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Perspectives territoriales N° 15 septembre 2015 LES CAHIERS de Les jeunes agents territoriaux, relations et motivations au travail © Liren | Fotolia

Les jeunes agents territoriaux, relations et motivations au travail

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Perspectives territoriales

N° 15 septembre 2015

LES CAHIERS de

Les jeunes agents territoriaux, relations et motivations au travail

© L

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tolia

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L’auteur de cette étude et les personnes citées sont seuls responsables des opinions exprimées dans ce Cahier. L’étude a été réalisée à la demande de l’Observatoire social territorial de la MNT. Ces opinions ne reflètent pas nécessairement les vues des commanditaires, mais ont pour objet de nourrir un débat jugé nécessaire par l’Observatoire, illustré par le débat reproduit dans cette publication.

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Les jeunes agents territoriaux, relations et motivations au travail

Étude réalisée par Anne GRILLON

Pour l’Observatoire social territorialde la Mutuelle Nationale Territoriale (MNT)

Septembre 2015

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SOMMAIRE

« Les jeunes agents territoriaux, une nouvelle génération d’agents pour de « nouvelles collectivités » ? », par Jean-René MOREAU ....................... 7

Introduction .................................................................................... 9

1re partie : le parcours d’entrée des jeunes dans les collectivités territoriales ................................................................................... 15

A. D’un choix par défaut à une réelle motivation pour le service public ............................................................... 15

1. Une fonction publique territoriale encore méconnue du grand public ................................................................................ 15

2. Le choix d’un emploi stable dans un environnement instable ... 17

3. Le choix d’un métier s’exerçant principalement dans la Territoriale ............................................................... 18

4. La proximité géographique, un facteur plutôt secondaire ? ....... 19

B. Un accompagnement RH des jeunes agents peu différencié .......... 20

1. Des politiques RH encore peu formalisées et égalitaires .......... 20

2. Un recrutement davantage orienté vers les compétences ......... 23

3. Un dispositif d’accueil des nouveaux agents devenu incontournable .................................................................... 26

4. Une gestion des compétences très attendue ........................... 27

5. Des souhaits d’évolution marqués ......................................... 31

6. Une politique de communication interne insuffisamment développée ......................................................................... 32

7. Des prestations sociales méconnues et un accompagnement social peu sollicité ............................................................... 34

2e partie : comprendre et prendre en compte les caractéristiques et les attentes des jeunes agents .............................................................. 39

A. Les atouts de la FPT .................................................................. 39 1. Leur relation au travail et la place centrale du sens au travail .. 39 2. La maîtrise du temps ........................................................... 43

B. Les sources d’insatisfaction ........................................................ 46

1. L’écart entre le discours sur les valeurs affichées et les pratiques ................................................................... 46

2. Le niveau de rémunération ................................................... 47

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C. Leur regard sur les acteurs de la collectivité ................................. 50

1. La relation avec les usagers .................................................. 50

2. La relation avec les élus ....................................................... 51

3. Les relations avec la DRH .................................................... 52

4. Le rapport à la hiérarchie et au management .......................... 54

5. La relation avec les représentants du personnel : un gouffre entre les jeunes agents et les organisations syndicales .................... 58

3e partie : les jeunes agents, un levier pour la transformation des collectivités ............................................................................. 63

Les atouts des jeunes agents .......................................................... 63

Axe 1 - La marque employeur pour devenir « un employeur de choix » .. 64

Axe 2 - Engager de nouveaux modes de fonctionnement .................... 66

Axe 3 - La politique managériale ..................................................... 68

Axe 4 - La gestion du temps ........................................................... 70

Axe 5 - Apporter des perspectives aux agents ................................... 72

Axe 6 - Développer une politique d’accueil et d’intégration des nouveaux agents ............................................................ 74

Synthèse de l’étude ....................................................................... 77

4e partie : Atelier de l’Observatoire social territorial ........................... 83

A. Participants à l’atelier du 10 mars 2015 ..................................... 83

B. Présentation de l’étude .............................................................. 84

C. Débat ...................................................................................... 98

Bibliographie ............................................................................... 107

Conseil scientifique et Conseil d’orientation ................................... 109

Cahiers déjà parus ....................................................................... 113

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AVANT-PROPOS

Le comité jeunes de la Mutuelle Nationale Territoriale, à l’initiative de Mathieu FORTIN son président, a confié à l’Observatoire social territorial le soin de proposer un travail sur la thématique des jeunes agents territoriaux. Les enjeux sont importants puisque, trois actifs sur dix prendront leur retraite d’ici cinq ans.

Y a-t-il une spécificité de cette population jeune au regard du reste de la population territoriale ?

Représentent-ils une facette de cette fameuse « génération Y », décrite et si souvent caricaturée comme étant notamment de jeunes égoïstes ? ou, au contraire, accordent-ils, à la notion de service public local le même sens que leurs aînés : l’importance d’exercer un métier au service d’une population ? Nous pourrions ainsi penser que cet engagement serve d’autres « causes » (militantisme associatif, syndical, mutualiste…).

Force est de constater, à de rares exceptions, qu’un jeune, au sortir de sa formation, est avant tout préoccupé de trouver un emploi, peu importe que celui-ci soit en collectivité ou dans le secteur privé.

Pourtant, une fois en poste, les jeunes agents se disent souvent heureux, parfois « fiers » de travailler pour les autres. Comme si, la notion de service public local leur était devenue très vite familière.

Néanmoins les jeunes territoriaux, parce que c’est une génération souvent connectée, qui implique une vision du monde professionnel différente, souffrent parfois de frustrations, voire de démotivation, au sein des collectivités.

Quelques constats :• les jeunes territoriaux ne parlent plus désormais de « carrières » mais de « par-

cours professionnels » ;• ils souhaitent aussi plus de transversalité, que ce soient avec leurs élus ou

encore avec leurs managers ;• ils désirent ensuite une nouvelle articulation entre temps professionnel et

temps personnel.

Anne GRILLON, l’auteur de cette étude, a pu faire de nombreuses préconisations, essentielles pour une meilleure intégration de ces jeunes : c’est en effet le devenir du fonctionnement de nos collectivités en profonde transformation qui est en jeu.

« La jeunesse elle-même, pourvu qu'on lui fasse confiance, atteint, avant qu'on s'en soit aperçu, le niveau des hommes faits. » - Goethe

Les jeunes agents territoriaux, une nouvelle génération d’agents pour de « nouvelles collectivités » ?

Jean-René MOREAUPrésident de l’OST

Directeur Master 2 Administration publique-gestion des collectivités locales à l’UPEC

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INTRODUCTION

Cette nouvelle étude qualitative de l’Observatoire social territorial (OST) répond à une préoccupation de la MNT et en particulier à une démarche des jeunes militants du comité jeunes de la MNT, représentant des jeunes adhérents de la mutuelle, initiée sous la présidence de Mathieu FORTIN.

Son ambition est de mieux comprendre et de faire connaître les motivations des jeunes agents, leur perception du service public local ainsi que les problématiques sociales et professionnelles qu’ils rencontrent, afin de mieux y répondre et de leur faire une place à part entière.

Un contexte national de tension et de transformations

Au niveau national, le chômage de masse touche particulièrement les jeunes et parmi eux les moins qualifiés. Chaque année, 140 000 jeunes sortent du système scolaire sans qualification équivalente au baccalauréat, au CAP ou au BEP1.

Depuis 20 ans, les technologies numériques de l’information et de la communication ont apporté des transformations majeures : Internet, travail numérique, abondance de l’information, réseaux sociaux… Leur influence sur le travail et sur son contenu même est perceptible. L’automatisation des activités, de nouvelles formes d’organisation, la place du réseau, la flexibilité et la dématérialisation modifient la relation au travail, les modes de fonctionnement et les relations internes.

Au niveau territorial, les 1,95 millions d’agents2 sont nécessairement concernés par ces évolutions, au regard de leurs conséquences sur la gestion des ressources humaines et sur les pratiques managériales.

En outre, les collectivités doivent faire face aux changements et aux incertitudes provoqués par la réforme territoriale et par la baisse de la dotation globale de fonctionnement. Dotées d’un système managérial que certains jugent à bout de souffle, elles recherchent de nouveaux modes de fonctionnement, mais peinent à trouver une nouvelle voie qui ne serait pas celle du privé tout en s’en inspirant.

1 www.gouvernement.fr sur le décrochage scolaire2 INSEE, avril 2015

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L’arrivée d’une nouvelle génération

Les jeunes agents sont encore très minoritaires dans les collectivités. Mais une nouvelle génération émerge, à l’image des nouveaux élus depuis 2014, plus jeunes, ainsi que des dirigeants (comme à la région Pays de la Loire, à l’agglomération de Cergy-Pontoise, Cergy, Plaine-Commune, Roubaix…).

Particulièrement scrutés, analysés, presque décortiqués, les jeunes font l’objet d’une littérature abondante et contradictoire. Selon l’image véhiculée, stéréotypée et simplifiée, cette génération serait individualiste, peu motivée, peu disponible et d’une loyauté incertaine vis-à-vis de son employeur.

Nombre d’ouvrages et d’articles en font ainsi une catégorie à part entière. Ils mettent en valeur les différences entre les générations Y (nés entre 1980 et 1994), X (nés entre 1965 et 1979) et baby-boomers (nés entre 1946 et 1964), et livrent des recettes managériales plus ou moins pertinentes.

Toutefois, les experts et les chercheurs prennent du recul : ils considèrent désormais que cette génération ne fait que porter et amplifier ce qui constitue un mouvement de fond. Des marqueurs générationnels sont identifiés, tout en n’étant pas les mêmes, comme l’illustrent les deux ouvrages mentionnés par la suite. D’une part, Yves PICHAULT3, professeur à HEC-ULG, a testé les spécificités supposées de la génération Y sans pour autant identifier de différences significatives. Il concède qu’ils mettent davantage l’accent « sur le besoin de changer régulièrement d’environnement, tout en estimant que ce n’est pas une génération Y mais une société Y ». D’autre part, les auteurs de La génération Y dans l’entreprise4 remettent également en question ces stéréotypes sur la relation au travail. Selon eux, la reconnaissance serait le principal facteur différenciant les jeunes des moins jeunes.

Un défi à relever : adapter les organisationsLes départs en retraite massifs prévus pour les années 2005-2010 ont été stoppés net par les réformes successives sur la durée du travail réduisant à néant les prévisions de gestion des effectifs. Les baby-boomers sont néanmoins sur le point de partir. Selon les prévisions de l’INSEE, huit millions d’actifs vont cesser leurs activités d’ici 2020, dont un quart d’agents de la FPT.

Ce mouvement peut être une opportunité pour des collectivités, sous contrainte de repenser leur schéma organisationnel et d’engager de nouvelles pratiques. Celles-ci impliquent la prise en compte de la demande des agents, toutes générations confondues, de plus d’autonomie, de responsabilités et du respect de l’articulation entre vie privée et vie professionnelle.

3 Yves PICHAULT, Pour en finir avec la génération Y, étude d’une représentation managériale, 2014

4 Chantal MORLEY, Maria BIA FIGUEIREDO, Emmanuel BAUDOUIN, Aline SALIERNO PIERSON, La génération Y dans l’entreprise, 2012

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Les jeunes de moins de 30 ans dans les collectivités territoriales en quelques chiffres significatifs5

Parmi les agents territoriaux, 11,3 % seulement ont moins de 30 ans.

Catégorie A

3,4 %

4,7 %

7,3 %Catégorie B

Catégorie C

Répartition par catégorieAdministrative

10 %

33 %

12 %

27 %

12 %

12 %

12 %14 %9 %

9 %13 %

AnimationCulturelleMédico-socialeMédico-techniqueSportiveTechniqueSécurité-Police municipaleSocialeHors filière (emplois de cabinet)Filière indéterminée

Répartition par filière

Sans diplôme

8,7 %

32,2 %

28,7 %

30,4 %Diplôme inférieur au baccalauréatDiplômés du baccalauréat

Diplômés de l’enseignement supérieur

Répartition par diplôme Répartition par niveau de rémunération

Salaire net mensuel moyen des agents titulaires

Montant

Catégorie A 2 183 €

Catégorie B 1 766 €

Catégorie C 1 520 €

Méthodologie

Nous avons fait le choix d’une étude qualitative réalisée à partir d’entretiens, individuels et collectifs, de jeunes agents et de professionnels en mesure d’apporter leurs propres observations (médecins de prévention, assistantes sociales, syndicats). L’étude se base sur des entretiens semi-directifs avec 25 jeunes territoriaux de 18 à 35 ans réunis en trois groupes de sept à dix agents, des entretiens individuels avec cinq jeunes militants mutualistes du comité jeunes de la MNT, et sur le suivi par l’ensemble des onze membres du comité jeunes du lancement de l’étude à sa conclusion.

Deux terrains d’étude complémentaires ont été sélectionnés pour couvrir une zone à forte densité en termes de population et d’emploi, et une zone moins dense :• L’Île-de-France, principal bassin d’emploi fortement peuplé et urbanisé compte

un tiers des Français de moins de 25 ans selon l’INSEE. 5 Rapport annuel sur l’état de la fonction publique, édition 2014 de la DGAFP, ministère de la

Décentralisation et de la Fonction publique, 2014

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Les jeunes agents rencontrés travaillent en Seine-Saint-Denis (26 % de la population6), Essonne (20,3 % de la population) et à Paris. Deux réunions de groupe de neuf et sept agents ont été organisées, complétées par deux entretiens individuels avec un cadre A du conseil régional et une assistante sociale pour varier les profils et compléter l’échantillon sur les quatre niveaux de collectivités.

• La Bretagne, région plus rurale et moins peuplée, avec 17,5 % de jeunes de moins de 30 ans : entretien collectif avec sept agents. Réunir pour un entretien collectif des agents de métiers variés, issus de commune, communauté de communes, département et région a d’ailleurs nécessité le concours d’une société spécialisée.

Au total 26 agents territoriaux de toutes catégories (A, B et C), issus des quatre niveaux de collectivités, ont témoigné de leur expérience. Ils se sont exprimés avec une grande liberté et ont fait part de leur satisfaction d’être sollicités et écoutés.

Ces agents exercent des métiers dans des secteurs diversifiés : accueil, études, fonctions support, technique, social, animation, restauration… Tous se situent dans la tranche d’âge 18-35 ans. Traditionnellement les études et les enquêtes sur ce sujet portent sur les moins de 30 ans. L’âge moyen d’arrivée dans une collectivité, en particulier l’âge moyen de la titularisation est supérieur à 30 ans, après une expérience professionnelle dans le secteur privé ou en tant que non titulaire. Aussi, la MNT a souhaité élargir la cible et la problématique aux nouveaux arrivants.

Par ailleurs, les membres du comité jeunes ont été étroitement associés à travers des échanges réguliers lors de points d’étape et de validations intermédiaires leur permettant de confirmer tant l’analyse que les pistes proposées. Agents en collectivités sur tout le territoire, ils représentent tous les territoires d’outre-mer et le territoire métropolitain.

Répartition des jeunes agents par catégorie et par genre

Collectivités/catégories

Commune EPCI Conseil départemental

et SDIS

Conseil régional

Total

Catégorie A 1 F 2 F - 1 H 4

Catégorie B 2 F - 2 F 3 H - 7

Catégorie C 6 F 2 H 3 F 3 H - 1 F 14

Total 11 8 5 2 26

6 Chiffres INSEE

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Nous avons souhaité élargir la réflexion en intégrant la vision de professionnels territoriaux :

• 10 DRH

• 2 médecins de prévention

• 2 assistants sociaux

Selon les disponibilités et afin de maintenir la représentation des quatre niveaux de collectivités et les deux types de terrain, les entretiens avec les DRH ont été élargis à la région Rhône-Alpes d’une part et aux Pays de la Loire d’autre part.

Les représentants de trois organisations syndicales ont également été rencontrés : Sylvie GUINAND, secrétaire fédérale CGT services publics, Christine MARCHETTI, secrétaire nationale, responsable syndicalisation de la fédération interco CFDT et Ange HELMRICH, secrétaire général de l’union régionale UNSA Territoriaux du Languedoc-Roussillon.

Répartition des 40 entretiens entre les collectivités

Collectivités/Profils Commune Ville et EPCI

EPCI Conseil départemental

Conseil régional

Total

Jeunes 11 - 8 5 2 26(dont 1 agent

du SDIS)

DRH 3 1 2 2 2 10

Médecins et assistants sociaux

1 - - 2 1 4

Total 15 1 10 9 5 40

Les groupes de jeunes agents étaient majoritairement féminins, à l’image de la FPT, avec 16 femmes (F) et 8 hommes (H).

Les entretiens ont débuté en avril 2014 et ont été achevés en janvier 2015 en raison des difficultés rencontrées pour mobiliser tant les DRH sur le sujet des jeunes que les jeunes eux-mêmes.

40 personnes au total ont ainsi participé à ces échanges. Malgré des différences de positionnement, d’âge et d’expérience, des réflexions communes émergent indiscutablement. La première partie s’attache principalement à décrire les pratiques RH mises en œuvre avant et après le recrutement des jeunes agents. La deuxième identifie leurs caractéristiques et leurs attentes. Ce travail d’analyse permet de proposer, dans un troisième temps, six pistes d’action.

« Aux âmes bien nées, la valeur n’attend pas le nombre des années. » (Pierre Corneille)

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A. D’un choix par défaut à une réelle motivation pour le service public

1RE PARTIE : LE PARCOURS D’ENTRÉE

DES JEUNES DANS LES COLLECTIVITÉS

TERRITORIALES

1. Une fonction publique territoriale encore méconnue du grand public

Selon les DRH, la méconnaissance de la FPT et de ses métiers reste importante. L’un des jeunes agents d’une commune d’Île-de-France de 50 000 habitants le confirme : « Quand on ne travaille pas dans une collectivité, c’est difficile de percevoir ses missions. Malgré des efforts de communication, ça reste flou. »

Des manifestations sont pourtant organisées, plus particulièrement à l’intention des jeunes. Au niveau national, le salon de l’emploi public est le plus emblématique. Au niveau local, des forums de l’emploi sont pris en charge par les collectivités territoriales elles-mêmes et par leurs centres de gestion (CDG).

Le secteur privé et ses métiers sont mieux connus des étudiants comme, plus largement, des demandeurs d’emploi. Trois raisons principales expliquent cette situation : • des relations plus soutenues entre les entreprises et le monde de l’enseignement

(écoles et universités) ; • l’absence de concours, même si en 2011, bien que les recrutements directs

soient en hausse, une arrivée sur deux sur les emplois permanents dans la FPT est un agent non titulaire7 ;

• des entreprises plus offensives et plus présentes auprès des étudiants, y compris lorsqu’elles ne recrutent pas. À titre d’exemple, Renault, malgré son faible taux d’embauche, soigne son image auprès des jeunes afin de rester un employeur attractif.

Néanmoins, la méfiance des jeunes agents rencontrés est perceptible vis-à-vis des entreprises. Celles-ci sont soupçonnées, parfois même accusées, de favoriser un management par les chiffres dans le seul but de maximiser le profit. « Dans le privé, les intérêts commerciaux dominent, il faut vendre à tout prix. Je cherchais la diversité et ne plus travailler pour une entreprise qui pense essentiellement au chiffre ; c’est important de servir la population », estime un technicien informa-tique d’un conseil départemental situé en Bretagne. Travailler dans le secteur privé

7 Bulletin d'information statistique, DGCL, n° 93, janvier 2013.

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suscite aussi, telle une épée de Damoclès, de l’inquiétude chez des agents en quête de sécurité : « Dans la fonction publique, on conserve un travail jusqu’à la retraite », apprécie cet agent de catégorie C dans une communauté d’agglomération d’Île-de-France. Pour les auteurs de l’ouvrage Et la confiance, bordel8, en France, la sécurité est une dimension-clé partagée par tous les jeunes actifs, quel que soit leur secteur d’activité.

La fonction publique d’État, quant à elle, n’est guère plus attractive. Elle semble peu dynamique, et ses métiers, en raison de leur éloignement des citoyens, moins intéressants. Un agent en témoigne : « J’y réfléchirais à deux fois avant d’intégrer la FPE, leurs métiers ne sont pas attractifs, les fonctionnements plus lourds. La FPT fait preuve de davantage de réactivité et de dynamisme. » Son collègue confirme : « Je pense que la Territoriale est plus dynamique que l’État » (catégorie C et catégo-rie B, communauté d’agglomération de plus de 100 000 habitants d’Île-de-France).

La FPT n’est pas non plus un employeur de choix malgré la diversité de ses métiers, son rôle majeur dans la délivrance de prestations à un large public et une politique de communication plus soutenue ces dernières années. Tant en Île-de-France qu’en région, la vision des agents majoritairement de catégories B et C, alors qu’ils étaient candidats, n’est pas très flatteuse : « j’imaginais des personnes qui restaient à leur poste » ; « moi, je ne faisais pas la différence entre la Territoriale et l’État et je voyais ça assez poussiéreux » ; « moi, j’avais des préjugés : je pensais que cela fonctionnait au ralenti, avec des gens qui regardent leur montre une heure avant la fin de la journée » ; ou encore : « ce qui donne cette image sclérosée de la fonction publique, c’est que si quelqu’un ne fait rien, il n’y aura pas de sanction… »

Pour les plus nombreux dans notre échantillon, intégrer la FPT lors de leur recherche d’un emploi constituait un choix par défaut, les autres minoritaires et diplômés ayant fait le choix d’une carrière. Les premiers y entrent le plus souvent par le hasard d’une annonce ou d’une rencontre. Les seconds passent un concours correspondant en principe à la fois à leur niveau d’études et à leurs souhaits en termes de métier.

Pourtant, une fois en poste, les jeunes agents se disent souvent heureux, parfois même fiers, de travailler pour les autres et de « servir à quelque chose ». Un technicien informatique d’un conseil départemental de Bretagne en témoigne : « Je suis épanoui dans mon poste, avec des activités très polyvalentes. Je ne cherchais pas une planque. C’est très intéressant, on peut aller dans tous les services, c’est dans l’intérêt de la collectivité de faire en sorte que tout fonctionne. » La représentante de la CGT confirme cette implication : « On est surpris par leur envie de travailler quelles que soient les conditions. Ils acceptent des contraintes et des conditions de travail difficiles, par exemple en cuisine. Ce sont des agents motivés, passionnés par ce qu’ils font et fiers d’être fonctionnaires. »

8 Publication de l’Institut Montaigne et de Financi’ELLES, 2014

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Les facteurs d’attractivité des collectivités sont variés : situation géographique pour les agents de catégorie B et C rencontrés, type de collectivité et projets de développement du territoire plutôt pour les catégories A.

À titre d’exemple, deux collectivités dont les DRH ont été sollicités sont attractives pour des raisons très différentes. La région Rhône-Alpes bénéficie de sa situation géographique (ville de Lyon, proximité des Alpes) et de sa qualité de vie. Le département de Seine-Saint-Denis lui, en raison de son contexte social, suscite une forme de « vocation militante ». L’attractivité d’une organisation s’apprécie, certes, lors du recrutement, mais aussi dans la durée. Nombre de collectivités, comme des entreprises, peinent à fidéliser certains métiers ; plus encore si elles se situent à proximité de structures plus attractives.

Enfin, la crise économique est porteuse pour le recrutement des cadres. Selon la DRH d’un conseil régional : « La crise permet le recrutement de collaborateurs qui ne se seraient pas intéressés aux collectivités dans un contexte économique plus favorable. »

2. Le choix d’un emploi stable dans un environnement instable

Selon une enquête sur les entreprises préférées des étudiants en management et des ingénieurs9, les premiers plébiscitent la Commission européenne en 3e place et les seconds le CNRS en 8e place : « Le secteur public attire surtout en temps de crise. Dans ce contexte, un emploi sûr est plus attractif. » De même, l’aspiration des jeunes à la sécurité explique d’ailleurs le regain d’intérêt des jeunes diplômés pour le secteur bancaire, car la majorité des embauches se font en contrat à durée indéterminée (CDI).

Une étude de 201210 indiquait que les jeunes préfèrent les grandes entreprises (69 %) aux PME (31 %), et le secteur privé (59 %) au secteur public (49 %). Néanmoins, la crise tend à inverser progressivement les priorités : en 2009, les jeunes Français positionnaient la stabilité de l’emploi en 8e position, elle devenait n° 1 en 2012.

Pour un jeune chômeur, avec ou sans diplôme, la FPT est bien un employeur comme un autre. Son principal atout est la garantie de l’emploi11, les autres facteurs d’engagement restent secondaires : intérêt des métiers, évolution de carrière... Selon le représentant de l’UNSA : « Un jeune ne viendra pas de lui-même dans la Territoriale. »

Certains jeunes rencontrés ont intégré la Territoriale après une première expérience dans le privé : contrats à durée déterminée ou missions d’intérim et, souvent, une période de chômage. Le recrutement à la suite d’un remplacement semble

9 « Palmarès Top Employeurs », Institut Trendence, L’Étudiant, 201410 Les jeunes et le travail, Cegos, 201211 Enquête Ipsos/logica Business Consulting, 2012

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également fréquent. De ce fait, l’âge d’entrée se situerait autour de 32-33 ans. Conclure un contrat à durée déterminée semble aujourd’hui plus compliqué qu’hier. Les remplacements sont contenus autant que possible, malgré des arrêts de travail fréquents (taux d’absentéisme de 8,7 % selon Sofaxis en 2013). Enfin, la succession de contrats dans l’attente de la réussite à un concours est vécue douloureusement par des jeunes en quête de stabilité professionnelle.

Le chômage est un spectre et une menace pour les jeunes agents. Un technicien dans un conseil départemental de Bretagne en témoigne : « Pour ma part, avoir un travail quel qu’il soit, rapporter l’argent le soir, que ce soit privé, public ou en intérim, je prenais tout. » Les DRH sont conscients de la valeur d’un emploi pour les agents, plus encore sur certains territoires tels que la Seine-Saint-Denis, où 24 % d’entre eux sont sans emploi, contre 19 % en Île-de-France12. Ils saluent leur engagement : « Des jeunes bien impliqués dans ce qu’ils font, valorisés de travailler en Seine-Saint-Denis, avec la volonté de s’intégrer dans le milieu du travail » ; « Les jeunes sont en demande de travail avec la nécessité de prouver qu’ils sont aptes, et s’inscrivent dans une démarche volontariste. » Les jeunes ne sont pas idéalisés, la DRH d’une commune de plus de 100 000 habitants d’Île-de-France précise que tous n’ont pas un état d’esprit si positif : « L’approche peut être alimentaire et la facilité veut que l’on écrive à la mairie. Pourquoi passer le concours si l’on peut être recruté par voie d’accès direct ? »

Enfin, le statut de titulaire participe à l’intégration dans la vie civile : relations avec les banques pour obtenir un prêt immobilier ou avec les bailleurs pour louer un logement. Cet avantage implicite considéré comme un privilège est très apprécié des jeunes agents. Certains estiment d’ailleurs qu’ils n’auraient pu accéder à la propriété sans ce statut.

3. Le choix d’un métier s’exerçant principalement dans la Territoriale

Intégrer la FPT représente pour des jeunes diplômés la possibilité d’exercer le métier qu’ils ont choisi et pour lequel ils ont suivi un cycle d’études ou des formations longues : policier municipal, auxiliaire de puériculture, travailleur social, animateur… La nature de l’activité est alors leur principal levier de motivation, comme l’indique une assistante sociale dans un conseil départemental de Bretagne : « Pour moi, clairement, j’ai fait le choix d’un métier. Je n’ai pas choisi la fonction publique, le poste d’assistant de service social est un débouché évident. »

S’ils accordent de l’importance à leur métier, ils sont aussi ouverts, à moyen terme, à d’autres perspectives. La majorité d’entre eux refuse d’être enfermée dans une spécialité pendant la durée d’une vie professionnelle qui ne cesse de s’allonger.

12 Chiffres INSEE Ile-de-France, mai 2011

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Des positionnements différents pour les cadres

Pour les cadres A rencontrés, le choix de la FPT est un choix délibéré. On parle alors de motivation construite. Nombre d’entre eux auraient d’ailleurs pu éga-lement travailler dans le secteur privé et bénéficier de niveaux de rémunération plus conséquents. À l’origine de leur engagement, ils mentionnent : le service public, l’intérêt général, le développement des territoires…

Certains DRH distinguent, à ce titre, les non diplômés des diplômés de l’ensei-gnement supérieur. Selon eux, les cadres A ont une forte appétence pour le service public local et une capacité à se projeter.

D’autres, comme la DRH d’une commune de plus de 100 000 habitants d’Île-de-France, apprécient les agents entrés par concours plutôt que ceux re-crutés par voie directe : « Ce sont des gens qui travaillent, qui ont des notions, ils ne sont pas là par hasard. Ils sont fiers d’avoir réussi un concours, ils n’ont pas choisi la voie de la facilité. »

4. La proximité géographique, un facteur plutôt secondaire ?

Un emploi dans la FPT représente la possibilité de vivre et de travailler « au pays ». Lors de nos entretiens, les agents n’ont pas particulièrement mis en valeur cette dimension. La mobilité est un concept très relatif, l’un d’eux, technicien résidant en Bretagne, s’est déclaré mobile « dans un périmètre de 50 kilomètres ».

La majorité d’entre eux semble avoir trouvé un emploi à proximité de leur domicile. L’un d’eux est néanmoins venu en région parisienne pour son premier poste. Il est revenu en Bretagne dès que l’opportunité s’est présentée. Le DRH d’une commune de 60 000 habitants, difficile d’accès, donc peu attractive pour les cadres a pu re-cruter récemment un collaborateur souhaitant s’y réinstaller. Le retour au pays peut constituer une opportunité de recruter et d’attirer des compétences dans certaines collectivités. Ce même DRH a ainsi pu pourvoir deux postes : un poste d’auditeur en organisation et un autre de professeur d’enseignement artistique.

Les cadres sont traditionnellement plus mobiles, une carrière ne pouvant s’envisager aujourd’hui dans une même collectivité. Demain, sans changer d’employeur, ils devront être plus mobiles en raison de territoires plus vastes. Le nomadisme, défini comme toute forme de travail accompli ailleurs qu’au poste de travail habituel, pourrait être une des nouvelles caractéristiques de l’activité des cadres. Selon le blog « parlons RH » et le site « juriTravail », 70 % des cadres du secteur privé travaillent aujourd’hui en dehors de l’entreprise.

Le représentant de l’UNSA fait part des craintes de délocalisation des agents en raison de la réforme territoriale. À ce jour, il semblerait que les agents resteraient majoritairement sur leur lieu de travail actuel. La fusion des régions et les mutuali-sations auraient peu d’impact.

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B. Un accompagnement RH des jeunes agents peu différencié

1. Des politiques RH encore peu formalisées et égalitaires

La formalisation de la politique de gestion des ressources humaines (GRH) est fonction, d’une part, d’un contexte et, de l’autre, d’une stratégie construite pour atteindre les objectifs fixés par les élus. Elle accompagne et soutient la mise en œuvre de la stratégie, autrement dit, elle garantit sa faisabilité. Malgré de réelles avancées dans de nombreuses collectivités, les DRH sont encore contraints de se livrer à une sorte de bricolage en se référant à diverses notes, processus et règlements. Dans ces conditions, la GRH ne fait pas toujours l’objet d’une réelle concertation tant avec les managers qu’avec les partenaires sociaux et reste entre les mains de la DRH.

Les jeunes agents ont fait part de leurs attentes13 de règles claires, lisibles et accessibles en matière de politique RH, plus particulièrement sur les trois champs suivants : • la politique de rémunération : critères et modalités de versement du régime

indemnitaire ;• la politique de développement des compétences et des parcours professionnels :

accès à la formation, modalités de changement de métier ;• la politique de promotion et d’avancement.

Certains estiment être peu et mal informés. Comme le déplore un agent de catégorie C d’une communauté d’agglomération de plus 100 000 habitants d’Île-de-France : « Il y a des choses que l’on ne sait pas et d’autres que l’on a apprises en formation d’intégration. Il manque un outil pour mieux connaître les dispositifs RH tel qu’un guide d’accueil des nouveaux arrivants. »

a. Des dispositifs RH pas ou peu influencés par la classe d’âge 18-35 ans

Aucun des DRH interviewés n’a estimé nécessaire d’adapter les dispositifs RH aux jeunes. Trois raisons sont avancées : pas de spécificités, l’égalité de traitement des agents et pas de problèmes particuliers. Segmenter en fonction de l’âge a suscité des réticences chez certains professionnels RH qui ne se reconnaissent pas dans cette forme de catégorisation des agents. Au fil des entretiens, des particularités ont été néanmoins naturellement identifiées. Les collectivités n’ont d’ailleurs pas développé une gestion spécifique à cette classe d’âge malgré quelques rares ajustements. Toutefois, à toute règle ses exceptions, les seniors en raison de leur nombre et de leurs difficultés en font partie.

13 Développées dans la 2e partie

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À titre d’exemple, le conseil départemental du Morbihan a réalisé une enquête interne sur la qualité de vie au travail qui n’a pas permis de déceler de différences ou d’attentes selon les tranches d’âge.

Les agents rencontrés n’ont pas fait part de demandes visant à adapter la GRH. En revanche, ils sont très attentifs à leur employabilité qui peut être définie comme la capacité d’un agent à conserver ou à obtenir un emploi, dans sa fonction ou dans une autre fonction, à son niveau hiérarchique ou à un autre niveau.

Les grandes entreprises privées ont engagé des pratiques radicalement différentes. Elles tiennent à être attractives pour d’abord attirer, puis fidéliser les talents : politiques d’accueil diversifiées et structurées, actions visant à favoriser la qualité de vie au travail, dont l’engagement au respect de l’articulation vie privée/vie professionnelle, respect de la parité, perspectives de carrière à court terme, politiques de rémunération stimulantes…

Les collectivités sont de plus en plus nombreuses aujourd’hui à accorder une grande attention aux agents de plus de 50 ans, autrement dit aux seniors. Selon la DRH d’un conseil régional : « Ils sont là et présentent des problèmes d’usure professionnelle auxquels nous devons apporter des réponses. » En raison de l’allongement de la durée de vie au travail et d’une double usure, physique et psychologique, se traduisant par des arrêts de travail plus élevés, des actions spécifiques aux seniors sont mises en œuvre.

Quelques DRH estiment néanmoins devoir faire preuve de davantage de vigilance dans certains domaines. Le temps – dimension capitale – pourrait justifier une évolution des pratiques aujourd’hui encadrées dans des règlements aux seules dimensions juridiques. La gestion des compétences et plus particulièrement leur employabilité est un autre point d’attention, au regard de leur sensibilité à cette thématique.

Aujourd’hui, la contrainte budgétaire est une autre des dimensions à prendre en considération dans la politique RH. Elle engage les collectivités à évaluer leurs atouts et leurs faiblesses, afin de maintenir la mobilisation de leurs collaborateurs. Des leviers jusqu’alors peu exploités pourraient être davantage valorisés : la confiance, l’autonomie ou encore la responsabilisation.

b. Les emplois aidés

Les gouvernements successifs ont fortement sollicité les collectivités territoriales pour favoriser l’insertion des jeunes et des moins jeunes : emplois jeunes, contrats emploi solidarité, emplois d’avenir… Certains d’entre eux sont ensuite recrutés à l’issue de leur contrat.

Deux ans après leur mise en place, 150 000 contrats dits emplois d’avenir ont été signés dont 39 000 dans la FPT14. Les jeunes concernés ne sont pas diplômés et

14 Selon Jérémy BLAZQUEZ, directeur du projet emplois d'avenir au CNFPT, Blog pour l’emploi Monster 2014

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âgés de 18 à 25 ans, ils signent un CDD de trois ans. Les zones urbaines sensibles bénéficient de dérogations en ayant la possibilité de recruter des diplômés.

La majorité des collectivités rencontrées ont recruté des emplois d’avenir de manière plus ou moins importante, estimant qu’elles ont une responsabilité dans l’emploi des jeunes. « On se doit de donner l’exemple », affirme la DRH d’une communauté d’agglomération en Bretagne. L’orientation vers la jeunesse semble plus marquée dans les territoires franciliens, confrontés à un taux de chômage des jeunes plus important.

Les avis des DRH sont partagés mais plutôt positifs. En fin de compte, la DRH d’une commune de plus de 90 000 habitants d’Île-de-France fait part de sa satisfaction : « Nous avons recruté 20 emplois d’avenir, des agents formidables, d’autres avec des problèmes de ponctualité. Certains ont une volonté à toute épreuve. Le dispositif est mis en œuvre de manière très progressive, avec une sélection des plus motivés ; nous n’avons pas remarqué de problèmes de comportement au travail. » Dans une région, l’équipe RH est mobilisée malgré la difficulté de l’exercice : « On équilibre entre les jeunes plus difficiles et les autres. On joue notre rôle, cela demande de l’engagement. »

Des questions concrètes d’accompagnement se posent à des DRH débordés et à leurs équipes. « Faute de temps disponible, comment les accompagner ? », s’inquiète le DRH d’un conseil régional. En ces temps de resserrement des marges de manœuvre budgétaires, les emplois d’avenir peuvent renforcer le niveau des effectifs de collectivités sous pression : « Un emploi jeune peut être engagé dans l’attente de la décision de recruter. Les demandes de renfort avec un emploi d’avenir peuvent être validées si elles ne sont pas pérennes. La collectivité s’engage à le former, à l’aider et à l’accompagner, c’est donnant-donnant. »

À ce jour, les perspectives de recrutement des emplois d’avenir sont faibles. Comme le précise le DRH d’un conseil départemental d’Île-de-France : « C’est un tremplin, ils n’ont pas vocation à rester, ce n’est pas une porte d’entrée dans notre collectivité sauf pour les métiers en tension. » La fin des contrats suscite d’ailleurs des inquiétudes : « Ils représentent un investissement important des services. Le problème, c’est la sortie du dispositif. Ils coûtent peu cher et les services s’habituent aux agents. »

Deux autres dispositifs facilitent l’insertion des jeunes. Selon la ministre de la Fonction publique, l’apprentissage est trop peu déployé, 11 000 apprentis en 201215, malgré des métiers s’y prêtant : espaces verts, bâtiment ou encore restauration. Les collectivités accueillent également régulièrement des élèves et étudiants en stage pour une durée variant de quelques jours à plusieurs mois.

15 http://www.fonction-publique.gouv.fr/

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2. Un recrutement davantage orienté vers les compétences

Dans un contexte de chômage de masse, à quelques exceptions près, les DRH des collectivités estiment ne pas rencontrer de difficultés particulières pour recruter les compétences dont elles ont besoin. Tant les candidatures spontanées que celles en réponse à une annonce dans la presse sont nombreuses. Elles ne correspondent néanmoins pas toujours au profil de poste. Ce constat incite des DRH à envisager une évolution de leurs pratiques de recrutement et, comme nombre d’entreprises, à regarder de près l’apport des réseaux sociaux.

La faible mobilité externe des agents n’incite pas le DRH d’un conseil régional à privilégier le recrutement de jeunes : « Ils sont là pour 40 ans. » Les personnes ayant une première expérience professionnelle rassurent les employeurs locaux sur leur capacité à changer d’employeur.

Les jeunes agents estiment plus difficile d’intégrer la fonction publique aujourd’hui qu’hier. Selon eux, les collectivités ne titularisaient plus aussi facilement pour conserver des marges de manœuvre. La réforme territoriale, quoique amputée d’une partie de ses dispositions, se traduira par une réduction des postes, notamment de cadres, dans les prochaines années. Les départs en retraite pourraient néanmoins rouvrir des perspectives.

a. Un recrutement plus sélectif

La phase de sélection est devenue une phase-clé pour les collectivités et revendiquée comme telle par les DRH. Elles souhaitent privilégier un recrutement par les compétences, alternative qualitative à une gestion des effectifs. L’époque des recrutements sociaux semblerait aujourd’hui révolue. Les DRH aspirent, si les élus le leur permettent, à sélectionner les futurs agents en fonction de leurs compétences et de leur potentiel d’évolution, plutôt qu’en raison de leur proximité avec la sphère politique ou au regard d’une situation sociale précaire. Les organisations syndicales sont sur la même ligne de conduite. Si elles déplorent le recrutement de surdiplômés par la voie du concours, elles sont aussi très critiques concernant le recrutement direct, porte ouverte aux abus.

Le resserrement des marges de manœuvre budgétaires invite les collectivités à évaluer plus finement leurs besoins en compétences, plutôt d’ailleurs qu’en effectifs. Inavouables hier, certains propos sont devenus publics. « Il faut rechercher la qualité et faire des priorités. En matière d’éducation et de culture, on fera moins demain qu’hier », reconnaît le DRH d’une agglomération de plus de 90 000 habitants en Bretagne.

Le recrutement des managers fait l’objet d’une attention soutenue. Certaines collectivités mettent en place des tests dans l’objectif de mieux mesurer leurs compétences managériales.

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b. La diversité en question

Selon ses détracteurs, le concours, en raison d’épreuves littéraires, n’assurerait plus l’égalité d’accès aux emplois publics. Pour d’autres au contraire, ce type d’épreuves est à maintenir, car elles garantissent la qualité des recrutements. Si le concept de responsabilité sociale n’a pas encore toute sa place dans les politiques RH des collectivités, deux de ses déclinaisons sont mieux intégrées. La diversité, notamment la parité hommes-femmes, et le handicap font l’objet d’une attention plus soutenue.

Certaines collectivités revendiquent leur exemplarité en matière de diversité, d’autres y semblent moins sensibles. Les collectivités d’Île-de-France semblent davantage mobilisées en raison d’un taux de migration le plus élevé pour les 18-29 ans16.

Quelques-unes, notamment les villes de Nantes et de Lyon, ont d’ailleurs obtenu le label diversité délivré par l’Afnor17 valorisant la volonté politique des élus dans leur lutte contre les discriminations et la promotion de la diversité. Cela permet à la structure candidate, lors d’un diagnostic préalable, d’évaluer ses processus de ressources humaines et de les modifier, le cas échéant, pour obtenir ce label.

Inscrit dans la loi depuis 2006, mais encore non généralisé faute de décrets d’application, le CV anonyme est un moyen devant également permettre de réduire les discriminations à l’embauche. « Le sujet fait toujours polémique », constate le président de l’association nationale des DRH du privé (ANDRH), Jean-Christophe SCIBERRAS. Deux collectivités sont plus particulièrement connues pour l’avoir mis en œuvre : la région Aquitaine et le conseil départemental de l’Essonne. Selon son ancien président, Jérôme GUEDJ, l’expérimentation semblait concluante. En effet, d’après la comparaison des campagnes de recrutement engagées en 2012 et en 2014, les candidats au prénom discriminable ont respectivement 32 % de chances supplémentaires de passer un entretien et 36 % d’être recrutés, par rapport à 201218.

La montée en puissance du recrutement par les réseaux sociaux, soit le contraire de l’anonymat, risque néanmoins de remettre en cause un texte également contesté au regard de ses lourdeurs administratives : coût et modalités pratiques. L’un de ses promoteurs, l’ancien président d’Axa, Claude BEBEAR, aujourd’hui président de l’Institut Montaigne, a pris de la distance face à cette mesure qu’il avait pourtant, dans le passé, appelée de ses vœux.

c. Le déclassement

Un salarié est considéré en situation de déclassement lorsque son niveau de qualification est supérieur à celui requis pour son poste de travail. Une récente étude19 indique que le phénomène est plus développé dans le secteur public que dans le privé. Il touche également les générations récentes compte tenu d’un 16 Insee17 Association française de normalisation18 Site du Dauphiné, consulté le 14/12/201419 Surqualification et sentiment de déclassement : public-privé, des profils et des opinions proches,

DGAFP et Centre pour la recherche économique et ses applications (Cepremap), janvier 2015.

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taux élevé de chômage des jeunes : « Ceux-ci ont la particularité, dans la fonction publique, d’avoir plus fréquemment connu un épisode de chômage dans leurs parcours antérieurs. »

Le déclassement est accepté en raison du système de la carrière permettant d’envisager des perspectives d’évolution à moyen terme par le biais des concours. Point positif de cette étude, il tend à diminuer avec l’ancienneté ; un reclassement progressif s’opère donc dans le temps.

Les organisations syndicales déplorent un système généralisé de surdiplômés qui ne date pas d’aujourd’hui et s’exerce au détriment des moins qualifiés. Ces derniers ne peuvent faire face à la concurrence des diplômés. La représentante de la CGT « regrette que l’accès à la FTP se fasse de plus en plus sur diplôme, ce qui donne lieu à un phénomène de surqualification. Le concours ne peut plus être un ascenseur social pour les non diplômés ». La représentante de la CFDT renchérit : « Cela devient un problème ensuite pour tout le monde. Des surdiplômés occupent des postes d’entretien. Nombre d’agents n’utilisent pas leurs compétences. »

Les DRH en mesurent bien les risques. Ils subissent la pression de managers rassurés par les candidats diplômés, gages de compétences. La situation, acceptable pour l’agent dans un premier temps, peut devenir une source de frustrations s’il n’occupe pas un poste correspondant à son niveau d’étude. Le recrutement d’un diplôme par voie directe ou par le biais d’un concours de catégorie B ou C est, aux yeux de certains DRH de notre échantillon, une solution pouvant s’avérer hasardeuse à moyen et long terme.

d. Les métiers en tension

Malgré un taux de chômage de 10 %, quelques métiers ne trouvent pas de candidats ou alors au prix d’une recherche fastidieuse et coûteuse. Ce sont principalement ceux de la filière médico-sociale : auxiliaires de puériculture, médecins, travailleurs sociaux, éducateurs ou encore aides-soignantes… La pénurie de médecins de médecine professionnelle et préventive se fait plus que jamais cruellement sentir, certains postes restant vacants plus de deux ans. Les informaticiens – en raison de la concurrence avec le secteur privé – et les profils financiers peuvent poser aussi des difficultés dans certains territoires. Dans les intercommunalités, en recherche de profils de techniciens spécialisés, la rémunération n’est pas à la hauteur de celle proposée dans le secteur privé. Les collectivités entre elles ne sont pas non plus sur un pied d’égalité, et parfois même en concurrence.

Elles semblent peu nombreuses à avoir engagé des dispositifs à la fois proactifs et préventifs, sinon concernant la filière médico-sociale. Le conseil départemental de Seine-Saint-Denis propose aux étudiants en médecine des contrats emploi-formation subordonnés à un engagement d’une durée de trois ans. En interne, les agents peuvent aussi bénéficier de bourses leur permettant de se former,

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notamment, au métier d’auxiliaire de puériculture. L’apprentissage, dispositif-phare au niveau régional, permet de pourvoir des postes de cuisiniers dans les lycées.

Des départs en retraite, plus ou moins importants selon les collectivités, se profilent dans les prochaines années. Bien qu’ils ne suscitent pas d’inquiétudes particulières, les DRH tiennent pourtant à communiquer sur leurs métiers et à valoriser leur collectivité pour sécuriser leurs futurs recrutements. Le renouvellement des effectifs est perçu comme une opportunité pour aborder différemment certaines problématiques d’organisation du travail.

3. Un dispositif d’accueil des nouveaux agents devenu incontournable

Ce dispositif fait l’objet d’une attention soutenue, bien qu’il ne soit pas encore généralisé dans toutes les collectivités. Il est parfois réduit à sa plus simple expression, à savoir une réunion d’accueil des nouveaux arrivants, parfois organisée plusieurs mois après leur prise de fonction. « La qualité de l’insertion dans le travail conditionne en partie la qualité du parcours professionnel », estime l’agence nationale d’amélioration des conditions de travail (ANACT).

Un processus d’accueil structuré est un des facteurs-clés de réussite d’un nouveau collaborateur, qui plus est s’il s’agit de son premier poste. On considère qu’un agent est intégré à partir du moment où il est en mesure de se situer dans l’organisation, notamment avec la connaissance du périmètre de son poste et par rapport aux autres collaborateurs. Contrairement aux pratiques engagées par de grandes entreprises, les collectivités n’ont pas systématiquement formalisé un dispositif spécifique à l’intention des jeunes agents.

Le rôle des DRH est de formaliser, structurer, faire évoluer le dispositif d’accueil et évaluer sa valeur ajoutée. Les organisations syndicales partagent cette analyse. Pour la représentante de la CFDT, « toute nouvelle personne a besoin d’un accueil minimal, de repères et de références. Un socle commun est nécessaire, cela semble évident. Dans les collectivités qui ne font rien, une vraie réflexion est à engager autour des nouveaux pour favoriser leur insertion dans les équipes. Il s’agit de fournir des informations de base pour être acteur de sa situation et pour comprendre le milieu de travail et ses modes de fonctionnement ». Comme les DRH, elle distingue les « primo-recrutés » des autres agents, les premiers justifiant une attention toute particulière au regard de leur méconnaissance du monde du travail et de ses us et coutumes. Comme l’indique l’un des médecins de prévention d’un conseil départemental d’Île-de-France : « Plus vulnérables aux dysfonctionnements relationnels, les jeunes agents ne connaissent personne. Sans soutien, isolés, ils sont plus sensibles et plus impliqués, car c’est le début de leur vie professionnelle, une première expérience marque l’individu. »

Les dispositifs « de base » restent classiques : journée ou demi-journée d’information en présence des élus, parfois même du maire ou du président, et de la direction

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générale. Présentation des projets, informations relatives à la politique de GRH avec remise, s’il est disponible, d’un livret d’accueil ou encore visite des sites remarquables… Le service formation peut être associé en proposant des parcours de formation, notamment aux agents s’engageant à passer un concours.

Quimper Communauté propose un parcours sur cinq jours plus complet dédié aux cadres. Les projets du mandat y sont présentés ainsi que les politiques RH, la gestion des finances et des marchés publics, la politique qualité… Invités à l’évaluer en fin de séquence, les participants l’estiment très positif. Les non cadres ne sont pas oubliés : une journée d’accueil est ainsi organisée en présence du maire et du directeur général des services (DGS). Le conseil départemental du Morbihan est sur une même ligne, avec un accueil spécifique des cadres. Des petits-déjeuners les réunissent en présence du DGS et de la DRH. Un rapport d’étonnement est attendu de ces agents.

Les DRH rencontrés souhaitent également prévenir rapidement les potentielles difficultés, afin d’engager des actions de prévention. Pour la DRH d’un conseil départemental de Bretagne : « Il ne faut pas se retrouver dans des situations de décalage au niveau de compétences, faute d’avoir repéré des manques qui auraient pu être comblés. L’environnement du poste est à prendre en compte : l’équipe et ses spécificités – âge, sexe... » Les collectivités souhaitent s’inscrire dans la durée en proposant des points de parcours ou des bilans permettant aux agents de se projeter dans l’avenir.

Le conseil départemental de Seine-Saint-Denis organise une revue annuelle des effectifs avec les directions : situations individuelles, formation, évaluation… Au-delà des agents en phase d’intégration, elle permet néanmoins de « veiller » plus particulièrement sur eux, et de prévenir les risques de décrochage. L’équipe joue aussi un rôle important. Elle peut être en soutien ou, au contraire, isoler le nouvel arrivant s’il ne s’inscrit pas dans ses pratiques habituelles.

Sans être nécessairement de nouveaux agents, les managers débutants peuvent être intégrés dans un parcours spécifique afin de sécuriser leur prise de fonctions. Les agents de catégorie C bénéficient de trois jours de formation d’intégration orga-nisés par les INSET20. Des avis très positifs sont exprimés, tant de la part des agents que des DRH interviewés. Ce n’est néanmoins pas suffisant pour permettre à un agent de comprendre la culture de sa nouvelle collectivité. La majorité des DRH rencontrés estime d’ailleurs que leur dispositif d’accueil est perfectible, tant concernant la phase accueil, de nature plutôt informative, que le suivi de l’agent.

4. Une gestion des compétences très attendue

La FPT s’inscrit dans un processus de professionnalisation depuis plusieurs années. Elle fait face à un besoin toujours plus élevé de compétences, en raison des transformations et des exigences nouvelles du service public. Les contraintes

20 Institut national spécialisé d’études territoriales

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budgétaires et les attentes des usagers – qualité, réactivité, disponibilité, coût maîtrisé – l’invite à accorder une plus large place aux compétences.

a. Une gestion des compétences renouvelée pour un individu apprenant

Si la fonction publique d’hier pouvait se contenter de compétences incertaines, la situation est différente aujourd’hui. Le Premier ministre lui-même l’a rappelé au début de l’année 2015 : « La modernisation est nécessaire, le service public s’ins-crit dans un principe d’adaptation permanente. » La FPT connaît, en outre, une réforme nécessitant l’adhésion de ses agents et sollicitant leurs capacités d’adap-tation. Enfin, les collectivités s’orientent désormais vers des fonctionnements plus souples, plus flexibles, plus participatifs, favorisant des compétences telles que l’autonomie, l’initiative, la créativité. Le DRH d’un conseil départemental d’Île-de-France estime d’ailleurs que « les méthodes de travail changent ; il est nécessaire de se former sans arrêt ».

D’après les DRH, un environnement de travail aux repères flous et mouvants appelle de nouvelles capacités et compétences des agents, tant pour faire face à leurs activités actuelles que pour se reconvertir ou évoluer le moment venu :

• des compétences relationnelles : travailler en transversalité, coopérer, partager, communiquer ;

• des compétences numériques et informatiques : intégrer de nouveaux outils parfois même les concevoir, se repérer sur Internet ;

• des compétences cognitives : apprendre, rechercher, trier et gérer l’information.

Ces compétences impliquent, en amont, des savoirs de base, tels que la com-préhension, l’expression écrite et orale et les mathématiques, plus solides aujourd’hui qu’hier. Sont-ils aujourd’hui acquis ? Nombre de collectivités constatent que certains jeunes ne les possèdent pas. Selon la DRH d’un conseil régional : « Il y a des écarts entre les jeunes sans qualification et les autres, un fossé plus important qu’il y a quelques années. De jeunes agents sont à la limite de l’illettrisme, avec des lacunes en termes de compréhension. »

b. Des attentes fortes concernant le développement des compétences

Les discours managériaux des quinze dernières années sur les compétences et l’employabilité semblent avoir porté leurs fruits. À l’aube de leur vie profession-nelle, les agents redoutent déjà une obsolescence de leurs compétences et sont pleinement conscients de la nécessité d’une mise à jour continue et renouvelée de leurs connaissances. Leurs attentes sont fortes, parfois insatisfaites. Un agent d’une commune de plus de 50 000 habitants d’Île-de-France estime que « des améliorations sont attendues sur le champ des compétences. On est en attente

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d’un accompagnement sur des formations intéressantes. On ne nous en propose pas assez ». S’ils considèrent la compétence comme un capital, ils s’inscrivent néanmoins dans une posture passive de demandeurs vis-à-vis de leur collectivité, selon certains DRH rencontrés.

Les jeunes agents interrogés ont une vision très positive de la formation : « C’est un enrichissement permettant de s’instruire et d’échanger. » Pour avoir connu d’autres pratiques, un technicien dans un conseil départemental de Bretagne apprécie les possibilités offertes par son employeur : « C’est une chance qu’on a au conseil départemental. L’accès à la formation n’est pas le même dans toutes les collectivités. » C’est aussi, pour ce même agent, un levier pour changer de métier : « J’ai un DUT de mécanique et je suis actuellement dans le bâtiment, je suis passé par l’urbanisme. C’est possible d’être formé pour acquérir des compétences nouvelles. » S’ils reconnaissent et apprécient un accès relativement aisé aux formations courtes, ils souhaitent qu’il en soit de même pour les formations de longue durée. « II est difficile de partir et de se former, on n’a pas accès au congé individuel de formation et on a l’impression d’être bloqué dans son service », regrette une ATSEM21 dans une commune de plus de 50 000 habitants d’Île-de-France.

En synthèse, les jeunes agents estiment que la formation répond à un triple objectif : • elle sécurise face à une réglementation changeante et évolutive ;• elle permet d’évoluer, de changer de métier et, en fin de compte, de sécuriser

son parcours professionnel ;• elle permet enfin de s’enrichir.

Des nouvelles pratiques sont déployées, telles que les plans de formation inter-communaux permettant des échanges entre agents d’un même territoire. Aucun des jeunes rencontrés n’a indiqué se former dans le cadre d’un tutorat ou avoir été parrainé lors de son intégration. Cette modalité de transmission des compétences ne semble pas être une pratique courante dans l’échantillon de notre étude.

La gestion des compétences permet aussi de motiver les équipes. Malgré des bud-gets de fonctionnement très tendus, les collectivités tentent de répondre autant que possible aux demandes, y compris s’il s’agit de formations payantes (Saint-Denis). C’est un sujet majeur de convergence entre la DRH et les jeunes agents. Les pre-miers estiment d’ailleurs être incités par les seconds à expérimenter et à diversifier les modes d’apprentissage.

Pour les DRH rencontrés, les jeunes ne sont pas prioritaires dans les programmes de formation. Ce sujet ne peut pourtant pas être négligé, notamment au regard de ceux sortant du système scolaire sans qualification.

21 ATSEM : agent territorial spécialisé des écoles maternelles

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c. Vers une gestion plus individualisée des compétences

Les collectivités tendent à abandonner leur vision de l’agent générique ayant les mêmes aspirations et les mêmes besoins pour prendre chacun davantage en compte, en fonction de ses particularités et de ses attentes. Les formations génériques ne répondraient plus à leur niveau d’exigence. Selon le DRH d’une communauté d’agglomération de plus de 90 000 habitants en Bretagne : « Les jeunes ont une vision individuelle du projet, ils veulent plus de sur-mesure. »

Chaque agent est appelé à être un acteur de son parcours et de ses compétences. La dynamique est lancée, mais risque de ne trouver écho qu’auprès des plus diplô-més si le manager, censé être un développeur de compétences, ne s’implique pas auprès de chacun. Le sujet est d’importance, tant pour les jeunes et les moins jeunes que pour leurs employeurs.

d. La gestion des talents et des potentiels

Progressivement, les grandes collectivités rejoignent les pratiques du secteur privé en construisant des dispositifs spécifiques à destination des cadres et, plus largement, des talents. Les repérer est ainsi devenu un enjeu stratégique. L’objectif est plus particulièrement de fidéliser ces jeunes tentés par une mobilité après trois ou quatre ans dans la collectivité. Ces démarches sont plus ou moins formalisées, plus ou moins affichées et s’accordent parfois difficilement avec les principes d’égalité de gestion revendiqués par certaines collectivités.

Selon le DRH d’un conseil départemental d’Île-de-France leurs principaux apports sont : « Leur capacité de travail, un esprit d’analyse et de synthèse, l’ouverture, un regard neuf. » Ces jeunes sont aussi « désirables », car ils sont considérés comme des leviers de changement dans des organisations au fonctionnement parfois encore administratif et routinier.

Les deux exemples suivants montrent que le sujet peut être traité selon des moda-lités différentes :

• au conseil départemental de Seine-Saint-Denis, le DRH, conscient de la néces-sité d’attirer et de fidéliser les cadres A, a imaginé un parcours à leur intention. D’abord chargés de mission, ils peuvent être en deuxième ou troisième poste nommés sur des postes de direction.

• Dans un conseil régional, des modalités différentes ont été retenues. Dans une première phase, les potentiels ont été identifiés, soit 10 % des cadres. Des postes « tremplin » leur sont proposés et leur permettent pendant deux ou trois ans d’endosser des responsabilités les préparant à des fonctions de manage-ment supérieures. Un « contrat tripartite » est conclu entre l’agent, son manager et la collectivité pour concrétiser cette mobilité. Pour le DRH le dispositif est

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spécifique : « Ce n’est pas un objectif global, sinon, gare au déséquilibre ! Le surrecrutement est un problème. Il faut procéder au juste recrutement, au bon endroit pour une bonne adéquation profil/compétences. »

5. Des souhaits d’évolution marqués

Depuis sept ans, le baromètre Edenred/Ipsos pointe une forte attente des agents concernant leur évolution professionnelle. Des perspectives peu concrètes ou lointaines suscitent de la frustration, comme le confirme un agent technique d’une communauté d’agglomération de plus de 100 000 habitants d’Île-de-France : « Je pense qu’il faut voir autre chose, évoluer en interne, passer des concours » ; « on manque de perspectives d’évolution, les concours sont difficiles ». C’est une alerte bien comprise des DRH, sans que ceux-ci soient toutefois en mesure d’y répondre.

a. De la gestion de carrière aux parcours professionnels

Le statut propose un déroulement de carrière automatique pour chaque cadre d'emploi, par le biais d’avancements d’échelons et de grades. Accueillie très favorablement par les DRH, l’abolition des quotas statutaires fixés par les cadres d’emploi a ouvert de nouvelles perspectives en favorisant une gestion davantage en lien avec les activités et les compétences. Les critères d’avancement internes font néanmoins encore une large place à l’ancienneté. La DRH d’un conseil départemental de Bretagne le regrette : « Les avancements sont réservés aux agents proches de la retraite au détriment des jeunes. C’est un choix politique lourd de conséquences. » La suppression des quotas en accordant davantage de marges de manœuvre facilite le déroulement de carrière. À chacune de fixer ses propres ratios. Cela n’empêche pas de favoriser les plus âgés par le biais de critères favorisant l’ancienneté.

Le principe de la carrière, sorte de contrat psychologique se traduisant par une faible rémunération de départ contre une promesse d’avancement à long terme, ne semble plus répondre aux attentes des jeunes agents. Ils privilégient une évolution plus rapide. Au terme « carrière », ils substituent d’ailleurs « mobilité, parcours, formation ». Ils redoutent à ce titre, les conséquences de la baisse du nombre de postes, susceptible de freiner leur mobilité tant en interne qu’en externe.

Afin d’apporter une réponse à leurs attentes, les DRH se sont engagés, depuis quelques années, dans la définition de parcours professionnels et de formation, malgré les freins statutaires. Il s’agit de prévenir des risques tels que la démotivation, l’usure ou l’obsolescence des compétences. Selon la DRH d’un conseil régional : « Développer les parcours est nécessaire, on ne peut pas attendre que la personne ait 45 ans pour l’inclure dans un projet professionnel. On recrute à 25 ans et dès 30 ans, les évolutions sont à étudier. Notre rôle est d’inciter les agents à s’interroger sur leurs compétences et ce qui leur plaît, afin de les inscrire dans une posture de réflexion quant à leur devenir professionnel. »

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b. La mobilité interne, alternative à une faible mobilité externe

Sa valeur ajoutée est largement partagée : elle motive et fidélise, favorise la trans-versalité et les synergies entre services et, parfois même, valorise l’image de la collectivité. De nombreuses collectivités ont structuré ce dispositif jusqu’à en faire un pilier de leur politique RH. Le principe de la mobilité est bien accepté, les jeunes agents avides de perspectives sont acquis à la cause. Leurs attentes vont néanmoins au-delà d’un changement de poste pour se traduire par un changement de métier.

Convaincus d’avoir dans le secteur public des perspectives plus nombreuses que dans le privé, leur déception serait proportionnelle à leurs espoirs s’ils ne pouvaient évoluer. Selon leurs DRH, leurs intentions de mobilité externe sont encore faibles. Ce comportement est à rebours des discours des médias, selon lesquels les jeunes seraient plus libres et plus mobiles et préféreraient un CDD à un CDI. Leur fort besoin de sécurité les incite à ne pas changer d’employeur quand bien même ils seraient insatisfaits. Deux jeunes agents d’une commune d’Île-de-France de plus de 50 000 habitants regrettent cependant « de ne pas avoir le courage de par-tir pour découvrir d’autres environnements notamment le secteur privé, malgré la chance de pouvoir bénéficier d’une disponibilité ».

6. Une politique de communication interne insuffisamment développée

a. Un déficit de communication

Les 18-35 ans ont grandi dans une société dite de l’information marquée par l’accès et le partage de l’information, la diversité des outils et un culte apparent de la transparence. Si, dans leur vie personnelle, ils accèdent à une multiplicité d’informations, ce n’est pas toujours le cas dans leur vie professionnelle. Les collectivités cultivent encore un certain goût pour le secret, et les managers ont des difficultés pour assurer leur rôle de relais et de décryptage de l’information : « les informations ne passent pas toujours… » ; « aucune communication, on ne sait pas », déplorent tous les agents rencontrés.

L’équipement informatique des services et des agents – ou plutôt leur sous-équipement – est un autre frein. Les agents – jeunes et moins jeunes – affectés dans des services extérieurs sont, en pratique, tenus à l’écart de la vie de leur collectivité. Un cadre de la DRH d’une commune de plus de 50 000 habitants d’Île-de-France constate que « s’il n’y a pas de poste informatique, c’est difficile pour les RH de toucher les agents, l’information ne passe pas toujours. Cela ne favorise pas la connaissance des évolutions et des projets ». Dans ces conditions, leur sentiment d’appartenance est trop faible pour soutenir leur engagement.

L’actualité des collectivités, marquée par le changement, appelle pourtant une communication plus soutenue. Les agents confrontés à un élargissement de leur

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communauté d’agglomération de plus de 90 000 habitants d’Île-de-France ont fait part de leurs inquiétudes : « On ne sait pas où on en est, on n’a pas d’infos de la DRH. Comment va-t-on faire ? Où on va travailler ? C’est incertain. Les dirigeants ne savent pas où on va. Qu’est-ce qui va se passer ? Quelle organisation ? Le devenir des agents n’est pas réglé… » Ils attendent des informations de leurs dirigeants, alors même que ces derniers sont eux aussi dans l’incertitude.

Conscients de ces insuffisances, les DRH tentent d’apporter des réponses, bien que la mission communication interne ne leur soit pas nécessairement rattachée. Au conseil départemental de la Manche, des modules de formation et des kits de communication prêts à l’emploi sont proposés aux managers. À la ville de Saint-Denis sont organisés des ateliers de communication interne associant tous les agents, pour faire remonter leurs besoins, ainsi que des forums du personnel permettant de partager les projets de l’administration.

Une information accessible est une revendication forte des jeunes agents.

b. Des technologies numériques de l’information et de la communication encore peu utilisées

Depuis plusieurs années, les intranets et les portails sont fortement plébiscités par les collectivités22 en raison de la richesse de leurs fonctionnalités. Ils permettent théoriquement de s’informer en tout temps et en tous lieux. Ils ne sont pourtant pas accessibles à tous les agents, comme le précise un cadre RH d’une commune de plus de 50 000 habitants d’Île-de-France: « La communication RH s’appuie sur un intranet qui n’est pas accessible en raison du manque d’écrans. Plus de la moitié des agents n’y vont jamais. » Les avis des agents rencontrés divergent selon les collectivités. L’un d’eux estime que dans sa collectivité : « L’outil n’est pas vivant, pas ergonomique et trop peu actualisé. » En revanche, pour une assistante sociale d’un conseil départemental de Bretagne, l’intranet fonctionne de manière satisfaisante : « C’est très riche, on a accès à toutes les informations relatives aux RH. L’intranet est bien développé, on n’a pas besoin d’avoir un interlocuteur physique car beaucoup de réponses y sont disponibles. »

Les réseaux numériques sont peu disponibles. Les avis des agents rencontrés sont partagés. Certains adoptent le point de vue de quelques auteurs23 qui estiment que leur utilisation est plutôt réservée aux besoins personnels. « Non, surtout pas, cela pollue le travail », considère un adjoint administratif d’une commune de moins de 10 000 habitants de Bretagne. « Je suis très mitigé, un Facebook interne ne m’attire pas », estime un autre agent de catégorie C dans une commune de plus de 50 000 habitants d’Île-de-France. Sans un accompagnement (formation ou autre), ils ne seront pas davantage présents que leurs aînés.

Toutefois, pour un agent administratif d’une communauté d’agglomération de plus de 100 000 habitants d’Île-de-France, un réseau de ce type peut présenter des

22 Tendances et perspectives RH dans les collectivités territoriales, Sopra 201523 Op.cit.

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avantages : « Un réseau numérique interne permet de créer du lien et des échanges de pratiques, mais ne remplace pas les échanges en direct. Parler et se voir est plus efficace » ; « Un profil professionnel ? Pourquoi pas ? Il permet un échange de pratiques, et de décloisonner. » Dans un conseil départemental situé en Bretagne une messagerie instantanée, un chat, est proposée mais peu utilisée comme le remarque un technicien du bâtiment : « Je ne sais pas à quoi ça sert, car je l’éteins quand mon ordinateur s’allume. »

Les avis sont plus consensuels concernant les communautés de pratiques, parfois élargies aux partenaires externes, comme en témoigne l’assistante sociale d’un conseil départemental de Bretagne : « Pour le logement social, ça existe ; un logiciel est développé pour toutes les communes du département et les bailleurs sociaux et, maintenant les circonscriptions. Nous avons des blocs-notes pour échanger avec l’usager, pourquoi refuser ? C’est très intéressant. » Les outils ne se substituent pas aux relations physiques : « Au niveau social, on est amené à se passer les dossiers quand les gens déménagent, et on se déplace dans les circonscriptions, on se rencontre physiquement, l’outil informatique, sur ce point, n’est pas du tout opportun. »

Enfin, l’usage de la messagerie est jugé excessif par la majorité des jeunes rencontrés. Un adjoint administratif d’une commune de moins de 10 000 habitants en fait le constat : « Avec le mail, on se dit qu’on a passé l’information, on passe à autre chose, mais on n’a pas eu de contact. Parfois, c’est excessif, notamment pour contacter le collègue qui est à l’étage ! »

Le DRH d’une région indique avoir mis en place un groupe de travail sur la messagerie afin de rappeler à chacun ses responsabilités dans le traitement de l’information. Les règles doivent être précisées : appeler ou voir un collègue peut être plus efficace qu’un mail, la pratique de la copie systématique est à proscrire… ATOS, entreprise de service du numérique, s’était fixé un objectif de zéro mail en valorisant l’utilisation des outils collaboratifs. Si, aujourd’hui, cet objectif n’est pas atteint, l’entreprise compte toutefois 70 % de mails en moins et estime avoir réussi son pari en gagnant en fluidité.

7. Des prestations sociales méconnues et un accompagnement social peu sollicité

L’action sociale a pour objet l’amélioration des conditions de vie des agents et de leurs familles. Elle se décline sous la forme de prestations individuelles et collectives. Depuis plusieurs années, la politique d’action sociale, hier secondaire, monte en puissance dans les collectivités territoriales. Elles y consacrent aujourd’hui des budgets plus importants, malgré des contraintes accrues de maîtrise de la masse salariale. Deux raisons expliquent cette évolution : d’une part, le gel du point d’indice ; de l’autre, un besoin d’accompagnement individuel auquel les jeunes agents, selon les DRH de notre échantillon, ne souscrivent d’ailleurs pas pour la majorité d’entre eux.

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Les organisations syndicales déplorent les disparités entre les collectivités : les petites et les grandes, les plus riches et les autres. Ils militent pour un socle mini-mum de prestations, à l’instar du système de prestations interministérielles mis en place dans la fonction publique d’État depuis quelques années. Les ministères, en fonction de leurs ressources et des besoins de leurs agents, peuvent aussi prendre l’initiative de mesures complémentaires. Certains agents, notamment au ministère des Finances, bénéficient de prestations plutôt généreuses ; d’autres sont moins bien lotis.

a. Les prestations sociales

À l’instar des autres dispositifs RH, les DRH ne jugent pas nécessaire d’adapter les prestations sociales à une classe d’âge. En premier lieu, selon le DRH d’un conseil départemental d’Île-de-France : « La culture des collectivités est très égalitariste, ce ne serait pas apprécié de centrer sur une catégorie particulière. » Une autre, DRH d’une agglomération de plus de 90 000 habitants de Bretagne, confirme : « La collectivité a la volonté de ne pas distinguer les différentes catégories d’agents. » Selon les DRH rencontrés, les dispositifs existants sont adaptés autant aux jeunes qu’aux autres agents. Leur faible niveau de rémunération leur permet notamment de bénéficier des mesures prévues à l’intention des agents en situa-tion précaire. La DRH d’un conseil régional estime également : « Ce n’est pas une demande des jeunes aujourd’hui, les moins de 25 ans vivent chez leurs parents ou sont aidés par eux. »

Les agents des agglomérations s’estiment défavorisés par rapport aux agents travaillant dans les villes. Ils auraient un accès plus aisé aux places de crèches et aux logements sociaux, selon un agent technique dans une communauté d’agglomération de plus de 100 000 habitants d’Île-de-France : « Ce n’est pas avantageux de travailler dans une agglomération : pas d’aide pour le logement ni pour la garde d’enfants. En mairie on a accès à certaines crèches. » Pour les agents des villes, la situation semblerait effectivement moins tendue : « Quand un agent nouvellement recruté vient de province, la DRH fait le lien avec les organismes. »

Parmi les prestations sociales, le logement est incontestablement celui suscitant le plus grand intérêt. L’écart est important entre ceux résidant en Île-de-France pour lesquels le logement représente une dépense importante, et ceux résidant en Bretagne, ayant moins de difficultés à se loger à un tarif raisonnable.

La santé n’est pas un sujet de préoccupation prioritaire des agents rencontrés : « La protection sociale n’est pas un besoin », ont indiqué plusieurs d’entre eux aussi bien de Bretagne que d’Île-de-France. L’aide de l’employeur est néanmoins très appréciée, voire indispensable. « Il y a des partenariats, déjà c’est moins cher. Concernant la garantie maintien de salaire, une grosse part est prise en charge par le patron. Je l’ai prise : je paie 13 euros alors qu’elle coûte le double, c’est

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très rassurant », apprécie un technicien informatique d’un conseil départemental de Bretagne. Pour un autre adjoint administratif dans une commune de moins de 10 000 habitants de la même région : « Je vais une ou deux fois par an chez le médecin. Donc, si je totalise [le montant de la cotisation], ça me coûte moins cher de ne pas prendre de complémentaire. Concernant la prévoyance, si, demain, tu as un accident sans assurance, tu te retrouves à tout payer parce que tu n’as pas de contrat. »

Faute de participation financière de leur employeur, les jeunes agents rencontrés ne sont pas couverts par une complémentaire santé : « Nous on n’a en pas, c’est cher car c’est une solidarité, on paie pour les autres » ; « aucun agent n’y est, la question est systématiquement refusée par la collectivité. »

Un des jeunes, mieux informé en sa qualité de représentant du personnel, regrette que dans sa région, il n’y ait « pas de contrat de groupe. On a demandé une aide avec un système de labellisation et une aide en fonction de la catégorie ».

Les personnels médico-sociaux, médecins et assistants sociaux, soutenus par les DRH, tentent de les sensibiliser : « Les jeunes ont accès aux contrats labellisés, on les aiguille dès leur entrée dans la collectivité ». Quimper Communauté a d’ailleurs engagé des campagnes d’information afin de les inciter à souscrire une complémentaire santé. Des tarifs préférentiels leur sont accordés. La faiblesse de leur rémunération est un réel frein, d’autres choix de consommation étant prioritaires. Le déclic peut aussi se faire lors de l’arrivée d’un enfant.

b. L’accompagnement social

L’accompagnement social est un autre des sujets abordés avec les agents. Pour une assistante sociale et un technicien dans un conseil départemental, un poste d’assistant social est nécessaire : « Il y a une assistante sociale, mais pas trop de publicité car elle est débordée » ; « Quand on est dans une collectivité, on peut convier le responsable pour l’interroger. La connaissance de l’assistant social du milieu de travail et des dispositifs déployés peut être un atout. » En revanche, pour un adjoint administratif d’une commune de plus de 200 000 habitants, l’accompagnement serait plutôt à rechercher en externe : « Je n’en ai jamais eu besoin ; le cas échéant, j’irai voir une assistante sociale du secteur, pas du travail. Ce n’est pas qu’elle ne devrait pas exister, mais il y a suffisamment d’organisations pour pouvoir aller voir ailleurs. » L’intervention d’un psychologue du travail est très appréciée.

Enfin, la place et le rôle du médecin de prévention font l’unanimité, comme en témoigne l’assistante sociale d’un conseil départemental de Bretagne : « Je suis entrée en 2011 et j’ai vu un médecin agréé mais depuis rien ! Alors qu’il y a un intérêt à passer une visite médicale pour voir si les personnes sont aptes ou pas ! » ; « Si les agents ne savent pas vers qui se tourner en cas de problème, ça peut être rassurant d’avoir un médecin. » La pénurie se fait durement sentir ; plusieurs

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agents ont mentionné ne pas avoir eu de visite médicale depuis plus de deux ans (bien qu’elle soit obligatoire). Cette situation les inquiète : « La visite médicale est appréciable. C’est important d’être suivi, de savoir si tout va bien. C’est rassurant de savoir si on est apte à faire notre métier », estime un technicien du bâtiment dans un conseil départemental de Bretagne.

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2E PARTIE : COMPRENDRE ET PRENDRE

EN COMPTE LES CARACTÉRISTIQUES ET

LES ATTENTES DES JEUNES AGENTS

A. Les atouts de la FPT

Intégrer la FPT est l’assurance, en règle générale, d’une vie professionnelle stable pour des jeunes confrontés à l’angoisse du chômage. Après quelques mois au sein d’une collectivité, ils découvrent un travail, un large champ relationnel interne et externe, et la possibilité d’articuler vie professionnelle avec vie personnelle.

1. Leur relation au travail et la place centrale du sens au travail

Les Français entretiennent une relation très particulière avec le travail. D’une part, ils lui accordent une importance nettement plus marquée que la plupart de leurs homologues européens. D’autre part, et paradoxalement, ils aspirent à ce que le travail occupe moins de place dans leur vie.

Nous l’avons déjà évoqué en introduction, dans la littérature managériale la relation des jeunes au travail est propice aux poncifs les plus variés. Certains professionnels RH rencontrés ne perçoivent d’ailleurs pas de réelles différences avec les autres classes d’âge. « Je ne me reconnais pas dans la segmentation des générations, les jeunes sont peut-être un peu désabusés », estime le DRH d’un conseil départemental d’Île-de-France. D’autres, notamment la DRH d’un conseil départemental de Bretagne nuance cette analyse : « Les jeunes se comportent différemment au travail. Ils n’ont pas la même motivation que les autres, ni meilleure, ni moins bonne » ; d’autres sont plus dubitatifs.

Tous les agents rencontrés ont plébiscité les trois facteurs de satisfaction suivants : • autonomie • marges de manœuvre• prise de responsabilités

« Là où je travaille je suis autonome, je gère mes dossiers à ma façon » ; « c’est important d’être autonome, c’est de la confiance » ; « responsabiliser est la seule marge de manœuvre qu’on a dans la FPT pour reconnaître les gens, c’est la seule marge qu’ont les managers ».

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a. L’emploi, un bien rare

Trois ans après être sortis de formation, plus d’un jeune sur cinq (22 %) est encore au chômage. Tel est le constat d’une étude24 portant sur 700 000 jeunes. Les jeunes diplômés s’en sortent mieux : 86 % des docteurs (8 ans après le bac) ; 78 % des masters ; 67 % des bacs +3 ou +4 ; 68 % des bacs +2 (hors santé social) ; 47 % des CAP et BEP et seulement 24 % des non diplômés ont pu trouver un emploi stable. En France le taux de chômage est de 10,4 %.

En recherche d’un emploi difficile à trouver, les jeunes témoignent de leur satisfaction une fois franchies les portes de la collectivité. Ils sont heureux de travailler, tel est le constat qu’ils partagent avec leurs DRH. Un double sentiment de fierté est perceptible pour la majorité d’entre eux : fierté tout d’abord de travailler, le travail étant un élément d’intégration sociale, fierté ensuite de travailler pour le service public.

b. Une relation singulière au travail

Ouvrages, études et articles sont publiés en nombre : Jeunes diplômés, mode d’emploi, Intégrer et manager la génération Y, Que veut la génération Y ?. Après avoir survalorisé des attitudes et des comportements les différenciant des autres collaborateurs, les experts sont plus nuancés. Nous serions aujourd’hui plutôt confrontés, chez les jeunes, à une radicalisation d’aspirations présentes également chez les plus âgés. Pour la responsable des études de l’APEC, et nous partageons ce point de vue concernant les cadres, « s’ils ne cultivent pas de relation d’appartenance à l’entreprise, ils ont en revanche une relation très forte au travail et sont très attachés à l’idée de liberté ». La distance avec le sentiment d’appartenance à un employeur est notable depuis une quinzaine d’années, actant la fin de l’entreprise à vie.

Dominique MÉDA et Patricia VENDRAMIN ont élaboré, dans leur dernier ouvrage25, une typologie des relations au travail. Elle permet de segmenter les individus pour mieux les comprendre et déterminer ensuite les dispositifs les plus adaptés :

• Type 1 : le travail est une valeur à vivre positivement • Type 2 : le travail est un moyen de gagner de l’argent• Type 3 : le travail est un support au développement personnel• Type 4 : le travail est central dans l’identité

Le type 1 reflète assez justement la nature de la relation au travail de la majorité des agents rencontrés lors de nos entretiens. Le travail est une contrainte permettant de satisfaire des besoins matériels et procurant une stabilité appréciable. L’intérêt pour le travail est réel, surtout s’il répond à des attentes telles que l’utilité, la diversité ou l’autonomie et s’il est associé à un sentiment de fierté. Les relations sociales sont très importantes.

24 L'Express, « Pour trouver un emploi durable, mieux vaut être enfant de cadres », étude du CEREQ, 2014

25 Dominique MÉDA, Patricia VENDRAMIN, Réinventer le travail, 2009

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Pour les auteurs, les jeunes ont une « conception polycentrique de l’existence », c’est-à-dire une conception de la vie et un système de valeurs organisés autour de plusieurs centres (travail, famille, loisirs). Le travail est une composante-clé de leur vie, un facteur de réalisation de soi et une source d’épanouissement mais sans dominer les autres. « Ne pas perdre sa vie à la gagner, il y a d’autres valeurs que le travail : famille, loisirs », tel est le souhait d’un adjoint administratif d’une commune de Bretagne de moins de 10 000 habitants.

Cette remise en cause de la centralité du travail interpelle d’autant plus qu’elle touche aussi les cadres qui, traditionnellement, ne comptaient pas leur temps. Leur détachement suscite une certaine admiration chez leurs aînés, davantage ancrés dans la culture du présentéisme, et n’ayant pas la même capacité à prendre du recul. Dominique MÉDA et Patricia VENDRAMIN estiment également, et nous nous distancerons de cette analyse concernant les jeunes agents rencontrés dans les collectivités, « que leur recherche de cohérence entre la vie et le travail peut les amener, parfois, à préférer l’insécurité dans un emploi qui a du sens à la sécurité dans un emploi qui n’en a pas ». En synthèse, ils privilégient la sécurité tout en revendiquant davantage de liberté et dans le même temps un intérêt marqué à leur vie professionnelle.

c. Un travail qui fait sens

Le sens au travail est fonction des individus, de leur personnalité et de leurs at-tentes tout en étant une aspiration partagée : agents publics et salariés du privé, jeunes et moins jeunes. Des causes humanitaires ou environnementales peuvent d’ailleurs guider certains choix professionnels, y compris parmi les plus diplômés. Compte tenu de ses missions de développement et d’aménagement des territoires ainsi que de son engagement auprès des citoyens, la FPT détient de réels atouts pour faire face à cette demande de sens26. Il s’agit néanmoins d’être attentif aux conditions dans lesquelles s’exercent les activités, tant le management de l’organi-sation que celui des hommes afin de préserver le capital d’engagement des agents.

Outre la relation avec les usagers et leur manager détaillés ci-dessous, plusieurs fac-teurs, identifiés lors de nos entretiens contribuent à alimenter le sens et semblent être porteurs d’engagement.

L’exercice de missions de service publicLe soutien aux plus démunis, l’accès aux prestations, le respect des usagers, dans un strict respect du principe républicain d’égalité sont des thèmes porteurs de satisfaction pour les jeunes agents rencontrés.

Les accros au principe d’égalité sont alors d’autant plus mal perçus et les éloignent de ceux qu’ils estiment en être les principaux responsables, les élus.

Le secteur privé ne les attire pas, sa raison d’être étant de dégager du profit à tout prix y compris avec parfois des pratiques de management douteuses, disent-ils.

26 « Génération Y, génération Z, comment intégrer une collectivité locale », La Gazette, 22/04/2014

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La qualité du travailParticulièrement soucieux de rendre un service de qualité aux usagers, le resserrement des marges budgétaires les inquiète. Le groupe d’agents réunis en Bretagne redoute des lendemains plus tendus, une pression plus forte (« on nous met la pression pour que ça aille toujours plus vite »), une charge de travail plus importante (« avant de diminuer le nombre de fonctionnaires, il faudrait diminuer les fonctions ») et, en fin de compte, une possible dégradation du service public (« comment faire avec moins sur les années à venir ? »).

La primauté des relations interpersonnelles Les agents se rejoignent autour de trois souhaits :

1. Le travail en équipe Une bonne entente et une solidarité au sein de l’équipe sont fondamentales.

C’est le point de vue partagé tant par un adjoint administratif dans une petite commune de moins de 10 000 habitants (« L’équipe c’est très important car si on ne s’entend pas avec les autres ça peut être difficile, ça a forcément une incidence sur son travail ») que par un technicien informatique dans un conseil départemental.

2. La communication Comme déjà évoqué, au sein du service et entre les services c’est un point

d’achoppement. Certains managers seraient encore plutôt dans la rétention que dans le partage d’informations.

3. La transversalité Il s’agit d’un autre sujet majeur d’incompréhension des agents de notre échan-

tillon. Ils ne comprennent pas les réticences de leur manager à coopérer avec les autres services. Internet, via notamment les réseaux sociaux, leur a ouvert le monde dès leur plus jeune âge (avec les risques que cela comporte). Leur sentiment d’appartenance ne peut se réduire au seul champ de l’activité, ni même du service. Plus curieux, ils aspirent d’ailleurs à ne pas s’y enfermer pendant de trop longues années. Le travail en mode projet, pourtant valorisé par les dirigeants peine encore à se déployer. Pour les organisations, c’est un réel levier pour favoriser de nouvelles modalités de coopération entre les services et renforcer les mobilités internes.

Le besoin de comprendre C’est la quatrième caractéristique de ces agents dans une posture de questionnement systématique. La DRH d’un conseil départemental de Bretagne constate que « les jeunes ne veulent pas exécuter pour exécuter ». La question du sens est prégnante pour réaliser ou pour s’engager dans une mission, une activité, une tâche. Pour la DRH d’une communauté d’agglomération de plus de 15 000 habitants de Bretagne : « Les plus jeunes ont une propension à s’exprimer, à poser des questions, à demander des explications et des informations : pourquoi on fait, pourquoi on ne fait pas ? Cela demande au management de s’adapter, on ne gère pas de la même façon des jeunes et les autres. »

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2. La maîtrise du temps

Selon les médias et les experts en management, c’est la principale caractéristique des jeunes dans le monde du travail, tant dans le secteur public que dans le privé. Les DRH rencontrés ont bien appréhendé cette particularité qui n’est cependant pas si nouvelle. Depuis la loi Aubry sur l’aménagement et la réduction du temps de travail (ARTT), encore appelée « loi des 35 heures », une attitude décomplexée est perceptible vis-à-vis du temps, y compris au sein de la population cadre.

a. Articuler vie privée et vie professionnelle

Ce sujet fait l’unanimité chez tous nos interlocuteurs. Les jeunes collaborateurs tiennent avant tout à préserver leur vie personnelle, plus encore s’ils sont parents : « Les imprévus sont difficiles à gérer quand on a une vie de famille, dans la fonction publique on sait à quelle heure on termine », estime une auxiliaire de puériculture d’une commune de plus de 50 000 habitants d’Île-de-France. Leur sphère ne se réduit pas au travail, ils sont très attentifs à l’impact de leur vie professionnelle sur leur vie personnelle. « Avoir du temps pour la vie de famille, c’est très important », estime un autre agent cadre A dans une communauté d’agglomération de plus de 100 000 habitants, également en Île-de-France.

Les jeunes cadres se veulent eux aussi en rupture avec la génération précédente, qualifiée de sacrificielle, et ne faisant pas office de modèle. Ils admettent néanmoins consacrer beaucoup de temps à leur travail lorsqu’ils exercent des responsabilités de direction générale : « Il est rare que je puisse partir avant 19h30 », indique la DRH d’une commune de plus 100 000 habitants en Île-de-France. Ce souhait d’une plus grande latitude dans la gestion de leur temps les conduit à porter un avis très positif sur les technologies numériques de l’information et de la communication (TNIC), par ailleurs fortement stigmatisées en raison des risques de porosité entre vie privée et vie professionnelle et de surcharge mentale.

Les jeunes agents rencontrés affichent leur ferme volonté de ne pas emmener de travail à la maison ou de manière très exceptionnelle. De ce point de vue, les postes dits de « top management » ne leur semblent pas particulièrement attractifs. Certains agents d’une communauté d’agglomération de plus de 100 000 habitants équipés d’un smartphone par leur employeur, dont des cadres A, ne souhaitent pas l’utiliser : « Autant que possible, je refuse de consulter mes courriels, sauf si j’ai un dossier particulièrement important à traiter. »

L’assistante sociale d’un conseil départemental de Bretagne a une approche différente : « On a la possibilité de consulter nos mèls à domicile, je le fais pour gagner en sérénité, pour mon organisation personnelle. » La DRH d’un autre conseil départemental également situé en Bretagne le constate : « Recevoir des courriels gêne moins les jeunes agents que leurs aînés. La définition de l’espace privé est floue et est fonction des représentations de chacun. » Le collectif pourrait être le

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grand perdant de ces modes de fonctionnements individualisés si les organisations ne favorisent pas de nouveaux lieux et modalités d’expression.

En Île-de-France comme en région, les agents reconnaissent aussi importer leur vie personnelle en accédant par exemple à leur compte en banque sur leur lieu de travail. Nous sommes bien entrés dans l’ère de la confusion des temps.

Deux attitudes face à la porosité des temps

Des entretiens sur ce sujet d’actualité émergent paradoxalement deux positionnements :

• les uns, plutôt agents de catégorie B et C, souhaitent poser une barrière entre leur vie personnelle et leur vie professionnelle. Ils sont pourtant peu sollicités à leur domicile à moins d’être d’astreinte.

• Les autres, cadres A notamment les A+, acceptent et parfois souhaitent, au nom d’une plus grande flexibilité dans l’organisation de leur temps, de ne pas nécessairement compartimenter les temps personnels et les temps professionnels. Nombre de leurs activités, y compris managériales, ne s’inscrivent pas nécessairement dans des plages horaires bien encadrées. La consultation de leur messagerie ou le traitement d’un dossier le soir ou le week-end est un choix leur permettant d’articuler les deux sphères de leur vie.

L’articulation entre temps personnel et temps professionnel a fait l’objet d’une réflexion spécifique au conseil départemental de l’Essonne sous l’impulsion de son ancien DGS, Fabien TASTET : « Il s’agit d’organiser la porosité voulue par la jeune génération en mettant du temps personnel dans le temps professionnel et inversement. Par exemple en offrant la possibilité aux salariés de séquencer leurs RTT ou en développant le télétravail. De plus, autoriser les cadres à travailler de chez eux le soir, leur permet d’arriver plus tard le lendemain matin et ainsi d’aménager leur temps de travail. Le télétravail a été expérimenté sur 40 agents, de toutes catégories. En effet, dans une logique d’équité, il n’est pas question de réserver le télétravail aux seuls agents de catégorie A, les agents de catégories B et C doivent également pouvoir s’approprier le dispositif. Cela permet d’avoir des solutions attractives pour la jeune génération. Des activités de bien-être sont également organisées sur le temps méridien, pour permettre aux agents de faire autre chose pendant leur journée de travail. »

b. Organiser son temps

La flexibilité est très appréciée, les jeunes agents souhaitant avoir de la latitude dans la gestion de leur temps. Pour un agent des espaces verts d’une commune de plus de 50 000 habitants d’Île-de-France : « Dans la fonction publique, on peut aménager son temps comme on veut et prendre un temps partiel. La pression est

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plus forte dans le privé » ; « On a de la souplesse le midi ou le soir, ça permet de prendre des rendez-vous personnels. » Selon un autre agent administratif d’une communauté d’agglomération également en Île-de-France : « On commence au plus tard à 9 h, les agents qui ont un rendez-vous médical peuvent arriver à 9h30. » La DRH d’un conseil départemental de Bretagne confirme que les jeunes aspirent effectivement à choisir leur temps : « Un rapport au temps différent, chacun choisit son temps. "Laissez-moi choisir mon moment : les temps où je participe et où je ne participe pas, le temps de la consultation des courriels…" »

Cette aspiration à une plus large autonomie dans la gestion du temps nécessite d’apprendre à s’autogérer, nouvelle capacité à développer dans le monde du travail quelque soit le métier. « On a des plages horaires vraiment intéressantes, mais il faut de plus en plus s’imposer une rigueur horaire, car très vite on peut se laisser dépasser. Il faut se l’imposer soi-même », estime cet agent chargé de gérer des dossiers de subvention dans une communauté d’agglomération de plus de 100 000 habitants d’Île-de-France.

Les horaires de travail et le nombre de jours de congés sont aussi très appréciés et « plus encore si l’on a une vie de famille », pour une auxiliaire de puériculture dans une commune de plus de 50 000 habitants d’Île-de-France. « Cela n’empêche pas un investissement ponctuel si les activités le justifient mais on sait que cela a une fin, à la différence du privé », précise un cadre A dans une communauté d’agglomération de plus de 100 000 habitants également en Île-de-France. Pour le technicien informatique d’un conseil départemental de Bretagne : « On a quand même une chance en terme de congés et de RTT : onze semaines et demi, ça laisse du temps. Ça serait mal venu qu’on s’en plaigne. »

Les horaires atypiques, très fréquents dans les villes au regard de la nature des prestations rendues, peuvent être sources de difficultés d’organisation de la vie familiale pour les agents et de coûts pour leur collectivité (heures supplémentaires et récupérations majorées). Un métier choisi, presque une vocation, permet d’accepter des horaires décalés, selon un jeune agent de surveillance de la voie publique dans une commune de plus de 50 000 habitants d’Île-de-France : « On sait à quoi on s’engage. »

Le temps de travail est abordé très directement lors du recrutement, comme en témoigne la DRH d’un conseil départemental de Bretagne : « La question des horaires est vite posée, dès le premier entretien de recrutement. C’est une caractéristique des jeunes générations susceptible de choquer le management. »

Le rapport au temps a changé. L’exigence de réactivité facilitée par les technologies numériques est plus marquée. Avoir du temps, c’est aussi pouvoir nouer des échanges de qualité, autrement dit non « minutés », avec ses collègues et ses partenaires.

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B. Les sources d’insatisfaction

À quelques exceptions près, ces jeunes de 18-35 ans n’ont pas exprimé de sentiment de lassitude malgré une ancienneté de quelques années pour certains. Parmi les agents, ce ne sont d’ailleurs pas eux qui posent le plus de problème : « Je n’ai pas eu connaissance de cas de jeunes agents qui auraient posé des soucis », estime la DRH d’un conseil départemental de Bretagne. « Ce ne sont pas les jeunes qui sont sources de difficultés », confirme le DRH d’une communauté d’agglomération de plus de 90 000 habitants également en Bretagne. L’étude Gérer et anticiper les fins de carrière27 met d’ailleurs l’accent sur les seniors en raison de leur double usure physique et psychologique et des conséquences pour l’agent et la collectivité.

1. L’écart entre le discours sur les valeurs affichées et les pratiques

Les valeurs plébiscitées par les jeunes agents

Les jeunes agents rencontrés se sont montrés particulièrement sensibles à l’équité de traitement, à la justice sociale et à la reconnaissance du travail accompli.

Le recrutement fondé sur le clientélisme n’est pas accepté. En matière de gestion des carrières, ils contestent la domination du critère d’ancienneté parmi les critères d’avancement. La répartition de la charge de travail suscite également des attentes : « Dans le privé on bossait plus. Ici c’est plus laxiste. Dans certains services on n’est pas obligé de travailler », déplore un agent de catégorie C d’une commune de plus de 50 000 habitants d’Île-de-France. « On ne dit rien aux gens qui ne travaillent pas. Les injustices, c’est un peu démotivant », renchérit un autre de la même collectivité. Un agent d’une commune de moins de 10 000 habitants de Bretagne, quelque peu désabusé, fait part de sa récente expérience : « Le décalage est fort entre le discours et ce qu’on peut imaginer. Je viens de vivre une campagne électorale municipale, alors l’égalité de traitement quand il s’agit d’avoir des voix… »

Le respect et la considération face aux usagers prennent une dimension particulière en Île-de-France où les relations sont plus tendues. « On n’est pas reconnu en tant que personne », regrette cet agent affecté à la gestion des déchets dans une communauté d’agglomération de plus de 100 000 habitants d’Île-de-France. Cette appréciation renvoie au comportement des élus plutôt que de la direction générale, dans leurs relations avec les usagers (cf. infra). En cas de conflit, certains agents s’estiment déconsidérés si les élus arbitrent en faveur des usagers.

27 Élèves administrateurs de l’INET, promotion Salvador ALLENDE, Gérer et anticiper les fins de carrières : les séniors dans la fonction publique territoriale, Les Cahiers de l’Observatoire social territorial, n° 5, juin 2012

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2. Le niveau de rémunération

Le tabou semble levé en matière de rémunération. La DRH d’une communauté d’agglomération de plus 20 000 habitants de Bretagne remarque que les jeunes abordent la question de manière plus directe que leurs aînés. Hier priorité n° 1 des diplômés de l’enseignement supérieur, la rémunération est aujourd’hui rétrogradée en deuxième position et perd 23 points selon l’étude de la CEGOS, déjà citée. Par rapport aux motivations de service public faiblement centrées sur le salaire, il n’est pas contradictoire d’être direct sur le sujet lors d’un entretien de recrutement sans en faire une priorité ou un critère de choix déterminant.

a. Des politiques de rémunération non définies

Le principe de la FPT est celui d’une rémunération identique pour tous selon le grade et l’échelon. Les collectivités qui le souhaitent peuvent voter une délibération fixant un régime indemnitaire. Ce dernier est fonction des marges de manœuvre budgétaires, devenues très étroites, et des orientations en gestion des ressources humaines. Il peut ainsi être plus ou moins différenciant selon les critères retenus par chaque collectivité : les fonctions exercées, les compétences détenues ou les résultats obtenus. Les reproches formulés par les jeunes rencontrés, particulièrement sensibles au principe d’équité, concernent plutôt les modalités que les montants.

Les remarques des agents d’une commune de plus de 50 000 habitants d’Île-de-France en témoignent : « Des règles pas claires, des engagements pas écrits, pas de lisibilité, pas de transparence, des salaires parfois scandaleux. » Dans la même collectivité les agents déplorent également « des différences de traitement entre contractuels ». Mal perçues, plus particulièrement sur des postes équivalents, elles peuvent être le fait de la collectivité souhaitant privilégier un agent plutôt qu’un autre. Elles peuvent aussi être indépendantes de leur volonté lorsqu’elles résultent d’un transfert de compétences.

Quelques-uns font part de leur regret d’une déconnexion entre le salaire et l’investissement. Pour un agent de catégorie C d’une communauté d’agglomération de plus de 100 000 habitants d’Île-de-France : « Qu’on décide de surinvestir ou de ne rien faire, on a le même salaire à la fin du mois, il n’y a pas de reconnaissance. C’est dommage qu’il n’y ait pas cette prise en considération. » Un autre, technicien informatique dans un conseil départemental de Bretagne n’a, en revanche, pas apprécié le système d’incitation fondé sur des primes pratiqué dans son entreprise : « Moi, je me sens plus reconnu que quand je travaillais dans le privé où on était valorisé par les primes de productivité. Dans ma collectivité, c’est plus la valorisation du travail bien fait. »

b. Priorité au temps et à la sécurité

Pour les agents rencontrés les salaires sont plus élevés dans le privé que dans la FPT. Il s’agit d’ailleurs du principal frein à l’entrée dans la fonction publique28. Un 28 Enquête Ipos/Logica, op.cit.

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agent de catégorie C d’une commune d’Île-de-France de plus de 50 000 habitants estime qu’« on gagnerait plus dans le privé à poste équivalent ». Quelques jeunes estiment avoir « perdu » en faisant le choix, sans toutefois le regretter, de la FPT : « On ne choisit pas le secteur public pour le salaire » ; « Mes anciens collègues et fournisseurs gagnent deux fois plus que moi mais travaillent deux fois plus, de 6 h à 20 h, ce n’est pas la même vie. Moi j’ai privilégié ma vie personnelle et familiale », précise un technicien informatique dans un conseil départemental de Bretagne.

Comparer la rémunération des agents du public et le salaire d’un employé du privé est un exercice à risques. La distinction s’impose entre les trois fonctions publiques. En 201229, les agents de l'Etat (avec un salaire mensuel net moyen de 2 465 €) étaient mieux payés que dans le secteur privé (2 163 € nets/mois), la fonction publique hospitalière (2 242 € nets/mois) et la FPT (1 848 € nets/moi).

Néanmoins, ces constats ne les incite pas à envisager une mobilité dans la fonction publique, encore moins dans le secteur privé (quelques-uns nuancent sur le long terme). Deux valeurs non négociables sont à mettre dans la balance face à la rémunération : la sécurité et le temps. « Je suis prêt à gagner encore moins pour conserver une vie de famille », affirme un adjoint administratif d’une commune de moins de 10 000 habitants de Bretagne. « Moi, je suis d’accord aussi pour le bénéfice du temps pour la vie de famille », complète un technicien du bâtiment dans un conseil départemental de Bretagne.

Les jeunes agents travaillant en régions, parents ou non, semblent plus sereins concernant la rémunération que ceux d’Île-de-France, en raison d’un coût de la vie moins élevé : « C’est sûr qu’on adapte son mode de vie à son salaire. On a des postes de dépense clés : loyers et charges, nourriture » ; « Je n’ai pas du tout le sentiment de me priver, mais je n’ai pas envie d’avoir la voiture dernier cri, je n’ai pas des goûts de luxe. »

En Île-de-France, l’autonomie financière est plus incertaine, comme en témoigne un jeune technicien résidant aujourd’hui en Bretagne, où il a débuté sa carrière : « C’est difficile de vivre à Paris, avec le prix des loyers pour ceux qui gagnent le SMIC. Même moi qui gagnais un peu plus, j’ai failli me retrouver à la rue. »

L’endettement y semble aussi plus marqué. Les fins de mois peuvent être difficiles : « Dès le 20 du mois, je suis à découvert », indique une ATSEM dans une commune de plus de 50 000 habitants. C’est aussi, selon elle, un frein à la parentalité : « C’est limite difficile sans enfant alors avec, comment faire ? »

Le travail au noir a été spontanément évoqué lors d’une réunion de groupe. Pour un agent technique des espaces verts d’une commune de plus de 50 000 habitants d’Île-de-France, il compense un niveau de rémunération estimé insuffisant pour vivre dignement : « Un deuxième travail permet de faire face aux fins de mois difficiles qui ont des répercussions sur le travail. En un week-end, je gagne la moitié de mon salaire. »

29 Rapport annuel sur l'état de la fonction publique, édition 2014 de la DGAFP, ministère de la Décentralisation et de la Fonction publique, 2014

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Cette insatisfaction concernant le niveau de rémunération suscite également des interrogations sur le dispositif d’évaluation : « L’évaluation à quoi ça sert ? Cela ne fait pas bouger le salaire. » Il en est de même pour les avancements d’échelons : « Ce n’est pas normal que tout le monde évolue au minimum », estiment les agents d’une communauté d’agglomération de plus 80 000 habitants d’Île-de-France. Malgré les possibilités offertes par les textes, de nombreuses collectivités refusent une rémunération au mérite que 44 % des jeunes appellent de leurs vœux30.

Les conditions de vie matérielles des jeunes d’Île-de-France sont à considérer. Aujourd’hui, leur satisfaction concernant leur travail est réelle mais qu’en sera-t-il demain ? « Au début ça va, mais sur le long terme c’est compliqué, une démotivation s’installe peu à peu », estime un agent de catégorie C d’une commune de plus de 50 000 habitants d’Île-de-France.

L’une des DRH d’une ville de 200 000 habitants située en région Pays de la Loire a attiré l’attention sur le niveau de rémunération des jeunes attachés, soit 1 600 € en tout début de carrière. Les attentes de la direction générale sont pourtant fortes en termes d’engagement et de résultats. Au forfait, ils ne peuvent pas, en cas de dépassement d’horaires, bénéficier du paiement d’heures supplémentaires.

c. Un besoin de reconnaissance

La rétrospective du baromètre Edenred/Ipsos31 indique que, depuis maintenant sept ans, le manque de reconnaissance est la principale cause de démotivation des agents. C’est un besoin existentiel, selon Christophe LAVAL32, expert reconnu et ardent promoteur de la reconnaissance. Ce sujet a également été traité dans une étude de l’OST33 par Jérôme GROLLEAU, sociologue, sous un angle inédit, à savoir la reconnaissance non monétaire.

À l’image de leurs aînés, les jeunes agents estiment ne pas être suffisamment reconnus, sans d’ailleurs que cette insatisfaction ne se traduise par de la démotivation. Sont classiquement en cause : des valeurs non respectées, une rémunération insuffisante, mais surtout des comportements managériaux inadaptés. Le témoignage d’un technicien du bâtiment d’un conseil départemental de Bretagne est éclairant : « Que les responsables ne soient pas toujours en train de dire ce qui ne va pas. Au début j’attendais qu’on me dise que c’était bien, aujourd’hui je ne l’attends plus. Je vois que je suis apprécié par la qualité de mon travail, après je n’attends rien du tout. Du côté financier, je sais qu’il y a une grille » ; « C’est dommage qu’il n’y ait pas cette prise en considération. Il ne faut pas attendre de la reconnaissance de la hiérarchie. »

Les jeunes agents apprécient les managers à la hauteur de leurs attentes comme en atteste ce technicien dans un conseil départemental de Bretagne : « Mes responsables sont assez reconnaissants, ils savent valoriser les gens. C’est important pour moi et mes collègues, pour chacun de nous, cela fait toujours plus plaisir d’entendre ce qui va plutôt que ce qui ne va pas. »

30 Enquête Ipos/Logica, op.cit31 Les grandes évolutions RH et managériales dans la FPT, 201532 Christophe LAVAL, Plaidoyer pour la reconnaissance au travail, 201133 Jérôme GROLLEAU, La reconnaissance non monétaire, un nouveau territoire managérial ?, Les

Cahiers de l’Observatoire social territorial, n° 11, mars 2014

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C. Leur regard sur les acteurs de la collectivité

Les agents sont partagés entre le désir d’être utiles aux usagers (source de motivation et facteur de sens) et le sentiment de ne pas être reconnus (par les managers), parfois même abandonnés (par les élus).

1. La relation avec les usagers

Les avis sont contrastés. La différence de perception est très marquée entre les agents en régions et ceux d’Île-de-France. Les relations avec les usagers sont plutôt sources de satisfactions pour les premiers et de tensions pour les seconds.

En régions, les relations semblent plus apaisées. Le témoignage d’un technicien dans un conseil départemental de Bretagne est représentatif : « Si j’essaye de faire le maximum dans mon boulot, c’est pour eux, car j’ai mon salaire à la fin du mois. Le bien-être des usagers c’est ça qui me fait avancer » ; « j’imagine mal un fonctionnaire dire qu’il s’en fout, ou alors on ne travaille pas au service des usagers » ; « on a des échanges avec les collégiens et les lycéens, c’est plus enrichissant que des clients : dans un restaurant on ne peut pas discuter avec eux, là on peut parler », apprécie un agent affecté à la restauration dans un lycée en région. Quelques-uns remarquent néanmoins une évolution des comportements depuis leur recrutement, datant de quelques années seulement : « Le public a augmenté fortement son niveau d’exigence vis-à-vis des collectivités et fait des réflexions désobligeantes. »

En Île-de-France, l’agent serait-il plus fréquemment une victime expiatoire d’un usager mécontent ? « On paie des impôts », entendent fréquemment ceux affectés sur la voie publique, comme le relate aussi un agent affecté au traitement des déchets dans une communauté d’agglomération de plus de 90 000 habitants d’Île-de-France. Excédés et sous pression, les usagers se défouleraient sur les agents et leur manqueraient parfois de respect : « On est traité comme des chiens », estime ce même agent. La crise exacerberait-elle les comportements ?

Les agents ne sont pas non plus égaux dans leur relation avec le public. Certains sont plus exposés en raison de l’exercice de leur métier : agent de surveillance de la voie publique, ripeurs... Les ATSEM et les auxiliaires de puériculture peuvent avoir des relations tendues avec les parents et doivent être en capacité de les recadrer. Représentant la loi, les agents de l’état-civil sont parfois bousculés. L’application des textes ne va pas nécessairement dans l’intérêt des personnes, notamment si elles sont en situation irrégulière. Heureusement, des relations plus gratifiantes peuvent se nouer. « On est là pour eux, on partage la joie ou la peine, on a l’impression de servir à quelque chose », apprécie un agent de l’état-civil d’une ville de plus de 50 000 habitants d’Île-de-France. Les remerciements, parfois écrits, sont très appréciés : « Ça fait plaisir quand ça arrive. Des gens qui sont vraiment reconnaissants, ça booste et ça donne de l’énergie. »

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Des relations tendues agents-usagers imposent l’intervention du manager, arbitre ou médiateur, parfois jugé trop en retrait : « On n’est pas soutenu par l’administration. » Elle permet de prendre de la distance avec les faits, de rappeler les droits et devoirs de chacun.

La position des élus est mal comprise. Selon certains agents, ils arbitreraient le plus souvent en faveur des usagers, par « une forme de clientélisme ». Cette remarque témoigne d’une méconnaissance du rôle des élus et de leurs relations avec les administrés. Les élus privilégient l’écoute des usagers, y compris au détriment des relations avec leurs collaborateurs. Les agents y voient un manque de considération (« un ouvrier doit se taire ») et s’estiment délaissés. Un effort de communication s’impose pour apaiser la situation. L’accompagnement des agents est incontournable, plus particulièrement dans un contexte social très tendu, parfois explosif.

Le médecin de prévention d’un conseil départemental d’Île-de-France s’inquiète des conditions dans lesquelles de jeunes agents exercent leur métier face à des usagers agressifs : « Ils ne sont pas préparés aux difficultés relationnelles. Des assistantes sociales, parfois trop idéalistes, sont confrontées rapidement à des difficultés importantes. » Des agents des espaces verts et des gardiens d’espaces publics redoutent de se rendre dans certains secteurs. Travailler en ayant peur est le lot quotidien de certains agents d’Île-de-France, les plus jeunes sont les plus vulnérables.

En dehors de ces situations spécifiques à des territoires en grande difficulté sociale, la différence de considération du public est perceptible entre les agents ayant un diplôme et les autres : une auxiliaire de puériculture vs un agent de service dans une crèche par exemple. Les premiers ont un savoir-faire technique, parfois même relationnel et une légitimité métier à opposer aux usagers. Faute d’être suffisamment équipés par leur employeur, les seconds sont démunis face aux agressions des usagers.

2. La relation avec les élus

Les agents de 18-35 ans sont-ils un miroir de la population française, autrement dit critiques et en situation de ressentiment envers leurs élus ?

Les jeunes agents de notre échantillon ne sont pas à l’aise avec eux. Ils s’interrogent sur leurs rôles et sur leurs missions, leurs prérogatives, autrement dit leur raison d’être et leur place dans la collectivité.

L’élu peut être un repoussoir pour certains jeunes diplômés : interférences, marges de manœuvre contraintes... Ce peut être aussi un facteur d’attractivité pour des ambitieux, à condition toutefois qu’il ait une dimension nationale. Concernant les agents rencontrés, les raisons du mécontentement tiennent, en partie, à une connaissance insuffisante du monde territorial – ses spécificités, sa culture – mais aussi, dans une moindre mesure, au comportement de certains élus.

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Les privilèges des élus, ou ressentis comme tels, ne passent pas inaperçus dans un environnement sous tension où l’on demande à chacun sa part d’efforts. Les pratiques, hier acceptées par les anciens, ne le sont plus aujourd’hui par les jeunes. L’un des agents d’une communauté d’agglomération de plus de 80 000 habitants d’Île-de-France en témoigne : « Une rupture d’égalité, toujours des avantages au président, c’est gênant. On refuse à certains, ce que l’on donne à d’autres. » Le clientélisme est traditionnellement un autre des reproches formulés à l’encontre des élus avec le recrutement d’agents en raison de leur proximité politique ou personnelle plutôt que de leurs compétences.

Une plus grande proximité (« on ne les voit qu’une fois par an lors du discours annuel ») serait porteuse de relations plus sereines permettant à chacun de jouer son rôle. Pour un adjoint administratif dans une commune de moins de 10 000 habitants de Bretagne : « Celui des élus est de répondre à la population et ils le font. Le reproche, c’est qu’ils ne connaissent pas les choses, ils ne savent pas ce qu’on fait. Aujourd’hui une nouvelle équipe est arrivée, cela permet de former un élu à notre métier, on n’est pas toujours d’accord mais globalement ça se passe bien. Après, il faut toujours les remettre dans le cadre juridique pour leur dire ce qu’on peut ou pas faire et leur rappeler le traitement égalitaire des choses. Quand je parle d’une situation à un élu c’est son voisin ou quelqu’un qu’il connaît, c’est pour ça que j’ai choisi une petite collectivité, les relations ne sont pas les mêmes que dans un conseil départemental. »

Les cadres A ont une autre relation, d’égal à égal. Ils sont plus à même de prendre du recul compte tenu de relations de proximité générant, par une connaissance mutuelle, de la confiance : « Cela dépend des élus, on travaille très bien avec certains. » La reconnaissance de leur technicité est source de satisfactions. À chacun, agents et élus, de prendre sa place dans un environnement où les ajustements sont permanents : « Chacun a un rôle, c’est nécessaire que chacun reste à sa place », souhaite un jeune technicien d’un conseil départemental de Bretagne.

3. Les relations avec la DRH

Passée la phase de recrutement, la DRH semble disparaître des radars. Une assistante sociale d’un conseil départemental de Bretagne l’analyse ainsi : « J’ai eu pas mal de contacts en tant que contractuelle, aujourd’hui très peu. Selon l’évolution de la vie personnelle on peut avoir des questions sur la maternité ou autre. Aujourd’hui, je n’ai pas de contacts si ce n’est par échanges de documents. »

Les DRH sont-ils suffisamment visibles et présents ? Une étude34 de la CEGOS indique que 50 % des salariés interrogés déclarent ne jamais voir leur DRH. Aux dires des jeunes agents, la situation serait identique dans les collectivités mais sans susciter de critiques particulières. Le DRH et son équipe sont considérés comme des interlocuteurs de confiance aux yeux des agents de notre échantillon.34 Radioscopie des DRH, Cegos, juin 2012

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Trois principales attentes des jeunes agents rencontrés vis-à vis de la DRH Être accompagnés et soutenus en cas de difficultés, la DRH assure un sou-

tien invisible mais rassurant pour les agents réunis en Bretagne : « Ils sont là pour nous et dès qu’on a besoin d’aide, ils sont présents » ; « quand on a besoin on a un interlocuteur ». À ces remarques, les RH observent être trop fréquemment saisies en dernier recours, se qualifiant eux mêmes de « DRH pompiers », pour assurer une intervention efficace.

Être conseillés dans le développement de leurs compétences, sujet cher aux jeunes agents, avec à l’appui des plans et des propositions de formation leur permettant de changer de métier. Les DRH regrettent pourtant les comportements trop passifs de certains jeunes agents : « Que me proposez-vous ? »

Être informés de l’actualité RH interne (changements, politique RH…) ou externe (nouveaux textes). La présence de la DRH sur le terrain est très appréciée par ce technicien du bâtiment d’un conseil départemental : « Ils savent venir au devant lors de campagnes pour nous informer sur l’évolution de carrière. Nous avons la possibilité de rencontrer les RH, ces démarches favorisent les liens. » L’intranet est un outil d’information permettant à la fois d’informer les agents et de les relier à la DRH.

La relation au quotidien sur des sujets courants semble assez bien assumée par les référents RH : « On a un référent pour notre carrière si on a des questions RH, on sait vers qui se tourner, c’est en fonction de notre nom, par ordre alphabétique », indique cet adjoint administratif d’une commune de plus de 200 000 habitants d’Île-de-France. Ils peuvent aussi être affectés dans les services lorsque la fonction RH est déconcentrée : « Chaque agence est pourvue d’un référent RH », précise l’assistance sociale d’un conseil départemental de Bretagne. Les collectivités s’orientant vers une gestion de masse, la DRH sera plus éloignée géographiquement des agents et la relation avec les agents en sera nécessairement modifiée.

En revanche, les dispositifs RH tels que la mobilité, l’évaluation ou le régime indemnitaire ne semblent pas toujours bien connus par tous les agents. Pour ceux d’une communauté d’agglomération de plus de 80 000 habitants d’Île-de-France : « Des choses que l’on ne sait pas et que l’on a apprises en formation d’intégration. Il manque un outil pour mieux connaître les dispositifs RH tel qu’un guide d’accueil des nouveaux arrivants. » L’organisation de la DRH semble, pour certains, « opaque ».

La relative délégation aux managers, soulevée par l’un des jeunes cadres A d’un conseil régional, éclaire sur le positionnement de la DRH concernant l’absence de marges consenties aux managers. « Qu’elle fasse davantage confiance aux directions opérationnelles. À les entendre, nos managers sont censés être les mieux à même d’apprécier la valeur des agents. Quand un changement de carrière ou une promotion

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entre en jeu, ils ne sont plus en capacité d’apprécier la valeur professionnelle de leurs collaborateurs. » Le baromètre Edenred/Ipsos 2014 confirme cette analyse : les managers de la FPT s’estiment écartés de la décision en matière de promotion de leurs collaborateurs (72 %) et fixation de leur rémunération (79 %).

4. Le rapport à la hiérarchie et au management

L’analyse des jeunes agents est éclairante. Ces derniers pointent avec justesse les incohérences, les faiblesses et les paradoxes de leurs organisations. Leurs attentes convergent vers un management moins directif et moins hiérarchique, davantage centré sur l’accompagnement, la communication et la coopération.

a. D’un exercice solitaire du pouvoir à un partage et à une plus forte collégialité

La relation au pouvoir se transforme dans le monde de l’entreprise, plus particulièrement dans certaines PME. Elles laissent une plus grande liberté aux collaborateurs comme le prône Isaac GETZ35, professeur de leadership et de l’innovation à ESCP Europe.

Des collectivités adoptent progressivement un mode de management plus collégial. Lors du dernier colloque de l’ADRHGCT36, Marie-Claude SIVAGNAGNAM, DGS de la ville de Cergy, a rappelé que « le partage du pouvoir est l’enjeu le plus important actuellement ». Un rajeunissement des équipes de direction est aujourd’hui perceptible mais pas sans risques, selon la représentante de la CFDT : « Les jeunes dirigeants occupant des postes de DRH ou de DGS peuvent fragiliser et déconcerter les équipes tout autant qu’eux-mêmes. L’élite se confronte à une équipe. »

b. Une organisation hiérarchique complexe

Nombre de jeunes agents déplorent une ligne hiérarchique à plusieurs niveaux. Un cadre A d’un conseil régional constate que « plus on met d’échelons, moins c’est efficace. Cela dilue les prises de décisions et les responsabilités managériales qui ne sont pas bien partagées ». Un agent de catégorie C d’une commune de plus de 50 000 habitants d’Île-de-France partage cette analyse : « On a plusieurs chefs et donc trop de strates pour arriver jusqu’en haut. » Le DRH d’un conseil régional se dit conscient de ce dysfonctionnement : « Une des attentes des jeunes cadres est d’avoir un lien direct à l’élu, cela donne de la valeur à leur engagement. Ils souhaitent plus de délégation et de reconnaissance. Ils ne craignent pas d’être plus exposés, cela donne du sens. L’objectif est aujourd’hui à un raccourcissent des circuits hiérarchiques. »

Selon les agents, les raisons de la multiplication des niveaux hiérarchiques tiennent à l’intérêt personnel de certains. De l’avis d’un cadre A d’un conseil régional, il s’agit « de favoriser leur avancement de carrière au détriment du bien-être des autres ». Pour celui d’une agglomération de plus de 90 000 habitants en Bretagne,

35 Brian CARNEY, Liberté & Cie, 201236 Association des DRH des grandes collectivités territoriales

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la vision hiérarchique de l’encadrement intermédiaire ne s’accorde pas avec leurs aspirations : « Les jeunes ont une plus forte propension à travailler dans la transversalité, moins d’esprit hiérarchique. » La représentante de la CGT partage ce point de vue : « C’est un peu compliqué d’être jeune dans des environnements rigides et un peu cloisonnés. »

De nouvelles formes d’organisation du travail, plus souples et moins hiérarchisées, poseront très rapidement la question des perspectives d’évolution des cadres. De plus, la vision verticale de la carrière régresse au profit d’une vision plus transversale.

c. De nouvelles relations entre les managers et les agents ?

Les agents rencontrés n’ont pas remis en cause la légitimité du management. En revanche, ils se disent déstabilisés par des pratiques managériales parfois « déresponsabilisantes », ne leur accordant pas suffisamment d’autonomie et une communication insuffisante.

Trois caractéristiques principales identifiées par les DRH concernant la génération des 18-35 ans : 1. Une relation à la hiérarchie questionnée avec une remise en cause de

l’autorité (par rapport aux générations précédentes). Pour le DRH d’un conseil départemental d’Île-de-France, c’est « un choc des pratiques, des jeunes connectés provoquent une déstabilisation des managers assortie de tensions relationnelles » ; « les jeunes, une difficulté accrue pour les managers moins bien armés », estime le DRH d’une communauté d’agglomération de plus de 90 000 habitants de Bretagne. Le représentant de l’UNSA estime que « les jeunes ne sont pas sur les mêmes logiques. Leur vision du monde du travail rend la relation avec le manager plus compliquée avec des dysfonctionnements de comportements ». Selon la DRH d’un conseil départemental de Bretagne, participer à la décision est une demande récurrente des jeunes agents de sa collectivité : « Comment je me sens associé au processus ? Je veux être autour de la table, c’est important. » Elle remarque toutefois que « le discours est fort mais la participation n’est pas acquise ! »

2. Une liberté de parole plus marquée. Selon les DRH, les jeunes n’ont plus la même réserve que leurs aînés vis-à-vis du management. Avoir voix au chapitre, proposer, être contributeur font partie de leurs attentes.

3. Le besoin de comprendre. C’est une autre caractéristique de ces agents dans une posture de questionnement systématique. La DRH d’un conseil départemental de Bretagne constate que « les jeunes ne veulent pas exécuter pour exécuter ». La question du sens est prégnante pour s’engager dans une mission ou une activité. Pour la DRH d’une communauté d’agglomération de Bretagne : « Les plus jeunes ont une propension à s’exprimer, à poser des questions, à demander des explications et des informations : "Pourquoi on fait ?, pourquoi on ne fait pas ?" »

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Une attente de nouvelles attitudes managériales Les propos d’un cadre A d’un conseil régional synthétise les attentes des jeunes agents rencontrés : « Confiance, protection (vis-à-vis de l’organisation ou pour faire face aux difficultés), sens des responsabilités. Le manager doit être juste et capable d’impulser une dynamique positive dans l’équipe pour un effet d’entraînement. »

Les compétences relationnelles sont centrales : la communication, l’écoute ainsi que la capacité à mobiliser une équipe. Les jeunes manageraient-ils différemment de leurs aînés ? Le cabinet de conseil en ressources humaines Hudson37 en a fait le sujet de sa dernière étude réalisée auprès de 28 000 personnes dans le monde. Selon les auteurs, les traits traditionnels du manager baby-boomer, à savoir diriger des équipes, décider, motiver et influencer ne sont pas ceux des Y. Ces derniers se-raient davantage sur le champ des idées, de l’innovation, moins centrés sur la stra-tégie mais très orientés vers les autres avec de fortes capacités relationnelles. On retrouve quelques-unes des attentes des jeunes agents concernant leur manager.

L’évaluation des compétences managériales est jugée défaillante par certains jeunes. Si elle est réalisée, et l’on peut s’interroger sur les critères, les résultats ne sont pas pris en compte : « Les mauvais managers ne sont pas sanctionnés, il y a un système d’impunité des managers défaillants. »

d. L’accès des jeunes aux fonctions de managerPour des collectivités peu attractives, recruter un jeune manager peut être un choix par défaut, en l’absence de candidats. D’autres souhaitent « donner leur chance aux jeunes » en leur confiant des responsabilités d’encadrement. Elles misent sur leurs atouts : regard neuf, innovation, capacité à travailler en transversalité pour engager de nouvelles pratiques et faire « bouger les lignes ». Un accompagnement des encadrants est nécessaire. « Un parcours d’encadrant est proposé dès l’arrivée en fonction de management. Le nouveau manager est, en outre, intégré dans un réseau professionnel », indique le DRH d’un conseil régional.

Alors que quelques jeunes agents déplorent que les postes d’encadrement soient trop souvent monopolisés par les plus âgés, les représentants syndicaux constatent que les jeunes managers peuvent être mal perçus et susciter un sentiment de dépossession. Leurs savoirs cognitifs – traiter l’information, raisonner, apprendre, analyser… – ne leur confèrent pas la légitimité de l’expérience. Ce point de vue est partagé par la représentante de la CFDT : « Les jeunes managers sont parfois très diplômés, mais on ne leur a pas donné de « billes » pour gérer l’humain. Ils n’ont pas non plus appris à gérer des individus, plus âgés et moins diplômés, avec des habitudes de travail. Cela se traduit par des tensions. » La représentante de la CGT partage cette analyse : « Ce peut être mal vécu d’être encadré par un jeune qui sort de l’école. Les équipes se sentent dépossédées de leur métier et de leur savoir-faire. Un jeune peut tout remettre en question car il arrive par le haut. L’expé-rience donne de la légitimité. »

37 Cabinet de conseil en ressources humaines Hudson, Le choc des générations – en quoi les diffé-rentes générations vont remodeler le marché du travail ?, janvier 2015

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Le médecin de prévention d’un conseil départemental d’Île-de-France alerte sur les difficultés des jeunes managers dans des organisations aux fonctionnements verrouillés : « Les jeunes managers ont des niveaux de qualification élevés et des savoirs théoriques, mais pas un savoir-faire managérial ni relationnel suffisants. Les responsabilités leur sont confiées trop tôt. Ils sont confrontés à des agents qui ont de l’expérience et une bonne connaissance du terrain. Ils ne sont pas à l’aise et peuvent adopter une posture qui peut être mal comprise » ; « Quand ça se passe mal, ils sont vite isolés. Les réactions des représentants du personnel peuvent être violentes à leur égard. » Elle souligne également leur solitude : « Ils ont de réelles difficultés à faire part de leurs problèmes par crainte d’être jugés incompétents ou de reconnaître être dans une situation d’échec. Très isolés, certains sont d’ailleurs en situation de détresse ou d’inconfort psychologique. »

Selon elle, proposer une aide ou un soutien semble compliqué : « C’est difficile de les faire parler. Ils se blindent, s’enferment dans une attitude. Ils se font maltraiter et ne disent rien, les jeunes encadrants sont plus en difficulté que les autres. Ceux qui s’en sortent sont les moins timides, qui n’ont pas peur de se montrer et d’aller chercher de l’aide. » Bien que tous les environnements ne soient pas aussi rudes, ces situations posent la double question de l’accès des jeunes à des postes d’encadrement et de leur accompagnement. Leur hiérarchie, dans ces conditions, n’assume pas sa fonction capitale de management du manager.

e. Pour un management intergénérationnel ?

L’enjeu est de taille au regard de l’allongement des carrières et du renouvellement démographique qui se traduiront par la coexistence de trois générations au travail. Pour Claude LEVY-LEBOYER38, « il devient essentiel de comprendre le système de valeurs de chacun pour développer leur capacité à travailler ensemble ». Les collectivités tendent aujourd’hui vers davantage d’équilibre en favorisant la diversité au sein des équipes : diplômés/non diplômés, jeunes/séniors, hommes/femmes…

La DRH d’un conseil départemental de Bretagne regrette : « La défiance des managers quant au recrutement de jeunes diplômés sans expérience professionnelle et la difficulté à les convaincre de les recruter et de leur faire confiance. » Ce comportement envers les jeunes n’est pas nouveau, l’expérience rassure plus encore que le diplôme.

Le point de vue de la jeune DRH d’une commune de plus de 90 000 habitants d’Île-de-France est éclairant : « La cohabitation entre les anciens et les nouveaux est aléatoire, parfois cela marche mais pas toujours. Les jeunes peuvent avoir le sentiment d’arriver dans un environnement sclérosé. Ils peuvent être affectés dans des équipes revêches. » Le médecin de prévention d’un conseil départemental d’Île-de-France déplore un cadre insuffisant : « Les problèmes relationnels ne sont pas pris en charge. On ne rappelle jamais le cadre aux agents. On ne rétablit pas l’ordre. Le jeune doit se débrouiller tout seul, il n’a pas de références. Les dysfonctionnements ne sont pas réglés par leur seule arrivée. Certains agents sont

38 Claude LEVY-LEBOYER, La motivation dans l’entreprise, 1998

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indétrônables. » La représentante de la CFDT remarque que « lorsque les jeunes arrivent sur des postes d’agent de maîtrise avec des compétences en informatique et en management, cela peut donner lieu à une petite confrontation. Les anciens n’ont pas été formés à l’informatique ». Leur maîtrise des outils numériques les met en porte-à-faux, parfois même en concurrence, avec les plus âgés qui sont moins à l’aise.

Enfin le tutorat n’est valable que dans un sens : des seniors vers les jeunes. Les jeunes n’ont-ils rien à partager, ni à transmettre à leurs aînés ? « Les moins de 35 ans ne sont pas crédibles », constate le DRH d’une agglomération de plus de 90 000 habitants de Bretagne.

5. La relation avec les représentants du personnel : un gouffre entre les jeunes agents et les organisations syndicales

Les élus des grandes et moyennes collectivités accordent une grande importance au dialogue social qu’ils souhaitent aussi apaisé que possible. Les DRH y consacrent un temps important. À titre d’exemple, la DRH d’une commune de la région Pays de la Loire estime y consacrer 50 % de son temps. Pour certaines DRH, le temps passé à la gestion du dialogue s’exerce trop souvent au détriment des agents et d’activités susceptibles d’être utiles à tous.

a. Des jeunes peu voire pas impliqués dans la vie syndicale

Par comparaison avec les autres pays européens (27 %39), et plus globalement ceux de l’OCDE, la France connaît un taux de syndicalisation de 7,7 % des actifs40. Le score élevé (70 % de syndiqués) des pays nordiques – Finlande, Suède et Danemark – s’explique en partie en raison des prestations offertes aux adhérents. C’est ce que l’on appelle un syndicalisme de services, certaines prestations sociales étant effectivement versées par le syndicat. La culture de ces pays favorise également l’adhésion.

Concernant plus particulièrement les jeunes Français, salariés du privé et agents du secteur public, les chiffres disponibles sont contradictoires. Agnès NATON, secrétaire générale de la CGT, indique que « les 18-30 ans ne constituent que 2 % des adhérents et on observe la même tendance dans les autres grandes centrales syndicales ». Dans son magazine de décembre 2013, la CFDT avance d’autres chiffres. La classe d’âge 18-30 ans représente 10 % de ses adhérents.

Aux élections professionnelles de 2014, on observe un taux de 54,5 % de votants dans la FPT, soit un recul de 4,5 % par rapport à 2008 mais près de 10 points de moins qu’en 200241. Le taux des trois fonctions publiques confondues est de 52,8 % contre 64 % en moyenne lors des précédents scrutins. La ministre de la Fonction publique en avait fait pourtant sa priorité, estimant qu’il serait préjudiciable de tomber en dessous du taux enregistré en 2008 en raison du risque pour la démocratie sociale.

39 Site www.worker-participation.eu.40 OCDE, 201241 Gazette des communes, 9/12 et 12/12/2014

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Voter aux élections professionnelles ne va pas de soi pour la majorité des jeunes rencontrés. Moins d’un sur trois, en Île-de-France comme en Bretagne, déclarait lors des entretiens ne pas souhaiter voter. Une assistante sociale d’un conseil départemental de Bretagne le confirme : « Je n’attends rien, je ne suis même pas allée voter. Je ne sais même pas comment ça fonctionne. Personne ne m’a empêchée ou m’a même sollicitée. »

Peu de jeunes agents connaissent leurs représentants du personnel, encore moins le syndicat majoritaire dans leur collectivité comme en atteste la représentante de la CFDT : « La majorité des agents ne connaît pas les organisations syndicales, y compris les jeunes. » Très peu distinguent les différentes centrales entre elles, encore moins leurs particularités idéologiques.

Parmi les 25 jeunes interviewés, un seul d’entre eux s’est dit adhérent d’une organisation syndicale. Il a d’ailleurs exercé des responsabilités syndicales pendant six ans jusqu’aux dernières élections professionnelles. Son engagement n’allait pas de soi, c’est le résultat « d’un travail au corps » de l’une des organisations syndicales. Son bilan est néanmoins très positif : « Une connaissance plus fine du fonctionnement de la collectivité, une vue globale pour appréhender ma fonction avec un élargissement de mon réseau et donc des rencontres avec les autres agents de toutes les directions. C’est aussi une réelle opportunité pour comprendre ma collectivité avec ses forces vives et également la DRH capable de se mobiliser dans les délais et de fournir des productions de qualité. »

b. Une image dégradée des organisations syndicales

Les jeunes agents se montrent partagés entre trois attitudes :

L’intérêt : « Si on a besoin, on peut aller les voir », apprécie un agent des espaces verts d’une commune de plus de 50 000 habitants d’Île-de-France. Pour une ATSEM de la même collectivité : « Ils peuvent avoir un rôle d’information sur les avancements ou la mutuelle. Les organisations syndicales ont le pouvoir de parler pour nous. » Les jeunes agents rencontrés attendent des organisations syndicales qu’elles poussent des dossiers collectifs (avancements, complémentaire santé) utiles à l’ensemble de la communauté.

L’incertitude : « À quoi servent les organisations syndicales ? Quel est leur rôle ? Qui sont-elles ? » ; « On ne les voit pas. Ce n’est pas nécessairement un manque mais c’est dommage, il y a des causes à défendre » ; « Ils envoient des courriels », se demandent les agents en Île-de-France et en régions. Ces remarques témoignent de l’éloignement de certains représentants du personnel du terrain avec, en conséquence, une méconnaissance du travail et des agents.

Le rejet : le syndicalisme est ainsi perçu comme un syndicalisme d’opportunité et de défense de causes indéfendables. « J’ai vu trop de choses, des agents pas du tout professionnels, qui sont rentrés stagiaires, qui ont fait beaucoup de fautes et ont été titularisés malgré tout. Ils ont poussé leur responsable hiérarchique à démissionner

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et ils sont encore défendus », regrette un technicien dans un conseil départemental de Bretagne. Il serait également détourné au profit des syndicalistes eux-mêmes. « Ils ne servent qu’eux-mêmes », estime un adjoint administratif d’une commune de moins de 10 000 habitants de Bretagne. C’est aussi le point de vue d’un adjoint administratif d’une commune de plus de 200 000 habitants de Bretagne agacé par le détournement de règles censées s’appliquer à tous, notamment en matière de congés : « Il y a 15 jours, j’étais en congé. J’ai croisé une collègue "en heures de délégation" qui était dans les magasins. »

Enfin la culture de la contestation adoptée par les organisations syndicales (sans distinction entre elles aux yeux des jeunes rencontrés) ne rencontre ni l’assentiment, ni le soutien des agents. Pour l’un d’eux, technicien du bâtiment dans un conseil départemental de Bretagne : « Les syndicats sont toujours dans la contestation et moi je le refuse pleinement » ; « Je ne dis pas qu’un jour je n’en n’aurai pas besoin mais le côté contestataire et la manière de contester, ce n’est pas constructif », complète une assistante sociale du même conseil départemental. Le rapprochement est fait avec la classe politique par un adjoint administratif d’une commune de moins de 10 000 habitants de Bretagne : « Je suis partagé, je pense que c’était un contre-pouvoir intéressant mais que c’est mort, on les a enterrés en même temps que le dialogue social. Entre des politiciens qui ne font pas ce qu’ils disent et des syndicats qui revendiquent tout, je n’ai pas voté. Je n’ai pas le temps de lire des tracts, dommage. On a affaire à des gens qui ne sont pas constructifs. »

Dans ces conditions, comment répondre à une exigence démocratique à laquelle souscrivent les jeunes agents rencontrés ? La réponse ne peut plus venir de textes législatifs se succédant depuis plus de 35 ans et n’ayant pas réussi à endiguer la baisse des adhésions. La question de la place des agents et de leur association au système de décision se pose plus que jamais dans des organisations en transformation. « Citoyens dans la cité, les travailleurs doivent l’être aussi dans l’entreprise », tel était pourtant le mot d’ordre du rapport Auroux de 1981 sur les nouveaux droits des travailleurs.

C. Des organisations syndicales peu sollicitées

Les agents comptent sur eux-mêmes plutôt que sur les organisations syndicales. Un agent de catégorie C d’une communauté d’agglomération d’Île-de-France estime : « On n’est jamais mieux servi que par soi-même. » Quand bien même ils auraient besoin d’aide, l’heure est plutôt à la responsabilisation individuelle, comme l’affirme un adjoint administratif d’une commune de plus de 200 000 habitants : « Je n’attends rien des syndicats, je suis allé voter, car j’en aurai peut-être besoin un jour, mais si je fais une erreur je l’assume. Je n’ai pas besoin d’un syndicat pour me défendre. » Ce point de vue est partagé par une assistante sociale d’un conseil départemental de Bretagne : « Je n’attends rien de personne, si on fait des erreurs on l’assume. J’ai déjà eu des soucis mais je n’ai jamais rien demandé à personne. Je trouve qu’ils sont là pour défendre la fainéantise et ceux qui font des erreurs. »

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Selon eux, la DRH est une interlocutrice crédible et légitime pour entendre leurs demandes, y compris des revendications. « Voir les organisations syndicales pour le régime indemnitaire ne sert à rien, il vaut mieux rencontrer la DRH », estime cet agent technique d’une communauté d’agglomération de 100 000 habitants d’Île-de-France. « Je préfère aller voir ceux que je connais, la DRH ou le service », affirme un agent de catégorie C d’une commune de plus de 50 000 habitants également en Île-de-France.

d. Un engagement sur d’autres causes ?

À défaut de s’engager dans le mouvement syndical, les jeunes agents souhaitent-ils se mobiliser pour d’autres causes ? Les réponses ne peuvent qu’être individuelles. Selon l’UNSA, ils sont « capables de se mobiliser, notamment sur des causes humanitaires ».

Pour ceux qui s’engagent, plus particulièrement en régions, ou qui souhaiteraient le faire, le monde associatif est privilégié comme par les agents réunis en Bretagne : « Je suis dans une association sportive, membre du bureau, capitaine, joueur, administrateur du site web et du compte Facebook, et là où je peux me rendre utile » ; « j’étais secrétaire et trésorier d’une association de pompiers volontaires, j’ai arrêté il y a six mois » ; « je suis dans une association chrétienne d’aide aux défavorisés » ; « j’étais membre du bureau d’une association de basket et joueuse mais j’ai arrêté ». L’engagement ne résiste pas au manque de temps, à la vie de famille ou à une charge de travail qui, selon certains, ne cesse de croître.

e. Les propositions des organisations syndicales : attirer les jeunes, un enjeu de survie

Pour les représentants des trois organisations syndicales rencontrées, des mesures sont à prendre pour attirer les jeunes. À la CGT, les jeunes sont une cible : « Nous avons pris la décision de leur donner une place particulière. » La CFDT se dit aussi très mobilisée : « La confédération est en effervescence pour les moins de 35 ans. Des réflexions sont en cours. Sans tomber dans le jeunisme, un effort est à faire pour laisser la place aux jeunes. »

Trois grands axes sont plus particulièrement privilégiés pour donner envie aux jeunes de s’engager dans l’action syndicale : « L’enjeu est de les intéresser et de favoriser une prise de conscience quant aux rôles des syndicats. » 1. Assurer le renouvellement des cadres et mieux partager les responsabilités :

consensus également des organisations syndicales concernant cet axe, un rajeunissement s’impose. L’UNSA prône « un renouvellement des classes. Les jeunes dérangent et sont écartés, les anciens ont peur de se faire prendre la place. Il faut leur donner des postes valorisants, leur proposer de prendre des responsabilités et leur laisser la possibilité de faire des propositions ». C’est aussi une nécessité pour la représentante de la CGT : « Depuis le 47e congrès, un double engagement de renouvellement et de rajeunissement des cadres. La Fédération des services publics a certes rajeuni, mais la moyenne d’âge reste

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de 45 ans. Il est nécessaire de prendre en compte la représentativité des jeunes dans les directions. » La représentante de la CFDT partage la même approche : « Être permanent est un moment dans un parcours, ce n’est pas un poste pour toute la vie professionnelle. Laisser la place à d’autres est nécessaire, sinon on a des confédérations vieillissantes. »

2. Revoir et adapter la politique de communication : les modes de communication adoptés par les jeunes sont différents de ceux de leurs aînés. Des textes plus synthétiques (« Les tracts sont trop fournis ») constate la représentante de la CGT, alliés à une utilisation plus poussée des réseaux sociaux tels que Facebook, correspondraient mieux aux jeunes agents.

3. Travailler en réseau : pour la représentante de la CGT, il s’agit d’une piste intéressante déjà expérimentée en Isère pour fédérer des agents sur une cause ou une action particulière.

D’autres mesures ont été engagées, par exemple à la CFDT : « Une adhésion spécifique pour les jeunes a été votée avec des tarifs spéciaux. Cette proposition a été l’objet de discussions mais il faut accueillir plus de jeunes. »

Ces pistes, certes intéressantes, ne seront vraisemblablement pas suffisantes pour inverser une tendance qui s’est installée durablement. Les organisations syndicales gagneraient, en premier lieu, à retrouver le chemin des causes collectives. Elles ne manquent pas, au regard d’un contexte propice à des changements bouleversant les codes habituels du travail. Des comportements davantage fondés sur le principe, lorsque c’est possible, de la co-construction, sans être un frein au réformisme, sont aussi nécessaires pour restaurer leur légitimité et la confiance avec les agents. Jean KASPAR, notamment ancien secrétaire général de la CFDT, prône la revalorisation du compromis qu’il définit ainsi : « C’est un acte d’intelligence d’hommes et de femmes qui prennent conscience que pour vivre ensemble, il est nécessaire de passer par le compromis. » Le langage de la contestation n’est pas celui de jeunes agents plus individualistes.

Malgré la réticence des employeurs locaux à aborder ce sujet, les organisations syndicales ne pourront plus être les seules interlocutrices de la direction générale et des élus. De nouvelles pratiques se développent : les enquêtes internes, les réseaux numériques, les outils collaboratifs ou encore les forums sont autant d’entorses au monopole syndical. Les jeunes agents assument une plus grande liberté de parole et souhaitent un dialogue plus direct avec les élus, la direction générale et la direction des ressources humaines.

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3E PARTIE : LES JEUNES AGENTS, UN

LEVIER POUR LA TRANSFORMATION DES

COLLECTIVITÉS

Tout l’enjeu des collectivités territoriales est de prévenir les risques de démotivation de ces jeunes agents, encore très impliqués malgré quelques signes de lassitude. Pour ce faire, elles gagneront à devenir un employeur de choix, notre axe n°1, aujourd’hui et surtout demain afin de transformer une motivation incertaine en une motivation durable.

Elles prendront appui sur leurs atouts. Leurs compétences et leurs comportements sont une opportunité pour faire évoluer progressivement l’organisation et son fonctionnement. Leur appréhension du management, « une lecture différente de la hiérarchie », selon un DRH, porte d’ailleurs en soi une nouvelle approche des relations humaines.

Les atouts des jeunes agents

Des compétences capitales dans des environnements digitalisés

• Les compétences informatiques et numériques : les DRH rencontrés témoignent du déploiement de ces compétences dans l’environnement de travail : « Ils sont plus à l’aise que leurs aînés sur les TNIC, pas de problème d’utilisation de la messagerie, la prise de notes se fait sur l’ordinateur » ; « nés dans un environnement digitalisé, ils vont facilement sur l’intranet en raison d’habitudes culturelles » ; « ils sont plus véloces dans l’utilisation des outils avec peut-être des difficultés de concentration » ; « l’utilisation de l’informatique est plus aisée, leur adaptabilité plus grande ». Cependant ces propos doivent être nuancés, certains jeunes n’ayant pas une pratique suffisante des outils pour se traduire en compétences professionnelles. Pour Jean DEYDIER42, « on suppose qu’ils savent et eux croient savoir ; ils utilisent Internet pour des activités ludiques et la vie quotidienne, mais ces compétences ne se transfèrent pas dans la sphère professionnelle. La vraie question est leur niveau d’agilité numérique. Le jeune sait manier la souris et le clavier, mais est vite mal à l’aise avec le traitement de texte, la maîtrise du français, peine à formuler des requêtes et à s’y retrouver dans la jungle des sites sur l’emploi ». Les agents d’une commune de plus de 50 000 habitants d’Île-de-France partagent cette analyse : « Des jeunes de moins de 30 ans sont déconnectés. La fracture numérique ne dépend pas toujours de la tranche d’âge mais plutôt de l’éducation. »

42 Directeur Emmaüs Connect association d’insertion

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• Du dynamisme : « Un côté punchy » ; « une envie d’avancer, de faire, de progresser ».

• Un niveau général plus élevé : « Un niveau moyen supérieur, donc des agents plus polyvalents, il n'est pas rare de voir un agent de catégorie C avec un niveau Bac. » Ces agents surdiplômés peuvent, à moyen terme, poser d’autres difficultés déjà évoquées. Cette appréciation ne doit pas masquer une situation disparate ; la FPT compte encore dans ses effectifs des jeunes sans qualification.

Un comportement s’affranchissant des codes des aînés • Une liberté de parole dérangeante mais porteuse de remises en question :

« Un rapport hiérarchique différent, les jeunes ne sont pas dans la boîte, ils ont l’intelligence de ce qu’ils font. De nombreux questionnements, car ils ont besoin de comprendre ce qu’ils font. »

• Un autre regard sur l’organisation interne, plus innovant : « Un souffle nouveau, une forme de naïveté et de spontanéité ; les jeunes interrogent les fonctionnements » ; « ils remettent en question l’organisation et la regardent différemment » ; « une lecture qui réinterroge les méthodes et les manières de faire ».

• De la réactivité compte tenu de l’affranchissement de la règle du « sous-couvert » : « Les jeunes s’adressent à celui qui va décider ou qui va apporter la réponse, dans l’immédiateté » ; « ils ne sont pas attachés au respect des circuits de validation, l’utilisation des outils pousse d’ailleurs à leur raccourcissement ».

• Une volonté d’agir : « Avoir voix au chapitre, être dans une logique proactive, être contributeur ».

Le hiatus entre les jeunes et leur environnement tient principalement au fait que la société a évolué plus rapidement que les organisations du travail. La question est aujourd’hui de savoir : qui va s’adapter ? Les agents ou la collectivité ? Demain les organisations fonctionneront selon un autre paradigme en s’adaptant aux agents plutôt que de chercher à les adapter à coups de règles et de procédures.

Les six axes proposés s’appuient notamment sur une politique RH posant un cadre de références, des repères et des règles partagées et ayant valeur d’engagement.

Ces pistes sont adaptées à toutes les catégories d’agents, tout en prenant une dimension particulière s’agissant des plus jeunes.

Axe 1 - La marque employeur pour devenir « un employeur de choix »

Ce levier est encore peu exploité dans les collectivités territoriales. Il s’agit de susciter un engagement davantage centré sur la structure, pas seulement sur le métier ou le service, en valorisant et en prenant appui sur les caractéristiques la distinguant des autres : territoire, valeurs, culture, missions, projets, politique RH et managériale... L’objectif est de susciter une adhésion durable pour ne plus être un employeur lambda, certes en délivrance de services publics, mais finalement

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interchangeable. Cela demande un engagement permanent de la direction, de l’encadrement, de la DRH et dans une collectivité, des élus. Le dispositif a été plus particulièrement développé en Amérique du Nord. Dans son ouvrage, Stéphane SIMARD43 y détaille les pratiques et les résultats obtenus, à savoir une mobilisation et une motivation des personnels à faible coût.

Cet objectif peut être freiné aujourd’hui par la réforme territoriale. Nombre d’agents changeront d’employeur dans les prochaines années ou verront leur collectivité s’agrandir. Mais ces nouvelles organisations gagneront très vite à se forger une culture susceptible de fédérer leurs agents. C’est, par exemple, l’ambition des projets d’administration. De même, l’e-réputation, définie comme une représentation que les internautes vont se constituer en fonction des flux d’informations sur le net, sera demain une préoccupation des employeurs locaux. Elle jouera en leur faveur si les politiques managériales et les dispositifs RH sont de qualité.

L’exemple du département de Seine-Saint-Denis est intéressant : un territoire difficile, des moyens en berne, mais un fort engagement des agents et la fierté d’y travailler. Son DRH l’analyse ainsi : « Les agents ont un sens aigu du service public et une forte implication vis-à-vis de la population. Dire qu’ils travaillent pour le conseil départemental les valorise au regard des actions qui y sont réalisées. La Seine-Saint-Denis est une marque employeur. »

La récente expérience conduite par la ville de Paris est une autre illustration du concept de marque employeur dans les collectivités. Elle a récemment engagé une démarche devant promouvoir en interne un projet de licence de marque « Paris Rendez-Vous » et communique tant en interne qu’en externe.

43 Stéphane SIMARD, L’ADN d’un employeur de choix, 2013

Un employeur de choix développe quatre grands axes (non exhaustif)

• Renforcer la confiance des agents dans l’administration et améliorer l’image du secteur public : communication externe délivrant une image positive, engager et promouvoir une démarche éco-responsable, adopter et partager une éthique…

• Réformer/adapter les systèmes de GRH : développer une culture interne, promouvoir la parité et l’égalité des chances, placer le développement des RH au cœur des décisions stratégiques de l’établissement, développer les qualités managériales…

• Créer de meilleures conditions de travail : entretenir un dialogue social de qualité, proposer des prestations et des avantages sociaux attractifs et adaptés, assurer des conditions de travail garantissant sécurité, intégrité et hygiène irréprochable…

• Améliorer le professionnalisme : initier à la vie professionnelle les jeunes agents, monter des programmes destinés à l’acquisition de qualifications ou de compétences manquantes, favorisant ainsi professionnalisme et possibilité de mobilité, mettre en place des dispositifs favorisant la capitalisation des savoirs et savoir-faire.

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Le contexte budgétaire se prête à une telle démarche conciliant rigueur de gestion et motivation des agents. Toutes les collectivités, peu ou prou, développent ces axes, sans toutefois les inscrire dans une stratégie partagée et soutenue par une communication interne et externe.

Axe 2 - Engager de nouveaux modes de fonctionnement

Selon le DRH d’un conseil départemental d’Île-de-France, « les jeunes sont l’opportunité de réinterroger les manières de travailler ». Pour une autre, DRH dans une communauté d’agglomération de plus de 200 000 habitants d’Île-de-France, « le système de management actuel est à bout de souffle » : trop centralisé, trop vertical, trop peu participatif et, in fine, très, même trop coûteux. De nouveaux modes de fonctionnement doivent être imaginés. L’influence de la société est majeure, ses pratiques se diffusent dans le monde du travail qui devra s’y adapter.

Un fonctionnement en transversalité

Les jeunes agents se disent déstabilisés par des fonctionnements rigides et cloisonnés. Depuis une quinzaine d’années, tous les dirigeants appellent de leurs vœux à une plus forte transversalité. Ils se sont heurtés à la culture hiérarchique, au manque de temps et au refus des managers de partager leurs ressources. Les outils informatiques donnent aujourd’hui une nouvelle dimension à cette demande, les deux modalités sont d’ailleurs complémentaires :

• l’une est d’ores et déjà bien connue, il s’agit du management par projet, par nature institutionnel, permettant de réunir temporairement des agents issus des différents services d’une même structure. Il prend aujourd’hui une autre dimension avec la conduite de projets externes mobilisant plusieurs collectivités et parfois même leurs partenaires. Le mode projet est précurseur des fonctionnements de demain avec des équipes plus autonomes, plus réactives, plus agiles et plus éphémères.

• L’autre concerne le déploiement de communautés de métiers ou de pratiques, informelles ou institutionnelles, à travers les outils collaboratifs. Ses bénéfices sont indéniables : créativité et stimulation par la confrontation, partage des connaissances par l’échange pour développer ses compétences, contact avec de nouvelles personnes, implication par une plus grande autonomie.

Plus globalement, le travail en réseau est à développer. En interne, il soutient et alimente la communication avec le partage et la circulation d’informations aujourd’hui encore bloquées pour les raisons déjà évoquées. En s’ouvrant à l’externe, il prend une autre ampleur. Les agents peuvent être encouragés à faire partie d’un réseau, interne et externe, afin d’enrichir leurs pratiques et d’ouvrir leur horizon. Les formations inter-collectivités sont une autre opportunité pour créer ou développer un réseau spontané.

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Les collectivités n’utilisent les réseaux numériques que de façon très limitée, leurs agents sont partagés. Elles se privent d’un outil précieux de développement des compétences. Soucieux de développer leurs compétences, nombre de jeunes agents comprendraient rapidement le bénéfice qu’ils pourraient tirer d’un profil numérique valorisant leurs savoir-faire.

Des approches plus participatives associant les agents et reconnaissant leur droit à la parole

L’écoute des agents est la première étape d’une démarche participative. Les baromètres et les enquêtes à échéances régulières permettent de mesurer le climat social et de se donner des clés de lecture utiles en ces temps de changement. Les pratiques restent hétérogènes, certaines collectivités, comme le conseil départemental de la Manche, ont mis en place ce dispositif depuis plusieurs années, d’autres restent réticentes. Les résultats, croisés avec les observations des managers et des représentants du personnel, peuvent être débattus et enrichis. Des groupes de travail, pilotés par les managers, dans les services permettent de poursuivre les discussions lui donnant alors une autre ampleur.

Les jeunes agents souhaitent également être associés au fonctionnement de leur collectivité et aux décisions les concernant. Au quotidien, ils entendent bien être parties prenantes de l’organisation du travail : gestion du temps et des activités, sécurité, compétences… Le manager doit faire la preuve de sa capacité à faire face à la confrontation et à gérer des échanges plus directs ; l’exercice est périlleux pour les encadrants de proximité peu outillés.

Dans un environnement où le changement devient la norme, reconnaître le droit à la parole est un atout considérable. Le groupe La Poste, confronté à des transformations très importantes, l’a bien compris. En 2012, un « Grand dialogue » a été engagé avec tous les collaborateurs, sans se substituer au dialogue social. L’objectif était de libérer la parole et d’identifier les améliorations nécessaires. 12 000 tables rondes ont été organisées, 125 000 sur 250 000 postiers y ont pris part. À l’issue de cette concertation, huit grands chantiers portant sur la qualité du travail ont été ouverts.

Prendre en compte la digitalisation croissante du travail

La digitalisation influe sur l’environnement de travail et bouleverse les fonctionnements : espaces et lieux de travail, outils, modalités de coopération et de communication. Elle change aussi le rapport aux usagers, aux prestataires et au management. Comme le précise le DRH d’un conseil départemental d’Île-de-France : « Le mèl a permis de se libérer d’une contrainte hiérarchique, hier instruite en permanence, les échanges sont plus directs. » Pour un autre, DRH d’une commune de 60 000 habitants de Bretagne : « C’est un enjeu réel, il faut s’adapter, les outils offrent une plus grande liberté. À chacun de faire ses

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choix. » Internet au travail a deux conséquences selon Sandra ENLART44, directrice générale d’Entreprise et Personnel : « La surexposition aux informations et des échanges horizontaux court-circuitant la hiérarchie. »

Les DRH sont conscients des difficultés rencontrées par les jeunes agents dans ce domaine. La DRH d’une commune de 90 000 habitants d’Île-de-France constate : « Les jeunes s’attendent à disposer dans le cadre professionnel du même niveau de confort que chez eux, nous devons faire évoluer les outils avec les fonctionnements internes : la dématérialisation, les tablettes tactiles... Nous n’avons pas d’agenda électronique pour tous. » L’image de l’employeur, dans ces conditions, est nécessairement écornée en interne et en externe.

Les enjeux humains – organisation, gestion des compétences, communication – font du DRH l’acteur-clé de l’accompagnement de cette transformation. La révolution digitale requiert une prise de conscience qui est son premier défi. Le digital se heurte à des organisations rigides en silos, il lui faudra proposer de nouveaux modèles d’organisation et de fonctionnement et anticiper les besoins en compétences. À lui également de proposer de nouvelles règles au regard de nouveaux rapports à l’autorité et de méthodes de travail autrement plus collaboratives.

Les collectivités territoriales seront attentives à quatre risques• Une perte de contrôle et de productivité. • Des compétences insuffisantes. Une réflexion sur les savoirs nécessaires

pour maîtriser l’univers numérique est indispensable au risque de laisser des agents de côté.

• Une accélération de la disparition de métiers et donc l’urgence à former et à apprendre un « autre » métier.

• Une déshumanisation des relations dans le travail déjà observée avec l’utilisation parfois excessive de la messagerie.

Enfin, les organisations encourageront l’innovation. Prestataires de services aux citoyens, elles ont toute latitude pour imaginer de nouvelles modalités de service aux usagers, plus encore dans un contexte de raréfaction des ressources.

Axe 3 - La politique managériale

Les compétences des managers sont, plus que jamais, l’objet de toutes les attentions45, mais sans de réelles remises en cause structurelles. Les jeunes agents, parfois réfractaires à une certaine forme d’autorité, s’affranchissent des liens hiérarchiques et provoquent une remise en question de pratiques.

Restructurer la ligne hiérarchique afin de réduire le poids des relations hiérarchiques

Les propos des jeunes agents sont sans ambiguïté, ils souhaitent rompre avec un management hiérarchique vertical. La démarche est très difficile à engager, tant 44 Sandra ENLART et Olivier CHARBONNIER, À quoi ressemblera le travail demain ?, 201545 Anne GRILLON, Le métier de DRH dans les collectivités, Les Cahiers de l’Observatoire social

territorial, n° 8, juillet 2013

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les fonctionnements sont bien ancrés. C’est aussi un tout autre état d’esprit à développer, fondé non plus sur le contrôle mais sur la confiance.

Bien que le contexte actuel marqué par les réformes ne s’y prête pas, la politique de gestion des cadres et des managers est également à repenser. Les fusions et les mutualisations se traduiront par une réduction importante du nombre de postes de cadres, plus particulièrement de direction générale. Engager une GPEC des cadres permettra aux DRH de clarifier et d’analyser la situation, puis d’identifier leurs marges de manœuvre.

Favoriser de nouvelles compétences managériales

Toutes les organisations s’interrogent sur les compétences à détenir. Elles se sont dotées de leur référentiel de compétences managériales à partir duquel les managers sont, théoriquement, recrutés et, en principe, évalués.

Force est de constater que le corpus de connaissances a changé. De l’avis des DRH, les managers devront s’adapter au changement de paradigme : des moyens aux résultats, de la prescription à l’autonomie, du contrôle à la confiance… Les enjeux de qualité du travail, de gestion des compétences et de gestion sous fortes contraintes influent également sur leurs missions et leurs compétences.

Pour les jeunes agents la hiérarchie est avant tout une ressource, elle est présente quand cela est nécessaire. Elle assure également une fonction de régulation plutôt que de contrôle. Elle s’intéresse aux résultats plutôt qu’aux moyens.

Les fusions et les mutualisations nécessitant des interactions plus marquées, la valeur ajoutée du manager sera de fonctionner en transversalité et de faire travailler ensemble des agents issus d’univers différents.

Les principaux comportements managériaux souhaités par les jeunes agents• Être à l’écoute, faire preuve de disponibilité• Associer et faire participer• Prendre des décisions et assumer ses responsabilités (gestion des conflits),

savoir trancher et « se mouiller »• Sécuriser, protéger, soutenir et défendre en cas de difficultés• Dynamisme, capacité à entraîner, donner envie

Les missions des managers sont également à reconsidérer. Faisant le constat de managers aspirés par le reporting, la ville de Nantes a engagé une démarche afin de les ramener sur le terrain auprès de leurs équipes.

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Engager une réflexion sur la marge de manœuvre des managers

Telle est bien la situation de nombreux encadrants aujourd’hui : manager sans pouvoir ou avec seulement celui d’en référer à son manager. Leur accorder des marges de manœuvre corrélées à une capacité d’arbitrage et à un réel pouvoir de décision, notamment RH concernant la carrière de leurs collaborateurs est une démarche nécessaire. Sa complexité ne peut être sous-estimée en raison la persistance de relations hiérarchiques fortes.

Accompagner les jeunes managers et les autres, dès leur prise de fonction

Confier des responsabilités managériales à de jeunes cadres incite à s’interroger sur l’enseignement du management, si toutefois il s’enseigne. Aujourd’hui principalement fondé sur l’intégration de compétences cognitives (apprendre, analyser, mémoriser), il prépare peu au métier de manager. Certains experts46

préconisent une alternance entre théorie et pratique. Henri MINTZBERG47 propose de substituer aux traditionnels cas pratiques des méthodes pédagogiques construites à partir des situations de travail et de prendre appui sur l’expérience professionnelle des apprenants. L’alternance est également une piste très intéressante, car c’est bien en situation de travail que l’on acquiert des compétences de manager.

Le monde de la formation est aussi en évolution. Les modalités d’apprentissage se diversifient et se croisent : parrainage, ateliers d’analyse des situations concrètes, blended learning (apprentissage mixte alternant présentiel et distanciel), réseaux apprenants, coaching, forums, séminaires... L’importance du sujet est telle que des grandes structures, privées et publiques, ont fondé leur propre université ou centre de formation – Accor, SNCF, mais aussi les villes de Lyon et de Versailles, ou encore le conseil départemental du Val-de-Marne. Si elles ne sont pas uniquement réservées aux managers, ces structures sont les garantes d’une culture commune et la preuve d’une attention soutenue à la gestion des compétences.

L’étude48 « Connaître et reconnaître l’encadrement intermédiaire dans la FPT » a abordé une piste intéressante, à savoir l’évaluation des managers. La question est majeure mais trop souvent éludée. Le management ne gagnera en qualité que si ceux n’ayant pas fait la preuve de leurs compétences sont repositionnés vers d’autres fonctions.

Enfin le management du manager est une dimension très largement sous-estimée. Leur besoin de reconnaissance mérite d’être considéré et leur motivation entretenue. C’est une raison supplémentaire pour porter un regard critique sur la chaîne hiérarchique.

Axe 4 - La gestion du temps

Le temps de travail est un sujet particulièrement sensible. Tous les jeunes agents rencontrés ont exprimé leur souhait d’une articulation entre vie privée et vie 46 Comment apprend-on à manager ?, ODC, 201347 Henri MINTZBERG, Des managers des vrais, pas des MBA, 200548 Élèves administrateurs de l’INET, promotion Paul ÉLUARD, Connaître et reconnaître

l’encadrement intermédiaire dans la fonction publique territoriale, Les Cahiers de l’Observatoire social territorial, n° 9, juin 2013

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professionnelle et de leur satisfaction quant au nombre de jours de congés dont ils disposent. Avec la Finlande, la France est le pays d’Europe où le temps de travail est le plus faible49. En théorie, dans la FPT, comme dans les entreprises, la durée annuelle du travail (DAT) théorique est de 1 607 heures. Dans la pratique, elle est souvent inférieure, parfois de manière très significative. Lors de leurs contrôles les chambres régionales des comptes ne manquent pas de le rappeler. Malgré un contexte économique très difficile, un retour aux 35 heures semble peu probable, à moins d’une loi imposant une seule et même DAT pour toutes les collectivités.

Les collectivités ne peuvent pas abandonner le terrain du temps, ne serait-ce qu’en raison d’un usage massif des TNIC et de nouvelles formes d’organisation du travail. De plus, une récente étude50 constate la multiplication de rythmes de travail différents, y compris au sein d’une même organisation.

Trois pistes peuvent être explorées :

• La recherche d’un « compromis temporel »

L’ANACT51 propose une réflexion globale permettant de « renouveler les termes de l’équation liant performance et qualité de vie au travail » par une approche concertée avec les acteurs du dialogue social. Quatre champs de contrainte sont mis en perspective pour identifier des compromis acceptables par les personnes et leur employeur :

- Le temps du marché : les besoins et attentes des usagers et des clients, les cycles de production, la saisonnalité des activités

- Le temps de l’entreprise : les processus de fonctionnement et les contraintes techniques

- Le temps de l’agent : les espaces personnels et professionnels - Le temps du territoire : les modalités d’accès aux transports et aux crèches.

Cette approche permet de mieux prendre en compte les horaires atypiques et les facteurs de difficultés personnelles susceptibles de se traduire par le désengagement progressif des agents et des arrêts de travail.

• La charte du temps Ce type de réflexion tend à se substituer au classique et désormais dépassé

règlement du temps de travail, essentiellement de nature juridique et comptable, et aux chartes informatiques devant réguler les usages d’Internet. L’objectif est de replacer le temps au cœur de la réflexion sur le travail en privilégiant une approche collective et participative. Les modes de fonctionnement sont alors évalués :

- Circuits hiérarchiques (signatures) - Réunions (horaires, participants… pour doper leur efficacité) - Outils (usages des audio et visio pour limiter les déplacements) - Courriels (avec parfois une limitation le week-end ou en soirée) - Télétravail.49 Temps de travail : mettre fin aux blocages, Institut Montaigne, 201450 DARES51 ANACT, revue Travail et changement, « La conciliation des temps, une question à plusieurs

dimensions », mars/avril 2012

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La sécurisation des temps collectifs est un autre des sujets traités afin de garantir les indispensables coopérations internes.

L’actualité des collectivités se prête à ce type de réflexion. Les fusions, les mutualisations et des usages numériques disparates nécessitent des références partagées. La mobilité des agents, sur des territoires plus vastes, avec une diversité de lieux d’embauche susceptibles de fluctuer en fonction de l’activité, sera demain plus forte. Le risque est de laisser s’installer des pratiques individuelles sans les raccrocher à une vision collective.

• Le télétravail

Cette démarche témoigne de la confiance de l’employeur en ses collaborateurs. Les collectivités territoriales semblent moins réticentes aujourd’hui qu’hier. La démarche est naturellement freinée par des métiers exigeant une présence sur site, certaines estimant ne pas pouvoir s’y inscrire en raison du déséquilibre entre les agents. La réticence des managers est également palpable selon les conclusions d’une étude du CNFPT52.

Axe 5 - Apporter des perspectives aux agents

Plus qu’un chantier, c’est un enjeu majeur pour des collectivités comptant dans leurs effectifs plus de 75 % d’agents de catégorie C qui exercent parfois des métiers usants. Elles intègrent encore des agents, plus ou moins jeunes, sans qualification et ne maîtrisant pas les savoirs de base. Prévenir les risques d’« in-employabilité » relève de la responsabilité sociale de chaque employeur.

À l’instar des DRH du privé, qui en ont fait l’un des thèmes de leur dernier congrès « Emploi des jeunes et formation tout au long de la vie, quelles responsabilités ? », les DRH de la FPT s’interrogent sur l’employabilité et l’adaptation des jeunes au monde du travail. En témoigne la DRH d’un conseil régional : « Il n’y a pas d’adéquation suffisante entre les programmes scolaires et les besoins des organisations. La réalité du travail est compliquée, employeurs et écoles gagneraient à mieux se connaître. C’est nécessaire d’aider les jeunes à comprendre le fonctionnement des entreprises. Ils sortent de l’école et demandent "Que me proposez-vous ?". »

Si le niveau de qualification est plus élevé, les savoirs de base ne sont pas nécessairement acquis. Faire face aux flux numériques est l’une des compétences clés à détenir. Sandra ENLART et Olivier CHARBONNIER53 estiment d’ailleurs que nous devrons être capables demain de gérer notre propre système d’information.

Diversifier les modalités d’acquisition des compétences

Les services publics sont en évolution permanente en raison de la transformation des activités et de nouvelles méthodes de travail. Les agents rencontrés ont, avant tout, besoin de se savoir employables. Ils se disent prêts à s’inscrire dans un apprentissage 52 Les pratiques de collectivités en matière de télétravail pour leurs agents, CNFPT, 201353 Op.cit.

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permanent. Leur vision étant marquée par leur scolarité, la formation reste le seul moyen d’acquérir des compétences. Nombre d’organisations, conscientes de la nécessité de réduire la déconnexion entre le travail et l’apprentissage, privilégient pourtant d’autres pratiques. Quelques experts54 prédisent d’ailleurs la fin de la formation telle qu’elle est exercée aujourd’hui au profit de nouvelles pratiques. Certaines sont d’ores et déjà disponibles : classes virtuelles, massive open source courses (MOOC), fab lab (lieu ouvert au public dans lequel est mis à disposition toutes sortes d’outils pour la conception et la réalisation d’objets), serious game… Un apprentissage intégré dans les situations de travail est un formidable levier de motivation pour les jeunes, répondant à leur besoin d’acquisition de compétences, et un levier de performance pour leur employeur.

Des entretiens de carrière et des bilans à échéances régulières, encore trop peu fréquents, corrélés à une pratique régulière d’évaluation des compétences et des souhaits d’évolution des agents, permettront de les accompagner dès leur recrutement. Plus que jamais une coopération rapprochée des DRH et des managers est incontournable.

Des carrières aux parcours

Pour les raisons déjà évoquées, la carrière n’est plus un levier majeur de motivation pour de jeunes agents s’inscrivant davantage dans l’immédiateté que dans la durée. Aux DRH de prendre le relais en proposant des parcours professionnels et de formation.

Le parcours est l’ensemble des séquences, étapes choisies ou étapes subies, qu’un agent connaît tout au long de sa vie professionnelle. La collectivité définit un itinéraire de qualification ou de professionnalisation pour rendre le parcours possible en fonction du métier actuellement exercé et de celui souhaité. Conçus dans un premier temps pour apporter des réponses aux agents en situation d’usure professionnelle, les parcours sont aujourd’hui envisagés pour tous les agents. Les agents ayant besoin de se repérer pour identifier les métiers et les étapes à franchir, les DRH mettront à leur disposition les outils nécessaires : cartographie des métiers, boussoles…

La mobilité pour tous, interne ou externe

La mobilité favorise le développement des compétences, l’émergence d’une culture professionnelle transversale, la capacité d’adaptation à des situations et méthodes de travail nouvelles, l’évolution des carrières. Toutes les collectivités misent sur ce dispositif, considérablement professionnalisé, depuis plusieurs années tant pour faire face à leurs besoins en compétences que pour offrir des perspectives à leurs agents. Les jeunes y sont très favorables.

En raison de leur accès à l’information et d’une culture de la mobilité externe s’inscrivant dans leur plan de carrière, les cadres A sont proactifs. Selon les DRH, les jeunes agents de catégorie C ont une attitude plus passive donc sont davantage dépendants des services RH et de leurs managers. Ces derniers restent 54 Sandra ENLART et Olivier CHARBONNIER, Quelles compétences pour demain ?, 2014

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la clé de voûte du dispositif soutenus par les RH. Aujourd’hui monopolisées sur l’accompagnement des mobilités contraintes, elles n’ont malheureusement pas les ressources nécessaires pour soutenir les agents en mobilité choisie.

Une collectivité territoriale doit pouvoir également accompagner ses agents dans un projet de mobilité externe, dans le public ou dans le privé. Cela implique une réorientation des politiques de gestion des compétences non plus exclusivement centrées sur le poste mais aussi sur l’agent.

Axe 6 - Développer une politique d’accueil et d’intégration des nouveaux agents

Les directions des RH sont particulièrement sensibilisées sur ce sujet, l’intégration des nouveaux agents est une de leurs priorités. Bien que les démarches soient mieux structurées, elles demeurent insuffisantes faute de s’inscrire dans la durée. La culture territoriale des jeunes agents ne leur permet pas de comprendre leur collectivité, ses spécificités, ses fonctionnements.

Un double accueil des agents :

• Un accueil collectif : Une réunion ou parfois un séminaire sont généralement organisés dans toutes

les collectivités. La présence des dirigeants lui apporte une autre ampleur et témoigne de l’importance qu’ils accordent aux agents et à la GRH : élus, DGS, DRH… Les thèmes proposés sont bien connus : droits et devoirs de l’agent, rôle des élus et de l’administration, organisation et fonctionnement de la collectivité, politique managériale, politique RH – dont la prévention et la sécurité, les prestations sociales, les finances, les marchés publics... La présentation de la stratégie, des orientations, des projets, parfois même la visite des sites exemplaires, complètent ces premières informations.

• Un accueil individualisé : L’accueil dans le service est tout aussi important. Les managers, avec leurs

équipes, en portent la responsabilité. Trois pistes d’amélioration peuvent être engagées pour favoriser l’intégration des

nouveaux arrivants et sont fondées sur une collaboration étroite entre le DRH et le manager :

- Des bilans individuels à échéances régulières avec l’agent : 3, 6 et 12 mois après le recrutement, associant la DRH et le manager, lesquels s’inscrivent dans une démarche de prévention des difficultés.

- Le parrainage ou le tutorat permet d’accompagner et de guider les nouveaux collaborateurs, notamment s’ils sont managers.

- La formalisation d’un parcours de développement des compétences prenant en compte les compétences à développer et l’accompagnement des agents devant passer un concours.

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Ces propositions sont à adapter en fonction de chaque collectivité. Les managers, plus encore s’il s’agit de leur premier poste, feront l’objet d’une attention de la DRH et de leur management. Comme les grandes entreprises, les collectivités incitent les cadres à s’impliquer dans un réseau. Enfin la production d’un rapport d’étonnement, devenu classique, est intéressante si elle s’inscrit dans une démarche de questionnement continu des pratiques.

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SYNTHÈSE DE L’ÉTUDE

L’étude interroge le système managérial territorial face au renouvellement de génération des fonctionnaires territoriaux. 40 entretiens ont été réalisés avec des jeunes agents ainsi qu’avec des DRH, des médecins de prévention, des assistants sociaux et des représentants d’organisations syndicales.

Deux terrains d’étude différents ont été sélectionnés : l’Île-de-France, et plus précisément les départements de l’Essonne (91) et de Seine-Saint-Denis (93), et la région Bretagne. Au total, 26 jeunes agents de 18 à 35 ans en poste, de catégories A, B et C, ont témoigné de leur expérience dans une collectivité territoriale.

Les jeunes agents sont encore très minoritaires dans les collectivités, mais au même titre que les élus et les dirigeants, une nouvelle génération arrive. Dans la fonction publique territoriale, ils représentent 11,3 % des agents. 2 % occupent un poste d’encadrement supérieur ou un emploi de direction alors que 30,4 % sont diplômés du supérieur. D’un autre côté, 32,2 % ont un diplôme inférieur au baccalauréat.

Nombre d’a priori pèsent sur les jeunes. Une littérature abondante à la fois contradictoire et paradoxale véhicule d’eux une image stéréotypée et simplifiée : individualistes, peu motivés et peu disponibles, avec une loyauté incertaine vis-à-vis de leur employeur. Aujourd’hui, les experts et les chercheurs prennent du recul face à ces marqueurs générationnels et considèrent que cette génération ne fait que porter et amplifier, ce qui constitue un mouvement de fond.

D’ici 2020, huit millions d’actifs partiront en retraite selon les prévisions de l’INSEE. Ce peut être une opportunité, pour des collectivités sous contraintes, de repenser leur schéma organisationnel et d’engager de nouvelles pratiques. Ces nouvelles organisations impliqueront la prise en compte d’une autre relation au travail des agents, jeunes et moins jeunes : plus d’autonomie et de responsabilités, le besoin de sens, une articulation vie privée et vie professionnelle.

Un fort besoin de stabilité de l’emploi

La FPT et ses métiers sont encore méconnus. Le secteur privé l’est sans nul doute davantage auprès des jeunes en recherche d’un emploi. Leur méfiance est néanmoins perceptible vis-à-vis des entreprises, en raison de pratiques managériales orientées vers des résultats et de l’instabilité de l’emploi. Par ailleurs, le manque de dynamisme et des métiers éloignés des citoyens ne rendent pas la fonction publique d’État plus attractive.

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À moins d’un métier s’y exerçant principalement, la FPT est un choix par défaut pour la majorité des jeunes en quête de sécurité de l’emploi. Ils y entrent le plus souvent par le hasard d’une annonce ou d’une rencontre. L’engagement des cadres A est davantage fondé sur le service public, l’intérêt général et le développement des territoires. Au-delà, la FPT est pour tous porteuse de perspectives d’évolutions professionnelles en raison de la diversité de ses métiers.

De jeunes agents mobilisés et engagés

Une fois en poste, les jeunes agents se disent souvent heureux et même fiers de travailler pour les autres et de « servir à quelque chose ». Le statut de fonctionnaire participe également à l’intégration dans la vie civile : relations facilitées avec les banques pour l’obtention de prêts immobiliers ou avec les bailleurs pour la location d’un logement.

Un processus de recrutement plus sélectif mais dans le respect de la diversité

La phase de sélection est devenue une phase-clé. Les collectivités souhaitent désormais privilégier un recrutement par les compétences, alternative qualitative à une gestion des effectifs sous contraintes. Nombre d’agents sont aujourd’hui dans une situation de déclassement (niveau de qualification est supérieur à celui demandé pour son poste) acceptée en raison du système de la carrière permettant d’envisager des perspectives d’évolution par le biais des concours. En devenir dans une minorité de collectivités, le processus d’accueil et d’intégration se structure progressivement dans de nombreuses autres. C’est un des facteurs-clés de réussite d’un nouveau collaborateur, qui plus est s’il s’agit de son premier poste.

La lutte contre les discriminations à l’embauche d’un nombre croissant de collectivités explique leur intérêt pour le label « diversité » délivré par l’Afnor. Il permet à la structure candidate, lors d’un diagnostic préalable, d’évaluer ses processus et de les modifier, le cas échéant, pour l’obtenir.

Des parcours valorisant les compétences au cœur des préoccupations des jeunes agents

À l’aube de leur vie professionnelle, les jeunes territoriaux redoutent déjà une obsolescence de leurs compétences, et sont pleinement conscients de la nécessité d’une mise à jour continue et renouvelée de leurs connaissances. À ce titre, la formation est très appréciée et ce d’autant plus qu’ils sont aussi ouverts, à moyen terme, à des évolutions. Chaque agent est d’ailleurs appelé à devenir un « acteur » de son parcours et de ses compétences.

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La vision verticale de la carrière régresse au profit d’une vision plus transversale. Son principe, sorte de contrat psychologique se traduisant par une faible rémuné-ration de départ contre une promesse d’avancement à long terme, ne semble plus répondre aux attentes des jeunes agents. Ils privilégient une évolution plus rapide. Au terme « carrière », ils substituent d’ailleurs « mobilité, parcours, formation ».

Une information encore peu disponible

L’écart est important entre leur vie privée, où l’accès aux informations est aisé, et leur vie professionnelle où elle est bridée. Les collectivités cultivent encore une certaine opacité et les managers ne semblent pas pleinement assurer leur rôle de relais et de décryptage de l’information. Le partage de l’information est également freiné par un accès très inégal des agents affectés à l’intranet.

Une action sociale peu prisée/délaissée

Depuis plusieurs années la politique d’action sociale monte en puissance dans les collectivités. Les jeunes agents n’en sont pas les premiers consommateurs. La souscription d’une complémentaire santé et d’une prévoyance est généralement subordonnée à une aide financière de l’employeur.

Des agents impliqués mais dans le cadre d’une gestion du temps maîtrisée

Pour les jeunes rencontrés, le travail est une contrainte permettant de satisfaire des besoins matériels et procurant une stabilité appréciable. L’intérêt pour le travail est réel, surtout s’il répond à des attentes telles que l’utilité, la diversité ou l’autonomie et s’il est associé à un sentiment de fierté. La relation avec les usagers est au cœur de l’engagement. Elle est levier de satisfaction pour les agents en régions alors qu’en Île-de-France, en raison du comportement de certains usagers, elle est plus incertaine/aléatoire. Leur système de valeurs étant organisé autour de plusieurs centres (travail, famille, loisirs), la flexibilité est très appréciée, les jeunes agents souhaitant avoir de la latitude dans la gestion de leur temps. Ce souhait conduit les cadres à porter un avis très positif sur les technologies de l’information et de la communication qui leur permettent une plus grande liberté d’organisation du travail.

Des relations distanciées avec les élus

Les jeunes s’interrogent sur leurs rôles, leurs missions et leurs prérogatives, autrement dit leur raison d’être et leur place dans la collectivité. Les privilèges des élus, ou ressentis comme tels, ne passent pas inaperçus dans un environnement sous tensions. Les cadres A ont une autre relation, d’égal à égal.

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Une remise en cause du management traditionnel

Les jeunes agents sont nombreux à déplorer une ligne hiérarchique à plusieurs niveaux dont ils mesurent mal la valeur. Ils sont déstabilisés par des pratiques managériales trop peu communicatives et « déresponsabilisantes », ne leur accordant pas suffisamment d’autonomie. Des pratiques de travail d’un autre temps, conséquences d’un sous-équipement informatique, sont également « démobilisantes ». Pour eux, la hiérarchie est avant tout une ressource présente quand cela est nécessaire. Elle assure également une fonction de régulation plutôt que de contrôle en s’assurant du résultat plutôt que des moyens. Les fonctions traditionnelles d’autorité, de prescription et de contrôle sont remises en cause. Leur maîtrise des outils numériques les met, paradoxalement, en porte-à-faux avec les plus âgés, moins à l’aise.

Les jeunes peuvent-ils être de bons managers ?

Confier des responsabilités managériales à de jeunes cadres incite à s’interroger sur l’enseignement du management. Aujourd’hui, principalement fondé sur l’intégration de compétences cognitives, il prépare peu au métier de manager, faute d’une alternance théorie/pratique. Quelques collectivités souhaitent leur donner leur chance et misent sur leurs atouts : regard neuf, innovation, capacité à travailler en transversalité, pour engager de nouvelles pratiques et faire « bouger les lignes ». Ce pari n’est pas sans risques si l’accompagnement n’est pas à la hauteur des obstacles. Les jeunes managers peuvent être mal perçus et susciter un sentiment de dépossession chez des collaborateurs plus âgés, plus encore dans des organisations aux modes de fonctionnement figés.

Des jeunes agents critiques vis-à-vis des organisations syndicales

Si une minorité de jeunes agents leur accorde encore du crédit pour porter des causes collectives, la majorité d’entre eux est partagée entre l’incertitude concernant leur rôle et le rejet. Le syndicalisme est en effet perçu comme un syndicalisme d’opportunité et de défense de causes indéfendables. La culture de la contestation systématique ne rencontre ni l’assentiment, ni le soutien des jeunes.

Des insatisfactions encore peu nombreuses

Elles proviennent principalement de la perception d’un écart entre le discours sur les valeurs affichées et les pratiques. Les jeunes demandent plus l’équité de traitement et la justice sociale que d’égalité. La rémunération est perçue différemment selon les territoires. Les jeunes agents travaillant en province sont plus sereins que ceux de la région parisienne, le coût de la vie étant moins élevé.

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Six axes de réflexion

Tout l’enjeu des collectivités territoriales est de prévenir les risques de démotivation de ces jeunes agents, encore très impliqués malgré quelques signes de lassitude. Tous ont plébiscité l’autonomie, des marges de manœuvre et la prise de responsabilités.

Axe 1 - Devenir un employeur de choixLe but est de susciter un engagement davantage centré sur la collectivité, pas seulement sur le métier ou le service, en valorisant et en prenant appui sur les caractéristiques qui la distingue des autres : territoire, valeurs, culture interne, missions, projets, politique RH et managériale... Il s’agit de susciter une adhésion durable pour ne plus être un employeur lambda, certes en délivrance de services publics, mais en fin de compte interchangeable.

Axe 2 - Engager de nouveaux modes de fonctionnement Un fonctionnement en transversalité associé à la digitalisation du travail permettant de démultiplier les coopérations, une approche plus participative associant les agents et la reconnaissance de leur droit à la parole sont autant de pistes crédibles pour répondre aux attentes des jeunes agents.

Axe 3 - Réinterroger la politique managériale Des changements profonds sont à engager en assurant en premier lieu un accompagnement soutenu des managers : rompre avec un management pyramidal et vertical pour tendre vers davantage de transversalité, développer des compétences relationnelles orientées sur l’accompagnement, l’écoute, et la capacité à faire adhérer, et enfin reconsidérer les marges de manœuvre des managers de proximité aujourd’hui inexistantes.

Axe 4 - Maîtriser la gestion du temps L’usage massif des TNIC et des nouvelles formes d’organisation du travail ne peuvent être traités dans des règlements du temps de travail aux dimensions comptables et juridiques. Une réflexion approfondie, prenant en compte différents paramètres, permet en associant étroitement les agents, de répondre aux besoins du service public. Cela répond également aux attentes des agents en veillant à la conciliation de leur vie professionnelle et de leur vie personnelle.

Axe 5 - Développer les compétences et offrir des perspectivesLes services publics sont en évolution permanente en raison des transformations des activités et des nouvelles méthodes de travail. Si la formation est un des leviers, nombre d’organisations, conscientes de la nécessité de réduire la déconnexion entre le travail et l’apprentissage, privilégient d’autres pratiques : MOOC, serious game, fab lab mixant apprentissage collectif et individuel. La carrière n’étant plus un levier majeur de motivation des jeunes agents, les RH formalisent progressivement des parcours professionnels et de formation.

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Axe 6 - Formaliser une politique d’accueil et d’intégration des agents et des jeunesConjuguer un accueil collectif et un accueil individualisé assorti d’un bilan est in-contournable. Le premier, par le biais de stages ou de séminaires, permet à l’agent de s’intégrer dans un réseau et un collectif de travail. Le second se traduit par des bilans individuels, un parrainage ou un tutorat et, si besoin, la formalisation d’un parcours de développement des compétences.

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4E PARTIE : ATELIER DE L’OBSERVATOIRE

SOCIAL TERRITORIAL

A. Participants à l’atelier du 10 mars 2015

Laurence ANGLEYS, Consultante, Association des directeurs généraux des communautés de France

Florence BACO-AMBRASS, DGS de Palaiseau, Syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales

Jeanne BALLOT, Responsable de l’Observatoire social territorial, MNT

Frédéric BODO, Responsable organisation des CCAS/CIAS et Petite Enfance, UNCCAS

Georges CLOS, Président de la section du Val d'Oise, MNT

Damien DOZOL, Animateur de trafic et communautés internet, MNT

Noémie FOORT, Chargée de mission relations institutionnelles, MNT

Mathieu FORTIN, Président du comité jeunes, MNT

Jérôme GROLLEAU, Sociologue

Catherine GUILLEMIN, Déléguée générale, AITF

Sylvie GUINAND, Secrétaire générale, Fédération CGT des Services Publics

Jean-François IRASTORZA, Conseiller du Président, SMACL Assurances

Jean-Marc JOUSSEN, Directeur-adjoint en charge des affaires publiques, MNT

Pascal KESSLER, Secrétaire national, FA-FPT

Céline MADRANGE, Chargée de mission promotion de la santé et action sociale, MNT

Christine MARCHETTI, Secrétaire nationale responsable syndicalisation, Fédération interco CFDT

Jean-René MOREAU, Administrateur national, président de l’OST, MNT

Laetitia PAOLAGGI, Médecin conseil, MNT

Adeline PRIEZ, Chargée de mission promotion de la santé et action sociale, MNT

Fabienne SARNECKI, Responsable GPEC, Ville de Noisy-le-Grand

Jean-Sébastien SAUVOUREL, Conseiller, Villes de France

Jean TANCEREL, Directeur des relations extérieures, CNAS

Christine THOMAS, Chargée d’études, FS4 Questions sociales, CSFPT

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Alice TOMAS, Chargée d’études marketing marché, MNT

Alexandra TISSOT PAGES, Directrice des ressources humaines, conseil général des Hauts de Seine

B. Présentation de l’étude

Jean DUMONTEIL

Bonjour à tous. Nous sommes réunis pour parler des jeunes agents des collectivités locales, de leurs relations avec leurs employeurs et avec le travail. La complexité de ce sujet n’a pas effrayé Anne GRILLON, qui a été aidée par le comité jeunes de la MNT, représenté aujourd’hui par Mathieu FORTIN. Avant de les écouter, je cède la parole à Jean-René MOREAU, président de l’Observatoire social territorial.

Jean-René MOREAU

Nous sommes réunis afin d’écouter une étude qualitative concernant les jeunes agents, leurs motivations et leurs perceptions. Cette étude a été validée par le conseil scientifique de l’Observatoire. Celui-ci travaille sur les questions de management, de santé et de bien-être au travail. L’étude entre évidemment dans ce cadre. Elle rejoint d’ailleurs par de nombreux aspects des travaux que nous avons déjà présentés sur la mobilité et sur les seniors. Un fil conducteur associe en effet les travaux de l’Observatoire, dont le conseil scientifique réunit notamment des universitaires, des experts et de grandes associations professionnelles.

Cette étude a été réalisée à la suite d’une demande du comité jeunes, présidé par Mathieu FORTIN. Je le remercie, de même qu’Anne GRILLON, pour le travail qu’ils ont accompli. Malgré l’intérêt de ce sujet, peu d’études concernent les jeunes agents. Les réactions et les commentaires rapportés par l’étude montrent d’ailleurs des réalités rarement mises en lumière.

Jean DUMONTEIL

J’invite Mathieu FORTIN à présenter le comité jeunes.

Mathieu FORTIN

Le comité jeunes est une instance consultative du conseil d’administration de la MNT. Il s’agit aussi d’aussi une instance d’action, qui participe à la promotion du militantisme mutualiste. Ce comité réunit des militants de la MNT âgés de moins de 40 ans. Le terme « jeunes » qualifie donc des militants pendant longtemps, en raison notamment des réalités démographiques de la fonction publique territoriale.

Le comité accomplit des actions concrètes afin de développer le militantisme des jeunes adhérents et de partager les préoccupations des jeunes agents territoriaux

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avec l’ensemble des dirigeants de la mutuelle. Il a ainsi demandé à l’Observatoire qu’une étude concerne les besoins des jeunes agents, afin que le comité jeunes puisse y répondre. Nous avons ensuite constaté l’existence d’autres attentes, qui justifiaient l’élargissement du champ de cette étude.

Je salue Nicolas LE BOULAIRE, membre de la section MNT du Morbihan, qui a suivi attentivement cette étude. Je remercie aussi Anne GRILLON et Jeanne BALLOT pour leur travail. Je remercie enfin tous les participants à cet atelier dont la présence montre l’intérêt pour le sujet traité. J’espère que vous participerez à nos réflexions, afin que nous puissions compléter l’étude.

Jean DUMONTEIL

Je vous propose à présent d’écouter Anne GRILLON qui nous évoquera d’abord la méthode utilisée pour réaliser cette étude.

Introduction

1. La méthodologie

Anne GRILLON

J’ai réalisé cette étude sur les attentes et les motivations des jeunes agents territoriaux. Le texte de cette étude sera d’ailleurs publié dans quelques mois.

Nous avons rencontré de jeunes agents de 18 à 35 ans. Nous avons en effet constaté que les agents entraient assez tardivement dans la fonction publique territoriale, souvent à 32 ou 33 ans. Il aurait donc été dommage de se priver de l’expérience de ces agents. Vous savez d’ailleurs que nous vivons tous plus longtemps et en meilleur état.

Les 26 jeunes agents rencontrés travaillent dans toutes sortes de collectivités. Nous avons aussi rencontré dix directeurs des ressources humaines et quatre médecins et assistants sociaux, ainsi que des représentants du personnel de la CGT, de la CFDT et de l’UNSA. Ces différentes rencontres nous ont permis de croiser les regards afin de réaliser notre étude.

Deux terrains d’étude ont été choisis, l’Île-de-France d’une part, plus précisément la Seine-Saint-Denis et l’Essonne, et la Bretagne d’autre part. Dans les deux cas, nous avons étudié des villes, des EPCI et des conseils généraux et régionaux. Dans l’ensemble, nous avons rencontré un échantillon varié et représentatif. Si les points de vue se recoupent souvent, des différences sont toutefois apparues entre l’Île-de-France et la Bretagne, par exemple au sujet des rémunérations.

2. Le contexte

Les collectivités se trouvent dans un contexte de réformes, quoique les textes législatifs effectuent des allers-retours entre les deux chambres. Des contraintes

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financières pèsent aussi sur les collectivités territoriales, quoique certaines d’entre elles, notamment des villes, éprouvaient déjà des difficultés depuis plusieurs années. Désormais, les EPCI, les régions et les départements sont également concernés par ces contraintes et doivent aussi reconsidérer la gestion de leurs collectivités et leurs modes de fonctionnement et de management.

Il faut aussi rappeler que la porosité entre la société et les entreprises devient de plus en plus forte. Le nier serait déraisonnable et nous empêcherait d’être conscients de certaines problématiques. Depuis les années 2000, plusieurs sujets sociaux concernent toutes les organisations, par exemple l’individualisme, la diversité, et certaines formes de souffrances, que nous évoquerons quand nous parlerons des risques psychosociaux. Ces sujets ont modifié notre appréhension des organisations et les attentes des individus. Ceux-ci veulent désormais que leurs employeurs les aident dans leur vie personnelle. Autrefois, à l’inverse, nous avions coutume d’affirmer que nous devions « laisser nos problèmes à la porte » et que nous ne devions pas en parler. Les jeunes agents attendent désormais d’être accompagnés d’une manière plus complète que précédemment.

Le parcours d’entrée des jeunes dans les collectivités territoriales

1. D’un choix par défaut à une réelle motivation à travailler en collectivité

Parler d’un choix par défaut peut sembler choquant. Cependant, un jeune agent qui intègre une collectivité territoriale, par exemple la ville de Palaiseau, le fait de la même manière que s’il intégrait la MNT ou même un autre environnement. En effet, les jeunes individus que j’ai rencontrés cherchent d’abord un emploi, quoiqu’il soit intéressant et positif de constater que, ce faisant, ils trouvent un travail. Un agent m’a ainsi déclaré qu’il voulait avant tout « rapporter de l’argent à la maison à la fin du mois ». De jeunes individus intègrent donc la fonction publique territoriale de la même manière qu’ils rentreraient chez n’importe quel autre employeur. Il faut cependant rappeler que la FTP propose de moins en moins d’emplois.

Les jeunes agents soulignent aussi qu’ils n’ont pas toujours choisi de travailler pour un employeur du secteur public. Ils cherchent surtout la stabilité de l’emploi. Celle-ci n’existe toutefois qu’à partir de leur titularisation. Or de nombreux agents travaillent dans la FPT pendant plusieurs années sans être titulaires.

Nous constatons aussi qu’en dépit de certains efforts de communication, les collectivités ne sont pas véritablement identifiées comme des employeurs, ce qui les empêche d’attirer des individus et d’être choisies par ceux-ci. Les jeunes agents rencontrés m’ont d’ailleurs souvent déclaré qu’ils s’étaient portés candidats à la suite du hasard d’une rencontre, d’une annonce ou parfois même d’un salon.

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Une autre catégorie d’individus existe toutefois. Certaines personnes ont en effet choisi un métier, notamment auxiliaire de puériculture, puéricultrice ou assistante sociale. La fonction publique territoriale leur apparaît évidemment comme un employeur possible.

La question de la proximité géographique possède aussi de l’importance. Je ne l’ai pas réellement développée avec les jeunes agents rencontrés. Le représentant d’un syndicat m’a cependant souligné que la réforme territoriale, en raison notamment de la fusion des régions, pourrait amener certains agents à changer de lieu de travail. J’ai toutefois des doutes sur cette perspective, en tout cas pour les années à venir.

Jean DUMONTEIL

Nous pouvons observer que certaines personnes choisissent la police municipale pour pouvoir choisir leur employeur et rester là où ils habitent, tandis que les agents de la police nationale sont généralement affectés en région parisienne au début de leur carrière.

Anne GRILLON

Bien sûr. Certaines personnes m’ont déclaré qu’elles ne voulaient pas travailler à plus de 50 kilomètres de leur domicile. Or de nombreuses personnes parcourent quotidiennement cette distance. Les Franciliens le savent. Nous savons d’ailleurs que tout individu qui travaille est potentiellement mobile, sachant que les murs de l’entreprise sont tombés.

Jean DUMONTEIL

Il reste néanmoins le bassin d’emploi où l’on travaille.

Anne GRILLON

Oui. Les employeurs ont d’ailleurs intérêt à relier le lieu de travail et le lieu d’habitation.

2. Un accompagnement RH peu différencié des jeunes agents

a. Des politiques RH encore peu formalisées et égalitairesJ’ai demandé si un accompagnement ou des politiques de ressources humaines spécifiques étaient proposés aux jeunes agents. Les DRH que j’ai rencontrés m’ont répondu par la négative. Ils ont affirmé qu’ils n’effectuaient pas de distinction entre les populations, car ils s’inscrivaient dans une perspective égalitariste. Cependant, les entretiens ont montré que des spécificités existaient parfois. Une étude de la MNT avait aussi montré que les seniors étaient l’objet d’actions spécifiques, notamment en matière de santé et de conditions de travail.

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Jean DUMONTEILIl s’agit d’une particularité de la fonction publique territoriale. Les entreprises privées privilégient en effet les jeunes. Elles s’intéressent à leur potentiel afin de les fidéliser et de les faire progresser.

Anne GRILLON

Les entreprises adoptent en effet un comportement différent par rapport aux jeunes individus. Je dois toutefois souligner que les jeunes agents rencontrés se déclaraient réticents vis-à-vis du monde de l’entreprise. Ils estiment que l’entreprise sacrifie les individus sur l’autel de la finance et de la rentabilité. De manière générale, l’entreprise ne dispose pas d’une bonne cote auprès des Français. L’employeur public est jugé plus sensible aux considérations humaines, notamment en matière d’organisation et de management.

b. Le recrutement

Les collectivités que j’ai rencontrées recourent, de manière variable, aux emplois aidés, en particulier les emplois d’avenir, qui succèdent en quelque sorte aux emplois-jeunes lancés par Martine AUBRY. Les collectivités de gauche se sont toutefois montrées plus proactives en la matière. De plus, les directeurs des ressources humaines apprécient ces emplois d’avenir. Ceux-ci apparaissent parfois comme une compensation de l’absence de recrutements, sachant que de nombreuses collectivités n’embauchent plus personne.

Cependant, les emplois aidés ne concernent généralement que des personnes dépourvues de diplôme, qu’ils aident à « mettre le pied à l’étrier ». Une étude de l’Institut Montaigne définit d’ailleurs l’école comme une « fabrique de chômeurs ». Les organisations doivent donc former leurs salariés. Les collectivités s’inscrivent dans ce mouvement de solidarité avec les personnes qui ne possèdent pas de compétences. Il faut rappeler que le monde n’a jamais eu autant besoin de compétences et que les compétences nécessaires ne sont pas les mêmes que celles d’autrefois ni que celles de l’avenir.

Des collectivités s’intéressent évidemment aux compétences, qui peuvent se définir comme l’ensemble des ressources mobilisées par un individu pour agir. La compétence est donc, en quelque sorte, un savoir-agir. Les organisations publiques découvrent son importance, tandis que les entreprises privées, avec plus ou moins de bonheur, se sont emparées depuis longtemps de cette notion. Il faut notamment s’appuyer sur les compétences des individus pour lancer une politique de mobilité. Si, en effet, nous nous appuyons sur leurs formations ou leurs postes, nous pouvons penser que les individus resteront toute leur vie au même poste. Or les jeunes individus veulent désormais disposer de perspectives, notamment en matière de mobilités, sans nécessairement passer de concours.

Le recrutement donne donc une importance accrue aux compétences. Les RH se demandent par exemple quel métier l’individu recruté pourra exercer dans dix ans

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et quelles compétences il devra développer. Certaines collectivités m’ont d’ailleurs déclaré qu’elles lançaient des parcours de formation et de développement des compétences dès le recrutement d’un agent.

Les jeunes agents ont également compris que la compétence était un capital qui leur appartenait et qu’ils devaient développer. Ils attendent que leur employeur les y aide. Or les collectivités tentent de mettre en place, d’une manière plutôt clandestine, une gestion des hauts potentiels, comme les entreprises le font depuis les années 2000. Ces politiques permettent d’identifier des individus, généralement parmi les plus diplômés et désormais parmi les plus talentueux, c’est-à-dire les personnes qui possèdent des compétences dont l’absence mettrait l’organisation dans une situation difficile. Les collectivités doivent notamment identifier les compétences présentes en leur sein.

Les personnes qui possèdent un potentiel élevé, généralement très diplômées, se montrent d’ailleurs très mobiles. Elles n’hésitent pas à quitter une organisation, parce qu’elles s’ennuient ou sont insatisfaites de leur emploi. Or certaines organisations tiennent à stabiliser leurs équipes en proposant des parcours.

Par ailleurs, les collectivités ne prennent guère en compte les métiers en tension, qui relèvent généralement de la filière médico-sociale, en particulier les médecins.

Un nombre croissant de collectivités développent en outre des politiques de diversité, à l’instar des entreprises dont les déclarations, cependant, ne sont pas toujours suivies de résultats. Des collectivités veulent notamment que leurs agents ressemblent à leurs populations, en particulier en Île-de-France. Elles s’engagent donc dans certaines démarches, par exemple le label de la diversité, octroyé par l’AFNOR, qui atteste l’absence de discrimination dans les processus de ressources humaines.

Le développement du CV anonyme a également été envisagé afin de satisfaire à cette exigence de diversité. Le décret nécessaire n’a toutefois pas été publié. De plus, cette perspective a été remise en question par le développement du recrutement sur les réseaux sociaux. Des DRH constatent en effet que les nombreux candidats qui répondent à leurs annonces ne correspondent pas forcément au profil du poste publié. Ils envisagent alors de recourir aux réseaux sociaux afin de trouver le profil recherché.

c. Le dispositif d’accueil des nouveaux agents

Les collectivités ne distinguent pas forcément les agents qui n’ont jamais travaillé des agents plus expérimentés. Leurs dispositifs d’intégration prévoient notamment une rencontre avec l’élu concerné et le DGS. Cependant, la réunion a parfois lieu plusieurs mois après le recrutement. De plus, l’accompagnement n’est pas suffisamment individualisé et les collectivités se reposent trop souvent sur le management, qui n’est pas assez fortement sensibilisé aux nécessités existantes. Notre étude préconise que l’individu soit suivi dans la durée, afin de lui permettre de comprendre les codes complexes de la vie au travail.

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d. La gestion des compétences et des carrières

Les collectivités mettent en place une gestion des compétences et des carrières. J’aimerais pouvoir souligner à des DGS et à des DRH que les jeunes agents possèdent de fortes attentes en matière de mobilité et de formation tout au long de la vie. Ces concepts parlent beaucoup aux jeunes individus, qui sont aussi attachés au concept « d’agent acteur de son parcours ». Les jeunes agents ont en effet grandi avec l’idée que la compétence était un atout et un capital éphémère. Ils considèrent donc comme une protection l’accompagnement des compétences.

Les agents diplômés disposent généralement d’un projet et d’une vision à long terme. En revanche, les autres éprouvent des difficultés pour se repérer dans leur environnement de travail, car ils possèdent une très faible culture en matière de collectivités territoriales. Une DRH m’a d’ailleurs déclaré qu’elle pensait que l’intégration des jeunes agents avait « raté » quelque chose. Ces agents ne disposent pas des outils nécessaires pour savoir à qui s’adresser afin de développer leurs compétences. Un accompagnement doit donc leur être proposé.

Les jeunes agents souhaitent aussi posséder des perspectives d’évolution. Dans la fonction publique, cela suppose généralement de passer des concours. Or certains jeunes agents s’y refusent, généralement pour des raisons de temps ou de niveau. Les concours leur font peur car ils impliquent une forme de remise en question. De nombreuses personnes risquent donc de ne pas évoluer. La mobilité interne leur apparaît alors comme un moyen de disposer de perspectives sans passer de concours.

Par ailleurs, les agents qui possèdent un métier, par exemple les assistants sociaux, ne veulent pas forcément l’exercer toute leur vie. Ils attendent donc de leur employeur qu’il leur permette de changer de métier, grâce à des formations certifiantes. Notre étude a d’ailleurs révélé une forte appétence pour l’apprentissage.

De nombreux agents se montrent d’ailleurs plus sensibles au terme « parcours » qu’à la notion de carrière, notamment parce qu’ils sont parfois entrés par hasard dans leur collectivité et qu’aucun jeune agent ne m’a évoqué cette notion spontanément. Ils associent la carrière à un temps excessivement long. Un DRH a d’ailleurs déclaré qu’il ne comprenait plus les jeunes agents. Ceux-ci s’interrogent surtout sur l’évolution de leur rémunération. Ils ignorent les notions d’échelons, d’avancement de grade et de CAP. Cette méconnaissance de la notion de carrière s’explique évidemment, en partie par un manque de culture générale de la collectivité. Les jeunes agents envisagent donc surtout de changer de métier et de continuer à apprendre, voire de commencer à apprendre.

Un DRH me soulignait aussi que les jeunes agents ne posaient pas de problème. Les risques de démotivation n’apparaissent que plus tard. En effet, les jeunes agents sont heureux de travailler. Ils l’ont déclaré. Les représentants du personnel nous l’ont aussi souligné. Ils ont aussi signalé que les jeunes individus acceptaient parfois des conditions de travail difficiles. De plus, ces jeunes agents considèrent que la fonction publique est désintéressée, par comparaison avec les entreprises.

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e. L’information et la communication interne

Les agents de 18 à 35 ans ont grandi avec de nombreux outils de communication, dont ils savent se servir, quoiqu’une préoccupation concerne l’illettrisme numérique. Or ces agents expriment une forte insatisfaction au sujet de la communication interne. Quand ils travaillent dans un service extérieur, ils ne peuvent généralement pas accéder à un ordinateur, à une tablette ou à un smartphone, ce qui les isole, sachant que de nombreux journaux internes sont dématérialisés. Cette réalité ne renforce évidemment pas leur sentiment d’appartenance à une organisation. Or l’organisation doit créer un sentiment d’appartenance. Elle doit en effet favoriser la conscience que l’agent travaille pour une collectivité, et non pour un service ou une direction.

Il faut aussi rappeler que les collectivités territoriales n’utilisent guère les réseaux sociaux. Les jeunes agents que j’ai rencontrés se montrent partagés sur ce sujet. Certains souhaiteraient l’existence d’un réseau social interne. D’autres y sont réticents, car ils considèrent que ce réseau interférerait avec leur vie privée. Ils assimilent en effet les réseaux sociaux à un domaine personnel. En revanche, les jeunes agents considèrent avec intérêt les outils collaboratifs, par exemple les groupes de travail constitués dans le cadre d’un projet ou les communautés de métiers, en opposition à la tendance à l'opacité et à la culture du secret. Dans l’ensemble, nous constatons la persistance d’un fort décalage entre la vie privée et la vie professionnelle.

f. L’accompagnement social et l’action sociale

Aucun dispositif spécifique ne concerne les jeunes agents. Les collectivités sont d’ailleurs libres de mettre en place une politique d’action sociale et un accompagnement social, tandis que les agents de l’État doivent au moins bénéficier de prestations interministérielles. Néanmoins, des politiques se développent depuis le gel du point d’indice, à la suite notamment du texte sur les complémentaires santé et prévoyance, car elles apportent une protection aux agents.

Le logement constitue en particulier un sujet très important pour les agents de la région parisienne, tandis que les agents de Bretagne n’ont pas mentionné ce sujet. En revanche, la santé ne constitue pas un sujet important pour les jeunes agents. Les DRH, les assistants sociaux, les médecins et des représentants du personnel nous ont indiqué qu’ils essayaient d’inciter les jeunes agents à choisir une protection sociale, en leur proposant des tarifs privilégiés. Les jeunes individus préfèrent cependant consacrer leur argent à d’autres dépenses. Le seul qui m’en ait parlé est également le seul qui soit représentant du personnel.

3. Première préconisation : utiliser le concept de « marque employeur » pour devenir un employeur de choix

Je reviens sur le mot « carrière ». Un contrat psychologique implicite associait traditionnellement l’individu et l’organisation. Dès lors que ce contrat est rompu, la notion de carrière devient problématique. Pendant longtemps, la collectivité qui

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recrutait un agent lui offrait la promesse d’une évolution de carrière, une forme d’ascenseur social qui n’existe plus ou beaucoup moins.

J’invite donc les collectivités à considérer ce sujet avec attention, afin qu’elles puissent conserver et développer le capital de motivation. Les pistes de travail que je propose, avec la MNT, ne concernent pas seulement les jeunes agents, mais aussi tous les autres agents.

Je rappelle que la notion de marque regroupe les différents aspects intervenant dans le contenu et l’image d’une entreprise. Il s’agit donc de l’identité d’une organisation.

Jean DUMONTEIL

Cette identité se définit facilement pour une entreprise qui ne réunit que quatre métiers. Cette facilité n’existe pas dans une collectivité territoriale, où de nombreux métiers coexistent. La collectivité territoriale peut-elle se définir par sa vocation à faciliter la vie des concitoyens ?

Anne GRILLON

Nous avons indiqué que les quatre objectifs suivants devraient être poursuivis :• Renforcer la confiance dans l’administration et améliorer l’image du secteur

public, car il importe que l’agent, qui n’a généralement pas assez conscience de l’identité de son employeur, soit fier de travailler pour la collectivité ; cela suppose d’ailleurs une amélioration des relations entre la communication interne et la communication externe.

• Réformer et adapter les systèmes de gestion des ressources humaines, notamment en matière de développement des compétences.

• Créer de meilleures conditions de travail, autrement dit la qualité de travail, afin de renforcer la confiance de l’agent en son employeur.

• Améliorer le professionnalisme.

4. Deuxième préconisation : développer une politique d’accueil et d’intégration des agents et des jeunes

Mathieu FORTIN m’a indiqué avant notre atelier que sa collectivité invitait les nouveaux agents à assister à une réunion du conseil municipal. Cette action peut favoriser l’intégration des agents.

Il faut aussi proposer un accueil individualisé, comprenant la réalisation de bilans à des échéances régulières. Ce travail concerne évidemment les directions des ressources humaines. Cependant, les managers doivent aussi participer à cette démarche. De plus, des parrainages ou des tutorats doivent être envisagés. Enfin, un parcours de développement des compétences devrait être proposé aux agents.

Jean DUMONTEIL

Nous passons désormais à la deuxième partie de la présentation de l’étude.

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Comprendre et prendre en compte les caractéristiques et les attentes des jeunes agents

1. Les atouts de la fonction publique territoriale

a. Leur relation au travail et la place centrale du « sens » au travail

Anne GRILLON

Vous remarquez que je n’ai jamais employé l’expression « génération Y », ou « génération X », et que je n’ai pas non plus opposé les générations. Toutefois, cette question devra désormais être posée, puisque nous évoquerons les caractéristiques des jeunes agents. Ces derniers, selon certains poncifs, sont en effet qualifiés de « jeunes égoïstes », ou d’individus « peu loyaux ». À l’inverse, les jeunes agents que j’ai rencontrés ont affirmé qu’ils étaient contents de leur travail et qu’ils attachaient de l’importance à la relation à l’emploi, celui-ci étant un bien rare. Je souligne que les agents les moins qualifiés sont encore plus souvent victimes du chômage.

Cependant, tous les jeunes agents déclarent que leur vie ne se limite pas au travail. Nous pouvons douter que leurs aînés n’aient jamais pensé leur contraire. En revanche, nous constatons une différence entre les non-cadres et les cadres. En effet, les jeunes cadres tiennent à avoir une vie sociale, familiale, culturelle et sportive, et ils remettent en cause la centralité du travail. Ces propos ont été entendus dès les premiers entretiens. Nous constatons que depuis la loi Aubry sur la réduction du temps de travail, la culture du présentéisme a disparu.

Les jeunes agents ont aussi insisté sur la question du sens. Premièrement, ils tiennent à exercer des missions de service public. Un jardinier m’a ainsi déclaré qu’il préférait travailler dans une collectivité territoriale que pour un employeur privé. Deuxièmement, ils donnent de l’importance à la qualité du travail, c’est-à-dire à leur capacité de rendre un service de qualité, y compris en allant parfois au-delà de leurs missions et des limites de leurs outils. Troisièmement, ils sont attachés à la qualité des relations au travail. Ils évoquent en particulier la solidarité interne aux équipes et le travail en transversalité.

b. La maîtrise du temps

Il s’agit aussi d’une question sensible. Une DRH soulignait qu’en l’occurrence, les jeunes agents veulent disposer de choix. Certains agents veulent par exemple pouvoir consulter leurs emails le week-end, tandis que d’autres agents s’y refusent. Il importe dans l’ensemble d’articuler la vie privée et la vie professionnelle. Dominique MÉDA souligne ainsi « qu’un individu a envie de vivre plusieurs vies ». Dans cette perspective, un emploi dans la fonction publique permet de disposer d’un cadre qui évite de travailler au-delà d’une certaine heure ou de subir une surcharge de travail pendant plusieurs mois, comme un agent m’a déclaré l’avoir vécu dans le secteur privé.

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Les agents expriment aussi une forte satisfaction par rapport aux jours de congé ou de RTT. Ils tiennent également à la possibilité de travailler assez facilement à temps partiel. Certains DRH doutent toutefois que cette possibilité persiste longtemps, notamment parce que le temps partiel à 80 % coûte cher à l’employeur. La France est d’ailleurs le pays d’Europe, avec la Finlande, où la durée du travail est la moins élevée. La Cour des comptes préconise donc qu’elle remonte à 1 607 heures par an. Cette question rejoint d’ailleurs les interrogations sur la manière dont les collectivités pourront fonctionner à l’avenir, si elles ne recrutent guère. Cependant, le temps de travail est perçu par les agents territoriaux comme une compensation au fait que les salaires soient inférieurs à ceux du secteur privé. De nombreux agents s’interrogent en outre sur la porosité des temps. Plusieurs agents m’ont ainsi déclaré qu’ils refusaient que leur employeur s’immisce dans leur vie privée.

2. Les sources d’insatisfaction

a. L’écart entre le discours sur les valeurs affichées et les pratiques

Dans l’ensemble, les sources d’insatisfaction sont faibles, puisque les jeunes agents sont heureux d’avoir un emploi. Néanmoins, des agents observent un écart entre le discours et les pratiques de certains élus. Ceux-ci ne respecteraient pas toujours l’équité entre les différents agents. Certaines connivences sont notamment déplorées. En effet, les jeunes agents sont sensibles aux inégalités.

b. Le niveau de la rémunération

Dans l’ensemble, la rémunération est jugée importante. Cependant, une différence existe entre les agents bretons, qui ne la considèrent pas comme un sujet de préoccupation, tandis que les agents franciliens rencontrent, en matière de logement, des difficultés susceptibles de provoquer progressivement une démotivation.

c. Un besoin de reconnaissance inassouvi

Cette attente peut sembler classique. Les jeunes agents attendent en particulier que leur manager sache reconnaître leurs qualités et les en féliciter. Ils n’apprécient pas qu’un manager adopte toujours le même comportement, que le travail soit bien accompli ou non.

3. Leur regard sur les acteurs de la collectivité

a. La relation avec des usagers

En Bretagne, la relation avec les usagers constitue généralement une source de satisfaction. En région parisienne, elle s’avère plus difficile, peut-être parce que les usagers se comportent de manière plus agressive. Le fonctionnaire y apparaît comme une victime expiatoire. Cette relation peut être vécue d’autant plus douloureusement que l’agent n’est pas soutenu par la population ou par les élus.

b. La relation avec les élus

À l’instar des citoyens qui ne travaillent pas dans la fonction publique, les jeunes agents éprouvent envers les élus locaux une certaine défiance, qui peut se manifester par une abstention lors des élections locales. Je crains d’ailleurs que ce

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phénomène se reproduise lors des prochaines élections. Il apparaît que les agents ignorent ce qu’est un élu et quel est son rôle dans la collectivité. Une DRH m’a toutefois expliqué que l’élu chargé du personnel de sa ville se rend souvent dans les services, ce qui permet de construire une meilleure relation avec les agents que dans d’autres collectivités.

c. Les relations avec la DRH

Les jeunes agents ne sont généralement plus en relation avec le DRH après leur recrutement. Nous pouvons nous en réjouir, car cela permet aux DRH de constituer un soutien, disponible quand un besoin apparaît. En effet, les agents veulent surtout être informés de l’actualité des ressources humaines, être accompagnés quand ils rencontrent des difficultés et conseillés dans le développement de leurs compétences.

d. Les relations avec le manager

Le manager incarne quotidiennement l’organisation. Cependant, nous observons sans doute un passage d’un exercice du pouvoir un peu solitaire à une plus grande collégialité. Selon Marie-Claude SIVAGNANAM, DGS de la ville de Cergy, « le partage du pouvoir est l’enjeu le plus important actuellement ». Les jeunes agents jugent en effet trop complexes les organisations, notamment lorsqu’elles comptent de très nombreux niveaux hiérarchiques, quoiqu’ils réduisent l’efficacité. De nombreux managers sont en effet nommés afin de leur faire plaisir, car une prime de responsabilité est généralement associée à cette fonction. Cependant, l’émission « Le bonheur au travail », diffusée récemment par Arte, a montré que des organisations étaient bouleversées par la réduction des niveaux hiérarchiques.

Les DRH distinguent d’ailleurs les jeunes agents des agents plus âgés. Les jeunes agents mettent notamment en difficulté les mauvais DRH, car ils posent de nombreuses questions, veulent être associés sur de nombreux sujets et font preuve d’une grande liberté de parole. Ils veulent en effet tout comprendre. De plus, ils attendent que leur responsable soit un manager-ressource ou un manager à la carte, prêt à les aider quand ils ont un problème, mais absent le reste du temps.

Il apparaît aussi que la relation avec le manager ne peut se définir comme une relation de confiance. Une jeune DRH m’a ainsi déclaré prendre conscience de « générer une substance nocive », en raison des nombreux contrôles qu’elle doit effectuer et qui empiètent sur ses autres activités. Une remise en question de certaines pratiques existe donc.

De nombreuses personnes, dont Sylvie GUINAND, se sont en outre interrogées sur l’intérêt de nommer de jeunes managers. Des difficultés existent, car les jeunes managers sont souvent mal compris, comme les organisations syndicales et un médecin du travail me l’ont indiqué. Ce médecin estime que des responsabilités sont confiées trop tôt à certaines personnes, dans un univers assez violent, sans les accompagner par rapport aux usagers et à des équipes qui, souvent, n’ont pas évolué depuis plusieurs années.

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La cohabitation entre différentes générations soulève aussi des interrogations. Une jeune DRH m’a ainsi souligné le désarroi des jeunes agents par rapport à la faiblesse de l’équipement informatique. Elle estime que cette réalité peut même expliquer certains départs, des agents ne pouvant pas accéder à un organigramme, à un Intranet et à des outils collaboratifs.

e. Les relations avec les représentants du personnel

Sur ce sujet, les jeunes agents se distinguent fortement des agents plus âgés. Ils ne connaissent généralement pas les organisations syndicales, ignorent laquelle est majoritaire et ignorent les différences idéologiques. Leur image varie de l’indifférence au rejet. Certains jeunes agents reconnaissent que les syndicats peuvent servir une cause collective. D’autres estiment cependant que les organisations syndicales ne servent qu’elles-mêmes ou les agents qui ne travaillent pas. Un jeune agent a même déclaré qu’il préférait s’adresser à son manager ou à son DRH quand il rencontrait une difficulté. En règle générale, les jeunes agents associent aux représentants du personnel une culture de la contestation dans laquelle ils ne se reconnaissent pas.

Face à ce constat, les représentants du personnel ont émis les quatre propositions suivantes : donner envie aux jeunes de s’engager dans l’action syndicale ; assurer le renouvellement des cadres et mieux partager les responsabilités ; revoir et adapter la politique de communication, par exemple en utilisant les réseaux sociaux ; travailler en réseau, comme cela a été notamment expérimenté en Isère avec Sylvie GUINAND.

Les jeunes agents, un levier pour la transformation des collectivités

1. Troisième préconisation : engager de nouveaux modes de fonctionnement

J’ai déjà présenté nos deux premières préconisations. La suivante concerne notamment le développement de modes de fonctionnement en transversalité, qui peut être facilité par de nombreux outils, quoiqu’une vigilance doive concerner la virtualisation et bien que la culture du projet ne soit pas encore très développée. Des approches plus participatives sont déjà expérimentées. Par exemple, la moitié des 250 000 employés de La Poste ont participé aux groupes de parole qui ont été organisés. Il me semble d’ailleurs que les lois AUROUX sont excellentes. Le droit à l’expression qu’elles évoquent me paraît très important. Or il n’a pas été traduit dans les organisations.

Il faut aussi prendre en compte et accompagner la numérisation croissante du travail en faisant évoluer les organisations, les structures hiérarchiques et les compétences des agents.

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2. Quatrième préconisation : la politique managériale

Mathieu FORTIN évoquera précisément cette préconisation. Nous souhaitons en l’occurrence un raccourcissement des lignes hiérarchiques. De nouvelles compétences managériales doivent aussi se développer, au-delà de la prescription et du contrôle, afin de mieux associer les agents aux décisions. Les managers doivent mieux écouter les agents et savoir se confronter à des contestations voire à des conflits. Une réflexion doit donc concerner le pouvoir des managers et sur la capacité d’action qui pourrait être accordée aux agents.

Par ailleurs, les managers doivent être évalués. Actuellement, les managers défaillants restent à leur poste, ce qui nuit à l’organisation et à la crédibilité. Je n’affirme évidemment pas que ces managers doivent être renvoyés. Cependant, certaines personnes ne peuvent pas rester managers pendant toute leur carrière, en partie en raison d’un manque d’envie. Enfin, une importance accrue doit être donnée au management des managers. En effet, le manager des managers n’accorde pas assez d’intérêt à l’animation des managers.

3. Cinquième préconisation : la gestion du temps

L’ANACT distingue le temps de l’entreprise, le temps du marché, le temps de l’agent et le temps du territoire. Il importe en effet de développer une réflexion globale sur le temps, afin que celui-ci soit adapté aux intérêts du service et à ceux de l’individu. Un article de l’ANACT donne ainsi l’exemple d’une entreprise de nettoyage qui s’efforce de faire comprendre à ses clients que le temps de ses agents doit être pris en considération, sachant qu’ils travaillent généralement tôt le matin et tard le soir. La Poste a également lancé une réflexion sur ce sujet. Le fractionnement du temps de travail provoque d’ailleurs l’absentéisme de l’agent, car celui-ci ne peut plus supporter le rythme imposé, incompatible avec une vie personnelle.

Une charte des temps constitue aussi une piste importante. Elle permet de réévaluer les différents aspects du temps de travail. Enfin, des réflexions concernent le télétravail. Je ne le promeus toutefois pas. Il ne peut d’ailleurs pas concerner tous les métiers, par exemple les services à la personne.

4. Sixième préconisation : développer les compétences, offrir des perspectives

Il importe de relier l’apprentissage aux situations de travail, afin que l’agent ait le sentiment d’apprendre quelque chose presque tous les jours. Il faut aussi continuer à développer des entretiens de carrière et des bilans réguliers, pour éviter les situations extrêmes de reclassement. De plus, il faut passer de la notion de carrière à la notion de parcours. Enfin, des réflexions doivent concerner la mobilité.

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5. Septième préconisation : encourager le militantisme ?

Un représentant de l’UNSA nous a suggéré cette préconisation. Elle soulignait que les jeunes agents s’intéressaient à d’autres sujets qu’à eux-mêmes. Ils pourraient donc être incités à développer, en interne ou en externe, des activités militantes qui pourraient s’inscrire dans un cadre associatif, culturel ou syndical. L’APRH, association des DRH du secteur privé, invite d’ailleurs les DRH à promouvoir le militantisme syndical, car les DRH veulent discuter avec des individus représentatifs, reconnus et capables de discuter des évolutions des organisations.

C. Débat

Jean DUMONTEIL

Nous avons évoqué une affirmation de DRH, selon lesquels aucune gestion différenciée n’est mise en place pour les jeunes agents. Nous avons paradoxalement observé que certains outils étaient néanmoins créés.

J’invite Mathieu FORTIN à intervenir. Nous donnerons ensuite la parole à la salle.

Mathieu FORTIN

L’étude souligne que les jeunes agents territoriaux ne sont pas les principaux usagers des politiques sociales que les collectivités leur proposent. Cela peut toutefois s’expliquer par un manque d’information sur les prestations existantes. Dans ma collectivité, il existe une grande séparation entre celle-ci et la structure qui propose des prestations sociales. Les jeunes agents ne connaissent donc pas forcément ces prestations. Celles-ci répondent pourtant aux besoins des jeunes, notamment en matière de loisirs, de famille et de culture. Elles sont en outre souvent proratisées aux rémunérations.

Il faut aussi penser aux besoins non exprimés des jeunes agents. Les services des ressources humaines devraient notamment leur démontrer l’intérêt d’une protection sociale. En effet, les jeunes agents ne sont guère informés sur ce sujet. Ils ignorent par exemple ce qu’est la prévoyance.

Je souhaite aussi évoquer la politique d’accueil et d’intégration des jeunes agents. Des outils sont déjà définis dans le cadre du dispositif des emplois d’avenir, par exemple le tutorat, les bilans réguliers et les parcours de développement. Ces dispositifs possèdent évidemment un coût qui les empêche d’être généralisés à tous les agents. Cependant, ils pourraient au moins concerner les agents arrivant dans la fonction publique, pendant une durée d’un an.

Dans ma collectivité, par exemple, le service où je travaille propose un dispositif d’accueil individualisé pour tous les nouveaux agents. Un accompagnement très serré est proposé pendant les quinze premiers jours. Deux autres périodes, d’un mois et de trois mois, suivent cet accompagnement initial. Des rencontres régulières sont notamment organisées.

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Le tutorat peut également être évoqué. Il faudrait cependant reconnaître la fonction de tuteur. Cette reconnaissance peut être pécuniaire. D’autres moyens peuvent aussi être envisagés.

Jean DUMONTEIL

Nous écouterons à présent Jean-René MOREAU, puis Jean TANCEREL, afin notamment de connaître les attentes des jeunes adhérents du CNAS.

Jean-René MOREAU

Je constate d’abord que l’individu est désormais jeune jusqu’à 40 ans, puisque nous vivons plus longtemps. Je vous renvoie en l’occurrence à une étude que nous avions réalisée sur la gestion des fins de carrière.

J’observe aussi qu’en raison du chômage élevé, la recherche d’un emploi stable est devenue la principale préoccupation des jeunes. Par ailleurs, la communication et l’image constituent des sujets très importants.

Il faut aussi savoir détecter les talents, en privilégiant la compétence plutôt que la connivence, quoique cette dernière puisse être fondée sur la compétence. Une véritable difficulté existe en l’occurrence.

Anne GRILLON indiquait aussi que pour certaines collectivités, le personnel devait ressembler à la population. Du droit à la différence, nous sommes donc passés à un droit à la ressemblance.

J’évoquerai enfin les parcours individuels. La notion de carrière ne convient pas aux jeunes agents, car ils ne se projettent pas à long terme comme les générations précédentes. Ils vivent dans l’immédiateté plus que dans la construction, en raison notamment du développement des nouvelles technologies. Un décalage existe donc.

Jean TANCEREL

Le CNAS s’adresse à un public et à des collectivités très divers. Il fonctionne un peu comme un CE, puisque ses prestations concernent des domaines très variés, de la solidarité aux loisirs. De nombreuses prestations intéressent particulièrement les jeunes agents, notamment lorsqu’ils rencontrent des difficultés pour s’installer ou pour faire garder leurs enfants. La plupart de nos aides s’adressent à cette population. Nous proposons ainsi des aides sociales et des aides scolaires. Nos billetteries et nos prestations culturelles se développent également, en raison notamment de l’évolution de notre société, où le développement personnel prend une importance croissante.

Par ailleurs, l’étude semble signaler que pour les DRH, les emplois aidés constituent surtout une opportunité, sans que la pérennisation de ces emplois soit envisagée. Qu’en est-il exactement ?

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Anne GRILLON

De nombreuses collectivités sont forcées de maîtriser leur masse salariale en réduisant le nombre de recrutements voire en diminuant leurs effectifs. Les DRH estiment toutefois que les personnes occupant des emplois aidés doivent être accompagnées. Ils se sentent d’ailleurs démunis face à certaines personnes. De plus, ils ne savent pas comment gérer la fin des emplois aidés. Les personnes concernées se sont en effet intégrées à une organisation du travail, tout en développant des compétences. Leur départ peut donc créer un manque, sachant que les services se sont habitués à leur présence. Pour autant, les DRH que j’ai rencontrés n’envisagent pas de pérenniser leurs emplois aidés.

Jean DUMONTEIL

Il faut distinguer les emplois aidés des emplois d’avenir. Un colloque organisé par le CNFPT a concerné ces derniers. Plusieurs DRH ont alors déclaré que ces emplois permettaient de repérer des personnes ayant la vocation à être ultérieurement intégrées. Le dispositif des emplois d’avenir prévoit d’ailleurs des formations.

Jean-René MOREAU

Les emplois d’avenir permettent aussi de former des personnes aux métiers en tension pour lesquels les recrutements s’avèrent difficiles, par exemple plombier ou menuisier.

Sylvie GUINAND

Je vous remercie pour votre étude et pour la possibilité que vous m’avez donnée de contribuer à vos réflexions. Elle possède le mérite de donner la parole aux jeunes. Plusieurs sujets soulevés intéressent notamment les organisations syndicales.

Les fonctionnaires de 32 ou 33 ans étant considérés comme de jeunes agents, il faut s’interroger sur l’intérêt d’accomplir un travail spécifique à l’attention des jeunes. Nous rejoignons en l’occurrence les questionnements concernant les emplois aidés et l’accompagnement dans ce domaine. Actuellement, les employeurs, par manque de temps et de moyens, utilisent les emplois aidés pour remplacer des emplois, très souvent en catégorie C, alors que des recrutements statutaires seraient envisageables. La question des recrutements statutaires se trouve donc au centre du sujet traité aujourd’hui.

Le rapport montre aussi plusieurs idées reçues sur la fonction publique territoriale, qui se retrouvent dans toute la société. De nombreuses personnes pensent par exemple qu’une personne peut être fonctionnaire pendant toute sa vie sans problème. Or une carrière est jalonnée par des évaluations, des injonctions voire des sanctions. L’étude reprend aussi des idées reçues sur la mobilité et sur la retraite, dont il est affirmé qu’elle semble lointaine.

Dans l’ensemble, les organisations syndicales réfléchissent aux moyens de redonner du sens à la fonction publique pour les jeunes agents. Ceux-ci devraient mieux connaître l’institution, sachant que nous constatons une crise du sens institutionnel.

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Jean DUMONTEIL

Un discours général très dévalorisant concerne actuellement la fonction publique. Les jeunes agents en ont-ils parlé ?

Sylvie GUINAND

Je rappelle justement que pour la CGT, le recrutement par concours constitue un principe fondamental du statut. Si la loi de 1984 est généralement bien appliquée pour de nombreux aspects, un oubli concerne la nécessité de rappeler ce que signifie « être fonctionnaire ». L’accès à la fonction publique territoriale par le concours permet l’indépendance de l’individu par rapport à l’employeur. Or, depuis 1986, plusieurs réformes remettent régulièrement en cause cet acquis.

Le principe de carrière possède de l’importance pour assurer l’égalité professionnelle entre les agents. Le principe de citoyenneté doit aussi être souligné. Le fonctionnaire possède en effet la responsabilité de remettre en question une organisation de travail. Or les jeunes agents ne le perçoivent pas.

Il me semble aussi déplacé de chercher des compétences sur les réseaux sociaux, quand elles peuvent être trouvées dans les listes d’aptitude. Bien souvent, les lauréats aux concours ne sont pas recrutés, car des agents non titulaires sont préférés. Un système de recrutement de non-titulaires est donc entériné, ce qui repousse forcément à 32 ou 33 ans l’entrée dans une carrière. Une stagnation des rémunérations et de l’avancement en résulte. Si une politique était menée afin que l’entrée statutaire s’effectue plus tôt, le déroulement de carrière serait différent, l’attractivité des collectivités augmenterait et les salaires seraient plus élevés.

Par ailleurs, la formation, qui possède beaucoup d’importance, a été affaiblie par une série de réformes. Or le futur fonctionnaire ne doit pas posséder toutes les compétences nécessaires avant d’intégrer la fonction publique. L’institution a répondu depuis longtemps que c’était à elle d’apporter des compétences, après le concours.

Jean DUMONTEIL

Mathieu FORTIN, les jeunes agents peuvent-ils être encouragés à s’engager dans une activité militante ? Je songe par exemple à des collectivités jumelées avec des villes de pays en voie de développement et qui incitent leurs agents à y participer.

Mathieu FORTIN

Cette perspective fait écho à des efforts réalisés par le comité jeunes, ainsi qu’aux préconisations des organisations syndicales. J’estime qu’il faut avant tout écouter les jeunes agents et les prendre en compte dans notre discours et notre communication. Le syndicalisme ne peut être rendu attractif par une défense à tout prix du statut de la fonction publique territoriale. En effet, le statut n’est guère connu. Il doit d’ailleurs évoluer, comme la société, car les jeunes agents estiment qu’il ne lui est pas adapté.

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Le comité jeunes a notamment tenté de modifier ses manières de communiquer, par exemple en déclarant « devenez la voix de la MNT », afin d’inviter les adhérents à devenir de véritables militants. En effet, les valeurs ne peuvent plus suffire à attirer de jeunes agents. Nous devons donc parler de sujets concrets. Nous avons ainsi proposé un kit de prévention, comprenant plusieurs outils. Nous avons aussi invité les jeunes agents à participer avec nous à des actions de prévention en matière de santé.

Lors de notre assemblée générale de 2014, nous avons aussi décidé de nous constituer en réseau, sur toute la France. Cette action nous a permis de passer d’un groupe d’une vingtaine de militants à plusieurs centaines d’individus.

Il faut en outre que les employeurs reconnaissent véritablement le militantisme. Or il ne s’agit presque jamais d’une réalité.

Florence BACO-AMBRASS

Je distingue trois enjeux principaux, à commencer par la stabilité de mes équipes dirigeantes et de mes agents. En l’occurrence, l’intégration constitue une très forte nécessité, ainsi que l’identification avec la collectivité. Quoique les agents cherchent d’abord un travail, je souhaite qu’ils exercent une mission de service public. Je souhaite donc faire en sorte qu’ils en aient conscience. Au printemps dernier, de nombreux agents ont d’ailleurs éprouvé de fortes difficultés pour se positionner par rapport aux équipes municipales qui venaient d’être élues. Ce changement a modifié leur perception de leurs missions, dans de nombreuses collectivités. Nous devons plus généralement organiser la transmission de nos savoirs, de nos compétences et de notre mission de service public. En outre, les dirigeants doivent organiser leur collectivité afin qu’elle soit une source d’apprentissage pour les agents. Une nouvelle conception du travail et du management s’impose donc.

La mobilité constitue un autre enjeu important. En effet, je ne recrute pas seulement des compétences, mais un potentiel, en sachant d’emblée quelles compétences l’agent doit développer. Il importe donc d’assurer la transmission des savoirs, grâce à une organisation adaptée. La mobilité peut aussi être externe. Le dirigeant doit en effet accepter qu’un agent veuille partir dans une autre collectivité, voire dans le secteur privé, puis revenir, ce qui m’amènera à utiliser ses nouvelles compétences.

Le temps est le troisième enjeu majeur. Les jeunes agents fonctionnent plutôt selon un temps rapide et court, tandis que l’administration s’inscrit dans un temps long et lent. Cette opposition doit être gérée. Le temps peut notamment être une source de souffrance pour le jeune agent. Le cadre dirigeant doit faire en sorte que l’intensification du travail, due aux nouvelles technologies, ne nuise pas au travail et à la santé de l’agent.

Par ailleurs, je serais curieuse de savoir si les jeunes agents que vous avez interrogés sont aussi peu attachés aux concours et à la carrière que vous l’avez affirmé. Le concours constitue en effet la règle administrative. Mon rôle de DGS consiste d’ailleurs à inciter mes agents à passer les concours et à les accompagner. Les concours permettent notamment aux agents d’acquérir la culture de la fonction

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publique territoriale qui leur manque. J’observe une différence en la matière entre les agents qui ont passé le concours d’attaché et ceux qui ont obtenu une promotion interne.

J’approuve enfin les préconisations d’Anne GRILLON sur le management transversal et sur le management par projet. Au-delà de la transversalité, je donne aussi de l’importance au décloisonnement managérial entre les services, que permettent les groupes de travail et l’inscription de jeunes cadres dans des projets. Ceux-ci s’avèrent en effet très enrichissants, de même que les groupes de travail rassemblant des élus et des cadres.

Jérôme GROLLEAU

L'auteur de l’étude a su « poser à plat » la question des jeunes, malgré sa complexité. Je suis toutefois frappé que les jeunes ne semblent pas être un problème ou un enjeu dans la fonction publique territoriale, contrairement à d’autres univers professionnels, plus tendus. Plusieurs raisons peuvent l’expliquer. D’une part, les jeunes gens se sentent bien dans la fonction publique. Trouver un emploi dans la durée constitue une rupture majeure pour de nombreuses personnes. La fonction publique leur accorde en les recrutant la confiance nécessaire pour se construire une vie. D’autre part, ces agents trouvent du sens dans leur activité.

Si la jeunesse n’apparaît donc pas comme un problème, elle constitue néanmoins un moteur. Les jeunes agents peuvent en effet devenir des vecteurs de dynamiques culturelles, en raison de l’existence d’écarts culturels profonds, qu’il importe de rendre productifs. Il faut donc parfois échanger sur ces écarts. Dès lors, le tutorat constitue un modèle daté, car la transmission réciproque doit succéder à la transmission verticale.

Enfin, le personnel revendique fortement des bases contributives. Un véritable enjeu existe en effet. Il s’agit de créer les conditions favorables au dépassement du modèle culturel traditionnel. Les décloisonnements s’effectuent d’ailleurs dans cette perspective. La transversalité doit aussi être favorisée, quotidiennement.

Anne GRILLON

Les jeunes agents ne comprennent pas les réflexes protecteurs qui freinent la mise en place d’une transversalité. Une personne qui est amie avec des célébrités sur des réseaux sociaux ne peut pas imaginer ne pas avoir le droit de se rendre dans le bureau de certains collègues.

Sylvie GUINAND

Nous nous inquiétons fortement sur les moyens dont disposeront les collectivités à l’avenir. Elles risquent en effet de ne pas pouvoir faire vivre un service public efficace dans les territoires. Nous lançons donc une « alerte rouge » au gouvernement.

Je reconnais cependant l’importance de la transmission. Pendant longtemps, la carrière d’un agent évoluait, ce qui l’amenait à prendre la direction d’un service. Par la suite, les postes encadrants ont été occupés par de jeunes agents diplômés

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ayant passé un concours. Surtout, la notion de lean management est entrée dans la fonction publique. De nombreux termes employés dans l’étude en relèvent d’ailleurs, et me font bondir. Dans la fonction publique, il est impossible de parler de management. Il faut plutôt parler d’une mise en coordination des ressources humaines.

Par ailleurs, l’idée que le statut est une notion datée qui ne répondrait plus aux attentes constitue une idée reçue. Le statut est au contraire la réponse de l’avenir. En Isère, nous en avons discuté avec de jeunes salariés et de jeunes territoriaux. Nous organiserons même prochainement une journée afin de parler du statut, en présence de l’un de ses auteurs, Anicet LE PORS. Une centaine de jeunes gens du privé et du public y participeront. Le statut sert en effet les intérêts de la nation toute entière, le secteur privé inclus.

Jean-René MOREAU

Il me semble que, pour qu’un jeune agent puisse évoluer et comprendre les enjeux existants, deux conditions doivent être réunies. Premièrement, il doit pouvoir faire carrière dans la collectivité sans mobilité contrainte, afin d’évoluer sur place s’il le souhaite, en évitant que les catégories démographiques ne soient des freins. De légères modifications du statut pourraient en l’occurrence assurer la pérennité de l’emploi de ces agents et le développement de leurs compétences.

Deuxièmement, il faut réglementer rapidement sur le positionnement de l’élu et du fonctionnaire dans l’exercice de leur légitimité, de leurs compétences et de leurs missions. Le rôle de chacun doit être défini clairement. Dans le cas contraire, nous ne pourrons plus parler de la pérennité du service public et de l’intérêt général. Les carrières doivent être ouvertes, et non fossilisées.

Il s’avère difficile de conclure, surtout quand nous parlons du dynamisme de la jeunesse. Nous observons cependant que le travail occupe moins de place dans la vie des jeunes gens. L’enjeu n’est pas de travailler moins et plus longtemps, mais mieux et surtout autrement, selon un rythme différent et plus adapté aux nouveaux modes de vie et à une nouvelle temporalité.

De plus, le travail est évidemment un moyen de gagner de l’argent et de se développer personnellement, dans un contexte où le temps de travail est remis en cause. Anne GRILLON indiquait d’ailleurs que nous sommes l’un des pays où le temps de travail est le moins élevé. Une réflexion devra au moins porter sur la façon de travailler. La productivité dépend en effet des organisations et du mode de management. Il importe également de donner du sens à l’exercice des missions, ce qui suppose d’expliquer en amont aux jeunes agents leur finalité. Si le management de projet le permet, d’autres pratiques le permettent aussi. En revanche, le conservatisme et la culture du secret ne sont pas acceptables.

S’il faut accepter de changer de logiciel dans nos organisations, une condition doit toutefois être respectée. Le changement ne peut être un simple slogan, car ceux qui veulent « changer la vie » en viennent souvent à « changer d’avis ».

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L’avenir des jeunes agents doit être fondé sur la confiance en eux et en les autres. Nul ne fait rien sans confiance. En effet, la confiance est avant tout « le problème de l’autre », disait Emmanuel LEVINAS. Se confier aux jeunes gens revient donc à se fier à quelqu’un et à être fidèle aux engagements pris avec l’autre, quel que soit son niveau hiérarchique. Il en va ainsi de la transversalité.

Je terminerai par une citation qui se trouve d’ailleurs dans le rapport : « Aux âmes bien nées, la valeur n’attend pas le nombre des années. » Corneille a écrit ces mots qui sont toujours aussi pertinents.

Je vous remercie.

Jean DUMONTEIL

Il est très important de terminer cet atelier sur la confiance. Je remercie aussi Anne GRILLON, qui a traité d’un sujet complexe. La confiance répond en effet à une véritable attente d’équité et de justice. Or les jeunes ont parfois l’impression d’être trahis dans leur rapport à la vie, au travail et au sens de leur action. Je vous remercie.

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CONSEIL SCIENTIFIQUE ET

CONSEIL D’ORIENTATION

Membres du conseil scientifique

Olivier AYMARD, Directeur général de la Fédération nationale des centres de gestion

Thomas BORDONALI, Directeur général des services du centre de gestion de l’Oise

Michel BORGETTO, Professeur de droit de la protection sociale à l’Université Paris 2 Panthéon-Assas

Jean DUMONTEIL, Directeur d’Axe Image et de la Lettre du secteur public

Claire EDEY GAMASSOU, Maîtresse de conférences à l’Université Paris-Est

Gilles ERRIEAU, Conseiller médical auprès du directeur général de la MNT

Michel GOMEZ, Représentant l’association ResPECT, réseau des préventeurs et ergonomes, responsable de service ergonomie et prévention des risques professionnels à Paris Habitat

Dominique LAGRANGE, Directeur adjoint chargé des formations à l’Institut national des études territoriales (CNFPT-INET)

David LE BRAS, Délégué général de l’Association des directeurs généraux des communautés de France

Georges LE CORRE, Représentant de l’Association des ingénieurs territoriaux de France

Jean-René MOREAU, Administrateur national de la MNT, ancien directeur général des services du SAN Ouest-Provence, directeur du master 2 Administration publique-gestion des collectivités locales à l’UPEC, président de l’OST

Laurent RÉGNÉ, Directeur général de la commune de Saint-Raphaël et de la Communauté d’agglomération Var Estérel Méditerranée (CAVEM)

Fabien TASTET, Président de l’Association des administrateurs territoriaux de France

Avec l’appui de :

Jeanne BALLOT, Responsable de l’Observatoire social territorial de la MNT

Noémie FOORT, Chargée de mission relations institutionnelles de la MNT

Jean-Marc JOUSSEN, Directeur-adjoint en charge des affaires publiques de la MNT

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Membres du conseil d’orientation et de la commission « Relations institutionnelles professionnelles » de la MNT :Arlette ADOUNI, Laurent BRANCHU, Christian BRIEL, Patrick DOS, Xavier GARBAR, Jean-René MOREAU (Président de la Commission), Daniel ZABÉ

Membres extérieurs du conseil d’orientation, en tant que personnalités qualifiées :Alain ANANOS, Ufict-CGT des services publics, Directeur général adjoint du département citoyenneté et développement de la personne, Ville de Pantin

Jean-Christophe BAUDOUIN, Ancien président de l’Association des administrateurs territoriaux de France, directeur des stratégies territoriales au commissariat général à l’égalité des territoires

Marie-Francine FRANÇOIS, Ancienne présidente de l’Association des administrateurs territoriaux de France, directrice générale des services de la ville de Clermont-Ferrand.

Didier JEAN-PIERRE, Professeur agrégé de droit public à l’université d’Aix-en-Provence, directeur scientifique de la Semaine juridique Administrations et collectivités territoriales

Nathalie MARTIN-PAPINEAU, Maître de conférences et directrice de l’Institut de droit social et sanitaire de l’université de Poitiers

Philippe MOUTON, Directeur de la direction de l’observation prospective de l’emploi, des métiers et des compétences de la Fonction publique territoriale, CNFPT

Michel PASTOR, Ancien chef de l’Inspection générale et ancien conseiller spécial du Président du CNFPT

Membres extérieurs du conseil d’orientation, en tant que partenaires institutionnels de la MNT :

Christophe BÉCHU, Président de l’Observatoire national de l’action sociale décentralisée (ODAS)

Vanik BERBERIAN, Président de l’Association des maires ruraux de France

Patricia CADORÉ et Yann RICHARD, Co-présidents du Syndicat national des secrétaires de mairie

Caroline CAYEUX, Présidente de Villes de France

Olivier DUSSOPT, Président de l’Association des petites villes de France

Pascal FORTOUL, Président de l’Association des directeurs généraux des communautés de France

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Denis GUIHOMAT, Président de l’Association nationale des cadres communaux d’action sociale

Fabien LE PORT, Président de l’Association des techniciens territoriaux de France

Dominique BUSSEREAU, Président de l’Assemblée des départements de France

Charles-Eric LEMAIGNEN, Président de l’Association des communautés de France

Élie MAROGLOU, Président de l’Association ResPECT (Réseau des préventeurs et ergonomes territoriaux)

Joëlle MARTINAUX, Présidente de l’Union nationale des centres communaux d’action sociale

Jean-Luc MOUDENC, Président de l’Association Territoires Urbains

Dr Faouzia PERRIN, Présidente de Méditoriales, l’association nationale des médecins territoriaux

Stéphane PINTRE, Président du Syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales

Alain ROUSSET, Président de l’Association des régions de France

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CAHIERS DÉJÀ PARUS

L’intercommunalité vécue par ceux qui y travaillentCahier n° 1. Territorial Sondages pour la MNT en partenariat avec l’ADGCF, l’ADCF et l’AATF - Décembre 2010Les précarités dans la Fonction publique territoriale : quelles réponses managériales ?Cahier n° 2. Élèves administrateurs de l’INET, promotion Robert Schuman, pour la MNT en partenariat avec le CNFPT et l’AATF - Juin 2011Les risques sanitaires des métiers de la petite enfance : auxiliaires de puériculture, un groupe professionnel sous tensionCahier n° 3. Axe image - Novembre 2011Dans la peau des agents territoriauxCahier n° 4. Philippe GUIBERT, Jérôme GROLLEAU et Alain MERGIER pour la MNT en partenariat avec l’AATF et l’INET - Janvier 2012Gérer et anticiper les fins de carrière. Les seniors dans la Fonction publique territorialeCahier n° 5. Élèves administrateurs de l’INET, promotion Salvador ALLENDE, pour la MNT en partenariat avec le CNFPT-INET et l’AATF - Juin 2012Jardinier : un métier en mutation. Mieux vivre au travail, mieux vivre la villeCahier n° 6. Axe image - Novembre 2012L’impact des technologies numériques de l’information et de la communication sur le travail des agents territoriauxCahier n° 7. Claire EDEY GAMASSOU - Août 2013Le directeur des ressources humaines dans la Fonction publique territorialeCahier n° 8. Anne GRILLON - Juillet 2013Connaître et reconnaître l’encadrement intermédiaire dans la Fonction publique territorialeCahier n° 9. Élèves administrateurs de l’INET, promotion Paul ÉLUARD, pour la MNT en partenariat avec le CNFPT-INET et l’AATF - Juin 2013La restauration collective, des contraintes sanitaires au plaisir de la tableCahier n° 10. Axe image - Décembre 2013La reconnaissance non monétaire au travail, un nouveau territoire managérialCahier n° 11. Jérôme GROLLEAU - Mars 2014Les mobilités : un levier de management ?Cahier n° 12. Élèves administrateurs de l’INET, promotion Simone de BEAUVOIR, pour la MNT en partenariat avec le CNFPT-INET et l’AATF - Juin 2014Les départements, dix ans de transferts des agents de l’État et d’évolution des ressources humaines, et demain ?Cahier n° 13. Axe image, en partenariat avec l’ADF et Complémenter - Juin 2014La gestion consolidée des collectivités locales : le pilotage stratégique des satellites face aux nouveaux enjeux de management territorialCahier n°14. Élèves administrateurs de l’INET, promotion Vàclav Havel, pour la MNT en partenariat avec le CNFPT-INET et l’AATF - Juin 2015

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> 1re mutuelle de la Fonction publique territoriale en Santé comme en Prévoyance,> créée et administrée par les agents territoriaux eux-mêmes, la MNT protège plus de 1,1 million de

personnes,> proche des agents dans les départements et sur les lieux de travail : 84 sections départementales,

9 000 correspondants en collectivité,> disponible et à l’écoute, en section ou au téléphone, en métropole et dans les DOM.

Trois actifs sur dix prendront leur retraite d’ici cinq ans, les enjeux sur la thématique des jeunes agents territoriaux sont donc importants mais encore peu explorés. Représentent-ils une facette de cette fameuse « génération Y » si souvent caricaturée comme étant notamment de jeunes égoïstes ? ou, au contraire, accordent-ils le même sens à la notion de service public local que leurs aînés : l’importance d’exercer un métier au service d’une population ?Quelle spécificité les jeunes nous apportent-ils et qui pourrait inspirer les collectivités pour évoluer ?

Jean-René MOREAU, président de l’OST

Anne GRILLON est directrice de Réseau RH public. Spécialiste des questions RH et du management dans le secteur public, elle est également l’auteur de l’étude Le directeur des ressources humaines dans la Fonction publique terri-toriale, parue en juillet 2013.

À travers son action pour la protection sociale dans la Fonction publique territoriale depuis de nombreuses années, la MNT s’est engagée de façon continue en faveur de la satisfaction de besoins élémentaires, tels que la santé et le pouvoir d’achat des agents territoriaux. Avec les Cahiers de l’OST, elle entend contribuer à une meilleure connaissance de l’environnement social des agents. En complément des actions de prévention de notre mutuelle, ces études proposent des pistes d’amélioration aux décideurs, que ce soit dans la santé au travail, dans les ressources humaines ou dans le management, pour le bien-être des agents au travail.

Alain GIANAZZA, Président général de la MNT