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Mec. Ind. (2000) 1, 539–544 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S1296-2139(00)01060-5/FLA L’impact de l’ingénierie collaborative sur la formation et le travail de l’ingénieur Daniel Coutellier a, c *, Yves Nadot b, c a École Nationale Supérieure d’Ingénieurs de Mécanique Énergétique de Valenciennes, Le Mont Houy, 59313 Valenciennes cedex 9, France b École Nationale Supérieure de Mécanique et d’Aérotechnique, Téléport 2, BP 109, Site du Futuroscope, 86960 Futuroscope cedex, France c Réseau POLYMECA (CESTI, ENSIMEV, ENSMA, ENSMM) (Reçu le 26 janvier 2000 ; accepté le 13 octobre 2000) Résumé — Les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) prennent une place de plus en plus importante dans le métier de l’ingénieur. Que ce soit à travers l’utilisation de bases de données disponibles à partir d’Internet ou en utilisant des outils de travail partagé voire encore en travaillant à distance par visioconférence, l’ingénieur doit concevoir plus rapidement en collaborant avec des entités réparties dans le monde entier. Nous proposons de présenter les technologies existantes ou émergeantes illustrées par quelques exemples pour essayer d’analyser et de cerner les conséquences que peuvent avoir les NTIC sur le métier de l’ingénieur et sur sa formation. 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS NTIC / coopératif / ingénierie / Internet / formation / visioconférence Abstract The impact of collaborative engineering on the engineering profession and training. New information and communication technology (NICT) are playing an increasingly pivotal role within the engineering profession. Be it via the use of databases available through the Internet, or by using shared work tools, or even by remote-controlled tasks via videoconferences, the engineer is able to design more rapidly thanks to a cooperation with entities located the world over. Our aim is to introduce the existing and emerging technologies, illustrated by a few examples, in order to propose a tentative analysis and definition of the fallout of NICT over the whole engineering profession and training. 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS NICT / concurrent / engineering / Internet / training / videoconference 1. INTRODUCTION Les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) commencent à bouleverser cultu- rellement les relations dans le travail. Dans le domaine de l’ingénierie mécanique avec l’apparition de la maquette numérique une révolution est déjà en cours et l’apport de systèmes de gestion de données techniques va trouver tout son sens dans ce contexte où de multitudes d’infor- mations concernant un projet sont à gérer dans des sites quelques fois distincts géographiquement. Les NTIC ap- portent alors toutes leurs puissances et le changement dans l’organisation du travail va certainement s’accélé- rer, il est donc important de la suivre et d’anticiper ce phénomène dans la formation des ingénieurs. * Correspondance et tirés à part : [email protected] Après une présentation rapide de quelques outils, l’impact des NTIC sur les modes de coopérations sera développé. À travers cet article nous allons essayer de montrer quelques aspects importants que peuvent apporter les nouvelles technologies. 2. LES NTIC ET LEURS APPORTS 2.1. Introduction Les évolutions dans le domaine des nouvelles techno- logies modifient le système d’information [1]. Elles per- mettent la possibilité d’automatiser les tâches administra- tives et techniques. Elles entraînent aussi un changement du fonctionnement interne. La veille technologique et le travail de groupe deviennent des facteurs d’efficacité. La messagerie s’implante de plus en plus, les accès à Internet 539

L'impact de l'ingénierie collaborative sur la formation et le travail de l'ingénieur

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Mec. Ind. (2000) 1, 539–544 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservésS1296-2139(00)01060-5/FLA

L’impact de l’ingénierie collaborative sur la formationet le travail de l’ingénieur

Daniel Coutellier a,c*, Yves Nadot b,c

a École Nationale Supérieure d’Ingénieurs de Mécanique Énergétique de Valenciennes, Le Mont Houy, 59313 Valenciennes cedex 9, Franceb École Nationale Supérieure de Mécanique et d’Aérotechnique, Téléport 2, BP 109, Site du Futuroscope, 86960 Futuroscope cedex, France

c Réseau POLYMECA (CESTI, ENSIMEV, ENSMA, ENSMM)

(Reçu le 26 janvier 2000 ; accepté le 13 octobre 2000)

Résumé —Les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) prennent une place de plus en plus importantedans le métier de l’ingénieur. Que ce soit à travers l’utilisation de bases de données disponibles à partir d’Internet ou en utilisantdes outils de travail partagé voire encore en travaillant à distance par visioconférence, l’ingénieur doit concevoir plus rapidement encollaborant avec des entités réparties dans le monde entier. Nous proposons de présenter les technologies existantes ou émergeantesillustrées par quelques exemples pour essayer d’analyser et de cerner les conséquences que peuvent avoir les NTIC sur le métier del’ingénieur et sur sa formation. 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

NTIC / coopératif / ingénierie / Internet / formation / visioconférence

Abstract —The impact of collaborative engineering on the engineering profession and training. New information andcommunication technology (NICT) are playing an increasingly pivotal role within the engineering profession. Be it via the use ofdatabases available through the Internet, or by using shared work tools, or even by remote-controlled tasks via videoconferences,the engineer is able to design more rapidly thanks to a cooperation with entities located the world over. Our aim is to introducethe existing and emerging technologies, illustrated by a few examples, in order to propose a tentative analysis and definition of thefallout of NICT over the whole engineering profession and training. 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

NICT / concurrent / engineering / Internet / training / videoconference

1. INTRODUCTION

Les nouvelles technologies de l’information et de lacommunication (NTIC) commencent à bouleverser cultu-rellement les relations dans le travail. Dans le domaine del’ingénierie mécanique avec l’apparition de la maquettenumérique une révolution est déjà en cours et l’apportde systèmes de gestion de données techniques va trouvertout son sens dans ce contexte où de multitudes d’infor-mations concernant un projet sont à gérer dans des sitesquelques fois distincts géographiquement. Les NTIC ap-portent alors toutes leurs puissances et le changementdans l’organisation du travail va certainement s’accélé-rer, il est donc important de la suivre et d’anticiper cephénomène dans la formation des ingénieurs.

* Correspondance et tirés à part :[email protected]

Après une présentation rapide de quelques outils,l’impact des NTIC sur les modes de coopérations seradéveloppé. À travers cet article nous allons essayerde montrer quelques aspects importants que peuventapporter les nouvelles technologies.

2. LES NTIC ET LEURS APPORTS

2.1. Introduction

Les évolutions dans le domaine des nouvelles techno-logies modifient le système d’information [1]. Elles per-mettent la possibilité d’automatiser les tâches administra-tives et techniques. Elles entraînent aussi un changementdu fonctionnement interne. La veille technologique et letravail de groupe deviennent des facteurs d’efficacité. Lamessagerie s’implante de plus en plus, les accès à Internet

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D. Coutellier, Y. Nadot

sont courants, des outils de formation multimédia peu-vent être réalisés ou sont disponibles pour optimiser lagestion du temps, et les visioconférences ou vidéoconfé-rences se démocratisent pour mener à bien des réunionsà travers le monde entier.

2.2. Le prototypage virtuel

La maquette numérique a pris un rôle fondamentaldans les bureaux d’études. De plus en plus les temps descycles de production doivent diminuer tout en améliorantla qualité de la conception. Des applications métiers àbase de connaissances commencent à prendre place dansdes bureaux d’études. Les techniques de réalité virtuellepermettent d’aller beaucoup plus loin dans l’appréhen-sion du prototype numérique. Et même si les techniquesde prototypage rapide comme la stéréolithographie sontencore nécessaires pour obtenir rapidement une pièceréelle en trois dimensions et permettent notamment d’in-tégrer celle-ci dans un environnement tout en pouvant lamanipuler physiquement, nous assistons dans ce domaineà la création de nouveaux outils comme par exemple dessystèmes de retour d’effort qui augmente la productivitéet l’efficacité assurant une interaction plus intuitive entrel’homme et la station de travail notamment en apportantle sens du toucher. Ces technologies avec les techniquesde réalité virtuelle vont aussi révolutionner le prototy-page rapide et donc la manière de travailler pour nos ingé-nieurs. De même les entreprises auront bientôt (certainessont déjà équipées) la capacité à mener des réunions tech-niques dans un centre de réalité virtuelle qui permet à unedizaine de personnes de s’immerger dans un environne-ment pour évaluer les capacités du produit aux différentesphases de la conception jusqu’à la mise en situation finaledans un environnement réel.

Le tout numérique dans l’ingénierie permet d’être co-hérent dans la transmission des informations, réorganisede manière rationnelle et rend plus interactive la concep-tion, il permet aussi l’innovation dans les méthodes detravail et surtout réduit considérablement le nombre deprototypes. L’industrie aéronautique et automobile l’ontbien compris et l’ont introduit pour gérer des montagnesde données directement à travers les postes de travail res-pectifs des différents intervenants. La complexité de leursproduits justifie sans aucun doute l’emploi de la maquettenumérique.

Les niveaux de rentabilité sont augmentés de façonimportante grâce [2] :

• à la possibilité de concevoir « bon du premier coup » ;

• à la diminution du nombre de prototypes (un prototypepeu coûter 10 fois plus cher qu’une pièce de série) ;

• à la cohérence et la qualité dans la gestion et ladiffusion de l’information ;

• à la diminution des pertes de temps, notamment enéliminant le temps de recherche et de validation del’information ;

• à l’anticipation des problèmes d’assemblage en pro-duction ;

• à l’économie sur les outillages ;

• et à la possibilité d’améliorer les conditions de main-tenance.

Une vision générale permet d’envisager une économiede 20 à 30% des coûts globaux de conception.

La maquette numérique permet aussi d’avoir une ap-proche plus logique dans la conception. Elle permet dedéfinir des plans d’ensemble (à partir de volumes d’en-combrement, de fonctionnalité, de processus. . .) avant dedéfinir les plans de détail des éléments constituants. LaCAO avait plutôt eu l’effet inverse.

Les concepts de la maquette numérique sont aussi ap-pliqués pour l’usine numérique [3] qui intègre les pro-cessus et qui peut par exemple permettre une meilleureadaptation des postes de travail.

2.3. La gestion et la diffusionde l’information

Dans l’entreprise, les référentiels génèrent des docu-ments dont l’accès n’est toujours pas exempt de diffi-cultés, voire de risques : volume important, structura-tion complexe, notions très conceptuelles, faible qua-lité d’illustration sont autant de facteurs défavorables àune bonne appropriation par les acteurs concernés. Avecla définition de nouveaux systèmes d’information et decommunication, les bases de données peuvent être ex-ploitées au mieux. Le partage de la connaissance, dusavoir-faire et du travail peut donc être efficace à condi-tion de bien structurer et capitaliser les données.

La diffusion des pages multimédia sur le réseau Inter-net (ou intranet), la maintenance, le partage des connais-sances et l’apport des Systèmes de Gestion de DonnéesTechniques permettent en s’assurant de la sécurité des in-formations, un changement culturel dans les relations detravail.

Les moyens performants et rapides de diffusion d’in-formation permettent d’éviter la dispersion des données,des hommes même s’il existe des roulements dans les ef-fectifs.

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Les SGDT ont un avantage extraordinaire, non seule-ment ils permettent la réorganisation et la gestion desdonnées validées, mais ils assurent aussi la traçabilité desinformations [4]. Les SGDT suppriment aussi les déca-lages horaires et ils permettent l’interaction et le partagedu travail dans des sites distincts répartis géographique-ment dans le monde entier.

Quatre pour cent du personnel dans une entreprise pro-duit des données, les autres les consomment dans lesbureaux d’études, des méthodes, de la fabrication, desachats, des services après-vente, de la maintenance, dela documentation technique, du marketing ou encore ducommercial. Auparavant la CAO était destinée essentiel-lement aux bureaux d’études, maintenant la maquette nu-mérique sert, grâce à la SGDT, à tous.

La construction automobile pour supporter les échan-ges numériques entre constructeurs, équipementiers etfournisseurs va créer un extranet [5]. D’autres projetsen Europe, notamment en Allemagne, en Espagne eten Grande-Bretagne ont déjà vu le jour. L’idée à termeest d’interconnecter tous ces réseaux y compris avec leréseau américain.

2.4. Le travail partagé

De plus en plus la conception d’un produit se fait surdes sites distants. Les outils de visioconférence (figure 1)ou de vidéoconférence permettent maintenant de pouvoirmener à bien une réunion de travail technique à distance.Les outils de revue de projet sont de plus en plusperformants et permettent de modifier à distance au coursd’une réunion et en temps réel une pièce à partir deson logiciel de création. Tous ces outils vont de plus enplus se généraliser et là aussi les modifications dans lesméthodes de travail des ingénieurs vont se réaliser.

A l’origine de la visioconférence, le travail partagén’est pas encore effectif en tant que tel. De nombreuxproblèmes d’organisation et techniques subsistent en-core. Néanmoins de nouvelles technologies autour de lavisioconférence et des communications apportent déjàquelques solutions. Par exemple, les nouvelles technolo-gies ADSL à base de modems « intelligents » déployéessur les lignes téléphoniques et les services de France Te-lecom permettront de s’affranchir de Numéris et surtoutd’augmenter fortement les débits. Les hauts débits pour-raient ainsi se généraliser à tout le monde et donc plusbesoin d’avoir une liaison ATM dans son bureau.

Les protocoles des systèmes de vidéoconférence oude visioconférence sont là aussi en mutation, après leH320, le H323 permet le décloisonnement entre les

Figure 1. Exemple de configuration en visioconférence.Figure 1. Videoconference configuration.

réseaux RNIS et IP. Des systèmes de diffusions de vidéosinteractives commencent aussi à émerger sur Internet, ilspermettent de nouvelles perspectives au développementde la visioconférence.

3. L’IMPACT SUR LA FORMATION

3.1. Les moyens

La formation par l’action et la mise en situation sontcertainement les meilleurs moyens d’instaurer ce chan-gement culturel dans les relations de travail des futurs in-génieurs. Pour cela il est nécessaire d’acquérir des équi-pements coûteux (ce n’est pas sans poser quelques pro-blèmes). Parmi les principaux équipements, les moyensde maquettage numérique sont certainement les plus im-portants à la base. Suivent ensuite les systèmes de ges-tion des données techniques, en effet d’ici quelques moisleur généralisation à tous les niveaux de l’entreprise vas’accroître. Éventuellement l’acquisition d’un systèmede réalité virtuelle voire un centre de réalité virtuellepeut s’avérer utile pour permettre la revue de projet engroupe avec immersion dans un environnement. En cequi concerne le partage du travail et le travail à distance,là aussi des outils sont nécessaires pour permettre d’ef-fectuer de la visioconférence ou de la vidéoconférenceainsi que du partage d’application, sans oublier les mes-sageries et les outils de visualisation de données. Quandtout ceci est acquis, la mise en situation sur des cas pra-tiques si possible industriels doit s’effectuer en intégrantdes équipes distantes (voire de pays différents) travaillantsur le même projet en étroite collaboration, la situationest alors parfaite. Les formations d’ingénieurs doivent in-tégrer ces situations pour permettre d’automatiser le par-

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tage des tâches à distances, d’utiliser les revues de projetsen vidéo ou visioconférence.

Dans les cours en tant que tels, là aussi le forma-teur doit manipuler de plus en plus les nouvelles techno-logies pour généraliser leurs utilisations et surtout pourpermettre d’aller plus loin dans les illustrations si pos-sible animées. Par la visualisation de données stockées etmises à disposition, l’utilisateur lors d’un cours ou d’unerecherche bibliographique peut éclaircir certains pointscomme des équations liées à des phénomènes physiques.

3.2. Les impacts

Les moyens doivent permettre aux futurs ingénieursde s’expérimenter face aux réalités industrielles émer-gentes. Mais ce n’est pas suffisant. En effet, il ne s’agitpas de se limiter à la formation des moyens et des der-nières versions des logiciels mais plus d’adapter les mé-thodes de travail adéquates et surtout d’intégrer les logi-ciels dans un nouveau processus de fonctionnement.

Le tout virtuel va aussi être générateur de nouveau mé-tier. Des « intégrateurs maquettes » existent déjà dans cer-taines entreprises. Des sociétés informatiques se lancentdans le développement de logiciels de visualisation pourmanipuler des modèles voire des résultats issus de CAOou autres codes de calculs différents. Il est important desensibiliser les ingénieurs à ces métiers et de leurs donnerles moyens de s’ouvrir à ces horizons.

L’entreprise demande de plus en plus de compétencesà ses ingénieurs d’où l’importance de faire évoluer lesformations. La maquette numérique intègre un ensembled’outils complexes (CAO 3D, SGDT, logiciels de visuali-sation et de navigation, outils d’ingénierie des processusassistés par ordinateur, solutions d’ingénierie collabora-tive), il est donc nécessaire d’avoir une vue globale detous ces outils. La maquette numérique joue alors un rôleimportant dans l’expérimentation des méthodes de tra-vail inédites. L’aspect méthodologique est certainementle moyen de réduire encore plus le temps de conceptiond’un produit.

Utiliser des outils informatiques nécessite une organi-sation et une rigueur sans faille pour réduire les temps dedéveloppement, là aussi la formation doit jouer un rôle.

Le développement des NTIC change aussi les menta-lités [4]. L’exemple de l’industrie automobile qui va créerun extranet pour échanger avec des équipementiers, desfournisseurs et d’autres constructeurs français, européensou mondiaux, montre bien la volonté de développer cesnouveaux modes de collaboration.

4. EXEMPLE DE PROJET DE FIN D’ÉTUDECOOPÉRATIF ENTRE LES ÉCOLESD’INGÉNIEURS DU RÉSEAUPOLYMECA

Le projet de fin d’études est une composante impor-tante de la formation des ingénieurs. Au cours de cettepériode, l’élève ingénieur est amené à concrétiser sa for-mation par une période de stage en situation dans uncontexte qui correspond à son projet professionnel : in-dustrie, recherche. . . et dans les domaines variés ouvertsaux ingénieurs mécaniciens. Dans la mesure du possible,l’étudiant doit choisir un projet qui lui permet de complé-ter sa formation scientifique de base par une expérienceprofessionnelle en rapport avec son projet. Nous avonsévoqué dans cet article certaines évolutions du métier del’ingénieur liées aux NTIC et au développement de l’in-génierie collaborative. Afin de faire évoluer les forma-tions dispensées dans les écoles d’ingénieurs, il nous pa-raît essentiel d’introduire ces nouvelles technologies dansla formation de base. Dans ce but, nous avons récemmentexpérimenté un projet de fin d’études à caractère collabo-ratif entre les quatre écoles du réseau POLYMECA. Voiciun premier bilan de ce projet de conception coopératif.

4.1. Le projet COSMOS du réseauPOLYMECA

Cosmos est un des leaders mondiaux de la produc-tion d’ULM pendulaires. Son rang lui impose une adapta-tion rapide aux évolutions dictées par les nouvelles régle-mentations et par l’évolution du marché. Les ULM pen-dulaires de formule classique ayant atteint leurs limitesde performance, COSMOS souhaite concevoir un nouvelappareil à voilure semi-rigide doté de gouvernes. Pourcela, COSMOS s’est adressé au réseau POLYMECAen s’appuyant sur les compétences complémentaires desquatre écoles. C’est ainsi que quatre groupes d’étudiantsont réalisés leur projet de fin d’études (en parallèle dansles quatre écoles) sur la conception de ce nouvel appareilet sur la base du cahier des charges fourni par COSMOS.

4.2. Présentation du travail de chaqueécole

La première année du projet concerne les choix aéro-dynamiques, le choix des matériaux et les premiers stadesde la conception. Le travail a été réparti comme suit dansles différentes écoles :

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L’impact de l’ingénierie collaborative sur la formation et le travail de l’ingénieur

• CESTI : définition des matériaux à employer,

• ENSMA : définition aérodynamique de l’aile,

• ENSMM : calcul de structure sur l’aile,

• ENSIMEV : conception du chariot.

Nous allons maintenant présenter le contenu du travailde chaque école pour ensuite faire un bilan du travailcoopératif.

CESTI : Choix des matériaux deconstruction

Le CESTI a eu en charge une étude bibliographiquesur le choix des matériaux de construction et en parti-culier ceux de l’aile. Une des composantes essentiellesde ce choix étant l’adéquation entre le coût, les moyenstechniques de l’entreprise et la pertinence du choix dansle contexte ULM. Cette étude a débouché sur les choixsuivants concernant la structure de l’aile (caisson de bordd’attaque rigide) :

• structure monolithique en fibre de verre,

• résine époxy,

• ame en polystyrène extrudé.

Les choix du CESTI permettent d’élaborer une base dedonnées matériaux qui sera ensuite enrichie de donnéessur le comportement mécanique de ces matériaux pourles calculs.

ENSMA : Définition aérodynamiquede l’aile rigide

La première phase de l’étude, celle qui permettra defiger les géométries, est l’étude aérodynamique. Deuxaspects ont été traités par les étudiants de l’ENSMA. Uneétude théorique sur les profils en utilisant, entre autre,un modèle numérique sur FLUENT puis une étape devalidation expérimentale en soufflerie. Cette partie dutravail a permis de proposer le profil à retenir et de définirla géométrie de l’aile (figure 2).

ENSMM : Calcul de structure sur l’aile

La solution technologique retenue pour la réalisationde l’aile impose un caisson de bord d’attaque rigide.Afin de dimensionner au mieux cette partie de l’aile,un modèle numérique a été conçu puis maillé afin deréaliser les simulations de comportement mécanique. Cessimulations ont été réalisées en prenant en compte lechargement aérodynamique.

Figure 2. Présentation de la maquette pour la validationexpérimentale en soufflerie.Figure 2. Mockup for experimental validation in a wind tunnel.

Figure 3. Vue générale de la maquette numérique du chariotréalisée sur I-DEAS.Figure 3. Digital mockup of carriage made with IDEAS.

ENSIMEV : Conception générale du chariotet maquette numérique

La conception du chariot a été confiée à l’ENSIMEV.Ce travail a donné lieu à la réalisation d’une maquette nu-mérique. Ce travail de conception pure a permis d’aboutirà des solutions intéressantes comme par exemple l’utili-sation du poids du moteur comme bras de levier lors dumontage de l’aile sur le chariot, ce qui permet au piloteseul de réaliser le montage complet de l’appareil.

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4.3. Bilan du travail coopératif etperspectives

Le bilan global de ce travail simultané est très positif :les étudiants ont pu réaliser l’intérêt de travailler enparallèle pour diminuer le temps de développement d’unproduit. Cependant, il reste du travail pour faciliter lacommunication entre les écoles et surtout pour permettreles échanges scientifiques entre les différents domaines.Nous allons à présent faire le bilan de ce travail.

Communication. Des essais de visioconférence ontété réalisés entre les écoles, certaines liaisons ont pu êtreétablies par Internet mais les débits ne sont pas suffi-sants pour que la communication soit réelle. Par ailleurs,le passage des systèmes de sécurité des réseaux posede réels problèmes pour établir la communication. Ilest nécessaire de trouver des réponses à ces questionscar il apparaît que la communication régulière entre lespartenaires éloignés d’un projet coopératif est un vec-teur essentiel de réussite. Nous avons réalisé cette com-munication, faute de visioconférence opérationnelle, aumoyen du courrier électronique, du téléphone, du fax etde l’échange de fichiers.

Outils de conception/calcul. Différents logiciels ontété utilisés pour la conception et pour le calcul des pièces.Cela a posé quelques problèmes de communication etd’échange de données entre les groupes. Même s’il existedes outils «d’ingénierie collaborative » qui permettentd’assurer la communication entre différents systèmes etdifférentes plates-formes, ces outils ne semblent pas en-core facilement utilisable dans un contexte pédagogique.Il semble plus raisonnable de se doter tous du même outilde conception (modeleur) de base ainsi que d’un mailleurcommun et d’y associer ensuite les différents solveursmécaniques, aérodynamiques utilisés dans chaque disci-pline.

On peut conclure que l’expérience fut très enrichis-sante et qu’elle mérite une poursuite. Pour cela, les objec-tifs doivent être bien définis et les moyens à développerchoisis en conséquence. Sur le plan de la communication,il est nécessaire de trouver une solution aux problèmesde débit et de sécurité réseau car la visioconférence estprobablement le moteur principal du travail coopératif àdistance. Par ailleurs et étant donné le très grand nombred’outils disponibles pour les échanges entre logiciels etplates-formes, il semble plus réaliste dans un cadre pé-dagogique d’utiliser un modeleur et un mailleur iden-tique pour tous. Cela permettra de disposer d’une plate-forme de conception commune facilitant une bonne maî-trise de l’outil de base tout en ouvrant des possibilités

d’échanges avec certains outils de calcul spécialisés sui-vant les projets. Enfin, le projet COSMOS se poursuitdans une deuxième phase qui permettra de réaliser desessais en vol sur une maquette, de confirmer les donnéesmatériaux pour le calcul de la structure et d’affiner le mo-dèle du chariot.

5. PREMIÈRES CONCLUSIONS

Certaines écoles d’ingénieurs mettent en place desplateaux-projets autour de l’ingénierie mécanique en in-tégrant une mobilité totale. Des plateaux virtuels regrou-pant des équipes d’étudiants sur des sites français ouétrangers permettent de développer les changements dansles relations de travail. Néanmoins des problèmes subsis-tent et ne sont pas encore résolus :

• le choix des logiciels, en effet si les équipes travaillentavec des logiciels différents, le partage interactif n’est pasfacile, il est alors nécessaire de développer des logicielsde visualisation pour s’échanger des modèles ;

• la sécurité des données échangées notamment avec lesindustriels ;

• les moyens de communication, là aussi les différencessont un handicap, visioconférences via Numéris ou Inter-net ou autre voie de développement sont aussi des obs-tacles ;

• les méthodes d’organisation du travail doivent aussis’adapter aux niveaux des plateaux virtuels.

L’ENSIMEV quant à elle développe cette année unplateau virtuel avec l’université d’Eindhoven. Les ré-unions sont effectuées par visioconférences via Numéris.Ce projet a apporté des enseignements sur les méthodo-logies et une première expérience pour l’avenir.

Le projet mené en 1999 dans le cadre du réseau PO-LYMECA entre des groupes d’étudiants et présenté pré-cédemment est une première expérience enrichissante surun projet industriel. Les difficultés rencontrées permet-tront de reconduire le projet avec des moyens mieuxadaptés, notamment en échange de données avec l’apportde SGDT et en visioconférence avec de nouvelles solu-tions.

RÉFÉRENCES

[1] CNES — Qualité Espace magazine 43 (1999).[2] L’Usine Nouvelle — Le tout numérique envahit l’ingénierie

2699 (1999) 62.[3] Harvest — Le journal des bureaux d’études 51 (1999).[4] Harvest — Le journal des bureaux d’études 48 (1999).[5] Renault — Le magazine de la recherche et du développement

13 (1999).

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