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LMD : le satisfecit des responsables des Universités Par : Dr. Ali DERBALA Universitaire « Rien n’était plus utile aux peuples que les mensonges, rien de plus nuisible que la vérité ». Denis Diderot. Cet écrit est une alerte. Dans nos Universités, il y a beaucoup de problèmes dans l’implantation de ce système pédagogique et scientifique dénommé LMD, une contraction de la dénomination Licence, Master, et Doctorat, qui a déjà fait l’objet de multiples contributions dans la presse nationale. Pour respectivement une introduction et un historique sur ce système, lire [01,02, 03]. Il faut que les responsables des Universités nous écoutent, c’est un acte civilisé. Un débat serein, franc, sans détournements doit s’installer sur son évaluation. L’une des missions des enseignants chercheurs consiste à prendre en charge des individus et des groupes, à considérer les personnes dans un contexte relationnel, de profession sociale et pédagogique. Beaucoup de responsables des Universités ignorent totalement la vie des étudiants, des enseignants et des travailleurs en s’enfermant dans leur bureau et en dressant à l’entrée des rectorats des barrières d’agents de sécurité. Il est important que l'étudiant, l'être à éduquer, soit observé, connu. " Observer vos étudiants, car assurément vous ne les connaissez pas " dixit Jean-Jacques Rousseau. Les conditions de dispense de cours, de l’audience, la notation, la moyenne sur vingt, la notation alphabétique, le crédit, la mobilité, la qualité de l’enseignement, le tutorat, la compensation, le logiciel de délibérations, le rattrapage, la surcharge des effectifs, la disponibilité des ouvrages dans les bibliothèques, sont autant de problèmes pédagogiques à résoudre. L’hébergement, le transport, la restauration, la révision dans les cités Universitaires, la communication etc., sont d’autres problèmes sociaux de la vie universitaire vécus par les étudiants. De ce qui est rapporté dans l’article [04], le recteur de l’USTHB a répondu à ceux qui parlent d’échec du système LMD, qu’il n’y a aucun paramètre qui permet de détecter cet échec : « L’argument de la brutalité présenté par ceux qui parlent d’échec ne tient pas. Quant à celui de résultats, il faut du temps pour juger. Le LMD est le système officiel et légal. ». Je profite de cette « publication », pour soulever quelques problèmes qui se posent dans l’application de ce système.

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LMD : le satisfecit des responsables des Universités « Rien n’était plus utile aux peuples que les mensonges, rien de plus nuisible que la vérité ». Denis Diderot.

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LMD : le satisfecit des responsables des Universités

Par : Dr. Ali DERBALA

Universitaire

« Rien n’était plus utile aux peuples que les mensonges,

rien de plus nuisible que la vérité ». Denis Diderot.

Cet écrit est une alerte. Dans nos Universités, il y a beaucoup de problèmes dans l’implantation

de ce système pédagogique et scientifique dénommé LMD, une contraction de la dénomination

Licence, Master, et Doctorat, qui a déjà fait l’objet de multiples contributions dans la presse

nationale. Pour respectivement une introduction et un historique sur ce système, lire [01,02, 03].

Il faut que les responsables des Universités nous écoutent, c’est un acte civilisé. Un débat serein,

franc, sans détournements doit s’installer sur son évaluation. L’une des missions des enseignants

chercheurs consiste à prendre en charge des individus et des groupes, à considérer les personnes

dans un contexte relationnel, de profession sociale et pédagogique. Beaucoup de responsables des

Universités ignorent totalement la vie des étudiants, des enseignants et des travailleurs en

s’enfermant dans leur bureau et en dressant à l’entrée des rectorats des barrières d’agents de

sécurité. Il est important que l'étudiant, l'être à éduquer, soit observé, connu. " Observer vos

étudiants, car assurément vous ne les connaissez pas " dixit Jean-Jacques Rousseau.

Les conditions de dispense de cours, de l’audience, la notation, la moyenne sur vingt, la notation

alphabétique, le crédit, la mobilité, la qualité de l’enseignement, le tutorat, la compensation, le

logiciel de délibérations, le rattrapage, la surcharge des effectifs, la disponibilité des ouvrages

dans les bibliothèques, sont autant de problèmes pédagogiques à résoudre. L’hébergement, le

transport, la restauration, la révision dans les cités Universitaires, la communication etc., sont

d’autres problèmes sociaux de la vie universitaire vécus par les étudiants. De ce qui est rapporté

dans l’article [04], le recteur de l’USTHB a répondu à ceux qui parlent d’échec du système LMD,

qu’il n’y a aucun paramètre qui permet de détecter cet échec : « L’argument de la brutalité

présenté par ceux qui parlent d’échec ne tient pas. Quant à celui de résultats, il faut du temps

pour juger. Le LMD est le système officiel et légal. ». Je profite de cette « publication », pour

soulever quelques problèmes qui se posent dans l’application de ce système.

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Certes, les enseignants n'étaient pas impliqués dans la conception, la planification et

l’implantation du LMD. Les enseignants ont mis en œuvre ce système imprécis, parce qu'il était

introduit d'une manière autoritaire (Le LMD est le système officiel et légal.). Une seconde fois, de

ce qui est écrit et selon l’avis du recteur de l’USTHB, l’évaluation n’est pas liée à une seule

organisation pédagogique. Il présente deux paramètres d’évaluation : l’appréciation du monde du

travail et celle des universités étrangères. « La vraie évaluation est celle que le monde

économique effectue. Et l’appréciation des étudiants qui vont continuer leurs études à

l’étranger. » « Sur le marché de l’emploi, des étudiants en LMD, il y en a pas beaucoup….. »

1. Le LMD comparé succinctement à l’ancien système pédagogique et scientifique

Le système de formation universitaire a été divisé entre des grandes écoles, elles n’ont de grande

que l’appellation, puisqu’elles sont en majorité domiciliées dans les anciennes enceintes

universitaires, qui attirent les meilleurs élèves et qui parviennent à leur inculquer un sentiment de

supériorité, et des universités qui forment avec peu de moyens des « brigades » ou des « armées »

d’étudiants médiocres. Avec une licence de 4 années, on a produit des licenciés d'un niveau bas.

Que dire d'une licence de 3 années ? Comment peut-on réduire un cursus universitaire d’une

année et le niveau de connaissances des étudiants ne sera pas altéré, en restant au moins tel qu’il

était ? En cinq années d’études, dans l’ancien système, l’ingénieur faisait cinq semestres de

spécialité et un semestre pour la confection de son mémoire. Dans le LMD, le mastérant ne fait

que trois semestres de spécialité et un semestre pour la préparation de son mémoire. Dans le

récent Décret présidentiel, objet de contestation dans le milieu universitaire, le n° 10-315 du 7

Moharram 1432 correspondant au 13 décembre 2010 modifiant et complétant le décret présidentiel

n° 07-304 du 17 Ramadhan 1428 correspondant au 29 septembre 2007 fixant la grille indiciaire

des traitements et le régime de rémunération des fonctionnaires, le mastérant a été classé dans le

groupe A, hors catégorie, subdivision 1. Franchement, c’est excessif et il démontre bien qu’il a

été confectionné pour les enfants « d’apparatchiks » et de la « nomenclatura ». Parmi les

mastérants, beaucoup ne savent ni lire, ni écrire, ni parler et ni compter sans calculatrice.

Ce décret a été élaboré sans aucune concertation avec le milieu universitaire.

Le Ministère de l’Education Nationale, le MEN, refuse de recruter les nouveaux licenciés- LMD

en qualité de PES, professeurs du secondaire, il les recrute en qualité de PEM, professeurs

d’enseignement moyen, ou de professeurs d’éducation du cycle primaire.

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Le refus de leur recrutement au secondaire, n’est-il pas une reconnaissance tacite du niveau faible

de ces nouveaux licenciés- LMD ? L’évaluation du cycle supérieur scientifique se fait de visu.

Tous les parents d’élèves ou d’étudiants s’étonnent comment leur progéniture arrive à réussir aux

examens. Comme l’a écrit un internaute anonyme, on doit renvoyer 80% des enseignants de

l’Université et refuser l'entrée à 80% des étudiants ...Ce n'est pas le nombre d’étudiants, un

million deux cents mille, qui fait la puissance d'un réseau scientifique, bien au contraire !

Selon Khelfaoui [05]: « …cette réforme LMD, proposée aux africains, peut avoir pour les pays

qui l’exportent toutes sortes de profits sauf scientifique. Si l’on se situe sur le plan strictement

scientifique, en dehors de tout autre enjeu, l’intérêt des universités européennes est davantage

dans les capacités de leurs homologues africaines d’accéder à l’originalité et à l’autonomie. »

2. Evaluation dans le cursus de la Licence de mathématiques

Les livres et les références bibliographiques permettent d’élargir au mieux l’information, susciter

la réflexion par la confrontation des sources ou des opinions et de coordonner l’ensemble des

apports dans une optique plus large. Les processus d’apprentissage sont largement influencés par

les facteurs personnels, affectifs. L’étudiant apprend mieux, plus efficacement s’il fournit un

effort, s’il est réellement actif, si, ce qu’il réalise, répond à son intérêt. On n’apprend que

lorsqu’on apprend quelque chose. La mathématique est une étude qui occupe si longtemps et qui

sert si peu dans les pays sous-développés. Des étudiants de la 3 ième année licence de

mathématiques ne savent pas encore la définition d'une « fonction ». Au Département de

mathématiques, on n’a pas eu l’embarras du choix de nos étudiants pour faire la « fine bouche ».

L’évaluation du pallier universitaire est indispensable car : Qui a fait passer en classe supérieure

ces étudiants qui n'ont rien retenu ? Le silence des étudiants me pèse beaucoup. Ils ne répondent à

rien. Il n’y a aucune communication entre les étudiants et les enseignants. Vous savez, nos

étudiants ne recopient plus, ils redessinent ce qu’on a écrit sur le tableau. Des universitaires

doivent écrire sur la physique, la chimie etc. Sûrement ils ont des « pathologies » dans leur

département. Ne me dites surtout pas que je veux polémiquer. On est allé loin dans cette

déchéance pédagogique et scientifique. On a été trop laxiste sur les choses. Il est temps de

réveiller les consciences universitaires. Je ne suis pas un « ingrat », mon pain je le gagne grâce

aux étudiants. Je ne méprise pas les étudiants mais je veux qu’ils prennent conscience de leurs

faiblesses. Je vous suggère de lire l’excellent et le récent papier de ce qu’ils endurent dans les

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cités universitaires et dans les campus tel celui de Belgaid à Oran [06]. Il peut également arriver

qu’à différents niveaux du système, le MESRS et ses responsables des universités d’une part et

les enseignants d’autre part, mettent l’accent sur les intentions différentes. En général,

l’Administration universitaire est mauvaise parce qu’elle n’est pas dirigée, ni surveillée. On peut

faire son procès et révéler des faits qui paraîtraient presque invraisemblables. Ses dessous sont

loin d’être séduisants. La gabegie bureaucratique jointe à la résistance consciente de certains

responsables qui ne souhaitent pas perdre leur situation privilégiée risque de prolonger notre

attente. Leur complaisance doit suffire. Certains carriéristes sont prêts à tout.

3. Une « dérive pédagogique » dans le LMD

A l’Université, une nouvelle « dérive pédagogique » s’est imposée dans le système LMD.

Des étudiants qui ne réussissent pas leur année en cours, sont autorisés à passer en classe

supérieure avec la mention « admis avec dettes » (s’ils ont acquis un certain nombre de crédits et

une moyenne inférieure à 10/20). C'est une forme de pression psychologique sur les enseignants

des premières années universitaires. Si vous recalez un étudiant en première année, il passera en

seconde et troisième année avec des mentions du type « admis avec dettes ». A la fin du cursus de

l’étudiant, on insinuera et inculquera un « syndrome de culpabilité » aux enseignants, comme

quoi ils retiennent un étudiant en « otage » en première année alors qu’il a réussi ses années

postérieures. Et hop ! Ces enseignants des premières années distribueront sans état d’âme le

module à un étudiant qui ne l’a pas mérité et qui ne le mérite pas. De ce fait, les responsables des

Universités « boosteront » le taux de réussite à l’Université. Où sont passés ces professeurs de

rang magistral qui doivent réfléchir sur le devenir de nos étudiants ?

Une troisième fois, selon ce qui est écrit et selon le recteur de l’USTHB, un second paramètre

d’évaluation est : Et l’appréciation des étudiants qui vont continuer leurs études à l’étranger.

Ce ne sont pas tous les étudiants algériens qui peuvent prétendre à un séjour scientifique à

l’étranger pour poursuivre leurs études. Seuls les enfants des « Introduits » peuvent se procurer

des bourses à l’étranger ou des « pécules en devises ». Les enfants des responsables sont en

majorité à l’étranger, ils ne subissent ni de près ni de loin les soubresauts de ce système. Qu’est

ce que c’est que cette politique de formation supérieure et de recherche qui consiste à former des

étudiants compétents et les faire fuir du pays ? Pourquoi ne pas donner à leurs professeurs des

moyens pour les prendre en charge scientifiquement sans les isoler des mondes scientifiques

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évolués par des stages à l’étranger, des bourses de formation à distance, des réalisations

d’expérience à l’étranger etc. ? Le savoir-faire s’acquiert, il ne se donne pas ou ne se décrète pas

par des textes.

Conclusion :

J’use de mon franc parler. On aime mieux être aveugle que de connaître son faible. Je conçois

qu’il y a peu de métiers honnêtement exercés, ou peu d’honnêtes gens dans leurs métiers.

En France, les enseignants chercheurs qui dépassent l'âge de la retraite ne peuvent en aucun cas

prétendre à des postes de responsabilités administratives. S’ils le souhaitent, ils peuvent encadrer

des doctorants et rester directeurs de recherche. Shivji [07] déplore ainsi l’influence de la pensée

euro-centriste dans l’Université africaine : « Tout ce qui est européen est considéré comme

universel; ce qui est non européen est, au mieux, qualifié de multiculturel, et au pire, de sectaire.

Tout ce qui est européen est relatif à la science, ce qui n’est pas européen est surnaturel…. ».

Nous devons œuvrer pour une éducation qui persuade l’homme à se consacrer entièrement à ses

devoirs et doit constituer notre objectif majeur. L’instruction consiste en l’amour de la vertu et la

haine du vice. On doit faire apprendre aux étudiants à raisonner juste, si on peut, chose qui est si

peu commune parmi les hommes. Les divers éléments que l’éducation doit souligner sont

l’« entraînement à la régularité et à la stabilité », la « subordination de l’individu à la société » et

la « préparation à l’adaptation et à l’obéissance ». Les générations d’étudiants montantes doivent

étudier les sciences exactes accompagnées de la « micro-informatique », l’Internet et les sciences

et techniques de l’information. Une question me turlupine l'esprit : " L'Université algérienne

aurait-elle pu être mieux gérée ? La situation pédagogique dans la majorité des Universités

algériennes est lamentable.

Des missions pédagogique et scientifique, indépendantes et non complaisantes, nationales et

étrangères, européenne ou américaine, doivent faire notre évaluation pédagogique et

scientifique !!!

Références

1. Ali DERBALA. Le système LMD, un descendant du BMP. El Watan, 10&11/06/2007,

rubrique Idées-débats, p.23.

2. Ali DERBALA. Implantation du LMD à l’université scientifique algérienne. El Watan,

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Dimanche 1er Novembre 2009, Rubrique : Idées-Débats, p.22.

3. Rachid BRAHMI. L’équation LMD. Le Quotidien d’Oran du 08 Janvier 2008, Rubrique :

Débats, p.07.

4. Djedjiga RAHMANI. SYSTEME LMD « la vraie évaluation est celle du monde économique ».

El Watan 15 Novembre 2010, Rubrique : L’Actualité, p.5.

5. Hocine KHELFAOUI. Le Processus de Bologne en Afrique : globalisation ou retour à la

« Situation coloniale » ? JHEA/RESA, Journal of Higher Education in Africa/Revue de

l’enseignement supérieur en Afrique, Vol. 7, Nos. 1&2, 2009, pp. 1–20.

6. Mokhtaria BENSAAD. Pôle de Belgaid : Une université neuve avec des problèmes anciens.

Le Quotidien d’Oran du 03 Novembre 2010, Reportage, p.13

7. Issa SHIVJI. Où va l’Université? CODESRIABulletin, Nos 1 & 2. Disponible sur le site

http://www.codesria.org/French/publications/bulletinfr1_05/universite.pdf.