

l’intensite de l’anxiete competitive de joueurs et joueuses detennis visant a modifier leurs representations en matiere decontrole dans le sens d’une reappropriation de celui-ci.

Ces hypotheses pourraient etre testees en evaluant reguliere-ment sur une saison sportive l’anxiete competitive et l’orientationdu locus de controle chez un groupe de joueurs et joueuses detennis ne beneficiant pas d’une prise en charge psychotherapeu-tique centree sur leur sentiment de controle et un groupe dejoueurs et joueuses de tennis beneficiant d’une interventionpsychotherapeutique centree sur leur sentiment de controle. Ilconviendrait egalement a l’avenir d’imaginer des experimenta-tions proposant des heteroevaluations de l’anxiete afin d’echappera tous biais du type desirabilite, halo. . . En ce sens, des mesuresphysiologiques ou comportementales pourraient mieux convenir.

Enfin, les resultats escomptes aupres de joueurs et joueuses detennis pourraient etre generalises a de nombreux autres sujets ensituation de performance, dans le domaine sportif mais aussi dansle domaine artistique et dans tout autre domaine professionnel oules situations de performance, d’observation et de jugement sontpreponderantes.

Declaration d’interets

Les auteurs declarent ne pas avoir de conflits d’interets enrelation avec cet article.

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