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AVERTISSEMENT Ce document est le fruit d'un long travail approuvé par le jury de soutenance et mis à disposition de l'ensemble de la communauté universitaire élargie. Il est soumis à la propriété intellectuelle de l'auteur. Ceci implique une obligation de citation et de référencement lors de l’utilisation de ce document. D'autre part, toute contrefaçon, plagiat, reproduction illicite encourt une poursuite pénale. Contact : [email protected] LIENS Code de la Propriété Intellectuelle. articles L 122. 4 Code de la Propriété Intellectuelle. articles L 335.2- L 335.10 http://www.cfcopies.com/V2/leg/leg_droi.php http://www.culture.gouv.fr/culture/infos-pratiques/droits/protection.htm

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AVERTISSEMENT

Ce document est le fruit d'un long travail approuvé par le jury de soutenance et mis à disposition de l'ensemble de la communauté universitaire élargie. Il est soumis à la propriété intellectuelle de l'auteur. Ceci implique une obligation de citation et de référencement lors de l’utilisation de ce document. D'autre part, toute contrefaçon, plagiat, reproduction illicite encourt une poursuite pénale. Contact : [email protected]

LIENS Code de la Propriété Intellectuelle. articles L 122. 4 Code de la Propriété Intellectuelle. articles L 335.2- L 335.10 http://www.cfcopies.com/V2/leg/leg_droi.php http://www.culture.gouv.fr/culture/infos-pratiques/droits/protection.htm

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Université CLAUDE BERNARD

INSTITUT DES SCIENCES et

MEMOIRE présenté pour l’obtention du

CERTIFICAT DE CAPACI

EVOLUTION DE LA PLAC

Une réponse avec l’histoire de R.E.L.A.I.S., l’association

Membres du Jury

LECLERC Caroline TAIN Laurence TOPOUZKHANIAN Sylvia

© Université Claude Bernard Lyon1

niversité CLAUDE BERNARD LYON1

INSTITUT DES SCIENCES et TECHNIQUES DE READAPTATION

MEMOIRE présenté pour l’obtention du

CERTIFICAT DE CAPACI TE D’ORTHOPHONISTE

EVOLUTION DE LA PLAC E DES USAGERS DANS LE

SYSTEME DE SANTE

ne réponse avec l’histoire de R.E.L.A.I.S., l’association

d’aphasiques de Lyon

Par

BLEIN Fanny PAGET Alice

Maître de Mémoire

JAUBERT Guillaume

Date d

© Université Claude Bernard Lyon1 - ISTR - Orthophonie.

N° 1654

TE D’ORTHOPHONISTE

SAGERS DANS LE

ne réponse avec l’histoire de R.E.L.A.I.S., l’association

Date de Soutenance

28 juin 2012

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ORGANIGRAMMES

1. Université Claude Bernard Lyon1

Président Pr. GILLY François-Noël

Vice-président CA M. BEN HADID Hamda

Vice-président CEVU M. LALLE Philippe

Vice-président CS M. GILLET Germain

Directeur Général des Services M. HELLEU Alain

1.1 Secteur Santé :

U.F.R. de Médecine Lyon Est Directeur Pr. ETIENNE Jérôme

U.F.R de Médecine et de maïeutique - Lyon-Sud Charles Mérieux Directeur Pr. KIRKORIAN Gilbert

Comité de Coordination des Etudes Médicales (C.C.E.M.) Pr. GILLY François Noël

U.F.R d’Odontologie Directeur Pr. BOURGEOIS Denis Institut des Sciences Pharmaceutiques et Biologiques Directeur Pr. VINCIGUERRA Christine Institut des Sciences et Techniques de Réadaptation Directeur Pr. MATILLON Yves Département de Formation et Centre de Recherche en Biologie Humaine Directeur Pr. FARGE Pierre

1.2 Secteur Sciences et Technologies :

U.F.R. de Sciences et Technologies Directeur M. DE MARCHI Fabien U.F.R. de Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives (S.T.A.P.S.) Directeur Pr. COLLIGNON Claude Institut des Sciences Financières et d’Assurance (I.S.F.A.) Directeur Pr MAUME-DESCHAMPS Véronique Observatoire Astronomique de Lyon M. GUIDERDONI Bruno

IUFM Directeur M. BERNARD Régis Ecole Polytechnique Universitaire de Lyon (EPUL) Directeur M. FOURNIER Pascal Ecole Supérieure de Chimie Physique Electronique de Lyon (CPE) Directeur M. PIGNAULT Gérard IUT LYON 1 Directeur M. COULET Christian

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2. Institut Sciences et Techniques de Réadaptation FORM ATION

ORTHOPHONIE

Directeur ISTR Pr. MATILLON Yves

Directeur de la formation Pr Associé BO Agnès

Directeur de la recherche Dr. WITKO Agnès

Responsables de la formation clinique THEROND Béatrice

GUILLON Fanny

Chargée du concours d’entrée PEILLON Anne

Secrétariat de direction et de scolarité BADIOU Stéphanie BONNEL Corinne CLERGET Corinne

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REMERCIEMENTS

Nous tenons à remercier l’ensemble des enseignants de sciences sociales pour leur suivi et leurs conseils.

Nous remercions notre maître de mémoire, Guillaume Jaubert.

Nous sommes enfin très reconnaissantes envers les personnes que nous avons rencontrées en entretien. Elles nous ont toutes fait un accueil chaleureux et ont largement participé à la réussite de notre travail.

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5

SOMMAIRE

ORGANIGRAMMES ................................................................................................................................... 2

1. Université Claude Bernard Lyon1 ............................................................................................... 2

1.1 Secteur Santé : ............................................................................................................................. 2

1.2 Secteur Sciences et Technologies : ............................................................................................... 2

2. Institut Sciences et Techniques de Réadaptation FORMATION ORTHOPHONIE ........................... 3

REMERCIEMENTS..................................................................................................................................... 4

SOMMAIRE .................................................................................................................................................. 5

INTRODUCTION ......................................................................................................................................... 7

PARTIE THEORIQUE ................................................................................................................................ 8

I. DYNAMIQUE DE MEDICALISATION ET EMERGENCE DU HANDICAP ...................................................... 9

1. L’aphasie au regard des maladies chroniques ............................................................................. 9

2. Conséquences psychosociales de l’aphasie ............................................................................... 11

3. L’aphasie en tant que handicap ................................................................................................. 12

II. L’ USAGER ACTEUR DU SYSTEME DE SOIN, LA VOIX DES ASSOCIATIONS DE SANTE ........................... 14 1. Avènement de la démocratie sanitaire ....................................................................................... 14

2. Rôle et typologie des associations de santé................................................................................ 17

3. Le mouvement aphasique en France .......................................................................................... 18

PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES ................................................................................................. 22

I. PROBLEMATIQUE ............................................................................................................................. 23

II. PREMIERE HYPOTHESE ..................................................................................................................... 23

III. DEUXIEME HYPOTHESE .................................................................................................................... 23

IV. TROISIEME HYPOTHESE ............................................................................................................... 23

PARTIE EXPERIMENTALE ................................................................................................................... 24

I. ADOPTER UNE DEMARCHE DE RECHERCHE EN SCIENCES SOCIALES .................................................. 25

1. Elaboration et circonscription du sujet d’étude ......................................................................... 25

2. L’approche qualitative ............................................................................................................... 25

3. Technique monographique ......................................................................................................... 26

II. METHODES ...................................................................................................................................... 26

1. L’observation directe ................................................................................................................. 26

2. La documentation directe ........................................................................................................... 27

3. L'entretien semi-directif ............................................................................................................. 28

III. LA POPULATION ............................................................................................................................... 31

1. Choix de la population ............................................................................................................... 31

2. Critères d'inclusion .................................................................................................................... 31

3. Mode d'accès à la population..................................................................................................... 32

4. Présentation de la population .................................................................................................... 32

IV. ANALYSE DES ENTRETIENS ......................................................................................................... 33

1. La retranscription ...................................................................................................................... 33

2. Considérations éthiques ............................................................................................................. 33

3. Choix de l'analyse qualitative et principes généraux ................................................................. 33

4. Analyse verticale ou par entretien ............................................................................................. 34

5. Analyse horizontale ou thématique ............................................................................................ 34

6. Présentation des résultats .......................................................................................................... 34

PRESENTATION ET DISCUSSION DES RESULTATS ...................................................................... 35

I. ASSOCIATIONS ET PROFESSIONNELS DE SANTE : DES RELATIONS INTERDEPENDANTES OU SE JOUENT

UNE QUETE DE LEGITIMITE ET UNE RECONNAISSANCE IDENTITAIRE .......................................................... 36

1. R.E.L.A.I.S, une association médico-centrée créée dans un cadre thérapeutique : continuité des soins ou autonomie des usagers? ........................................................................................................ 36

2. Le désinvestissement des professionnels : une volonté de réaffirmer un statut d'experts face à l'expertise profane ............................................................................................................................... 38

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3. Des usagers à la reconquête du monde médical : vers une affirmation des droits et une valorisation du vécu du malade-expert ................................................................................................ 42

II. R.E.L.A.I.S. OU LES PROBLEMATIQUES D’UNE PETITE ASSOCIATION DANS LE CHAMP DE LA SANTE 46

1. Le volontariat comme base d’organisation ................................................................................ 46

2. R.E.L.A.I.S. : une entité en retrait dans le paysage associatif de santé ..................................... 48

3. Les déterminants de la vie de l’association, un point de vue interne ......................................... 51

III. D’UNE REVENDICATION HISTORIQUE DU HANDICAP A UN INVESTISSEMENT DE LA SPHERE POLITIQUE, POUR DEFENDRE UNE QUALITE DE VIE ....................................................................................................... 54

1. L’aphasie : itinéraire d’un handicap ......................................................................................... 54

2. Association locale : la représentation comme condition de l’action ......................................... 56

CONCLUSION ............................................................................................................................................ 61

REFERENCES ............................................................................................................................................ 62

ANNEXES.................................................................................................................................................... 65

ANNEXE I : GUIDES D’ENTRETIEN ............................................................................................................. 66

ANNEXE II : PLAQUETTE DE PRESENTATION DE R.E.L.A.I.S. – FORMULAIRE D’ADHESION ....................... 70 ANNEXE III : EXTRAITS DE LA PUBLICATION DE R.E.L.A.I.S., LE TEMOIN ................................................ 72

Premier numéro du Témoin (1978) ..................................................................................................... 72

Extrait du dernier numéro du Témoin (2012, 20 pages) ...................................................................... 74

Extrait du dernier numéro du Témoin (20 pages, 2012) ...................................................................... 74

ANNEXE IV : LABELLISATION DES COMMERCES HANDI-ACCUEILLANTS ................................................... 75

Plaquette de présentation du label commerce handi-accueillant ........................................................ 75

Questionnaire de labellisation à destination des commerces .............................................................. 77

TABLE DES ILLUSTRATIONS ............................................................................................................... 78

I. LISTE DES TABLEAUX ...................................................................................................................... 78

II. LISTE DES GRAPHIQUES ................................................................................................................... 78

TABLE DES MATIERES .......................................................................................................................... 81

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INTRODUCTION

L'enseignement sur l'aphasie dispensé dans la formation initiale des orthophonistes est en partie consacré aux conséquences psychosociales auxquelles sont confrontées les personnes aphasiques. En tant que futures professionnelles amenées à travailler avec des patients aphasiques, nous nous sommes intéressées à la question de leur parcours et de leur insertion sociale hors des structures médicales de prise en charge. De nombreux mémoires d'orthophonie ont déjà été consacrés aux aspects sociaux et à l'environnement autour de la personne aphasique, notamment au travers d'études portant sur l'aidant naturel ou la réinsertion professionnelle. Nous avons choisi d'investiguer un domaine encore peu exploré par les sciences sociales (Carricaburu et Menoret, 2005, p.162) : celui du champ des associations de patients, au travers de l'association d'aphasiques de Lyon (R.E.L.A.I.S.).

Ce travail nous a semblé intéressant dans la mesure où, aujourd'hui, les questions de santé ne se limitent plus au seul terrain de l'hôpital ou aux professionnels de la santé. D'autres acteurs se sont effectivement emparés de ces questions, en débattent et les portent sur la place publique, par le biais notamment des associations. Cette réflexion sur la place de l'usager du système de soins, au carrefour entre les politiques et les professionnels de la santé, s'inscrit par ailleurs dans un contexte particulièrement porteur en matière de réformes du système de soins.

Nous avons pris le parti de proposer une perspective socio-historique au travers de l'évolution de l'association, de sa création en 1976 à aujourd'hui. Notre objectif a été de mettre en lumière les circonstances de sa naissance et dégager les grandes lignes de son développement et ses revendications au travers d'entretiens réalisés avec des membres de l'association et des professionnels dans les domaines de la santé et de la politique.

Dans notre première partie, nous rappellerons les fondements théoriques sur lesquels repose notre travail et qui nous permettent d’éclairer la lecture des entretiens réalisés.

Après avoir précisé notre problématique et nos hypothèses, nous détaillerons les principes et les étapes de la méthodologie adoptée.

Nous présenterons et discuterons enfin les résultats en mettant en perspective les éléments saillants qui se dégagent des entretiens et de la documentation collectée selon trois axes thématiques.

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Chapitre I

PARTIE THEORIQUE

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I. Dynamique de médicalisation et émergence du handicap

La compréhension des problématiques liées à l’aphasie passe en partie par la conceptualisation médicale de ce trouble. En effet, c’est initialement à travers les termes médicaux que l’aphasie est pensée. En tant que trouble affectant la communication, l’aphasie revêt également une dimension sociale. Entraînant un désavantage lié à un déficit identifié, l’aphasie rejoint la notion de handicap au sens de la loi.

1. L’aphasie au regard des maladies chroniques

L’aphasie s’apparente aux maladies chroniques dans ce qu’elle a de durable et dans ses répercussions dans la vie quotidienne du sujet. L’aphasie, en tant qu’atteinte durable, a été largement investie par le monde médical. Pour comprendre cette implication il faut considérer l’évolution historique du domaine médical en Occident.

1.1. De la maladie aiguë à la maladie chronique

Le XXème siècle a connu un bouleversement du paysage médical. Aux épidémies et maladies infectieuses mortelles dont la propagation n'était pas maîtrisée ont succédé les maladies chroniques, notamment après la Seconde Guerre Mondiale grâce à la généralisation des antibiotiques. Pour Carricaburu et Ménoret, l'augmentation de l'espérance de vie est « un enjeu capital d'un point de vue scientifique et médical mais aussi économique et social ». (2005, p.93).

La maladie chronique se définit comme une pathologie au long cours dont la gestion au quotidien a des répercussions sur d'autres sphères que la seule sphère médicale. L'objectif recherché n'est pas la guérison mais une adaptation de la vie quotidienne autour de la pathologie. C'est désormais au malade qu'est en partie dévolue la gestion de sa maladie dont il doit réussir à « faire une forme de vie » en composant « entre les limitations que son état lui impose et les contraintes de la vie sociale, professionnelle, familiale. » (Adam, Herzlich, 1994, p.19) Se pose alors la question de la normalisation qui, pour Strauss, est « une stratégie de base, commune aux situations de maladies chroniques » (Carricaburu, Ménoret, 2005, p.98). Ce processus de normalisation, qui vise à vivre aussi normalement que possible malgré la maladie, se définit comme « une estimation qui se négocie au travers des interactions sociales et des différentes situations auxquelles les personnes sont confrontées » (ibid., p.100) et s'inscrit dans une trajectoire se définissant en termes d'actions : donner du sens à ce qui arrive, garder l'estime de soi et continuer à maîtriser sa vie.

Au regard de cette dynamique, on peut considérer la chronicisation des troubles engendrés par l’aphasie comme une condition analogue à une maladie chronique véritable. La prise en compte de l’aphasie par le monde médical est à considérer à la lumière du développement de concepts nouveaux, guidé par les progrès techniques.

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1.2. Développement d’une conceptualisation de l’aphasie : d’une visée

descriptive à une visée thérapeutique

Ce n’est qu’au XXème siècle que la médicalisation de l’aphasie s’est réellement développée. L’aphasie a émergé en tant qu’atteinte chronique par le biais d’une conceptualisation médicale de l’atteinte cognitive.

L’histoire de l’aphasiologie est à rapprocher de l’histoire de la neuropsychologie. En effet, c’est autour de l’étude de l’aphasie que l’approche anatomoclinique s’est historiquement articulée avec l’approche neuropsychologique.

Jusqu’à une période récente, l’étude des lésions cérébrales n’était réalisée que post-mortem, par le biais d’une autopsie. Les atteintes étaient alors pensées à partir de leur localisation anatomique. Cette démarche s’inscrivait dans une visée de classification et non pas de rééducation. L’aphasie était pensée en termes de tableaux cliniques types.

C’est au milieu du XXème siècle que cette approche va être remise en cause. Les théories cognitives se développent, basées davantage sur l’étude de la fonction atteinte que sur la localisation de la lésion. Cette approche neuropsychologique marque le début d’une visée rééducative véritable. On étudie l’aphasie à travers l’étude des mécanismes de troubles élémentaires.

Dès les années 1970, cet élan va trouver un appui technique révolutionnaire dans le développement de la neuro-imagerie. La définition fine des lésions est alors possible du vivant du patient et permet des liens à la fois spatiaux mais aussi temporels entre les structures cérébrales et les fonctions qu’elles sous-tendent. Les potentialités considérables de techniques comme le scanner et l’imagerie à résonance magnétique vont permettre un essor certain de l’aphasiologie mais également un élargissement du domaine à des fonctions cognitives autres que le langage.

« Depuis quelques années cependant, on assiste au développement d’une neuropsychologie rééducative tous azimuts où sont pris en compte non seulement les troubles du langage, mais aussi ceux de la perception, de la mémoire, des activités intellectuelles, de l’attention et de la motivation. Bien qu’initié il y a plus de trente ans par les thérapeutes soviétiques, ce courant rééducatif plus large n’a provoqué de l’intérêt aux Etats-Unis que depuis une dizaine d’années environ et il fait aujourd’hui seulement une modeste apparition en Europe Occidentale. » (Seron, 1979, p.173)

Sous l’impulsion des avancées techniques en neuro-imagerie, la médecine a investi de nouvelles sphères d’intervention dans le domaine des déficits neurologiques. Ces atteintes durables ont alors rejoint le statut de maladies chroniques, constituées autour de lésions objectivables.

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La prise en compte de l’aphasie soulève cependant d’autres questions. En effet, dans le cas d’une atteinte de la communication, la simple prise en compte du déficit ne permet pas de considérer toutes les implications de la pathologie en question. La communication ne pouvant pas être considérée à l’échelle d’un seul individu, l’adoption d’une perspective sociale pour pouvoir penser l’aphasie est alors indispensable.

2. Conséquences psychosociales de l’aphasie

Chaque année, entre 100 000 et 145 000 personnes sont victimes d'un AVC (Peskine et Pradat-Diehl, 2007, p.44). Un tiers d'entre elles présente un trouble du langage et des difficultés pour communiquer.

La perte du langage, dans ses dimensions d'expression et de compréhension, engendre une limitation de la communication qui a des répercussions sur toutes les sphères de la vie : familiale, sociale et professionnelle. Pour Létourneau (1991, p.66), l'aphasie est sans doute « la séquelle la plus importante, la plus invalidante, autant au plan personnel, social et économique, causée par un dommage cérébral ». La personne aphasique peut se voir privée de son rôle familial (de parent, de conjoint...), d'un statut social ou encore de son emploi, ce qui peut le placer dans une situation d'isolement et de repli sur soi. La situation de communication, dans ce qu'elle représente d'échecs et de frustration, devient l'objet d'un évitement. Au delà du deuil qu'elle doit vivre, la personne aphasique doit également renoncer aux plans d'avenir, tels qu'elle l'envisageait auparavant (ibid., p.74). Ces répercussions dépendent en partie de l'âge, du sexe, du niveau socio-culturel, de la situation familiale, du degré de récupération et de l'importance du langage dans la vie de la personne.

Les conséquences de l'aphasie ne se limitent pas à la personne aphasique mais touchent également son entourage, notamment le conjoint qui se voit attribuer de nouvelles responsabilités et avec lequel se noue désormais un lien de dépendance. Les amis s'éloignent de l'être qu'ils ne reconnaissent plus ; leurs réactions sont « inattendues, insolites, parfois égoïstes tant le choc est grand » (Labourel, Martin, 1991, p.156). Pour tous, l'aphasie est vécue comme « quelque chose d'injuste » qui provoque un sentiment « d'impuissance, d'incrédulité, de frustration et de colère ». (Létourneau, 1991, p.67) Les conséquences psychosociales de l’aphasie sont particulièrement prégnantes dans la sphère familiale. Les témoignages tendent à souligner le décalage que ce trouble fait naître entre la personne aphasique et ses proches. Une étude de Deloche, North, Dellatolas, Christensen, Cremel, Passadori, Dordain et Hannequin (1996) met en évidence le fait que les personnes aphasiques tendent à minorer le degré de leur handicap psychoaffectif et relationnel par rapport à la perception que peut en avoir leur entourage. L’aphasie est par ailleurs un trouble qui s’inscrit dans le temps. Santos, Farrajota, Castro-Caldas et De Sousa (1999) relèvent que les difficultés apparaissent davantage après un certain temps de retour à domicile, lorsque la famille ne dispose plus du support hospitalier.

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Le temps est une notion importante pour considérer l’aphasie. A un rythme initial soutenu où peuvent opérer des récupérations fonctionnelles importantes dans un cadre très médicalisé va succéder une phase plus lente, moins investie médicalement. La prise en compte des déficits se fait alors sous l’angle d’une rééducation de longue haleine. C’est alors que la conception de troubles durables pose la question du handicap.

3. L’aphasie en tant que handicap

Penser l’aphasie en termes de handicap permet d’intégrer la compréhension de ce vécu dans une perspective sociale, que ce soit du point de vue d’un groupe ou des relations au long cours avec le monde médical.

3.1. Emergence et évolutions de la notion de handicap

La notion de handicap est une notion récente qui a émergé progressivement, dès le début du XXème siècle. Elle est alors le résultat d’une conjugaison entre d’une part un contexte social marqué par l’Etat providence et d’autre part le développement de nouvelles pratiques rééducatives et réadaptatives (Winance, 2004, p.201). Le handicap est alors défini comme un écart à la norme sociale. La médecine a pour rôle de minimiser cet écart afin de réintégrer l’individu au sein de la norme. Ce modèle du handicap met alors l’individu dans une situation précaire où il doit prétendre être dans la norme sans véritablement en avoir les caractéristiques. Goffman évoque cette situation dans Stigmate : « une acceptation fantôme est à la base d’une normalité fantôme » (1975, p.145).

L’évolution de la notion de handicap peut également être considérée du point de vue de ses résonances en termes de politiques de santé. En France, ce sont les lois 75-534 et 75-535 du 30 juin 1975 qui constituent la base du dispositif législatif en faveur des personnes handicapées. Ces lois instituent un statut pour les personnes porteuses d’une déficience et organisent le système médico-social. Cette première avancée législative s’inscrit dans un modèle individuel où le handicap est défini par des données de santé.

En 1980, l’OMS adopte la classification de Woods en établissant la C.I.H. (Classification Internationale du Handicap). Cette nouvelle organisation intègre le handicap dans des dimensions sociales et environnementales, différenciant la déficience, d’ordre lésionnel, l’incapacité, conséquence de la déficience dans les interactions avec l’environnement et le désavantage, conséquence du déficit et de l’incapacité, qui met à mal la participation sociale.

La C.I.F.H. va marquer en 2001 une nouvelle évolution de ces notions en envisageant le handicap comme la conséquence de l'interaction entre la personne et ses capacités avec l'environnement et ses exigences. Cette redéfinition va placer l’interaction au centre de la définition du handicap et infléchir l’orientation des législations successives du début des années 2000. Ainsi, la loi du 11 février 2005

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intègre à la fois des éléments du modèle individuel par l’établissement de compensations mais aussi un engagement en faveur de données sociales, notamment en termes d’accessibilité.

A partir des années 80 s’est développée une nouvelle définition du handicap, intégrant la dimension des interactions entre l’individu et son milieu. « Cette conception ouvre la possibilité d’une deuxième forme de normalisation, non par une assimilation à une norme prédéfinie mais par travail et transformation de cette norme. » (Winance, 2004, p.212)

Ce travail sur la norme s’appuie en partie sur la connaissance du déficit en question par le grand public. Concernant l’aphasie, une étude de Le Bornec, Boulin et Hugon (2008) a mis en évidence que le terme d’ « aphasie » était encore méconnu dans une population tout-venant. Une définition simple et représentative de cette pathologie est difficile à formaliser, les termes relatifs au langage faisant par ailleurs appel à des représentations diverses. Cette méconnaissance de l’aphasie reste un obstacle majeur à l’adaptation de l’environnement vis-à-vis des personnes aphasiques.

3.2. Stigmatisés et groupe de pairs

La notion de handicap peut être rapprochée de celle de stigmate développée par Goffman. Celui-ci définit comme stigmatisé l'individu qui « possède un attribut qui le rend différent des autres membres de la catégorie de personnes qui lui est ouverte ». (1975, p.12.). Dans un monde mû par des exigences fortes de rapidité notamment en matière de communication, l’aphasie apparaît comme un caractère stigmatisant dépassant le concept de faiblesse décrit par Goffman.

Dans le cas présent, la révélation du stigmate intervient à l’âge adulte après l’intégration de normes, bouleversant un système qui s’était alors construit sans cette donnée. Cette adaptation au stigmate n’est pas dépendante de la sévérité de l’aphasie (Brochot et Lagarde, 2007). Il s’agit d’une construction personnelle dépendante de facteurs sociaux et environnementaux tels que le soutien familial, les activités culturelles fréquentes et variées ou la position sociale élevée et stimulante au niveau langagier.

Erwing Goffman offre une lecture particulière des situations où l’individu stigmatisé se retrouve au sein d’un groupe d’individus frappés du même stigmate. L’attribut stigmatisant devient une norme au sein de ce groupe, « parmi les siens, l’individu stigmatisé peut faire de son désavantage une base d’organisation pour sa vie » (Goffman, 1975, p.33). Le cadre d’une association de patients offre un contexte de ce type dans lequel l’individu stigmatisé bénéficie du soutien de ses « compagnons d’infortune » (ibid. p.32). Entre personnes aphasiques, une certaine compréhension règne quant aux difficultés de chacun pour s’exprimer.

Par ailleurs, une association d’aphasiques n’est pas exclusivement constituée de personnes aphasiques. On y retrouve des proches que Goffman désigne comme des « initiés » (Goffman, 1975, p.43), des individus qui « du fait de leur situation particulière, pénètrent et comprennent intimement la vie des stigmatisés et se voient ainsi accorder une certaine admission » (ibid., p.41).

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Goffman évoque également les individus ayant le statut de représentant d’une catégorie stigmatisée. Ceux-ci vont, du fait de compétences remarquables, être présentés par les leurs comme des exemples. Ces individus se voient alors le plus souvent investis d’une nouvelle carrière : « représenter sa catégorie » (Goffman, 1975, p.40). Cette « professionnalisation » amène alors l’individu stigmatisé « à sortir du cercle fermé de ses semblables » et à se détacher de ce qui constitue son stigmate, en particulier dans le cadre d’une difficulté de communication. Conjointement, c’est parce que c’est son stigmate que le représentant du groupe défend, qu’il va devoir l’évoquer voire le revendiquer. Ces deux mouvements paradoxaux placent l’individu stigmatisé dans une position ambiguë où le stigmate est à la fois à oublier et à rappeler.

Le groupe stigmatisé, en cherchant à se représenter auprès d’instances médicales et administratives, prend part au débat : on voit alors émerger les notions d'usager de la santé et de démocratie sanitaire.

II. L’usager acteur du système de soin, la voix des

associations de santé

A la fin du XXème siècle, l’usager n’est plus seulement un malade, objet de soins dépendant de professionnels de santé. Il est désormais acteur de sa santé et du système de soin auquel il participe et dont il bénéficie. C’est autour d’associations que vont se fédérer les usagers et à travers elles faire entendre leur voix.

1. Avènement de la démocratie sanitaire

Le rôle des associations de santé est à relier au contexte d’émergence de la démocratie sanitaire. L’usager incarne alors un nouveau contre-pouvoir qui vient remettre en question la légitimité des professionnels à être seuls décisionnaires.

1.1. Une réponse aux scandales sanitaires : émergence de la figure de

l’usager citoyen

Les années 1980-1990 voient se multiplier des scandales sanitaires (le sang contaminé, l'amiante, la vache folle...) largement médiatisés et où la parole des usagers est relayée. Ce contexte est favorable à une « politisation progressive de la question de la participation des usagers aux débats publics. » (Romeyer, 2011, p.159). Ghadi et Naiditch (2006, p.172) voient surtout la période 1998-2002 comme une période clé sur laquelle l'usager s'est vu conférer un rôle central dans les débats en matière de santé et qui a débouché sur l'avènement de la « démocratie sanitaire », expression consacrée par B. Kouchner à l'issue des Etats Généraux de la Santé en 1999. Elle « recouvre l'idée d'une participation des usagers au fonctionnement du système de santé ainsi que l'instauration de droits spécifiques » (Romeyer, p.160). Pour B. Tricot, éditeur de l'annuaire des associations de santé,

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« les Etats Généraux de la Santé ont servi de catalyseur en libérant la parole des malades. » (Fayn, 2005, p.157)

La place de l'usager est renforcée par un cadre juridique qui ne cesse de s'étoffer dans les années 2000 : loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de soins, loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, loi HPST (Hôpital, Santé, Territoire) du 21 juillet 2009.

Les associations peuvent bénéficier, comme l'indique l'article L.1114-4 de la loi du 4 mars 2002, d'un agrément :

« Les associations, régulièrement déclarées, ayant une activité dans le domaine de la qualité de la santé et de la prise en charge des malades peuvent faire l'objet d'un agrément par l'autorité administrative compétente soit au niveau régional, soit au niveau national. L'agrément est notamment subordonné à l'activité effective et publique de l'association en vue de la défense des droits de personnes malades et des usagers du système de santé ainsi qu'aux actions de formation et d'information qu'elle conduit, à sa représentativité et à son indépendance. »

Il existe un cadre légal pour faciliter la participation des usagers au fonctionnement du système de soins. Cependant, les associations de santé sont confrontées à la question de leur propre définition.

1.2. La figure de l’usager comme nouvelle partie prenante du système de

santé

La notion d'usager recouvre à la fois le terme de « malade » ou de « patient » mais s'applique plus largement à tout citoyen, bénéficiaire potentiel ou indirect du système de soins. Cresson et Schweyer (2000, p.10) soulignent le fait que les usagers ne sont pas de nouveaux acteurs ; ce qui est nouveau, en revanche, est « le souci des pouvoirs publics de promouvoir leur action » et « la revendication des malades à se faire entendre en tant qu'usagers ».

L'usager devient un interlocuteur actif et privilégié des pouvoirs publics et s'inscrit également au cœur d'une interaction avec les professionnels : l'usage du terme « usager s'inscrit dans une tentative de redéfinition des relations entre les malades et les professionnels de santé, entre les citoyens et les institutions. » (Cresson, Schweyer, 2000, p.9). Barral et Paterson (1994) ont étudié la trajectoire de l'AFM (Association Française contre les Myopathies) dans une perspective constructionniste pour mettre en lumière l'évolution de la dynamique d'échange entre l'association, le monde médico-scientifique et les pouvoirs publics. Ils montrent que cette trajectoire est un ensemble de négociations dont « l'aboutissement est alors un compromis de nature différente des propositions qui ont alimenté le débat ». (Barral et Paterson, 1994, p.83)

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C'est par la négociation que chacun construit la cause qu'il défend et son identité. La diffusion de l'information auprès de malades, pour les rendre acteurs de leur prise en charge, peut être source de conflit entre professionnels et associations dans la mesure où les professionnels ont tendance à vouloir « la contrôler de manière drastique » et la perçoivent comme « une menace pour leur autorité ». (Akrich, Méadel, Rabehariosa, 2009, p.6) Pour illustrer la difficulté à définir précisément le champ d'action de chacun, le concept de « mouvement-frontière » de Brown est très éclairant : « ce mouvement-frontière rend compte de la complexité des rapports sociaux en effaçant les cloisonnements entre formes profanes et professionnelles de connaissances, entre activistes, pouvoirs publics ou Etat. » (Carricaburu, Ménoret, 2005, p.175). La parole profane, structurée et organisée en associations, a fait naître, pour Carricaburu et Ménoret (ibid., p. 176), une « compétence profane » productrice de savoirs spécifiques qui peut être perçue comme concurrente ou complémentaire de la compétence professionnelle.

1.3. L’expertise bénévole, une nouvelle concurrence à l’exercice

professionnel

Si l'usager se voit conférer des droits et une représentation légale dans les instances décisionnelles en matière de santé, sa légitimité et son poids sur le terrain n'en sont pas moins discutés. « Plus les décisions sont prises par l'expert, et moins elles ne peuvent l'être par le profane. » (Freidson, 1984, p.328) Letourmy souligne que « la place des usagers est relativement modeste en matière de gouvernance du système de santé ». Les conditions de leur participation seraient inégalitaires, minimalistes, voire illusoires (Lascoumes dans Carricaburru et Ménoret, 2005, p.176). Lahoute (dans Cresson et Schweyer, 2000, p. 21) s'interroge également sur l'efficacité de l'intervention des usagers: « les conditions sont-elles réunies pour qu'ils puissent s'exprimer face aux professionnels de santé et à l'administration dans un jeu de pouvoirs quelque peu déséquilibré? ».

Outre l'écart perceptible entre le cadre légal et la réalité du terrain, on observe par ailleurs une discordance entre le poids des associations au niveau national et au niveau local (Ghadi et Naiditch, 2006, p.185). Pour ces deux auteurs, cette situation peut s'expliquer par le fait que les usagers, constitués en collectifs, doivent dans un premier temps transcender leurs expériences individuelles en une expérience collective (phénomène de montée en généralité qui aboutit au processus d'auto-légitimation) avant de « se faire reconnaître comme légitimes par les autres acteurs (alter légitimité) ». (ibid. P ;182)

Chacun doit clairement définir ses rôles et ses statuts pour accepter un partage des pouvoirs dans les décisions. Il s'agirait davantage de promouvoir une reconnaissance mutuelle entre tous les acteurs (professionnels et profanes) que de renforcer l'empowerment des usagers (Letourmy, 2009, p.8). La gestion de la complémentarité entre professionnels et profanes semble cependant épineuse à gérer : « Comment se positionner comme interlocuteur légitime sans être agressif? » s'interrogent Akrich, Méadel et Rabehariosa. (2009, p.88)

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Différentes stratégies et postures sont adoptées par les associations pour faire face à cette dualité. Cependant, le paysage associatif dans le domaine de la santé n’est pas uniforme.

2. Rôle et typologie des associations de santé

Pour comprendre et circonscrire notre objet d’étude, il convient de repérer les différences et les spécificités des associations dans leur création, leur discours et leur fonctionnement.

2.1. Emergence des associations d'usagers dans le domaine de la santé :

se réunir pour agir

Au début du XXème siècle, les ligues et les associations philanthropiques, constituées de bourgeois et d'aristocrates, cherchent à moraliser et contrôler les classes populaires. La maladie est alors considérée en termes de « fléau social ». (Carricaburu et Ménoret, 2005, p.167). Parmi les plus anciennes, on compte la première ligue de la tuberculose à Bordeaux (1892), la ligue contre l'alcoolisme (1905) ou la ligue contre le cancer (1918) qui va permettre aux chercheurs et aux scientifiques de s'insérer dans le monde associatif. Entre les années 1930 et 1950, les nouvelles associations, à l'initiative des professionnels de santé, se créent en réponse à l'augmentation des maladies chroniques. Ceux-ci y voient un prolongement de la prise en charge : Adam et Herzlich (1994, p.114) soulignent le fait qu' « une part importante de la prise en charge et du soutien des malades est réalisée en dehors du système de santé ». La famille proche et les « aidants naturels » sont le premier soutien du malade mais tous peuvent se tourner vers les associations pour y trouver des pairs et partager une expérience commune.

Progressivement le modèle associatif évolue et laisse une place plus importante à l'engagement des malades, au regard des modèles anglosaxons qui ont introduit très tôt « une réflexion thérapeutique qui reposait conjointement sur une distanciation du point de vue du médecin et sur une certaine affirmation identitaire ». (Carricaburu et Ménoret, 2005, p.168). Le malade serait le plus apte à parler de sa maladie et en serait le premier expert avant même le médecin. Une association est un instrument institutionnel construit autour d'un objet commun : il s'agit de désingulariser l'expérience personnelle pour en faire une cause collective, susceptible d'être défendue. Pour Barral et Paterson, « la majorité des associations d'usagers agit en acteur extérieur, parfois en groupe de pression, et généralement en auxiliaire du milieu médical ». (1994, p.81)

Il faut attendre les années 1970-1980 pour voir apparaître dans le paysage associatif des associations dans le domaine cognitif. Selon Hubert et Degiovani (1991, p.238), ce retard serait dû à la persistance de « l'idéologie dominante dans une société qui privilégie largement le trouble physique, bref, le visible, par rapport au domaine

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plus discret, plus fluctuant, plus complexe et donc moins connu que constituent les troubles cognitifs ».

On observe par ailleurs un changement de tonalité dans le discours de certaines associations, à l'instar d'Act Up dont le discours devient politique et militant, revendiquant clairement son statut d'association de malades et allant jusqu'à afficher à outrance son stigmate (Barbot dans Carricaburu et Ménoret, 2005, p.134). Cette évolution et l'augmentation du nombre d'associations soulèvent « des questions essentielles sur les formes actuelles de militantisme. » (Akrich, Méadel, Rabehariosa, 2009, p.34)

Ce militantisme, commun à divers degrés dans toutes les associations de santé, s’exprime par des moyens différents selon la politique d’action de chaque association.

2.2. Structures des associations de santé : deux visions qui s’opposent

Sous l'appellation d'associations de santé se regroupe un ensemble très large et hétéroclite d'associations, de celles publiquement connues comptant un nombre important d'adhérents au niveau national aux associations locales plus modestes. En France, 8000 associations de santé sont répertoriées par l'annuaire des Associations de Santé. Elles représentent environ 15% des associations reconnues d'autorité publique et se placent en 4ème position derrière les associations à caractère social (24%), l'éducation (16,5%), la culture et les sciences (15,2%) (Fayn, 2005, p.154). Le terme de « fédération » est souvent employé pour qualifier un regroupement au niveau national d'antennes locales.

Actuellement, deux modèles d'organisation coexistent : d'un côté des petites associations avec un noyau de bénévoles très impliqués et de l'autre des associations avec des moyens financiers importants et dont la direction est confiée à des professionnels moins impliqués. Les premières sont victimes d'un épuisement des bénévoles face à la charge de travail et sont limitées dans leurs actions par leurs compétences face à des questions complexes. Dans les secondes, les professionnels en charge du management sont pointés du doigt : leur manque d'implication et de motivation serait un frein à la dynamique de l'association. (Akrich, Méadel, Rabehariosa, 2009, p.9)

3. Le mouvement aphasique en France

3.1. Histoire de la F.N.A.F.

La première association d'aphasiques de France est R.E.L.A.I.S (Rencontre Expression Langage Activités Information Soutien), née à Lyon en 1976, sous l'impulsion d'une équipe médicale de l'Hôpital Neurologique. En 1983, toutes les associations d'aphasiques de France (parmi les plus importantes: Lyon, Paris,

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Strasbourg, Nord et Pas de Calais) se réunissent à Saumur pour élaborer un projet de création d'une fédération nationale. C'est en 1985 que la F.N.A.F. (Fédération Nationale des Aphasiques de France) voit le jour. Elle a pour objectif dès 1985 de faire connaître l'aphasie au plan national et de la faire reconnaître comme un handicap.

3.2. Objectifs statutaires

Aujourd'hui, présidée par le Docteur Jean-Dominique Journet, lui-même aphasique, la fédération se charge de nombreuses missions : aider à la réinsertion et à la réadaptation sociale pour sortir les aphasiques de l'isolement, développer l'amitié entre les personnes aphasiques et leurs familles, créer et aider à la création de nouveaux espaces de stimulation à la communication, défendre les droits moraux et matériels des personnes aphasiques et de leurs familles, faire connaître et reconnaître l'aphasie en tant que fait social par le grand public, promouvoir et soutenir les recherches sociales et médicales sur l'aphasie et les personnes aphasiques.

3.3. Organisation

La F.N.A.F. réunit à l’heure actuelle 35 associations locales, régies par la loi du 1er juillet 1901. Ces associations ont avant tout pour but de rompre l’isolement et de créer des lieux d’échanges entres les personnes aphasiques et leurs familles. Chaque année, un Congrès National est organisé par une des associations membres. Cet événement, réunissant des membres d’associations venus de toute la France est aussi l’occasion d’échanges, sous forme de Tables Rondes, auxquelles des professionnels de santé participent. La F.N.A.F. tient également un forum de discussion sur son site internet qui est un lieu d’échanges privilégié entre les personnes aphasiques, les professionnels de santé et les familles. Ce forum est également un moyen utilisé par de nombreux étudiants, principalement paramédicaux, pour solliciter une contribution à un mémoire ou une thèse.

Au sein de la fédération, on peut distinguer trois types de membres : les Membres actifs aphasiques, les Membres associés, accompagnateurs, et les Membres Bienfaiteurs. La fédération est dotée d’un conseil d’administration (CA) où siègent des représentants de chaque association adhérente. La permanence de l’activité et de la gestion du CA est assurée par un Conseil Exécutif Fédéral. Les membres assurant une fonction sont à ce jour bénévoles. Un réseau d’accompagnants, formé de soignants, joue un rôle de contact avec les familles, de conseil et d’animation.

Un Conseil National Scientifique et Social, composé de spécialistes de différentes disciplines, tient également un rôle consultatif auprès du Président de la fédération.

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3.4. Représentation à l’échelle mondiale

La F.N.A.F. est par ailleurs membre co-fondateur de l’AIA (Association Internationale pour l’Aphasie) où elle représente l’ensemble du mouvement aphasique français.

Cette instance mondiale regroupe à l’heure actuelle des représentants issus de 15 pays (Autriche, Allemagne, Belgique, Espagne, Finlande, France, Grèce, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Suède, Suisse, Etats-Unis). Elle compte également deux membres correspondants : l’Argentine et le Japon.

L’AIA a pour vocation de fédérer des initiatives nationales. On peut citer les projets APANA 1 (Action pour la Promotion d’Associations Nationales d’Aphasiques) et APANA2 (Séminaire de formation de dirigeants de groupes) soutenus par la Commission Européenne (Journet, J.D., Picano, C., Retourne, M., Chevallier, R., 2009, p.313).

3.5. Une fédération qui a su s'insérer dans l'arène politique

La F.N.A.F. participe à l'organisation de la Semaine de l'Aphasie, au plan d'action national « AVC-2010-2014 » et au « Plan Aphasie » (formation, soutien et accompagnement des aidants naturels) initié en 2009 par Mme Nadine Morano alors Secrétaire d'Etat chargée de la Famille et de la Solidarité, en partenariat avec la Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie, le Collège Français d'Orthophonie et la Société Française de Psychologie. Son slogan résume son action : « communiquer et agir ensemble ». (F.N.A.F. dossier de presse de la semaine de l'aphasie 2007). L'arrêté du 26 octobre 2007 porte agrément national à la F.N.A.F. Une demande de reconnaissance d’utilité publique de la F.N.A.F. est en cours.

3.6. Composition d’une association d’aphasiques

Hubert et Degiovani (1991, p242) décrivent l'organisation classique d'une association d'aphasiques et distinguent quatre ensembles de personnes.

Le premier est constitué de personnes aphasiques dont on peut extraire trois groupes. Le premier groupe est constitué d'aphasiques investissant l'association comme un lieu de travail. L'individu vit sa maladie comme un métier : le combat « devient l'élément central de sa vie, l'équivalent d'une activité professionnelle, et la base d'une intégration sociale spécifique mais persistante ». (Adam, Herzlich, 1994, p.65) Pour les personnes du second groupe, le trouble a régressé et leur insertion sociale est effective hors de l'association. Le dernier groupe rassemble des personnes lourdement handicapées qui voient dans l'association un nouveau lieu de vie.

Les professionnels de santé sont habituellement à l'origine de la création de l'association et y jouent par la suite un rôle mineur. Leur investissement est plus ou moins important : simple adhérent, animateur d'activités, en charge de la gestion...

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Parmi les proches, certains s'impliquent activement : ils participent à la gestion de l'association, l'organisation des activités et trouvent auprès du groupe un réconfort. D'autres, au contraire, restent davantage en retrait et ne participent qu'occasionnellement aux activités sociales et culturelles.

Les autres bénévoles (intervenants extérieurs non rémunérés...) constituent le dernier groupe et jouent un rôle équivalent à celui des professionnels.

Hubert et Degiovani voient aussi dans les aphasiques absents des associations un groupe invisible, celui des personnes qui en restent éloignées pour des raisons variées : volonté d'autonomie, lourdeur du handicap, crainte du jugement ou désir d'oublier.

L'hétérogénéité dans la composition d'une association qui regroupe des personnes valides et d'autres en proie à des troubles de la communication soulève la question complexe de la coexistence de ces acteurs. La gestion des relations humaines au sein d'une association d'aphasiques peut être un défi à relever, d'autant plus important si la gestion de l'association se fait en cogestion (tâches partagées) et que le Président est lui-même aphasique.

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Chapitre II

PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES

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I. Problématique

L’avènement de la démocratie sanitaire a vu se multiplier des associations de santé comme entités de représentation des usagers dans le système de soin. Ces associations sont venues bouleverser un paysage politique et médical jusqu’alors exclusivement géré par des professionnels.

Il n’existe pas un modèle unique d’association de santé mais une pluralité de structures allant de grandes associations nationales, militantes et gérées professionnellement, à des organisations locales plus modestes et bénévoles dont la visibilité et l’action sont moindres.

Cette évolution intervient à un moment où le concept de handicap devient un sujet sociétal. Les problématiques soulevées par l’aphasie s’inscrivent dans cette interrogation du rapport à la norme.

Notre questionnement s’articule autour de ces éléments : à un niveau local, dans quelle mesure R.E.L.A.I.S. s’apparente-t-il à une association de santé ? Comment se positionne cette association dans la dynamique de redéfinition du système de soins ?

En réponse à cette problématique, nous avons dégagé trois hypothèses.

II. Première hypothèse

R.E.L.A.I.S., né d’une initiative du monde médical a gagné en indépendance tout en voyant ses relations avec cette sphère se complexifier et se cristalliser autour de la question de la légitimité.

III. Deuxième hypothèse

R.E.L.A.I.S. s’insère dans un tissu associatif polymorphe où son statut de petite association détermine les conditions d’un fonctionnement dépendant de ressources personnelles et reposant sur une gestion bénévole.

IV. Troisième hypothèse

La scène politique locale permet à R.E.L.A.I.S. de se positionner en tant qu’association de santé et de faire valoir son expertise en matière de handicap.

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Chapitre III

PARTIE EXPERIMENTALE

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I. Adopter une démarche de recherche en sciences sociales

1. Elaboration et circonscription du sujet d’étude

La démarche de recherche doit être structurée autour d'étapes distinctes qui se succèdent ou viennent se compléter. Nous nous sommes inspirées du modèle proposé par Quivy et Campenhoudt (1995, p.16) pour construire notre projet et mener notre recherche. La question de départ a été confrontée à une exploration par le biais de lectures théoriques et de documentation recueillie sur le terrain.

Nous avons veillé à ce que la question de départ réponde à trois critères :

- la faisabilité : le travail autour du questionnement doit être réaliste et réalisable en termes d'exigences matérielles (possibilité de nous rendre au siège de l'association, matériel d'enregistrement disponible, possibilité de rencontrer les personnes à leur domicile) et temporelles (temps de recherche suffisant tout en suivant les cours dispensés, respect des exigences du calendrier institutionnel).

- la pertinence : elle concerne le registre (descriptif, explicatif, normatif, prédictif...) de la question de départ. Une bonne question de départ est une question ouverte qui appelle une variété de réponses et à laquelle on ne peut répondre avec certitude a priori. (Quivy et Campenhoudt, 1995, p.33)

- la clarté : le chercheur formule une question concise et précise autour de notions clairement définies. Ainsi, dans le cas de notre travail, il nous a semblé important de définir la notion d'usager du domaine de la santé dans la mesure où ce terme d'usager était trop vague.

Notre question de départ repose sur une dynamique de questionnement à partir d'un domaine encore peu étudié : notre problématique, « sorte de tension entre des pré-savoirs insuffisants et des phénomènes », traduit « une incompréhension et une orientation de la volonté de mieux comprendre. » (Paillé et Mucchielli, 2003, p.16)

2. L’approche qualitative

Notre question de départ s'inscrit dans une approche qualitative, intégrant plusieurs théories parmi lesquelles, l'interactionnisme, l'analyse stratégique des organisations ou l'analyse des mouvements sociaux. Pour Quivy et Campehoundt (1995, p.93), le chercheur structure son champ de connaissances autour de l'articulation de trois dimensions principales des phénomènes sociaux :

- la dimension structurée du social où les faits sont abordés en termes de causalité, de réseau ou de système. Nous solliciterons ainsi l’influence des sphères médicale, associative et politique en lien avec l’association d’aphasiques de Lyon

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- la dimension processuelle et actancielle des phénomènes sociaux qui présuppose un mouvement perpétuel généré par les interactions sociales et qui se traduira dans notre travail par l’étude des réseaux de l’association.

- la dimension de sens des phénomènes sociaux qui recouvre l'interprétation variable des faits par chacun des acteurs dans une même situation.

3. Technique monographique

La technique monographique, née au XIXè siècle de l'étude de familles ouvrières sous la révolution industrielle, était initialement destinée à l'étude de groupes numériquement restreints. Elle s'est ensuite étendue à la description de groupes plus importants comme des groupes professionnels et des organisations (partis, syndicats...) (Loubet Del Bayle, 2000, p. 144). En tant que système organisé, l’association peut être étudiée sous l’angle monographique, au même titre qu’un parti ou qu’un syndicat. Cette technique consiste en une description précise et approfondie d'un objet social réduit. Elle doit respecter deux critères :

- l'objet est limité et concret : dans notre étude, R.E.L.A.I.S., une association de loi 1901 ayant des membres repérés et des locaux définis.

- l'objet est décrit dans sa singularité et ses particularités. R.E.L.A.I.S. a été la première association d’aphasiques créée en France.

II. Méthodes

L’étape exploratoire de notre sujet a été conditionnée par un esprit d’ouverture et d’exploitation de supports divers.

L’entrée dans notre sujet s’est d’abord faite par le biais de visites aux permanences de l’association le jeudi après-midi pour prendre des contacts et collecter des documents divers (cahiers de présence, archives de la publication de l’association, plaquettes, correspondances, …).

1. L’observation directe

Nous avons été en position d’observation directe lors de nos premières prises de contact avec l’association. Ces situations ont été l’occasion de prises de notes succinctes concernant le cadre des permanences, l’ambiance de ces réunions et la gestion de nos demandes par les membres du Bureau de l’association.

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L’observation directe s’est limitée à ces visites préliminaires qui nous ont permis de mieux circonscrire notre objet d’étude et de nous imprégner de l’esprit de l’association avant d’entreprendre l’exploration des documents mis à notre disposition.

« Entretiens, observations et consultations de documents divers vont souvent de pair au cours du travail exploratoire. Dans les trois cas, les principes méthodologiques sont fondamentalement les mêmes : laisser courir son regard sans s'obstiner sur une piste unique, écouter tout autour de soi sans se contenter d'un seul message, se pénétrer des ambiances, et chercher finalement à discerner les dimensions essentielles du problème étudié, ses facettes les plus révélatrices et, par la suite, les modes d'approche les plus éclairants. » (Quivy et Campenhoudt, 1995, p.69)

Ainsi, la fréquentation du terrain nous a donné une base de réflexion dans l’architecture de notre méthode de recherche.

Une fois notre travail avancé, un retour sur le terrain à l’occasion d’une représentation de théâtre donnée par l’association nous a permis de conforter nos observations, d’une part au sujet de la dynamique de ce groupe et d’autre part du point de vue des relations que R.E.L.A.I.S. entretient avec l’extérieur.

2. La documentation directe

La documentation directe recouvre « tout ce qui constitue la trace directe d'un phénomène social » (Loubet Del Bayle, 2000, p.114). L'association a mis à notre disposition l'ensemble des numéros du Témoin, la publication annuelle de R.E.L.A.I.S., envoyée aux adhérents. La lecture de cette publication a été à la fois à visée exploratoire et à visée complémentaire. Dans un premier temps, nous avons relevé systématiquement des éléments utiles à l'élaboration de notre grille d'entretien à partir d'axes thématiques et des occurrences relevées. Le Témoin est à la fois une publication visant à informer les membres de la vie de l’association et de ses adhérents et un espace de débat et de discussion autour des questions de santé. La lecture préalable de cette publication nous a permis d’avoir une vue d’ensemble de la vie de R.E.L.A.I.S. avant d’aborder nos entretiens. Dans un second temps, nous avons procédé à une relecture de ces publications après la retranscription des entretiens pour mettre en perspective les informations recueillies dans le journal, voix de l'association, avec le discours personnel de chacun des acteurs rencontrés.

Le Témoin s’articule autour d’une trame commune à tous les numéros et dont la teneur s’est étoffée au fil des ans. D’une publication comptant deux pages à sa création, elle comprend maintenant une vingtaine de pages et donne lieu à une numérisation sur le site internet de l’association. Les archives du Témoin se composent de 40 numéros, publiés entre 1978 et 2012. Certaines années où se sont déroulés des événements particuliers ont donné lieu à des numéros supplémentaires.

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Parmi les personnes que nous avons rencontrées, certaines nous ont fourni leurs archives privées : personnelles (notes, lettres...) ou non personnelles (coupures de presse, brochure...). Leur exploitation est difficile dans la mesure où elles ne sont pas classées. Certaines de ces sources ont cependant permis des recoupements d’informations avec d’autres documents. Cette analyse a permis de retracer l’évolution démographique de l’association depuis sa création. Par ailleurs, les archives lacunaires des conseils d'administration et des assemblées générales de l'association ne nous ont pas permis de retracer une évolution fiable du financement, de la création jusqu'à aujourd'hui.

Nature Période couverte Le Témoin, publication annuelle de l'association

de 1978 à 2012 (à l'exception du n°14, année 1988)

Cahier de bord de 1976 à 2003 Compte-rendu d'Assemblée Générale 1980, 1989, 1990, 1992, 1996 Compte-rendu d'activités 1984, 1988-89, 1993-94, 1994-95, 1997-98

Bilans financiers 1988-89, 1989-90, 1995-96, 1996-97, 1997-98, 1998-99, 2002

Statuts de R.E.L.A.I.S. déposés le 21/12/76 Discours d'anniversaire de l'association 1996 (20 ans), 2006 (30ans)

Correspondances avec d'autres organisations 1986 (Association Vaudoise des Aphasiques, Lausanne)

1996 (Académie des Sciences, Belles Lettres et Arts de Lyon)

Extraits de pièces de théâtre (fête annuelle du R.E.L.A.I.S.) Témoignages de membres aphasiques Coupures de journaux

Tableau 1 : Inventaire des documents recueillis à R.E.L.A.I.S.

3. L'entretien semi-directif

3.1. Principes

A l'origine, le terme « entretien » appartient au langage diplomatique : il suppose un rapport égalitaire entre deux partis, l'enquêteur et l'enquêté. Pour Blanchet et Gotman (2007, p.15), l'entretien consiste en une production de discours in situ, c'est à dire dans une situation sociale de rencontre et d'échanges qui va au delà d'un simple relevé d'informations. Il requiert une démarche participative des deux partis qui donne naissance à un processus interlocutoire. L'entretien a pour objectif d'explorer par la parole des faits recouvrant des systèmes de représentation et des pratiques sociales formulées à partir d'un vécu personnel.

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3.2. Le contrat de communication

Il est indispensable afin que toute ambiguïté soit levée avant l'entretien. Il est constitué par « des paramètres qui représentent les savoirs partagés minimaux des interlocuteurs sur les enjeux et les objectifs du dialogue ». (Blanchet in Blanchet, Gjiglione, Massonnat

& Trognon, 1998, p.95). L'enquêteur doit au minimum éclairer l'enquêté sur les motifs et l'objet de sa demande. Nous avons construit ce contrat en deux temps :

- lors de la prise de contact

- le jour de la rencontre, en préambule à l'entretien

3.3. Posture et techniques

Dans la mesure où l'entretien a pour objectif de faire produire du discours, nous avons veillé à respecter des principes favorisant une expression libre et ainsi éviter une parole biaisée :

- prendre du recul au préalable (Quivy et Campenhoudt, 1995, p.18). L'approche du sujet choisi peut être parasitée par des représentations et des croyances si l'enquêteur ne prend pas le temps de mettre à distance sa propre expérience. La rupture est une étape indispensable dans la démarche d'investigation.

- adopter une attitude gestuelle et verbale neutre durant l'entretien afin de ne pas donner l'impression à l'interlocuteur qu'on l'invite ou non à poursuivre dans une voie.

- limiter la prise de parole et privilégier des questions ouvertes.

- utiliser des stratégies d'intervention que proposent Blanchet et Gotman (2007, p.80), comme la consigne (souvent inaugurale) ou la relance. Nous avons privilégié les reformulations et les relances en miroir dans nos entretiens.

- s'adapter à l'interlocuteur et ne pas négliger les silences. Lors de notre entretien avec une personne aphasique, il nous a fallu adapter notre rythme de parole et d'écoute afin de respecter les temps de latence nécessaires à la formulation du discours. Par ailleurs, dans l'ensemble des entretiens, nous avons veillé à ne pas presser notre interlocuteur de questions, lui permettant ainsi de faire des liens, créer des enchaînements et structurer son discours selon son propre cheminement de pensée.

3.4. Le guide d'entretien

Il permet de structurer le déroulement de l'entretien en ciblant des thèmes sans diriger le discours. Dans le cadre d'un entretien semi-directif, le guide d'entretien est un outil formalisé suivant sur « une trame souple de questions, qui traduit les questionnements de

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la problématique et les hypothèses en questions concrètes, formulées simplement, à poser à l'interlocuteur. » (Alami, Desjeux et Garabuau-Moussaoui, 2009, p.84) Nous en avons construit quatre : pour les professionnels fondateurs, les membres du Bureau, les professionnels en lien avec l'association et l'homme politique (cf : annexe I). Nous nous sommes appuyées sur les guides pour formuler des relances pertinentes et ainsi balayer l'ensemble des thèmes que nous souhaitions voit aborder. Ces thèmes ont été choisi à partir de notre recherche bibliographique et de la lecture du Témoin. Nous avons modifié la teneur du guide au fur et à mesure des entretiens en fonction de nouvelles questions que ces derniers pouvaient soulever.

3.5. Environnement

Le cadre temporel et spatial définit en partie le déroulement de l'entretien dans la mesure où ce dernier est le reflet d'une situation sociale et matérielle.

3.5.1. Cadre temporel

Nous nous sommes adaptées aux disponibilités des personnes que nous avons rencontrées. La durée des entretiens est comprise entre 25 et 180 minutes. Parmi les professionnels encore en activité, deux nous ont reçues sur leur lieu de travail et avaient des contraintes horaires qui ont limité la durée des entretiens : entre deux prises en charge chez une orthophoniste et entre deux réunions pour le politique. Nous avons bénéficié d'un temps plus confortable pour mener le reste de nos entretiens dans la mesure où beaucoup nous avaient réservé une demi-journée libre de toute autre obligation.

3.5.2. Cadre spatial

Nous nous sommes rendues à plusieurs occasions à la MJC Monplaisir (Lyon 8ème) où se tient la permanence hebdomadaire de R.E.L.A.I.S. le jeudi après-midi de 14h30 à 17h30 pour un premier contact avec les membres et parfois pour récupérer ou déposer des documents. En revanche, nous avons fait le choix de ne pas mener les entretiens dans les locaux de la MJC pour deux raisons : en premier lieu, nous ne voulions pas déranger le déroulement des rencontres du jeudi que nous avons considérées comme un moment hebdomadaire important pour les membres. Par ailleurs, nous avons pensé que nous décentrer de ce lieu fortement empreint de l'identité associative permettrait l'expression d'une pensée plus personnelle et moins contextualisée. Nous avons laissé libre choix du lieu de l'entretien aux personnes, à la seule condition que ce lieu soit calme pour permettre l'enregistrement. Tous les membres actuels nous ont reçues à leur domicile. Parmi les deux professionnels fondateurs, l'une nous a reçues à son domicile et l'autre a souhaité nous rencontrer dans les locaux de la Faculté Catholique de Lyon après une conférence à laquelle elle avait assisté. S'agissant des entretiens que nous avons menés avec deux orthophonistes, l'un s'est déroulé au cabinet de l’interviewée, l'autre dans une salle de cours de l'ISTR dans la mesure où l'orthophoniste y intervient comme enseignante. Enfin, nous avons obtenu un rendez-vous au bureau de l'homme politique à la Mairie du 8ème. Nous avons constaté qu'effectivement, la tonalité de l'entretien est colorée par le cadre dans lequel il se déroule.

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III. La population

1. Choix de la population

Dans le cadre d'un travail fondé sur l'utilisation d'entretiens semi-directifs et dans la mesure où notre question concerne un nombre circonscrit d'acteurs, nous avons cherché à « diversifier au maximum les types de personnes interrogées » (Quivy et Campenhoudt, 1995, p.151) Il nous ainsi a semblé pertinent de cibler quatre types de sous-population pour répondre à notre questionnement:

- les membres fondateurs: l'association est née en 1976 à l'initiative d'une équipe pluridisciplinaire (orthophoniste, psychologue et audiophonologiste) autour du Docteur M., neurologue, à l'Hôpital Neurologique de Lyon. Nous avons pu retrouver deux de ces membres fondateurs pour retracer la genèse de l'association et déterminer le contexte à la fois médical et social dans lequel elle a vu le jour. Nous avons inclus dans les membres fondateurs l'épouse d'un patient aphasique qui s'est investie dès le début auprès de ces professionnels.

- les membres actuels du Bureau : nous avons rencontré trois personnes qui occupent actuellement une fonction au sein de l'association (présidence, secrétariat et trésorerie). Nous souhaitions pouvoir faire un état des lieux de l'association aujourd'hui dans son développement et ses projets.

- les professionnels actuellement en lien avec l'association : il nous a paru essentiel d'évaluer le type de relation qui se joue entre l'association et les professionnels, notamment au regard des deux orthophonistes avec lesquelles nous nous sommes entretenues.

- un homme politique en lien avec l'association : pouvoir analyser le discours d'un individu qui ne soit pas, contrairement aux autres personnes rencontrées, en prise directe avec l'aphasie et qui entretienne cependant avec l'association des liens nous a semblé pertinent. Nous voulions par ailleurs pouvoir recueillir un discours de la sphère politique pour compléter notre travail autour des membres et des professionnels.

2. Critères d'inclusion

- pour les membres fondateurs, avoir activement participé à la construction de l'association dès 1976.

- pour les membres actuels : occuper une fonction au sein du Bureau.

- pour les professionnels : être ou avoir été en lien avec l'association.

- pour le politique : avoir des contacts directs et réguliers avec R.E.L.A.I.S.

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3. Mode d'accès à la population

Nous avons à la fois utilisé un mode d'accès direct et un mode d'accès indirect.

Nous avons d'abord pris contact par courrier avec l'association pour préciser l'objet de notre démarche et formuler notre demande. Nous avons eu une réponse par courriel nous invitant à nous présenter à une permanence du jeudi après-midi. Nous avons pu nous présenter à cette occasion et faire la connaissance des membres de l'association. La Présidente et la secrétaire ont été nos interlocutrices privilégiées et se sont faites informatrices-relais pour transmettre notre demande à une membre de la première heure qui ne participe plus aux réunions. Elles l'ont consultée avant de nous transmettre ses coordonnées. Nous lui avons écrit et elle nous a contactées par téléphone pour prendre rendez-vous.

Concernant les membres fondateurs, il nous a été plus difficile d'entrer en contact avec eux dans la mesure où personne n'a pu nous fournir d'informations fiables quant à leur lieu de résidence. Nous avons simplement fait une recherche sur les pages blanches et leur avons téléphoné.

Nous avons envoyé un courriel à l'une des orthophonistes et un courrier à la seconde. Elles nous ont rappelées pour convenir d'un rendez-vous.

Concernant l'homme politique, nous lui avons envoyé un courrier auquel il a répondu favorablement par téléphone.

4. Présentation de la population

Nous avons rencontré neuf personnes dans le cadre de nos entretiens.

Type de sous-population Nom

Membres fondateurs Florence Françoise Fabienne

Membres actuels du Bureau Béatrice Brigitte Barbara

Professionnels de santé en lien avec l'association

Patricia Pénélope

Homme politique en lien avec l'association Paul

Tableau 2 : Présentation générale de la population

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IV. Analyse des entretiens

1. La retranscription

Tous les entretiens ont été enregistrés avec l'accord de l'interviewé. Nous les avons retranscrits littéralement en tenant compte des temps de latence, des silences et des hésitations, autant d'indices qui nous amènent à « considérer la communication résultant de l'entretien comme un processus (plus ou moins pénible) d'élaboration d'une pensée et non comme une simple donnée. » (Quivy et Campenhoudt, 1995, p.66). Le discours relève ainsi à la fois de l'information et du processus où « l'interlocuteur exprime sur lui-même une vérité plus profonde que celle qui est immédiatement perceptible. » (Quivy et Campenhoudt,1995, p.71) Si nous avons travaillé à partir des transcriptions écrites, nous nous sommes également souvent appuyées sur l'enregistrement dans la mesure où la transformation de l'oral en texte écrit provoque un effet réducteur. (Blanchet et Gotman, 2007, p.112)

2. Considérations éthiques

Un travail de recherche auprès de sujets nécessite de leur garantir un respect de la confidentialité et de l'anonymat. (Mace et Pétry, 2000, p.123) Nous avons procédé à un travail d'anonymisation mais nous avons conscience que le terrain très localisé (l'association) peut être un indice suffisant pour identifier les personnes. Aussi, nous avons veillé à ce que les variables d'identifications soient masquées. (Blanchet et Gotman, 2007, p.113)

3. Choix de l'analyse qualitative et principes généraux

L'analyse qualitative participe à la construction du sens à partir des entretiens. Il s'agit de déconstruire le discours pour mieux « rassembler et articuler les éléments, juger une situation, dégager une interprétation, révéler un structure, construire ou valider une théorisation. » (Paillé et Mucchielli, 2003, p.24) Nous avons fait en sorte que ce travail d'analyse soit le plus exhaustif possible et rende compte de la quasi-totalité du corpus. (Blanchet et Gotman, 2007, p.93). Des données quantitatives peuvent venir étoffer et compléter une analyse qualitative mais dans le cadre de notre travail, outre l'évolution du nombre d'adhérents, nous n'avons pas trouvé de données chiffrées assez pertinentes pour éclairer notre analyse.

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4. Analyse verticale ou par entretien

Nous avons dans un premier temps procédé à ce type d'analyse. Elle consiste en une lecture spécifique de chacun des entretiens, qui « repose sur l'hypothèse que chaque singularité est porteuse du processus, soit psychologique, soit sociologique que l'on veut analyser. » (Blanchet et Gotman, 2007, p.96) Nous avons ainsi rédigé des portraits synthétiques de tous les interviewés pour dégager leur logique interne et la direction qu'ils ont donnée à l'entretien. L'analyse de ces portraits nous a permis de mettre en lumière les arguments forts et les convictions personnelles de chacun sur les sujets abordés.

5. Analyse horizontale ou thématique

Elle consiste en un découpage par thème des entretiens qui sont soumis à un travail systématique de fragmentation. Ce type d'analyse permet de « passer d'une approche centrée sur la cohérence propre à chaque individu à une approche transversale centrée sur la cohérence thématique de l'ensemble des données recueillies. » (Alami, Desjeux et Garabuau-Moussaoui, 2009, p.106). Ce travail nous a permis de mettre en relief les similitudes ou les contradictions sur un même thème selon les acteurs.

6. Présentation des résultats

Nous avons choisi de présenter nos résultats sous forme d’axes thématiques. En effet, l’échantillon de population étudié, divisé en quatre sous-types ne se prête pas à la présentation d’idéaux types. Compte tenu de la taille de notre terrain d’investigation, notre corpus d’entretiens ne nous a pas permis d’atteindre une saturation des données.

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Chapitre IV

PRESENTATION ET DISCUSSION DES

RESULTATS

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I. Associations et professionnels de santé : des relations

interdépendantes où se jouent une quête de légitimité et

une reconnaissance identitaire

R.E.L.A.I.S. incarne un paradoxe : elle se présente comme une association d’usagers de la santé alors que sa fondation repose sur une initiative des professionnels. Malgré une volonté affichée de ces derniers de s’affranchir de leur investissement et de réaffirmer leur statut d’expert, l’association n’a pas gagné en autonomie et reste dépendante d’une légitimité qu’elle ne se voit pas accorder par le monde professionnel.

1. R.E.L.A.I.S, une association médico-centrée créée dans un cadre

thérapeutique : continuité des soins ou autonomie des usagers?

1.1. Une association née de l'initiative de professionnels dans un

contexte porteur

Les membres fondateurs que nous avons rencontrés nous ont permis de recontextualiser les conditions de la création de l'association et de comprendre la dynamique autour de laquelle s'est construit R.E.L.A.I.S. Elle fait partie de ces nombreuses associations créées à l'initiative des chefs de service hospitaliers. Françoise et Florence faisaient partie de l'équipe de professionnels réunis autour du Docteur M., chef du service de neuropsychologie à l'Hôpital Neurologique en 1976. Cette équipe solide, menée par le Docteur M. et constituée d'une psychologue, d'une audiophonologiste et d'une orthophoniste, est ainsi décrite par Françoise : « le pilier, c'était François M. mais on était les quatre investis dans l'aphasie ». Cet investissement et l'intérêt pour l'aphasie et les aphasiques sont très marqués dans les entretiens : « il n'y avait que ça qui m'intéressait, les faire évoluer », avoue Françoise, tandis que Florence souligne qu'elle s'est « tout de suite passionnée pour les aphasiques. »

Cette création a été rendue possible par un chef de service présenté par Florence comme « un génie », « quelqu'un de super intelligent, de plein d'imagination, de plein d'humanité ». Françoise insiste également sur le fait que toutes les conditions étaient réunies à cette période pour créer l'association : « la notion de rentabilité n'existait pas... on a eu la chance folle d'avoir le temps. » Cette période, qui a également connu le développement de technologies nouvelles mises au service de la neurologie, comme le scanner ou l'IRM, semblait foisonnante en termes d'échanges et de questionnements autour de l'aphasie. Pour Florence, « tout ça était nourri dans un bain d'activité assez intense et assez passionnante à la fois sur le plan de la recherche, sur le plan scientifique, des communications, des rédactions d'articles, et puis sur ce type de prise en charge, avec les patients donc avec les groupes et avec les associations, parce que les groupes...c'est thérapeutique, c'est organisé par les thérapeutes dans le cadre de la rééducation ». Ainsi

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Florence souligne le lien direct à établir entre la création de l'association et le cadre thérapeutique et scientifique représenté et organisé par les professionnels.

Si aujourd'hui est mise en avant la parole de l'usager, véhiculée et défendue par les associations, on peut s’interroger sur le véritable rôle joué par ces mêmes usagers dans la fondation de R.E.L.A.I.S.

1.2. Enjeux et objectifs autour de la création de l'association :

prolongement du cadre thérapeutique hors d'un cadre médicalisé

L'association n'est pas née d'une demande formulée par les patients et leur famille. C'est le travail des soignants auprès des personnes aphasiques et leur entourage qui a impulsé sa création. Florence, qui a travaillé sur l'éthologie et la communication non-verbale dans le cadre de sa thèse de psychologie, a instauré un travail de groupe au sein de l'Hôpital Neurologique : « je me suis dit, on va les mettre en groupe, ces gens. C'était un peu bizarre mais ça a été l'origine de ces groupes d'aphasiques. » Ce travail a porté ses fruits et a répondu à l'attente des patients aphasiques. Pour Florence, ce groupe avait pour vocation de permettre aux patients d'être « moins dépendants » et de réacquérir « une dimension sociale, avec l'idée que ça allait les mettre en confiance et leur servir de tremplin. Là ils pouvaient oser parler puisque tout le monde avait des problèmes. » Mais la participation au groupe était d'une durée limitée et les soignants ont perçu l'intérêt de créer un espace commun hors du cadre thérapeutique, dans la continuité du groupe, pour fédérer les patients et les familles. L'association serait ainsi un prolongement de la prise en charge entreprise par les professionnels dans le groupe, confié aux profanes dans un cadre non médicalisé. Pour Hubert et Degiovanni (1991, p.239), cette démarche n'est pas le fruit du hasard, elle entre dans le cadre d'une certaine conception de l'intervention thérapeutique auprès des personnes aphasiques.

Se pose alors la question des enjeux autour de la création de cette association d'usagers. Les objectifs relevés dans les entretiens sont contradictoires : Florence ancre la création dans « la dimension sociale de prolonger autrement la rééducation » grâce à un instrument qui « fasse suite au groupe mais qui sorte du contexte médical » avec l'idée de sortir de « la dépendance médicale ». Ainsi, pour Florence, la frontière entre l'association et le groupe est poreuse, voire invisible au début : « Y'a eu une période où c'était à cheval sur le groupe et puis après on a soutenu la continuation dans le cadre de...de l'association. » Pour Françoise, en revanche, l'idée de la création d'une association vient en réponse à la solitude éprouvée par l'entourage des personnes aphasiques : « ce besoin, je l'ai ressenti plus côté entourage que côté patients. Le patient, il est dans son aphasie... On s'occupe de lui. La famille, elle, elle est toute seule. » Pour elle, la création de l'association est l'aboutissement d'une réflexion sur la nécessité de proposer aux familles une solution concrète à leur isolement : « quand on se trouve devant ça, on pense "association" ».

Le paradoxe soulevé par les éléments recueillis autour de la création de l'association pose la question essentielle de l'identité de l'association et nous interroge sur sa capacité à se singulariser et se distancier d'un groupe thérapeutique et médicalisé dont elle tire ses fondements. Comment attendre de l'association un détachement des professionnels et du lien thérapeutique si la base même de l'association repose sur un modèle médical? Aurait-

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il été envisageable de confier l'entière responsabilité de la création aux usagers dès le début? Il semble qu'au moment de la création, seuls les professionnels étaient en mesure d'initier un tel projet.

1.3. La présence des professionnels : une nécessité affichée

Les entretiens dans leur ensemble montrent le rôle essentiel qu'ont joué les professionnels dans la fondation de l'association. Fabienne, dont le mari était aphasique, présente l'idée de la création comme émanant des professionnels seuls : « c'est eux qui ont mis en branle l'association. Ils nous ont fait un jour une réunion...ils nous ont proposé de créer une association. » Il semble qu'à cette période, les familles de personnes aphasiques étaient désemparées et sans ressources devant l'épreuve de la maladie, comme l'exprime Fabienne : « on ne savait pas qu'il pouvait exister des associations. Evidemment, dès qu'ils nous ont proposé, on a accepté, on était très content de ça. »

Françoise et Florence mettent en avant leur statut de professionnelles pour évoquer les démarches entreprises autour de la création. Elles se sont toutes deux appuyées sur leur réseau professionnel pour initier le projet. Selon Fabienne, l'association a été créée « à la manière de ce qui se faisait en Suisse » car Florence entretenait des liens avec « des gens de Lausanne qui avaient une association. » Quant à Françoise, elle a profité de son activité au Pavillon U où exerçait également le Docteur Cornut pour s'inspirer des statuts de l'association de laryngectomisés avec laquelle il travaillait : « on a copié l'association des laryngectomisés, qui était une association très active, très efficace... donc on a été les voir, on leur a piqué leurs statuts. »

La présence des professionnels à la création de l'association semble une condition nécessaire à sa visibilité et sa crédibilité. Aussi, comme le souligne Françoise, c'est le Docteur M. qui a présidé l'association « assez longtemps pour qu'il y ait une autorité médicale qui leur donne un peu d'importance, qui leur permette d'être en vue. » La légitimité de l'association ne peut être garantie que par la présence d'une autorité médicale indiscutée et indiscutable. Le désinvestissement des professionnels marque en effet une perte de légitimité de l’association.

2. Le désinvestissement des professionnels : une volonté de réaffirmer

un statut d'experts face à l'expertise profane

La trajectoire de R.E.L.A.I.S, de sa création en 1976 à aujourd'hui, montre un désinvestissement progressif et volontaire des professionnels dans la gestion et la vie de l'association. Cette mise en retrait nous interroge sur les objectifs qui la sous-tendent : derrière l’objectif affiché de permettre à l'association de gagner en autonomie se dessine une volonté de mieux marquer la frontière entre profanes et professionnels.

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2.1. L'argumentation en faveur de l'autonomie de l'association : une

rhétorique professionnelle

On relève dans de nombreux entretiens un discours visant à justifier le désengagement des professionnels par une volonté de donner à l'association une autonomie et permettre une gestion librement consentie par les usagers seuls. Les membres fondateurs reconnaissent leur investissement dans la création mais tiennent à préciser, à l'instar de Françoise, qu'ils n'ont été vraiment actifs qu'à ce moment là : « c'est un peu notre bébé mais on l'a laissé ». Elle précise par ailleurs que, dès le début, les fondateurs ont cherché à impliquer les familles et à leur laisser la possibilité de s'emparer de l'organisation de l'association : « on a un petit peu entraîné les patients... qui ont formé un noyau dur » avant de « se retirer ; c'est eux qui ont géré. » Elle voit dans la création de la F.N.A.F. un tournant qui a permis à l'association de gagner en autonomie. Fabienne reconnaît que les professionnels ont rapidement manifesté leur envie de laisser les familles « se débrouiller par elles-mêmes. » Cette évolution dans la gestion de l'association peut être comparée au modèle associatif anglo-saxon né de la réflexion thérapeutique qui reposait conjointement sur une distanciation du point de vue médical et une certaine affirmation identitaire. (Carricaburu et Menoret, 2005, p.168) Florence, professionnelle de santé au moment de la création de l’association, insiste également sur la volonté des fondateurs de passer le relais aux patients et à leurs familles : « nous, on était vraiment pour qu'ils soient indépendants et qu'ils fonctionnent tout seuls donc on l'a initié ». Elle ne veut cependant pas assumer un désinvestissement : « on peut pas dire que j'ai désinvesti mais j'ai désin...non, parce qu'on ne peut pas désinvestir l'aphasie. » Malgré un discours visant à affirmer une mise à distance, Florence adopte une posture ambivalente : sa participation à de nombreuses réunions jusqu'à ce jour montre d'ailleurs qu'elle n'a jamais complètement cessé de participer à la vie de l'association. En 2007, par exemple, elle participait au congrès de la F.N.A.F. et y animait une réunion.

Mais derrière l'argumentation en faveur d'une autonomie de l'association se cache une volonté de garder une distance professionnelle et ainsi réaffirmer la frontière entre le territoire du profane et celui de l'expert.

2.2. Les relations entre profanes et experts: une relation

d'interdépendance déséquilibrée et régulée par les professionnels

Les entretiens menés avec les professionnels comme ceux menés avec les familles mettent en lumière la difficulté de l'association à s'affranchir de l'intervention des professionnels. La volonté initiale des fondateurs de se désengager de l'association repose sur la nécessité de briser la relation ascendante imposée par le cadre thérapeutique et l'autorité médicale : les propos de Florence à cet égard sont très forts puisque pour qualifier la dépendance des patients et des familles envers leur orthophoniste, elle va jusqu'à comparer l'orthophoniste au « Bon Dieu ». Ce terme de dépendance est utilisé à cinq reprises dans son discours pour qualifier la relation entre l'association et le monde médical à ses débuts. L'association a toujours continué à solliciter les professionnels pour des interventions: « quand ils avaient besoin de quelque chose, ils venaient nous chercher, on était disponibles », concède Françoise tandis que Florence ajoute qu'ils « intervenaient ponctuellement. »

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Derrière l'argumentaire avancé initialement en faveur de l'autonomie de l'association, Françoise reconnaît qu'il existe une raison plus « profonde » : elle ne souhaitait pas côtoyer au sein de l'association des patients qu'elle recevait en consultation. Elle fait une distinction claire entre l'engagement personnel et l'engagement professionnel auquel elle peut répondre : « quand il y avait un grand rassemblement, bon, tous les professionnels étaient là et tous les aphasiques étaient là. C'était pas pareil. Mais la petite réunion du jeudi, non. » Elle se définit par rapport à son groupe de pairs et ressent la nécessité de garder une distance professionnelle. Cette volonté d'affirmer la relation à l'association comme professionnelle et non personnelle, est également marquée dans le discours de Patricia : « j'ai toujours voulu garder une distance professionnelle par rapport à l'association, estimant que l'association n'avait pas besoin des professionnels pour exister. » Bien que sollicitée de nombreuses fois par l'association, elle concède qu'elle a « toujours volontairement cherché à se mettre à distance. » Fabienne illustre bien cette volonté des professionnels de se mettre à distance. Elle constate que peu d'orthophonistes interviennent au sein de l'association mais qu'ils sont plus nombreux à répondre aux invitations de la F.N.A.F. et participer aux réunions professionnelles organisées dans le cadre du Congrès. Florence se positionne en faveur d'une distinction claire entre le monde médical et le monde associatif en se prononçant contre l'instauration d'une forme de « co-rééducation » et pour la limitation de l'intervention des professionnels : « la co-rééducation, personnellement, on a dit non. Personnellement je ne suis pas trop pour la...pour une place, enfin, pour une place et une présence dans l'association. »

Les professionnels semblent prêts à s'investir mais seulement sur le plan théorique et médical, affirmant à nouveau leur domaine d'expertise et leur capacité en tant qu'experts à légitimer le discours de l'association. Françoise circonscrit les interventions des professionnels à un cadre scientifique en lien avec l'aphasie : « nous, on avait notre domaine médical » et « quand ils voulaient des ...un exposé médical, un exposé sur je ne sais quoi, un livre qui venait de sortir sur l'aphasie, ou un film, ou un machin, ils voulaient un avis de professionnel ou notre regard. Bon, on allait volontiers discuter avec eux mais c'était autour de quelque chose de précis. » La position de Pénélope est plus ambivalente. Elle reconnaît que l'association sollicite des orthophonistes pour « consolider un petit peu théoriquement le fonctionnement de l'association. » C'est d'ailleurs dans cette optique qu'elle est intervenue dans des réunions publiques aux côtés des représentants de l'association : « ils m'avaient sollicitée à titre professionnel pour présenter l'aphasie, les aphasiques et la difficulté de communication. »

Pénélope se distingue dans son discours par sa capacité à voir dans l'intervention des professionnels au sein de l'association une cohérence. Elle est d'ailleurs la seule qui ait mené des activités à la permanence des jeudi après-midis. Pour elle, le fait d'intervenir dans un cadre non médicalisé ne se heurte pas à une frontière entre professionnels et profanes. Au contraire, elle voit dans sa participation bénévole et amicale à l'association une attitude congruente avec sa pratique clinique : « je trouvais que ce n'était pas si bête que ça de proposer bénévolement de voilà, de participer à ce projet d'aider. Enfin, je veux dire, quand professionnellement vous passez votre temps à dire aux gens que la communication, c'est pas seulement parler avec des mots, c'est des engagements. » Elle déplore par ailleurs la réticence ou le refus de certaines orthophonistes à répondre aux sollicitations de l'association : R.E.L.A.I.S serait « gardé à distance par des orthophonistes ne voulant peut-être pas s'impliquer ou ayant peur de se faire happer. »

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Sa position est cependant minoritaire et le discours dominant va en faveur d'une volonté affirmée des professionnels de se positionner en tant qu'experts à distance de l'association. C'est dans cette perspective qu'on peut analyser le récent refus de l'Hôpital Henry Gabrielle d'accorder une permanence de l'association dans ses locaux.

2.3. La résistance du monde médical à accorder aux usagers une

légitimité

Notre travail s'ancre à un moment qui semble cristalliser les résistances du monde médical à accorder sur son terrain une place aux usagers. Nous avons précédemment vu que le discours des professionnels vise à souligner leur volonté de rester en marge de l'association. Il apparaît également que les structures médicales souhaitent tenir à distance R.E.L.A.I.S. Pour Pénélope, les centres de rééducation fonctionnelle « ne les accueillent pas forcément à bras ouverts ». Mais ce sont surtout les relations avec les hôpitaux qui sont évoquées lors des entretiens.

Les membres de l'association déplorent le manque de contact avec le Centre du Langage à l'Hôpital Neurologique depuis le départ du Docteur M.. Dans le numéro 31 du Témoin (2003) est exprimé le regret de constater que le Centre du Langage s'occupe beaucoup moins de l'aphasie. Si le fondateur de l'association s'est effectivement passionné pour l'aphasie, son successeur s'est davantage intéressé à la maladie d'Alzheimer. L'association a perdu un interlocuteur privilégié du monde médical et par retentissement, les liens avec d'autres membres de l'équipe médicale se sont également distendus, comme l'explique Béatrice : ce docteur « est venu une fois parce qu'on l'a invité plusieurs fois, donc il a fait l'effort de venir...mais bon, il n'y a absolument pas de lien. On n'a plus de liens avec les orthophonistes de son service. » Fabienne compare l'époque actuelle à celle de la création en soulignant qu' « à ce moment là, c'était pas les Alzheimer qui étaient en premier » et que « maintenant », le successeur du Docteur M. « ne s'intéresse pas tellement à l'association. » L'association exprime d'ailleurs sa volonté de reprendre le contact avec le Centre du Langage à l'Hôpital Neurologique pour éclaircir leur relation à l'aphasie. (Témoin N°31, 2003)

R.E.L.A.I.S a envoyé des courriers pour entrer en contact avec de nombreux hôpitaux de la région lyonnaise mais Brigitte constate qu' « ils n'ont rien rien répondu. » L'association a récemment entrepris des démarches pour obtenir une permanence au sein de l'Hôpital Henry Gabrielle qui accueille des personnes aphasiques. Si la proposition semblait légitime et justifiée pour l'association, elle a été accueillie fraîchement par l'hôpital. La proposition n'avait pas été rejetée en première intention et Brigitte se réjouissait car « c'était tout...tout bon par email, y'avait un docteur et le professeur qui étaient vraiment...c'était tout d'accord. » Les démarches n'ont finalement pas abouti. Selon nos interlocuteurs, plusieurs arguments sont avancés pour expliquer ce refus. Selon Pénélope, « étant donné que les gens sont dans une phase aigüe, ça n'a aucun sens pour les familles que de savoir que R.E.L.A.I.S existe. » Pour Brigitte et Béatrice, en revanche, l'hôpital justifie son discours en argumentant que s'il accorde une permanence à une association, il ne pourra refuser les demandes d'autres associations. Mais pour Béatrice, ce discours n'est pas recevable : « c'est très difficile parce que les grands patrons disent que s'ils en autorisent une... normalement les associations ont le droit, il y a des représentants des, je ne sais pas comment ça s'appelle, des usagers, des patients...enfin, on devrait avoir le

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droit d'entrer dans les hôpitaux. » La réaction de Béatrice va dans le sens du travail de Ghadi et Naiditch (2006) qui voient une différence entre le cadre légal encadrant la participation des usagers et la réalité de leur action sur le terrain. Pourtant l'association avait anticipé sa démarche en modifiant ses statuts : « des échanges d'informations avec le milieu médical, paramédical et hospitalier » remplace « des activités en dehors du milieu médical ». (Témoin N°34, 2006)

Dans les discours comme dans les faits, le monde médical semble vouloir tenir à distance une association qui entreprend des démarches pour reconquérir un territoire qui la délaisse et sur lequel elle veut affirmer sa légitimité. La tension entre profanes et professionnels s'exprime dans cette quête identitaire où la légitimité de l'association ne peut s'affirmer que si le monde médical la reconnaît. Face à la résistance du monde médical à accorder à l'association le statut légitime d'interlocuteur et d'acteur dans sa participation à la démocratie sanitaire, il semble que le monde médical se sente menacé dans son autorité ou dépossédé de son expertise.

3. Des usagers à la reconquête du monde médical : vers une

affirmation des droits et une valorisation du vécu du malade-expert

Le désengagement progressif des professionnels dans la vie de l'association et l'avènement de la démocratie sanitaire qui valorise les droits des usagers vont dans le sens d'une valorisation du statut des malades, qui du fait de leur expérience de la maladie, deviennent légitimes pour participer au système de soins aux côtés des professionnels. Dans le cas de l'aphasie, cette évolution est à mettre en lien avec les connaissances sur la maladie qui se sont affinées depuis 1976.

3.1. Regards sur les prises en charge : les usagers prennent la parole

De nombreux entretiens abordent le problème épineux de la prise en charge des patients aphasiques au moment de la naissance de l'association. Plusieurs membres soulignent l'incapacité des professionnels qu'ils ont rencontrés à cette époque à leur donner des informations fiables relatives à l'aphasie. Pour Fabienne, « les médecins de l'époque n'y connaissaient pas grand-chose », à l'instar d'un médecin généraliste qui affirma à son mari aphasique : « vous retrouverez tout, c'est bon! ». De leur côté, les professionnels fondateurs montrent également qu'à cette époque, comme l'exprime Florence, les aphasiques étaient « les bêtes curieuses de la neurologie » et qu'il n'était pas rare de récupérer des patients « à l'hôpital psychiatrique car c'étaient des troubles qui n'étaient pas connus. » Certains reconnaissaient leur incapacité à prendre en charge les patients et les orientaient vers l'équipe de l'Hôpital Neurologique.

C'est ce contexte qui semble avoir poussé les personnes aphasiques et leurs familles à faire de l'association un lieu d'échanges sur l'efficacité des prises en charge expérimentées par chacun. L'information autour de l'aphasie n'est plus détenue par le professionnel dont l'expertise est alors discutée. Les profanes s'emparent de connaissances que le milieu médical peine à leur apporter. Fabienne explique la nécessité de fédérer les expériences

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de chacun : « à l'association, on se donnait des trucs. On cherchait qui est-ce-qui pourrait améliorer l'aphasie (...) Quand on a commencé, tout le monde le disait, on était désemparé. »

Ce partage des connaissances est resté limité dans la mesure où les professionnels d'aujourd'hui tendent à réaffirmer leur domaine d'expertise et où les membres de l'association ne semblent pas vouloir se poser en détenteurs d'un savoir médical mais davantage en détenteurs d'un savoir expérientiel. Pénélope estime qu' « ils laissent vraiment aux professionnels l'aspect théorique » et qu'ils « se situent plus sur un degré pragmatique. » Dans leur ensemble, les membres reconnaissent que la formation des professionnels est à l'heure actuelle plus satisfaisante et reconnaissent leurs compétences. Fabienne trouve que « l'aphasie est mieux connue, surtout du monde médical » tandis que Béatrice pense que « les connaissances et le traitement sur l'aphasie a évolué. »

On retrouve dans le Témoin de nombreuses références à des types de prise en charge discutés au sein de l'association, notamment la méthode Padovan (Témoin N°28). Fabienne rapporte à ce sujet un épisode qui vient illustrer la volonté des professionnels de maîtriser l'information autour de la prise en charge. A l'occasion d'un congrès, l'association avait invité un intervenant pour présenter la méthode Padovan. Mais « le délégué des orthophonistes à la fédération » a refusé de participer si cette intervention était maintenue. L'intervention a été supprimée à la demande du Président de la F.N.A.F. Cet événement vient illustrer la difficulté du monde associatif à s'affirmer et s'affranchir de l'avis du monde médical. Ghadi et Naiditch (2006, p.180) expliquent en effet que la majorité des usagers éprouve un grand respect pour les professionnels et hésite à tenir des positions contraires au point de vue de ces derniers.

Parmi ces professionnels, les orthophonistes sont des interlocuteurs privilégiés et R.E.L.A.I.S. se trouve souvent dans un rôle d’intermédiaire entre usagers et professionnels.

3.2. Une association au carrefour entre les orthophonistes et les malades

L'orthophoniste semble la pierre angulaire de la rééducation et à ce titre, il occupe une place privilégiée dans le parcours du patient aphasique et de sa famille. Il intervient à la fois sur le plan clinique par ses techniques de rééducation et sur un plan psychosocial dans la mesure où il est le garant d'une communication restaurée entre la personne aphasique et son entourage. Si Florence compare l'orthophoniste à Dieu au moment de la création de l''association, il apparaît néanmoins dans les entretiens que le regard des patients sur les compétences ou la formation des orthophonistes est devenu plus critique. Le pôle de l'Hôpital Neurologique est dans les années 70 le lieu quasi unique où sont orientés et pris en charge les patients aphasiques. De nombreux membres évoquent l'incapacité des orthophonistes à se saisir alors de ce type de rééducation : Fabienne se souvient d'une orthophoniste qui l'a orientée vers l'équipe du Docteur M. tandis que Béatrice reconnaît que les orthophonistes sont aujourd'hui davantage formés à l'aphasie.

L'association est progressivement devenue un lieu d'interface entre le patient et l'orthophoniste. R.E.L.A.I.S est fréquemment sollicitée par des familles pour les orienter vers des orthophonistes jugés plus compétents dans le domaine de l'aphasie. Une liste non officielle regroupant des orthophonistes « spécialisés » en aphasie s'est constituée au fil

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des ans. Béatrice ne nous cache pas qu'un hôpital leur a même fourni « une liste d'orthophonistes qui travaillent avec des aphasiques, qui connaissent bien l'aphasie » et qu'elle la complète : « quand un nouvel adhérent vient, j'ajoute à la liste le nom de son orthophoniste en me disant "bon, ben, celle-là, elle connaît au moins un aphasique" et après je demande si ça va bien, si ça va pas. » L'association se place ici en pourvoyeur d'une patientèle qu'elle oriente vers des professionnels. Elle devient ainsi un régulateur entre le patient et l'orthophoniste et vient se placer sur le terrain de la liberté du patient à choisir son praticien. Il semble cependant que ce système ait été mis en place par les professionnels eux-mêmes, comme l'explique Florence : « on ne confiait pas un aphasique à n'importe quelle orthophoniste. Fallait qu'elle sache s'occuper d'un aphasique. C'était pas...je veux dire, c'était pas méchant. Il y avait celles qui savaient s'occuper d'aphasiques, celles qui n'en avaient jamais vus. Bon, et puis, il y avait celles qui venaient se renseigner, qui venaient se former, qui venaient...Donc, on en connaissait pas mal. On leur confiait des patients. Elles étaient au courant de l'association. L'association rameutait aussi du monde. » Alors que la formation d'orthophoniste est généraliste et qu'aucune spécialité n'existe officiellement, cette pratique perdure cependant parmi les orthophonistes. Béatrice nous parle d'une orthophoniste qu'elle consulte avant de proposer une orientation à un adhérent selon son secteur géographique.

Concernant les relations entre les orthophonistes et l'association, les propos relevés sont assez contradictoires : pour Béatrice et Barbara, les liens avec les orthophonistes sont presque inexistants alors que Patricia se réjouit de « l'ouverture et des bons contacts avec les orthophonistes. » Les membres de l'association reconnaissent cependant l'importance d'associer à ses actions les orthophonistes, comme le souligne Fabienne : « à chaque fois qu'on faisait quelque chose, on essayait de mettre les orthophonistes avec nous. Parce que c'est très important. » Le discours des professionnels vient renforcer l'idée que les orthophonistes sont les professionnels les plus aptes à se poser en experts de l'aphasie. Pour Pénélope, le milieu médical reste encore trop ignorant sur l'aphasie : « il y a quand même très peu de personnes qui savent vraiment ce que c'est. Même au sein des professionnels. Dès que vous sortez des neurologues, des gériatres, voilà. Médecins généralistes, bon, ben, oui, sans plus, quoi. » Patricia estime que c'est en partie grâce aux orthophonistes que le regard sur l'aphasie a évolué et que « c'est un corps professionnel qui porte beaucoup de choses, dès qu'il y a une émission sur l'aphasie, il y a des orthophonistes au premier rang. »

Si les orthophonistes apparaissent comme des acteurs légitimes pour parler de l'aphasie, il semble également que les usagers cherchent à se poser en interlocuteurs privilégiés sur le sujet.

3.3. Valoriser le vécu du malade-expert pour affirmer sa légitimité

Il apparaît dans le discours des membres une volonté émergente de promouvoir leur expérience et lui conférer une valeur d'expertise. Pour Béatrice, le malade serait plus à même de s'adresser à ses pairs que le professionnel. Elle déplore notamment le fait qu'une permanence dans les hôpitaux ne soit pas possible pour « rencontrer des familles d'aphasiques, pour leur dire ce que c'est que l'aphasie, comment on a vécu ça, comment on peut faire pour arriver à… » Pour elle le poids de l'expérience ne peut être remplacé par un discours médical jugé trop technique voire manquant d'empathie : « ils sont très gentils les orthophonistes mais pour les familles c'est pas toujours très réjouissant quand

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ils disent « bon ben, votre mari, il reparlera pas », en fermant la porte, en disant « voilà, c'est comme ça, faut vous y faire »; c'est difficile, quoi! »

Du côté des professionnels, Pénélope se démarque à nouveau en valorisant le vécu du malade ou de sa famille et en lui reconnaissant une légitimité à en faire part lors de réunions publiques d'informations ou auprès de familles d'aphasiques. Partageant son activité entre un cabinet libéral et une clinique où sont accueillis des patients aphasiques, elle a œuvré pour permettre aux membres de l'association d'intervenir lors de réunions avec des familles d'aphasiques au sein de la clinique. Cette intervention a un double objectif : permettre aux familles de bénéficier du témoignage direct de personnes aphasiques ou de leur conjoint et « signifier aux familles, qu'à un moment donné, si elles le souhaitaient, il existait sur Lyon un lieu spécifiquement dévolu à l'accompagnement. » Pénélope envisage sa relation avec les membres de l'association comme un véritable partage où chacun des acteurs a tout à gagner. Pour Brigitte, cette intervention est une occasion unique de pouvoir accéder au monde fermé des institutions médicales : « j'étais contente... même si c'est... c'est des personnes âgées, mais on rentre! On rentre! » Ce type d'intervention prend tout son sens si l'on considère qu' « il est plus facile de se présenter aux différentes associations ou groupes d'entraide si on a déjà franchi l'étape de connaître un autre aphasique. » (Cyr-Stattford, 1991, p.126)

Par ailleurs, la position de Pénélope sur la pertinence de faire participer les usagers entre dans une approche plus concrète des problèmes de santé, moins technique et plus large. (Gahdi et Naiditch, 2006, p.176). La résistance des milieux médicaux à ouvrir leurs portes aux usagers témoigne de la difficulté à considérer la figure de l'usager comme personne à la fois informée et en capacité de faire des choix raisonnés et d'ériger le savoir profane au statut d'une véritable expertise spécifique. (Ghadi et Naiditch, 2006, p.176). R.E.L.A.I.S semble à ce jour avoir encore beaucoup de chemin à parcourir pour qu'une telle légitimité lui soit conférée unanimement par les professionnels.

Cette analyse trouve ses limites dans le fait que nous ne nous sommes pas rendues sur le terrain de l’Hôpital Neurologique pour recueillir la position des professionnels de santé et confronter ainsi les points de vue. C’est suite à l’analyse des résultats que ce constat s’est dégagé. A posteriori, nous mesurons la nuance que pourraient apporter ces données. La recherche des professionnels de santé à l’origine de la création de R.E.L.A.I.S. n’a pas toujours abouti, notamment concernant son fondateur le Dr M. qui a joué un rôle majeur dans l’histoire de l’association. Par ailleurs, le petit nombre d’entretiens possibles avec des professionnels actuellement en lien avec l’association ne nous permet pas de dégager des récurrences. Ce sont essentiellement ces points qui nous ont paru constituer les principales limites de notre recherche.

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II. R.E.L.A.I.S. ou les problématiques d’une petite association

dans le champ de la santé

Le fonctionnement de l’association est représentatif de celui d’une petite structure reposant sur des ressources personnelles, non pérennes. La gestion de R.E.L.A.I.S. traduit les influences qui se jouent entre ses membres dans un cadre où les rôles de chacun peuvent se confondre.

1. Le volontariat comme base d’organisation

En tant que petite association, R.E.L.A.I.S. est la somme des volontés qui la composent. Il n’y a pas de notion d’expertise ou d’investissement professionnel d’un domaine. Chaque tâche est attribuée à celui qui sera le plus volontaire : « Ca prend du temps parce que je suis pas experte, je me suis formée sur le tas donc je bidouille beaucoup. » (Béatrice). L’activité de l’association est donc très liée aux compétences de ses membres.

1.1. L'implication des familles, échange de bons procédés

Au sein de l’association, les familles tiennent un rôle central. En contrepartie du soutien moral qui leur est apporté, les familles se sont historiquement investies pour le bon fonctionnement de l’association.

Initialement, la représentation forte des familles, et en particulier des conjoints, faisait débat dans les associations régionales d’aphasiques. Fabienne nous rapporte des faits contemporains de la création de la fédération : « il y a eu quelques fois des accrochages […] le groupe de Bordeaux, où ils n’étaient que des aphasiques, m’a interpellée […] en me disant « Mais qu’est ce que vous faites ici ? C’est votre mari qui devrait être là. » ». En effet, dans le cas d’associations constituées autour d’un handicap, la question se pose d’inclure ou non les personnes ayant un statut d’ « initiés ». La structure actuelle de la fédération inclut aujourd’hui, sans équivoques, les proches de personnes aphasiques, au mouvement associatif. A un niveau local, cet accueil des conjoints a été notamment encouragé à R.E.L.A.I.S. par la création d’une cotisation couple, moins coûteuse. (mesure adoptée à l’unanimité, à partir des cotisations de l’année 2006, Témoin n°33, 2005). Cette idée est d’ailleurs ouvertement évoquée comme un moyen de « "récupérer" quelques adhérents conjoints ».

Dans les entretiens, les fondateurs de R.E.L.A.I.S. soulèvent la question de l’accueil des familles, soulignant l’intérêt du rôle de soutien de l’association pour les proches. « Et puis euh, le bénéfice du groupe aussi, et de l’association, c’est la prise en charge des familles… enfin prise en charge… pas directe mais il y a un effet bénéfique de soutien, d’information. » (Florence). En évoquant les raisons de la création de l’association, le terme d’« association pour les familles » est revenu à plusieurs reprises. Au cours des entretiens, les conjoints de membres aphasiques mentionnent tous un effet bénéfique de la fréquentation de l’association. Pour autant, l’association est davantage évoquée comme un groupe d’amis que comme un lieu thérapeutique. « Je me suis liée d’amitié avec des

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femmes de conjoints […] Y’a quand même beaucoup de chaleur humaine. » (Barbara, membre du Bureau de l’association)

Cet attachement des conjoints de personnes aphasiques à l’association est particulièrement mis en relief dans la trajectoire de certains membres ayant continué à fréquenter l’association en l’absence ou après le décès de leur conjoint. « Oui moi j’ai continué, j’ai dit "de toutes façons, ce sont mes amis" » (Fabienne). Ce fut le cas de deux de nos interviewés qui évoquent également l’envie de prolonger les engagements pris au sein de l’association.

L’implication des conjoints a toujours été un élément fort du fonctionnement de l’association. La vie d’une association étant rythmée de communication, on peut imaginer combien l’aphasie peut gêner les tâches courantes d’administration. Jusqu’à une période récente, le Président nommé à la tête de l’association était davantage un Président honoraire qu’un membre tenant réellement son rôle administratif. « Moi, j’étais la secrétaire de deux Présidents précédemment qui ne parlaient pas donc j’étais obligée un petit peu de prendre les initiatives. » (Béatrice, membre du Bureau de l’association).

L’investissement des proches dans l’association peut être considéré comme un double mouvement alliant d’une part le soutien reçu par les familles et d’autre part la participation active de celles-ci à l’organisation associative.

1.2. L’administration de R.E.L.A.I.S., une Histoire de personnes

Dans une perspective historique, la composition du Bureau de R.E.L.A.I.S. reflète différentes phases dans la dynamique de l’association.

En évoquant la vie de l’association avec les interviewés, un couplage est très nettement ressorti entre des périodes ou des domaines de la vie de l’association et des noms de membres. La somme de ces évocations a tracé comme une cartographie interne de R.E.L.A.I.S. où chaque personne a marqué à sa manière la vie de l’association.

Il se dégage trois grandes phases de la vie de l’association. Les débuts de l’association nous ont été présentés comme une période positive, où l’association faisait particulièrement corps. « On a vraiment formé un groupe d’amis qui s’est peu à peu étoffé. » (Fabienne). Les membres de la première heure avaient fait connaissance à l’Hôpital Neurologique et certains se fréquentaient par ailleurs, donnant au groupe une cohésion amicale. Fabienne se souvient du successeur du Dr M. à la présidence de l’association : « Et nous ça a très bien démarré, je vous dis, parce qu’on avait quelqu'un de très dynamique, Mr Y., qui nous a beaucoup poussés. Il n’était pas très aphasique d’ailleurs lui. »

Progressivement, c’est une gestion différente qui va s’instaurer, avec une administration assurée dans l’ombre, par les membres non-aphasiques. Béatrice raconte : « Je leur disais ce que j’avais écrit quand j’écrivais une lettre, je leur lisais la lettre. Je leur faisais signer la lettre, mais c’est moi qui prenais l’initiative du courrier, le ton du courrier, c’est moi qui en décidais. » Ce manque d’incarnation de l’association n’a semble-t-il pas affaibli l’association. Cependant, cette dissociation entre décideurs officiel et officieux a contribué à un certain flou dans le rôle de chacun au sein de l’association.

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Cette phase de « présidence honoraire » passive va alors durer jusqu’à la présidence actuelle qui est décrite par tous comme un changement important dans l’association. « Le grand changement, c’est d’avoir une Présidente plus à même de jouer son rôle. […] Elle, elle fait beaucoup de relations publiques et c’est sûr qu’elle a de la personnalité. » (Béatrice). La Présidente tend à prendre des engagements plus conséquents. La dimension de représentation de l’association est pour elle primordiale. Elle décrit elle-même des prises de responsabilités comparables à une vie professionnelle. Représenter l’association et solliciter des aides est une tâche conséquente que nous avons pu observer au moment de la prise de rendez-vous pour notre entretien : il a été difficile à la Présidente de trouver un moment libre dans son emploi du temps.

L’étude monographique d’une association suggère d’en étudier l’évolution en termes de phases. Cette approche nous a permis d’extraire différents modes d’administration qui ont marqué l’évolution de R.E.L.A.I.S. La conceptualisation de l’organisation interne de ce groupe, attachée à des personnalités, conditionne le développement possible des réseaux externes de l’association.

2. R.E.L.A.I.S. : une entité en retrait dans le paysage associatif de santé

Pour étudier le rayonnement de R.E.L.A.I.S., nous nous sommes attachées à la nature des réseaux mis en jeu dans la vie de l’association et à leur pérennité. Une autre voie d’accès a été pour nous de considérer l’engrènement de R.E.L.A.I.S. dans les logiques associatives locales et nationales. L’association apparaît à cet égard relativement isolée. Ce constat, partagé par ses membres, constitue un élément identitaire de R.E.L.A.I.S.

2.1. Les réseaux personnels comme pourvoyeurs de partenariats pour

l’association

Dès sa fondation, R.E.L.A.I.S. s’est construit par le biais de la mobilisation de réseaux personnels, que ce soit pour trouver des locaux, réaliser le logo ou mobiliser des dons, indispensables au démarrage de l’association. « Il fallait trouver un local et mon mari était, je sais pas quoi, sous-administrateur à la MJC à l’époque. […] La MJC a fait payer un loyer. J’étais adhérente d’un truc de bonnes œuvres qui a accepté de payer pendant un certain temps. […] J’avais un cousin qui était dessinateur. On lui a fait dessiner un truc qui leur a servi, […] de personnes qui se soutiennent. » (Françoise) Le siège de l’association et le logo, trouvés à l’époque par les fondateurs professionnels de santé, sont restés inchangés à ce jour.

Au départ, c’est également le réseau de quelques professionnels de santé, repérés comme sensibles à la problématique de l’aphasie, qui ont pu relayer l’information de l’existence de cette association. Un membre de la première heure témoigne : « peu à peu, ma foi, ça s’est un petit peu étoffé. […] il y a des gens qui sont arrivés, envoyés par des orthophonistes, beaucoup. » (Fabienne). Dès le départ, R.E.L.AI.S. est donc bénéficiaire d’un réseau.

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Réciproquement, R.E.L.A.I.S. s’inscrit dans une logique de production de réseau entre personnes aphasiques et professionnels de santé. Le contexte dans lequel l’association a été créée met en évidence la nécessité de cette mise en lien. Fabienne raconte : « Il y avait très peu d’orthophonistes. D’où le bienfait de l’association qui a quand même mis en rapport […] mais quand on a commencé, tout le monde le disait, on était désemparés. ». Ce rôle de trait d’union entre personnes aphasiques et rééducateurs est toujours d’actualité car il n’existe pas, à ce jour, de spécialités officielles au sein de l’orthophonie. La demande d’adresses de ce type recouvre une part importante des contacts qui sont pris à l’association.

Le financement de l’association est un autre vecteur important d’exploitation des réseaux. Historiquement, une première source de financement émane de membres bienfaiteurs. Les sommes versées par ces membres nous ont été présentées comme une contribution qui complète les sommes perçues par le biais des cotisations permettant ainsi d’assurer le fonctionnement de fond de l’association. Cette source de financement a existé dès les débuts de l’association et réunit différents types de population : amis d’adhérents, contacts d’anciens membres, professionnels de santé…

Sur le versant privé, les aides sont le plus souvent matérielles : création du site internet de l’association, tirage de la publication annuelle… Ce soutien est en général acquis par le biais de réseaux privés. Ce mode d’organisation est soumis au risque de perdre ces contacts uniques, seuls garants des partenariats.

Dans la sphère publique, les entretiens avec les membres de l’association évoquent la nécessité d’avoir des contacts dans le système administratif pour pouvoir obtenir une subvention. « Mais c’est pas évident, la plupart du temps, c’est parce qu’on connaît quelqu'un ». (Barbara) Là encore, c’est un fonctionnement précaire qui est assuré, et dont la pérennité ne tient qu’à l’existence de quelques relais.

La somme de ces partenariats fait de R.E.L.A.I.S. une entité particulière dans le paysage associatif. Peu de sponsors peuvent être sollicités avec évidence dans la mesure où l’aphasie n’est pas l’objet de développements pharmaceutiques ou institutionnels spécifiques. Le fonctionnement de l’association par fédération de moyens modestes peut aussi être abordé du point de vue inter-associatif.

2.2. Du R.E.L.A.I.S. dans une géographie associative morcelée

Le positionnement de R.E.L.A.I.S. dans le monde associatif de santé est un autre élément éclairant quant au statut de cette association.

Un premier aspect des relations de R.E.L.A.I.S. avec d’autres associations consiste en ses liens avec la fédération nationale. L’association locale est apparue relativement indépendante vis-à-vis de la F.N.A.F. Un membre de l’association participe à la fédération, assurant un lien entre versants national et local. Pourtant, dans les entretiens, le niveau national est davantage évoqué comme une association amie, plus forte et plus active, que comme une instance chapeautant les associations locales. Les grandes actions nationales sont régulièrement relayées par R.E.L.A.I.S. et commentées dans le Témoin : remise de la légion d’honneur au Dr Journet, président de la F.N.A.F. dans le N°40 du Témoin, « Plan Aphasie » dans le numéro 39, … Le Témoin est aussi un espace de débat

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autour des questions de santé et permet aux membres de publier leur avis sur les avancées du cadre législatif (billet d’humeur sur la loi du 11 février 2005 dans le n°34, article sur l’accessibilité des transports en commun, n°26, 1998). Parallèlement, c’est à l’occasion du congrès de la F.N.A.F., organisé chaque année par une des associations locales, que R.E.L.A.I.S. a pu solliciter davantage de moyens, rencontrer d’autres associations locales et être en lien avec des professionnels concernés par l’aphasie (rencontres avec une orthophoniste et une psychologue lors du congrès de l’année 2001, n°30, conférence adressée aux professionnels au congrès de l’année 1989). L’organisation de plusieurs de ces événements à Lyon ressort comme un élément fort qui a rythmé l’histoire de l’association.

En questionnant les membres du Bureau de l’association sur de possibles liens avec d’autres associations, il est ressorti que R.E.L.A.I.S. était relativement isolé au sein du monde associatif. Historiquement, les échanges avec d’autres associations locales étaient au premier plan au moment de la fondation de l’association et de la constitution de la fédération nationale. R.E.L.A.I.S. entretient aujourd’hui des liens avec quelques unes de ces associations locales d’aphasiques, en particulier l’association de Bourg-en-Bresse, une association récente.

Les partenariats mis en place par R.E.L.A.I.S. sont avant tout centrés sur les activités proposées le jeudi aux adhérents. L’association sollicite alors ponctuellement des intervenants extérieurs, dans la limite de son budget. Récemment, le forum des associations a permis une mise en lien de R.E.L.A.I.S. avec une association de comédiens afin que ceux-ci interviennent dans le développement de l’activité théâtre. Cette prise de contact est le fruit d’une sollicitation de R.E.L.A.I.S. par une association ayant pour rôle de mettre en lien des groupes associatifs : Réseau. La nécessité d’un intermédiaire dans cette mise en lien est représentative de la conception des réseaux associatifs auxquels prend part R.E.L.A.I.S. : « On est dans notre coin ! » ; « c’est pas les autres qui viennent nous chercher » (Brigitte). Cette relative passivité dans la recherche de partenariats participe d’une posture de bénéficiaire où l’isolement de R.E.L.A.I.S. est avant tout perçu comme la preuve d’un désintérêt pour l’association.

Pour les membres de son Bureau, R.E.LA.I.S. n’a pas vocation à s’insérer dans le maillage associatif de santé. Des groupements comme le CISS (Collectif Interassociatif Sur la Santé) leur sont étrangers ; R.E.L.AI.S. a également choisi de ne pas participer aux regroupements locaux d’associations, au sein du huitième arrondissement de Lyon. D’autre part, les grandes associations de santé, organisées et professionnalisées sont vues par le R.E.L.A.I.S. comme une concurrence écrasante en matière de sollicitation de subventions et de visibilité, comme l’explique Barbara, membre du bureau de l’association :

« Entre guillemets, les paralysés de France, on les aime pas beaucoup en se disant c'est une énorme association. Les gens sont, ils sont subventionnés par l'Etat, ils ont énormément de subventions de différentes... de... comment dire différentes sociétés tout ça parce que c'est le gros truc donc euh on trouve qu'ils nous mangent un peu… qu'ils coupent un peu l'herbe sous les pieds et puis bah chaque association c'est un petit peu chacun pour soi ».

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Il reste cependant un lieu où les représentants de l’association côtoient d’autres associations de santé : la commission d’accessibilité de la mairie du huitième arrondissement. Cet aspect de l’engagement de l’association est un élément nouveau au regard de la participation historique à la politique de la ville.

Nos entretiens avec les membres de l’association, avaient notamment pour rôle d’objectiver les liens entre R.E.L.A.I.S. et le paysage associatif local et national ainsi que les partenariats divers que l’association avait pu mettre en place. Il est apparu que les ressources extérieures mobilisées par R.E.L.A.I.S. étaient limitées et différentes du réseau qu’une association de santé pourrait classiquement développer. R.E.L.A.I.S. ne se reconnaît pas dans des organisations associatives de santé de plus grande envergure et fait face à des difficultés liées à son manque de rayonnement local. L’isolement relatif de cette association vis-à-vis du monde médical comme du monde associatif met à mal le statut de l’association et se ressent sur sa démographie.

3. Les déterminants de la vie de l’association, un point de vue interne

En évoquant la vie de l’association, les membres du Bureau opposent la situation actuelle au fonctionnement initial en pointant des changements tant du point de vue démographique que dans les activités proposées par R.E.L.A.I.S.

3.1. La démographie comme condition de survie

Le thème de la recherche de nouveaux adhérents a été particulièrement redondant lors des entretiens. Interrogés sur leurs projets futurs, plusieurs membres du Bureau évoqueront le besoin d’intégrer de nouveaux adhérents : « Ce qu’on aimerait c’est qu’il y ait le plus de monde possible, le plus d’aphasiques possible qui nous rejoignent » (Béatrice). La période que traverse actuellement le R.E.L.A.I.S. est source d’inquiétude pour ses membres. On évoque une période morose, très différente des débuts de l’association.

L’étude de la démographie de R.E.L.A.I.S., à partir des données d’Assemblées Générales publiées dans le Témoin, met effectivement en évidence une nette diminution du nombre d’adhérents depuis les années 2000. Pourtant, le nombre actuel d’adhérents est comparable au nombre de personnes que l’association accueillait lors de sa première décennie d’existence. Nous avons tenté de comprendre ce qui, au-delà de l’aspect quantitatif, avait conditionné un tel écart dans le ressenti de la vie de l’association.

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Graphique 1 : Evolution du nombre d’adhérents de R.E.L.A.I.S. depuis sa création

Le problème du renouvellement des adhérents est particulièrement prégnant à l’heure actuelle et transparaît dans le discours des membres du bureau de l’association qui expriment fatigue et inquiétude. « On vit, on survit » (Béatrice). Plus qu’un manque d’adhérents, c’est le manque de personnes prêtes à s’investir pour l’association qui se fait sentir. Tous les membres du Bureau expliquent l’impossibilité d’abandonner leurs responsabilités au sein de l’association, faute de candidat à leur succession. A cet égard, le fonctionnement de R.E.L.A.I.S. se rapproche d’un modèle de petite association, que décrivent Akrich, Méandel et Rabehariosa (2009, p.9), constituée autour d’un noyau de bénévoles très impliqués. Paul, homme politique en lien avec l’association, l’évoquera en ces termes : « Ecoutez, je fais aussi des liens avec des associations de type un peu familial. […] On sent des gens très soudés ».

Les membres de l’association pointent plusieurs causes à cette difficulté démographique. L’absence de locaux propres est plusieurs fois évoqué : « Comme on est à la MJC,[…] c’est marqué "MJC" et pas autre chose ! Si vous aviez un local à votre nom marqué association d’aphasiques…alors là ils connaissent tous la MJC mais... ». Ce manque de moyens revient comme un élément représentatif des limites matérielles de l’association, entravant son rayonnement local.

A cette cause s’ajoute pour les membres de R.E.L.A.I.S. le manque d’accès aux structures de soins pour présenter l’association et se mettre en lien avec des familles de personnes aphasiques. Cet élément est perçu par les soignants comme un argument à moduler, soulignant que parmi leurs patients aphasiques, tous ne sont pas candidats à la fréquentation d’une association : « Ca ne se passe vraiment pas du tout comme ça. Ni de façon linéaire, ni de façon analogue pour tous les patients. » (Pénélope) L’appartenance à une association n’est pas un élément systématique dans le parcours des personnes touchées par l’aphasie. Pénélope souligne le fait que les activités proposées par R.E.L.A.I.S. s’adressent davantage à un public âgé et ne répond pas aux attentes de candidats plus jeunes.

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Nombre d'adhérents

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3.2. Les activités proposées par R.E.L.A.I.S. comme base structurante de

l’association

D’une manière générale, il persiste dans l’association une narration du passé que l’on peut rapprocher d’un mythe fondateur. On nous décrit aisément les premiers moments de l’association comme une période privilégiée, d’un point de vue conjoncturel mais aussi de par les personnes qui fréquentaient l’association. Les premières années de R.E.L.A.I.S. correspondent unanimement à une période « très active » de l’association (Barbara). En analysant ce qui est suggéré par « activité », on se rend compte qu’il s’agit en fait des activités proposées à l’association, de l’ambiance qui régnait lors de ces regroupements et beaucoup moins des actions menées pour communiquer au sujet de l’association et de l’aphasie.

Pour ses membres, évoquer la vie de l’association passe avant tout par la description des activités qui y sont proposées. Le handicap n’est jamais au premier plan dans ces descriptions. Une part importante de la motivation à fréquenter l’association réside dans cet « entre soi ». La femme d’un membre de l’association raconte le plaisir de son mari à se retrouver entre pairs : « il rencontrait des gens, il pouvait jargonner tout à son aise » (Béatrice). Le thème des activités est cher aux adhérents, leur développement est le principal moteur de la recherche de partenariat et de ressources extérieures.

Initialement, l’investissement des soignants au sein de l’association a joué un rôle de légitimation des activités organisées comme un prolongement de la rééducation par la socialisation. Au fil du désengagement des professionnels, l’association a rencontré des difficultés à faire reconnaître leurs activités comme le moyen d’un objectif thérapeutique. « Ils croient que c’est pour se distraire ! » (Brigitte). Dans les descriptions initiales et actuelles de l’association, on observe un glissement d’un registre amical « une bande d’amis » (Fabienne), à un registre plus formel : « Ca leur fait du bien de venir […] ça sert à quelque chose » (Brigitte).

R.E.L.A.I.S. se fixe comme but premier de faire connaître l’aphasie. Dans cette optique, son isolement au sein du monde associatif reste un frein à la transmission de son message. Pour autant, on observe ces dix dernières années un investissement accru de la sphère du handicap et une représentation plus organisée de l’association auprès des instances politiques. Cette participation est aussi un vecteur important de médiatisation de l’association, notamment dans la presse locale. L’investissement politique de l’association, autour des questions du handicap et de l’accessibilité, est donc un moyen d’action de R.E.L.A.I.S. et un intermédiaire de choix dans le rayonnement local de l’association.

Cette manière d’envisager l’association s’apparente à une monographie et reste attachée à des individualités. Une étude comparative, incluant d’autres associations locales de personnes aphasiques permettrait d’appréhender plus finement les interactions que de telles associations mobilisent et de dégager des caractéristiques inhérentes à ce type de groupes.

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III. D’une revendication historique du handicap à un

investissement de la sphère politique, pour défendre une

qualité de vie

La reconnaissance de l’aphasie comme handicap a été un combat fédérateur pour le mouvement aphasique français. Les défis actuels sont davantage scindés entre niveaux local et national. Ainsi, R.E.L.A.I.S. s’investit aujourd’hui dans des politiques de proximité lui permettant d’acquérir une nouvelle légitimité.

1. L’aphasie : itinéraire d’un handicap

Pour comprendre la prise en compte sociale et politique d’un handicap comme l’aphasie, il est indispensable de considérer l’histoire de sa conceptualisation. En lien avec des représentations floues, la reconnaissance de l’aphasie en tant que handicap est un combat de la première heure pour les associations d’aphasiques.

1.1. La reconnaissance de l’aphasie, un combat fédérateur

Dans le cadre de nos entretiens, nous avons recueilli de nombreux témoignages reflétant le manque d’information du public et des professionnels de santé. Ce constat est d’autant plus sévère à l’époque de la création de l’association. Un professionnel de santé évoque cette période : « On a eu des patients qu'on récupérait à l'hôpital psychiatrique, parce que c'était des troubles qui n'était pas connus. » (Florence). Fabienne raconte le peu de ressources disponibles au sein du monde médical. « Les médecins n'étaient pas tellement au courant, ils ne connaissaient pas du tout l'aphasie. [...] A ce moment là, c'était très peu connu. Il y avait très peu d'orthophonistes. » Cette dernière nous expliquera avoir alors déménagé à Lyon pour saisir l’opportunité d’une prise en charge adaptée pour son mari.

Dans ce contexte de méconnaissance de l’aphasie, le discrédit social était d’autant plus grand. Un membre originel de l’association nous décrit les incompréhensions de l’époque. « L'employé de mairie avait barré « nationalité française » voyant qu'il parlait très mal. Oh! Il s'est mis dans un état! Il a dit « quand même, mon père a été tué à la guerre, c'est pas possible! » Et c'est vrai qu'à ce moment là, voyez, les employés de mairie ne savaient pas ce que c'était que l'aphasie. » (Fabienne).

Une des difficultés sociales relatives à l’aphasie réside également dans la nature de ce trouble. En effet, l’aphasie n’étant pas visible, elle surgit bien souvent dans la rupture qu’elle impose dans l’échange. Ainsi, le discrédit lié à l’aphasie s’exprime de façon cruciale dans les interactions quotidiennes de la personne aphasique. Les propos de Béatrice résume bien cette problématique : « Les gens c’est pas écrit « aphasique » sur leur front. Quand ils sont hémiplégiques, on voit qu’il y a un problème. Mais X., il ouvre la bouche, il dit n’importe quoi, les gens ne comprennent pas, savent pas forcément que c’est pas parce qu’il est idiot ou je ne sais quoi. »

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Stigmatisés par un trouble incompris, les aphasiques se sont alors mobilisés pour faire reconnaître leur handicap. Cette revendication a été portée par les premières associations françaises, Fabienne raconte : « Moi, je suis allée au Ministère avec M. Y une année et puis alors, on a fait des (…) dossiers sur l'aphasie qu'on a envoyés à tous les hommes politiques: députés... ». Peu à peu, les initiatives individuelles se sont organisées au niveau national afin de faire connaître l’aphasie. C’est dans ce contexte que la F.N.A.F. a été créée en 1985 ; « On leur considérait une invalidité de 30 %. Un peu grâce à l'association et à la fédération, peu à peu, on a admis qu'ils soient invalides à 80 %. » (Fabienne).

1.2. Les revendications d’aujourd’hui, portées par le niveau national et

relayées au niveau local

Aujourd’hui encore, la F.N.A.F. reste le symbole des revendications portées par les aphasiques. Ses objectifs : « faire mieux connaître au public les différentes formes d’aphasie, soutenir les aphasiques dans leurs réadaptations familiales, sociales et professionnelles et dans leur rééducation du langage et informer les personnes intéressées sur les possibilités et les centres de traitement spécialisés », rejoignent les objectifs locaux. L’évocation de la F.N.A.F. apparaît particulièrement autour des avancées marquantes dans la reconnaissance de l’aphasie. Les entretiens avec les membres actuels du Bureau, interrogés sur le combat mené pour la reconnaissance de l’aphasie convergent à évoquer la prise en compte administrative du handicap lié à l’aphasie comme une victoire majeure et fédératrice.

Un même mouvement est opéré quant aux revendications actuelles autour de l’aphasie. La reconnaissance de l’aphasie n’est pas un combat considéré comme gagné par les membres de l’association. La F.N.A.F. est présentée comme le coordinateur de ces actions de grande envergure.

Une dynamique particulière a été notamment impulsée par l’implication de Mme Morano, alors Secrétaire d'Etat chargée de la Famille, qui a participé au lancement du « Plan Aphasie » en 2009. Pour la fédération, ce travail de partenariat s’est ponctué récemment par une remise de la médaille de la Légion d’Honneur à Jean-Dominique Journet, Président de la F.N.A.F. Le « Plan Aphasie », par l’ensemble des événements qui l’ont constitué, est une opportunité de choix pour développer une communication plus large au sujet de l’aphasie.

Le déploiement local du « Plan Aphasie » a été suivi par les membres du Bureau de R.E.L.A.I.S. Ceux-ci rapprochent leur participation à un rôle de représentation de l’association lors de cet événement. Globalement, l’association a avant tout un rôle de relais des informations ou des actions menées par la F.N.A.F. Peu évoqué dans les entretiens, le niveau national occupe pourtant une place importante dans la publication de R.E.L.A.I.S. : six pages sur vingt dans le n°40 du Témoin (2012).

Questionnés au sujet des récentes actions mises en place, les membres de l’association interviewés nous renvoient à l’instance nationale et à son Président actuel, présenté comme ayant un rôle très actif dans ces revendications. Les membres de R.E.L.A.I.S. attribuent ses réussites d’une part à sa personnalité « dynamique et combattive »

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(Béatrice) et d’autre part à son statut social : « J’pense que le fait qu'il... qu'ce soit un ancien médecin... il a eu plus de poids pour prendre des contacts dans les différents organismes » (Barbara).

L’implication de Mme Morano dans le Plan Aphasie est également contextualisée : « Madame Morano, elle a son père qui est aphasique, c’est pour ça qu’elle s’est penchée sur nous » (Barbara). L’engagement pour la cause aphasique d’un membre du gouvernement est positivement relayé dans le discours des membres. Cependant, cette démarche n’est pas significative de l’intérêt politique porté aux revendications des aphasiques. En effet, même au niveau national, l’aphasie ne mobilise que des individus personnellement en prise avec ces problématiques.

Il existe une dissociation forte entre les moyens dévolus aux actions nationales, influentes et médiatisées, et ceux mobilisés au niveau local. La modestie des actions de R.E.L.A.I.S. repose en partie sur son incapacité à mobiliser des personnalités influentes.

2. Association locale : la représentation comme condition de l’action

L’investissement de R.E.L.A.I.S. dans les politiques locales contribue à communiquer davantage au sujet de l’aphasie. Pour autant, cette participation prend avant tout la forme d’une représentation au sein de structures préexistantes. La capacité de R.E.L.A.I.S. à se faire entendre individuellement est mineure.

2.1. R.E.L.A.I.S., une voix qui peine à se faire entendre

Au niveau local, les interactions entre association d’aphasiques et sphère politique opèrent sur un terrain différent de celui du niveau national. Les membres du Bureau soulignent que R.E.L.A.I.S. est une petite association et qu’elle manque de visibilité pour exprimer pleinement ses revendications.

R.E.L.A.I.S. privilégie le support écrit pour la diffusion d’informations. Des plaquettes sont régulièrement mises au point pour présenter l’association (cf : annexe II). Plus ponctuellement, certains professionnels, notamment des pharmaciens, acceptent également d’exposer une affiche de l’association ou de laisser des plaquettes à disposition du public. La distribution de ces documents procède donc en grande partie de la mise en œuvre des réseaux personnels des membres.

R.E.L.A.I.S. organise sa communication d’un point de vue interne par le biais de sa publication annuelle, le Témoin. La forme de cette publication a considérablement évolué au fil des années, marquant un investissement grandissant de ce mode de communication. D’une simple feuille recto-verso tapée à la machine, le Témoin a évolué vers une publication plus étoffée éditée à la fois en version papier et en version électronique. (cf : annexe III) L’association veille également à avoir une visibilité médiatique en conviant un journaliste local aux événements auxquels elle participe.

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L’association communique également par le biais d’événements comme la fête annuelle du R.E.L.A.I.S., ouverte au public. Cette fête a lieu dans les locaux de la MJC Monplaisir et, du fait du peu de rayonnement médiatique de l’association, est surtout fréquentée par les familles et les amis des membres de R.E.L.A.I.S. Il est à noter que quelques personnalités, politiques ou professionnels de santé, sont occasionnellement présents lors de cet événement. On note un investissement plus massif des professionnels lors du Congrès de la F.N.A.F., où des conférences sont organisées à leur intention. La fête de l’association est avant tout l’occasion de se retrouver autour d’une pièce de théâtre jouée par des membres aphasiques de l’association. Cette représentation, fruit de l’année de travail des membres au sein de l’activité théâtre fait la fierté des membres de R.E.L.A.I.S., qui y voient un pied de nez au handicap.

C’est surtout en s’insérant dans la vie de la cité que R.E.L.A.I.S. bénéficie d’une plus grande visibilité. Par sa participation au Forum des associations, R.E.L.A.I.S. saisit une opportunité de représenter l’association auprès du grand public et de provoquer de nouvelles rencontres.

2.2. Un prolongement spécifique de ces revendications à travers les

interactions de R.E.L.A.I.S. avec les politiques locales

Les liens entre R.E.L.A.I.S. et les instances politiques locales relèvent de deux mouvements : d’une part, le financement de l’association passe en partie par son subventionnement public. D’autre part, R.E.LA.I.S. participe aux décisions politiques en matière d’accessibilité.

2.2.1. Gestion associative : éthique et financement

La première source de financement de l’association provient des cotisations des adhérents et du soutien financier apporté par les membres bienfaiteurs. L’effectif de ces derniers varie peu, entre 15 et 20 personnes, il est constitué de proches des membres de l’association et de professionnels de santé.

Graphique 2 : Evolution du nombre d’adhérents et de membres bienfaiteurs de R.E.L.A.I.S. depuis sa création

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Nombre d'adhérents

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Une source ponctuelle de financement provient de fondations et d’associations de type club service allouant à titre caritatif des subventions à certaines associations. Ces financements restent anecdotiques mais ont historiquement permis à l’association de se développer.

Les subventions publiques restent un financement ponctuel mais régulier dans la vie de l’association. Cette question des subventions est un élément qui rythme les interactions entre l’association et le monde politique. La part des subventions dans le financement de l’association a été très variable au fil des années. L’état d’esprit qui règne quant à cette source de financement est plutôt de l’ordre de la circonspection : les subventions sont vues comme un supplément appréciable qui ne doit pas devenir une source première de financement. « Je crois que les subventions sont diminuées. Il y a des associations qui ont du mal à vivre maintenant. Il faut dire justement qu'il faut essayer de se constituer un petit capital quand même et de vivre...parce que toutes les associations, elles peuvent pas vivre simplement des cotisations, donc, c'est bien. Et actuellement elles vivent presque toutes de subventions. Il faut essayer de voir par soi-même ce qu'on peut faire. Parce que les subventions, c'est bien beau mais du jour où il n'y a plus de subventions, ben les associations, elles tombent. » (Fabienne, membre de l’association à ses débuts) ; « On vit au jour le jour avec les aphasiques et on essaie d’avoir des subventions pour pouvoir faire des sorties, des choses comme ça. » (Béatrice, membre actuel du Bureau de l’association) Du côté des politiques, on conçoit également ces aides comme ponctuelles : « Alors, si vous voulez, nous, on est une organisation, une collectivité locale. L'association des aphasiques, c'est une association privée. Donc si on est interpellé, on va jouer le jeu mais c'est à l'association à se prendre en charge par rapport à nous. »

Un écueil de ces subventions vient du découpage politique du territoire. En effet, bien que les membres de R.E.L.A.I.S. résident dans des communes diverses, le subventionnement de l’association reste relié à sa localité. Cet élément est vécu comme une injustice par ses membres qui arguent du fait que chaque adhérent est accueilli par l’association, sans condition géographique. Enfin, les subventions publiques sont de nature inconstante. Celles-ci sont attribuées sur demande et supposent la constitution d’un dossier explicitant les motivations de cette démarche et les projets pouvant être financés par ce moyen. L’aspect répétitif et chronophage de ces démarches a été unanimement évoqué au cours des entretiens avec les membres, historiques ou actuels, de l’association.

L’ensemble de ces éléments contribue à affirmer que R.E.L.A.I.S. dispose de moyens limités, dont la stabilité est difficilement acquise. Ce financement au « coup par coup » tend à limiter les projets de l’association. Pour autant, ce manque de moyen n’est pas unanimement vécu comme négatif, cet élément rejoint même la revendication d’être une « petite association ».

2.2.2. Participation de R.E.L.A.I.S. aux instances publiques, l’accessibilité

comme élaboration collective

Aujourd’hui R.E.L.A.I.S. a voix au chapitre en participant à la Commission d’Accessibilité de la mairie du huitième arrondissement de Lyon. Cet investissement de

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l’association dans les politiques locales était initialement absent de la vie de l’association. Il constitue de ce point de vue un élément nouveau contribuant à la représentation de l’association au sein des instances publiques.

Le début de la participation des représentants de R.EL.A.I.S. à cette commission reste flou. Une soirée annuelle publique étant initialement organisée à la MJC, cette rencontre tient certainement davantage du hasard que d’une volonté d’une des parties.

La Commission d’Accessibilité de la mairie du huitième arrondissement réunit les représentants de 27 associations fédérées autour de handicaps de différentes natures. Elle organise des concertations dans le cadre d’un objectif d’accessibilité globale de la voirie. Cette notion de concertation est aujourd’hui au premier plan dans l’élaboration des politiques d’accessibilité. « L’intervention des multiples acteurs de la chaîne d’accessibilité (ministères, autorités publique, associations…) est souhaitée pour accroître le dialogue et la concertation. » (Thomas, 2005, p.25)

Cette instance a été créée dans la continuité de la politique du handicap menée par la ville, à l’initiative d’un adjoint au maire du huitième arrondissement, chargé de la sécurité et du handicap. L’investissement de cet homme politique dans la Commission d’Accessibilité trouve des résonances dans sa trajectoire personnelle : « les personnes handicapées, bon, j'ai une expérience parce que j'étais chargé d'insertion à l'Association des Paralysés de France, pour les personnes handicapées physiques. J'ai travaillé pendant dix ans sur ce thème là. Et donc c'est vrai que je connais bien ce milieu du handicap. Ce qui a fait que quand j'ai été élu à mon premier mandat, j'ai demandé au Maire de pouvoir travailler sur les personnes à mobilité réduite qui étaient peu prises en charge sur l'arrondissement. » (Paul). L’implication de cet élu au sein de l’APF n’est pas un élément neutre dans la mesure où cette association a tenu un rôle prépondérant dans l’émergence de la notion d’accessibilité. (Thomas, 2005, p.21)

La politique d’accessibilité fait de l’espace urbain un déterminant de la vie sociale. La ville est alors pensée dans ce qu’elle peut constituer d’handicapant pour ses citoyens. « Outre l’intérêt porté aux mécanismes de la sociabilité dans l’espace public, [les sciences sociales] envisagent d’aborder le sujet en termes de situations urbaines handicapantes. » (Thomas, 2005, p.22). Dans cette optique, la mairie du huitième arrondissement de Lyon a mis en place un travail de labellisation des commerces, en fonction de quinze critères d’accessibilité. (cf : annexe IV)

Parmi les quinze critères retenus seulement deux s’adressent aux personnes rencontrant des difficultés de communication : Le personnel est sensibilisé à l’accueil des personnes moins autonomes et adapte son langage et son comportement en fonction de la personne (fort, lentement…) et J’ai prévu des supports écrits de communication. Ces critères sont présentés par Paul comme une prise en compte spécifique : « Les commerces que nous avons labellisés font aussi cet effort d'accueil des personnes qui ont un autre type de handicap que celui qui est visible, qui n'est que de 5% des personnes en situation de handicap. ».

Dans le cadre de cette commission, une soirée publique est organisée. Celle-ci se compose de témoignages et de conférences, c’est une soirée publique qui permet aux associations de communiquer sur le thème du handicap. A ce titre, cette soirée est un cadre privilégié offert à R.E.L.A.I.S. pour faire connaître l’aphasie. En effet, la

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Commission d’Accessibilité s’impose comme le vecteur principal d’opportunité de communication pour l’association. A ce sujet, Paul commentera : « Mais je pense que c’est bien parce que au moins elles [les personnes aphasiques] veulent montrer qu’elles existent. Se positionner dans la société, c’est une bonne chose. On avance comme ça ».

De par la diversité de handicaps représentés au sein de la commission, Paul évoque les difficultés parfois rencontrées lors des concertations. Face aux aménagements envisagés, certains représentants peuvent parfois se sentir laissés pour compte de par la spécificité des difficultés qu’ils rencontrent. « Un peu comme toutes les minorités, elles défendent très fortement leur handicap » (Paul). En prolongeant le questionnement, Paul rapprochera ces revendications d’un « besoin de reconnaissance » non pas seulement légal mais « citoyen et social ».

L’approche de la sphère politique ne s’est faite que par l’intermédiaire d’un seul interlocuteur dont le discours a été fortement marqué par une rhétorique professionnelle, ce qui constitue une limite importante de notre travail.

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CONCLUSION

Notre travail de recherche nous a amenées à dresser une biographie de R.E.L.A.I.S à la fois rythmée par des moments forts, comme sa création en 1976 ou la reconnaissance de l'aphasie comme handicap, et par une évolution de la nature même de sa composition. Il nous a également permis de mettre en perspective le concept de handicap sur les trente dernières années au regard de l'évolution des connaissances et de l'information diffusées sur l'aphasie. Marquée par la présence des professionnels de santé à sa naissance, l'association semble avoir perdu en légitimité au fil du désengagement progressif de ces mêmes professionnels. D'une manière générale, le fonctionnement de R.E.L.A.I.S s'appuie davantage sur la volonté de bénévoles investis que sur une organisation structurée et construite dans une dynamique militante et d'ouverture sur l'extérieur. Hormis son investissement dans la sphère politique par sa participation à la Commission d'Accessibilité du 8ème arrondissement de Lyon, l'association ne présente pas d’éléments distinctifs et inhérents à une association d'usagers de la santé. Elle s'apparente davantage à une association amicale, regroupant des personnes aphasiques et leurs familles avec pour objectif premier de partager ensemble des moments de convivialité et d'échanges.

En revanche, l'exemple de R.E.L.A.I.S illustre bien la difficulté des petites associations locales et composées uniquement de bénévoles à survivre et à trouver leur place sur la scène publique et dans le champ associatif. Il existe effectivement une dichotomie importante entre des associations nationales organisées, influentes et financièrement bien dotées, et des associations locales, formées de bénévoles et dont la démarche se situe à un niveau moins politique et militant que social. Les actions de R.E.L.A.I.S se jouent sur un mode plus personnel et immédiat et les revendications ne sont pas au premier plan de leur démarche et leurs projets.

Malgré son champ d'action limité et sa difficulté à associer à son fonctionnement des professionnels de la santé, l'association semble aujourd'hui prête à mener un combat visant à affirmer sa légitimité à se voir accorder des permanences dans les hôpitaux lyonnais et à faire valoir auprès du monde médical l'expertise de leur vécu. Il serait pertinent de poursuivre le travail que nous avons mené pour voir dans quelle mesure ce nouvel objectif peut apporter une dynamique à une association qui a du mal à rayonner sur l'extérieur.

Les personnes que nous avons rencontrées et les expériences dont ils nous ont fait part nous ont également amenées à nous interroger sur les types de relations que peuvent entretenir les professionnels avec des associations de santé qui fédèrent des patients qu'ils reçoivent chaque jour en consultation. Il serait ainsi intéressant d'entreprendre un travail sur le rapport des professionnels aux associations de santé : intérêt, crainte, investissement, distance... Autant de postures qui amènent à penser que les associations de santé ne laissent pas indifférent.

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ANNEXES

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Annexe I : Guides d’entretien

Guide d'entretien à destination des membres fondateurs

CREATION - Pouvez-vous nous parler de la naissance de l'association?

- préciser le contexte: lieu, date, personnes, financement

Si besoin de précisions : - où est-elle née? - quand est-elle née? - à l'initiative de qui? - comment était-elle financée? - qu'existait-il avant? - comment cette création a-t-elle été reçue par les familles? - comment cette création a-t-elle été perçue par les professionnels?

- faire émerger les problématiques autour de l'aphasie à cette époque

EVOLUTION - Avez-vous poursuivi votre engagement dans l'association? De quelle manière et pour quelles raisons?

- mesurer l'investissement et le désinvestissement progressif des professionnels de santé

- Quel regard portez-vous sur l'évolution de l'association?

- recueillir un discours sur le parcours de l'association

PARCOURS PERSONNEL - Quel était votre activité à l'époque? - Etes-vous engagé dans d'autres mouvements associatifs?

- connaître les motivations professionnelles de cet engagement et les lier ou non à une culture du bénévolat dans la trajectoire

AUTRE - Souhaiteriez-vous ajouter un point que nous n'aurions pas abordé?

- rechercher une information complémentaire

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Guide d'entretien à destination des membres du Bureau

LES DEBUTS - Comment avez-vous entendu parler de l'association?

- préciser le mode d'accès à l'association

- Quels ont été vos débuts dans l'association?

- contextualiser l'entrée dans l'association

ENGAGEMENT ET PARCOURS PERSONNEL - Quel a été votre rôle dans l'association? Quel est-il aujourd'hui?

- comprendre le fonctionnement du Bureau

- Avez-vous ou avez-vous eu un autre engagement associatif? - Combien de temps consacrez-vous chaque semaine à l'association?

- connaître les motivations et l'investissement de chacun

FONCTIONNEMENT - Comment l'association est-elle financée?

- comprendre le fonctionnement interne de l'association

- Comment diffusez-vous l'information sur l'existence de l'association?

- déterminer les modes de diffusion de l'information

- A quelles manifestations publiques participez-vous?

- clarifier ses objectifs

RESEAUX - Entretenez-vous des relations avec des professionnels de la santé?

- mesurer le lien entre les professionnels et l'association

- Quelles relations entretenez-vous avec les politiques? - Avez-vous des liens avec d'autres associations?

- qualifier l'association dans le champ associatif (partenariat, concurrence...)

PERSPECTIVES ACTUELLES - Quel est votre rôle dans le Plan Aphasie? - Quels sont les aspirations de l'association aujourd'hui?

- comprendre la dynamique dans laquelle s'inscrit l'association

AUTRE - Souhaiteriez-vous ajouter un point que nous n'aurions pas abordé?

- rechercher une information complémentaire

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Guide d'entretien à destination des professionnels de santé en lien avec l'association

RELATIONS - Comment avez-vous connu l'association? - contextualiser la rencontre

- Quels liens entretenez-vous avec elle?

- qualifier la relation

REGARD SUR L'ASSOCIATION - Quel regard portez-vous sur l'association? - recueillir le discours du professionnel

ENGAGEMENT PROFESSIONNEL ET PERSONNEL - Avez-vous d'autres engagements associatifs? - Vous faites vous le relais de l'association auprès d'autres professionnels?

- lier ou non les motivations professionnelles à une culture du bénévolat

AUTRE - Souhaiteriez-vous ajouter un point que nous n'aurions pas abordé?

- rechercher une information complémentaire

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Guide d'entretien à destination de l'homme politique

PARTICIPATION DE L'ASSOCIATION A DES INSTANCES - Comment s'investit l'association dans la Commission d'Accessibilité?

- préciser les revendications de RELAIS

- Participe-t-elle à d'autres instances? - mesurer la représentation de RELAIS

FINANCEMENT - Quelles subventions sont allouées à l'association? - Etes-vous sollicité pour apporter des aides matérielles?

- dégager les sources et les modalités de financement

PAYSAGE ASSOCIATIF - Quel regard portez-vous sur l'association dans le paysage associatif? - Comment la définiriez-vous? Quelles en sont les spécificités?

- qualifier l'association dans le champ associatif

- Que revendique-t-elle?

- clarifier les revendications de l'association sur la scène politique

AUTRE - Souhaiteriez-vous ajouter un point que nous n'aurions pas abordé?

- rechercher une information complémentaire

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Annexe II : P

laquette de présentation de R.E

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ASSOC IATION DES APHASIQUES DE LA IU~GION LYONNAISE

Siège : MJC - 25, avcnue des Frères Lumière

69008 LYON Tél. 04 72 78 05 70

Bus 11 "9 ~ Métro Sans Souci

fJc' l'IIlflll ellCes "

b jeud is dc 14h30 à 17h30

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Annexe III : E

xtraits de la publication de R.E

.L.A.I.S

., le Tém

oin

Prem

ier numéro du T

émoin (1978)

, I~v~t l'I-!-''C

n ·~ 1 · - Kr et JIl.JI8 Frédet, J4 Rue Tavernier. 6~ Lyon

.. Kr et ~ Gevr1l, 39 Rue des Peupliers. 69003 L10n

- Mr Goy, 13 Place de la Ba1l.le. 71000 Macon

- Mlle Cu1net, 5 Rue Cyrano, 69003 Lyon

- Mr et Mlle Joa.sson. 10 Rte cid. Touss1eu, 69120 St La.urent

- Melle O. Jourdan. 70 Avenue Iac8ssagne, 69003df~}F" - MIIl8 D Labourel. 18 Rue du B-Hai, 69110 Ste Foy

- Mr Magaloff. 185 Rue Pierre Valdo, 69005 Lyon

- Mr Magoutier. Chanay, 01420 Seyssel

- l'Ir et Mlle Maiffredy, 261. Rue VendÔ.a, 69006 Lyon

.. Mme M. Masaejean. 4 Rte de St RoMin 69450 St Cyr au Mt d'Or

- Melle M.M. Mart1n. 21 Avenue Lacassagne, 69003 Lyon

- Docteur Y. Michel, 7 Chemin de Boutary, 69300 Caluire

- Mme M.J . Mol1natti. 39 Rue des Peupliers. 69003 Lyon

.. Dr M. Moun1er-Kuhn, 4 Av. Des FrUes LWD.1.ère, 6900B Lyon

- Mr Poujol, 193 Cours E.Zola, 69100 Villeurbanne

.. Melle M. Pauli, 53 Av. de Verdun, 69800 St Priest

.. Kr Serge Ranc, 7 Av. A. France, Mions, 69800 St Priest

.. MM: M.J. Ros, 8 Rue AlIpère, 69300 Caluire

.. Mr Roux, Le Grand Eat.ress1n, Bd Kerguelen, )8200 Vienne

- Mr Rey, J Rue NicolaI, 69007 Lyon

- _ R. StraglotU. 14 Rue Michelet. 69140 RUlieux 1.& P_ .

- Kr et MM Tournier, 7 Rue G1godot, 69004 Lyon

- Mr Taboulet, St Ge"ll"UX de Sc1aaol. 71260 Lugny

- Kr Tourneb1ze, 12 AV 1 H. Barbuaae. 69S00 St Priest

- -Mr et fil. Trivès, 21 Rue louis Blanc, 69006 L70n

.. Mr Christ1&n Zasor1d1a, .5 Av. Gal Brasaet, 69Q06 Lyon

LETÊ OA COUP D'ENVOI

Au départ, DOUS étions UJle aasoc1aUon à responsab1llté l1I1tée, lai 1901, et aa.1ntenant DOUS aomlSS une équipe d '&&1s. Ma.1s une équipe où on De veut pas rester entre soi. au oontra1re nous voulons aul Upl1er las contacts. rasM~lar de plus an plus de nouveaux aa:1s .

Et pour nous fa.1re a1e:ux oonilal tre, 1l J'allait un bulle­tin éorit qui _ra un nouveau oillent entre les -anciaos­at las .. nouveaux ..... et qui restera dans les archives.

Noua avons découvert, lors de nOB rencontres, que les a}ila.siques sont bavards Et aaiDtenant 11 va falloir .ontrer qu'1la éorivent autant qu'ils parlent.

A 'VOs plUMS donc ou VOB ach1nes à. éorire. Autant que n "ea}X)rtara pail le vent !

N 'oubliez p&8 que DOUS DOUS réun1.aaons tous les jeudis aprèe-a1d.1 à 1.& M. J. C. de Monpla1s1r. 25 A ........ de. lI'rèze • LUldm. L10n 8ào

A bientôt.

Q ~

Le Prée1dent Docteur M1chel

Le RelaiS assoc.iation du aphasique.s de la .é9;on L,/onnaise m.j.C rnonp/aisi,.

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Prograae pour le 2_ t.raestre 1976

_ Jeudi 1) Avrll , Mme Masmejea.n. sortie au "marché aUX puces", rendez-vous 14h30 à la M.J.C.

_ Jeudi 20 Avril 1 Monsieur Tournier. Echecs à 15 hras

_ Jeudi 27 Avril: Mme Labourel, p1.scine 1 rendez-vous à 14b )0 à la M.J.C.

_ Jeudi 11 Mai ,r.r et Mme Genil, esplanade de Fourvière rendez-vous à 14b )0 à St Jean devant ' la '''ficelle" . . .

Jeud1 18 Mai pique-nlqU9 à St Cyr, chez Mme "Masmsjean

- Jeudi 25 Ma.i

_ Jeudi 1 Juin

Jeudi 6 Juin

- Jeudi 15 Juin

.. J eudi 21 Juin

1 ~lr Aubo1ron DQUS fera vis l ter le musée arChéologique de Fourvière, rendez-vous à 14h 30 à la M.J.C.

; !-'ùIle Balme 1 visite des serres du Parc rendez-vous à 14h JO à la. M. J . C';

1 sortie à Limonest

réunion am1cal.e à la M~i.c., Mme Ros

réunion a.m.1cale à la H. J . C. 1 Km' Donnadl eu !:- . ,

Une sortie est privuo"à St Sorlin en Bugey (villa ,e des roses )

elle aura lieu un d.1manche de Juin. Vous en sere , avisés en

" temps utile. " . ' -. ~~ ." . Da ""me une ,;iQrtUl es:.~Vue le 1er samedi, d, Juillet,

chez Kr et. l'~ ~e."" l À:- Lhuis en Bugey égaler' :i.nt.

.( ." .. , ...... ~'l .;1

Réel t de VOyage

La IIOntre

Il '1 a 3 ans, en' Ma.1. j'us pris par avinn (J foie ) iL Lyon jusqu'à' lesCa.na.ries.

Le soir, vers 10 h . " je suis assis à la terrasse . Un px­çon DI. 'apporte un cO,Ça"'!'Cola. J'ai fumé un c1ga.re (gros), les palmiers .doucement. la musique. doucet douce.

J 'ai bu~ ~.P' ·. coc'a.-coia. et je rêve ·q.es ~ys lointa.1ns, etc ... Soudain, seCoué : mon bras, je me retourne et la. fille vou­drait vendre la montre.

Je regarde . .. combien, la montre? - 4 mille pesetas.

_ Tu e~ fo;lle ! mU.le pesetas ... c'est tout

- 3 mllle pesetas,

--Non.

_ Sale a.aglaie! me dit la fUle

- Jo1 oi, je suis français !

La fille rit et :rr.oi a.ussi je ris.

- Tu sais, tu es belle. !

Je ne comprend rien du tout. Allez..! J'ai payé mille trois cent pesetas, environ 80 frs, la montre E.utomatique.

ri y a 3 ans( déj'à ) , j'a i toujours garoé ma montre.

A,. C!!AI'.PETIER

hom e t adresse 'des mscri ta au Relais

- Mr' Aûb·éiro:n ~ '1 P~e-" Frin;isq"ué R~~'~uê, :'69002 Lyon - ~.r et M\Ile Balme, 3 R~, Vauban; 69Q06,!Lyon

Sr Caroline Ca.rra.ra., Le Prado .. Cbemin St André 69760 •. • .. . L. ,,-.::.' Limonest

- MI' A. CbalIpèf,ier, 9' Avenùe l'a.SÜlur. 69370 St Didier au Kt

- Mr et Mme Cba.rr1n:' 21- Rue du ' Dr Rarii;;', 69009 Lyon d'Or

- Mr J . Cfozet, 25 Rue Broquin, , 69006 Lyon - Mme Donna.d1eu, 63 Rue de Bourgogne, 69009 Lyon

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Extrait du dernier numéro du Témoin (2012, 20 pages)

Extrait du dernier numéro du Témoin (20 pages, 2012)

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Annexe IV

: Labellisation des comm

erces handi-accueillants

Plaquette de présentation du label com

merce handi-accueillant

La liste des commerces handi-accueillants est en ligne sur lyon.lr et ligure sur les supports de communication des associations de commerçants Isites, magazines ... I.

En partenariat avec: • Les associat ion s de personnes en situat ion de hand icaps • Les assoc iations de commerçants • les associat ions du Management de Centre -ville • la Chambre des Métiers du Rhôn e • La Chambre de Commerce et d'I ndustrie de Lyon

Pour vous inscrire, contactez la mairie de votre arrondissement:

1 er : commerces.handiaccueilLants 1 0mai rie-lyon.fr

2ème : commerces.ha ndiaccueillants20mairie-lyon. fr

3ème : commerces.handiaccueillants3!Omairie-Lyon.fr

4ème : commerces.handiaccuei llants40mairie-Lyon. fr

5ème : commerces.handiaccueittants50mair ie- Lyon.fr

6ème : commerces.handiaccueillants60mairie-lyon. fr

7ème : commerces.handiaccueillants7famairie- lyon.fr

Sème : commerces.handiaccueillantsSfamairie-lyon.fr

9ème : commerces.hand iaccuei lla nts9fama irie-lyon.fr

('E1lVILLE DE

~;,LYON

LABEL COMMERCE HAN D I-ACC U El LLAN T

Tout le monde y gagne! iW ,., .., ;; •

/1~~1;l

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« La Ville de Lyon a lancé en 2007 le Label Commerce Handi­Accueillant . In itié dans le cadre du FISAC* et du Management de Cen tre-ville, iL est décerné aux commerces accessibles. Part ici pa tive et concertée, cette démarche innovante réunit les élu/es d'arrondissement, les associat ions de personnes handicapées et de commerçants. Elle sïnscrit dans l'obLiga­tion légale fai te aux commerces d'être accessi bles en 2015.

Quatre ans après le début de la démarche, plus de 150 com­merces sont labell isés dans cinq arrondissements. En 2011, le dispositi f est généralisé à l' ensemble des arrondissements.

L'objectif est doub le : prendre en compte le handicap et 30% de la population favoriser l 'au tonomie des personnes, mais aussi sensibil iser

a des diff icultés de les professionnels à une meilleure solidarité au quotidien. déplaçemenls

1 0% est en situation

de handkap

Grâce à cette action, nous constru isons un meilleur« vivre ensemble» pou r toutes les habitantes et tous les habitants de Lyon.

Thérèse Rabatel Ad jointe au Maire de Lyon

Déléguée à l' égalité pour les femmes

aux Temps de la ville, au x Handicaps

Marie-Odile Fondeur Adjointe au Mai re de Lyon

déléguée au Commerce el à l'Artisanat,

au développement économique et il la promotion du modèle lyonna is

Améliorer l'accessibilité, en particulier en matière de tra nsport et de cheminement piéton, a permis de développer la mobilité des personnes en situation de hand icap. Ëtre un commerce han di-accueillant, c'est renforcer la qualité d'usage pour tous: une personne handicapée, malade, âgée .. , ou encore des parents avec une poussette, Par des aménagements simples et un accueil adapté, les commerça nts développent leu r rôle de service de proximité et bénéfi cient, à terme. de nouveaux clients,

L'ACTION DE LA VILLE

RAPPEL La Ville de Lyon sensibilise et conseille Les commercants 2007;testauprèsd~ pour quïls se mettent en conformité avec la loi du 1'1 février

çommerçantsdela 2005 pour l' égal ité des droits et des chances, La part icipat ion Presqu'lleetdu8ème et la citoyenneté des personnes hand icapées.

2009: eJ(lension du Le Label Commerce Handi-Accueillant a pour objectif de : dispositif aux 'ème el • développer l'autonom ie pour toutes et pou r tous

9èmearrondissements. présenter les obligat ions de la loi et Les risq ues juridiques 20'1 : généralisation à • évaluer l'accessibilité des commerces

l'ensemble des • apporter une information techniq ue arrondissements. valoriser une accessibilité existante

• Fonds d'intervention pour les services. l'artisanal elle commerce

BILAN 2010

156 commerces

labeUisés sur Les 1er,

2ème, 4ème, Sème

et 9ème

CE QUE DIT LA LOI La loi du 11 février 2005 prévoi t que « au premier janvier 2015, tous les établissements recevant du public (ERP) doivent être L .. ] accessibles à tous, et notamment aux pe rsonnes handicapées, que l que soit Le type de hand icap », Si tel n'est pas le cas, le risque encouru est« la fermeture de l'ERP existant pour non respect du délai de mise en accessibili té, L .. ] des amendes de 45 000 € , l"interdiction d'exercer». Les altérations pouvan t constituer un handicap à prendre en compte pour L'accessibi lité peuvent être: physiques, visuelles, aud itives, mentales, cognit ives ou psychiques,

LA DÉMARCHE DE LABELLISATION

PiLoté par la Vi lle de Lyon , ce disposi t if est mis en œuvre par Les mairies d'a r rondissemen t à travers un Comité de La bel~ l isation, Il est composé des élu/es en cha rge des Hand icaps et du Commerce de l'ar rond issement, des représentants d'associations de personnes en situation de handicaps et notamment d'association de commerçan ts et de la Vi lle de Lyon,

• Inscription Elle se fai t en con tac tant la mai rie de l'arrondissement d"implantation du commerce (voir contac t au dos!.

• LabeLLisation Au regard de l 'état des lieux et de la visite du local, le Comité se réunit af in de statuer su r l'attribut ion du Label. L'accord ou le refus est signifié par courrier motivé des adjoint/es au Ma ire de Lyon et des mairies d'a rrondissement en charge des handicaps et du commerce,

• Valorisation ~ Un macaron sera rem is au commerçant (à apposer sur la devanture !. - L'engagement du commerçant sera valorisé sur des supports de communicat ion (lyon.fr .. .l.

Le Label prouve rengagement du commerçant. Il n'a pas de valeur ju ridiq ue,

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Questionnaire de labellisation à destination des commerces

QUESTIONNAIRE de LABELLISATION Je souhaite que mon commerce soit labellisé « commerce accessible)} et bénéficie du programme de communication de la Ville de Lyon et de ses part enaires, afin d'augmenter mon nombre de client potentie l.

Je coche les critères que je m'engage à res pecter:

o L'ent rée de mon commerce est de plain pied , a une marche inférieure à 2 cm ou est équipée d'une rampe (fixe ou amovible) ou d'un élévateur et elle est clairement signalée

o La largeur minimum de circulation est de 1 ,40 m

o Mon commerce ne présente pas d'obstacle au cheminement, ni au sol , ni en hauteur

o J 'autorise l'accès aux chiens-guides

o Mon commerce est équipé d'éléments de repos (chaises , bancs .. . ]

o Des éléments contrastés signalent les nez-de-marche et les portes vitrées

o Les portes sont fac ilement manœuvrables et ne sont pas un obstacle au cheminement

o Les esca liers sont équipés d'une main courante sur toute la longueur

o Les spots d'accent uation des vitrines ne sont dirigés ni vers l'extérieur, ni à hauteur des yeux

o Le support d'encaissement est équipé d'une partie surbaissée ou d'une tablette d'une hauteur comprise entre 0 .70 et O. BO m

o J'ai une cabine d'essayage qui peut accueillir une personne en fauteu il rou lant ou une personne avec une poussette ou des paquets

o L'étiquetage est lisible, en gros caractères et d'une couleur contrastée

o J'ai des sanitaires accessibles pour une personne enfauteuil roulant(a ire de transfert latéral d'au moins O.BOm / 1 .30mJ

o Le personnel est sensibil isé à l'accueil des personnes moins autonomes et adapte son langage et son comportement en fonction de la personne [fort, lentement...J

o J 'ai prévu des supports écrits de communication

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TABLE DES ILLUSTRATIONS

I. Liste des tableaux

- Tableau 1 : Inventaire des documents recueillis à R.E.L.A.I.S.

- Tableau 2 : Présentation générale de la population

II. Liste des graphiques

- Graphique 1 : Evolution du nombre d’adhérents de R.E.L.A.I.S. depuis sa création

- Graphique 2 : Evolution du nombre d’adhérents et de membres bienfaiteurs de R.E.L.A.I.S. depuis sa création

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Nature Période couverte Le Témoin, publication annuelle de l'association

de 1978 à 2011 (à l'exception du n°14, année 1988)

Cahier de bord de 1976 à 2003 Compte-rendu d'Assemblée Générale 1980, 1989, 1990, 1992, 1996 Compte-rendu d'activités 1984, 1988-89, 1993-94, 1994-95, 1997-98

Bilans financiers 1988-89, 1989-90, 1995-96, 1996-97, 1997-98, 1998-99, 2002

Statuts de R.E.L.A.I.S. déposés le 21/12/76 Discours d'anniversaire de l'association 1996 (20 ans), 2006 (30ans)

Correspondances avec d'autres organisations 1986 (Association Vaudoise des Aphasiques, Lausanne)

1996 (Académie des Sciences, Belles Lettres et Arts de Lyon)

Extraits de pièces de théâtre (fête annuelle du R.E.L.A.I.S.) Témoignages de membres aphasiques Coupures de journaux

Tableau 1 : Inventaire des documents recueillis à R.E.L.A.I.S.

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Graphique 1 : Evolution du nombre d’adhérents de R.E.L.A.I.S. depuis sa création

Graphique 2 : Evolution du nombre d’adhérents et de membres bienfaiteurs de R.E.L.A.I.S. depuis sa création

0

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1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015

Nombre d'adhérents

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Nombre d'adhérents

Nombre de membres

bienfaiteurs

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TABLE DES MATIERES

ORGANIGRAMMES ................................................................................................................................... 2

1. Université Claude Bernard Lyon1 ............................................................................................... 2

1.1 Secteur Santé : ......................................................................................................................................... 2

1.2 Secteur Sciences et Technologies :.......................................................................................................... 2

2. Institut Sciences et Techniques de Réadaptation FORMATION ORTHOPHONIE ........................... 3

REMERCIEMENTS..................................................................................................................................... 4

SOMMAIRE .................................................................................................................................................. 5

INTRODUCTION ......................................................................................................................................... 7

PARTIE THEORIQUE ................................................................................................................................ 8

I. DYNAMIQUE DE MEDICALISATION ET EMERGENCE DU HANDICAP ...................................................... 9

1. L’aphasie au regard des maladies chroniques ............................................................................. 9

1.1. De la maladie aiguë à la maladie chronique ....................................................................................... 9

1.2. Développement d’une conceptualisation de l’aphasie : d’une visée descriptive à une visée thérapeutique ................................................................................................................................................... 10

2. Conséquences psychosociales de l’aphasie ............................................................................... 11

3. L’aphasie en tant que handicap ................................................................................................. 12

3.1. Emergence et évolutions de la notion de handicap........................................................................... 12

3.2. Stigmatisés et groupe de pairs .......................................................................................................... 13

II. L’ USAGER ACTEUR DU SYSTEME DE SOIN, LA VOIX DES ASSOCIATIONS DE SANTE ........................... 14 1. Avènement de la démocratie sanitaire ....................................................................................... 14

1.1. Une réponse aux scandales sanitaires : émergence de la figure de l’usager citoyen ........................ 14

1.2. La figure de l’usager comme nouvelle partie prenante du système de santé .................................... 15

1.3. L’expertise bénévole, une nouvelle concurrence à l’exercice professionnel ........................ 16 2. Rôle et typologie des associations de santé................................................................................ 17

2.1. Emergence des associations d'usagers dans le domaine de la santé : se réunir pour agir 17 2.2. Structures des associations de santé : deux visions qui s’opposent .................................................. 18

3. Le mouvement aphasique en France .......................................................................................... 18

3.1. Histoire de la F.N.A.F. ..................................................................................................................... 18

3.2. Objectifs statutaires .......................................................................................................................... 19

3.3. Organisation ..................................................................................................................................... 19

3.4. Représentation à l’échelle mondiale ................................................................................................ 20

3.5. Une fédération qui a su s'insérer dans l'arène politique .................................................................... 20

3.6. Composition d’une association d’aphasiques ................................................................................... 20

PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES ................................................................................................. 22

I. PROBLEMATIQUE ............................................................................................................................. 23

II. PREMIERE HYPOTHESE ..................................................................................................................... 23

III. DEUXIEME HYPOTHESE .................................................................................................................... 23

IV. TROISIEME HYPOTHESE ............................................................................................................... 23

PARTIE EXPERIMENTALE ................................................................................................................... 24

I. ADOPTER UNE DEMARCHE DE RECHERCHE EN SCIENCES SOCIALES .................................................. 25

1. Elaboration et circonscription du sujet d’étude ......................................................................... 25

2. L’approche qualitative ............................................................................................................... 25

3. Technique monographique ......................................................................................................... 26

II. METHODES ...................................................................................................................................... 26

1. L’observation directe ................................................................................................................. 26

2. La documentation directe ........................................................................................................... 27

3. L'entretien semi-directif ............................................................................................................. 28

3.1. Principes .......................................................................................................................................... 28

3.2. Le contrat de communication ........................................................................................................... 29

3.3. Posture et techniques ........................................................................................................................ 29

3.4. Le guide d'entretien .......................................................................................................................... 29

3.5. Environnement ................................................................................................................................. 30

3.5.1. Cadre temporel ........................................................................................................................... 30

3.5.2. Cadre spatial ............................................................................................................................... 30

III. LA POPULATION ............................................................................................................................... 31

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1. Choix de la population ............................................................................................................... 31

2. Critères d'inclusion .................................................................................................................... 31

3. Mode d'accès à la population..................................................................................................... 32

4. Présentation de la population .................................................................................................... 32

IV. ANALYSE DES ENTRETIENS ......................................................................................................... 33

1. La retranscription ...................................................................................................................... 33

2. Considérations éthiques ............................................................................................................. 33

3. Choix de l'analyse qualitative et principes généraux ................................................................. 33

4. Analyse verticale ou par entretien ............................................................................................. 34

5. Analyse horizontale ou thématique ............................................................................................ 34

6. Présentation des résultats .......................................................................................................... 34

PRESENTATION ET DISCUSSION DES RESULTATS ...................................................................... 35

I. ASSOCIATIONS ET PROFESSIONNELS DE SANTE : DES RELATIONS INTERDEPENDANTES OU SE JOUENT

UNE QUETE DE LEGITIMITE ET UNE RECONNAISSANCE IDENTITAIRE .......................................................... 36

1. R.E.L.A.I.S, une association médico-centrée créée dans un cadre thérapeutique : continuité des soins ou autonomie des usagers? ........................................................................................................ 36

1.1. Une association née de l'initiative de professionnels dans un contexte porteur ................................ 36

1.2. Enjeux et objectifs autour de la création de l'association : prolongement du cadre thérapeutique hors d'un cadre médicalisé ....................................................................................................................................... 37

1.3. La présence des professionnels : une nécessité affichée .................................................................. 38

2. Le désinvestissement des professionnels : une volonté de réaffirmer un statut d'experts face à l'expertise profane ............................................................................................................................... 38

2.1. L'argumentation en faveur de l'autonomie de l'association : une rhétorique professionnelle ........... 39

2.2. Les relations entre profanes et experts: une relation d'interdépendance déséquilibrée et régulée par les professionnels ............................................................................................................................................. 39

2.3. La résistance du monde médical à accorder aux usagers une légitimité ........................................... 41

3. Des usagers à la reconquête du monde médical : vers une affirmation des droits et une valorisation du vécu du malade-expert ................................................................................................ 42

3.1. Regards sur les prises en charge : les usagers prennent la parole ..................................................... 42

3.2. Une association au carrefour entre les orthophonistes et les malades .............................................. 43

3.3. Valoriser le vécu du malade-expert pour affirmer sa légitimité ....................................................... 44

II. R.E.L.A.I.S. OU LES PROBLEMATIQUES D’UNE PETITE ASSOCIATION DANS LE CHAMP DE LA SANTE 46

1. Le volontariat comme base d’organisation ................................................................................ 46

1.1. L'implication des familles, échange de bons procédés ..................................................................... 46

1.2. L’administration de R.E.L.A.I.S., une Histoire de personnes .......................................................... 47

2. R.E.L.A.I.S. : une entité en retrait dans le paysage associatif de santé ..................................... 48

2.1. Les réseaux personnels comme pourvoyeurs de partenariats pour l’association .............................. 48

2.2. Du R.E.L.A.I.S. dans une géographie associative morcelée ............................................................ 49

3. Les déterminants de la vie de l’association, un point de vue interne ......................................... 51

3.1. La démographie comme condition de survie.................................................................................... 51

3.2. Les activités proposées par R.E.L.A.I.S. comme base structurante de l’association ........................ 53

III. D’UNE REVENDICATION HISTORIQUE DU HANDICAP A UN INVESTISSEMENT DE LA SPHERE POLITIQUE, POUR DEFENDRE UNE QUALITE DE VIE ....................................................................................................... 54

1. L’aphasie : itinéraire d’un handicap ......................................................................................... 54

1.1. La reconnaissance de l’aphasie, un combat fédérateur ..................................................................... 54

1.2. Les revendications d’aujourd’hui, portées par le niveau national et relayées au niveau local .......... 55

2. Association locale : la représentation comme condition de l’action ......................................... 56

2.1. R.E.L.A.I.S., une voix qui peine à se faire entendre ........................................................................ 56

2.2. Un prolongement spécifique de ces revendications à travers les interactions de R.E.L.A.I.S. avec les politiques locales ............................................................................................................................................. 57

2.2.1. Gestion associative : éthique et financement .............................................................................. 57

2.2.2. Participation de R.E.L.A.I.S. aux instances publiques, l’accessibilité comme élaboration collective 58

CONCLUSION ............................................................................................................................................ 61

REFERENCES ............................................................................................................................................ 62

ANNEXES.................................................................................................................................................... 65

ANNEXE I : GUIDES D’ENTRETIEN ............................................................................................................. 66

ANNEXE II : PLAQUETTE DE PRESENTATION DE R.E.L.A.I.S. – FORMULAIRE D’ADHESION ....................... 70 ANNEXE III : EXTRAITS DE LA PUBLICATION DE R.E.L.A.I.S., LE TEMOIN ................................................ 72

Premier numéro du Témoin (1978) ..................................................................................................... 72

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Extrait du dernier numéro du Témoin (2012, 20 pages) ...................................................................... 74

Extrait du dernier numéro du Témoin (20 pages, 2012) ...................................................................... 74

ANNEXE IV : LABELLISATION DES COMMERCES HANDI-ACCUEILLANTS ................................................... 75

Plaquette de présentation du label commerce handi-accueillant ........................................................ 75

Questionnaire de labellisation à destination des commerces .............................................................. 77

TABLE DES ILLUSTRATIONS ............................................................................................................... 78

I. LISTE DES TABLEAUX ...................................................................................................................... 78

II. LISTE DES GRAPHIQUES ................................................................................................................... 78

TABLE DES MATIERES .......................................................................................................................... 81

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Fanny Blein Alice Paget (Auteurs) EVOLUTION DE LA PLACE DES USAGERS DANS LE SYSTEME DE SANTE Une réponse avec l’histoire de R.E.L.A.I.S., l’association d’aphasiques de Lyon

84 Pages

Mémoire d'orthophonie -UCBL-ISTR - Lyon 2010

RESUME

La fin du vingtième siècle a vu l’avènement de la démocratie sanitaire où les usagers, nouveaux acteurs du système de soins, sont venus bouleverser les relations entre professionnels et profanes autour des questions de santé. Regroupés en associations, ces usagers ont progressivement constitué un contre pouvoir. Dans ce contexte, nous nous sommes interrogées sur la place de l’association des aphasiques de Lyon, R.E.L.A.I.S., dans le champ associatif de santé, au regard des relations qu’elle entretient avec les professionnels médicaux et politiques. L’histoire de R.E.L.A.I.S. est marquée par ses interactions avec le milieu médical : fondé par des professionnels qui se sont par la suite désinvestis de l’association, R.E.L.A.I.S. cherche aujourd’hui à s’afficher comme un interlocuteur légitime de la sphère médicale qui résiste à lui conférer un rôle de partenaire. Son fonctionnement s’apparente à celui d’une petite association qui s’organise autour d’un noyau de bénévoles impliqués et dont les ressources reposent essentiellement sur des réseaux personnels. Sa structuration apparaît comme peu pérenne et tend à compromettre la viabilité de l’association. Peu militante, celle-ci vise avant tout à faire connaître l’aphasie et à soutenir les personnes aphasiques et leurs familles face aux conséquences psychosociales que cette pathologie engendre. Œuvrant pour la diffusion de l’information autour de l’aphasie, R.E.L.A.I.S. a accompagné un élan national du mouvement aphasique qui a abouti à la reconnaissance de l’aphasie comme handicap. C’est actuellement au niveau local que l’association s’engage dans les politiques d’accessibilité pour une amélioration de la qualité de vie des personnes aphasiques. C’est dans cette dimension que R.E.L.A.I.S. joue essentiellement son rôle d’association d’usagers de la santé en valorisant l’expérience de ses membres comme une expertise profane.

MOTS-CLES

Usager – Association – Démocratie sanitaire – Aphasie – Histoire - Handicap

MEMBRES DU JURY

Caroline Leclerc

Laurence Tain

Sylvia Topouzkhanian

MAITRE DE MEMOIRE

Guillaume Jaubert

DATE DE SOUTENANCE

28 juin 2012

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Université CLAUDE BERNARD

INSTITUT DES SCIENCES et TECHNIQUES DE READAPTATION

MEMOIRE présenté pour l’obtention du

CERTIFICAT DE CAPACI

EVOLUTION DE LA PLAC

Une réponse avec l’histoire de R.E.L.A.I.S., l’association

Membres du Jury

LECLERC Caroline TAIN Laurence TOPOUZKHANIAN Sylvia

© Université Claude Bernard Lyon1

CLAUDE BERNARD LYON1

INSTITUT DES SCIENCES et TECHNIQUES DE READAPTATION

MEMOIRE présenté pour l’obtention du

CERTIFICAT DE CAPACI TE D’ORTHOPHONISTE

EVOLUTION DE LA PLAC E DES USAGERS DANS L

SYSTEME DE SANTE

Une réponse avec l’histoire de R.E.L.A.I.S., l’association

d’aphasiques de Lyon

Par

BLEIN Fanny PAGET Alice

Maître du Mémoire

JAUBERT Guillaume

Date d

© Université Claude Bernard Lyon1 - ISTR - Orthophonie.

N° 1654

TE D’ORTHOPHONISTE

E DES USAGERS DANS LE

Une réponse avec l’histoire de R.E.L.A.I.S., l’association

Date de Soutenance

28 juin 2012

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ARTICLE DE SYNTHESE

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TABLE DES MATIERES

ARTICLE DE SYNTHESE ........................................................................................................................ 2

Table des Matières ................................................................................................................................... 3

Résumé .................................................................................................................................................... 4

Mots-Clés ................................................................................................................................................. 4

Abstract .................................................................................................................................................... 4

Keywords .................................................................................................................................................. 5

Introduction ............................................................................................................................................... 6

Problematique et hypotheses ................................................................................................................... 8

Matériel et méthode .................................................................................................................................. 9

Résultats et discussion ...........................................................................................................................11

Conclusion ..............................................................................................................................................16

Bibliographie ...........................................................................................................................................17

Annexes..................................................................................................................................................19

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RESUME

La fin du vingtième siècle a vu l’avènement de la démocratie sanitaire où les usagers, nouveaux acteurs du système de soins, sont venus bouleverser les relations entre professionnels et profanes autour des questions de santé. Regroupés en associations, ces usagers ont progressivement constitué un contre pouvoir. Dans ce contexte, nous nous sommes interrogées sur la place de l’association des aphasiques de Lyon, R.E.L.A.I.S., dans le champ associatif de santé, au regard des relations qu’elle entretient avec les professionnels médicaux et politiques. L’histoire de R.E.L.A.I.S. est marquée par ses interactions avec le milieu médical : fondé par des professionnels qui se sont par la suite désinvestis de l’association, R.E.L.A.I.S. cherche aujourd’hui à s’afficher comme un interlocuteur légitime de la sphère médicale qui résiste à lui conférer un rôle de partenaire. Son fonctionnement s’apparente à celui d’une petite association qui s’organise autour d’un noyau de bénévoles impliqués et dont les ressources reposent essentiellement sur des réseaux personnels. Sa structuration apparaît comme peu pérenne et tend à compromettre la viabilité de l’association. Peu militante, celle-ci vise avant tout à faire connaître l’aphasie et à soutenir les personnes aphasiques et leurs familles face aux conséquences psychosociales que cette pathologie engendre. Œuvrant pour la diffusion de l’information autour de l’aphasie, R.E.L.A.I.S. a accompagné un élan national du mouvement aphasique qui a abouti à la reconnaissance de l’aphasie comme handicap. C’est actuellement au niveau local que l’association s’engage dans les politiques d’accessibilité pour une amélioration de la qualité de vie des personnes aphasiques. C’est dans cette dimension que R.E.L.A.I.S. joue essentiellement son rôle d’association d’usagers de la santé en valorisant l’expérience de ses membres comme une expertise profane.

MOTS-CLES

Usager – Association – Démocratie sanitaire – Aphasie – Histoire – Handicap

ABSTRACT

What is known as the health democracy emerged in France at the end of the twentieth century. The Health Service users were seen as new actors disrupting the relations between the professionals and the non-professionals on the question of health. They gathered into groups and progressively became an opposition force. Therefore we wondered what place R.E.L.A.I.S (Lyon aphasic people association) has found in the field of health associations, considering its relations with the medical and the political worlds. The story of R.E.L.A.I.S is influenced by its interactions with the medical circle. It was founded by professionals who then played a minor part in its management. Today it tries to show that it can legitimately interfere in the medical issues although the professionals tend not to consider it as a partner. It is a small association run by a circle of heavily involved volunteers and whose management depends on private means. As it relies on personal means, R.E.L.A.I.S is threatened to collapse. The association is not very militant and mainly aims at giving information about aphasia and supporting aphasic people and their families, especially as far as pychosocial consequences are concerned. It took part in the national campaign that led the authorities to recognize aphasia as a

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handicap. Today it works with the local politicians on the issue of accessibility to improve the life of aphasic people and thus plays the role expected from a health association in enhancing the experience of its members.

KEYWORDS

User – Association – Health democracy – History – Handicap

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INTRODUCTION

De nombreux mémoires d'orthophonie ont déjà été consacrés aux aspects sociaux et à l'environnement autour de la personne aphasique, notamment au travers d'études portant sur l'aidant naturel ou la réinsertion professionnelle. Nous avons choisi d'investiguer un domaine encore peu exploré par les sciences sociales (Carricaburu et Menoret, 2005, p.162) : celui du champ des associations de patients, au travers de l'association d'aphasiques de Lyon (R.E.L.A.I.S.). Ce travail nous a semblé intéressant dans la mesure où, aujourd'hui, les questions de santé ne se limitent plus au seul terrain de l'hôpital ou aux professionnels de la santé. D'autres acteurs se sont effectivement emparés de ces questions, en débattent et les portent sur la place publique, par le biais notamment des associations. Cette réflexion sur la place de l'usager du système de soins, au carrefour entre les politiques et les professionnels de la santé, s'inscrit par ailleurs dans un contexte particulièrement porteur en matière de réformes du système de soins. Nous avons pris le parti de proposer une perspective socio-historique au travers de l'évolution de l'association, de sa création en 1976 à aujourd'hui. Notre objectif a été de mettre en lumière les circonstances de sa naissance et dégager les grandes lignes de son développement et ses revendications au travers d'entretiens réalisés avec des membres de l'association et des professionnels dans les domaines de la santé et de la politique. L’aphasie s’apparente aux maladies chroniques dans ce qu’elle a de durable et dans ses répercussions dans la vie quotidienne du sujet. L’aphasie, en tant qu’atteinte durable, a été largement investie par le monde médical. Pour comprendre cette implication il faut considérer l’évolution historique du domaine médical en Occident où l'augmentation de l'espérance de vie est « un enjeu capital d'un point de vue scientifique et médical mais aussi économique et social ». (Carricaburu, Ménoret, 2005, p.93). La maladie aiguë a fait place à la maladie chronique et c'est désormais au malade qu'est en partie dévolue la gestion de sa maladie dont il doit réussir à « faire une forme de vie » en composant « entre les limitations que son état lui impose et les contraintes de la vie sociale, professionnelle, familiale. » (Adam, Herzlich, 1994, p.19) Sous l’impulsion des avancées techniques en neuro-imagerie, la médecine a investi de nouvelles sphères d’intervention dans le domaine des déficits neurologiques. Ces atteintes durables ont rejoint le statut de maladies chroniques, constituées autour de lésions objectivables. La prise en compte de l’aphasie soulève d’autres questions. En effet, dans le cas d’une atteinte de la communication, la simple prise en compte du déficit ne permet pas de considérer toutes les implications de la pathologie en question. La communication ne pouvant pas être considérée à l’échelle d’un seul individu, l’adoption d’une perspective sociale pour pouvoir penser l’aphasie est alors indispensable. La perte du langage, dans ses dimensions d'expression et de compréhension, engendre une limitation de la communication qui a des répercussions sur toutes les sphères de la vie : familiale, sociale et professionnelle. Pour Létourneau (1991, p.66), l'aphasie est sans doute « la séquelle la plus importante, la plus invalidante, autant au plan personnel, social et économique, causée par un dommage cérébral ».

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Le temps est une notion importante pour considérer l’aphasie. A un rythme initial soutenu où peuvent opérer des récupérations fonctionnelles importantes dans un cadre très médicalisé va succéder une phase plus lente, moins investie médicalement. La prise en compte des déficits se fait sous l’angle d’une rééducation de longue haleine. C’est alors que la conception de troubles durables pose la question du handicap. La notion de handicap est une notion récente qui a émergé progressivement, dès le début du XXème siècle. Elle est le résultat d’une conjugaison entre d’une part un contexte social marqué par l’Etat providence et d’autre part le développement de nouvelles pratiques rééducatives et réadaptatives (Winance, 2004, p.201). Le handicap est défini comme un écart à la norme sociale, comme l'évoque Goffman dans Stigmate : « une acceptation fantôme est à la base d’une normalité fantôme » (1975, p.145). Dans le cas de l'aphasie, la révélation du stigmate intervient à l’âge adulte après l’intégration de normes, bouleversant un système qui s’était alors construit sans cette donnée. Cette adaptation au stigmate n’est pas dépendante de la sévérité de l’aphasie (Brochot et Lagarde, 2007). Il s’agit d’une construction personnelle dépendante de facteurs sociaux et environnementaux. L’attribut stigmatisant devient une norme au sein d'un groupe de pairs où « parmi les siens, l’individu stigmatisé peut faire de son désavantage une base d’organisation pour sa vie » (Goffman, 1975, p.33). Le cadre d’une association de patients offre un contexte de ce type dans lequel l’individu stigmatisé bénéficie du soutien de ses « compagnons d’infortune » (ibid. p.32). Le groupe stigmatisé, en cherchant à se représenter auprès d’instances médicales et administratives, prend part au débat : on voit alors émerger les notions d'usager de la santé et de démocratie sanitaire. Le rôle des associations de santé est à relier au contexte d’émergence de la démocratie sanitaire qui « recouvre l'idée d'une participation des usagers au fonctionnement du système de santé ainsi que l'instauration de droits spécifiques » (Romeyer, p.160) L’usager incarne désormais un nouveau contre-pouvoir qui vient remettre en question la légitimité des professionnels à être seuls décisionnaires. L'usager devient un interlocuteur actif et privilégié des pouvoirs publics et s'inscrit également au coeur d'une interaction avec les professionnels : l'usage du terme « usager" s'inscrit dans une tentative de redéfinition des relations entre les malades et les professionnels de santé, entre les citoyens et les institutions. » (Cresson, Schweyer, 2000, p.9). La place de l'usager est renforcée par un cadre juridique qui ne cesse de s'étoffer dans les années 2000 : loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de soins, loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, loi HPST (Hôpital, Santé, Territoire) du 21 juillet 2009. Si l'usager se voit conférer des droits et une représentation légale dans les instances décisionnelles en matière de santé, sa légitimité et son poids sur le terrain n'en sont pas moins discutés. « Plus les décisions sont prises par l'expert, et moins elles ne peuvent l'être par le profane. » (Freidson, 1984, p.328) Chacun doit clairement définir ses rôles et ses statuts pour accepter un partage des pouvoirs dans les décisions. Il s'agirait davantage de promouvoir une reconnaissance mutuelle entre tous les acteurs (professionnels et profanes) que de renforcer l'empowerment des usagers (Letourmy, 2009, p.8). La gestion de la complémentarité entre professionnels et profanes semble cependant épineuse à gérer : « Comment se positionner comme interlocuteur légitime sans être agressif? » s'interrogent Akrich, Méadel et Rabehariosa. (2009, p.88) Différentes stratégies et postures sont adoptées par les associations pour faire face à cette dualité. Cependant, le paysage associatif dans le domaine de la santé n’est pas uniforme.

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Sous l'appellation d'associations de santé se regroupe un ensemble très large et hétéroclite d'associations, de celles publiquement connues comptant un nombre important d'adhérents au niveau national aux associations locales plus modestes. En France, 8000 associations de santé sont répertoriées par l'annuaire des Associations de Santé. Elles représentent environ 15% des associations reconnues d'autorité publique et se placent en 4ème position derrière les associations à caractère social (24%), l'éducation (16,5%), la culture et les sciences (15,2%) (Fayn, 2005, p.154). Actuellement, deux modèles d'organisation coexistent : d'un côté des petites associations avec un noyau de bénévoles très impliqués et de l'autre des associations avec des moyens financiers importants et dont la direction est confiée à des professionnels moins impliqués. Les premières sont victimes d'un épuisement des bénévoles face à la charge de travail et sont limitées dans leurs actions par leurs compétences face à des questions complexes. Dans les secondes, les professionnels en charge du management sont pointés du doigt : leur manque d'implication et de motivation serait un frein à la dynamique de l'association. (Akrich, Méadel, Rabehariosa, 2009, p.9)

PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES

L’avènement de la démocratie sanitaire a vu se multiplier des associations de santé comme entités de représentation des usagers dans le système de soin. Ces associations sont venues bouleverser un paysage politique et médical jusqu’alors exclusivement géré par des professionnels. Il n’existe pas un modèle unique d’association de santé mais une pluralité de structures allant de grandes associations nationales, militantes et gérées professionnellement, à des organisations locales plus modestes et bénévoles dont la visibilité et l’action sont moindres. Cette évolution intervient à un moment où le concept de handicap devient un sujet sociétal. Les problématiques soulevées par l’aphasie s’inscrivent dans cette interrogation du rapport à la norme. Notre questionnement s’articule autour de ces éléments : à un niveau local, dans quelle mesure R.E.L.A.I.S. s’apparente-t-il à une association de santé ? Comment se positionne cette association dans la dynamique de redéfinition du système de soins? En réponse à cette problématique, nous avons dégagé trois hypothèses Première hypothèse R.E.L.A.I.S., né d’une initiative du monde médical a gagné en indépendance tout en voyant ses relations avec cette sphère se complexifier et se cristalliser autour de la question de la légitimité. Deuxième hypothèse R.E.L.A.I.S. s’insère dans un tissu associatif polymorphe où son statut de petite association détermine les conditions d’un fonctionnement dépendant de ressources personnelles et reposant sur une gestion bénévole.

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Troisième hypothèse La scène politique locale permet à R.E.L.A.I.S. de se positionner en tant qu’association de santé et de faire valoir son expertise en matière de handicap.

MATERIEL ET METHODE

Pour ce travail, nous avons réalisé une monographie en privilégiant une approche qualitative reposant sur trois entrées: l'observation directe, l'analyse documentaire et l'analyse d'entretiens. Nous avons été en position d’observation directe lors de nos premières prises de contact avec l’association. Ces situations ont été l’occasion de prises de notes succinctes concernant le cadre des permanences, l’ambiance de ces réunions et la gestion de nos demandes par les membres du Bureau de l’association. L’observation directe s’est limitée à ces visites préliminaires qui nous ont permis de mieux circonscrire notre objet d’étude et de nous imprégner de l’esprit de l’association avant d’entreprendre l’exploration des documents mis à notre disposition. La documentation directe recouvre « tout ce qui constitue la trace directe d'un phénomène social » (Loubet Del Bayle, 2000, p.114). L'association a mis à notre disposition l'ensemble des numéros du Témoin, la publication annuelle de R.E.L.A.I.S., envoyée aux adhérents. La lecture de cette publication a été à la fois à visée exploratoire et à visée complémentaire. Dans un premier temps, nous avons relevé systématiquement des éléments utiles à l'élaboration de notre grille d'entretien à partir d'axes thématiques et des occurrences relevées. Le Témoin est à la fois une publication visant à informer les membres de la vie de l’association et de ses adhérents et un espace de débat et de discussion autour des questions de santé. La lecture préalable de cette publication nous a permis d’avoir une vue d’ensemble de la vie de R.E.L.A.I.S. avant d’aborder nos entretiens. Dans un second temps, nous avons procédé à une relecture de ces publications après la retranscription des entretiens pour mettre en perspective les informations recueillies dans le journal, voix de l'association, avec le discours personnel de chacun des acteurs rencontrés. Parmi les personnes que nous avons rencontrées, certaines nous ont également fourni leurs archives privées : personnelles (notes, lettres...) ou non personnelles (coupures de presse, brochure...). Nous avons enfin réalisé des entretiens à partir des grilles d'entretien élaborées en amont à partir des nos lectures. Pour Blanchet et Gotman (2007, p.15), l'entretien consiste en une production de discours in situ, c'est à dire dans une situation sociale de rencontre et d'échanges qui va au delà d'un simple relevé d'informations. Il requiert une démarche participative des deux partis qui donne naissance à un processus interlocutoire. L'entretien a pour objectif d'explorer par la parole des faits recouvrant des systèmes de représentation et des pratiques sociales formulées à partir d'un vécu personnel. Notre guide d'entretien nous a permis de structurer le déroulement de l'entretien en ciblant des thèmes sans diriger le discours. Dans le cadre d'un entretien semi-directif, le guide d'entretien est un outil formalisé suivant sur « une trame souple de questions, qui traduit les questionnements de la problématique et les hypothèses en questions concrètes, formulées simplement, à poser à l'interlocuteur. » (Alami, Desjeux et Garabuau-Moussaoui, 2009, p.84) Nous en avons construit quatre : pour les professionnels fondateurs, les membres du

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Bureau, les professionnels en lien avec l'association et l'homme politique. Nous nous sommes appuyées sur les guides pour formuler des relances pertinentes et ainsi balayer l'ensemble des thèmes que nous souhaitions voit aborder. Ces thèmes ont été choisis à partir de notre recherche bibliographique et de la lecture du Témoin. Nous avons modifié la teneur du guide au fur et à mesure des entretiens en fonction de nouvelles questions que ces derniers pouvaient soulever. Dans le cadre d'un travail fondé sur l'utilisation d'entretiens semi-directifs et dans la mesure où notre question concerne un nombre circonscrit d'acteurs, nous avons cherché à « diversifier au maximum les types de personnes interrogées » (Quivy et Campenhoudt, 1995, p.151) Il nous ainsi a semblé pertinent de cibler quatre types de sous-population pour répondre à notre questionnement (voir annexe 1 pour présentation de la population) : - les membres fondateurs : l'association est née en 1976 à l'initiative d'une équipe pluridisciplinaire (orthophoniste, psychologue et audiophonologiste) autour du Docteur M., neurologue, à l'Hôpital Neurologique de Lyon. Nous avons pu retrouver deux de ces membres fondateurs pour retracer la genèse de l'association et déterminer le contexte à la fois médical et social dans lequel elle a vu le jour. Nous avons inclus dans les membres fondateurs l'épouse d'un patient aphasique qui s'est investie dès le début auprès de ces professionnels. - les membres actuels du Bureau : nous avons rencontré trois personnes qui occupent actuellement une fonction au sein de l'association (présidence, secrétariat et trésorerie). Nous souhaitions pouvoir faire un état des lieux de l'association aujourd'hui dans son développement et ses projets. - les professionnels actuellement en lien avec l'association : il nous a paru essentiel d'évaluer le type de relation qui se joue entre l'association et les professionnels, notamment au regard des deux orthophonistes avec lesquelles nous nous sommes entretenues. - un homme politique en lien avec l'association : pouvoir analyser le discours d'un individu qui ne soit pas, contrairement aux autres personnes rencontrées, en prise directe avec l'aphasie et qui entretienne cependant avec l'association des liens nous a semblé pertinent. Nous voulions par ailleurs pouvoir recueillir un discours de la sphère politique pour compléter notre travail autour des membres et des professionnels. Nous avons procédé à deux types d'analyse après retranscription des entretiens: l'analyse verticale et l'analyse horizontale. Nous avons dans un premier temps procédé à une analyse verticale. Elle consiste en une lecture spécifique de chacun des entretiens, qui « repose sur l'hypothèse que chaque singularité est porteuse du processus, soit psychologique, soit sociologique que l'on veut analyser. » (Blanchet et Gotman, 2007, p.96) Nous avons ainsi rédigé des portraits synthétiques de tous les interviewés pour dégager leur logique interne et la direction qu'ils ont donnée à l'entretien. L'analyse de ces portraits nous a permis de mettre en lumière les arguments forts et les convictions personnelles de chacun sur les sujets abordés. Nous avons ensuite réalisé une analyse horizontale qui consiste en un découpage par thème des entretiens soumis à un travail systématique de fragmentation. Ce type d'analyse permet de « passer d'une approche centrée sur la cohérence propre à chaque individu à une approche transversale centrée sur la cohérence thématique de l'ensemble des données recueillies. » (Alami, Desjeux et Garabuau-Moussaoui, 2009, p.106). Ce travail nous a permis de mettre en relief les similitudes ou les contradictions sur un même thème selon les acteurs.

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Nous avons choisi de présenter nos résultats sous forme d’axes thématiques. En effet, l’échantillon de population étudié, divisé en quatre sous-types ne se prête pas à la présentation d’idéaux types. Compte tenu de la taille de notre terrain d’investigation, notre corpus d’entretiens ne nous a pas permis d’atteindre une saturation des données.

RESULTATS ET DISCUSSION

Par le biais de l’exploitation des données bibliographiques, du corpus des entretiens et de l’observation directe, nous avons pu retracer l’histoire de R.E.LA.I.S. à travers son organisation propre et l’évolution de ses liens avec le monde médical d’une part et le monde politique d’autre part.

1. Associations et professionnels de santé : des relations

interdépendantes où se jouent une quête de légitimité et

une reconnaissance identitaire

R.E.L.A.I.S. incarne un paradoxe : elle se présente comme une association d’usagers de la santé alors que sa fondation repose sur une initiative des professionnels. Malgré une volonté affichée de ces derniers de s’affranchir de leur investissement et de réaffirmer leur statut d’expert, l’association n’a pas gagné en autonomie et reste dépendante d’une légitimité qu’elle ne se voit pas accorder par le monde professionnel.

Les entretiens menés avec des membres de l’équipe hospitalière nous ont permis de resituer le contexte de la création de l’association : l’émergence de l’association fait suite à la mise en place de travaux de groupes au sein de l’Hôpital Neurologique, qui ont été particulièrement investis par les patients. Les témoignages recueillis quant à cette période convergent à tracer un contexte favorable à la création d’une association, de par les volontés mises en œuvre mais aussi grâce à un contexte scientifique foisonnant et stimulant permettant d’envisager la création d’une association en dehors du cadre de soin hospitalier.

Le paradoxe soulevé par les éléments recueillis autour de la création de l'association pose la question essentielle de l'identité de l'association et nous interroge sur sa capacité à se singulariser et se distancier d'un groupe thérapeutique et médicalisé dont elle tire ses fondements. Il semble qu'au moment de la création, seuls les professionnels étaient en mesure d'initier un tel projet. Par la suite, la présence des professionnels à la création de l'association ont semblé une condition nécessaire à sa visibilité et sa crédibilité. Aussi, comme le souligne Françoise, c'est le Docteur M. qui a présidé l'association « assez longtemps pour qu'il y ait une autorité médicale qui leur donne un peu d'importance, qui leur permette d'être en vue. » La légitimité de l'association ne peut être garantie que par la présence d'une autorité médicale indiscutée et indiscutable. Le désinvestissement des professionnels marque en effet une perte de légitimité de l’association.

Ce désinvestissement progressif et volontaire des professionnels dans la gestion et la vie de l'association nous interroge sur les objectifs qui le sous-tendent : derrière le but affiché de permettre à l'association de gagner en autonomie se dessine une volonté de mieux marquer la frontière entre profanes et professionnels.

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Les entretiens menés avec les professionnels comme ceux menés avec les familles mettent en lumière la difficulté de l'association à s'affranchir de l'intervention des professionnels. La volonté initiale des fondateurs de se désengager de l'association repose sur la nécessité de briser la relation ascendante imposée par le cadre thérapeutique et l'autorité médicale. Parallèlement, il apparaît que les structures médicales souhaitent tenir à distance R.E.L.A.I.S. Pour Pénélope, les centres de rééducation fonctionnelle « ne les accueillent pas forcément à bras ouverts ». Mais ce sont surtout les relations avec les hôpitaux qui sont évoquées lors des entretiens.

Dans les discours comme dans les faits, le monde médical semble vouloir tenir à distance une association qui entreprend des démarches pour reconquérir un territoire qui la délaisse et sur lequel elle veut affirmer sa légitimité. La tension entre profanes et professionnels s'exprime dans cette quête identitaire où la légitimité de l'association ne peut s'affirmer que si le monde médical la reconnaît. Face à la résistance de l’institution à accorder à l'association le statut légitime d'interlocuteur et d'acteur dans sa participation à la démocratie sanitaire, il semble que le monde médical se sente menacé dans son autorité ou dépossédé de son expertise.

Le désengagement progressif des professionnels dans la vie de l'association et l'avènement de la démocratie sanitaire qui valorise les droits des usagers vont dans le sens d'une valorisation du statut des malades, qui du fait de leur expérience de la maladie, deviennent légitimes pour participer au système de soins aux côtés des professionnels. Dans le cas de l'aphasie, cette évolution est à mettre en lien avec les connaissances sur la maladie qui se sont affinées depuis 1976. En effet, la naissance de l’association intervient dans une période charnière quant à la prise en charge de l’aphasie. Cette pathologie est alors peu investie par les professionnels de santé et le vécu de l’aphasie est marquée par un recours important aux conseils des pairs. C’est dans ce contexte que R.E.L.A.I.S. a joué et joue encore un rôle de mise en lien entre orthophonistes et patients.

Sur ce terrain, si les orthophonistes apparaissent comme des acteurs légitimes pour parler de l'aphasie, il semble également que les usagers cherchent à se poser en interlocuteurs privilégiés sur le sujet. Malgré cette volonté, R.E.L.A.I.S semble à ce jour avoir encore beaucoup de chemin à parcourir pour qu'une telle légitimité lui soit conférée unanimement par les professionnels.

Notre analyse trouve ses limites dans le fait que nous ne nous sommes pas rendues sur le terrain de l’Hôpital Neurologique pour recueillir la position des professionnels de santé et confronter ainsi les points de vue. C’est suite à l’analyse des résultats que ce constat s’est dégagé. A posteriori, nous mesurons la nuance que pourraient apporter ces données. La recherche des professionnels de santé à l’origine de la création de R.E.L.A.I.S. n’a pas toujours abouti, notamment concernant son fondateur le Dr M. qui a joué un rôle majeur dans l’histoire de l’association. Par ailleurs, le petit nombre d’entretiens possibles avec des professionnels actuellement en lien avec l’association ne nous permet pas de dégager des récurrences. Ce sont essentiellement ces points qui nous ont paru constituer les principales limites de notre recherche.

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2. R.E.L.A.I.S. ou les problématiques d’une petite association

dans le champ de la santé

Le fonctionnement de l’association est représentatif de celui d’une petite structure reposant sur des ressources personnelles, non pérennes. La gestion de R.E.L.A.I.S. traduit les influences qui se jouent entre ses membres dans un cadre où les rôles de chacun peuvent se confondre.

En tant que petite association, R.E.L.A.I.S. est la somme des volontés qui la composent. Il n’y a pas de notion d’expertise ou d’investissement professionnel d’un domaine. Chaque tâche est attribuée à celui qui sera le plus volontaire : « Ca prend du temps parce que je suis pas experte, je me suis formée sur le tas donc je bidouille beaucoup. » (Béatrice). L’activité de l’association est donc très liée aux compétences de ses membres.

Au sein de l’association, les familles tiennent un rôle central. En contrepartie du soutien moral qui leur est apporté, les familles se sont historiquement investies pour le bon fonctionnement de l’association.

L’implication des conjoints a toujours été un élément fort du fonctionnement de l’association. La vie d’une association étant rythmée de communication, on peut imaginer combien l’aphasie peut gêner les tâches courantes d’administration. Jusqu’à une période récente, le Président nommé à la tête de l’association était davantage un Président honoraire qu’un membre tenant réellement son rôle administratif. « Moi, j’étais la secrétaire de deux Présidents précédemment qui ne parlaient pas donc j’étais obligée un petit peu de prendre les initiatives. » (Béatrice, membre du Bureau de l’association).

Il se dégage trois grandes phases de la vie de l’association. Les débuts de l’association nous ont été présentés comme une période positive, où l’association faisait particulièrement corps. Les membres de la première heure avaient fait connaissance à l’Hôpital Neurologique et certains se fréquentaient par ailleurs, donnant au groupe une cohésion amicale. Progressivement, c’est une gestion différente qui va s’instaurer, avec une administration assurée dans l’ombre, par les membres non-aphasiques. Ce manque d’incarnation de l’association n’a semble-t-il pas affaibli l’association. Cependant, cette dissociation entre décideurs officiel et officieux a contribué à un certain flou dans le rôle de chacun au sein de l’association. Cette phase de « présidence honoraire » passive va alors durer jusqu’à la présidence actuelle qui est décrite par tous comme un changement important dans l’association. « Le grand changement, c’est d’avoir une Présidente plus à même de jouer son rôle. […] Elle, elle fait beaucoup de relations publiques et c’est sûr qu’elle a de la personnalité. » (Béatrice).

Le rayonnement de R.E.L.A.I.S. peut être apprécié par le biais de la nature des réseaux mis en jeu dans la vie de l’association et à leur pérennité. Ceux-ci relèvent le plus souvent de réseaux personnels mobilisés par les membres. De plus, en ne sollicitant pas de rapprochement avec d’autres associations de santé, l’association apparaît relativement isolée. Ce constat, partagé par ses membres, constitue un élément identitaire de R.E.L.A.I.S.

Il reste cependant un lieu où les représentants de l’association côtoient d’autres associations de santé : la commission d’accessibilité de la mairie du huitième

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arrondissement. Cet aspect de l’engagement de l’association est un élément nouveau au regard de la participation historique à la politique de la ville.

Enfin, d’un point de vue interne, un déterminant fort de la vie de l’association reste sa démographie. L’étude documentaire a pu mettre en évidence des effectifs en baisse depuis une dizaine d’année. Ce paramètre a été évoqué en entretien par les membres du Bureau de l’association comme un motif d’inquiétude. Le manque de renouvellement des adhérents est également une donnée transverse dans les entretiens.

Pour ses membres, évoquer la vie de l’association passe avant tout par la description des activités qui y sont proposées. Le handicap n’est jamais au premier plan dans ces descriptions. Une part importante de la motivation à fréquenter l’association réside dans cet « entre soi ». La femme d’un membre de l’association raconte le plaisir de son mari à se retrouver entre pairs : « il rencontrait des gens, il pouvait jargonner tout à son aise » (Béatrice). Le thème des activités est cher aux adhérents, leur développement est le principal moteur de la recherche de partenariat et de ressources extérieures.

Cette manière d’envisager l’association s’apparente à une monographie et reste attachée à des individualités. Une étude comparative, incluant d’autres associations locales de personnes aphasiques permettrait d’appréhender plus finement les interactions que de telles associations mobilisent et de dégager des caractéristiques inhérentes à ce type de groupes.

3. D’une revendication historique du handicap à un

investissement de la sphère politique, pour défendre une

qualité de vie

La reconnaissance de l’aphasie comme handicap a été un combat fédérateur pour le mouvement aphasique français. Les défis actuels sont davantage scindés entre niveaux local et national. Ainsi, R.E.L.A.I.S. s’investit aujourd’hui dans des politiques de proximité lui permettant d’acquérir une nouvelle légitimité.

Dans le cadre de nos entretiens, nous avons recueilli de nombreux témoignages reflétant le manque d’information du public et des professionnels de santé. Ce constat est d’autant plus sévère à l’époque de la création de l’association. Dans ce contexte de méconnaissance de l’aphasie, le discrédit social était d’autant plus grand. Une des difficultés sociales relatives à l’aphasie réside également dans la nature de ce trouble. En effet, l’aphasie n’étant pas visible, elle surgit bien souvent dans la rupture qu’elle impose dans l’échange. Ainsi, le discrédit lié à l’aphasie s’exprime de façon cruciale dans les interactions quotidiennes de la personne aphasique. Stigmatisés par un trouble incompris, les aphasiques se sont alors mobilisés pour faire reconnaître leur handicap. Cette revendication a été portée par les premières associations françaises, Fabienne raconte : « Moi, je suis allée au Ministère avec M. Y une année et puis alors, on a fait des (…) dossiers sur l'aphasie qu'on a envoyés à tous les hommes politiques: députés... ». Peu à peu, les initiatives individuelles se sont organisées au niveau national afin de faire connaître l’aphasie. C’est dans ce contexte que la F.N.A.F. a été créée en 1985 ; « On leur considérait une invalidité de 30 %. Un peu grâce à l'association et à la fédération, peu à peu, on a admis qu'ils soient invalides à 80 %. » (Fabienne). Un même mouvement est

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opéré quant aux revendications actuelles autour de l’aphasie. La reconnaissance de l’aphasie n’est pas un combat considéré comme gagné par les membres de l’association. La F.N.A.F. est présentée comme le coordinateur de ces actions de grande envergure. Il existe une dissociation forte entre les moyens dévolus aux actions nationales, influentes et médiatisées, et ceux mobilisés au niveau local. La modestie des actions de R.E.L.A.I.S. repose en partie sur son incapacité à mobiliser des personnalités influentes.

L’investissement de R.E.L.A.I.S. dans les politiques locales contribue à communiquer davantage au sujet de l’aphasie. Pour autant, cette participation prend avant tout la forme d’une représentation au sein de structures préexistantes. La capacité de R.E.L.A.I.S. à se faire entendre individuellement reste mineure.

Les liens entre R.E.L.A.I.S. et les instances politiques locales relèvent de deux mouvements : d’une part, le financement de l’association passe en partie par son subventionnement public. D’autre part, R.E.LA.I.S. participe aux décisions politiques en matière d’accessibilité.

La première source de financement de l’association provient des cotisations des adhérents et du soutien financier apporté par les membres bienfaiteurs. L’effectif de ces derniers varie peu, entre 15 et 20 personnes, il est constitué de proches des membres de l’association et de professionnels de santé. Une source ponctuelle de financement provient de fondations et d’associations de type club service allouant à titre caritatif des subventions à certaines associations. Ces financements restent anecdotiques mais ont historiquement permis à l’association de se développer. Enfin, les subventions publiques sont de nature inconstante. Celles-ci sont attribuées sur demande et supposent la constitution d’un dossier explicitant les motivations de cette démarche et les projets pouvant être financés par ce moyen. L’aspect répétitif et chronophage de ces démarches a été unanimement évoqué au cours des entretiens avec les membres, historiques ou actuels, de l’association. L’ensemble de ces éléments contribue à affirmer que R.E.L.A.I.S. dispose de moyens limités, dont la stabilité est difficilement acquise. Ce financement au « coup par coup » tend à limiter les projets de l’association. Pour autant, ce manque de moyen n’est pas unanimement vécu comme négatif, cet élément rejoint même la revendication d’être une « petite association ».

La Commission d’Accessibilité de la mairie du huitième arrondissement réunit les représentants de 27 associations fédérées autour de handicaps de différentes natures. Elle organise des concertations dans le cadre d’un objectif d’accessibilité globale de la voirie. Cette notion de concertation est aujourd’hui au premier plan dans l’élaboration des politiques d’accessibilité. « L’intervention des multiples acteurs de la chaîne d’accessibilité (ministères, autorités publique, associations…) est souhaitée pour accroître le dialogue et la concertation. » (Thomas, 2005, p.25) Cette instance a été créée dans la continuité de la politique du handicap menée par la ville, à l’initiative d’un adjoint au maire du huitième arrondissement, chargé de la sécurité et du handicap. L’investissement de cet homme politique dans la Commission d’Accessibilité trouve des résonances dans sa trajectoire personnelle : « les personnes handicapées, bon, j'ai une expérience parce que j'étais chargé d'insertion à l'Association des Paralysés de France, pour les personnes handicapées physiques. J'ai travaillé pendant dix ans sur ce thème là. Et donc c'est vrai que je connais bien ce milieu du handicap. Ce qui a fait que quand j'ai été élu à mon premier mandat, j'ai demandé au Maire de pouvoir travailler sur les personnes à mobilité réduite qui étaient peu prises en charge sur l'arrondissement. »

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(Paul). L’implication de cet élu au sein de l’APF n’est pas un élément neutre dans la mesure où cette association a tenu un rôle prépondérant dans l’émergence de la notion d’accessibilité. (Thomas, 2005, p.21)

Dans le cadre de cette commission, une soirée publique est organisée. Celle-ci se compose de témoignages et de conférences, c’est une soirée publique qui permet aux associations de communiquer sur le thème du handicap. A ce titre, cette soirée est un cadre privilégié offert à R.E.L.A.I.S. pour faire connaître l’aphasie. En effet, la Commission d’Accessibilité s’impose comme le vecteur principal d’opportunité de communication pour l’association. A ce sujet, Paul commentera : « Mais je pense que c’est bien parce que au moins elles [les personnes aphasiques] veulent montrer qu’elles existent. Se positionner dans la société, c’est une bonne chose. On avance comme ça ».

L’approche de la sphère politique ne s’est faite que par l’intermédiaire d’un seul interlocuteur dont le discours a été fortement marqué par une rhétorique professionnelle, ce qui constitue une limite importante de notre travail.

CONCLUSION

Notre travail de recherche nous a amenées à dresser une biographie de R.E.L.A.I.S à la fois rythmée par des moments forts, comme sa création en 1976 ou la reconnaissance de l'aphasie comme handicap, et par une évolution de la nature même de sa composition. Il nous a également permis de mettre en perspective le concept de handicap sur les trente dernières années au regard de l'évolution des connaissances et de l'information diffusées sur l'aphasie. Marquée par la présence des professionnels de santé à sa naissance, l'association semble avoir perdu en légitimité au fil du désengagement progressif de ces mêmes professionnels. D'une manière générale, le fonctionnement de R.E.L.A.I.S s'appuie davantage sur la volonté de bénévoles investis que sur une organisation structurée et construite dans une dynamique militante et d'ouverture sur l'extérieur. Hormis son investissement dans la sphère politique par sa participation à la Commission d'Accessibilité du 8ème arrondissement de Lyon, l'association ne présente pas d’éléments distinctifs et inhérents à une association d'usagers de la santé. Elle s'apparente davantage à une association amicale, regroupant des personnes aphasiques et leurs familles avec pour objectif premier de partager ensemble des moments de convivialité et d'échanges.

En revanche, l'exemple de R.E.L.A.I.S illustre bien la difficulté des petites associations locales et composées uniquement de bénévoles à survivre et à trouver leur place sur la scène publique et dans le champ associatif. Il existe effectivement une dichotomie importante entre des associations nationales organisées, influentes et financièrement bien dotées, et des associations locales, formées de bénévoles et dont la démarche se situe à un niveau moins politique et militant que social. Les actions de R.E.L.A.I.S se jouent sur un mode plus personnel et immédiat et les revendications ne sont pas au premier plan de leur démarche et leurs projets.

Malgré son champ d'action limité et sa difficulté à associer à son fonctionnement des professionnels de la santé, l'association semble aujourd'hui prête à mener un combat visant à affirmer sa légitimité à se voir accorder des permanences dans les hôpitaux lyonnais et à faire valoir auprès du monde médical l'expertise de leur vécu. Il serait pertinent de poursuivre le travail que nous avons mené pour voir dans quelle mesure ce

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nouvel objectif peut apporter une dynamique à une association qui a du mal à rayonner sur l'extérieur.

Les personnes que nous avons rencontrées et les expériences dont ils nous ont fait part nous ont également amenées à nous interroger sur les types de relations que peuvent entretenir les professionnels avec des associations de santé qui fédèrent des patients qu'ils reçoivent chaque jour en consultation. Il serait ainsi intéressant d'entreprendre un travail sur le rapport des professionnels aux associations de santé : intérêt, crainte, investissement, distance... Autant de postures qui amènent à penser que les associations de santé ne laissent pas indifférent.

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ANNEXES

1. Présentation de la population

Type de sous-population Nom

Membres fondateurs Florence Françoise Fabienne

Membres actuels du Bureau Béatrice Brigitte Barbara

Professionnels de santé en lien avec l'association

Patricia Pénélope

Homme politique en lien avec l'association Paul

2. Inventaire des documents recueillis

Nature Période couverte Le Témoin, publication annuelle de l'association

de 1978 à 2012 (à l'exception du n°14, année 1988)

Cahier de bord de 1976 à 2003 Compte-rendu d'Assemblée Générale 1980, 1989, 1990, 1992, 1996 Compte-rendu d'activités 1984, 1988-89, 1993-94, 1994-95, 1997-98

Bilans financiers 1988-89, 1989-90, 1995-96, 1996-97, 1997-98, 1998-99, 2002

Statuts de R.E.L.A.I.S. déposés le 21/12/76 Discours d'anniversaire de l'association 1996 (20 ans), 2006 (30ans)

Correspondances avec d'autres organisations 1986 (Association Vaudoise des Aphasiques, Lausanne)

1996 (Académie des Sciences, Belles Lettres et Arts de Lyon)

Extraits de pièces de théâtre (fête annuelle du R.E.L.A.I.S.) Témoignages de membres aphasiques Coupures de journaux