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L’insertion des jeunes sur le marché du travail : du diagnostic aux politiques Jérôme Gautié IGPDE 19 septembre 2017 1

L’insertion des jeunes sur le marché du travail : du ... · jeunes s’expliue ait aussi par faiblesse du coût du travail : ... aux effets de substitution possibles entre catégories

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L’insertion des jeunes sur le marché du travail : du diagnostic

aux politiques

Jérôme Gautié

IGPDE – 19 septembre 2017

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Introduction Le chômage des jeunes, une obsessions française :

Dans les représentations (la France, ce pays « où une seule génération travaille à la fois »)…

…. mais aussi dans les politiques : 40 de politiques de l’emploi (depuis les stages Granet en 1975, les contrats-emploi-formation et les Pacte pour l’Emploi du gouvernement Barre, 1976-1977)

Trois temps :

Des indicateurs aux diagnostics

Quelles politiques de l’emploi, pour quels résultats ?

Que faire pour les jeunes les plus en difficulté ? L’exemple de la Garantie Jeunes

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1. Des indicateurs au diagnostic

Adopter une perspective comparative : quand je me regarde, je m’inquiète, mais quand je me compare, je me rassure….. ou je m’inquiète encore davantage ?

Croiser différents indicateurs : selon l’indicateur étudié, les pistes de diagnostic peuvent différer

Une question notamment : y-a-t-il un problème spécifique aux jeunes , ou le problème des jeunes résulte-t-il avant tout du problème de chômage global (hypothèse de « la file d’attente »)

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1. Des indicateurs au diagnostic

Un chômage des jeunes importants en comparaison internationale

Figure 1 : taux de chômage des 15-24 ans en 2016, en % de la population active (source : OCDE, 2017a)

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5,1 7,0

10,4 10,8 12,0 13,2

18,9

24,1

37,8

44,4 47,3

0,0

5,0

10,0

15,0

20,0

25,0

30,0

35,0

40,0

45,0

50,0

1. Des indicateurs au diagnostic

…. Mais un [ratio chômage des jeunes/chômage global] compatible avec une interprétation en termes de file d’attente (?)

Figure 2 : ratio [taux de chômage des 15-24 ans / taux de chômage des 15-64 ans] en 2016 (source : OCDEa, 2017)

5

1,6 1,7 1,8 1,9 2,0 2,1

2,3 2,5

2,6 2,7

3,2

0,0

0,5

1,0

1,5

2,0

2,5

3,0

3,5

1. Des indicateurs au diagnostic

…. Au sein des jeunes, peu sont au chômage, et peu sont en emploi

Figure 3a : Part des jeunes hommes (15-24 ans) au chômage, en emploi et en inactivité en 2014 (source : OCDE 2016)

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1. Des indicateurs au diagnostic

Figure 3b : Part des jeunes femmes (15-24 ans) au chômage, en emploi et en inactivité en 2014 (source : OCDE 2016)

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1. Des indicateurs au diagnostic

…. Et de plus, parmi les peu qui sont en emploi, une forte proportion bénéficie d’un emploi aidé

Figure 4 : Part des emplois aidés dans l’emploi total des jeunes (16-24 ans) de 1974 à 2016 (source : DARES, juin 2017)

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1. Des indicateurs au diagnostic …. Et parmi ceux qui sont en inactivité, des situations d’exclusion

possibles => le recours à la catégorie de NEET (Not in Employment, Education or Training) (Kramarz et al., 2015)

Figure 5 : Part des NEETS parmi les jeunes (15-29 ans) en 2015 en %

(source : OCDE, 2017b)

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1. Des indicateurs au diagnostic …. Et plus particulièrement parmi ceux qui sont les moins diplômés

Figure 6 : Situation des jeunes (16-25 ans) selon leur niveau de diplôme

(source : DARES, juin 2017)

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2. Quelles politiques ? Depuis les années 1970, dans le cadre de la politique active de

l’emploi (« politiques ciblées »), les deux leviers principaux (souvent associés dans un même dispositif) ont été :

le coût du travail, avec les emplois aidés - aujourd’hui : Contrats Initiative Emploi (CIE) dans le secteur marchand, Contrat d’Accompagnement dans l’Emploi (CAE) dans le secteur non marchand, les Emplois d’Avenir (majoritairement dans le secteur non marchand)

et la formation : notamment avec les formations en alternance (apprentissage, Contrats de Professionnalisation…)

Depuis la fin des années 1990, intérêt croissant pour l’accompagnement et les problèmes d’appariement sur le marché du travail

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2. Quelles politiques ? 2.1. Les politiques de subvention à l’emploi via les emplois aidés :

quels résultats pour les bénéficiaires ?

Plutôt bons pour les emplois aidés du secteur marchand : des taux d’accès à l’emploi durable élevé s après le passage en dispositif ;

Plutôt mauvais pour les emplois aidés dans secteur non marchand : les taux d’accès à l’emploi durable faibles après le passage en dispositif, et en plus, certaines études montrent que l’impact serait même négatif (quand on compare aux non bénéficiaires)

Figure 7

Figure 8

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2. Quelles politiques ? Figure 7 : Situation des bénéficiaires 6 mois après leur sortie

(tous âges) (Source : DARES 2017)

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En %

EmploiEmploi

durable *Chômage

Stages de

formation,

études

Inactivité

67 57 29 1 3

Dont : embauche en CDI 72 63 24 1 2

embauche en CDD 55 41 41 2 3

41 26 51 4 4

Champ : personnes sorties de contrat aidé en 2014 ; France entière.

CUI-CIE

CUI-CAE (hors ACI)

Lecture : 41 % des personnes sorties de CUI-CAE en 2014 déclarent être en emploi six mois après

leur sortie.

* L’emploi durable intègre les CDI, CDD de plus de six mois, titularisations dans la fonction

publique et emplois de travailleur indépendant. Les emplois aidés sont exclus de cette

catégorie, quelle que soit leur durée.

2. Quelles politiques ? Figure 8 : Impact différentiel sur les bénéficiaires (tous âges)

(Source : Bernard et Rey, 2017)

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2. Quelles politiques ? Pour autant, rester très prudent dans l’interprétation

On ne dispose pas d’évaluation expérimentale, et permettant de mesurer l’ensemble des effets (y compris «de déplacement » et symétriquement de « désengorgement »)

Les bons résultats des contrats marchands : beaucoup servent de « pré-recrutements », avec des effets d’aubaine « pur » de l’ordre de 65 % pour le CIE par exemple (Bernard et Rey, 2017)

Grande hétérogénéité dans les contrats non marchands ; pour éviter des emplois où aucune accumulation de compétences => exigence accrue en termes de formation avec les Emplois d’Avenir

Cependant effet « d’enfermement » (lock-in) possible des contrats non marchands qui participent à la segmentation, y compris spatiale, du marché du travail (Eyméoud et Wasmer, 2016)

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2. Quelles politiques ? Pour le secteur marchand, faut-il appeler plus loin en termes de

baisse de coût du travail, notamment en instaurant un SMIC-Jeunes ?

Malgré les baisses de cotisations patronales, le coût relatif du SMIC (par rapport au salaire médian) reste élevé en France ; et cf. bonne performance allemande en termes de chômage des jeunes s’expliquerait aussi par faiblesse du coût du travail : au début des années 2010, 55% des jeunes Allemands les moins qualifiés étaient payés en dessous du SMIC français (Cahuc et al., 2013)

Mais effets pervers potentiels d’un SM progressif avec l’âge dus aux effets de substitution possibles entre catégories d’âge (Kabatek, 2015, pour le cas du Pays-Bas)

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2. Quelles politiques ? 2.2. Lutter contre l’inadéquation de qualification et spatiale

La formation : la solution ?

« Les programmes de formation pour les jeunes chômeurs n’ont en général pas d’effet sur les salaires ou les probabilités d’emploi futurs, sauf dans le cas où les programmes de formation ont un haut contenu professionnalisant (training content » (Fougère, Kramarz, Magnac, 2000)

L’apprentissage, la panacée ?

Expérience allemande :

Spécificité institutionnelle : forte implication des partenaires sociaux

Rôle contra-cyclique (cf. crise 2008-2009)

Effets sur les trajectoires des « bénéficiaires » (par rapport au « non bénéficiaires ») : positif à court terme, plus mitigé à long terme

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2. Quelles politiques ? Expérience française :

Assez forte augmentation du nombre d’entrées depuis 20 ans (200 000 en 1996, 275 000 en 2016) (Pesonel, 2017), mais stagnation depuis 10 ans, et cache le fait que depuis 2008, le nombre d’entrées entre la Seconde et la Terminale baisse (i.e. augmentation globale due seulement à l’accroissement des entrées niveau enseignement supérieur) ; 80% de la baisse sur 2008-2014 due à ralentissement du recrutement des jeunes dans secteurs traditionnels (bâtiment, coiffure, métiers de bouche , industrie, hôtels-restaurants (Pesonel et Zamora, 2017)

Impact négatif potentiel de la hausse du coût 2013-2014 (?)

Problèmes structurels : beaucoup d’abandons – d’autant plus nombreux (de l’ordre 25%) qu’on y rentre jeunes (avant 18 ans) (Pesonel, 2017) – contenus trop théoriques ? (Cahuc et Ferraci, 2015)

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2. Quelles politiques ?

Lutter contre l’inadéquation (« mismatch ») spatial

Les problèmes de transport (cf. ex. Maison de l’emploi de Seine et Marne) ; expérimentation du programme «10 000 permis pour réussir » => effets de « lock in » à court terme, mais effets positifs sur insertion à l’horizon de deux ans (L’Horty et al. , 2013)

Favoriser la mobilité résidentielle ? La dispersion du taux de chômage des jeunes selon la commune encore plus importante pour les jeunes que pour les autres catégories d’âge ; en cause : politiques de logement mais aussi politique de l’emploi défavorables à la mobilité (Eyméoud et Wasmer, 2016)

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3. La Garantie Jeunes

Pour les jeunes les plus en difficulté, agir sur le coût du travail et la formation dans le cadre des dispositifs emplois aidés / formation professionnelle et/ou en alternance ne suffit pas ; cf. l’expérience américaine : seuls des dispositifs d’accompagnement intensifs (ex. Job Corps) donnent des résultats (Carcillo, 2016)

En France, mise en place des Ecoles de la deuxième chance (E2C) et des Etablissements Publics d’Insertion de la Défense (EPIDe), mais sur échelle limitée (en 2015, 14 400 bénéficiaires pour E2C, 3000 pour EPIDe)

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3. La Garantie Jeunes

Le dispositif de la Garantie Jeunes, expérimenté depuis fin 2013, généralisé depuis début 2017, s’adresse aux NEETs en situation de (grande) précarité (notamment financière) ; 4 innovations par rapport à l’accompagnement « traditionnel » des Missions Locales :

Une allocation dans une logique contractuelle d’engagement

Un accompagnement collectif par cohortes

Le principe du « work first »

Le principe de la « médiation active »

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3. La Garantie Jeunes

Premiers résultats encourageants (Comité Scientifique d’Evaluation, 2016) :

Impact sur le taux d’accès à l’emploi durable positif

Les enquêtes qualitatives montrent l’effet important de « resocialisation »

Mais les modalités de mise en œuvre sont cruciales : ce qui compte, tout autant que le « design » du dispositif au niveau central, c’est son son appropriation par les acteurs locaux

Problème de concurrence avec autres dispositifs => nécessité d’un meilleur pilotage d’ensemble de la politique de l’emploi pour les jeunes (Cour des Comptes, 2016)

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Références

Bayardin V. (2012), « Le devenir à six mois des personnes des personnes sorties de contrats aidés en 2010 », DARES-Analyses, n° 066, octobre.

Bernard S. et Rey M. (2017), « Les contrats aidés ; quels objectifs, quel bilan ? », DARES-Analyses, n° 021, mars.

Carcillo S. (2016), Des compétences pour les jeunes défavorisés. Leçons américaines, Les Presses de Sciences Po.

Cahuc P., Carcillo S., et Zimmermann K. (2013), « L’emploi des jeunes peu qualifiés en France », Notes du Conseil d’Analyse Economique, n° 4, avril.

Cahuc P., et Ferraci M. (2015), Apprentissage. Donner la priorité aux moins qualifiés, Les Presses de Sciences Po.

Comité Scientifique d’Evaluation de la Garantie Jeunes (2016), Rapport intermédiaire, novembre.

Cour des Comptes (2016). L’accès des jeunes à l’emploi. Construire des parcours, adapter les aides, La Documentation Française.

DARES (2017), « Tableau de bord : Activité des jeunes et politiques de l’emploi », juin

Eyméoud J-B., et Wasmer E. (2016), Vers une société de mobilité. Les jeunes, l’emploi et le logement, Les Presses de Sciences Po.

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Fougère D., Kramarz F. et Magnac T. (2000), « Youth employment policies in France », European Economic Review, n° 4.

Kabatek J. (2015) « Happy birthday, you are fired! The Effects of Age-Dependent Minimum Wage on Youth Employment Flows in the Netherlands”, IZA Discussion Paper, n° 9528, November.

Kramarz F., et Viarengo M. (2015), Ni en emploi, ni en formation. Des jeunes laissés pour compte, Les Presses de Sciences Po.

L’Horty Y. et al. (2013), «Faut-il subventionner le permis de conduire des jeunes en difficulté d’insertion ? Evaluation de l’expérimentation, « 10 000 permis pour réussir», Rapport de recherche TEPP-CNRS, n° 2013-02, septembre.

OCDE (2017a) Employment Outlook.

OCDE (2017b) Etudes économiques France 2017.

Pesonel E. (2017), «L’apprentissage en 2016», DARES-Résultats, n° 057, septembre.

Pesonel E. et Zamora P. (2017), « Quelles sont les causes de la baisse de l’apprentissage dans l’enseignement secondaire ? », INSEE-Références, Emploi, chômage, revenus du travail, édition 2017

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Annexes

Source : DARES-Analyses mars 2017, n° 079.

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Odd-ratios

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