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École de Formation Professionnelle des Barreaux de la Cour d’Appel de Paris Nouveautés fiscales 2010 Lois de finances et autres actualités Lundi 11 janvier 2010 Chambre de commerce et d’industrie de Paris 27 avenue de Friedland – 75008 Paris

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École de Formation Professionnelle des Barreaux de la Cour d’Appel de Paris

Nouveautés fiscales 2010 Lois de finances et autres actualités

Lundi 11 janvier 2010

Chambre de commerce et d’industrie de Paris 27 avenue de Friedland – 75008 Paris

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Allocutions d’ouverture

Georges NECTOUX Membre de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris Xavier DELCROS Membre du Conseil de l’Ordre des avocats, Directeur de la formation continue et des spécialisations de l’EFB Georges NECTOUX Après avoir souhaité la bienvenue aux participants, Georges Nectoux a évoqué brièvement l’actualité de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris. Xavier DELCROS Je vous remercie, M. le Président, et je suis particulièrement heureux de vous retrouver à l’occasion de notre traditionnel rendez-vous de début d’année. Au passage, la tradition est une source du droit. A travers le Président Nectoux, je tiens à remercier le Président de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris. Pour ma part, la voix que je porte est celle du Bâtonnier de Paris, M. Jean Castelain, lequel a pris ses fonctions le 1er janvier et que j’ai rencontré hier pour lui faire part des quelques mots que j’allais vous dire. En outre, je tire de mon appartenance au Conseil de l’Ordre la légitimité partielle qui me permet de m’exprimer devant vous. Dans ce « mercato » des actualités fiscales, qui sont d’initiatives concurrentielles parfaitement admises dans notre droit, nous sommes parmi les premiers à vous présenter les nouveautés de la loi de finances. L’annualité fiscale participant du principe initial de la démocratie – le consentement à l’impôt exige que le Parlement ait accompli ses travaux, y compris à la suite d’un contrôle du Conseil constitutionnel –, nous nous retrouvons au début de l’année. A chaque fois, nous conjuguons l’expérience présente sur scène et dans la salle des fiscalistes de la Chambre de commerce et d’industrie et du Barreau. Cette fertilisation croisée – aujourd'hui dénommée partenariat d’influence ou de compétence – m’apparaît essentielle. Depuis le début des années 1990, un certain nombre d’entre nous ont fait en sorte que nous puissions, dans les activités fiscales, économiques, commerciales, entrepreneuriales, concurrentielles, françaises, européennes et internationales, tenir des réunions de recherche et de communication dans le domaine du droit économique général, dont le droit fiscal est l’une des pierres angulaires. Je me réjouis donc que nous puissions nous retrouver entre praticiens des entreprises et praticiens de la défense et du conseil des entreprises. M. le Président, je vous remercie d’avoir rappelé l’actualité des Chambres de commerce. A l’instar de ce que vous avez évoqué, je tiens à souligner que ce partenariat est très important. Il concerne le droit fiscal, mais aussi la médiation des entreprises. Le Barreau de Paris est le partenaire du Centre de médiation et d’arbitrage de Paris, lequel est géré par la Chambre de commerce. Par ailleurs, nous sommes les partenaires d’un site informatique – IDEES (Information, Droit et Économie aux Entreprises) – au sein duquel le droit fiscal à sa part. Je vous invite à visiter ce site où les actualités, qui se dévident au gré de leur apparition dans l’environnement médiatique, sont accompagnées d’explications juridiques et techniques. Toute suggestion pour enrichir le site sera d’ailleurs la bienvenue.

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De même, nous sommes les partenaires du Centre de recherche et d’étude en droit des affaires (CREDA), dont le directeur est Aristide Lévy. Il n’est pas d’année sans que nous ayons de programme commun de formation. Ce programme commun comporte un nombre important d’opérations selon des partenariats souples qui peuvent participer de l’échange de services ou de réalisations communes.

Partant du constat que ces nouveautés fiscales pourront être mises à jour par des initiatives gouvernementales – je pense notamment à la taxe carbone –, nous ne pouvons nous interdire d’organiser une seconde session pour compléter, approfondir ou actualiser certains sujets. Les années que nous vivons sont en effet particulièrement active en matière de réalisations fiscales. Je cède maintenant la parole aux professionnels que vous êtes.

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TVA

Thierry VIALANEIX Avocat à la Cour I. Territorialité des services La réforme est entrée en vigueur le 1er janvier 2010 dans le sillage de plusieurs directives communautaires. Toutes les prestations de services sont concernées. La réforme vise les règles de territorialité, de redevabilité ainsi que les règles d’exigibilité, c’est-à-dire la date à laquelle les flux doivent être déclarés. En revanche, la réforme n’affecte pas les autres règles. Autrement dit, une opération imposable en France ne perdra pas le bénéfice d’exonérations éventuelles. Si la modification porte sur la définition du débiteur de l’impôt pour ce qui est des prestations de service intracommunautaires, elle ne modifie pas les autres règles de redevabilité. On peut donc faire face à des cas d'autoliquidation qui ne relèvent pas des nouvelles règles introduites par la réforme mais de règles existantes. Enfin, la réforme n’affecte pas les règles afférentes aux livraisons de biens. 1. Principe avec un client assujetti La réforme distingue les opérations réalisées entre assujettis et entre non-assujettis à la TVA. Dans la relation BtoB entre un prestataire et une entreprise cliente, la règle générale est désormais renversée : le service devient imposable dans le pays du preneur et non plus dans celui du prestataire. Le preneur est la personne facturée au titre du service rendu, quel que soit le bénéficiaire du service. Lorsque le service est localisé en France, que le prestataire soit européen ou non, la taxe est due par le preneur du service. Nous sommes donc dans un cadre d’autoliquidation, la facture arrivant hors taxes en provenance du prestataire étranger. Par ailleurs, le régime n’est pas optionnel mais obligatoire. Lorsqu’un client est redevable de l’impôt par voie d’autoliquidation, il est possible de désigner un représentant fiscal afin que le fournisseur facture la TVA. Dans le cadre du nouveau régime, cette option n’est pas applicable. Il s’agit donc d’un régime légal. Le défaut d’autoliquidation par le client est sanctionné par une pénalité de 5 %. La déclaration mensuelle de chiffre d'affaires comportera désormais une ligne 2A « achats de services faits à l’étranger ». Les entreprises devront différencier les montants hors taxes selon l’origine des achats. La base mentionnée traditionnellement dans le haut de la déclaration sera reportée au niveau du décompte de la TVA payée, ce qui donne l’impôt dû au Trésor. C’est ce mécanisme qui se nomme l’autoliquidation. Comme toute TVA, elle sera déductible en partie ou en totalité. L’abattement sur la TVA déductible est ensuite éventuellement effectué. Il en résulte alors le décompte d’une TVA nette due au Trésor. La déclaration de chiffre d'affaires sera recoupée dans les différents Etats membres avec une déclaration spécifique. D’où l'importance d'insister auprès des entreprises sur la nécessité de correctement l’information.

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2. Principe avec un client non assujetti Le principe est inverse : dans le cadre d’une relation BtoC, le service est réputé localisé dans le pays où le prestataire est établi. De fait, le redevable de la taxe est le prestataire. Dans le cas d’une prestation fournie par un avocat allemand à un particulier français, la TVA sera payée en Allemagne. Si la même prestation est fournie par un avocat américain, il ne devrait pas y avoir en principe de taxation à la TVA, le lieu d’établissement étant les États-Unis. Mais une exception au principe évoqué ici veut que le service soit taxé en France. 3. Les exceptions Les exceptions générales s’appliquent que le client soit assujetti ou non. D’autres exceptions ne visent que les relations avec les non-assujettis. a. Exceptions générales Les locations de moyens de transport de courte durée (inférieures à 30 jours)

Le lieu imposition n’est pas le lieu d’établissement du prestataire ou du preneur mais le lieu de mise à disposition du véhicule. L’instruction précise la définition de mise à disposition du véhicule ainsi que le décompte des durées.

Les prestations de services se rattachant à un immeuble

L’imposition du service se fait au lieu où se trouve l’immeuble, quels que soient les lieux d’établissement du preneur et du prestataire. Dans le cas où un architecte américain intervient sur un immeuble localisé en France, le service est réputé se situer en France. Une fois le pays d’imposition identifié, les règles de redevabilité s’appliquent. Pour rappel, une autre règle d’autoliquidation générale s’applique depuis 2006 : chaque fois qu’un fournisseur étranger intervient en France, c’est le client qui est redevable.

Le transport de passagers taxable à hauteur de la distance parcourue en France

Le texte de territorialité ne signifie pas que le transport international de passagers est imposable. Celui-ci reste donc exonéré de la TVA.

Les prestations de service ayant pour objet des activités culturelles, artistiques, sportives,

récréatives, scientifiques, éducatives, de divertissement ou similaires Le régime consiste à taxer le service au lieu de réalisation matérielle de l’événement. Cette règle ne s’appliquera qu’en 2010. Dans le cas d’un organisateur de salons facturant une prestation à une entreprise française pour une manifestation organisée en Italie, le service est taxable en Italie. A partir de 2011, la règle de droit commun s’appliquera : la prestation sera non plus en Italie mais en France, avec obligation d’autoliquidation.

Les services de restaurant et de restauration

Ces services sont taxés au lieu d’exécution. Les services rendus par les agences de voyage

Les agences restent imposables au lieu de leur établissement.

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b. Exceptions propres aux clients non assujettis

Les services intellectuels Jusqu’à présent, la TVA n’était pas applicable par exemple lorsqu’un avocat français facturait ses services à un client non établi dans l’Union européenne. La prestation rendue à un non-assujetti étant désormais taxable dans le pays d’établissement du prestataire, le bénéfice de la non-taxation était en toute logique perdu. C'est pourquoi l’article 259 B du Code général des impôts a vu sa rédaction et sa portée modifiée pour permettre une non imposition des services rendus par un prestataire établi en France à une personne non assujetti non établie dans l’Union européenne.

Les travaux et expertises portant sur des biens meubles corporels

Il s’agit des travaux, garanties, réparations et services après-vente. Les services des intermédiaires

Sont visés les intermédiaires permettant d’acheter un véhicule dans un autre Etat membre. Les services électroniques

Afin d’éviter leur délocalisation, ces services sont taxés au lieu d’établissement du consommateur lorsque le prestataire est situé en dehors de l’Union européenne. Dans le cas contraire, la TVA est payée dans le pays du prestataire.

Tout service non imposable dans l’Union européenne selon le principe de droit commun

Dans le cas d’un avocat américain facturant un particulier français, la règle de principe veut que la TVA soit due dans le pays du prestataire. Celui-ci étant établi aux Etats-Unis, la TVA ne s’applique pas. Mais si le service est utilisé en France, cette disposition prévoit que le service est imposable sur le lieu où il est utilisé. L’avocat américain devra donc en principe facturer la TVA française, passer par un représentant fiscal et déposer des déclarations de chiffre d'affaires françaises. Il s’agit du système qui existe déjà aujourd'hui et dont nous connaissons les limites en termes d’application pratique.

4. De l’importance de la qualité d’assujetti du client En premier lieu, la qualité d’assujetti du client ne repose pas sur le fait de payer l’impôt mais de réaliser une activité qui entre dans le champ d’application de la TVA, que l’activité soit imposable ou exonérée. Une association, une banque, une assurance ou un bénéficiaire de la franchise en base sont tous des assujettis. Dès lors que ces clients achèteront une prestation de service à l’étranger, ils devront autoliquider la TVA française de manière que le régime fiscal soit identique à celui des services qu’ils achèteraient auprès d’un prestataire français. Ainsi les bénéficiaires de la franchise en base, assujetti non imposable devront ainsi solliciter un numéro d’identification de manière à être identifié par les services fiscaux et recevoir des déclarations de chiffre d'affaires pour pouvoir procéder à des autoliquidations sur des achats de services à l'étranger alors même qu'ils ne sont pas redevables de la TVA sur leurs opérations . En second lieu, un assujetti se reconnaît par la détention d’un numéro d’identification à la TVA, qui constitue donc une présomption d’assujettissement. Bien entendu, il appartient au fournisseur qui entend se prévaloir d’une non-taxation en France de vérifier la validité du numéro et de prouver à l’administration fiscale que le numéro a été vérifié. Ce qui est redouté, dans le domaine des services comme dans celui des biens, ce sont les fameux schémas de fraude carrousel. Cela étant si, de par la nature de l’activité exercée, le non-assujettissement ne fait aucun doute, le fournisseur ne bénéficiera d’aucune protection bien qu'il puisse détenir un numéro de TVA. Pour rappel, les numéros de TVA peuvent être vérifiés auprès de la base communautaire VIES. Cela étant, seule l’existence du numéro peut être validée : le détenteur n’est pas désigné. Il est fortement

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recommandé aux entreprises de conserver une impression d’écran de cette consultation. La règle s’applique aussi pour les clients non européens. Ces derniers n’étant la plupart du temps pas identifiés à la TVA, il faudra recourir à un faisceau d’indices : activité, pages Internet, etc. Pour les besoins de la territorialité, il n’existe que des assujettis et des non-assujettis (un assujetti partiel est donc considéré comme un assujetti total). Ainsi, une holding réalisant des prestations au profit de ses filiales est un assujetti total. Idem pour une collectivité locale identifiée à la TVA pour certaines de ses opérations.

5. Les critères d’établissement et la notion de redevable La définition de l’établissement est propre à la TVA. Point important dans l’instruction : l’établissement stable (ES) fait l’objet d’une définition spécifique. Sera considéré comme ES une implantation qui consomme des services, même si elle ne produit pas d’opérations. Le bureau de représentation en est l’exemple typique. En réunissant des personnes et des moyens avec un certain caractère de permanence, le bureau de représentation n’a pour objet que de rendre des services à sa maison-mère. Pour les besoins de la territorialité des prestations de services uniquement, cette implantation est considérée comme un ES consommateur. C’était en effet le seul moyen de localiser le service où il est consommé, conformément à la philosophie de la réforme. Il faut savoir que cette interprétation a été imposée à l’administration fiscale française par les autres États membres. La règle pourrait donc évoluer à moyen terme. D’une manière générale donc et jusqu'à nouvel ordre, le bureau de représentation n’est pas un ES de plein exercice mais son existence a des effets sur la localisation d'un service. Ainsi quand un siège suisse facture un client français assujetti, l’autoliquidation aura bien lieu en France au niveau du client mais le bureau de représentation sera considéré comme un établissement preneur, uniquement pour ses propres achats. En résumé, il faut intégrer le concept d’établissement consommateur mais non producteur de services. L’instruction décrit un exemple précis auquel vous pouvez vous référer. Autre règle importante, le service est rattaché à l’ES qui le consomme. Sera réputé consommateur l’ES dont le numéro de TVA aura été communiqué au fournisseur. Mais si la TVA est autoliquidée dans un pays où le service n’est pas consommé, l’Etat membre peut refuser la déduction de cette TVA, principe qui notons-le n’est pas écrit dans les textes mais qui semble être une position commune aux représentants de la Commission européenne et de la DLF à qui il avait été demandé de quels moyens de pression ils disposaient pour obliger à localiser le service dans le pays de l’ES consommateur. Outre la pénalité de 5 % en l’absence de l’autoliquidation en France, la déduction peut donc être contestée si la taxe est payée et déduite dans un autre pays. Par ailleurs une présomption étant créée par les flux de facturation, il ne sera pas possible de liquider la TVA dans un autre État membre si les factures sont adressées par le prestataire à l’ES français. 6. La notion de redevable Le client assujetti est redevable chaque fois que le prestataire n’est pas établi en France. Pour les besoins de la TVA, est institué le principe de l’autonomie de chaque ES. Prenons l’exemple d’une société française achetant des services à une société allemande détenant une succursale en France. Lorsque le siège allemand rend un service, l’autoliquidation intervient au niveau de l’entreprise française. La règle joue à condition que l’établissement français de l’entreprise allemande ne soit pas impliqué dans la fourniture du service. L’implication découle de la participation matérielle à l’exécution du service. Les prestations administratives (émission de la facture, comptabilité, etc.) en sont exclues. Si l’ES français participe à l’exécution du service, il procédera à la facturation de la TVA. Cela étant, la règle d’autoliquidation ne jouera pas dans le cas d’un

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prestataire établi en France et détenant un ES à l’étranger qui rend un service à un client assujetti. La TVA est alors facturée par le siège. La volonté de respecter à la fois la taxation dans le pays de consommation et l’attractivité du siège a conduit à cette situation illogique. Si l’entreprise française rend des services à un client allemand sans que son ES soit impliqué, elle ne facturera pas de TVA : le client allemand autoliquidera. 7. L’instauration d’une déclaration européenne des services (DES) Cette déclaration est l’équivalent de la DEB en matière de biens. Tout fournisseur qui rendra un service à des clients localisés dans un autre État membre – les flux extracommunautaires sont exclus – devra déposer une DES. Celle-ci reprendra l’ensemble des services imposés dans le pays du client et réalisés au cours du mois. Il s’agit d’une déclaration électronique gérée par les douanes. Les informations à mentionner sont simples : montant hors taxes des facturations, numéro d’identification et coordonnées du client. Dans la majorité des cas, la réforme devrait être aisée à mettre en œuvre. Une attention particulière devra être apportée aux entreprises à établissements multiples, en raison des problèmes de rattachement. Chaque établissement sera en effet une entité à part entière au sens de la TVA. II. Actualité de l’année 1. TVA déductible Jusqu’ici, il existait une opposition entre la doctrine et certaines décisions de justice à propos de la TVA sur les frais de cessions de titres. L’administration fiscale considérait que cette TVA n’était jamais récupérable car se rapportant à une opération soit exonérée soit hors champ de la TVA. Les tribunaux, quant à eux, soutenaient que cette TVA était déductible, au moins au prorata de déduction de la société. Dans un arrêt récent rendu dans le cadre d’une affaire suédoise, la CJCE a tranché en estimant qu’il était possible de récupérer la TVA sur les frais de cession. Seule exception : lorsqu’il est démontré que les frais de cession sont intégrés dans le prix de cession des titres. En d’autres termes, dans le cas d’une entreprise industrielle et commerciale cédant un portefeuille de participations, la TVA doit être récupérée si le lien entre cette cession et l’activité économique est démontré. Le débat va donc se déplacer, me semble-t-il, sur un terrain très factuel. Un autre arrêt concerne la théorie des produits financiers accessoires, avec la problématique du calcul du prorata. Le débat soulève une question simple : faut-il intégrer au dénominateur du prorata de déduction les produits financiers ? Lorsque les produits financiers sont accessoires, une règle permet de les exclure. Question corollaire : qu’appelle-t-on un produit financier accessoire ? Traditionnellement, deux critères sont invoqués : un critère quantitatif fixant un seuil de 10 % des dépenses engagées en vue de générer le revenu ; un critère qualitatif disposant que le produit financier ne doit pas résulter de l’activité de l’entreprise. A titre d'exemple, banque ne peut prétendre qu’elle réalise des produits financiers à titre accessoire. En revanche, une entreprise industrielle et commerciale plaçant sa trésorerie sur un compte rémunéré dégage des produits financiers accessoires, car résultant d'une gestion de bon père de famille. A la lecture des dernières instructions parues dans les années 2006-2007, l’impression laissée était que ce critère qualitatif était tombé en désuétude parce que très subjectif. L’arrêt Ariane de la Cour d’appel de Paris et l’arrêt Suez du Tribunal administratif de Paris ont semble-il redonné une vigueur à ce critère, suivis cette année, par la CJCE reprenant le critère qualitatif et le critère quantitatif et considérant qu'ils devaient être examinés simultanément. L’espoir de la doctrine de voir le critère qualitatif perdre de sa force serait-il donc remis en cause ? Pratiquement, ce critère est très difficile à mettre en œuvre. Par exemple, faut-il considérer que, dans la grande distribution, le placement des fonds est inhérent à l’activité ? Sera-t-il procédé à une analyse entreprise par entreprise ?

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2. Taxe sur les salaires En matière de taxe sur les salaires, on sait que la mise en œuvre de la règle de l’affectation est plus délicate qu'en matière de TVA. Ainsi dans une holding exerçant une activité industrielle et commerciale et qui est taxable à la TVA sur une grande partie de son chiffre d'affaires, la perception de dividendes entraine un assujettissement partiel la taxe sur les salaires sur l'ensemble du personnel. Dans une telle situation la création de deux secteurs d’activité distincts permet de réduire l’assiette de la taxe sur les salaires au travers de l'affectation de l’essentiel du personnel à l’activité soumise à la TVA et ne soumettre à la taxe sur les salaires que le personnel affecté à la partie holding. Reste par ailleurs partiellement assujetti à la taxe sur les salaires le personnel commun, lequel est réduit au minimum. Dans un arrêt, la Cour d’appel de Nantes a considéré qu’à partir du moment où il n’était pas démontré que le PDG et le DG étaient exclusivement affectés à des activités assujetties et où leur mandat recouvrait l’ensemble de la supervision de la société, leur salaire était nécessairement assujetti à la taxe sur les salaires au même titre que le personnel commun. L’intérêt de cet arrêt est de montrer qu’il existe une présomption qui se crée au détriment de l’entreprise, mais aussi qu’il nous appartient de démontrer dans les faits que les fonctions opérationnelles des personnes en question étaient autres que la supervision de l’activité générale. 3. TVA immobilière La réforme de la TVA immobilière, qui prendrait effet le 1er juillet 2010, aboutira à une banalisation de cette taxe. Aujourd'hui, la TVA immobilière repose sur un régime d’exception : les immeubles n’entrent dans son champ que dans un certain nombre de cas. Le régime est bâti sur l’objet de la transaction : immeuble, terrain à bâtir, date de construction, etc. Demain, la TVA immobilière entrera dans le droit commun. Mais la loi ne traite pas les opérations avec les non-assujettis, lesquels sont par définition hors de son champ d’application. En principe donc une opération réalisée entre assujettis est imposable. Ce sera bien le cas des opérations sur terrain à bâtir et des opérations sur immeuble neuf. Mais d’autres, comme les opérations sur immeuble ancien et les opérations sur terrain non à bâtir, seront exonérées de TVA. Par ailleurs, les opérations assujetties exonérées pourront être soumises à la TVA sur option, ce qui n’est pas le cas aujourd'hui. Autre nouveauté : toutes les mutations d’un immeuble neuf intervenant dans les cinq ans de son achèvement seront soumises à la TVA. De plus, la définition du terrain à bâtir ne sera plus liée à l’engagement de construire, mais à la définition telle qu’elle figure dans le Code de l’urbanisme. La règle selon laquelle la TVA est due par l’acquéreur lors de la première mutation est supprimée : le redevable sera désormais toujours le vendeur. Enfin, le régime de TVA immobilière sera déconnecté de celui des droits d’enregistrement. Une mutation pourra donc à la fois être soumise à TVA et à droits d’enregistrement. Cette situation surviendra lorsque le vendeur aura opté pour le paiement de la TVA, ce qu’il aura intérêt à faire quand il aura de la TVA à récupérer en amont. La TVA sur marge devient exclusivement une règle d’assiette. Ce n’est donc plus le régime spécifique des marchands de biens. Ils pourront toutefois continuer à s'y soumettre. Sera également soumis à cette TVA tout bien dont la cession aurait dû être exonérée, qui devient taxable sur option et pour lequel aucune TVA n’a jamais été récupérée en amont. Seront également légalisés tous les engagements et substitutions de régimes de revente et de construire que vous connaissez, avec une sécurisation du régime et la possibilité pour un opérateur qui aurait pris un engagement d’en substituer un autre et de faire courir de nouveaux délais à la date de substitution. La loi intègre ainsi un certain nombre de principes qui étaient dans la doctrine.

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Fiscalité des personnes physiques

Alain THEIMER Co-président de la Commission ouverte de Droit fiscal de l’Ordre des avocats, avocat à la Cour I. La déclaration de soupçon Les avocats sont désormais soumis à des obligations de déclaration de soupçon. Ces obligations ne s'appliquent pas aux activités qui se rattachent à une procédure juridictionnelle, ni aux informations recueillies à l'occasion d'une consultation juridique, à moins que le client ne souhaite obtenir des conseils juridiques aux fins de blanchiment de capitaux. Les informations recueillies sur les clients doivent être conservés pendant cinq ans à compter de la cessation des relations avec eux. Le champ de la déclaration de soupçon est étendu à la fraude fiscale. Les avocats adressent leur déclaration écrite au bâtonnier de leur ordre, qui devra vérifier que les conditions d’une telle déclaration sont remplies avant de transmettre la déclaration à Tracfin. Nous serons donc probablement tous prochainement considérés comme des délinquants. Certains de nos clients nous confient, en effet, en comptant sur le secret attaché à notre profession, qu’ils ont de l’argent non déclaré à l’étranger et qu’ils s’interrogent quant à un possible rapatriement auprès de la cellule de régularisation, aujourd'hui fermée. En bons conseils, encouragés par les représentants de l’administration fiscale, nous les avons éclairés sur ce qu’ils devaient faire. Pour certains, l’opération est trop complexe, trop coûteuse ou ils ne veulent ou ne peuvent pas rapatrier leurs avoirs. Le pas est vite franchi par ces clients qui vous demandent ensuite de les conseiller sur la manière de conserver le secret sur ces avoirs cachés ou sur la portée réelle des avenants aux conventions signés par la France ou sur le pays le plus protecteur du secret. Dès lors, vous devez faire une déclaration de soupçon au Bâtonnier, lequel la soumettra ou non à Tracfin. A défaut, vous devenez complice de fraude fiscale. Beaucoup d’entre nous n’ont pas vu la portée de la transposition en France de la troisième directive sur laquelle je pense que nous reviendrons en cours d’année. L’alternative est désormais la suivante : faire une déclaration de soupçon ou refuser de le conseiller, au risque de le perdre..Une nouvelle ère vient de s’ouvrir pour tous les avocats fiscalistes. Bien entendu, la déclaration de soupçon est faite sans en informer le client ! Cette année, la fiscalité des particuliers ne fait pas l’objet de grands changements, mais d’un saupoudrage de mesures modifiant la règle fiscale. Au passage, la loi de finances rectificative modifie déjà la loi de finances, ce qui témoigne de l’instabilité de la loi fiscale. Pourtant, les représentants de l’administration fiscale assènent qu’il est du devoir de l’administration fiscale et du législateur de stabiliser la norme fiscale afin de la sécuriser.

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II. Loi de financement de la Sécurité sociale 1. Carried Interest La modification concerne les salariés travaillant dans les sociétés de gestion de fonds. Outre leur rémunération directe sous forme de salaires, beaucoup d’entre eux peuvent également acquérir des titres dans l’espoir de réaliser des plus-values substantielles. Se posait donc la question du traitement des plus-values de cession de ces titres. La loi de financement de la Sécurité sociale vient de créer une contribution sociale de 30 % qui sera appliquée chaque fois que des Carried Interest seront traités comme des salaires. Au-delà de ce texte spécifique, se pose la question du traitement de la fiscalité des produits de cession pour tous les salariés et dirigeants de sociétés mises sous LBO. L’un des deux critères essentiels permettant de conclure que le profit est une plus-value et non une rémunération est le suivant : les salariés ou dirigeants de ces fonds doivent percevoir une rémunération normale et acquérir les titres à leur valeur réelle. En tant que conseils, nous pouvons nous attendre à ce que l’administration fiscale considère qu’à partir du moment où des titres ont été remis à des actionnaires dirigeants ou salariés sans qu’ils en payent le prix à la valeur réelle, le risque de requalification en salaires des plus-values sera accru. La plus-value est imposée à 18 %, auxquels s’ajoutent les contributions sociales de 12,1 %. Les salaires, quant à eux, sont soumis à l’impôt sur le revenu, la rémunération de départ étant amputée d’une contribution sociale de 30 %. L’écart est donc très significatif, ce qui incite les inspecteurs des impôts à contrôler ce type d’opérations. A cet égard, les cessions de titres étant soumises à enregistrement, la traçabilité des opérations est plus directe que dans le passé. 2. Plus-values de cession des valeurs mobilières Les praticiens que nous sommes devront désormais opérer une distinction entre l’impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux pour les cessions de titres réalisées par des particuliers et générant une plus-value. Jusqu’à 25.730 euros, les cessions de titres n’étaient soumises ni à l’impôt sur le revenu ni aux prélèvements sociaux. Dorénavant, les plus-values de cession de valeurs mobilières réalisées par des personnes physiques seront soumises dès le premier euro aux prélèvements sociaux, au taux de 12,1 %. Si les plus-values restent sous le seuil de 25.730 euros – seuil qui est porté en 2010 à 25.830 euros – elles ne seront pas soumises à l’impôt sur le revenu. Les déclarations de revenus comprendront désormais une case pour les plus-values et moins-values réalisées sous le seuil de cession des 25.730 euros en 2009 et une case pour les plus-values et moins-values réalisées au-dessus de ce seuil. De la salle Cette nouvelle disposition s’applique-t-elle aux PEA ? Alain THEIMER Oui, il faudra faire une déclaration pour payer les prélèvements sociaux. Cela aura également une incidence sur le bouclier fiscal. Jusqu’à présent, les cessions inférieures au seuil étaient écartées dans le calcul des revenus à prendre en considération. Désormais, il faudra prendre le revenu net des contributions sociales payées sur ces plus-values n’excédent pas le seuil.

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Voici un exemple concret. Soit une cession de titres intervenue en 2010 pour un montant de 20.000 euros, avec une moins-value de 1.000 euros. L’opération n’est ni soumise à l’impôt sur le revenu ni aux prélèvements sociaux. Imaginons ensuite qu’en 2011, une cession est effectuée pour un montant de 50.000 euros, avec une plus-value de 3.000 euros. La moins-value de 2010 ne peut compenser les plus-values de 2011 dans la mesure où l’opération effectuée en 2010 n’était pas soumise à l’impôt sur le revenu. L’impôt sur le revenu de 2011 sera donc calculé sur les 3.000 euros. En revanche, la moins-value réalisée en 2010, laquelle est reportable pendant dix ans, peut être imputée sur la plus-value de 2011 pour les prélèvements sociaux. Au final, il faudra suivre deux régimes différents : celui de l’impôt sur le revenu et celui des prélèvements sociaux. Cette complexité incitera peut-être certains contribuables à consulter leur avocat fiscaliste, mais ces déclarations sont toujours délicates à établir pour nous. Nous ne disposons pas toujours de toute l’information et nous courons le risque de voir notre responsabilité mise en cause. 3. Contrats d’assurance vie multisupport ou en unités de compte Désormais, les bénéficiaires doivent s’acquitter des prélèvements sociaux dès lors que le dénouement du contrat intervient à l’occasion du décès de l’assuré. Pour les contrats en unités de compte, les prélèvements sociaux n’étaient auparavant payés qu’au moment du retrait ou du remboursement. III. Loi de finances 1. Relèvement du barème Tous les seuils sont relevés de 0,4 %, que ce soit en matière d’impôt sur le revenu, d’ISF ou de succession. 2. Revenus différés Dorénavant, les revenus différés sont imposés en calculant le nombre d’années qui a couru entre la date à laquelle ils sont appréhendés et celle à laquelle ils auraient dû l’être plus une. Par exemple, pour un complément de salaire versé trois ans après la date à laquelle il aurait dû être payé, le système du quotient s’appliquera sur trois ans, plus une année. Par ailleurs, le coefficient sera désormais égal à 4 pour les revenus exceptionnels, et ce dans tous les cas de figure. 3. Niches fiscales Depuis l’année dernière, le gouvernement souhaite limiter les avantages fiscaux. En effet, nombre de contribuables fortunés parvenaient à échapper à l’impôt sur le revenu. En 2009, les niches fiscales ont été plafonnées à 25.000 euros, majorés de 10 % du revenu net global. En 2010, le seuil est ramené à 20.000 euros et la majoration à 8 % du revenu net. Quelques exceptions demeurent, notamment pour les investissements immobiliers réalisés avant le 31 décembre 2009, dès lors que des promesses ont été signées et que les engagements sont définitifs. 4. Bouclier fiscal Le bouclier fiscal fait l’objet d’une nouvelle réforme. Le sujet est sensible, comme celui de l’ISF. A partir de cette année, la loi de finances prévoit que les dividendes devront être pris à compter du premier euro, sans l’abattement de 40 %. Jusqu’à présent, il existait une grande différence entre le régime des dividendes soumis au prélèvement libératoire et celui des dividendes soumis à l’impôt sur le revenu. Pour les contribuables, il était

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plus intéressant d’opter pour le second, l’assiette du revenu utilisée pour le calcul du bouclier fiscal était égal au montant du dividende, moins l’abattement de 40 %, avec les différents abattements et frais qui pouvaient exister. Avec le prélèvement libératoire, les revenus des dividendes étaient comptabilisés dès le premier euro. Pour éviter cette différenciation, la loi de finances pour 2010 aligne les régimes en réintégrant l’abattement dans l’assiette des revenus. Cette modification étant quelque peu « violente », la loi de finances rectificative prévoit que cette réintégration se fera progressivement, sur trois ans. Ainsi, pour 2011, 70 % des revenus seront pris en compte pour le calcul du bouclier fiscal. Autrement dit, seule une partie de l’abattement de 40 % est réintégrée. Cet abattement sera entièrement pris en compte en 2014. 5. Cessions de titres au sein du groupe familial La loi de finances pour 2010 intègre les frères et sœurs dans le périmètre du groupe familial pour l’exonération de la plus-value de cessions de participations supérieures à 25 %. 6. Dons En outre, les grands-parents peuvent faire des dons d’argent à leurs descendants, la limite d’âge ayant été portée de 65 à 80 ans. Cela ne concerne que les dons faits aux petits-enfants, aux petits-neveux et arrière petits-neveux. 7. Pactes Dutreil Une modification prend en compte une doctrine administrative. Lorsque des holdings interposées augmentent leurs participations dans les sociétés sur lesquelles des engagements de conservation de titres ont été pris, l’exonération partielle n’est pas remise en cause. Cette modification va dans le bon sens, dans la mesure où le taux de participation augmente. 8. Fonds d’investissement L’obligation sera faite d’investir beaucoup plus rapidement dans les PME-PMI afin de bénéficier des avantages fiscaux liés à l’ISF. Le gouvernement s’est, en effet, rendu compte que nombre de personnes physiques avaient souscrit des fonds ISF, lesquels avaient tardé à réinjecter l’argent dans les PME-PMI, qui ont cruellement besoin de ressources. Le délai a donc été ramené à huit mois sous peine de sanction, tant pour les fonds que pour les investisseurs. Encore une fois, l’année 2010 n’est pas marquée par de grands bouleversements, mais par un ensemble de petites mesures qui nous compliqueront la vie, notamment en ce qui concerne le bouclier fiscal.

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Fiscalité et environnement

Louis-Marie BOURGEOIS Co-président de la Commission ouverte de Droit fiscal de l’Ordre des avocats, avocat à la Cour I. L’invalidation de la taxe carbone par le Conseil constitutionnel Je tiens à rassurer Alain Theimer : nous ne serons probablement pas en prison l’année prochaine, car nous serons tous morts, asphyxiés par le CO2. La taxe carbone qui était censée nous sauver a en effet été invalidée par le Conseil constitutionnel le 29 décembre dernier. Pratiquement, je ne peux rien vous dire à son sujet. Du reste, la décision du Conseil constitutionnel est très intéressante et pas forcément surprenante. Lorsque, le 24 septembre, Christine Lagarde s’est exprimée à la demande du Sénat, elle n’a pas manqué de souligner qu’elle « [espérait ] que la taxe [était] conforme ». Pour rappel, notre ministre de l’économie est une éminente juriste. En outre, certains ont rappelé que la même mésaventure était arrivée à la TGAP en 2000 et 2002. Cette décision doit être appréhendée à l’aune des nouveaux recours constitutionnels qu’il sera possible de déposer dans moins de trois mois. De fait, tous les praticiens seront obligés de se pencher sur les décisions prises par le Conseil constitutionnel. Pour rappel, ce dernier a invalidé la taxe carbone au motif principal que 93 % des émissions auraient été exonérées. L’argument invoqué par le gouvernement était que les fameux 1 018 sites industriels les plus polluants étaient soumis aux droits à polluer européens. Le problème est que ces droits sont gratuits jusqu’en 2013 et qu’ils le resteront progressivement jusqu’en 2027. Comme la taxe carbone proposée n’était pas inversement progressive à l’apparition du coût des quotas d’émission, le Conseil constitutionnel a considéré qu’au final, la taxe carbone ne serait pas acquittée par les pollueurs, mais par les ménages à travers leurs dépenses en fioul et en carburant. Pour motiver sa décision, le Conseil constitutionnel a invoqué au premier chef la Charte de l’environnement de 2004, laquelle fait partie du bloc constitutionnel depuis 2005. Le Conseil constitutionnel a en outre rappelé que le principe d’égalité devant l’impôt n’empêchait pas de créer des situations distinctes entre agents afin d’orienter les comportements. Mais toute différenciation de traitement doit être proportionnelle à l’intérêt général. Bien évidemment, ce n’était pas le cas avec 93 % des émissions exonérées. Le point essentiel est que le Conseil constitutionnel a censuré la taxe carbone au motif qu’elle ne remplissait pas l’objectif fixé. L’exposé des motifs du projet de loi mentionne en effet clairement que le but de la taxe carbone était la réduction des émissions de CO2, ce qui n’est pas très cohérent avec une exonération des plus polluants. En définitive, le Conseil constitutionnel s’est placé à la fois en garant de la Constitution et en garant de la cohérence du texte de loi avec l’objectif affiché. Cela a conduit certains, dont Hervé Mariton, à souligner que s’il avait été énoncé que le but de cette taxe était d’engranger des recettes supplémentaires pour l’État, elle aurait été validée. II. Les recours constitutionnels D’ici à trois mois, nous pourrons poser la question prioritaire de constitutionnalité et saisir le Conseil constitutionnel en conséquence. En tant qu’avocats, il est de notre devoir de tout mettre en œuvre afin que nos clients soient le mieux défendus. Dès lors, nous ne nous priverons pas de saisir cette opportunité en arrachant un argument sur le terrain constitutionnel. Pratiquement, le Conseil constitutionnel augmente ses prérogatives

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en contrôlant, en plus des textes votés, les débats parlementaires et les travaux réalisé en commissions. Cette réforme, initiée en 2008, vient d’être précisée par une loi organique du 10 décembre 2009. Nous avons désormais un nouveau champ d’inventivité. Ainsi, si un texte nous embarrasse parce qu’il nous paraît contraire au bloc constitutionnel ou si, en consultant les sites de l’Assemblée nationale et du Sénat – qui sont très bien faits –, nous décelons une incohérence entre les travaux, l’exposé des motifs, les débats, les interventions du gouvernement et le texte finalement voté, nous avons tout intérêt à solliciter ce recours. Concrètement, la juridiction qui sera saisie sur le fond de la question devra la transmettre sans délai à sa Cour suprême, à savoir la Cour de cassation ou le Conseil d’État, laquelle aura trois mois pour saisir le Conseil constitutionnel, qui aura à son tour trois mois pour rendre sa décision. Voilà un an, Jean-Louis Debré ne cachait pas son inquiétude. Le Conseil constitutionnel est donc en train de s’organiser pour absorber ces nouveaux recours soumis à un délai très court. Une réponse sera ainsi obtenue en moins de sept mois, ce qui est remarquable. Le recours sera donc à la fois fort et rapide. Le double contrôle auquel les Cours suprêmes doivent se plier vise à s’assurer du sérieux du recours ainsi que du caractère inédit de la question. Par ailleurs, l’article 61-1 de la Constitution prévoit que ce recours pourra être introduit à tout moment de la procédure. Ce nouveau moyen peut donc être mobilisé pour la première fois en cassation, à la seule condition de faire un acte distinct et motivé. Par conséquent, à partir du 1er mars 2010, l’article 61-1 pourra être invoqué, même pour des affaires anciennes. Vous pourrez ainsi brandir de nouveaux arguments. D’où l’inquiétude légitime de Jean-Louis Debré. Dans le Feuillet rapide de ce matin, Stéphane Austry pointe le problème de la portée des décisions du Conseil constitutionnel. L’article 62 dispose en effet que cette portée est fixée par le Conseil constitutionnel lui-même. Qu’adviendra-t-il pour une loi déjà promulguée ? Elle sera abrogée le jour de la décision, mais cela n’aura d’effet que pour l’avenir. Quid des impositions mises en recouvrement avant invalidation par le Conseil constitutionnel ? L’article 62 entretient un certain flou, en expliquant que chaque situation sera traitée au cas par cas. Un autre problème se pose avec l’article L.190 du LPF sur les nouvelles voies de recours ouvertes en cas d’invalidation par une norme supérieure. Le texte vise en effet le Tribunal des conflits, la Cour de cassation, le Conseil d’État et la CJCE, mais pas le Conseil constitutionnel. A mon sens, si cette mise à jour n’a pas eu lieu, c’est parce que le législateur, au vu de l’article 62, a voulu éviter toute généralisation. Chaque décision du Conseil constitutionnel aurait alors fait naître un nouveau délai de recours. III. L’avenir de la taxe carbone A priori, la taxe carbone devrait être votée avant le 1er juillet, sachant que le grand emprunt sera débattu bientôt. Politiquement, le sujet était délicat à aborder juste avant les élections régionales. Dans Les Echos, Christine Lagarde a pris soin de préciser que la taxe ne pouvait se permettre d’encourir une nouvelle censure. Le tarif de 17 euros la tonne, déjà largement débattu, serait maintenu et la redistribution aux ménages ne serait pas modifiée. Le crédit d’impôt serait donc toujours de 46 euros pour les célibataires et de 92 euros pour les couples en zone urbaine, chiffres portés à 61 et 122 euros en zone rurale, plus 10 euros par personne à charge. A cet égard, je reste sceptique quant à l’impact d’un crédit d’impôt de 46 euros par an pour les célibataires. Je me suis amusé à faire un petit calcul. 46 euros correspondent à environ 1 000 litres de fioul ou de carburant. Soit la consommation d’une voiture sur 15 000 kilomètres, ce qui correspond peu ou prou au kilométrage annuel moyen selon L’Argus. En d’autres termes, la taxe carbone rembourse la circulation d’un célibataire, mais pas son chauffage. Il sera donc perdant net. A l’inverse, un couple disposant d’un crédit d’impôt de 92 euros sera gagnant dans la mesure où les déplacements en voiture se font souvent à deux et où le couple habite le même logement à chauffer. La taxe carbone est donc en quelque sorte une taxe sur le célibat. Le Conseil constitutionnel vérifiera peut-être ce point.

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Concernant les entreprises, Christine Lagarde est consciente de la nécessité de prendre en compte les 1 018 installations polluantes ainsi que l’exonération de 93 % des émissions. Cela étant, ces entreprises appartiennent souvent à des secteurs sensibles, comme l’industrie lourde, soumis à une forte concurrence internationale. Il n’apparaît donc pas pertinent de les taxer davantage. Une solution consisterait à opter pour des taux réduits, comme ce fut le cas pour les transporteurs et les agriculteurs. Parmi les autres pistes, citons les mécanismes de substitution ou le plafonnement sur la valeur ajoutée. Quoi qu'il en soit, aucun arbitrage n’a été rendu à ce jour et le cabinet de Chantal Jouanno cogite à plein. Au final, la loi de finances 2010 ne contient plus beaucoup de mesures écologiques. Le crédit d’impôt pour intérêts d’emprunt d’achat de la résidence principale est désormais réservé aux logements affichant des caractéristiques supérieures à la réglementation – les fameux BBC. Le malus automobile, quant à lui, a été avancé d’un an. Mais, parallèlement, l’entrée en vigueur de la baisse des taux dans les investissements Scellier a été reportée à 2011. Le crédit d’impôt accordé pour les achats de pompe à chaleur, de chaudière à basse consommation, etc. voit certains taux baisser. Cela étant, le but de cet amendement était de recentrer les dépenses vers les dispositifs les plus efficaces en matière d’économie d’énergie. De fait, d’autres taux de crédit d’impôt augmentent. Enfin, la TGAP sur les imprimés passe de 940 à 120 euros la tonne. Pour information, la TGAP fonctionne comme la taxe d’apprentissage. Soit les entreprises concernées financent EcoFolio à hauteur de 37 euros la tonne, soit elles payent la TGAP. Avec une TGAP à 940 euros, la pénalité était de 2 540 %. Beaucoup d’entreprises n’ayant pas respecté les délais, des redressements sont en cours. Certaines petites entreprises se voient ainsi réclamer dix ans de chiffre d'affaires. La situation étant devenue inextricable, le gouvernement a décidé de réduire le taux de la TGAP avec effet rétroactif.

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Taxe professionnelle

Valérie STEPHAN Responsable du département fiscal à la Chambre de commerce et d’industrie de Paris Mirko HAYAT Professeur affilié à HEC Mirko HAYAT La réforme de la taxe professionnelle a longuement occupé les débats politiques cette année. I. Chronique d’une mort annoncée Les réformes qui se sont déjà succédées ont conduit à faire de la taxe professionnelle un impôt largement illisible et concentré sur une seule partie des entreprises. En particulier, la suppression des salaires de l’assiette, laquelle s’est faite progressivement entre 1999 et 2003, a pesé lourdement sur l’industrie. Au surplus, le Président de la République a annoncé l’année dernière que tout nouvel investissement serait exclu de l’assiette. En d’autres termes, la taxe ne devait plus porter que sur les investissements anciens. De fait, elle était vouée à disparaître. La loi de finances 2010 entérine sa suppression et son remplacement par deux nouveaux impôts. La tenue du débat parlementaire a conduit à une profonde modification du projet gouvernemental. Le gouvernement a organisé entre les collectivités locales et les entreprises une concertation sur la base de laquelle le texte a été élaboré, l’objectif étant de parvenir à un équilibre entre les trois acteurs des impôts locaux, Etat compris. Le texte, proposé dans le cadre de l’article 2 de la loi de finances, a été entièrement réécrit par le rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale, Gilles Carrez. Le texte de ce dernier a ensuite été amendé en commission. Au passage, le débat parlementaire a davantage été marqué par une opposition entre Etat national et collectivités locales plutôt qu’entre majorité et opposition. Le gouvernement a ensuite fait part de son opposition à ce texte rédigé par l’Assemblée. Après un long bras de fer, le groupe majoritaire à l’Assemblée a finalement accepté de revenir au texte du gouvernement. La même séquence s’est déroulée au Sénat, MM. Arthuis et Marini ayant suivi l’exemple de MM. Carrez et Migaud. Au final, le texte a été entièrement réécrit en commission mixte paritaire pour aboutir sur un texte de compromis. Nous avons eu un exemple de ce que pourrait préfigurer la fameuse coproduction législative. Le texte final est donc très différent de celui proposé initialement ainsi que de ceux écrits par les commissions des finances de l’Assemblée et du Sénat. Les modifications portent avant tout sur les termes. Ainsi, la taxe professionnelle est remplacée par une contribution économique territoriale (CET), composée d’une cotisation foncière des entreprises (CFE) et d’une cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

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II. La cotisation foncière des entreprises Valérie STEPHAN La CFE correspond à la partie foncière de l’ancienne taxe professionnelle. Principale différence : l’assiette des équipements et biens mobiliers est supprimée. Pratiquement, la plupart des articles du CGI consacrés à la taxe professionnelle sont purement et simplement transposés à la CFE. La base d’imposition de la CFE repose sur la valeur locative des biens passibles d’une taxe foncière, à laquelle est appliqué un taux voté par les communes et les établissements publics de coopération intercommunale. Deux autres différences doivent être mentionnées. D’une part, un abattement de 30 % est accordé aux établissements industriels. Le législateur a ainsi voulu gommer la différence résultant de l’évaluation des biens des établissements industriels par la méthode comptable, proche de la réalité, celle des autres locaux étant faite sur une base obsolète. D’autre part, les activités de location et de sous-location d’immeubles nus, autre que ceux à usage d’habitation, entrent dans le champ d’application de la CFE, dans le cas où les recettes brutes sont supérieures à 100 000 euros. Cette taxe est due par la personne qui a la disposition du bien. Par ailleurs, le loueur devra soumettre cette activité à la CVAE. Le véritable impact se trouve donc là. Les exonérations, lieux d’imposition, annualités et obligations ne diffèrent pas entre la CFE et la taxe professionnelle. Le Conseil constitutionnel a en outre invalidé une disposition du législateur. A l’origine, les titulaires de BNC, agent d’affaires, fiduciaires et intermédiaires de commerce employant moins de cinq salariés et qui ne sont pas soumis à l’IS de plein droit ou sur option devaient être soumis à la CFE, non seulement à raison de la valeur locative des biens passibles d’une taxe foncière, mais également à hauteur de 5,5 % de leurs recettes. A l’heure actuelle, le texte est plutôt favorable aux petits BNC : ils sont imposés à la CFE uniquement sur la valeur locative des biens passibles d’une taxe foncière. En contrepartie, ils sont soumis à la CVAE, quel que soit le nombre de salariés employés. III. La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) Mirko HAYAT Comme dans le cas de la taxe professionnelle, les personnes imposables à la CVAE sont les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée. Simplement, sont ajoutées les locations de locaux nus affectés à un usage autre que l’habitation dans le cas où les recettes dépassent les 100 000 euros annuels. Les exonérations précédentes, qu’elles soient temporaires ou permanentes, sont maintenues. En revanche, sont désormais exonérées les personnes dont le chiffre d'affaires annuel est inférieur ou égal à 152 500 euros. IV. Règles de territorialité Le législateur a créé un article 1447-3, lequel stipule que les personnes imposables ne sont pas soumises à la CFE lorsque leur activité n’est assujettie ni à l’impôt sur les sociétés ni à l’impôt sur le revenu en raison des règles de territorialité propres à ces impôts. Le principe, valable pour la CFE, est étendu à la CVAE par l’article 1586-ter. Le principe de territorialité est compréhensible pour la CFE puisque celle-ci se rapporte à des éléments tangibles et installés sur le territoire. La valeur ajoutée est un solde intermédiaire de gestion déterminé au niveau de la comptabilité sociale et peut donc prendre en compte des activités réalisées à l’étranger. L’article 1586-ter précise que ne sont pas soumises à cette taxe les activités qui ne sont ni assujetties à l’impôt sur les sociétés ni à l’impôt sur le revenu en raison des règles de territorialité. La difficulté consistera à trouver une

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méthode pour extourner le chiffre d'affaires et les charges correspondant à ces activités. On notera en outre que les règles de territorialité de l’impôt sur les sociétés et de l’impôt sur le revenu ne sont pas identiques. Dans le premier cas, c’est le critère de territorialité stricte qui prévaut ; dans le second, celui de la mondialité. Pour rappel, les ventes faites à l’exportation ou les recettes réalisées à l’étranger devaient être comprises dans la valeur ajoutée dès lors qu’elles se rapportaient à des établissements situés en France. En d’autres termes, la taxe professionnelle était liée la localisation, c’est-à-dire à l’immeuble. Désormais, le concept est beaucoup plus comptable, ce qui soulève des interrogations en matière de territorialité. V. Le calcul de la valeur ajoutée Le concept de valeur ajoutée demeure proche de celui utilisé pour le plafonnement de l’ancienne taxe professionnelle. La base imposable est la valeur ajoutée produite par l’entreprise. Le point de départ est la valeur ajoutée comptable, comme solde intermédiaire de gestion, corrigée par des dispositions fiscales permettant d’aboutir à une « valeur ajoutée fiscale » qui sert au calcul de la cotisation. Par ailleurs, cette valeur ajoutée sera éventuellement à répartir entre plusieurs établissements dépendant d’une même entité juridique mais situés sur des collectivités différentes. La nouvelle CVAE reprend très largement les concepts utilisés pour le calcul du plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée, et plus précisément ceux mis en œuvre pour la cotisation minimale. Les comptables ont recours à deux méthodes pour calculer la valeur ajoutée. La méthode soustractive consiste à partir du chiffre d'affaires et à en retrancher les charges externes. La méthode additive, quant à elle, consiste à additionner les postes qui restent (amortissements, salaires, bénéfices, etc.). Dans le cas qui nous occupe, c’est la méthode soustractive qui sera utilisée. Pour rappel, le chiffre d'affaires comprend notamment les ventes de produits, les autres produits de gestion courante, dont les redevances pour concession de brevet, de licence, etc. En revanche, en sont exclus les quotes-parts de résultat sur opérations faites en commun ainsi que les charges correspondantes. De même, les plus-values de cession d’immobilisations corporelles et incorporelles ne seront pas prises en compte, conformément à la jurisprudence Algeco, selon laquelle les immobilisations cédées étaient l’objet même de l’entreprise. Les charges déduites sont les achats de marchandises et frais accessoires d’achats, la variation négative des stocks et les services extérieurs nets, à l’exception des loyers et redevances afférents aux biens corporels pris en location. Cette exception constitue une mesure anti-abus prise au milieu des années 80. En effet, lors de la mise en place du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée, les entreprises ont rapidement compris qu’elles avaient intérêt à transférer certaines charges en prenant certaines machines en location plutôt qu’en immobilisation, réduisant ainsi artificiellement la valeur ajoutée. Les taxes sur le chiffre d'affaires fait, elle aussi, partie des charges, tout comme les autres charges de gestion courante – les quotes-parts de résultat sont extournées pour les mêmes raisons que précédemment. De la salle Les locations immobilières risquent d’être imposées deux fois. Mirko HAYAT L’immobilier relève plutôt de la CFE.

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De la salle J’ai cru comprendre qu’au-delà de 152 000 euros, l’immobilier relevait également de la valeur ajoutée. Le risque est d’avoir une matière imposable chez le locataire (les locations de plus de six mois sont réintégrées dans la valeur ajoutée) et chez le loueur. Mirko HAYAT Cela concerne uniquement les loyers et redevances afférents aux biens corporels. De la salle Un immeuble est corporel. Jusqu’à présent, les locations immobilières sont réintégrées dans la valeur ajoutée pour le calcul du plafonnement. Si le calcul est le même, nous risquons d’avoir une matière imposée deux fois. Mirko HAYAT La double imposition est éliminée : elle n’est pas prise en compte dans les charges de celui qui paye le loyer, ni dans les produits de celui qui les déclare. Parmi les charges prises en compte pour le calcul de la valeur ajoutée, sont incluses les dotations aux amortissements pour dépréciation afférents aux biens corporels donnés en location ou sous-location pour une durée de plus de six mois, donnés en crédit-bail ou faisant l’objet d’un contrat de location-gérance. Les BNC sont désormais soumis à la cotisation sur la valeur ajoutée alors que, logiquement, certains d’entre eux auraient dû en être exonérés. Pour ceux qui sont soumis à une comptabilité de caisse, le calcul de la valeur ajoutée est plus simple. Le chiffre d'affaires est composé des honoraires hors taxes, ou des recettes encaissées moins les rétrocessions. Les charges sont identiques à celles décrites précédemment, mais sans doute simplifiées. Le vote de la loi a été précédé d’un débat sur le fait que certains secteurs économiques devaient bénéficier d’un calcul différent du fait de la spécificité de leur activité. Ce sera notamment le cas pour le secteur bancaire, assurantiel et financier. VI. Le calcul de la CVAE La CVAE équivaut à 1,5 % de la valeur ajoutée calculée. A l’origine, le projet de loi de finances prévoyait un barème progressif, le taux de 1,5 % n’était atteint que pour les entreprises dont le chiffre d'affaires serait supérieur à 50 millions d'euros. Désormais, dans un premier temps, le taux s’applique à toutes les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 152 500 euros, mais les redevables peuvent déduire de ce montant un dégrèvement égal à la différence entre le montant de la cotisation brute et l’application d’un taux à la fraction de la valeur ajoutée. Au final, nous retrouvons le barème progressif. Si le barème progressif avait été appliqué dès le départ, les collectivités locales n’auraient reçu que le produit net par application de ce barème. Grâce à la nouvelle rédaction du texte, ces mêmes collectivités locales recevront la CVAE de 1,5 % et l’Etat remboursera le dégrèvement sur demande du contribuable. Ce stratagème a donc été employé pour que les ressources des collectivités locales soient issues de l’impôt et non d’une

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subvention. Au passage, les collectivités locales ont perdu le droit de voter le taux – liberté dont elles ont usé par le passé. Toutes les entreprises paieront 1,5 % de la valeur ajoutée moins le dégrèvement, quelle que soit leur localisation. Toutefois, les collectivités locales conservent la totalité du rendement de l’impôt et profitent du dynamisme de la base – l’impôt augmentera en fonction de la valeur ajoutée et non en fonction du taux. Le montant du dégrèvement est majoré de 1 000 euros pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 2 millions d'euros. Le chiffre d'affaires pris en compte pour l’application du barème n’est pas le même que celui retenu pour le calcul de la valeur ajoutée. VII. Exemples Soit une entreprise dont le chiffre d'affaires est de 450 000 euros et la valeur ajoutée de 150 000 euros. La CVAE théorique s’élève à 150 000 x 1,5 % = 2 250 euros. Le dégrèvement s’établit à 2 250 – (150 000 x 0) = 2 250 euros. Au final, l’entreprise est exonérée jusqu’à 500 000 euros de chiffre d'affaires. Le bras de fer entre l’État et les collectivités locales portait sur les entreprises dont le chiffre d'affaires était compris entre 152 500 et 500 000 euros, lesquelles sont très nombreuses. Avec la version initiale du texte, ces entreprises étaient complètement exonérées. Le seuil fixé par le gouvernement était celui de 500 000 euros. Les collectivités locales ont ramené ces entreprises dans leur giron, le dégrèvement étant effectué par l’Etat. Avec le texte initial, les collectivités locales ne touchaient rien car une entreprise dont le chiffre d'affaires était inférieur à 450 000 euros était exonérée. Dans la deuxième version, les collectivités touchent 2 250 euros, sachant que l’État rembourse l’entreprise. Pour rappel, une critique fréquente adressée à l’encontre de la taxe professionnelle était que, par le biais des dégrèvements, l’État était le premier contributeur de la taxe professionnelle. Cette situation va sans doute perdurer. Prenons maintenant l’exemple d’une entreprise dont le chiffre d'affaires est de 5,5 millions d'euros et la valeur ajoutée de 1,3 million d'euros. La CVAE théorique s’élève à 1,3 million x 1,5 % = 19 500 euros. Le dégrèvement s’établit à 8 824. L’entreprise supportera donc un impôt de 10 676 euros, ce qui aurait résulté de l’application immédiate du barème. Simplement, les entreprises devront calculer le dégrèvement et en demander le paiement. La déclaration doit être faite au plus tard le 4 mai pour l’année 2010, sur la base des éléments de 2009. Les entreprises pourront payer en deux fois, le 15 juin et le 15 septembre. Le décalage entre les données comptables et la date où l’impôt est dû est donc d’une année, contre deux pour la taxe professionnelle (il fallait attendre que les collectivités locales aient voté leur taux). VIII. Les dégrèvements de la contribution économique territoriale (CET) Valérie STEPHAN Ces dégrèvements sont au nombre de deux. Premièrement, le plafonnement lié à la valeur ajoutée est maintenu mais calculé par rapport à la CET. Ce plafonnement équivaut à la somme de toutes les cotisations foncières des entreprises et des établissements auxquelles est ajoutée la CVAE. Il est plafonné à 3 % de la VA, contre 3,5 % précédemment. Par ailleurs, le montant du dégrèvement n’est plus limité. Enfin, le dégrèvement n’est accordé que si l’entreprise le demande. Le second dégrèvement correspond au lissage des entreprises « perdantes », c’est-à-dire celles qui constatent une hausse significative de leur imposition locale – la CET par rapport à l’ancienne taxe professionnelle. Ces entreprises peuvent demander un dégrèvement temporaire de la différence. Elles additionnent la CET, la taxe pour frais de Chambre de Commerce, la taxe pour frais de Chambre des métiers et l’imposition forfaitaire des entreprises de réseau, et comparent à la somme de la taxe professionnelle,

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de la taxe pour frais de Chambre de commerce, de la taxe pour frais de Chambre des métiers qui aurait été due en 2010 selon les règles de 2009. Si l’écart est supérieur à plus de 500 euros et plus de 10 %, les entreprises peuvent demander un dégrèvement, lequel sera progressif (100 % de la différence en 2010, 75 % en 2011, 50 % en 2012 et 25 % en 2013). Mirko HAYAT Ces deux dégrèvements seront probablement anecdotiques : pour que la somme de la CFE et de la CVAE représente 3 % de la valeur ajoutée, il faut que la CFE soit très élevée. A mon avis, cela ne jouera que dans les cas extrêmes qui méritent réellement un plafonnement – des entreprises n’ayant presque plus d’activité, mais détenant d’importantes installations foncières, par exemple. La CET est affectée de la manière suivante. Les communes et les EPCI conservent la taxe foncière sur les propriétés bâties dans les mêmes conditions que précédemment. Par ailleurs, ils deviennent attributaires uniques de la taxe foncière sur le non bâti, de la taxe d’habitation et de la CFE. Enfin, ils deviennent attributaires de 26,5 % de la CVAE. Pour l’anecdote, le consensus des six premiers mois de l’année a explosé lorsque les communes et les EPCI ont été sortis du bénéfice de la CVAE. S’en sont suivis les débats que vous avez pu suivre au cours du dernier trimestre. Les départements conservent la taxe foncière et deviennent attributaires de 48,5 % de la CVAE ainsi que de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance, des droits de mutation à titre onéreux sur les immeubles et de la taxe de publicité foncière. Enfin, les régions deviennent attributaires de 25 % de la CVAE.

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Fiscalité internationale

Delphine CHARLES-PERONNE Avocat à la Cour, membre de l’Alliance fiscale I. Obligations documentaires en matière de prix de transfert Un prix de transfert correspond à la rémunération de n’importe quelle transaction entre des parties liées appartenant à deux juridictions fiscales différentes. Pour information, les prix de transfert représentent le chef de redressement le plus rémunérateur pour l’administration fiscale. En outre, 30 % du commerce mondial est constitué par des prix de transfert intragroupes. Les préoccupations des administrations fiscales et des entreprises se recoupent : les administrations fiscales réclament des bases fiscales correctement réparties tandis que les groupes internationaux cherchent à minimiser les risques d’imposition, c’est-à-dire à éviter que le même profit soit taxé par deux juridictions fiscales différentes. Voici un exemple pratique : Soit une entreprise française qui fabrique un produit qui lui revient 100. Ce produit est exclusivement vendu 101 (prix de transfert) à sa maison-mère localisée en Grande-Bretagne, laquelle le vend 120 (prix de marché) à des tiers. Les administrations fiscales française et britannique vont alors chercher à se partager le profit de 20. Question corollaire : si la société française avait vendu le produit à des tiers, l’aurait-elle fait au prix de 101 ? L’article L. 13AA du Livre des procédures fiscales (LPF) vient d’être instauré par la loi de finances rectificative. A cet égard, les prix de transfert mobilisent deux acteurs importants. D’une part, l’OCDE abrite un centre de politique et d’administration fiscale qui s’attache depuis longtemps à trouver un consensus entre ses Etats membres et les contribuables. Cet organisme a publié un ouvrage de référence recensant les principes directeurs en matière de prix de transfert. D’autre part, l’Union européenne a créé un forum européen des prix de transfert, lequel est présidé par un Français. En 2006, ce forum a publié un code de bonne conduite relatif à la documentation des prix de transfert, et ce dans un souci d’harmonisation. L’article L. 13AA du LPF s’inspire largement de ce document. La France dispose de deux textes répressifs permettant à la fois de redresser et d’exiger des informations lorsque l’administration fiscale présume un transfert indirect de bénéfices à l’étranger. Par ailleurs, depuis 2004, les entreprises peuvent définir leur politique de prix de transfert en demandant un accord préalable de prix unilatéral à l’administration fiscale française. Le nouvel article, que cette dernière discute depuis trois ans avec les associations représentatives des entreprises, s’applique en dehors de toute présomption de transfert indirect de bénéfices, et surtout uniquement aux grandes entreprises. Relevant de la DGE, celles-ci ont un actif brut ou un chiffre d'affaires supérieur à 400 millions d'euros. Cependant, certaines entreprises n’entrant pas dans le champ de cette documentation ont rédigé leur politique de prix de transfert en s’alignant sur ce texte, ne serait-ce que parce que le montant de leurs prix de transfert est matériel. . Bien entendu, sont concernées les opérations liées avec des entreprises associées. Les entreprises visées doivent appartenir au même groupe, c’est-à-dire détenir directement ou indirectement la majorité du capital de l’autre entité, ou être placées sous le contrôle d’une même entreprise. La documentation comprend deux niveaux d’information.

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La première partie comprend les informations générales sur l’ensemble du Groupe : activité ; structures juridiques et opérationnelles (organigrammes) ; analyse fonctionnelle (fonctions exercées et risques assumés par les entreprises associées) ; principaux incorporels (avec le nom du développeur) ; description générale des prix de transfert à l’intérieur du groupe.

La seconde partie comporte les informations spécifiques à l’entreprise française vérifiée : activité ; structures juridiques et opérationnelles (organigrammes) ; analyse fonctionnelle (fonctions exercées et risques assumés par les entreprises associées) ; opérations et flux réalisés avec d’autres entités du groupe (avec les montants) ; accords éventuels de répartition des coûts ; accords éventuels préalables de prix (unilatéraux avec l’administration fiscale ou bilatéraux entre deux

administrations par le biais d’une convention fiscale internationale) ; méthode de prix de transfert choisie (avec sa justification, en indiquant s’il est fait recours à des transactions

comparables) ; bilan et compte de résultat de l’entreprise lorsque celle-ci entretient des flux avec des Etats ou territoires

jugés non coopératifs (ETCN). Contrairement à la pratique en vigueur dans d’autres pays, la documentation ne doit pas être remise chaque année à l’administration fiscale mais tenue à disposition de celle-ci, laquelle peut alors envoyer un avis de vérification. La mesure s’appliquera aux transactions 2010, donc aux vérifications de comptabilité débutant après la clôture 2010, en 2011. En cas de non-respect de l’obligation de tenue de la documentation, le vérificateur mettra l’entreprise en demeure de produire la pièce dans les trente jours. En cas de défaillance constatée après ce délai, l’entreprise se verra infliger une pénalité de 10 000 euros par exercice vérifié ou de 5 % des bénéfices transférés en cas de manquement grave. Du reste, la plupart des grandes entreprises qui utilisent des prix de transfert disposent déjà d’une documentation car la pratique est en vigueur dans de nombreux pays. Celles qui ne l’ont pas encore ont un peu plus d’un an pour se mettre en conformité avec la loi. II. Nouveaux durcissements concernant les relations avec les ETNC La loi de finances rectificative contient plusieurs mesures de durcissement à l’encontre des contribuables résidents dans ces territoires. Tout d’abord, les taux de retenue à la source passeront tous à 50 %. Ensuite, en cas de dividendes versés par une entreprise résidente d’un ETNC, l’entreprise française actionnaire ne pourra pas bénéficier du régime des sociétés-mères, lequel permet d’exonérer les dividendes reçus – sauf quote-part pour frais et charge de 5 %. Enfin, l’article 209 B permet d’imposer en tant que revenus des capitaux mobiliers les bénéfices réalisés dans des filiales établies dans des paradis fiscaux. Si, parmi ces revenus, certains sont soumis à retenue à la source, il est possible d’imputer cette retenue sous forme de crédit d’impôt. Si ces revenus proviennent d’ETNC, l’imputation est exclue. En termes de définition, un État ou un territoire non coopératif n’est pas membre de l’Union européenne, a fait l’objet d’un examen par l’OCDE, n’a pas conclu avec la France de convention d’assistance administrative pour l’échange de renseignements fiscaux avant le 1er janvier 2010, et n’a pas signé avec au moins douze Etats une convention d’assistance administrative. Il convient de noter qu’une série d’États ou de territoires a signé avec la France une convention d’assistance administrative non encore entrée en vigueur mais qui leur permettra de

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sortir de la liste si l’entrée en vigueur a lieu avant le 1er janvier 2011. La liste des États ou territoires qui devraient rester considérés comme non coopératifs sera publiée prochainement par l’administration fiscale (la liste est disponible sur le site animé par Patrick Michaud, à savoir www.etudes-fiscales-internationales.com).

III. Dispositions en matière de fiscalité immobilière Les fiscalistes sont agacés lorsque la loi de finances casse une décision du Conseil d’état favorable aux contribuables. Cette année, deux exemples concernent la fiscalité immobilière. Le premier vise les droits d’enregistrement sur cessions de titres de sociétés à prépondérance immobilière. Deux décisions rendues à Nice et à Grasse stipulaient que si l’acte avait été passé à l’étranger, les droits d’enregistrement ne s’appliquaient pas. La nouvelle disposition dit exactement le contraire. Le deuxième est relatif à l’arrêt Overseas du 31 juillet 2009. Du fait de l’imprécision de l’article 209 du CGI, les plus-values et revenus immobiliers de source française perçus par des personnes morales étrangères n’étaient pas imposables à l’IS en droit interne. La loi de finances rectificative a complété ledit article pour prévoir cette imposition. IV. Jurisprudences Deux décisions méritent d’être soulignées. La première concerne une société luxembourgeoise (Stamping International) spécialisée dans l’achat/revente de machines-outils. Cette entreprise détenait un immeuble dans le Jura, au sein duquel le dirigeant effectuait tous les actes de gestion de la société. Le Conseil d’État a considéré que la société avait un établissement stable imposable en France. La seconde est relative à l’avenant de la dernière mouture de la convention fiscale franco-suisse. Un malentendu a opposé les deux administrations quant à la possibilité pour l’administration fiscale française d’appliquer les dispositions de l’article 209 B. Le Tribunal administratif de Paris a rendu une décision confirmant la position de l’administration française.

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La recherche : le premier maillon du contrôle fiscal

Patrick MICHAUD Membre du Conseil de l’Ordre des avocats, avocat à la Cour L’année dernière, j’étais chargé de vous parler du contrôle fiscal. Ce sera également le cas cette année et l’année prochaine. Le contrôle fiscal poursuit en effet trois objectifs : la dissuasion, la répression et la rentabilité. L’année dernière, j’avais abordé l’aspect dissuasif en soulignant qu’en France, le contrôle fiscal était extrêmement protecteur du droit des contribuables. Du reste, le directeur des impôts n’avait pu réprimer un grand sourire. Cette année, je vais vous parler de la recherche de rentabilité mais en omettant la phase du recouvrement, phase dont nous pourrons parler l’année prochaine I. Le tax gap Est apparu ces derniers temps aux États-Unis et en Europe un débat sur le tax gap, c’est-à-dire l’écart fiscal entre les impôts votés par le Parlement et les impôts récoltés par l’administration. La question qui se pose est donc la suivante : comment réduire le tax gap en France ? Au demeurant, l’analyse est devenue européenne depuis peu. Un rapport de la Commission européenne sur la lutte contre la fraude fiscale livre une analyse de chaque Etat en matière d’écart sur la TVA. Ainsi, cet écart est de 9 milliards d’euros (7% de la TVA théorique) en France… mais de 27 milliards d’euros (17% de la TVA théorique) en Grande-Bretagne ! Cela démontre l’efficacité du contrôle fiscal français et surtout l’acceptation des impôts par nos compatriotes, n’est ce pas ! Quatre méthodes permettent de réduire l’écart fiscal. II. L’information fiscale L’administration fiscale a accompli des efforts importants en publiant les consultations publiques préalables dans les bulletins officiels. Ce fut le cas pour l’abus de droit et, depuis une semaine, pour les intérêts de retard. L’administration recherche donc un contact actif, professionnel et positif avec les contribuables. Autres informations disponibles : les rescrits, les avis du Comité des abus de droit ou encore les positions de principe préalables. Mais rien d’autre. Malheureusement, depuis une dizaine d’années, la documentation de base de l’administration, élément très positif pour les conseils, qu’ils soient internes aux entreprises ou extérieurs, n’est plus mise à jour, malgré l’engagement pris par le directeur des impôts. Ainsi, le contribuable français ne dispose d’aucune source d’information publique, à l’inverse du contribuable britannique, allemand ou américain. De même, les conclusions des rapporteurs publics du Conseil d’État sont des mines d’information pour appréhender l’évolution de la jurisprudence et prévenir les défaillances fiscales. Or ces conclusions sont publiques mais interdites de diffusion. Cette situation est anormale, sachant qu’au niveau de la Cour européenne de Luxembourg et de la Cour européenne de Strasbourg, les conclusions des commissaires sont officiellement en ligne. L’ensemble des étudiants et des professionnels européens peuvent alors les utiliser spontanément et gratuitement.

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Quant à l’information privée, une seule société d’édition monopolise l’information fiscale. Même les fonctionnaires des impôts doivent s’acquitter d’un droit de 500 euros par an pour accéder à cette documentation privée, mise en valeur grâce à la documentation publique. Est-il normal que, dans notre démocratie, l’administration fiscale ne fasse pas d’effort pour améliorer l’information publique en matière fiscale ? III. La formation fiscale Aux États-Unis, l’IRS organise des journées de formation payantes et animées par des inspecteurs fiscaux, auxquelles les professionnels et le public sont admis. En Europe, la Commission de Bruxelles a mis en place un module de e-learning à la TVA sur son site. Les particuliers, les professionnels, les directeurs des services fiscaux des entreprises peuvent télécharger librement le programme pour apprendre les nouvelles méthodes en vigueur en matière de TVA en Europe. A part le colloque de ce jour, les travaux de la Commission fiscale du Barreau de Paris et ceux de l’IACF, le contribuable français ne dispose d’aucun outil, si ce n’est des séminaires à « 1 000 euros la journée » Malheureusement, beaucoup d’avocats sont contraints d’y participer pour se former ou se faire connaître. En résumé, la réduction de l’écart fiscal passe aussi par une amélioration de l’information et de la formation fiscales publiques. IV. La recherche du renseignement fiscal 1. Au niveau national Le 2 juin dernier, M. Woerth a publié un fascicule, malheureusement peu diffusé, intitulé « Le contrôle fiscal et la lutte contre la fraude ». On peut notamment y lire : « La recherche du renseignement fiscal est le premier maillon de la chaîne du contrôle fiscal ». En effet, une administration fiscale dépourvue de tout renseignement est complètement aveugle. Pour atteindre la meilleure efficacité budgétaire, elle doit sélectionner les dossiers sur la base de renseignements fiables et non au « doigt mouillé ». Une première source est constituée par la transmission spontanée des renseignements, notamment à savoir les IFU et les enregistrements fiscaux. Viennent ensuite notamment les visites domiciliaires sur ordonnance judiciaire.. La visite domiciliaire fut créée en 1985, avec la bénédiction du Barreau de Paris – je faisais partie de l’équipe qui a rédigé les textes avec M. Baconnier. L’administration avait en effet perdu tous ses procès pour réquisitions. A l’époque, elle invoquait l’ordonnance de 1945 sur le droit économique, plus particulièrement les visites domiciliaires pour fraude économique. La Cour de cassation, le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel ont rejeté ces visites domiciliaires dans des termes extrêmement fermes. L’idée était que l’administration puisse disposer des mêmes pouvoirs qu’un propriétaire de brevet voulant faire constater la violation de ses droits. elle ne voulait pas pénaliser la visite domiciliaire mais souhaitait que cette dernière soit protectrice des droits du citoyen. Le juge devait décider d’ordonner une visite domiciliaire après examen des pièces. En 2008, deux arrêts de la Cour européenne des Droits de l’Homme ont annulé les visites domiciliaires. Ces annulations ont eu des conséquences importantes sur le plan budgétaire. La loi a été modifiée mais la procédure a gagné en complexité. De fait, à mon avis, l’administration fiscale va progressivement abandonner la visite domiciliaire sur ordonnance judiciaire, extrêmement protectrice mais administrativement complexe, pour la visite domiciliaire sur décision du Parquet de la République avec toutes les nouvelles obligations envisagées à la suite des dernières jurisprudences de la cour européenne des droits de l’homme à STRASBOURG. A cet égard, la loi de finances rectificative pour 2009 a en effet introduit une profonde réforme en créant un droit d’enquête fiscal judicaire comme cela sera précisé plus bas.

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L’article L. 80, applicable en matière de TVA, octroie à l’administration un pouvoir d’enquête limité dans les locaux professionnels. Ce pouvoir confère un droit de saisie des documents, surtout un droit de convocation et d’audition, ce qui n’était pas possible dans le cadre de la visite domiciliaire. Ce droit est utilisé, mais il n’est pas attentatoire aux libertés privées, les visites aux domiciles étant interdites. Par ailleurs, vous connaissez la procédure de flagrance fiscale. En résumé, l’administration fiscale dispose de possibilités limitées pour saisir des documents. J’en viens à l’affaire HSBC, qui a défrayé la chronique. Le procureur de Nice a reçu des listings de la part d’un homologue suisse, listings qui avaient des incidences fiscales. Or les textes obligent l’autorité judiciaire, notamment le ministère public, à communiquer à l’administration fiscale l’ensemble des renseignements qui laissent présumer une fraude fiscale. Au passage, le procureur de Nice était très heureux de se plier à cette obligation. 2. Au niveau international Au niveau international, la recherche du renseignement est de plus en plus élargie. Au niveau communautaire, les directives « epargne » de 2003 ont établi un échange automatique de renseignements financiers. Chaque État membre doit informer l’État du domicile du bénéficiaire si celui-ci y détient un compte produisant des intérêts, conformément à l’IFU européen. A l’avenir, les directives élargiront certainement ces renseignements, notamment aux dividendes. L’Europe devient donc une zone IFU à la française. Seuls trois pays font exception : l’Autriche – qui maintient son secret bancaire pour des raisons historiques –, le Luxembourg et la Belgique. Cependant, le 1er janvier dernier, la Belgique a décidé de communiquer les renseignements bancaires concernant les résidents des autres États. Par ailleurs, d’autres directives sont en cours de préparation pour faciliter la coopération administrative en vue de l’établissement du montant des taxes et impôts et de l’assistance mutuelle au recouvrement. D’ici à une dizaine d’années, l’Europe deviendra un territoire fiscal en elle-même. Au sein de l’OCDE, existe depuis 2005 un échange de renseignements non automatique, effectué sur demande. Toutefois, certains États – Jersey, Guernesey et l’Ile de Man, c’est-à-dire les États de la Couronne – n’appartiennent pas à l’OCDE. En outre, chacun sait qu’il existe quatre « petits canards indépendants » : la Suisse, le Luxembourg, la Belgique et l’Autriche. Au demeurant, ces Etats ne sont pas des paradis fiscaux – terme qui deviendra obsolète dans les prochains mois. Dans les conventions de l’OCDE qu’ils ont signées, ces quatre États avaient émis la réserve suivante : l’échange de renseignements ne pouvait être fait qu’à condition que cela ne déroge pas à leurs règles internes du secret bancaire. Pour la Suisse, il fallait que l’infraction fiscale soit établie au sens suisse du terme. Autrement dit, il devait s’agir d’une escroquerie fiscale. Parallèlement, une convention européenne permet à l’administration de lever le secret bancaire en cas de fraude à la TVA. Au final, les quatre pays cités sont en train de revenir dans le droit commun international. V. Les autres méthodes Jusqu’au 1er février 2009, une muraille de Chine était érigée entre Tracfin et la DGI. Cette dernière n’avait en effet pas le droit d’utiliser des informations en provenance de Tracfin. La raison est simple : jusqu’à une époque récente, les politiques ont toujours fait montre de prudence à l’égard de la fraude fiscale des contribuables français. Depuis le 1er février, Tracfin peut informer la DGIP des opérations de fraude fiscale et de blanchiment de fraude fiscale, qui obéissent à deux définitions différentes. M. Carpentier, le directeur de Tracfin, est un inspecteur des finances doté de qualités humanistes. A l’inverse des Britanniques, il ne recherche pas à multiplier les déclarations de soupçon mais à garantir leur qualité pour remettre des notes d’information significatives au procureur de la République ou à la DGI. Il nous a révélé que Tracfin avait remis seulement 34 dossiers à la DGI entre le 1er février et le début du mois de décembre.

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Certains professionnels qualifiés – banques, assurances, experts-comptables, notaires et avocats – ont pour obligation de déclarer à Tracfin les soupçons d’infraction punissable d’une peine supérieure à un an d’emprisonnement, conformément aux exigences de l’Union européenne. Ces déclarations de soupçon ne portent que sur des opérations à incidence financière, même en l’absence de flux. Pour les professions légales, un décret du 13 juillet 2009 précise les soupçons de fraude fiscale. Aux yeux de Tracfin, les professionnels qualifiés ont deux obligations : une obligation de vigilance et une obligation de déclaration. L’obligation de déclaration repose à la fois sur la déclaration analytique et sur la déclaration obligatoire. D’après ce que j’ai compris, lorsqu’un des seize critères définis par le décret est rempli, une déclaration de soupçon doit être effectuée.

Enfin, le Parlement a voté en décembre 2009 un texte de « police fiscale » à l’occasion de la loi de finances rectificative. Compte tenu des difficultés rencontrées par l’administration pour effectuer des visites domiciliaires sur ordonnance judiciaire, le législateur confère désormais aux inspecteurs des impôts de véritables pouvoirs de police judiciaire. Ces pouvoirs reposent tout d’abord sur l’enquête préliminaire au sens du code de procédure pénale. Un officier de police judiciaire peut ainsi venir chez vous à 7 heures du matin et visiter votre domicile uniquement sur ordre du Parquet, sans ordonnance d’un juge indépendant. Il peut saisir les documents qu’il souhaite, convoquer les parties, les faire témoigner ou encore les placer en garde à vue. Une fois les décrets parus, l’inspecteur fiscal judicaire agréé aura le droit de mener des enquêtes fiscales selon la même procédure que les enquêtes financières, sous contrôle du procureur de la République. Pour le moment, la procédure sera réservée uniquement aux délits de fraude fiscale et dans un cadre limité.

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Allocution de clôture

Jean-Pierre LIEB Chef du service juridique de la fiscalité DGFIP L’année 2009 a été à bien des égards une année exceptionnelle en matière fiscale. Trois domaines méritent d’être cités : I. Une année exceptionnelle en termes de réforme fiscale 1. La réforme de la taxe professionnelle Cette réforme était inimaginable voilà encore 18 mois. Il s’agit d’une réforme d’une ampleur inégalée, comme en attestent les cinquante pages du Journal Officiel. La coproduction législative a joué à plein. Aussi, les erreurs, omissions et imprécisions sont normales et il est légitime qu’un tel texte suscite des interrogations. Mais, au bout de quatre mois d’un travail acharné, nous pouvons être collectivement fiers du résultat obtenu. Le travail a en effet été mené étroitement entre les commissions des finances, le gouvernement et les différents acteurs qui ont pesé sur la décision. Malheureusement, cette réforme confirme le constat souvent fait qu’une réforme de la fiscalité ne se traduit pas toujours par une fiscalité plus simple. S’écarter brutalement d’un paysage de référence est toujours un exercice délicat. Le défi consistait à modifier les modalités d’imposition des entreprises sans perturber le financement des collectivités locales, et ce dans un exercice budgétaire contraint. Au surplus, les transferts entre secteurs devaient être maîtrisés. 2. Les autres réformes Parallèlement, d’autres réformes ont été menées, qui ont été moins commentées, bien qu’importantes et complexes sur le plan technique. J’en citerai deux qui sont la résultante de décisions de la CJCE. Du reste, nombre de textes passés en PLF et PLFR découlent d’une norme européenne. Les deux textes en question n’étaient pas évidents sur le plan technique. Le premier concerne l’aménagement du régime d’intégration fiscale, à la suite de l’arrêt Papillon, texte en faveur des entreprises. Le second, plus marginal pour les entreprises mais important pour le monde associatif et le secteur culturel, concerne l’aménagement du régime du mécénat, à la suite de l’arrêt Persche, lequel pointait le problème de la territorialité. Dans les deux cas, notre fiscalité nationale se trouve de plus en plus contrainte par des exigences communautaires que nous n’avons pas anticipées ou que nous avons sous-estimées. Enfin, un nombre important de textes sont sortis concernant la lutte contre la fraude fiscale. La loi de finances rectificative comprend ainsi des textes facilitant l’échange de renseignements entre la sphère fiscale ou sociale et la sphère judiciaire ou le ministère de l’intérieur. Les instruments de lutte contre les activités occultes font également l’objet d’un durcissement, et ce dans le prolongement du plan banlieues annoncé par le Président de la République. Pour finir, un texte important à bien des égards vise les mesures de lutte contre les ETNC.

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Comme chaque année un nombre significatif de textes ont été modifiés. N’oublions pas que bon an, mal an , 20 % du Code général des impôts fait l’objet de modification, ce qui est contraignant à la fois pour l’administration et pour les praticiens. II. Une année de mutation pour la DGFIP L’année 2009 a été une année charnière. L’ancienne organisation abritait deux administrations en charge à des titres divers de la fiscalité, avec la Direction générale des impôts et la Direction générale de la comptabilité publique. La fusion est intervenue en 2008, pour une concrétisation en 2009. Outre une réforme administrative importante, cette réforme a entraîné une réorganisation des structures humaines. Pratiquement, la fusion a été plus importante que celle entre Suez et GDF en termes de management humain. Rappelons nous que la précédente tentative s’était soldée par la démission d’un ministre. Alors qu’elle s’est menée dans un contexte où étaient supprimés 2 600 postes – après d’autres suppressions du même ordre dans un passé récent –, l’opération n’a provoqué aucun mouvement social. La volonté de réorganiser les services de l’État est réelle. Les objectifs s’expriment en termes d’efficience, de productivité et de meilleur service rendu à l’usager. Des Directions départementales unifiées se mettent progressivement en place. Au cours du premier trimestre 2010, une cinquantaine de départements devraient avoir fait le basculement. Le guichet fiscal unique des particuliers poursuit son déploiement progressif, avec la mise en place de 777 services des impôts des particuliers et de trésoreries de proximité qui répondront aux premières attentes des usagers. Nous mettons également en place des pôles de recouvrement spécialisés, lesquels auront à traiter les créances sur entreprises qui posent des problèmes. Enfin, notons la réforme du statut des conservateurs des hypothèques, avec la création d’un service de la publicité foncière. Cet « OVNI administratif » voit donc sa fin programmée. III. Une année stratégique en termes de relation avec les usagers 1. De la collecte à la redistribution Tout d’abord, la DGFIP a adopté un positionnement particulier. Elle fut probablement le principal acteur administratif du plan de relance décidé par le gouvernement, notamment à travers la gestion des restitutions faites au titre de la TVA et de l’IS au profit des entreprises pour soutenir l’activité. En l’espace de trois mois, nous avons redistribué 5,8 milliards d’euros en faveur des entreprises. La DGIP a joué un rôle essentiel à trois titres. Premièrement, en étant l’acteur principal des actions de relance. Deuxièmement, en gérant au mieux et de manière plus rapide les dettes de l’État à l’égard de ses fournisseurs. Troisièmement, en faisant preuve de vigilance, aux côtés de la Banque de France et du préfet, à l’égard des pratiques des banques vis-à-vis des entreprises. La DGFIP a donc adopté un positionnement différent de celui que nous aurions imaginé en 2009. Outre son traditionnel rôle de grand collecteur, la DGFIP endosse désormais celui de grand redistributeur. Les particuliers connaissaient déjà ce rôle à travers la PPE et le bouclier fiscal. Dès le mois de février, nous étions prêts à émettre auprès des particuliers plus de 20 millions de lettres chèques pour la taxe carbone, laquelle renaîtra bientôt de ses cendres. Enfin, le plan de relance nous a conduits à entretenir de nouvelles relations avec les entreprises.

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2. L’accompagnement des usagers Nous avons également poursuivi notre politique d’accompagnement des usagers dans leurs actes déclaratifs. La déclaration pré-remplie a été parachevée par l’intégration des RCM, étape significative dans la simplification des relations avec les personnes physiques. L’opération s’est déroulée sans incident majeur alors qu’il fallait compléter des millions de déclarations. Par ailleurs, nous avons essayé d’être plus ouverts au dialogue avec les entreprises et les contribuables. Le fait de mettre en ligne les instructions les plus importantes et de recueillir les observations des uns et des autres pendant un mois était une façon de mettre l’ensemble des acteurs du marché fiscal sur un pied d’égalité. L’expert-comptable du fin fond de la Lozère a pu ainsi disposer de la même information qu’un avocat d’un grand cabinet parisien. J’espère que nous ferons de même cette année avec davantage d’instructions. 3. La refonte de la documentation administrative L’administration fiscale présente deux particularités. D’une part, elle publie de nombreux commentaires sur les textes. D’autre part, ces commentaires lui sont en grande partie opposables. L’ancienne documentation de base est devenue un gruyère. Parallèlement, lui ont été ajoutées des instructions formant un mille-feuilles difficilement compréhensible par le commun des usagers et des fiscalistes. La refonte engagée, qui s’étalera sur deux ans, sera l’occasion de réécrire entièrement l’ensemble de notre documentation. A terme, nous changerons notre façon de dialoguer avec les usagers que vous êtes : la notion même d’instruction administrative disparaîtra au profit d’une documentation consolidée et régulièrement mise à jour. Des usagers externes ont été associés au projet dans le cadre de groupes de travail, lesquels comprennent des documentalistes, des avocats, des notaires ou encore des experts-comptables. L’objectif est de définir un outil qui réponde le mieux aux attentes des usagers. 4. L’élaboration d’offres ciblées Nous avons également affiné notre stratégie de communication à l’égard des contribuables en continuant de bâtir des offres ciblées sur des catégories particulières d’usagers. Un gros effort a ainsi été accompli en direction des collectivités locales. Non seulement nous tenons leurs comptes, mais nous gérons également leur fiscalité.. A cet égard, nous avons revu notre façon de dialoguer avec elles et de les accompagner dans leurs projets. Cela nous a également conduits à travailler la notion de rescrit. Autre exemple, la création du service d’accueil des non-résidents, lequel a pour vocation d’accueillir les personnes désireuses de revenir en France, qui est une autre illustration de l’affinement de notre stratégie. Au demeurant, la fiscalité française des particuliers est assez compétitive. En outre, les impatriés bénéficient de dispositions particulièrement favorables. La manière dont nous communiquons sur le sujet est également originale : nous nous rendons régulièrement à l’étranger pour présenter la fiscalité française à des non-résidents et leur démontrer qu’ils ont intérêt à s’installer en France. 5. Le contrôle fiscal Ce changement de stratégie en matière de relation avec les contribuables s’accompagne d’un changement de stratégie en matière de contrôle fiscal, changement qui a été amorcé voilà quelques années. Ainsi, le choix a été fait de considérer que les contribuables étaient de bonne foi. Les relances amiables envoyées lorsque nous suspectons des erreurs en sont un parfait exemple. Cette année, nous avons essayé de faire de même avec les personnes détenant des avoirs à l’étranger – la fameuse « liste des 3 000 ». Au-delà de l’anecdote, cette nouvelle façon de procéder témoigne d’un changement d’attitude à l’égard du contrôle fiscal. Par le passé, nous

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n’aurions pas donné de seconde chance à ces contribuables : nous aurions utilisé cette liste sans publicité. Dans le cas présent, le ministre a souhaité, d’une part, faire savoir que nous détenions des éléments et, d’autre part, accorder un temps de réflexion aux personnes concernées. 6. Le durcissement de la législation à l’égard des paradis fiscaux Il ne s’agit pas de montrer certains pays du doigt mais de réclamer le respect d’un certain niveau d’exigence en matière de transparence et de confiance entre États souverains. Autrement dit, ne plus accepter la « flibusterie fiscale ». Chacun sait qu’un certain nombre d’institutions financières récoltent des fonds par des moyens divers et variés, notamment en envoyant des chargés de clientèle en France. Ces pratiques ne sont plus acceptables dans le monde actuel. Depuis plusieurs années, l’OCDE cherche à endiguer le phénomène, avec un succès certain. Soucieux de donner du corps à cet objectif politique, le gouvernement a souhaité se doter de moyens pour lutter efficacement contre les acteurs qui profitent de ces zones de non-transparence. Pour ce faire, deux initiatives majeures ont été prises. Premièrement, un nouveau texte durcit la fiscalisation des relations économiques et financières avec les juridictions non coopératives. La mécanique est originale car objective : une liste de pays a été arrêtée à partir de critères définis conjointement. Ces pays se voient appliquer une fiscalité discriminante et pénalisante pour les contraindre à revenir dans le droit chemin. La fiscalité se veut donc pédagogique et non répressive. Deuxièmement, le Parlement a voté la création d’un service d’enquêtes judiciaires fiscales. Face à un certain nombre de contribuables, les moyens administratifs classiques sont inopérants. Des moyens plus contraignants et plus inquisitoriaux sont nécessaires et il faut l’assumer. D’autres États membres de l’Union européenne ou de l’OCDE sont déjà dotés de tels moyens. L’objectif est de parvenir à un niveau d’efficacité identique vis-à-vis de ceux qui tentent d’échapper aux règles fiscales domestiques. Nous ne créons pas une police fiscale mais un service qui, saisi et contrôlé par le procureur, sera amené à diligenter des investigations afin de réunir des éléments matériels permettant de prouver que des personnes se sont rendues coupables de fraude fiscale. Pour ce faire, ce service disposera des moyens dont disposent les officiers de police judiciaire (filature, interception des communications, garde à vue, etc.). La stratégie suivie vise à distinguer deux catégories de contribuables. D’un côté, ceux qui, faute d’information, et compte tenu la complexité de la loi, ont commis des erreurs. Ces contribuables méritent d’être accompagnés pour revenir dans le droit chemin, sans qu’il y ait nécessairement de pénalisation financière. De l’autre, les contribuables qui assument le fait de ne pas respecter les textes et le font en connaissance de cause. Pour ceux-là, nous devons appliquer les textes de manière scrupuleuse, y compris en termes de pénalisation. L’année 2009 fut donc riche et dense. Elle préfigure à bien des égards ce que sera l’année 2010, un certain nombre de textes ayant vocation à être complétés. S’agissant de la taxe professionnelle, la redistribution aux collectivités locales sera sans doute retouchée. Le Conseil constitutionnel a censuré les BNC, ce qui débouchera sur un nouveau texte. De même, la taxe carbone va certainement réapparaître. Le service d’enquêtes judiciaires fiscales sera mis en place en cours d’année et la lutte contre les paradis fiscaux va se poursuivre. Enfin, nous avons lancé des opérations de contrôle sur des personnes susceptibles de détenir des comptes bancaires à l’étranger. Comme vous pouvez le constater, 2010 risque d’être une année tout aussi passionnante que l’année écoulée.

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De la salle Le ministre a indiqué que certaines régularisations seraient encore possibles. La cellule de régularisation ayant fermé, elles seraient délocalisées dans les centres des impôts. Pouvez-vous nous en dire plus ? Jean-Pierre LIEB La réponse est simple : en ouvrant ce guichet, le ministre avait précisé que les déclarations rectificatives seraient examinées avec un œil bienveillant et que les éventuelles pénalisations seraient faibles. Avant la mise en place de cette structure, certaines personnes avaient déjà fait une démarche en ce sens de manière spontanée. Le même cas de figure peut donc se produire à l’avenir. Néanmoins, cela ne pourra se faire aux mêmes conditions financières. Nous allons ainsi suivre l’exemple des États-Unis qui, après avoir refermé leur guichet, ont appliqué une pénalisation supérieure. Mais tout contribuable qui souhaite régulariser sa situation peut toujours le faire auprès de son centre des impôts. De la salle Quid de l’anonymat ? Jean-Pierre LIEB Il n’y a aucune raison pour que nous ne continuions pas à garantir l’anonymat lors des premières prises de contact. Ainsi, rien n’empêche un avocat de prendre langue avec les services fiscaux avant de révéler l’identité de son client.