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OMC ELearning OMC ELearning – Copyright © Juin 2013 LOMC et léconomie du commerce: Théorie et politique

L'OMC et l'économie du commerce: Théorie et politique ·  · 2013-10-171 I. GAINS’PROCURES’PAR’LECOMMERCE’ I.A. LESTROISPRINCIPAUXENSEIGNEMENTSDELA’THÉORIE DU’COMMERCE’INTERNATIONAL’

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OMC  E-­‐‑Learning  OMC    E-­‐‑Learning  –  Copyright  ©  Juin  2013  

L'ʹOMC  et  l'ʹéconomie  du  

commerce:    Théorie  et  politique  

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Introduction  

Ce cours multimédia a pour sujet "L'OMC et l'économie du commerce: Théorie et politique". Il comprend un

texte explicatif, des questions fréquemment posées et un questionnaire d'auto-évaluation grâce auquel vous

pouvez mesurer votre compréhension du cours. Il est également accompagné d'une présentation vidéo

intitulée "L'OMC: Fondements économiques".

But de cette présentation

Le but de cette présentation multimédia est d'offrir un support théorique permettant de comprendre les effets

de la libéralisation des échanges et ceux de la protection. Nous chercherons aussi à comprendre pourquoi les

pays mènent des politiques de libéralisation des échanges dans le cadre de l'OMC, c'est-à-dire pourquoi ils

négocient et s'engagent, par exemple, à consolider leurs droits de douane plutôt que de procéder à une

libéralisation unilatérale. La présentation est divisée en quatre parties. La première donne un aperçu des

principaux résultats de la littérature théorique sur l'économie internationale des effets de la libéralisation des

échanges.

I. Gains procurés par le commerce

Pour commencer, j'examinerai en particulier les gains procurés par le commerce dans différents contextes,

allant des situations où les pays commercent ensemble parce que leur niveau technologique est différent,

jusqu'à celles où ils ont des dotations différentes en ressources – capital, travail ou terres. Et pour finir, deux

situations où les pays font du commerce bien qu'ils soient similaires.

II. Effets de répartition des revenus

Dans tous ces cas, j'expliquerai que le commerce procure des gains, mais qu'il peut aussi avoir des effets de

répartition des revenus. En effet, à l'intérieur de chaque pays, certaines catégories seront gagnantes, et

d'autres subiront éventuellement des pertes. La libéralisation des échanges entraîne également des coûts

d'ajustement. Nous expliquerons ce que cela signifie et nous examinerons ce que les pouvoirs publics peuvent

faire pour réduire ces coûts au minimum.

III. Politique commerciale et développement

Dans la troisième partie, nous examinerons les données qui démontrent l'importance de la libéralisation des

échanges pour le développement.

IV. Nécessité d'un engagement multilatéral

Dans la dernière partie, nous expliquerons les raisons d'engager des négociations multilatérales et de prendre

des engagements de libéralisation des échanges au moyen d'un accord international.

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Table des matières

I. GAINS PROCURÉS PAR LE COMMERCE .............................................................................................. 1

I.A. LES TROIS PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS DE LA THÉORIE DU COMMERCE

INTERNATIONAL ........................................................................................................... 1

I.B. D'OÙ PROVIENNENT CES GAINS? ................................................................................... 1

II. EFFETS DE RÉPARTITION DU REVENU .............................................................................................. 6

II.A. COMMERCE ENTRE PAYS SIMILAIRES .............................................................................. 7

II.B. COÛTS D'AJUSTEMENT .................................................................................................. 9

III. POLITIQUE COMMERCIALE ET DÉVELOPPEMENT ............................................................................... 12

III.A. QUELS SONT LES INSTRUMENTS DE POLITIQUE COMMERCIALE? ..................................... 12

III.B. QUELLE EST L'INCIDENCE D'UN DROIT D'IMPORTATION? ................................................ 13

III.C. POURQUOI LES GOUVERNEMENTS IMPOSENT-ILS DES DROITS D'IMPORTATION? .............. 14

III.C.1. ARGUMENT DES TERMES DE L'ÉCHANGE ........................................................... 15

III.C.2. ARGUMENT DES INDUSTRIES NAISSANTES ....................................................... 15

III.C.3. ARGUMENT DE LA POLITIQUE COMMERCIALE STRATÉGIQUE ............................... 16

III.C.4. AUTRES ARGUMENTS EN FAVEUR DE LA PROTECTION ........................................ 17

IV. NÉCESSITÉ D'UN ENGAGEMENT MULTILATÉRAL ................................................................................ 18

IV.A. Y A-T-IL UNE RAISON DE S'ENGAGER À L'ÉGARD DE LA LIBÉRALISATION

MULTILATÉRALE?........................................................................................................ 18

IV.A.1. DÉCALAGE DANS LE TEMPS ............................................................................. 19

IV.A.2. AUTRES RAISONS EN FAVEUR DE LA LIBÉRALISATION MULTILATÉRALE ............... 20

V. CONCLUSIONS ......................................................................................................................... 21

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I. GAINS  PROCURES  PAR  LE  COMMERCE  

I.A. LES  TROIS  PRINCIPAUX  ENSEIGNEMENTS  DE  LA  THÉORIE  DU  COMMERCE  INTERNATIONAL  

Commençons par ce que la théorie des échanges internationaux nous dit sur les effets de la libéralisation des

échanges.

1. Le commerce procure des gains

Les trois principaux résultats de la théorie du commerce international sont les suivants: premièrement, le

commerce procure des gains; deuxièmement, quand des pays échangent des biens ou des services, ils en

retirent toujours des avantages; et troisièmement, deux pays qui commercent ensemble en retireront des

avantages même si l'un d'eux est plus efficace que l'autre dans toutes ses productions.

2. Le commerce apporte des avantages réciproques

Par conséquent, non seulement il y a des gains, mais il y en a pour les deux pays. Cependant, bien que les

pays retirent globalement des avantages du commerce international, il se peut que certaines catégories en

pâtissent à l'intérieur d'un pays.

3. Le commerce a des effets de répartition des revenus, mais les gains l'emportent sur les

pertes

Il y a donc des effets de répartition des revenus: certaines catégories, certaines personnes y gagneront, et

d'autres y perdront, et il est très probable que les catégories perdantes feront pression sur le gouvernement

pour qu'il applique des politiques protectionnistes, même si les gains l'emportent globalement sur les pertes.

I.B.   D'ʹOU  PROVIENNENT  CES  GAINS?  

GAINS  DUS  A  UNE  MEILLEURE  UTILISATION  DES  RESSOURCES  

La théorie économique tend à montrer que les gains tirés du commerce peuvent venir d'une meilleure

utilisation des ressources.

… à la spécialisation

Que fait le commerce? Le commerce permet aux pays de se spécialiser dans la production des biens pour

lesquels ils sont relativement PLUS efficaces et d'importer les biens pour lesquels ils sont relativement MOINS

efficaces. L'échange de ces biens profite aux deux pays.

... à l'exploitation des économies d'échelle

Les gains dus à une meilleure utilisation des ressources peuvent aussi venir du fait que le commerce permet

aux entreprises de produire sur une plus grande échelle. Lorsque les obstacles au commerce sont éliminés, les

entreprises ont accès à la demande d'un marché plus vaste. Elles peuvent donc choisir de produire à un

niveau plus efficace et d'économiser sur leurs coûts. Cette baisse des coûts bénéficie à l'ensemble du pays.

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Gains dus à la spécialisation

Analysons maintenant de façon un peu plus précise les gains dus à la spécialisation. Tout le monde comprend

sans doute que si un pays très efficace dans la fabrication d'ordinateurs commerce avec un pays très efficace

dans la production de roses, il sera probablement dans leur intérêt que le pays plus efficace dans le domaine

des ordinateurs produise et exporte des ordinateurs, tandis que l'autre produira et exportera des roses.

Mais que se passe-t-il si un pays qui est plus efficace dans la production des deux – ordinateurs et roses

– commerce avec un pays qui est moins efficace dans la production des deux? Le commerce est-il toujours

avantageux? Le résultat important issu de la théorie est que le commerce procure des GAINS aux DEUX pays.

Ces gains viennent du fait que chaque pays se spécialise dans la production du bien pour lequel il a un

avantage comparatif.

ú Avantage comparatif

Que signifie l'avantage comparatif? Les économistes disent qu'un pays a un avantage comparatif dans la

production d'un bien si le coût d'opportunité de la production de ce bien par rapport à d'autres biens est moins

élevé dans ce pays que dans l'autre. Vous noterez qu'en définissant l'avantage comparatif, nous avons

introduit une nouvelle expression: le "coût d'opportunité".

ú Coût d'opportunité

Qu'est-ce que le coût d'opportunité? Le coût d'opportunité d'un bien, par exemple les roses, par rapport à un

autre bien, par exemple les ordinateurs, est le nombre de roses qui auraient pu être produites avec les

ressources utilisées pour produire un certain nombre d'ordinateurs. Le coût d'opportunité diffère selon les pays

en raison des différences technologiques.

ú Théorie de l'avantage comparatif

Selon la théorie de l'avantage comparatif, lorsque deux pays se spécialisent dans la production du bien pour

lequel ils ont un avantage comparatif, ils tirent tous deux un gain du commerce, même si l'un a un avantage

absolu dans la production des deux biens. Chaque pays exportera le bien pour lequel il a un avantage

comparatif.

1. Spécialisation découlant des différences technologiques: le modèle

ricardien

Le meilleur moyen de comprendre l'idée de l'avantage comparatif est de prendre un exemple précis, un modèle

qui le démontre. Le premier modèle d'avantage comparatif, qui reposait sur des différences de productivité du

travail, a été introduit au début du XIXe siècle par un économiste appelé David Ricardo, et c'est pourquoi on

l'appelle aussi modèle ricardien. Sous sa forme la plus simple, le modèle ricardien peut être illustré par

l'exemple suivant: supposons qu'il n'existe que deux pays dans le monde, le pays A et le pays B, et deux

secteurs, celui des roses et celui des ordinateurs. Un travailleur employé dans le secteur des roses produirait

5 millions de roses dans le pays A et 8 millions de roses dans le pays B. Un autre travailleur employé dans le

secteur des ordinateurs produirait 200 ordinateurs dans le pays A et 1 000 ordinateurs dans le pays B.

Autrement dit, quel que soit le secteur, un travailleur produirait plus d'unités de chaque produit dans le pays B.

Dans ce cas, le pays B a un avantage absolu dans la production des deux produits.

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Roses

Ordinateurs

Pays A 5 millions

200

Pays B 8 millions

1 000

Qu'en est-il des avantages comparatifs? Examinons le coût d'opportunité que représenterait en termes de

roses pour chaque pays le renoncement à produire 1 000 ordinateurs. Pour le pays B, le coût d'opportunité en

termes de roses de la production de 1 000 ordinateurs de moins est égal à 8 millions de roses.

Qu'en est-il pour le pays A? S'il lui fallait produire 1 000 ordinateurs, le pays A devrait employer cinq

personnes, car chaque travailleur produit seulement 200 ordinateurs dans le pays A. En termes de roses, cela

aurait un coût égal à 25 millions de roses. En résumé, alors que dans le pays B le coût d'opportunité de

1 000 ordinateurs est de 8 millions de roses, dans le pays A le coût d'opportunité de 1 000 ordinateurs est de

25 millions de roses. Étant donné que le coût d'opportunité en termes de roses de la production d'ordinateurs

est moins élevé dans le pays B, celui-ci a un avantage comparatif pour les ordinateurs tandis que le pays A a

un avantage comparatif pour les roses. D'après la théorie de l'avantage comparatif, si les pays A et B

s'ouvrent au commerce, le pays A se spécialisera dans la production de roses et le pays B dans la production

d'ordinateurs.

Quel sera l'effet de la spécialisation? … le modèle ricardien

Changements de production dus à la spécialisation:

Roses

Ordinateurs

Pays A +10 millions

-400

Pays B -8 millions

+1 000

TOTAL +2 millions

+600

La spécialisation accroît la production totale des deux biens. Tous les pays peuvent tirer des gains du

commerce.

Supposons à présent que, dans le pays A, deux travailleurs passent de la production d'ordinateurs à la

production de roses. Cela signifie que le pays A produira 400 ordinateurs de moins et 10 millions de roses de

plus. Supposons qu'en même temps, dans le pays B, un travailleur passe de la production de roses à la

production d'ordinateurs. Le pays B produira alors 8 millions de roses de moins et 1 000 ordinateurs de plus.

Globalement, la production totale de roses augmentera de 2 millions d'unités, car il y aura une augmentation

de 10 millions de roses dans le pays A et une diminution de 8 millions de roses dans le pays B.

Dans le secteur des ordinateurs, la production totale augmentera de 600 ordinateurs: 1 000 ordinateurs de

plus dans le pays B et 400 ordinateurs de moins dans le pays A. La spécialisation entraînant une augmentation

de la production totale des deux biens, tous les pays peuvent tirer des gains du commerce. Le commerce

permet à chaque pays d'accéder à une plus grande quantité de chacun des biens.

Le modèle ricardien est évidemment trop simplifié pour expliquer tous les aspects de la libéralisation des

échanges. Mais il offre deux enseignements essentiels. L'un est que les différences de productivité du travail

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sont très importantes pour expliquer la structure des échanges, et l'autre est que c'est l'avantage comparatif et

non l'avantage absolu qui importe pour le commerce. Dans le modèle ricardien, il n'y a qu'un facteur de

production: le travail. Par conséquent, les avantages comparatifs découlent uniquement des différences de

productivité du travail, elles-mêmes dues aux différences technologiques.

2. Spécialisation découlant des différences de dotations: théorie de la

proportion des facteurs (modèle de Heckscher-Ohlin)

Dans la réalité, le commerce est déterminé non seulement par les différences technologiques mais aussi par les

différences de dotations en ressources entre les pays. Si le Canada exporte des produits de la sylviculture aux

États-Unis, ce n'est pas parce que ses travailleurs sont plus efficaces dans ce secteur mais parce qu'il est

mieux doté en forêts. Pour expliquer l'importance des ressources dans le commerce, deux économistes,

Heckscher et Ohlin, ont élaboré une théorie selon laquelle le commerce est déterminé par l'interaction de

l'abondance relative des facteurs de production (tels que le capital, le travail ou les terres) et l'intensité relative

avec laquelle ces facteurs sont utilisés pour produire différents biens. Comme les avantages comparatifs sont

déterminés par la proportion des dotations en facteurs et la proportion selon laquelle ces facteurs sont utilisés

pour produire différents biens, cette théorie est connue sous le nom de "théorie de la proportion des facteurs".

L'avantage comparatif dépend de la dotation relative des pays en facteurs de production

Selon la théorie de la proportion des facteurs, le pays où la main-d'œuvre est relativement abondante aura un

avantage comparatif dans la production de biens nécessitant une main-d'œuvre relativement importante. Et le

pays où le capital est relativement abondant aura un avantage comparatif dans la production de biens

nécessitant des capitaux relativement importants. Par exemple, le pays A possède un avantage comparatif

dans la production de biens à forte intensité de capital par rapport au pays B si son ratio capital-travail est plus

élevé que celui du pays B.

Dans une économie fermée, le bien qui utilise de façon plus intensive le facteur relativement abondant sera

meilleur marché

Dans un pays où le capital est abondant, le coût du capital sera relativement faible. Par conséquent, le coût de

production d'un produit à forte intensité de capital et son prix seront relativement bas. Ce sera l'inverse dans

un pays où la main-d'œuvre est abondante: les salaires seront relativement bas et le coût d'un produit à forte

intensité de main-d'œuvre sera relativement faible. Les différences de prix relatifs des deux produits

donneront lieu à un échange.

Avec le commerce:

ú Les prix des biens échangés seront les mêmes dans tous les pays. Lorsque deux pays se

mettent à faire du commerce ensemble, les prix des deux biens, le bien à forte intensité de

main-d'œuvre (par exemple un produit agricole) et le bien à forte intensité de capital (par

exemple, un produit manufacturé), auront tendance à être identiques dans les deux pays. Par

conséquent, le prix du bien à forte intensité de main-d'œuvre dans le pays à forte intensité de

main-d'œuvre, par exemple, aura tendance à augmenter par rapport au prix du bien à forte

intensité de capital.

ú Le pays à forte intensité de main-d'œuvre exportera le bien à forte intensité de main-d'œuvre.

Les deux pays produiront une plus grande quantité du bien pour lequel ils ont un avantage

comparatif. Ils auront tendance à se spécialiser. Le pays où le capital est abondant se

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spécialisera dans la production du bien à forte intensité de capital et exportera ce bien, tandis

que le pays où la main-d'œuvre est abondante se spécialisera dans la production du bien à

forte intensité de main-d'œuvre et exportera ce bien. Comme dans le modèle ricardien, dans

le modèle de Heckscher-Ohlin, le commerce peut accroître la production totale des deux biens.

Du fait que les deux pays peuvent consommer les deux biens en plus grande quantité que s'il

n'y avait pas de commerce, ils tirent tous deux un gain du commerce.

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II. EFFETS  DE  REPARTITION  DU  REVENU  

Le commerce agit sur la répartition des revenus

Il y a toutefois une différence très importante entre les résultats du modèle ricardien et ceux du modèle

de Heckscher-Ohlin. Dans le modèle ricardien, la main-d'œuvre est le seul facteur de production, et l'on

suppose qu'elle peut se déplacer d'un secteur à l'autre librement et sans coût dans chaque pays. Pour un

individu, cela ne change rien qu'il soit employé dans un secteur ou dans un autre. Par conséquent, un modèle

ricardien simple prédit non seulement que TOUS les pays tireront des gains du commerce, mais aussi que,

dans chaque pays, le commerce international améliorera la situation de CHAQUE INDIVIDU.

Dans la théorie de la proportion des facteurs, les secteurs diffèrent quant au dosage des facteurs de production

dont ils ont besoin. Dans le cas le plus simple, il y a deux facteurs de production: le capital et le travail, et

deux secteurs: l'un à forte intensité de capital et l'autre à forte intensité de main-d'œuvre. La spécialisation

dans l'un de ces deux secteurs, par exemple dans la production du bien à forte intensité de capital, augmente

la demande d'un facteur (le capital dans notre exemple), tout en diminuant la demande de l'autre facteur (le

travail). Dans le modèle de Heckscher-Ohlin, il n'est pas nécessairement vrai que chaque individu dans chaque

pays tirera des gains de la libéralisation des échanges. Le commerce entraîne des effets de redistribution des

revenus, de sorte que certaines catégories y gagneront et d'autres y perdront.

Qui gagne et qui perd? Le théorème de Stolper-Samuelson

Qui gagne et qui perd? Le théorème de Stolper-Samuelson nous aide à identifier les gagnants et les perdants.

Deux économistes, Stolper et Samuelson, ont montré que le libre-échange entraîne une augmentation du

rendement du facteur relativement abondant dans un pays et une diminution du rendement du facteur

relativement rare. Prenons par exemple un pays où le capital est abondant: que se passera-t-il après la

libéralisation? Dans un tel pays, le commerce entraînera une réaffectation des ressources vers les biens à forte

intensité de capital. La demande de capital augmentera donc, d'où l'augmentation du prix du capital sur le

marché intérieur. Les détenteurs de capital gagneront donc plus, car le rendement du capital augmente.

Qu'en sera-t-il de la demande de main-d'œuvre dans le pays? C'est le facteur relativement rare pour lequel le

pays n'a pas d'avantage comparatif. La demande de main-d'œuvre diminuera, de même que les salaires. En

résumé, dans un pays où le capital est abondant, les détenteurs de capital seront les gagnants et les

détenteurs de main-d'œuvre les perdants.

Dans la pratique, le déplacement d'un secteur à l'autre a un coût. Il est donc probable que les ressources

employées dans le secteur qui concurrence les importations pâtiront de la réduction de ce secteur. Cela

explique pourquoi, dans les pays industrialisés, lorsqu'un secteur à forte intensité de main-d'œuvre tel que le

textile est libéralisé, les détenteurs de capital et les travailleurs de ce secteur s'opposent au libre-échange.

Mais le résultat important à retenir de la théorie est que, malgré les effets de répartition des revenus, le pays y

gagne globalement, c'est-à-dire que les gains l'emportent sur les pertes. Les coûts d'ajustement seront

examinés plus en détail dans la suite.

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II.A. COMMERCE  ENTRE  PAYS  SIMILAIRES  

Des pays similaires échangent des biens similaires: échanges intrasectoriels

Un point important qu'il faut garder à l'esprit est que le modèle ricardien et le modèle de Heckscher-Ohlin

expliquent les échanges de biens différents entre des pays différents. Dans les deux modèles, les pays font du

commerce parce qu'ils sont différents – en termes de niveau technologique ou de dotation en facteurs. Ils se

spécialisent dans la production du bien pour lequel ils ont un avantage comparatif et exportent ce bien. Mais,

dans la réalité, la plupart des échanges se font entre des pays similaires. Entre un quart et la moitié des

échanges mondiaux sont des échanges intrasectoriels, c'est-à-dire des échanges de biens qui relèvent de la

même classification industrielle. Cela est particulièrement vrai pour le commerce entre les pays développés,

notamment le commerce des produits manufacturés. Dans ce cas, les échanges intrasectoriels constituent

l'essentiel du commerce. Les modèles de Heckscher-Ohlin et de Ricardo n'expliquent pas les échanges

intrasectoriels.

Les échanges intrasectoriels reposent sur les économies d'échelle

Pour expliquer les échanges intrasectoriels, il faut introduire la notion d'économie d'échelle. Dans de

nombreux secteurs, plus l'échelle de production est grande, plus la production est efficace. Ces secteurs se

caractérisent par des rendements d'échelle ou économies d'échelle croissants. Cela veut dire que quand on

double le facteur de production, par exemple le nombre de travailleurs qui produisent un bien, la production

est plus que doublée. Prenons l'exemple d'une entreprise qui fabrique des bicyclettes. Et supposons que la

production de bicyclettes soit caractérisée par des économies d'échelle. Cela veut dire, par exemple, que si dix

travailleurs produisent cinq bicyclettes en une journée, 20 travailleurs en produiront 15, c'est-à-dire plus du

double.

Gains résultant des économies d'échelle

Sans commerce Avec commerce

A B Monde A B Monde

Caméras vidéo 10 10 20 25 0 25

Bicyclettes 5 5 10 0 15 15

Supposons à présent qu'il existe deux pays, le pays A et le pays B, et deux biens, les caméras vidéo et les

bicyclettes. Supposons que la production de caméras vidéo et la production de bicyclettes fassent toutes deux

l'objet d'économies d'échelle, de sorte que si on double le nombre de travailleurs employés dans chaque

secteur, la production du secteur augmentera de plus du double. Supposons en outre que les deux pays soient

identiques, c'est-à-dire qu'ils aient les mêmes technologies et la même dotation en ressources. Et supposons

que la main-d'œuvre soit la seule dotation. Au début, le pays A emploie dix travailleurs dans le secteur des

caméras vidéo et produit dix caméras vidéo, et il emploie dix travailleurs dans la production de bicyclettes et

produit cinq bicyclettes. Supposons une situation identique dans le pays B de sorte que, au total, la production

mondiale est de 20 caméras vidéo et de dix bicyclettes. Supposons maintenant que toute la production de

caméras vidéo se concentre dans le pays A et celle de bicyclettes dans le pays B. Le pays A emploiera donc

20 travailleurs dans la production de caméras vidéo et le pays B 20 travailleurs dans la production de

bicyclettes. Du fait des économies d'échelle, l'utilisation du double de travailleurs dans la production de

caméras vidéo augmentera de plus du double la production de caméras vidéo dans le pays A. Supposons, par

exemple, que la production de caméras vidéo dans le pays A soit portée à 25. Et supposons de même que,

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dans le pays B, la production de bicyclettes soit portée à 15. Bien entendu, étant donné que tous les

travailleurs sont passés dans l'autre secteur, aucune bicyclette ne sera produite dans le pays A et aucune

caméra vidéo ne le sera dans le pays B.

Qu'en est-il de la production mondiale?

Globalement, le monde y gagnera: 25 caméras vidéo et 15 bicyclettes seront disponibles. Par conséquent, les

deux pays peuvent améliorer leur situation grâce au commerce.

Gains résultant de l'accès à une plus grande variété de biens et de services

Il est possible de généraliser cet exemple et de supposer que chaque secteur se caractérise par une diversité

de biens. Les bicyclettes se différencieront par exemple selon leur style, leur couleur, le confort de leur selle,

etc. De même, les caméras vidéo se différencieront selon leur qualité, leur capacité de mémoire, etc.

ú La libéralisation des échanges peut réduire le nombre de variétés produites par chaque pays,

mais les consommateurs ont accès globalement à une plus grande variété de biens.

Dans ces circonstances, le commerce permet à chaque pays de se spécialiser dans la production d'une gamme

de biens plus réduite que ce qu'il produirait en l'absence de commerce. Toutefois, globalement, les

consommateurs de chaque pays auront un choix plus vaste. En effet, le commerce met à la disposition des

consommateurs de chaque pays non seulement les variétés produites au niveau intérieur, mais aussi celles

produites dans les autres pays. Dans ce cas, les gains tirés du commerce découleront de l'accès à une plus

grande variété de biens et de services produits au niveau mondial. Les pays échangeront des variétés

différentes du même bien, ce qui donnera lieu à des échanges intrasectoriels.

ú Pas d'effet de répartition des revenus.

L'un des résultats importants de la théorie des échanges intrasectoriels est que ces échanges ont très peu

d'effets de répartition du revenu. Dans la mesure où les échanges sont intrasectoriels, le commerce ne crée

pas de problèmes sociaux liés à la répartition des revenus.

Comme les échanges intrasectoriels ont surtout lieu entre des pays similaires, il est plus facile, du point de vue

social, de libéraliser les échanges entre des pays similaires qu'entre des pays différents. En effet, les échanges

entre pays différents tiennent principalement à l'avantage comparatif et entraînent des effets de répartition des

revenus, ce qui nuit à certaines catégories. Ces catégories peuvent faire pression contre la libéralisation des

échanges.

Gains résultants d'une accélération de l'innovation et du transfert de technologie

Jusqu'à présent, nous avons examiné les gains statiques tirés du commerce, mais il existe aussi des gains

dynamiques.

Le commerce accroît l'incitation à innover en raison des effets suivants:

ú Effet concurrentiel – En premier lieu, le commerce accroît l'incitation à innover. L'innovation

est le fondement de la croissance économique. Par conséquent, en encourageant l'innovation,

le commerce peut avoir des effets positifs sur la croissance. D'où vient l'incitation à innover?

Elle est déterminée par ce qu'on appelle en économie la "menace concurrentielle", c'est-à-dire

la différence entre les profits qu'une entreprise réaliserait si elle innovait et les profits qu'elle

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réaliserait si une autre entreprise innovait en premier. Le commerce intensifie la concurrence

entre les pays, donc il accroît les pertes qu'une entreprise subit si elle n'innove pas alors que

les entreprises concurrentes innovent. La menace concurrentielle est ainsi renforcée, ainsi que

l'incitation à innover.

ú Effet d'échelle – La deuxième source d'incitation à innover est l'effet d'échelle. En élargissant

le marché, le commerce accroît les profits de l'entreprise si elle innove, c'est-à-dire qu'il accroît

l'incitation à innover et à investir dans la recherche-développement.

Le commerce favorise le transfert de technologie par divers canaux.

Un relèvement du niveau de technologie et de productivité peut aussi être dû au transfert de technologie

provenant de l'étranger. Le commerce est l'un des canaux par lesquels la technologie peut être transférée d'un

pays à l'autre.

ú Ingénierie inverse – Un exemple simple est l'ingénierie inverse. Le commerce met des produits

à la disposition d'un pays. En regardant simplement un produit, sa conception, sa technologie,

les concurrents peuvent appréhender en partie le savoir qu'il contient. Dans la mesure où ce

savoir est transféré au pays importateur, la technologie est transférée.

ú Contacts personnels – La technologie est également transférée grâce aux contacts personnels

entre importateurs et exportateurs.

ú Accroissement de l'investissement étranger direct (IED) – La technologie peut aussi être

transférée grâce à l'IED. Le commerce favorise l'apport d'investissements étrangers dans un

pays. La présence d'une entreprise étrangère plus avancée technologiquement peut non

seulement inciter les entreprises locales à mettre à niveau leurs technologies pour rester

compétitives, mais aussi contribuer directement au transfert de technologie grâce à la

formation dispensée aux employés locaux ou aux normes de qualité exigées des entreprises

locales qui fournissent des facteurs de production à l'entreprise étrangère ou distribuent ses

produits. Tout cela peut favoriser la croissance.

II.B. COÛTS  D'ʹAJUSTEMENT  

Nous avons évoqué jusqu'à présent les gains tirés du commerce, mais les gains ont aussi un coût. Nous avons

souligné que ces gains résultaient d'une redistribution des ressources en faveur des secteurs relativement plus

efficaces. La spécialisation est la source la plus importante des gains tirés du commerce. Cette redistribution

entraîne des coûts. Ces coûts, généralement désignés sous le nom de "coûts d'ajustement", sont les coûts

supportés, par exemple, par les travailleurs licenciés dans le secteur en concurrence avec les importations, qui

doivent chercher un autre emploi. Les coûts d'ajustement sont également les coûts supportés par une

entreprise qui doit investir pour s'adapter aux nouvelles conditions du marché.

Bien que ces coûts soient inévitables, puisqu'ils résultent directement de l'effet redistributif de la libéralisation

des échanges, leur niveau dépend de plusieurs caractéristiques du marché intérieur.

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Les coûts dépendent des facteurs suivants:

ú Fonctionnement du marché du crédit – Le fonctionnement du marché du crédit et celui du

marché du travail, par exemple, ont des incidences importantes sur l'ampleur des coûts

d'ajustement. Il est évident que si le marché du crédit fonctionne correctement, les travailleurs

licenciés auront moins de difficultés financières durant les périodes où ils ne perçoivent que peu

ou pas de revenus. De la même façon, les entreprises trouveront plus facilement de l'argent

pour de nouveaux investissements.

ú Fonctionnement du marché du travail – De même, le fonctionnement du marché du travail

déterminera la durée de chômage d'un travailleur qui passe d'un secteur à l'autre et cherche un

nouvel emploi: plus le marché du travail est efficace, plus la diffusion d'informations sur les

offres d'emplois le sera, plus les salaires s'adapteront facilement aux conditions du marché du

travail et plus ce marché tendra vers le plein emploi.

ú Qualité des infrastructures et des services publics – La qualité des infrastructures et des

services publics est extrêmement importante dans certains secteurs où, par exemple, le coût

des télécommunications joue un rôle important.

ú Crédibilité de la réforme et qualité des institutions – La crédibilité des réformes et la qualité des

institutions sont également importantes: plus les réformes sont crédibles, plus il est probable

que le marché réagira et répondra rapidement aux variations et plus vite il retrouvera son

équilibre.

Du fait que, dans les pays en développement, les marchés du crédit, les marchés du travail et les

infrastructures sont de moins bonne qualité que dans les pays développés, la question de l'ampleur des coûts

d'ajustement se posera sans doute davantage. C'est en raison de ces coûts d'ajustement plus élevés que les

pays en développement bénéficient de périodes de mise en œuvre plus longues dans les accords portant sur la

libéralisation multilatérale.

Rôle des gouvernements nationaux

En général, le gouvernement national dispose d'un certain nombre de mesures pour réduire au minimum ces

coûts d'ajustement.

Mesures destinées à réduire les coûts au minimum

En premier lieu, le gouvernement peut prendre des mesures pour FACILITER l'ajustement. Il peut par exemple

diffuser des informations sur les offres d'emploi et instaurer des régimes plus souples de fixation des salaires,

ou offrir des garanties de crédit durant la phase d'ajustement. Il peut en outre définir un rythme de réforme

approprié et étayer les réformes commerciales par des engagements internationaux afin de les rendre plus

crédibles.

ú Régime de promotion des exportations – Le gouvernement peut aussi utiliser des régimes de

promotion des exportations. Une promotion active des exportations peut se justifier du point

de vue économique en raison des défaillances du marché. Le processus d'ajustement consiste

généralement à déplacer des travailleurs et du capital du secteur des importations qui se réduit

vers le secteur des exportations qui se développe. Mais le développement d'une nouvelle

activité d'exportation peut exiger des investissements, et les investisseurs peuvent se trouver

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face à des risques inconnus ou difficiles à mesurer. Si les marchés financiers ne sont pas

suffisamment développés ou s'ils sont inefficaces, il peut se révéler difficile pour l'exportateur

d'obtenir un prêt ou de se couvrir contre ces risques. Dans ces circonstances, l'inefficacité du

marché du crédit constituera un obstacle à l'expansion du secteur d'exportation et au processus

d'ajustement. Il est donc fondé que le gouvernement prenne des mesures de promotion des

exportations pour faciliter le processus d'ajustement.

Mesures destinées à dédommager les perdants

ú Protection sociale – Le deuxième ensemble de mesures que le gouvernement peut mettre en

place pour favoriser le processus d'ajustement et, ce faisant, abaisser les coûts d'ajustement,

consiste à dédommager les catégories qui sont perdantes dans la libéralisation. Le

gouvernement peut identifier les personnes ou les catégories qui subissent des coûts

d'ajustement et, par exemple, leur offrir une protection sociale durant la période de transition

afin d'améliorer leur sort.

Régime fiscal redistributif approprié

Pour les pertes à long terme, le gouvernement peut mettre en place un régime fiscal redistributif approprié

permettant de compenser les pertes subies par les individus.

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III. POLITIQUE  COMMERCIALE  ET  DEVELOPPEMENT  

Jusqu'à présent, nous avons étudié pourquoi les pays font du commerce, ce qui détermine la structure des

échanges et quels sont les gains et les coûts associés à la libéralisation des échanges. Ce sont assurément des

questions intéressantes, mais il est plus intéressant encore de comprendre comment la politique commerciale

d'un pays devrait être conçue pour favoriser le développement.

Libéralisation des échanges et développement

Le développement est une notion complexe: c'est un processus dans lequel les individus, par leur travail

– investissement et commerce avec d'autres pays –, peuvent subvenir à leurs besoins fondamentaux comme

l'éducation, la santé, un niveau de vie confortable et la liberté. Pour y parvenir, ils ont besoin de forces

économiques adéquates. Le fondement de tout cela est donc un niveau de revenus suffisant. Nous avons vu

comment la libéralisation des échanges pouvait aider les pays à mieux utiliser leurs ressources par la

spécialisation et l'exploitation des économies d'échelle. Le commerce constitue également une incitation à

l'innovation et à la diffusion des technologies. Une utilisation plus efficace des ressources peut assurer un plus

haut niveau de revenu et donc un plus haut niveau de développement.

Il y a généralement une relation positive entre l'ouverture et le revenu et, globalement, les pays ouverts sur

l'extérieur et tournés vers l'exportation ont vu leurs efforts de développement couronnés de succès,

contrairement aux pays très protégés et repliés sur eux-mêmes.

Des politiques protectionnistes ont aussi été utilisées pour "favoriser" le développement

Il est cependant souvent arrivé que des politiques protectionnistes soient utilisées aussi pour favoriser le

développement. Nous allons analyser comment elles fonctionnent, quels sont les instruments de protection,

quels sont leurs effets et sur quels motifs ces politiques reposent. Nous examinerons en outre quelques-uns

des résultats concrets de ces politiques.

III.A. QUELS   SONT   LES   INSTRUMENTS   DE   POLITIQUE  COMMERCIALE?  

Droits de douane

Quels sont les instruments de politique commerciale? Le plus connu est évidemment le droit de douane. Le

droit de douane peut être spécifique ou ad valorem. Un droit spécifique est une imposition fixe appliquée à

chaque unité du produit importé, tandis qu'un droit ad valorem est une taxe en pourcentage sur la valeur du

produit importé.

Contingents

La forme la plus connue d'obstacle non tarifaire est le contingent, c'est-à-dire la quantité maximale d'un

produit qui peut être importée.

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Subventions à l'exportation

Les subventions à l'exportation sont aussi un instrument de politique commerciale car, en soutenant les

exportations, les gouvernements faussent les échanges.

Tout autre coût des échanges dû à une politique

En général, tout coût des échanges dû à une politique constitue un obstacle au commerce. Ainsi, un type

particulier de norme qui augmente les coûts de production relatifs pour les producteurs étrangers est un

obstacle au commerce. Il en est de même pour les procédures de dédouanement particulièrement longues qui

augmentent les coûts de transport. Les coûts de transport élevés dus à des comportements anticoncurrentiels

ou à la faible qualité des infrastructures peuvent aussi être considérés comme des obstacles au commerce.

Dans tous ces cas, l'analyse de l'incidence des obstacles au commerce est très similaire. Pour des raisons de

simplicité, nous examinerons dans la suite l'incidence des droits d'importation. Mais n'oubliez pas que les

mêmes observations peuvent s'appliquer à toutes les autres formes d'obstacle au commerce.

III.B. QUELLE  EST  L'ʹINCIDENCE  D'ʹUN  DROIT  D'ʹIMPORTATION?  

Limitons-nous pour des raisons de simplicité à l'incidence d'un droit d'importation sur une certaine économie et

prenons tout d'abord le cas d'un petit pays, c'est-à-dire d'un pays qui ne peut pas influencer le prix mondial du

produit importé.

Cas d'un petit pays

Supposons tout d'abord qu'il n'y ait pas de droits de douane. Dans ce cas, les consommateurs du pays paient

le prix mondial. Imaginons à présent que le gouvernement décide de percevoir un droit d'importation, par

exemple sur le riz. L'imposition d'un droit de douane augmentera le prix intérieur du produit importé. Les

personnes souhaitant consommer du riz devront alors payer le prix mondial majoré du droit de douane. Par

conséquent, les consommateurs nationaux de riz seront désavantagés, car ils devront payer davantage pour

consommer la même quantité de riz qu'auparavant.

En revanche, les producteurs nationaux de riz seront gagnants, car ils pourront vendre leur riz à un prix plus

élevé. Le gouvernement sera également gagnant, car il percevra des recettes douanières.

Globalement, dans le cas d'un petit pays, la théorie des échanges internationaux montre que le pays dans son

ensemble est perdant et que le bien-être national est réduit par l'imposition d'un droit de douane.

Cas d'un grand pays

Le cas d'un grand pays est différent. Par grand pays nous entendons ici non pas un pays de grande dimension

géographique, mais un pays dont la demande d'importation d'un certain produit est si forte qu'il peut

influencer le prix mondial de ce produit.

Que se passe-t-il si un grand pays impose un droit de douane à l'importation d'un produit, par exemple le riz?

Comme dans le cas d'un petit pays, le prix intérieur du riz augmentera. Cette augmentation aura pour effet de

diminuer la demande de riz importé. Mais, dans le cas d'un grand pays, la diminution de la demande

d'importation entraînera une baisse du prix mondial du riz.

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Autrement dit, en imposant un droit de douane sur un produit importé, un grand pays peut influencer le prix de

ce produit à son avantage! Les économistes appellent cela le "gain à l'échange". Ce gain découle précisément

de la capacité du pays d'influencer le prix mondial du produit importé. C'est en raison de la possibilité d'un

gain à l'échange que, dans le cas d'un grand pays, l'incidence de l'imposition d'un droit de douane sur le

bien-être national est ambiguë, c'est-à-dire qu'elle peut être positive ou négative. Ce qu'il importe de

souligner à ce stade, c'est qu'il n'y a d'effets sur les termes de l'échange que dans le cas d'un grand pays.

Dans le cas d'un petit pays, l'imposition d'un droit de douane réduit sans ambiguïté le bien-être!

III.C. POURQUOI   LES   GOUVERNEMENTS   IMPOSENT-­‐‑ILS   DES  DROITS  D'ʹIMPORTATION?  

La théorie des échanges internationaux affirme clairement les avantages du libre-échange et souligne les

pertes d'efficacité dues à l'imposition d'un droit de douane. En réalité, très peu de pays ont choisi le

libre-échange total. L'une des exceptions est probablement Hong Kong. Il y a diverses raisons à cela.

Justification du point de vue de l'économie politique

C'est souvent une question d'économie politique. Dire que l'imposition d'un droit de douane se justifie du point

de vue de l'économie politique signifie que les politiques protectionnistes sont la conséquence des pressions

exercées par les industries des secteurs en concurrence avec les importations, qui souhaitent être protégées de

la concurrence du reste du monde.

Il y a aussi quelques arguments théoriques qui peuvent justifier le recours à la protection du point de vue du

bien-être national.

Arguments économiques en faveur de la protection

1. Argument des termes de l'échange

Le premier argument que nous examinerons est celui des termes de l'échange, selon lequel il y a un niveau

optimal de droit de douane auquel le bien-être national est maximisé.

2. Argument des industries naissantes

Le deuxième argument que nous examinerons est celui des industries naissantes. Selon cette théorie, il y a

des circonstances dans lesquelles une industrie peut avoir besoin d'une protection temporaire pour que le pays

développe un avantage comparatif dans ce secteur.

3. Politique commerciale stratégique

Le troisième argument en faveur de la protection est celui de la politique commerciale stratégique. Il peut y

avoir des circonstances dans lesquelles une subvention accordée à une entreprise nationale peut décourager

les entreprises étrangères de pénétrer sur le marché et de concurrencer cette entreprise. Dans ce cas,

l'entreprise nationale réalisera des profits monopolistiques, et le pays pourra y gagner dans l'ensemble.

4. Autres arguments

Les autres arguments en faveur de la protection s'appuient sur le fait que le droit de douane est un instrument

de recette fiscale ou qu'il permet de redistribuer les revenus du secteur d'exportation vers le secteur protégé.

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Examinons à présent chacun de ces arguments.

III.C.1.  ARGUMENT  DES  TERMES  DE  L'ʹECHANGE  

Théorie

L'argument des termes de l'échange découle directement de l'analyse des coûts et avantages de l'imposition

d'un droit de douane. Nous avons vu précédemment que quand un grand pays instaure un droit de douane, il

peut y avoir des effets positifs sur les termes de l'échange. Le droit de douane diminue la demande

d'importation, ce qui fait baisser le prix mondial du produit importé. La théorie économique montre qu'il y a un

taux de droit optimal qui est positif et auquel les gains à l'échange doivent compenser les effets de distorsion

entraînés par l'imposition du droit de douane.

MAIS

Bien qu'il soit théoriquement valable, cet argument présente de très sérieuses limites lorsqu'il est appliqué

concrètement à l'élaboration des politiques. Premièrement, il n'est valable que dans le cas des grands pays.

Les petits pays ne sont pas en mesure d'influencer les prix étrangers, de sorte qu'ils ne peuvent bénéficier de

gains à l'échange.

Deuxièmement, même dans le cas d'un grand pays, une politique commerciale reposant sur des gains à

l'échange est une politique du chacun pour soi. En effet, les gains réalisés par un grand pays se font au prix de

pertes de bien-être dans les pays exportateurs, qui percevront des prix inférieurs pour leurs exportations. Les

mesures de rétorsion prises par les pays exportateurs risquent alors de déclencher une guerre commerciale qui

mettra à mal tous les pays.

III.C.2.  ARGUMENT  DES  INDUSTRIES  NAISSANTES  

L'argument des industries naissantes repose sur le fait qu'un pays peut avoir besoin d'une protection

temporaire pour développer un avantage comparatif dans un secteur particulier lorsque le marché est

défaillant. Il peut y avoir par exemple des inefficacités sur le marché financier, de sorte qu'un entrepreneur

souhaitant créer une nouvelle activité ne trouvera pas le financement nécessaire, même si cette activité est

rentable. Les inefficacités des marchés financiers dans les pays en développement, par exemple, peuvent

empêcher le déplacement de ressources des secteurs agricoles traditionnels vers les nouveaux secteurs

manufacturiers. Les raisons peuvent être simples: les banques sont trop petites, leurs portefeuilles ne sont

pas suffisamment diversifiés ou elles manquent d'informations, de sorte qu'elles ne peuvent gérer le risque lié

à un investissement dans un nouveau secteur.

Résultats concrets

Après la seconde guerre mondiale, de nombreux pays en développement ont adopté des stratégies de

remplacement des importations pour tenter de développer leur secteur manufacturier. Dans la grande

majorité d'entre eux, on a constaté que, bien que le secteur protégé se soit effectivement développé, la

protection avait stagné pendant une longue période et le secteur continuait d'avoir besoin de l'intervention de

l'État pour rester sur le marché. Autrement dit, les stratégies de remplacement des importations n'ont pas

entraîné le développement d'une industrie compétitive capable à terme de soutenir la concurrence sur le

marché international. C'est-à-dire qu'elles n'ont pas permis le développement des avantages comparatifs

qu'elles étaient censées développer. L'un des constats qui militent vigoureusement à l'encontre de la

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protection des industries naissantes est qu'il est très difficile pour les gouvernements d'identifier les industries

susceptibles d'offrir un avantage comparatif!

III.C.3.  ARGUMENT  DE  LA  POLITIQUE  COMMERCIALE  STRATÉGIQUE  

Examinons à présent l'argument de la politique commerciale stratégique.

Certains marchés peuvent se caractériser par une concurrence imparfaite, de sorte qu'il n'y a que

quelques grands opérateurs qui réalisent des profits excessifs

Certains marchés se caractérisent par une concurrence imparfaite. Il peut arriver qu'en raison de coûts fixes

élevés, seules quelques entreprises parviennent à survivre, et elles réalisent des profits supérieurs à la

normale. Certains pays peuvent décider d'entrer en concurrence pour s'emparer de ces profits excessifs.

Prenons par exemple le cas du secteur des transports aériens. Il se peut que, sur certaines routes, seule une

compagnie puisse survivre: s'il y en a deux sur le marché (une compagnie nationale et une étrangère, par

exemple), elles subiront toutes deux des pertes; mais si l'une des deux survit, elle réalisera des profits

monopolistiques.

Une subvention versée par l'État à une entreprise nationale peut décourager une entreprise

étrangère et augmenter les profits de l'entreprise nationale d'un montant supérieur à la subvention

Dans ces circonstances, si le gouvernement d'un pays accorde à la compagnie aérienne nationale une

subvention suffisamment élevée, il peut l'inciter à entrer sur le marché indépendamment du fait que la

compagnie étrangère y entre ou non. En revanche, la compagnie étrangère, qui se heurtera à la concurrence

d'une compagnie subventionnée, décidera de ne pas entrer sur le marché car, si elle y entrait, elle subirait

certainement des pertes.

Finalement, seule la compagnie subventionnée restera sur le marché, et elle réalisera des profits

monopolistiques. Dans la mesure où ces profits sont supérieurs à la subvention accordée par l'État, le

bien-être global du pays qui subventionne son industrie nationale augmentera.

Cette politique est-elle souhaitable?

À première vue, cela peut sembler une excellente idée, dans ces circonstances, de protéger l'industrie

nationale et de détourner les profits étrangers. Mais la question de savoir si une telle politique est souhaitable

dépend de plusieurs conditions. Premièrement, il faut que la subvention soit suffisamment élevée pour

décourager effectivement l'entreprise étrangère d'entrer sur le marché. Si elle ne l'est pas et si les deux

compagnies entrent sur le marché, les profits détournés par l'entreprise nationale risquent d'être inférieurs à la

subvention, et le pays y perdra.

De plus, une politique commerciale stratégique est une politique du chacun pour soi, car elle repose sur

l'hypothèse du détournement de profits étrangers. Elle s'expose donc à des mesures de rétorsion et risque de

déclencher une guerre commerciale dont tout le monde fera les frais.

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III.C.4.  AUTRES  ARGUMENTS  EN  FAVEUR  DE  LA  PROTECTION  

Argument des recettes fiscales

Parmi les autres arguments en faveur de la protection, il y a celui des recettes fiscales. Dans de nombreux

pays, notamment les pays en développement, les impôts sur le revenu ou les bénéfices sont difficiles à

recouvrer, contrairement aux droits de douane: les produits importés doivent franchir une frontière, de sorte

qu'il est plus difficile de les dissimuler. Les pays en développement notamment ont souvent invoqué cet

argument pour maintenir des droits de douane élevés. Or, on constate que, dans de nombreux pays, la

simplification du régime fiscal et tarifaire a entraîné une hausse des recettes fiscales globales, même lorsqu'elle

s'accompagnait d'une réduction du taux de droit moyen. En effet, un régime simplifié est plus facile à

contrôler, plus facile à comprendre et donc moins sujet à la fraude.

Répartition des revenus

Enfin, certains pays utilisent la protection comme moyen de redistribuer les revenus. Nous avons dit que la

libéralisation redistribuait les revenus. La libéralisation des échanges accroît le rendement du facteur

relativement abondant et réduit celui du facteur peu abondant. Le maintien d'une protection est donc un

moyen d'éviter ces ajustements. C'est évidemment exact. Mais la politique commerciale n'est pas le seul

instrument permettant une redistribution. Et les économistes font valoir qu'il est plus efficace d'utiliser la

politique fiscale que la politique commerciale pour atteindre des objectifs de redistribution.

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IV. NECESSITE  D'ʹUN  ENGAGEMENT  MULTILATERAL  

IV.A. Y  A-­‐‑T-­‐‑IL  UNE  RAISON  DE  S'ʹENGAGER  À  L'ʹÉGARD  DE  LA  LIBÉRALISATION  MULTILATÉRALE?  

La libéralisation des échanges entraîne des gains, même lorsqu'elle est unilatérale. Pourtant,

historiquement, elle s'est réalisée grâce à des négociations internationales

Il est intéressant de noter qu'historiquement les droits de douane n'ont pas diminué à la suite de décisions

unilatérales prises par différents pays individuellement, mais à l'issue de plusieurs cycles de négociations

internationales. Or, si les pays peuvent tirer des gains du commerce en procédant à une libéralisation

unilatérale, pourquoi engagent-ils des négociations internationales et libéralisent-ils les échanges dans un

contexte d'engagements multilatéraux?

Raisons théoriques de coordonner la libéralisation avec d'autres

Il y a au moins trois raisons pour lesquelles il est plus facile de supprimer des droits de douane à un niveau

multilatéral.

1. L'échange réciproque de possibilités d'accès aux marchés permet aux gouvernements de mobiliser les

groupes de pression favorables à l'exportation pour contrebalancer les groupes de pression en concurrence

avec les importations

Nous avons vu que lorsqu'un pays libéralise son commerce, certaines personnes y gagnent et d'autres y

perdent. En particulier, l'ouverture des échanges avantagera vraisemblablement le secteur exportateur et

désavantagera le secteur en concurrence avec les importations. Si un pays procède à une libéralisation

unilatérale, il subira probablement des pressions du secteur en concurrence avec les importations, qui se

mobilisera et militera contre la libéralisation. En revanche, s'il est en mesure de négocier une libéralisation

internationale, il pourra contrecarrer l'action des groupes de pression du secteur en concurrence avec les

importations en mobilisant les groupes de pression d'exportateurs. Du point de vue de l'économie politique, il

est beaucoup plus facile pour un pays de réduire ses droits de douane si ses partenaires commerciaux font de

même.

2. Les engagements internationaux évitent les restrictions commerciales appliquées à titre de représailles

Une autre raison importante pour laquelle il est plus facile de réduire les droits de douane au niveau

multilatéral est que le fait de coordonner la libéralisation avec d'autres pays permet d'éviter des guerres

commerciales. Si chaque pays détermine sa politique commerciale de manière indépendante, la politique

optimale pour un grand pays sera de fixer le "droit de douane optimal". Comme il s'agit d'une politique du

chacun pour soi, elle s'exposera à des mesures de rétorsion de la part des autres pays. Pour éviter les

restrictions commerciales appliquées à titre de représailles, la meilleure solution est de coopérer à la

libéralisation des échanges.

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3. Les engagements internationaux renforcent la crédibilité des politiques commerciales et évitent les

problèmes de décalage dans le temps

La troisième raison importante d'appuyer une politique commerciale sur un engagement multilatéral est que

cet engagement renforce la crédibilité de la politique commerciale et aide à éviter les problèmes de décalage

dans le temps.

IV.A.1.  DECALAGE  DANS  LE  TEMPS  

Expliquons au moyen d'un exemple ce que signifie le décalage dans le temps.

Exemple: l'interaction avec le secteur financier

Supposons qu'un pays souhaite libéraliser son secteur financier. Supposons également que les banques

nationales soient inefficaces et aient accumulé des créances douteuses. Elles se trouvent donc dans une

situation très critique. Supposons qu'à un certain moment, le gouvernement annonce qu'il ouvrira le secteur

financier à la concurrence étrangère dans un délai d'un an. Que feront les banques? Il y a deux possibilités:

si les banques nationales croient à cette annonce, elles commenceront à ajuster leurs créances douteuses et

s'efforceront d'une manière ou d'une autre de devenir plus efficaces. Mais, si elles ne croient pas à cette

annonce, elles ne s'adapteront pas. Dans ce cas, au bout d'un an, si le gouvernement libéralise effectivement

le secteur financier, il y aura une crise financière dans le pays. Par conséquent, si les banques ne s'adaptent

pas après l'annonce, il est probable que le gouvernement n'appliquera pas la politique prévue.

Le décalage dans le temps se produit lorsque la politique annoncée au moment 2 n'est plus une

politique optimale au moment 4. Conscientes des problèmes de décalage dans le temps, les

banques décideront de ne pas s'adapter.

Le décalage dans le temps se produit lorsque la politique annoncée à un certain moment n'est plus une

politique optimale au moment où elle devrait être appliquée. Conscientes des problèmes de décalage dans le

temps, les banques décideront de ne pas s'adapter après l'annonce faite par le gouvernement. En

conséquence, lorsque le moment d'appliquer la politique arrivera, le gouvernement sera contraint de ne pas

libéraliser, sans quoi il risquerait de plonger le secteur financier dans une crise totale.

Les engagements internationaux résolvent les problèmes de décalage dans le temps

Les problèmes de décalage dans le temps peuvent être résolus grâce à des engagements internationaux.

Les engagements internationaux rendent crédible l'annonce par le gouvernement qu'il libéralisera le secteur

financier, et les banques s'adapteront.

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IV.A.2.  AUTRES   RAISONS   EN   FAVEUR   DE   LA   LIBERALISATION  MULTILATERALE  

D'autres raisons militent en faveur de la libéralisation multilatérale. L'une d'elles est d'éviter le risque de

détournements d'échanges dus à la conclusion d'accords commerciaux régionaux.

Absence d'effets de détournement des échanges dus aux accords commerciaux régionaux

Les politiques que nous avons décrites jusqu'à présent sont des politiques non discriminatoires. Cela signifie

que si deux pays décident de réduire leurs droits de douane à titre réciproque, ils appliqueront également ces

droits inférieurs au reste du monde. Mais il peut arriver que des pays réduisent leurs droits de douane de

manière préférentielle. C'est-à-dire qu'un ensemble de pays libéralise son commerce intrarégional, tout en

maintenant ses obstacles à l'égard du reste du monde. À première vue, cela peut sembler une bonne

politique. Nous avons dit que la libéralisation unilatérale était bonne. Nous avons dit que la libéralisation

multilatérale était bonne, donc on peut penser que la libéralisation préférentielle devrait également être bonne.

Toutefois, lorsque des pays libéralisent leur commerce de manière préférentielle, ils risquent de subir les

conséquences de ce que les économistes appellent le "détournement des échanges". Il y a détournement

d'échanges lorsque les importations provenant d'un partenaire commercial au sein de l'accord régional

remplacent les importations provenant du reste du monde, alors que ce partenaire n'est pas le producteur le

plus efficace du bien au niveau mondial. Le détournement des échanges a des effets négatifs évidents sur les

pays exportateurs qui n'appartiennent pas à la zone préférentielle. Quelles sont les conséquences pour le pays

importateur membre de la zone préférentielle? D'un côté, les consommateurs y gagnent, car ils paient moins

cher le bien importé du partenaire régional, puisqu'il n'y a plus de droits d'importation. De l'autre, le

gouvernement perd des recettes tarifaires. Comme le partenaire commercial n'est pas le producteur le plus

efficace du bien, cette perte peut être supérieure au gain des consommateurs. Autrement dit, le détournement

des échanges peut aussi avoir des effets négatifs sur le bien-être des partenaires de l'accord préférentiel.

Transparence et prévisibilité

Un autre avantage de la libéralisation dans le cadre d'un accord international est qu'elle améliore la

transparence et la prévisibilité des conditions d'échange des biens et des services. Elle réduit par exemple le

coût de l'information relative aux taux de droit appliqué à un produit par un pays à un autre et met tous les

pays sur un pied d'égalité.

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V. CONCLUSIONS  

Résumons brièvement pour conclure les résultats de cette présentation. Je pense qu'elle contient quatre

grands messages.

La théorie des échanges internationaux tend à montrer que le régime optimal de politique

commerciale est celui du libre-échange ou un régime dans lequel la protection est faible et égale.

Le premier message est que le régime optimal de politique commerciale est celui du libre-échange ou un

régime dans lequel la protection est faible et égale. Nous avons dit et montré qu'un régime de protection

faible ne peut se justifier que dans le cas d'un grand pays.

Malgré les diverses raisons invoquées pour expliquer que certains pays doivent se démarquer de

cette prescription (protection des industries naissantes ou politique commerciale stratégique), il

est rare de constater que ces politiques donnent de meilleurs résultats économiques.

Le deuxième enseignement important est que, malgré les diverses raisons invoquées pour expliquer que

certains pays doivent se démarquer de cette prescription (argument des industries naissantes ou de la

politique commerciale stratégique), il est rare de constater que ces politiques donnent de meilleurs résultats

économiques. Nous avons vu au contraire qu'en général les secteurs qui ont été protégés au début de leur

développement ont continué de l'être et ne se sont jamais développés pour devenir des secteurs compétitifs.

La libéralisation unilatérale est bonne, mais la libéralisation multilatérale entraîne des gains plus

élevés

Un enseignement très important est que, bien que la libéralisation unilatérale soit bonne, la libéralisation

multilatérale non seulement entraîne des gains plus élevés, mais est aussi politiquement plus durable et plus

crédible.

La politique commerciale n'est qu'un élément du tableau beaucoup plus vaste de la croissance et du

développement

Enfin, le quatrième enseignement est que le commerce n'est qu'un élément du tableau de la croissance et du

développement. La libéralisation des échanges risque de ne pas avoir les effets escomptés si les marchés ne

fonctionnent pas bien ou si les institutions sont faibles.

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Questions  fréquemment  posées  

Question n° 1: Pourquoi les pays font-ils du commerce?

Réponse:

Les pays font du commerce parce qu'ils sont différents. Ils ont des technologies différentes ou des quantités

différentes de ressources en capital et en main-d'œuvre. Ou bien ils font du commerce parce qu'ils produisent

des variétés différentes du même bien. Dans le premier cas, le commerce génère des gains parce qu'il permet

aux pays de se spécialiser dans la production du bien qu'ils peuvent produire de manière relativement plus

efficace ou qui utilise intensivement le facteur dont ils sont dotés en plus grande quantité.

Dans le second cas, le commerce génère des gains parce que les individus aiment la variété et que le

commerce donne accès à différentes variétés de biens produits dans le monde entier. En élargissant la gamme

des produits auxquels les consommateurs ont accès et qu'ils peuvent acheter, le commerce améliore leur

bien-être.

Question n° 2: L'un des principaux résultats de la théorie des échanges internationaux est que le commerce

est avantageux pour tous les pays – pourquoi?

Réponse:

Examinons, pour des raisons de simplicité, le cas de pays qui ont des niveaux technologiques différents. La

théorie des échanges internationaux nous dit que le commerce permet aux pays de se spécialiser dans la

production du bien qu'ils peuvent produire de manière relativement plus efficace. Lorsque des pays

concentrent leurs ressources sur la production de ce bien, la production mondiale augmente, et les

consommateurs peuvent acquérir plus de biens qu'en l'absence de commerce.

Question n° 3: Qu'est-ce qui détermine la structure des échanges?

Réponse:

Lorsque les partenaires commerciaux sont différents, chaque pays exporte le produit pour lequel il a un

avantage comparatif. Ainsi, dans le cas où les pays ont des niveaux technologiques différents, chacun

exportera le produit qu'il peut produire de manière relativement plus efficace.

Lorsque le commerce a lieu entre des pays similaires, ces pays ont tendance à échanger des variétés

différentes du même produit. Dans ce cas, la théorie des échanges internationaux ne peut rien nous dire sur la

structure des échanges. La structure des échanges est aléatoire. La seule chose que la théorie des échanges

internationaux peut prévoir, c'est le volume des échanges entre les pays.

Question n° 4: Un pays peut-il avoir un avantage comparatif pour tous les produits?

Réponse:

Un pays peut avoir un avantage absolu pour tous les produits. C'est-à-dire qu'il peut avoir un niveau

technologique plus élevé pour la production de chaque produit sur le marché. Mais il ne peut avoir un

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avantage comparatif pour tous les produits. Il y aura toujours un produit pour lequel son partenaire

commercial aura un avantage comparatif.

Question n° 5: Le fait que le commerce est mutuellement avantageux signifie-t-il que tous les habitants de

chaque pays sont mieux lotis?

Réponse:

Non. L'un des enseignements importants de la théorie des échanges internationaux est que le commerce

international, même s'il est avantageux pour l'ensemble du pays, a des effets de répartition des revenus. Cela

veut dire que certaines catégories y gagneront, tandis que d'autres risquent de pâtir de la libéralisation des

échanges. Il peut notamment y avoir des pertes pour la main-d'œuvre et le capital employés dans le secteur

en concurrence avec les importations, alors que ceux employés dans le secteur en concurrence avec les

exportations enregistreront des gains.

Question n° 6: Quelles politiques un gouvernement peut-il mettre en œuvre pour résoudre les problèmes

d'ajustement liés à la libéralisation des échanges?

Réponse:

La réorientation du secteur en concurrence avec les importations vers le secteur exportateur entraîne des

coûts. Ces coûts sont dus, par exemple, au fait que les travailleurs doivent chercher un nouvel emploi dans un

secteur différent. Outre les coûts de recherche d'un emploi, il peut y avoir des coûts liés au fait que les

travailleurs auront besoin d'une formation pour pouvoir travailler dans une entreprise d'un autre secteur. Le

gouvernement peut intervenir à cette occasion en facilitant ce processus d'ajustement.

Il peut, par exemple, diffuser des informations sur les offres d'emplois, ce qui réduit les coûts de recherche. Il

peut fournir des crédits qui permettront aux travailleurs démunis ayant besoin de temps pour trouver un autre

emploi d'emprunter entretemps de l'argent à une banque. Il peut contribuer à la formation. Il peut aussi

définir un rythme approprié de réforme. Il peut mettre en œuvre les réformes de façon progressive, afin qu'un

petit nombre de travailleurs qui cherchent un emploi différent entrent sur le marché à chaque phase de la mise

en œuvre, ce qui limite les conséquences sociales défavorables. Il peut aussi mettre en place des régimes de

promotion des exportations, qui permettront une expansion plus rapide du secteur exportateur et faciliteront

l'ajustement.

Comme autre solution, le gouvernement peut prendre des mesures pour dédommager les perdants de la

libéralisation des échanges. Pour cela, il peut offrir, durant les périodes de transition, une protection sociale

aux travailleurs qui ont perdu leur emploi, ou mettre en place un régime fiscal approprié de redistribution, qui

compensera les pertes à long terme.

Enfin, le processus d'ajustement peut être facilité si les réformes commerciales s'appuient sur des

engagements internationaux. En effet, en prenant des engagements au niveau international, le gouvernement

rend les réformes plus crédibles, ce qui peut déclencher le processus d'ajustement avant même la mise en

œuvre des réformes.

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Question n° 7: Quels sont les effets d'un droit de douane?

Réponse:

L'imposition d'un droit de douane augmente le prix intérieur du produit importé. En conséquence, la demande

des consommateurs pour ce produit diminuera dans le pays, et les importations baisseront. Il y a alors deux

possibilités: la première est que la diminution de la demande du produit importé fera baisser le prix mondial

de ce produit. C'est ce qui se produit dans le cas d'un grand pays, lorsqu'il réalise ce qu'on appelle des gains à

l'échange.

Le second cas est celui d'un petit pays où, malgré la diminution de la demande du produit importé, le prix

mondial reste fixe, auquel cas il n'y a pas de gains à l'échange.

La différence entre ces deux cas est très importante car, lorsqu'un pays peut réaliser des gains à l'échange, la

théorie des échanges montre que, pour un niveau suffisamment bas de droit de douane, l'imposition d'un droit

peut augmenter le bien-être global du pays. En revanche, dans le cas d'un PETIT pays, c'est-à-dire un pays

qui n'est pas en mesure d'influencer le prix mondial par une variation de sa demande d'importation, il n'y a

aucune chance que le droit de douane augmente le bien-être par des gains à l'échange. Dans ce cas,

l'imposition d'un droit de douane entraîne incontestablement une perte. Cette perte est due au fait que la

hausse du prix intérieur réduit le bien-être des consommateurs, car ils devront payer plus pour acquérir la

même quantité du produit qu'ils préfèrent.

Question n° 8: Quels sont les risques liés à l'adoption d'un "droit de douane optimal"?

Réponse:

Un pays peut justifier sa politique protectionniste pour des motifs de gains à l'échange. La théorie du droit de

douane optimal dit qu'il y a un faible niveau de droit de douane auquel le bien-être d'un pays peut être

maximisé. C'est-à-dire qu'il y a un droit de douane optimal pour lequel les gains à l'échange compensent les

pertes. Mais cette politique soulève plusieurs problèmes. Premièrement, il importe de définir exactement ce

qu'est un niveau de droit suffisamment faible. Et cela n'est pas très facile à déterminer du point de vue

empirique.

Deuxièmement, il importe de comprendre que cet argument n'est valable que pour un grand pays. Par grand

pays il faut entendre non pas un pays de grande dimension, mais un pays en mesure d'influencer le prix

mondial du produit sur lequel il impose le droit de douane. Il y a aussi un autre problème, plus sérieux, à

savoir que l'argument de la protection justifiée par les termes de l'échange est une politique du chacun pour

soi. En imposant un droit de douane, un pays gagne à l'échange, mais le reste du monde y perd. Cette

politique risque donc de donner lieu à des mesures de rétorsion, ce qui peut déclencher une guerre

commerciale dans laquelle tout le monde sera perdant.

Question n° 9: Qu'entend-on par argument des industries naissantes?

Réponse:

De nombreux pays ont utilisé l'argument des industries naissantes pour protéger leur secteur manufacturier.

Cet argument est que le pays peut avoir un avantage comparatif potentiel dans le secteur manufacturier, par

exemple, mais que l'industrie est trop jeune et trop peu développée pour soutenir la concurrence au niveau

international. Une protection "temporaire" est donc accordée à l'industrie pour lui permettre de se développer,

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de telle sorte que son avantage comparatif se renforcera à mesure que son niveau technologique s'améliorera

et que le pays pourra finalement s'ouvrir à la concurrence internationale.

La raison pour laquelle le secteur manufacturier ne se développe pas naturellement, ou plutôt la raison pour

laquelle l'industrie est "naissante", est une défaillance du marché. Il y a par exemple une inefficacité sur le

marché financier qui empêche les forces naturelles du marché de fonctionner.

Bien qu'elle soit à première vue raisonnable, cette théorie n'est pas sans inconvénient. Premièrement, il est

difficile pour le gouvernement de déterminer quelle industrie a un avantage comparatif potentiel. Si, par

exemple, l'inefficacité du marché financier ne permet pas aux banques d'accorder des financements aux

secteurs qui offrent un potentiel de croissance, il est tout aussi difficile pour le gouvernement de déterminer le

secteur qui présente le plus gros potentiel de croissance. Au cours du temps, différents secteurs démontrent

des potentiels de croissance différents, et il n'est pas nécessairement vrai, du point de vue du développement,

que le fait de cibler des secteurs offrant une valeur ajoutée supérieure soit avantageux. Un secteur offrant une

valeur ajoutée supérieure peut représenter une proportion très faible de la production nationale, et sa

croissance n'apportera pas nécessairement grand-chose au développement du pays, alors que la croissance

(même faible) d'un secteur qui représente une proportion plus élevée de la production nationale pourra avoir

un effet important sur le développement.

Un autre point à souligner est que les politiques de remplacement des importations ne sont pas le moyen le

plus efficace de remédier à une défaillance du marché. Pour reprendre l'exemple ci-dessus, si la raison pour

laquelle une industrie ne se développe pas est une inefficacité du marché financier, il vaudra mieux remédier

directement à ce problème que d'appliquer une politique commerciale qui protège le secteur manufacturier.

Question n° 10: Quelle est l'efficacité concrète des politiques en faveur des industries naissantes?

Réponse:

Dans de nombreux pays, on constate que les industries qui ont été protégées contre la concurrence des

importations se sont effectivement développées, mais qu'elles n'ont jamais été compétitives sur le marché

international. Le pays n'a pas développé d'avantage comparatif dans le secteur protégé, et les entreprises de

ce secteur ont continué à demander l'intervention de l'État pour rester sur le marché.

Question n° 11: Est-il souhaitable d'aider une industrie à l'emporter sur la concurrence étrangère?

Réponse:

Les gouvernements peuvent être incités à subventionner certaines industries pour des considérations

stratégiques. Dans un secteur caractérisé par un petit nombre de grands opérateurs, il se peut qu'une

subvention donne un avantage compétitif stratégique à l'entreprise nationale, éliminant ainsi le concurrent

étranger du marché, de sorte que l'entreprise nationale réalisera des profits supérieurs au montant de la

subvention. Ces profits supplémentaires peuvent compenser le coût de la subvention pour le pays.

Dans la réalité cependant, il peut être très risqué et difficile de mettre en œuvre une telle politique.

Premièrement, il importe que la subvention décourage effectivement les entreprises étrangères d'entrer sur le

marché. Si ce n'est pas le cas, les profits supplémentaires de l'entreprise subventionnée risquent de ne pas

être suffisants pour compenser le coût de la subvention.

Deuxièmement, même dans le cas où les entreprises étrangères sont effectivement éliminées du marché par

l'entreprise subventionnée, il faut que les profits supplémentaires de cette entreprise soient supérieurs à la

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subvention pour que la politique stratégique augmente le bien-être. Pour pouvoir faire ce calcul à l'avance, il

faut de nombreuses informations qui sont difficiles à obtenir et sujettes à des incertitudes.

Enfin, les politiques commerciales stratégiques nuisent aux pays étrangers, qui risquent alors d'appliquer des

mesures de rétorsion, auquel cas le pays qui applique la politique et les pays étrangers en subiront tous deux

les conséquences.

Question n° 12: Pourquoi les pays inscrivent-ils leur politique commerciale dans des engagements de

libéralisation multilatérale? En d'autres termes, pourquoi accèdent-ils à l'OMC?

Réponse:

L'inscription de la politique commerciale nationale dans des engagements internationaux offre plusieurs

avantages. Premièrement, les engagements internationaux rendent la politique commerciale plus crédible, ce

qui évite des problèmes tels que le décalage dans le temps, qui fait qu'une politique commerciale annoncée à

un certain moment ne déclenche pas les ajustements nécessaires pour qu'elle soit également optimale au

moment de sa mise en œuvre. Si, par exemple, le gouvernement d'un pays où les banques sont très

endettées annonce qu'il libéralisera le secteur financier et si les banques ne liquident pas leurs créances

douteuses, le secteur financier risquera la crise au moment de la mise en œuvre de cette politique. Il est donc

très probable que le gouvernement n'appliquera pas cette politique.

La deuxième raison de libéraliser au niveau multilatéral est une raison d'économie politique. Lorsqu'un pays

libéralise son commerce au niveau multilatéral, il réduit ses droits d'importation tout en ayant un accès plus

ouvert aux marchés des autres pays. Ainsi, au niveau intérieur, le gouvernement peut contrebalancer les

pressions exercées à l'encontre de la libéralisation par le secteur en concurrence avec les importations en

mobilisant les groupes de pression favorables aux exportations, qui bénéficieront de l'accès plus large aux

marchés étrangers.

Troisièmement, les engagements internationaux évitent les restrictions commerciales appliquées à titre de

représailles, qui nuisent à tous les pays. Si les (grands) pays ne coordonnaient pas leur libéralisation, ils

choisiraient d'appliquer le droit de douane optimal et, ce faisant, s'infligeraient mutuellement des pertes à

l'échange. Il s'ensuivrait un préjudice à l'échelle mondiale. La coordination pousse les pays sur la voie du

libre-échange, ce qui leur procure des gains à tous.

Question n° 13: Nous avons dit que la libéralisation unilatérale était bonne. Nous avons dit aussi que la

libéralisation multilatérale pouvait être encore meilleure. Cela veut-il dire que l'adhésion à un accord

commercial préférentiel améliorera systématiquement la situation d'un pays?

Réponse:

Supposons que le monde soit composé de trois pays, A, B et C. Supposons que le pays A signe un accord de

libre-échange avec le pays B et réduise ainsi son droit d'importation sur les textiles en provenance du pays B.

Supposons maintenant que le pays B ne soit pas le producteur de textiles le plus efficace et que le pays C le

soit. Avant la création de la zone de libre-échange, le pays A importait ses textiles du pays C. Après la

conclusion de l'ALE, le pays B sera en mesure d'exporter des textiles vers le pays A à un prix plus bas que le

pays C, bien qu'il ne soit pas le producteur le plus efficace.

Il est clair que l'ALE entre le pays A et le pays B causera des pertes au pays C, car des échanges seront

détournés du pays C vers le pays B, et le pays C n'exportera plus de textiles vers le pays A.

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Cet ALE procurera-t-il un gain sans ambiguïté au pays A? La réponse n'est pas évidente. D'un côté, en raison

de la réduction du droit d'importation, les consommateurs de textiles du pays A y gagneront, car ils paieront

leurs textiles moins cher. De l'autre, les recettes tarifaires du gouvernement diminueront, car le pays

importera désormais des textiles du pays B en franchise de droit. Les effets globaux de la libéralisation des

échanges à titre préférentiel avec le pays B sont ambigus. La théorie économique montre en particulier que le

pays A risquera d'autant plus d'y perdre que l'écart d'efficacité entre le pays B et le pays C dans la production

de textiles sera grand et que le droit de douane à l'égard du pays C sera élevé.

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