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L’option « Handicapés sociaux » du CAEI (1966-1984) : une option oubliée de l’enseignement spécialisé, entre social et scolaire Lydie HEURDIER Docteur en sciences de l'éducation, Laboratoire CIRCEFT-ESCOL, université Paris 8 Résumé : De 1966 à 1984 a existé dans l’Éducation nationale une catégorie de l’enseignement spécialisé intitulée « handicapés sociaux », aujourd’hui totalement oubliée. Créée pendant la phase d’expansion de ce secteur, au moment de la prolongation de la scolarité jusqu’à 16 ans, elle donne une nouvelle visibilité à un public pris, en partie, en charge antérieurement : les « cas sociaux ». Difficile à définir comme à dénombrer, critiquée car trop floue et relative, elle a connu néanmoins des évolutions, tant dans le mode de prise en charge avec une diminution sensible de l’internat, que dans le profil même des enfants concernés. Ainsi, dans le contexte des années 1970 où la théorie du handicap socio-culturel est prégnante, la scolarisation des enfants d’immigrés devient un problème social. Pour une part, ce public est alors pris en charge par les instituteurs spécialisés formés au centre national de Suresnes dans l’option « handicapés sociaux ». Summary: From 1966 to 1984 a category of specialized education called “social disabilities”, now completely forgotten, existed in the French Education. Created during the expansion phase of the sector, at the time when schooling was extended to the age of 16, it gives new visibility to a population previously partly supported: "socially disadvantaged persons". Difficult to define as well as to count, criticized because too vague and relative, this category nevertheless experienced changes both in the way of support with a significant decrease in boarding schools, and in the very profile of the children concerned. For instance, in the context of the 1970’s when the theory of socio-cultural handicap is strong, providing education for children of immigrants becomes a social problem. This population is then partly supported by specialized teachers trained at the national center in Suresnes in the option "social disabilities". Mots-clés : éducation des jeunes à besoins éducatifs particuliers – enseignement spécial séparé – enseignant spécialiste – formation des enseignants – handicap – personne présentant un handicap – environnement socio-culturel – inégalité sociale Keywords: special needs education – separate special education – specialist teacher – teacher education – disability – people with disabilities – socio-cultural environment – social inequality

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L’option « Handicapés sociaux » du CAEI (1966-1984) : une option oubliée de l’enseignement spécialisé, entre social et scolaire

Lydie HEURDIER

Docteur en sciences de l'éducation, Laboratoire CIRCEFT-ESCOL, université Paris 8

Résumé :

De 1966 à 1984 a existé dans l’Éducation nationale une catégorie de l’enseignement spécialisé intitulée « handicapés sociaux », aujourd’hui totalement oubliée. Créée pendant la phase d’expansion de ce secteur, au moment de la prolongation de la scolarité jusqu’à 16 ans, elle donne une nouvelle visibilité à un public pris, en partie, en charge antérieurement : les « cas sociaux ». Difficile à définir comme à dénombrer, critiquée car trop floue et relative, elle a connu néanmoins des évolutions, tant dans le mode de prise en charge avec une diminution sensible de l’internat, que dans le profil même des enfants concernés. Ainsi, dans le contexte des années 1970 où la théorie du handicap socio-culturel est prégnante, la scolarisation des enfants d’immigrés devient un problème social. Pour une part, ce public est alors pris en charge par les instituteurs spécialisés formés au centre national de Suresnes dans l’option « handicapés sociaux ».

Summary:

From 1966 to 1984 a category of specialized education called “social disabilities”, now completely forgotten, existed in the French Education. Created during the expansion phase of the sector, at the time when schooling was extended to the age of 16, it gives new visibility to a population previously partly supported: "socially disadvantaged persons". Difficult to define as well as to count, criticized because too vague and relative, this category nevertheless experienced changes both in the way of support with a significant decrease in boarding schools, and in the very profile of the children concerned. For instance, in the context of the 1970’s when the theory of socio-cultural handicap is strong, providing education for children of immigrants becomes a social problem. This population is then partly supported by specialized teachers trained at the national center in Suresnes in the option "social disabilities". Mots-clés :

éducation des jeunes à besoins éducatifs particuliers – enseignement spécial séparé – enseignant spécialiste – formation des enseignants – handicap – personne présentant un handicap – environnement socio-culturel – inégalité sociale

Keywords:

special needs education – separate special education – specialist teacher – teacher education – disability – people with disabilities – socio-cultural environment – social inequality

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Qui se souvient encore qu’entre 1966 et 1984 une catégorie du public pris en charge dans l’Éducation nationale a porté ce nom : handicapés sociaux (HS) ? Cette option créée par l’arrêté du 15 février 19661 devient la 8e option du CAEI (certificat d’aptitude à l’éducation des enfants et adolescents déficients et inadaptés), institué par le décret du 12 juillet 1963. Le CAEI se substitue au CAEA (certificat d’aptitude à l’enseignement des enfants arriérés) existant depuis 1909 et au CAEPA (certificat d’aptitude à l’enseignement dans les écoles de plein air) créé, lui, en juillet 1939. En 1966, l’option « caractériels et inadaptés sociaux » du CAEI est remplacée par deux options : « enfants présentant des troubles du comportement et de la conduite » pour les « caractériels » et création de « handicapés sociaux » pour les anciens « inadaptés sociaux ». Cette option peu connue a disparu officiellement de l’enseignement spécialisé par l’arrêté du 15 novembre 1984 qui crée de nouvelles options (A, B, C, D, E, F). On parle dès lors d’enfants et d’adolescents en difficulté. De 1966 à 1984, des instituteurs et des éducateurs en internat ont été recrutés et formés pour encadrer un public d’enfants et d’adolescents « handicapés sociaux ». Curieusement, alors que cette période est considérée comme « un âge d’or de l’enfance inadaptée » (Roca, 1992, p. 225), elle a été peu étudiée si ce n’est d’un point de vue général quant aux glissements terminologiques et leurs présupposés (Plaisance, 1999, 2000, 2007 ; Gateaux-Mennecier, 1999 ; Rossignol, 2010 ; Vial, 2011). Progressivement, l’enfant inadapté est dénommé handicapé puis en difficulté ; les catégories institutionnelles françaises ont évolué parallèlement à celles des pays développés et à la réflexion conduite par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Dans le même temps, l’option ‘déficients intellectuels’ (DI), du fait de son importance numérique et de sa progression considérable au long de la période, a été l’objet de nombreux travaux, débats et critiques, par exemple ceux du Centre de recherche de l’éducation spécialisée et de l’adaptation scolaire (CRESAS). Ce qui n’a pas été le cas pour la catégorie HS. Pourquoi donc cette option a-t-elle si peu retenu l’attention ? Quelle part de l’enseignement spécialisé a-t-elle représenté ? Quels ont été les contenus de la formation dispensée comme ceux des épreuves théoriques ? Dans quels établissements ces « handicapés sociaux » étaient-ils scolarisés ? Cette dénomination faisait-elle consensus ? Quelle évolution a connu cette catégorie avant de disparaître ? Cet article est un premier éclairage sur l’ensemble de ces questions2. I    Une  création  et  une  existence  discrètes   La création d’une nouvelle option ou catégorie n’implique pas que le public afférent ne lui préexistait pas. C’est bien le cas ici. Depuis 1889, une loi sur la protection des enfants maltraités ou en danger moral tentait de s’appliquer. Mais il faut attendre 1943 et Vichy pour que soit réellement organisée la prise en charge de l’enfance ‘irrégulière’ et ‘déficiente’, en dehors de l’Éducation nationale, sous les tutelles de la Santé et de la Famille (Chauvière, 1999, 2000 ; Roca, 1992), dans une approche avant tout médico-sociale. Avec les

                                                                                                                         1 BO n° 12 du 24 mars 1966  2 Trois témoignages, ceux d’Alain Bourgarel, de Michel Salines et d’Edith Waysand, nous ont permis de mieux comprendre les enjeux et modalités de fonctionnement de cette catégorie de l’enseignement spécialisé. Nous les en remercions vivement.  

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ordonnances de 1958 et 1959 qui clarifient et renforcent les mesures de protection de l’enfance, le placement en internat est largement privilégié puisque les enfants sont confiés à des établissements en grande majorité privés, voire confessionnels : soit par une décision judiciaire qui retire la garde aux parents, soit par une ordonnance du Juge des enfants (sans retrait du droit de garde des parents), soit par l’Aide sociale à l’enfance (ASE)3. Le financement par les pouvoirs publics est alors assuré via le prix de journée. Ce qui est nouveau et à replacer dans le contexte politique des années 1960 est, d’une part, la montée en puissance de l’Éducation nationale dans le secteur de l’enfance inadaptée parallèlement à la prolongation de la scolarité jusqu’à 16 ans pour tous, d’autre part, la volonté de rationaliser, à travers les commissions au Plan et l’établissement de la carte scolaire. Ces processus vont concerner aussi les ‘inadaptés sociaux’ qui, par un changement terminologique institutionnel, deviennent des ‘handicapés sociaux’ mais sont communément toujours dénommés ‘cas sociaux’. a) Officialisation d’une catégorie préexistante… En ce début des années 1960, un enfant ‘cas social’ est celui « dont la famille est défaillante par décès ou abandon, ou déficiente pour des considérations matérielles, morales ou éducatives »4. Le Syndicat national des instituteurs (SNI) comme l’Association nationale des communautés d’enfants (ANCE), créée en 1949, se préoccupent de ces enfants-là, lors de leurs journées d’études annuelles. Ainsi, en 1960, dans le questionnaire introductif à ces journées envoyé dans tous les départements, il est demandé de répondre précisément pour chaque catégorie : le paragraphe VIII concerne les ‘cas sociaux’5, il figure après ‘débiles mentaux’, ‘déficiences sensorielles’, ‘déficients moteurs’, ‘déficients physiques’, ‘caractériels’. En 1962, au terme d’une enquête nationale dans le cadre d’une réflexion sur le                                                                                                                          3 L’enfant est dit « surveillé », « en garde », ou « recueilli temporaire » (décret du 7 janvier 1959). L’ordonnance du 23 décembre 1958 a permis de renforcer la protection civile des mineurs en danger de moins de 21 ans, par des mesures d’assistance éducative pour les « nombreux enfants que leurs conditions de vie mettent en danger physique ou moral, que leur situation ou état prédestine à la délinquance et aux formes graves de l’inadaptation sociale ».  4 Enfants abandonnés, orphelins, pupilles de la nation, « enfants dont la santé, la moralité ou l’éducation est compromise ». Marc Schiffmann, « Législation des prises en charge des cas sociaux », Cahiers de l’enfance inadaptée, mai 1960, p. 27-29. Cette revue sera désormais désignée sous le sigle CEI.  5 « Le milieu est incriminé au premier chef. - Importance de cette catégorie dans votre département ; services sociaux qui s’en occupent ; caisse d’allocations familiales, tribunaux, assistance à l’enfance, organismes divers. - solutions adoptées. - établissements existant avec internats : à caractère temporaire ; avec prise en charge de longue durée. - de qui dépendent-ils ? - recrutement : garçons – filles – âges (durée du séjour) – enseignement donné – niveaux. - établissements assurant une formation professionnelle – métiers - placement – réadaptation sociale : service de suite. » Le questionnaire a été conçu par la Commission nationale de l’enfance inadaptée du SNI. (CEI, mars 1960, p. 45-46)  

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IVe Plan (1962-1965) et l’enfance inadaptée, le SNI dénombre 876 maisons à caractère social (52 889 lits)6. Si désormais ces maisons ne reçoivent plus qu’une minorité d’orphelins, elles accueillent des « enfants de foyers désunis, de femmes célibataires, de ménages besogneux et mal logés ». Ces établissements, présentés comme vétustes pour la moitié d’entre eux, disposent de faibles ressources ; ce qui pose un problème car « le rôle social déjà considérable des maisons d’enfants va s’accroître du fait que les juges des enfants peuvent y envoyer les enfants en danger moral dans leur famille et pour lesquels un placement familial n’est pas souhaitable » (Ibid.). Bien que le maintien dans la famille soit « l’idéal », les besoins théoriques s’élèveraient à 3 000 lits nouveaux et le réaménagement des lits existants à 29 766 (Ibid., p. 34). Pour sa part, l’ANCE, dont la raison d’être originelle a été la prise en charge des enfants victimes de guerre, regroupe les communautés d’enfants accueillant de plus en plus d’enfants « issus des bas-fonds des grandes villes, privés de famille parce que leurs parents avaient été déchus de leurs droits par décision de justice »7. Progressivement, d’autres établissements ont adhéré à l’ANCE : aériums, instituts médico-pédagogiques… En 1966, les maisons d’enfants à caractère social accueillent en grande majorité « des enfants perturbés présentant des troubles associés et dont l’intégration a été compromise. […]La tâche de l’équipe éducative est une tâche psycho-pédagogique complexe. »8. L’école constitue un élément structurant, à condition qu’elle s’adapte aux besoins des élèves et qu’elle leur fournisse une aide individualisée. « La commission estime indispensable la création d’une classe de réadaptation dans chaque établissement »9. Qu’en est-il du côté institutionnel ? En ce milieu des années 1960, le ministère de l’Éducation nationale effectue un gros travail de développement, d’organisation et de cadrage de l’enseignement spécialisé. Deux ans après leur première mouture, les options du CAEI sont revues et complétées. Les recommandations du secrétaire général du ministère, Pierre Laurent, à l’automne 1965 (circulaire du 29 septembre), pointent la nécessité de recenser méthodiquement « les inadaptés scolaires », ceux qui « présentent une inadaptation scolaire quelle qu’elle soit (déficience mentale ou physique, insuffisance grave du milieu familial…) » ; mais il s’agit aussi de dépister les enfants « éprouvant des difficultés scolaires d’origines diverses justifiant un enseignement d’appoint ou d’adaptation ». Le spectre est large. Dans la circulaire du 14 juin 1966, il s’agit de cerner « le nombre d’élèves suspects d’inadaptation » ; la 6e catégorie d’inadaptation à renseigner est intitulée « Cas sociaux. Nombre global d’élèves présentant un cas social ». La catégorie figure donc bien dans le fichier départemental des élèves inadaptés en cours de constitution depuis l’année 1963-64. Lors des journées d’étude de l’ANCE en 1966, Pierre Laurent prononce le discours de clôture.

                                                                                                                         6 Dont 189 maisons pour les garçons (14 576 lits), 458 pour les filles (23 680 lits), 202 maisons mixtes (14 634 lits). CEI, novembre 1962, p. 33.  7 Propos de Louis François, président de l’ANCE et inspecteur général. CEI, annuaire 1960, p. 3.  8 CEI, décembre 1966, p. 47.  9 Compte rendu du groupe de travail sur les établissements recevant des enfants « cas sociaux », animé par Mme Lacapère, directrice du CNEPA, sous la responsabilité de Mme Trenel, inspectrice de la Jeunesse et des Sports. (Ibid.)  

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Il mentionne l’élaboration du Ve Plan (1966-1970) et les réflexions induites par le nouveau contexte sociétal : « Nous voyons bien que les conditions sanitaires et sociales générales tendent à restreindre le domaine de l’action curative en faisant une part croissante aux cas sociaux, qui appellent des mesures particulières de réinsertion dans la vie collective, lorsque la prévention a été inopérante ou absente. »10. Aucune divergence n’apparaît entre les acteurs œuvrant au développement de l’enseignement spécialisé quant à la nécessité de s’occuper des enfants ‘cas sociaux’, dont on perçoit bien à la lecture des définitions données par les uns et les autres qu’il s’agit d’une catégorie très subjective et extensive. Le choix de l’expression ‘handicapés sociaux’ plutôt que celle de ‘cas sociaux’ peut s’expliquer par la recherche d’une certaine unité terminologique avec les autres options du CAEI, ‘handicapés moteurs’ et ‘handicapés auditifs’. D’autre part, du côté institutionnel, une particularité mérite d’être soulignée : avant même que l’option existe officiellement, un stage de formation des maîtres est proposé (circulaire du 5 avril 1965). Pendant l’année scolaire 1965-66, se serait ainsi tenu au Centre national d’éducation de plein air (CNEPA) de Suresnes un stage intitulé « cas sociaux » sans que le contenu soit précisé, tandis qu’au Centre national de pédagogie spéciale (CNPS) de Beaumont-sur-Oise, l’un des stages proposés concernait toujours les « caractériels et inadaptés sociaux ». Cependant, seules les 6 options du CAEI créées en 1964 font l’objet de l’examen lors de la session 1966 ; il n’existe pas encore de validation pour la préparation ‘cas sociaux’ de Suresnes. Un mois avant la parution de l’arrêté du 15 février 1966, la circulaire du 4 janvier annonce les stages de préparation, pour l’année scolaire suivante, de plusieurs options à Suresnes dont les deux nouvelles ‘Malentendants’ (qui deviendra ‘Handicapés auditifs’ dans l’arrêté un mois plus tard) et ‘Handicapés sociaux’ ; il est précisé qu’« un arrêté fixera les programmes de ces options ». Aucun centre régional n’est en charge de cette préparation11. La règlementation semble avoir peiné à suivre les transformations amorcées dans les centres nationaux. En 1967, le secrétaire d’État à l’Éducation nationale, Michel Habib-Deloncle, déclare aux Journées d’études de l’ANCE : « Dans vos établissements pour ‘cas sociaux’, vous recevez des orphelins et des enfants victimes de la désunion des familles, de l’exiguïté des logements. Foyers permanents, ces maisons remplacent la maison familiale et permettent aux jeunes gens, aux jeunes filles, avec une formation professionnelle de s’orienter plus tard dans la vie. […] Si le hasard des divisions administratives a conduit l’Intergroupe [du Plan]à laisser de côté les cas sociaux proprement dits, le Ministère de l’Éducation nationale sait bien que c’est à lui et à nul autre qu’il appartient de scolariser ces enfants, dont le plus souvent le quotient intellectuel est tout à fait normal, dans des établissements appropriés »12. Comme pour l’ensemble de l’enseignement spécialisé, une convergence certaine est à l’œuvre entre tous les acteurs militants pour son développement (Heurdier, 2014b) : à ce titre, l’école publique et laïque doit aussi prendre en charge les ‘handicapés sociaux’. Qu’en a-t-il été ?

                                                                                                                         10 CEI, décembre 1966, p. 86.  11 Comme l’année précédente, les instituteurs souhaitant exercer les fonctions d’éducateur en internat (options identiques au CAEI) seront admis dans les centres en charge des options.  12 CEI, 1967-68, n° 3, p. 25-26.  

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b) … catégorie néanmoins difficile à dénombrer Quelle a été l’importance numérique de cette option pendant sa courte existence ? La base documentaire des services statistiques du ministère de l’Éducation nationale fournit un certain nombre de données sur l’enseignement spécial, essentiellement dans les Tableaux statistiques (TS), les Document de travail (DT) et les Note d’information (NI). Certaines publications différencient bien les handicaps, d’autres non. Le tableau de synthèse ci-dessous recense ce qui a trait à la catégorie HS, dont le libellé a changé au fil des ans. Il est longtemps question de ‘cas sociaux’ avant qu’apparaisse ‘placés pour raisons sociales’ et ‘placement aide sociale à l’enfance’. Cependant, entre 1966 et 1986, les techniques statistiques ont évolué, le champ de l’enquête s’est modifié à plusieurs reprises, le public pris en charge hors éducation nationale a été mieux recensé. Au total, cette synthèse donne un ordre de grandeur et un mouvement d’évolution sans prétendre pour autant à l’exhaustivité ou à une totale fiabilité. Tableau 1 - Effectifs recensés par les services statistiques du ministère de l'Éducation nationale (France métropolitaine) - source Ac’ADoc13

source année dénomination nombre classes nombre élèves

public privé total hors

MEN * public privé MEN hors MEN total

TS 2731 1965-66 cas sociaux 269 + 395 (Paris)

258 (sans Paris)

922 4 502 + 6 580 (Paris)

5 100 (sans Paris)

16 182

TS 3001 1966-6714

sociaux 494 (manque académie de Nantes)

11 631

TS 3634 + NI 54

1968-69 cas sociaux 457 173 630 443 10 050 3 075 13 125 (sans 2d degré)

8 618 22 638

TS 3972 1969-70 cas sociaux 428 153 315 7 806 2 702 17 654 6 597 24 251

TS 4071 1970-71 cas sociaux 508 8 611

de 1971-72 à 1974-75 absence de données

DT 114 + NI 78-22

1975-76 handicapés sociaux

redéfinition du champ de l'enquête - MEN + Ministère de la Santé ; un nombre important d'établissements hors MEN ne répondent pas à l'enquête

5620 11 058 16 678

NI 78-22 1976-77 cas sociaux 15 694 27 089 42 783 **

NI 78-22 + DT 171

1977-78 cas sociaux 16 968 31 896 48 864

NI 79-29 1978-79 cas sociaux 54 644

                                                                                                                         13 Pour les années 1979-80 et 1981-82, nos données ont été confirmées dans Platone et al. (1984).  14 Dans un tableau de synthèse sur la situation de l’enseignement spécial en 1966-67, le nombre d’élèves ‘handicapés sociaux’ s’élève à 19 951 (11 638 dans le public, 8 313 dans le privé ; 61 % de garçons, 39 % de filles), pour un total général de 188 602, soit un peu plus de 10 %. AN 20040310/2  

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NI 80-41 1979-80 cas sociaux 20 691 (37,5 %)

34 417 (62,5 %)

55 865

NI 82-03 1980-81 placés pour raisons sociales

depuis 1980-81 les classes d'adaptation sont considérées comme des classes de soutien, et n'appartiennent plus à l'éducation spécialisée

12 153 32 908 45 061

NI 83-12 1981-82 placés pour raisons sociales

10 843 (24,2 %)

33 853 (29 950 dans établissements sociaux-éducatifs)

44 696

NI 84-07 1982-83 placés pour raisons sociales

pour le hors MEN, nouveau changement du champ de l'enquête : désormais figurent uniquement les établissements dispensant un enseignement

8 178 10 313 18 491

NI 85-04 1983-84 placement aide sociale à l'enfance

8 609 11 949 20 558

NI 86-08 1984-85 placement aide sociale à l'enfance

7 539 13 328 20 867

NI 86-49 1985-86 placement aide sociale à l'enfance

8 410 14 065 22 475

NI 87-41 1986-87 plus de ligne dans les TS ou NI

* Ministère de la Santé, auquel s'ajoute "Sécurité sociale" ou « Famille », ou encore "Solidarité nationale" après 1981 ** élargissement du champ de l'enquête aux établissements sous tutelle du ministère de la Santé et de la Famille Dans le DT 114 (juin 1977), intitulé « Analyse de la scolarité dans l’enseignement spécial », des éléments plus précis sont fournis pour l’année 1975-1976, année de reprise des enquêtes. Les 16 678 élèves répertoriés se répartissent ainsi : - 14 401 dans le 1er degré (1 472 en pré-élémentaire, 12 979 en élémentaire) ; 1 614 dans le second degré ; 663 « niveau scolaire indéterminé ». - 3 841 élèves sont scolarisés dans les classes annexées aux écoles publiques, 272 dans celles annexées aux écoles privées, 1 507 élèves dans les établissements scolaires spécialisés, 3 136 dans les établissements médico-sociaux, 7 922 dans les établissements socio-éducatifs. Contrairement à la situation de 1965-1966, l’enseignement privé ne scolarise quasiment plus d’élèves de cette catégorie, cependant il est impossible de savoir de tel type de privé il s’agissait. La même année, 350 000 enfants et adolescents ont été recensés « comme relevant de cet enseignement particulier », hors des classes ordinaires, avec une augmentation de plus de 35 000 élèves par rapport à 1974-197515. Cependant, s’il reste des double-comptes, tous les

                                                                                                                         15 Le DT 171 de septembre 1978 reprend l’enquête pour l’année 1977-1978. La catégorie ‘cas sociaux’ représente 6.87 % des effectifs scolarisés dans l’enseignement spécial sous tutelle de l’Éducation nationale, pourcentage équivalent à celui des ‘débiles moyens’ (6.77 %), mais très loin de celui des ‘débiles légers’ (80 %). Il est dénombré près de 32 000 ‘cas sociaux’ (19.5 % des effectifs accueillis dans des établissements sous tutelle du ministère de la Santé et de la Famille), nombre qui suit de près celui des ‘débiles moyens’ (34 264) et devance de peu ‘les débiles et arriérés profonds’ (31 635). L’orientation vers l’enseignement spécial s’effectue massivement après le CP (27 658 élèves) et le

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établissements hors Éducation nationale ne sont pas encore compris dans le champ de l’enquête, en particulier ceux du ministère de la Justice. Toute comparaison dans le temps est rendue difficile par cette extension continue alors même que la définition de la catégorie reste floue, ce qui confirme le constat d’Evelyne Burguière16. L’accroissement des réponses ‘hors MEN’ fausse toute analyse comparative. Cependant, comme le rappelle la NI 79-2917, deux types d’établissements accueillent plus de 68 % des enfants recensés dans l’enseignement spécial en 1978-1979 : ceux pour déficients intellectuels et les maisons à caractère social. Si l’augmentation du nombre de déficients légers est liée « en grande partie » à celle du « nombre de sections d’éducation spécialisée (+ 118) », celle des ‘cas sociaux’ est due aux 140 maisons d’enfants à caractère social et 21 foyers d’aide sociale à l’enfance supplémentaires pris en compte. Avant de disparaître des statistiques en 1987, la catégorie ‘handicapés sociaux’ représente un peu plus de 20 000 enfants et adolescents, scolarisés pour un bon tiers dans les structures de l’Éducation nationale, pour les deux tiers dans les établissements socio-éducatifs. Les variations dans la nomenclature reflètent la concurrence entre institutions, mais aussi « l’ambigüité ou (à) l’imprécision des définitions données […] l’exemple des ‘cas sociaux’ va dans le même sens : on peut retrouver ces derniers dans les écoles de plein air, certaines écoles nationales de perfectionnement, les maisons à caractère sanitaire non spécialisé, les instances de l’éducation surveillée, etc. » (Burguière, 1979, p. 191). Face à cette catégorie difficile à définir comme à dénombrer, quelle pouvait être la formation proposée aux futurs enseignants spécialisés ? II Suresnes, centre de formation des instituteurs spécialisés HS18  Deux modes de formation se conjuguent pour accompagner la création de cette nouvelle option. Tout se déroule cependant au CNEPA à Suresnes ou dans son annexe de Nanterre. D’une part, plusieurs colloques ou journées d’études sont ouverts aux personnels en poste titulaires du CAEA, du CAEPA ou du CAEI. En 1966, un premier colloque est destiné aux directeurs et aux maîtres enseignant dans des maisons d’enfants à caractère social, du 13 au 18 juin19. Une des journées est consacrée à la ville de Nanterre, exemple de « milieu urbain », avec l’après-midi une visite en car. L’année suivante, parallèlement au recrutement d’une promotion de stagiaires à l’année, un stage de perfectionnement pour les instituteurs exerçant

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                           CE1 (15 557 élèves), phénomène qui serait explicable par « le dépistage d’une certaine catégorie de handicaps lors de l’apprentissage de la lecture » (DT 171, p. 21 et 24).  16 « Certaines variations dans la classification d’une statistique à l’autre sont perceptibles […]. En 1975-76, les ‘handicapés sociaux’ représentent 4.7 % des élèves de l’enseignement spécial, les ‘déficients intellectuels’ 72 % (soit 252 095 enfants) ; l’année suivante, les premiers représentent 10.7 % des effectifs recensés, alors que les autres catégories sont stables et que l’importance des ‘indéterminés’ passe de 7 % à 1.7 %. Ce qui met en évidence la relativité des concepts utilisés ». (Burguière, 1979, p. 187)  17 « Statistiques de l’enseignement spécial en France année 1978-1979 ». Note d’information 79-29, 30 juillet 1979.  18 Les sources de cette partie sont essentiellement disponibles en AN 20010376/7 et 20010376/17.  19 Ce colloque comme quasiment tous les autres est annoncé par une circulaire qui paraît au BO.  

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auprès d’enfants HS est organisé du 19 avril au 18 mai 1967. Deux sorties sont prévues cette fois : la première à l’école de plein air de la Caisse des écoles du 18e (Paris) au château de Luzancy (Seine-et-Marne), la seconde à la maison d’enfants L’avenir social à la Villette-aux-Aulnes (Mitry-Mory, Seine-et-Marne). Pendant les cinq semaines de stage, les sujets abordés sont larges : développement affectif de l’enfant et adolescent, influence du milieu de vie, déficience mentale, problèmes posés par l’internat, délinquance juvénile… En 1971, du 29 mars au 2 avril, toujours au CNEPA, se déroulent des « Journées d’études et d’information organisées à l’intention des directeurs pédagogiques et des maîtres exerçant dans des établissements ou classes pour handicapés sociaux […] consacrées à l’étude des problèmes psychologiques et pédagogiques posés par l’enseignement donné aux élèves handicapés sociaux »20. Parmi les présents, beaucoup de directeurs de foyers départementaux de l’enfance et d’écoles de plein air, des instituteurs de maisons de l’enfance ou d’écoles de plein air, mais aussi trois instituteurs de l’école départementale du Port à Gennevilliers. Les dernières traces de journées d’études sur les handicapés sociaux datent de 1979 (du 10 au 14 décembre). Si le public visé est bien toujours le même, s’y est ajouté celui exerçant dans « des classes recevant des enfants hébergés dans ces établissements ». Ce qui laisse supposer que les enfants ‘cas sociaux’ sont plus souvent scolarisés dans des classes ordinaires. René Diatkine est invité pour faire « le point sur la notion de handicap social ». A côté de ces formations ponctuelles qui peuvent être considérées comme des formations continues21, le CNEPA, devenu en juillet 1971 Centre national d’études et de formation pour l’enfance inadaptée (CNEFEI), assure l’unique formation nationale à l’option ‘handicapés sociaux’ pour les instituteurs choisis par leur hiérarchie. Une circulaire rappelle chaque année les conditions requises et les modalités pratiques ; le dossier doit être validé par l’inspecteur d’académie pour que le stage soit effectif. a) La formation initiale Si Suresnes est le lieu de rattachement administratif, les cours se déroulent dès la rentrée 1966 à Nanterre, dans les nouveaux locaux de l’université22. Comme le demande instamment le sous-directeur à l’enfance inadaptée, Philippe Venturini, dans son courrier du 18 mai 1966 au directeur du CNEPA : « Comme suite à la décision d’implanter dans les locaux de la Faculté de lettres de Nanterre, à titre provisoire, une annexe de votre centre, je vous demande de bien vouloir étudier, avec Monsieur le Doyen, les dispositions à prendre pour faire fonctionner, dès la rentrée prochaine, ce centre annexe ». Les évènements de 1968 et des années suivantes n’ont pas été sans effet sur les conditions de fonctionnement de l’option HS (matériel disparu en mai et juin 1968, violences récurrentes sur le campus, …). Mais le développement même

                                                                                                                         20 Parmi les intervenants extérieurs : le juge des enfants de Nanterre, un médecin d’hygiène scolaire de Seine-Saint-Denis, mais aussi Aimé Labregère, inspecteur d’académie conseiller technique en charge de l’adaptation et de l’éducation spécialisée au ministère, qui intervient pour présenter la politique ministérielle en la matière ; l’inspecteur général Jean Petit parle, lui, des « enfants du tiers-monde » ; un instituteur, Pierre Grange, présente « les méthodes d’apprentissage de la langue française aux enfants non francophones mis au point par le CREDIF ». Les enseignants responsables de l’option, Mr Romanet, Mme Waysand et Mme Riquier interviennent également.  21 Suresnes a également pour mission le recyclage de ses anciens stagiaires.  22 Une seconde annexe de Suresnes ouvre en septembre 1966 rue Rollin (Paris, 5e).  

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de l’université impose très vite une réorganisation spatiale moins confortable.23 Quelques stagiaires sont hébergés sur le campus, certains souhaitent s’inscrire en parallèle en cours de psychologie mais des problèmes administratifs les en empêchent. Sur l’ensemble des 319 stagiaires inscrits à Suresnes en 1966-67, 40 préparent l’option HS (114 l’option DI). Le programme est précisé dans l’article 3 de l’arrêté de création de l’option. Cette première version est vraiment très succincte. Comme pour tous les CAEI, la formation d’une année précède l’examen théorique qui se déroule en mai. L’épreuve pratique (inspection suivie d’un entretien) a lieu l’année suivante quand le stagiaire est retourné dans sa classe d’origine ou s’est vu nommé dans une classe correspondant à l’option préparée.

Encadré 1 - Programme de formation de la 8e option du CAEI ‘handicapés sociaux’, en 1966 1°) Types de cas sociaux – Types de placement 2°) La famille : a) évolution b) facteurs affectifs c) facteurs socio-économiques 3°) L’observation psychologique des cas sociaux 4°) Prévention des troubles – Organisation pédagogique 5°) Législation – Œuvres et organisations sociales Les programmes du CAEI sont revus en 197024, pour le tronc commun comme pour les options. Cette fois, le programme (voir annexe 1) est largement détaillé. Il focalise moins sur les déficiences familiales et une part importante est consacrée aux aspects sociologiques et psychologiques. Les notions de ‘milieu culturel’ et ‘socio-culturel’, très présentes dans le contexte d’alors, sont introduites. Aucun sociologue n’est néanmoins cité, aucun titre référencé. Sans données complémentaires, il est impossible d’appréhender le contenu réel de la formation dispensée aux stagiaires. Cependant, l’impact de la sociologie critique est probable, d’autant que, pour sa part, le CRESAS nouvellement créé diffusait ses résultats de recherche dans les centres de formation dont une partie de ses membres était originaire. En 1971-72, l’annexe de Nanterre a accueilli 34 stagiaires (30 internes, 4 externes) dont 10 éducateurs en internat. Tous les stagiaires sont reçus à l’examen ; s’y ajoutent des candidats libres et d’autres stagiaires formés à Paris-Batignolles. L’année suivante, on recense 28 instituteurs stagiaires et 5 éducateurs en internat ; parmi eux, 12 suivent l’option « handicapés sociaux (enseignement aux enfants étrangers) ». Des visites ont lieu au groupe scolaire des Pâquerettes à Nanterre, dans la classe ouverte en novembre 197225.

                                                                                                                         23 En 1968-69 l’annexe bénéficiait de 576 m2 (7 salles de 30 m2, un bureau de 16 m2, une salle de 200 m2, 2 salles de 100 m2) ; dès la rentrée suivante, l’annexe se redéploye sur seulement 206 m2, dans 5 salles du 3e étage.  24 Programmes du CAEI. Epreuves théoriques. Session 1970. Circulaire 70-211 du 28 avril 1970.  25 Cinq stagiaires y effectuent un stage groupé de trois semaines tandis qu’un autre stagiaire est présent, lui, tous les jeudis matins pour un « travail d’assistance pédagogique ». Mise en place par Michel Salines, inspecteur départemental de l’Éducation nationale et directeur-adjoint du CNEFEI, cette expérience est dite « d’initiation, d’assistance pédagogique et de formation d’un maître de classe d’initiation pour enfants étrangers ». Michel Salines, d’abord directeur-adjoint d’André Mouchon, l’a ensuite remplacé. Il était responsable de l’annexe de Nanterre. Présent à Suresnes entre 1970 et 1978, il a mis en place un stage en situation d’une demi-journée par semaine ; les cours étaient construits puis exploités, y compris d’un point de vue théorique. Lui-même suivait les stagiaires dix heures par semaine, en atelier ; trois heures par semaine étaient en effet consacrées à des ateliers pédagogiques. (Entretiens avec Michel Salines, 6 février 2012 et 1er mars 2013)  

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Datant du début des années 1980, le cahier de textes d’un professeur en charge de l’option met en évidence plusieurs caractéristiques : usage indifférencié des expressions ‘cas social’, ‘handicap social’, parfois ‘issu de familles défavorisées’ ; une partie des cours se déroule avec les stagiaires de l’option DI ; le nombre de stagiaires HS a fortement diminué depuis 1966 : en 1981 par exemple, il y a seulement 8 instituteurs inscrits dont 4 des Hauts-de-Seine, mais par contre 13 éducateurs en internat ; le contenu aborde des notions sociologiques sans que cette approche soit réellement explicite. Certains cours sont consacrés aussi bien aux familles ouvrières, immigrées du quart-monde, qu’aux délinquants ou au chômage des jeunes. L’indétermination de la catégorie conduit à aborder quantité de notions et à pointer essentiellement les carences ou les défaillances de certains groupes sociaux et de certaines familles. Les cours de psychologie paraissent disposer de davantage d’assises théoriques. Les archives consultées ne permettent pas de saisir plus avant ce qui se déroulait pendant cette année de formation. Aussi, c’est à travers le témoignage d’un stagiaire de la seconde promotion que des éléments complémentaires apparaissent, dont le principal semble être la distinction entre les instituteurs enseignant dans les établissements socio-éducatifs avec internat et ceux enseignant dans une école ordinaire. Cette distinction en recouvre une autre, majeure : la séparation ou non de l’enfant d’avec sa famille.

Encadré 2 - Témoignage d’un stagiaire HS en 1968-69

La formation de la promotion 1968-69 des stagiaires CAEI-HS a fonctionné pratiquement toute l’année scolaire à Nanterre dans des locaux neufs mais non utilisés de la future université Paris X. Les stagiaires avaient deux origines distinctes : d’une part des enseignants travaillant en internats de cas sociaux et voulant obtenir un CAEI pour pouvoir être titularisés sur leur poste récemment transformé en « spécialisé HS » suite aux revendications de l’ANCE et à la note de service (ne) définissant (pas) les élèves handicapés sociaux ; d’autre part, se trouvaient des enseignants d’origine variée, issus d’écoles de banlieue ou d’écoles ordinaires recevant des enfants accueillis en foyers de l’enfance. Leur objectif était de voir leur poste transformé en poste spécialisé HS. Déjà, lors de la première promotion de ce stage, en 1967-68, il y avait eu deux stagiaires de cette catégorie (Salmon qui allait ensuite inaugurer la 1ère classe HS située dans une école ordinaire, avenue de la République à Nanterre, et Savard qui venait de l’école du Port à Gennevilliers). Les relations entre les deux catégories ont été correctes tout au long de l’année scolaire, mais l’esprit était totalement différent : les premiers, provinciaux quittant le lieu de formation chaque vendredi midi pour y revenir le lundi à 14 h, restaient attachés à la vie de leur internat d’origine où vivaient leurs familles et semblaient n’avoir pas connu « mai 68 ». Les seconds, en revanche, avaient vécu pleinement cette période et étaient venus participer à ce stage avec des objectifs de contestation clairement exprimée. […] La question de fond de ces discussions portait sur la définition du handicap social, ou, autre approche, de ce qu’étaient réellement les élèves dits handicapés sociaux. A relire aujourd’hui nos papiers de l’époque, nous avons plutôt honte ! Car déclarer que des familles avaient « moins de culture » que d’autres ne nous choquait pas. Les travaux du CRESAS, dans les années 1970 furent utiles pour nous ouvrir les yeux ! Cependant, nous avions tout de même la conviction que cette catégorie d’élèves permettait à l’administration et/ou aux équipes pédagogiques traditionnelles travaillant dans les zones défavorisées de se débarrasser des élèves pénibles, ceux qui avaient le tort de mettre en lumière l’incapacité du système scolaire à les éduquer correctement. […]

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Les élèves HS étaient donc des cas sociaux placés hors de leur famille. La majorité de nos collègues stagiaires devant travailler dans des classes installées dans des « internats de cas sociaux », l’angle d’attaque fut donc de demander qu’on modifie ce programme en disant qu’il y avait deux types d’élèves HS : ceux qui étaient hors de leur famille et ceux qui s’y trouvaient toujours. Ainsi, nous pouvions nous intégrer à l’option HS. Sur l’existence même du handicap social nous n’étions qu’attentifs : rien n’interdisait de penser ainsi mais rien ne l’étayait. Les marxistes déclarés du groupe rappelaient l’existence assurée du « lumpenprolétariat » d’Engels et de Marx, nous connaissions les efforts de l’association Aide à toute détresse (ATD) pour faire reconnaître l’existence du « quart-monde » comme groupe social particulier et nous savions l’existence du livre de Richard Hoggart sur « la culture du pauvre » (1957 mais non encore traduit). Parler d’un groupe social à part dont les enfants devaient être scolarisés de façon particulière était donc envisageable. Ce qui était avéré pour nous était d’une part, que la marginalité sociale (termes de l’époque) existait puisqu’on travaillait avec, d’autre part, qu’elle se transmettait de génération en génération si on ne faisait rien pour rompre cet enchaînement. L’autre sujet en débat lors de ces rencontres de stagiaires HS était la réforme de la formation pour spécialisations. Il y avait une grande effervescence parmi les stagiaires des différents centres de formation de l’EI. Ce qui était dénoncé par le collectif national exécutif (CNE) installé à la rentrée de septembre 1968 était l’autoritarisme de la hiérarchie, la collusion SNI-ANCE-Ministère-Associations chargées de service public et surtout le projet ministériel de modification du CAEI. La nature même du handicap en général y fut aussi discutée et ce fut peut-être l’une des lointaines origines de la grande loi de 1975. Menant ce collectif « soixante-huitard », André Rambert, un Orléanais du SGEN-CFDT en stage ‘déficients intellectuels’ (DI) à l’Ecole normale de Tours, organisa un rassemblement national des stagiaires à la Toussaint 1968 venant de Beaumont, Suresnes et des 17 écoles normales de métropole qui avaient un département de formations spécialisées DI. Le SNI n’était pas représenté, le SGEN et l’USNEF, en revanche, y étaient ès qualité. […] Avant d’aller à Tours nous avons tenté d’y intéresser les autres stagiaires HS (ceux qui venaient d’internats) puis ceux des autres options à Suresnes (HV, HM, TCC, etc.), sans succès. A Tours, les deux jours d’assemblées générales et de groupes de travail furent totalement envahis par les affaires concernant la réforme du CAEI et les centres régionaux de formation spécialisée DI […]. Nous sommes donc revenus à la fois satisfaits de savoir que notre proposition de nouvelle analyse administrative des élèves HS allait être transmise au ministère par le collectif, mais également dépités du peu d’intérêt porté par les autres pour nos débats. Plus tard, le contenu du stage HS fut modifié et notre proposition de deux types d’élèves HS s’y trouvait. C’était déjà un progrès et ce fut une retombée de mai 68. Toutefois, dans les mois suivants nous avions, dans notre groupe, avancé sur cette question et, plus généralement, sur le contenu de la formation. […] qui avait pour but d’être adopté par l’ensemble du groupe. Seul le second groupe de stagiaires l’a adopté, le premier groupe ne se sentant pas concerné par ces débats. (Voir annexe 2) Alain Bourgarel, alors instituteur à l’école du Port de Gennevilliers. Témoignage écrit, mars 2014 La dernière formation pour HS se termine au printemps 1983, un an avant la transformation des options du CAEI (arrêté du 15 novembre 1984). b) Validation théorique et affectations

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L’examen du CAEI a été modifié plusieurs fois entre 1964 et 1970. Une contestation des épreuves par les stagiaires en 1968 a entraîné leur simplification, d’abord à titre provisoire pour la session 1969 (arrêté du 18 décembre 1968), avant d’être confirmée pour la session 1970. La première session du CAEI option HS a eu lieu en 1967 ; l’épreuve écrite relative à l’option comprenait dix questions portant sur vingt thèmes différents, ce qui était très lourd vu le temps imparti26. À compter de la session 1969, le CAEI théorique comprend trois épreuves : un entretien avec le jury (oral de 30 mn) portant soit sur le dossier présenté par le candidat, soit sur une question du programme choisie parmi trois tirées au sort ; un premier écrit portant sur le programme commun à toutes les options (durée 3h), deux questions avec deux sujets sont proposées, il faut en traiter un par question ; un second écrit porte sur l’option selon les mêmes modalités. Un bilan détaillé de l’année de stage27 est communiqué au jury qui décide si le candidat est dispensé d’une des deux épreuves écrites. Le tableau 2 donne à voir la diversité des thèmes abordés et l’ampleur des connaissances à maîtriser. L’épreuve écrite ne devait pas être une dissertation, mais elle nécessitait toutefois des compétences scripturales et argumentatives bien établies.

Tableau 2 - Exemples de l’épreuve écrite option Handicapés sociaux

1e question 2e question

1969

1er sujet

Les activités de découverte et leur utilisation avec des enfants handicapés sociaux

Les enfants des milieux dits « marginaux » (enfants des bidonvilles, des cités d’urgence, des nomades ; les difficultés qu’ils posent aux éducateurs et aux enseignants.

2e sujet

Le rôle du foyer des services de l’aide sociale Le rôle du merveilleux chez l’enfant malmené (HS)

1972

1er sujet

Travail collectif, travail individualisé : le maître oscille souvent entre les deux modes d’activité. Le travail collectif escamote les différences de niveau et l’individualisation interdit la vie de groupe. Comment échapper à ces deux écueils ?

Le handicap social et les conditions de vie moderne

2e sujet

Peut-on penser qu’il se développe chez les enfants handicapés sociaux ce qu’on a appelé une « moralité marginale » ? Rôle de l’école à ce sujet.

Alain disait : « C’est en écrivant que l’on apprend à écrire et c’est en formant des mots, des phrases, que viennent en même temps les idées ». Discutez la signification de cette affirmation et dites son intérêt pédagogique s’agissant d’élèves dits « handicapés sociaux ».

                                                                                                                         26 Quelques questions parmi les dix du CAEI session 1967 (AN 20010376/17) : « 1) Indiquez les principaux facteurs d’inadaptation rencontrés a) dans les grands ensembles b) dans les communes dortoirs 3) En psychologie sociale, qu’appelle-t-on un statut ? un rôle ? 5) L’énurésie. Définition, signification, évolution, traitement et conduite à tenir dans le cadre de la maison d’enfants 9) Quels types d’enfants sont accueillis dans les maisons à caractère social ? Qui les oriente dans ces établissements ? 10) Quelles sont les caractéristiques des foyers départementaux de l’enfance ?  27 Il comporte trois éléments : une appréciation du travail et des aptitudes du stagiaire, les résultats du contrôle continu des connaissances, une appréciation globale.  

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1975

1er sujet

Quelle place peut-on donner aux « conduites d’échec » dans l’inadaptation scolaire et sociale de l’enfant et de l’adolescent ?

Comment peut-on résoudre, dans une classe d’enfants handicapés sociaux, le problème des programmes et des méthodes inadaptés à l’âge des enfants du fait du gros retard scolaire de ces derniers ? Citez quelques exemples, en particulier celui de la lecture.

2e sujet  

Dans les internats pour « handicapés sociaux » la fugue n’est pas un phénomène exceptionnel. Quelle est, en général, sa signification ? Quelle vous semble devoir être l’attitude de l’équipe éducative à l’égard de l’enfant fugueur ?

Y a-t-il un dénominateur commun aux différents handicaps actuellement groupés sous l’appellation « Handicapés sociaux » ? Peut-on en tirer une hypothèse de formation unique pour les maîtres chargés de ces divers handicaps ?

Selon les sources ministérielles, le nombre d’instituteurs spécialisés HS n’aurait pas dépassé 481, chiffre maximal en 1980-8128. Un nombre infime comparé à celui des instituteurs en charge des déficients intellectuels (16 155 la même année). Ce chiffre correspond à celui de l’étude réalisée en juin 1983 par Edith Waysand, professeur de psychopédagogie chargée de l’option HS depuis sa création29. Au moment où cette option disparaît, elle décide « d’inventorier la population concernée dans sa définition la plus large et dans ce but, de joindre les instituteurs formés au CNEFEI à Suresnes depuis 1966 » : 400 stagiaires formés sur 490 (296 instituteurs et 104 éducateurs en internat) ont répondu, totalement ou partiellement. La synthèse des lieux d’affectation est reproduite ci-dessous. Aucune étude, semble-t-il, ne s’est intéressée aux motivations des stagiaires quant au choix de cette option, pas plus qu’à leurs expériences professionnelles préalables.

Encadré 3 - Etablissements et classes d’affectation

                                                                                                                         28 474 en 1979-80, 472 en 1981-82, 440 en 1982-83, 443 en 1983-84. Les Cahiers de l’Éducation nationale, n° 24, avril 1984, p. 6.  29 Edith Waysand a été recrutée au CNEPA en 1966 et « nommée par hasard sur cette option mal définie ». Précédemment enseignante d’anglais, elle avait suivi également un cursus de psychologie. Elle assurait en moyenne 10 heures par semaine de cours et travaux dirigés de psychopédagogie, en partie dans des temps communs aux options HS et DI, en partie pour les seuls HS. Son public lui apparaissait comme motivé et très studieux, cherchant à consolider et valider sa pratique professionnelle, capable toutefois de remises en cause et d’évolutions professionnelles. Les réponses au questionnaire sur les carrières effectives ont confirmé cette impression première. Lors de l’entretien qu’elle nous a accordé le 11 avril 2013, elle nous a communiqué son étude non publiée, « Le cas social n’existe pas, mais on le trouve partout… ».  

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Pour leur premier poste, trois cents d’entre eux ont été nommés dans l’option HS, mais un certain nombre a exercé directement auprès de déficients intellectuels. Dans la durée, la mobilité des instituteurs apparaît moindre que celle des éducateurs en internat. De nombreux changements de fonctions ont été relevés : départ pour des postes de direction (un stagiaire HS sur 8) mais aussi pour un autre stage qualifiant. L’auteur note qu’« À l’école publique la stabilité est grande aussi bien dans les 46 classes pour enfants de migrants, de nomades, de gitans, que pour les classes d’adaptation et les maternelles » (p. 3) ; les stagiaires affectés directement en prison sont généralement restés sur ce premier poste. Mais au total, « plus du quart des anciens stagiaires n’enseignent plus et ne sont plus éducateurs ». En 1983, les personnels CAEI HS exercent encore pour la moitié d’entre eux en internat, mais ces fonctions sont menacées – processus en cours quel que soit le handicap - : le maintien dans la famille avec mesures d’accompagnement éducatif est désormais privilégié, et lorsqu’il est nécessaire de séparer l’enfant de sa famille, il est plus volontiers placé en famille d’accueil. Le changement de politique est en phase avec l’évolution sociétale et les critiques émises dans les années 1960 et 1970 : il s’agit dorénavant d’intégrer tous les jeunes, handicapés ou non. Les instituteurs HS retrouvent des écoles ordinaires mais sont souvent en charge des classes de perfectionnement ou d’adaptation ainsi que de celles accueillant un nouveau public : les enfants d’immigrés. C’est qu’entre 1966 et 1984, plusieurs glissements se sont produits, repérables à travers les lieux de vie principaux de ces jeunes ‘cas sociaux’. III La scolarisation des enfants ‘handicapés sociaux’ Progressivement, la prise en charge de ce public évolue et le profil même des enfants repérés se transforme. Les internats continuent d’accueillir des jeunes ‘cas sociaux’ mais les écoles ordinaires se voient confier de plus en plus d’élèves aux caractéristiques sociales qu’elles peinent à appréhender. De fait, des classes spécialisées se créent qui sont alors reconnues comme relevant de l’enseignement des inadaptés, avec des enseignants CAEI HS. À terme, cette évolution a conduit à considérer que les enfants de familles immigrées relevaient eux

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aussi de cette forme de scolarisation. Le flou de la catégorie HS, son côté « fourre-tout », explique ces transformations alors même que des interrogations sur sa légitimité n’ont cessé au long de ses deux décennies d’existence. a) Une diversité d’établissements avec internat  Si le recul des placements en internat est bien observable sur les vingt ans, ce qui surprend est l’extrême diversité des établissements qui, elle, perdure. Il en était déjà ainsi en 1959, comme on le voit dans une enquête du SNI coordonnée par Jacques Lacapère sur « La situation de l’école publique et de ses maitres dans les établissements pour enfants inadaptés »30. Concernant les seuls cas sociaux non scolarisés dans les écoles communales, quarante-huit établissements avec école publique scolarisent des « pupilles de l’état », « de la nation » ou des enfants de familles dissociées : deux dépendent du ministère des Anciens Combattants, six de villes, neuf de départements, deux de mutuelles, trois de services sociaux, un des Pupilles de l’école publique, neuf d’oeuvres diverses, onze des allocations familiales, deux de la Sauvegarde, trois sont confessionnels. Parmi les établissements sans école publique : douze sont sous la tutelle d’œuvres, cinquante-et-un sont confessionnels, deux commerciaux. Ce recensement, non exhaustif, donne une idée de la multiplicité des prises en charge. Avec la prolongation de la scolarité obligatoire qui s’applique à tous, le devenir des enfants pris en charge dans les maisons « cas sociaux de l’ANCE » inquiète31. Les établissements sont diversement touchés par la mesure mais de redoutables problèmes se posent : comment faire pour ceux qui sont excentrés, loin des villes et des structures de formation ? Comment gérer la mixité avec des adolescents ? Que faire avec « les enfants peu doués intellectuellement, qui, sans être peut-être la majorité dans nos maisons, représentent une catégorie dont le nombre n’est pas négligeable ? Dans beaucoup de maisons, ces enfants étaient péniblement maintenus à l’école jusqu’à 14 ans et de nombreux directeurs avaient à ce moment-là pris la décision d’un placement en apprentissage direct […]. ». Au souci relatif à l’implantation s’ajoute donc la difficulté de scolariser ces jeunes considérés, pour plus de la moitié d’entre eux, comme des inadaptés scolaires, alors même que « [ils] ont en principe une intelligence normale » (ibid. p. 76). Seule une toute petite partie des cas sociaux est jugée capable de suivre un enseignement général. En 1972, l’inspecteur général Petit présente dans l’ouvrage qu’il dirige trois sortes d’établissements à caractère social : les foyers départementaux de l’enfance (153 établissements en 1971, près de 11 000 lits), les maisons à caractère social, en diminution (1024 en 1956, 876 en 1960, 823 en 1966), les foyers de jeunes travailleurs « destinés aux apprentis, ouvriers et employés de 15 à 25 ans, de toutes catégories, qui sont éloignés temporairement ou définitivement de leur famille au moment d’affronter les premières difficultés de la vie » (Petit, 1972, p. 49-50). Les deux premiers types d’établissements disposent le plus souvent de classes de l’enseignement public annexées à l’internat où exercent des instituteurs publics ; une part variable des enfants des foyers de l’ASE peut être

                                                                                                                         30 « Annexe 2 : répartition des établissements recensés par catégories et par organismes gestionnaires ». CEI 1959-60, n° 1, octobre 1959.  31 Journées d’études annuelles 1965. CEI, n° 3, décembre 1965, p. 74-79.  

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scolarisée dans les écoles communales ou les collèges du secteur scolaire. La description ne va pas au-delà de ces grandes catégories, dont la dernière surprend aujourd’hui. Pour en savoir plus, il faut se reporter à une enquête de mars 1971 dont les réponses sont consultables aux archives nationales (AN 20010376/7). Il est probable que l’initiative en revient au CNEPA et en particulier aux enseignants en charge de l’option32. Un tableau de synthèse de quelques points factuels tirés des quarante réponses à ce « Questionnaire relatif aux problèmes posés par les enfants handicapés sociaux » figure en annexe 3. La multiplicité des tutelles est confirmée. Si la région parisienne représente près de 25 % des établissements enquêtés, toutes les régions de France sont concernées. Il existe des différences importantes dans les effectifs accueillis. Une grande majorité d’établissements est mixte, seuls trois n’hébergent que des garçons ; cependant le nombre de filles est généralement plus faible, hormis principalement dans les établissements pour enfants de forains et de bateliers. Seuls quatre établissements accueillent des enfants âgés de moins de 5 ou 6 ans ; l’âge limite supérieur varie entre 12 et 16 ans, six vont au-delà. Deux derniers éléments sont significatifs : la très faible part des étrangers, voire une absence totale, sauf dans les deux écoles départementales du Port de Gennevilliers - tous les élèves (220 et 180) y sont étrangers, originaires essentiellement du Maghreb et du Portugal - et dans une moindre mesure l’école des enfants assistés du centre d’accueil de la Préfecture de Paris (25 % des effectifs). Enfin concernant le lieu de scolarisation, un quart seulement des écoliers sont scolarisés à l’extérieur tandis que ceux du secondaire sont généralement dans les CES et CET locaux. Les politiques des établissements sont variables, plus ou moins ouvertes sur l’extérieur ; parfois quelques enfants sont autorisés à aller à l’école communale alors que leurs camarades restent scolarisés dans les classes annexées. Cependant, l’origine de cette ségrégation de fait est difficile à imputer : est-ce dû à la méfiance des écoles publiques communales ou des collèges envers ces enfants-là, comme le sous-entend un directeur (Bidart, Pyrénées-Atlantiques) ? Est-ce la tradition de scolarisation en interne qui perdure ? D’autres témoignages font état de relations positives entre les structures éducatives33.

                                                                                                                         32 Courrier de Mme Riquier, enseignante de l’option HS, à son directeur, en amont des journées d’études de 1971 : « Je suggèrerais que la démarche d’approche des problèmes des cas sociaux soit ‘génétique’ […] plus que tout autre handicap : l’éducation de la première enfance paraît être la pierre angulaire des difficultés que rencontrent les enfants par la suite, en particulier du point de vue du développement intellectuel et des apprentissages scolaires. Aussi, je me propose d’approfondir cliniquement et statistiquement les péripéties d’élevage [souligné par l’auteur] des enfants placés en internats. C’est-à-dire reconstituer l’anamnèse de leur première enfance. » Elle propose, d’une part, un questionnaire à soumettre dans plusieurs maisons de cas sociaux et d’autre part, la participation de représentants au colloque car « un parallèle pourrait être fait avec les problèmes d’apprentissage scolaire que posent les enfants des bidonvilles. Le résultat du travail fait à Gennevilliers […] pourrait être un pont jeté pour aborder les mêmes problèmes au niveau des enfants privés de Culture. » (AN 20010376/7)  33 Témoignage de l’établissement d’Autrans (Isère) : « […] la classe de l’établissement qui regroupe des enfants de 5 à 10 ans, […] ne nous donne pas satisfaction. Nous envisageons son transfert à l’école communale, à la rentrée 1971. La fréquentation de l’école communale nous donne entière satisfaction : résultats scolaires satisfaisants, ouverture sur l’extérieur de l’établissement, contacts avec la population Autranaise etc. C’est une des conditions nécessaires au bon fonctionnement d’un établissement à caractère social. »

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L’existence d’établissements accueillant des enfants handicapés sociaux sans internat est confirmée par cette enquête, même s’ils sont très minoritaires en ce début des années 1970. b) Des lieux de scolarisation sans internat  Seul ici sera mentionné le cas des Hauts-de-Seine, où l’option HS est présente dans les deux écoles départementales du Port de Gennevilliers et les deux écoles du Petit Nanterre.34 A la demande des directeurs du CNEPA, une circonscription est accordée par l’inspecteur d’académie des Hauts-de-Seine. Deux écoles de trente classes chacune sont mises à la disposition des stagiaires HS à Nanterre : l’école du Petit Nanterre et le groupe scolaire des Pâquerettes. Ce dernier est inauguré en 1961, sur le site d’un des bidonvilles (Nanterre en comptait neuf en 1968). Il scolarise 60 % d’enfants d’origine étrangère. Des moyens supplémentaires sont donnés, le travail devient beaucoup plus individualisé. Dans l’école, deux instituteurs spécialisés enseignent dans les deux classes de perfectionnement. Dans le même quartier, situé également sur un ancien bidonville, l’autre groupe scolaire d’importance équivalente est une enclave à l’intérieur de l’université : deux écoles primaires mixtes de 15 et 13 classes, avec chacune une classe de perfectionnement. Quasiment tous les enfants viennent des cités de transit ; pour une grande part, les familles originaires du djebel ne savent ni lire ni écrire. Une majorité d’élèves a deux ans de retard et un très faible niveau scolaire. Seuls 5 élèves sur 100 entrent en 6e I ou II, quand l’inspecteur départemental Michel Salines décide d’expérimenter un autre fonctionnement pédagogique35. Un projet est élaboré qui se concrétise à la rentrée 1973 : il s’agit d’organiser une scolarité élémentaire sur six ans, divisée en trois cycles de deux ans, sans que le statut de l’école soit modifié. Un pont avec la maternelle est instauré, une concertation par semaine ou par quinzaine est prévue officiellement, un GAPP créé avec nomination d’un psychologue scolaire et d’un rééducateur en psychopédagogie. Une institutrice titulaire du CAEI HS « enseignement enfants étrangers » est nommée, l’objectif étant que chaque classe du cycle d’initiation soit confiée à un tel maitre. Les classes restent hétérogènes (répartition par ordre alphabétique) et n’accueillent pas plus de 20 élèves, les maîtres doivent suivre leurs élèves deux années de suite. Les programmes proviennent des classes d’adaptation mais la priorité porte sur

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                           Dès 1965, la directrice du Renouveau à Montmorency défendait l’intégration qu’elle pratiquait et en expliquait l’intérêt. Elle mettait en avant les échanges et l’apport réciproque entre la communauté et les établissements ordinaires. (CEI, n° 3, décembre 1965, p. 77-79)  34 Les premières feront l’objet d’une publication spécifique.  35 Le regard d’un ancien stagiaire HS en 1968-69 apporte un éclairage complémentaire. « La classe de Salmon se trouvait mitoyenne du campus de Nanterre : l’école de l’avenue de la République, aujourd’hui démolie, était en effet située dans l’enceinte du Paris X d’aujourd’hui. Nous y sommes allés plusieurs fois (mais jamais dans le cadre du stage, c’était une décision libre) et le résultat était net : c’était la « classe des emmerdeurs », selon les autres enseignants de l’école. Ceux-ci avaient pu, grâce à l’imprécision de la nature administrative des élèves handicapés sociaux, s’y décharger de leurs élèves ne relevant pas de l’EI mais dont on ne savait que faire. La classe HS était pratique pour cela ! Quelques années après, elle avait disparu. On retrouvera cette école dans les années 70, sans classe HS, reprise en main par l’IEN responsable, Michel Salines, par ailleurs directeur-adjoint du CNEFEI. […] ». Alain Bourgarel, mars 2014.  

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l’apprentissage de la lecture, étalé dans le temps, avec un maximum d’exploitation de situations vécues. Seule une partie des classes se transforme progressivement en classes d’adaptation avec des maîtres spécialisés HS, bien que le fonctionnement de l’ensemble s’y apparente. L’évaluation interne est positive : plus grande autonomie des élèves, meilleure estime de soi, progression du niveau, mise en place de cours d’arabe avec prix attribués. La restructuration pédagogique, pilotée institutionnellement, s’accompagne de la volonté de ne pas transformer le groupe scolaire en école spécialisée. L’initiateur tire un premier bilan positif des mesures d’adaptation portant à la fois sur les structures et sur la pédagogie36. Si cette expérimentation apporte des éléments remettant en cause tout déterminisme social, elle reste très localisée et n’a apparemment pas connu de diffusion hormis l’article la rapportant dans la revue Éducation et développement. Cependant, la catégorie même a largement évolué. c) Handicapés sociaux ou immigrés ?   La dénomination HS a été utilisée par les acteurs institutionnels de manière plus ou moins critique dès les années 1960. L’Intergroupe Enfance inadaptée du Commissariat général au Plan, créé en septembre 1964, mentionne la catégorie « Handicapés sociaux (enfants privés d’une protection morale suffisante de la famille) » mais ne peut évaluer les effectifs, impossibles à quantifier. A la fin du Ve Plan, le rapport du Groupe, devenu Handicapés Inadaptés en 1970, souligne les imperfections et carences des dispositifs existants, parmi lesquels le « caractère trop rigide des classifications, le système abusivement ségrégatif où le placement en internat est trop souvent choisi plus en fonction d’habitudes ou de certaines facilités qu’il apporte que de critères objectifs ; […] multiplication des nuisances d’origine sociale liée à l’urbanisation, au développement des loisirs, à la mise en cause d’un système de valeurs ; apparition parmi ces nuisances de l’école comme facteur possible d’inadaptation. »37. La fonction d’égalisation des chances, « grand objectif national qui s’impose à la fois pour des raisons morales de justice et des raisons économiques de productivité », exige de se préoccuper de « l’égalisation des chances normaux-handicapés, égalisation des chances entre handicapés » alors qu’est apparu «[L’]insuffisance des moyens d’acculturation traditionnels (écoles) à l’égard d’enfants présentant des retards de développement intellectuel liés au milieu socio-culturel dans lequel ils vivent (migrants, gitans, enfants des bidonvilles…)» (ibid. p. 10). En 1972, Louis Bails, inspecteur départemental de l’éducation nationale spécialisé, présente les cas sociaux comme des enfants « seulement en danger de présenter, à plus ou moins brève échéance, ces troubles et ces déficiences [du comportement et de la conduite], parce qu’ils ne trouvent pas, dans le milieu où ils vivent, le minimum de conditions physiques, morales, psychologiques, requises pour leur développement normal. […] Une définition de ce genre, très large et toute négative, peut s’appliquer à des cas particuliers très divers dans la pratique » (Petit, 1972, p. 30). Ce point de vue institutionnel insiste largement sur la diversité des cas comme des solutions. Pour autant, ces enfants-là conduisent à interroger les pratiques

                                                                                                                         36 Michel Salines. « Au Petit Nanterre, une restructuration pédagogique ». Éducation et développement, n° 101, mai 1975, p. 15-20.  37 AN 20040310/1  

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générales des enseignants au-delà du but qui est bien « l’intégration dans la profession et dans la société ‘normale’ d’enfants et d’adolescents qui, en principe, n’ont, par eux-mêmes, aucun ‘handicap’, particulier. On peut se demander s’il ne conviendrait pas de s’occuper davantage des enfants de cette ‘catégorie’ à l’intérieur de l’école ordinaire. On peut, certes, dans certaines écoles, créer des classes pour ‘handicapés sociaux’ : c’est parfois une solution, mais qui a, il faut le reconnaître, l’inconvénient de provoquer, à sa manière, encore une ségrégation ‘spécialisée’. […] les instituteurs ‘ordinaires’ devraient recevoir une information suffisante […] : cela éviterait déjà de donner à croire que ‘traiter’ les handicapés sociaux est exclusivement l’affaire de ‘spécialistes’ cloisonnés –, et cela donnerait sans doute à l’école plus de tolérance et plus de capacité éducative ». (Les ‘’ sont dans le texte d’origine. Ibid. p. 32) A la même époque, en Belgique, l’enseignement spécialisé fait face aux mêmes constats et dilemmes : « La catégorisation de problèmes sociaux, en termes de handicap ou de déficience, serait-elle la seule réponse que notre société ait à offrir à ces familles confrontées aux difficultés scolaires de leurs enfants ? […] l’école spéciale serait-elle une école pour les pauvres ? » (Chapellier, 2000, p. 152-153). Situation jusqu’alors inédite si l’on souscrit à l’analyse de Viviane Isambert-Jamati : « Une fois qu’une scolarité bien au-delà du primaire devient la norme, on s’aperçoit que prévoir de nouvelles places ne suffit pas. Si les façons de faire, les références culturelles, les conduites attendues restent exactement ce qu’elles ont été, une part importante du nouveau public éprouve de telles difficultés qu’elle est rapidement éliminée comme inapte. Non seulement le retard, mais ‘l’échec’ devient un ‘problème social’, puisque le niveau d’études en question est devenu nécessaire pour participer normalement à la vie sociale, en particulier professionnelle » (1985, p. 162).  Dans le même temps, la scolarisation des enfants de migrants devient également un problème social ; ainsi dans un document du groupe PIM (Planification interne au ministère) en charge de la réflexion sur l’enfance inadaptée, intitulé « Problèmes posés par la scolarisation des enfants de travailleurs migrants »38. Sans remettre en cause l’immigration, le Groupe estime que 500 000 enfants de moins de 16 ans sont étrangers. « Convient-il que l’école change l’enfant de culture ? le maintienne dans sa culture d’origine ? associe les deux fonds linguistiques et culturels ? » (Ibid. p. 2). Il est proposé que soient créées des classes d’adaptation spécialisées pour accueillir les enfants de migrants. Certaines activités seraient communes avec les autres classes ; la durée de scolarisation y serait variable mais toujours limitée. Les maîtres auraient reçu une spécialisation sanctionnée par un diplôme. « Le mieux est donc, dans l’état actuel du problème, de s’en tenir à une expérimentation systématique qui a déjà commencé (Puteaux, Gennevilliers…) et de prévoir seulement la formation de maîtres spécialisés. On peut penser que, si les conditions de l’immigration ne changent pas au cours du VIe Plan, la mise en place de 100 classes spéciales d’adaptation pour migrants constituerait chaque année l’effort supplémentaire nécessaire » (Ibid. p. 3)39. Dans une publication à destination des maîtres spécialisés et de l’encadrement, le risque d’assimilation

                                                                                                                         38 AN 20040310/1  39 « Tous les habitats à prédominance de migrants nouvellement introduits sont précaires par destination (cités de transit) ou résultant de tolérances (bidonvilles) ».  

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progressive à une catégorie existante est patent : « La vie dans notre société contemporaine multiple les occasions de défaillance et de perturbation du milieu : habitat favorisant à la fois entassement, promiscuité et confinement, transplantation brutale et disparités linguistiques. La scolarisation d’enfants de familles non francophones pose de plus en plus de problèmes complexes. Dans certains quartiers de nos grandes villes et de leur périphérie, il arrive que la majorité des enfants d’un groupe scolaire puisse être considéré sans exagération, comme un rassemblement de cas sociaux – ou de « handicapés sociaux », pour employer la terminologie officielle du CAEI » (Petit, 1972, p. 31). Dans ce contexte, André Mouchon (directeur du CNEPA de 1970 à 1987) sollicite le CREDIF (Centre de recherches et d’études pour la diffusion du français) rattaché à l’ENS de Saint-Cloud, le 15 mai 1972 : « [...] sur un problème posé par la formation de nos stagiaires CAEI options HS. Dans de nombreux cas, ces stagiaires sont chargés d’enseigner à des élèves étrangers. Pour rendre leur travail plus efficace, nous avons donc fait appel dans le cadre des conférences faites par des personnalités extérieures au Centre, à des professeurs du CREDIF […] il serait souhaitable de lui vouer un caractère plus institutionnel en créant par exemple à l’intérieur du groupe de stagiaires de l’option HS, une section pour ceux qui se destinent à l’enseignement dans les classes d’adaptation pour enfants étrangers, classes issues de la circulaire du 9 février 1970 »40. A cette collaboration régulière s’ajoutent par exemple des journées d’études organisées au CNEFEI, comme celles du 10 au 14 juin 197441. Le colloque est présenté comme une réponse « à la demande de nombreux maîtres de classes spécialisées. Ceux-ci ont en effet noté le nombre relativement important d’enfants d’origine étrangère présentant des troubles d’adaptation scolaire ou des retards. Une proportion d’ailleurs anormale d’enfants de ce type fréquente les classes spécialisées : classes de perfectionnement en particulier, au point que certains se demandent ce qui y justifie leur présence »42. Ainsi, sans volonté délibérée d’assimiler les enfants étrangers à des handicapés, à tous les niveaux institutionnels il a paru ‘naturel’ de faire appel aux enseignants spécialisés ‘handicapés sociaux’ pour répondre à ce qui était alors considéré comme un nouveau problème social. Ce glissement, voire cet abandon, des ‘cas sociaux’ traditionnels au profit des enfants d’origine étrangère illustre à la fois l’évolution des représentations et le renouvellement continu des problèmes sociaux. Les années 1970 voient apparaitre de

                                                                                                                         40 AN 20010376/17 Le CREDIF était actif dès la fin des années 1960. À la rentrée 1969, 67 classes « expérimentales d’initiation pour enfants étrangers » sont ouvertes. Un diplôme du CREDIF est attribué après une visite de Pierre Grange, instituteur chargé de mission, qui établit un rapport. C’est la grande époque de la méthode « Bonjour Line » élaborée par le CREDIF sous la houlette de Michel Dabène. Elle est prescrite pour l’enseignement de la langue selon les méthodes du français langue étrangère (FLE). Ce qui sera largement contesté par de nombreux enseignants comme Alain Bourgarel, pour qui « les élèves, bien qu’étrangers, étaient francophones. Or la méthode proposée était conçue pour des élèves étrangers de milieux favorisés vivant à l’étranger à qui l’on présentait une France bourgeoise irréelle » (témoignage du 28 mars 2014).  41 Elles s’adressent « aux enseignants exerçant dans des classes recevant des enfants d’origine étrangère ». Pourtant, le public visé dans la circulaire les annonçant mentionnait ceux « exerçant dans des classes recevant des enfants handicapés sociaux d’origine étrangère ». La focale est à nouveau portée sur l’école du Petit Nanterre. Le département des Hauts-de-Seine est d’ailleurs fort bien représenté avec 15 enseignants.  42 Courrier de Suresnes, n° 16, 1975, p. 5.  

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nombreux textes règlementaires sur la scolarisation des enfants de migrants, la création des CEFISEM date de 1976, les premiers enseignements en langues et cultures d’origine (ELCO) de 1975. De nouvelles formes d’enseignements de compensation doivent lutter contre les handicaps culturels ou sociaux, conception où « les enfants sont considérés comme de petits systèmes déficitaires » (Bernstein, 1975, p. 252). A la fin des années 1970, s’il existe bien toujours des maîtres spécialisés dans l’option du CAEI ‘handicapés sociaux’, ils exercent désormais pour un certain nombre d’entre eux dans des écoles ordinaires qui accueillent un public sans déficience intellectuelle mais qui pose problème : retards scolaires massifs, culture maternelle non francophone, pauvreté, précarité et insalubrité de l’habitat… Dans un premier temps, l’Éducation nationale utilise le personnel spécialisé à sa disposition, alors que la théorie du handicap socio-culturel est prégnante et fort peu contestée y compris par les enseignants. Il faut attendre juillet 1981 pour qu’une transformation des analyses et de nouvelles modalités de prise en charge apparaissent officiellement et règlementairement avec la politique d’éducation prioritaire initiée par Alain Savary. Il s’agira désormais de lutter contre l’inégalité sociale qui doit être corrigée « par le renforcement sélectif de l’action éducative dans les zones et les milieux sociaux où le taux d’échec scolaire est le plus élevé » (Circulaire du 1er juillet 1981). Aboutissement d’un long combat syndical et politique mené en particulier par un instituteur spécialisé ‘handicapés sociaux’, Alain Bourgarel43 (Heurdier, 2014a). Bibliographie - Bernstein Basil (1975). « Critique du concept d’‘enseignement de compensation’ ». (In) Langage et classes sociales. Codes socio-linguistiques et contrôle social. Paris : Les éditions de Minuit, p. 249-262. - Burguière Evelyne (1979). « Questions générales et perspectives de recherches à propos des ‘inadaptations à l’école’ et de leurs réponses institutionnelles ». (In) M. Vial, E. Burguière (dir.). Les institutions de l’éducation spécialisée. Paris : INRP, p. 155-206. - Chapellier Jean-Louis. (2000). « L’éducation spécialisée. Une école de pauvres en Belgique. (In) Michel Chauvière, Eric Plaisance (dir.). L’école face aux handicaps. Education spéciale ou éducation intégrative ? Paris : PUF, p. 147-255. - Chauvière Michel (1999). « La naturalisation de l’enfance inadaptée ». Éducations, 17, p. 40-48.

                                                                                                                         43 « Et les ZEP, dans tout ça ? C’est avec l’autorisation de madame Waysand que j’ai pu assister à la présentation du Rapport Plowden au château de Longchamp, en décembre 1968. Comme pour les autres demandes de ce genre que je faisais régulièrement, je m’étais engagé à en faire le compte rendu. Ainsi, j’ai fait part au groupe HS de ce dispositif d’EPA anglaises. Aucune réaction, ni des professeurs, ni des stagiaires. A l’école du Port, ce fut pareil. Ce stage resta non concerné par cette piste pourtant intéressante pour les HS (enseignants comme élèves). Le rapport fait devant les stagiaires du voyage à Londres à Pâques 69 pour en savoir plus sur les EPA et la parution de l’article dans « Interéducation » en mai n’ont intéressé ni les professeurs de l’option ni les stagiaires, hormis le « second groupe », et encore, pas totalement ! La seconde promotion du stage HS (68-69) n’a donc pas été concernée par les ZEP. » Témoignage d’Alain Bourgarel, mars 2014.  

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- Chauvière Michel (2000). « L’école et le secteur médico-social. Naissance d’un contentieux ». (In) Michel Chauvière, Eric Plaisance (dir.). L’école face aux handicaps. Education spéciale ou éducation intégrative ? Paris : PUF, p. 53-69. - Gateaux-Mennecier Jacqueline. (1999). « L’intégration : l’empire des mots, le discours des faits ». La nouvelle revue de l’AIS, 8, p. 27-51. - Heurdier Lydie (2014a). « La politique d’éducation prioritaire : un projet politique conduit hors du champ politique (1981-2001) ». Vingtième siècle, à paraître. - Heurdier Lydie (2014b). « Expansion et transformation de l’enseignement spécial : le tournant des années 1960 ». (à paraître) - Isambert-Jamati Viviane (1985). « Quelques rappels de l’émergence de l’échec scolaire comme ‘problème social’ dans les milieux pédagogiques français ». (In) L’échec scolaire : nouveaux débats, nouvelles approches sociologiques. Actes du colloque franco-suisse 9-12 janvier 1984. Paris : Éditions du CNRS, p. 155-163. - Petit Jean. (Dir.) (1972). Les enfants et adolescents inadaptés et l’Éducation nationale. Paris : Armand Colin. 2 vol. (1e éd. 1966). - Plaisance Eric (1999). L’éducation spéciale... ou comment les mots font les choses. Éducations, 17, p. 49-61. - Plaisance Eric. (2000). « Les mots de l’éducation spéciale ». (In) Michel Chauvière, Eric Plaisance (dir.). L’école face aux handicaps. Education spéciale ou éducation intégrative ? Paris : PUF, p.15-29. - Plaisance Eric (2007). « De la notion de déficience à celle de ‘besoin éducatif particulier’. De l’éducation spéciale à l’éducation partagée ». En ligne http://www.ac-montpellier.fr/sections/pedagogie/reussite... (consulté le 13 août 2013). - Platone Françoise, Lantier Nicole, Hugon Marie-Anne. (1984). « L’éducation spéciale en France : quelques données statistiques ». (In) Intégration ou marginalisation ? Aspects de l’éducation spécialisée. Paris : L’Harmattan/INRP, p. 203-213. - Roca Jacqueline. (1992). De la ségrégation à l’intégration. L’éducation des enfants inadaptés de 1909 à 1975. Centre technique national d’études et de recherches sur les handicaps et les inadaptations (CTNERHI). - Rossignol Christian. (2010). « La notion de handicap : Métaphore politique et point de ralliement des corporatismes ». Interactions, vol. 2. - Vial Monique (2011). « Enfants ‘anormaux’. Les mots à la fin du XIXe siècle et au début du

XXe siècle ». Alter, vol. 5, n° 2, p. 69-88.

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Annexe 1 - Programme du CAEI, option Handicapés sociaux, à compter de 1970

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Annexe 2 - Contenu de formation proposé par un groupe de stagiaires à l’automne 1968

Option handicapés sociaux I. Diversité des handicapés sociaux

A. Quant aux causes du handicap a) handicap dû au milieu familial b) handicap dû à la famille

B. Quant aux lieux de regroupements a) en internat b) en placements familiaux c) dans leurs familles

II. Le milieu de vie de la famille A. Classe sociale

a) Réalité objective des différentes classes sociales dans notre société b) Spécificités des classes sociales handicapées : différentes théories et

étude pratique du milieu c) Types d’organisation sociale dans le monde (différences, traits

communs) d) Les changements de classe sociale

B. Le milieu culturel a) définition de la culture b) différentes théories sur les valeurs des cultures c) étude de quelques cultures, notamment la nôtre et celle en marge de

la nôtre engendrant des handicapés sociaux. d) Changements de milieux culturels pour les enfants (langue, mode de

vie pratique, hiérarchie des valeurs) C. Action réciproque classe sociale / Milieu culturel

a) Détermination de la classe selon la culture b) Détermination de la culture selon la classe c) Assimilation des notions

D. Conditions de vie de la famille a) niveau économique

1. ressources – budget (quantité et qualité) 2. profession du père, de la mère, des aînés

b) habitat (l’habitation – le milieu écologique – l’urbanisme) c) prédélinquance – délinquance – criminalité d) alcoolisme – prostitution e) problèmes posés par le dialogue maître / parents

III. La famille A. Evolution

a) Historique 1. généalogie et événements familiaux 2. évolutions parmi les classes et les cultures

b) Perspectives d’avenir

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B. Le couple a) Modalités légales b) Modalités réelles c) Familles dissociées

C. Les enfants a) Degrés de l’acceptation b) Le contrôle des naissances

D. L’enfant dans la famille a) De l’enfant unique à la famille nombreuse b) Place de l’enfant dans la fratrie c) Différents types d’attitude des parents vis-à-vis de l’enfant

1. besoins matériels 2. affection 3. éducation

E. Les séparations précoces et les carences affectives qui en découlent F. L’enfant dans la famille d’accueil

a) Adoption, b) Placement, c) Garde

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ANNEXE 3 - Tableau de synthèse d’une partie des réponses au « questionnaire relatif aux problèmes posés par les enfants handicapés sociaux » (source AN 20010376/7)

nature et nom établissement Départ. nb total

d'enfants âges limites nb garçons

nb filles

nb étrange

rs

nationalités principales

scolarisation extérieure

scolarisation interne : nb de

classes annexées

Maison d'enfants "Le grand casset" La Boisse, gérée par la Jeunesse en plein air du Rhône

01 52 6 à 13 ans 37 15 non sauf 3 élèves 3

Ecole de plein air et internat de Villeurbanne - Poncin 01 90 8 à 14 ans 90 0 0 non 5 (4 de plein air,

1 de perfect.)

Foyer départemental de l'enfance (aide sociale) - Moulins 03 60 2 à 21 ans - - - oui

une classe spécialisée

dans l'établissement

Entraide universitaire maison d'enfants - Le Mayet de

Montagne 03 88 6 à 16 ans 58 30 3 espagnole

oui

Centre départemental spécialisé d'éducation de l'enfance,

préfecture des Bouches-du-Rhône - Les Cadeneaux-par-la-

Gavotte

13 100 6 à 18 ans 100 0

"française mais origine très variée (italien, espagnol,

Afrique du Nord, arménien)"

non 7

internat municipal de la ville de Caen avec école pour handicapés

sociaux annexée -Sainte-Croix grand Tonne

14 67 5 à 16 ans 45 22 0

non mais 4 enfants en transition, 1 en CPPA, 1 en école

autonome de perfectionnement

3

maison d'enfants mixte du château de Bione (cas sociaux,

enfants en danger moral) - Jumilhac-le-grand

24 30 6 à 16/17 ans 15 15 oui ; les plus

grands vont au CEG ou au CET

1

Internat pour cas sociaux - Centre d'accueil

départemental du Valentin - Bourg-lès-Valence

26 170 6 à 16 ans 170 0 2 espagnole, libanaise

non ; pour les plus grands (CES,

CET, SES, classes pratiques, classes

de transition, lycée)

6

Foyer d'enfants de l'œuvre des pupilles de

l'école publique du Finistère - internat cas sociaux - Clohars

Carnoët

29 45 5 1/2 ans à 14 ans 26 19 0 oui

Foyer des pupilles de l'école publique de

l'Hérault -Internat mixte "cas sociaux" - Sète

34 92 6 à 13 ans 62 30 10 espagnole portugaise algérienne

non 4

Ecole nationale de perfectionnement - Redon 35 120 6 à 12 ans 80 40 0 non 6

maison de l'enfance à caractère social

de Carcé - Bruz 35

84 (théorique

90)

F de 6 à 12 ans ; G de 6

à 16 ans

68 16 1 marocaine oui 2 classes

spécialisées pour 33 enfants

Ville de Grenoble Internat scolaire de Corenc 38 52 37 15 0 oui pour

9 d'entre eux 2

Œuvre des villages d'enfants - établissement à caractère social

d'Autrans 38 46 5 à 15 ans 40 6 0 oui

pour 30 enfants 1 classe de 16

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maison familiale des orphelins de guerre et pupilles de la Nation -

Jouhe - Dôle 39 75 5 à 17 ans 50 25 0

oui pour 15 élèves de l'enseignement

secondaire et technique

3 (classes primaires)

Ecole de plein air "Les Cèdres", établissement géré par la ville de Saint-Etienne - St Pau en Jarez

42 75 6 à 15 ans 44 31 5 italienne, espagnole non

4 ; 10 élèves vont à

l'extérieur

"Notre maison", établissement pour cas sociaux - Laparade 47 57 5 à 14 ou

16 ans 39 18 1 "arabe" oui

Association départementale des pupilles de l'école publique -

Foyer le Telo - Avenay-Val d'or 51 53 6 à 18 ans 29 24

5 (nés en France de parents étrangers)

+ 3 algériens oui

Enfance à la mer -"Handicapés sociaux"- Gravelines 59 120

F de 6 à 12 ans ; G de 6

à 16 ans

80 40 6 ; extérieur pour le collège

Association des Flandres – Maison "les peupliers" -

Wormhout 59 105

G de 6 à 12

ans F de 6 à 16

ans

50 55 "aucun à ma

connaissance, 5 Nord-Africains à la nationalité indéfinie""

5 ; certains vont à l'école

publique annexée

Ecole nationale du 1er degré - Bateliers et

forains - Douai 59 180 6 à 14 ans 90 90 0 6

Maison des pupilles - cas sociaux Campagne les Hesdin 62 117 6 à 15 ans 66 51

6 ; quelques élèves vont au

collège du secteur

Maison d'accueil de la Caisse nationale de la sécurité sociale

des Mines - Bidart 64

(entre 100 et 180)

106 6 à 14 ans 58 48

18 (variable

) algérienne non

6 ; "depuis plusieurs années,

je demande l'admission et la fréquentation des élèves de 6e et 5e normales dans les CES et CET de

Biarritz sans résultats"

Maison d'enfants cas sociaux - Centre éducatif à la campagne du

Pas de la Coûme - Mosset 66 49 5 à 18 ans 33 16 12

espagnole, anglaise, suisse,

américaine, allemande

non

2 (1 pour 1er degré, 1 pour 2d degré) ;

inscription au CNTE de la 6e à

la 1re

Préfecture des Pyrénées orientales - Maison d'enfants à

caractère social Les Chantevents - Corsavy

66 70 6 à 16 ans 44 26 0 oui pour le CES

4 ouvertes aux enfants du village

(environ 10 élèves)

école nationale du 1er degré recevant des enfants dont les

parents exercent une profession non sédentaire (mariniers,

forains) ; Strasbourg-Neuhof

67 138 6 à 12 ans

11 élèves de 13-14 ans

60 78 0 non 6 dont 1 perfect.

Internat de l'œuvre des Pupilles de l'école

publique du Rhône - Propières 69 115 5 à 14 ans 73 42 10 algérienne non 5

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école primaire mixte du centre accueil

de la préfecture de Paris - Ecole des enfants assistés

av Denfert-Rochereau, 14e Paris

75 320 max 3 à 16 ans effectifs mouvants, moitié-moitié 25%

algérienne, africaine

espagnole, yougoslave

non 11

Centre d'observation des internats

primaires -Paris 16e 75 30 5 à 10 ans 20 10 0 non 3

Internat primaire du département de Paris

Maison d'enfants "Les Tilles" Coye-la-forêt

75 (gestion)

60 (implant

ation)

165 3 à 12 ans 77 88 - - non 9

Ecole de plein air mixte du 18e arrondissement de Paris -

Luzancy 77 68 7 à 16 ans 32 36

"enfants venant d'Afrique du Nord,

6 espagnols, 1 yougoslave"

non ; les plus grands vont au

CES de la Ferté/Jouarre

4 dont 1 de perfect.

Ecole mixte du Centre d'accueil du comité

des œuvres sociales du Var - Hyères

83 108 5 à 12 ans 72 36 0 non 5

Maison à caractère social de Sainte-Garde Saint-Didier

84 78 6 à 14/15 ans 60 18 non 5

Maison des pupilles - Rémoncourt 88 83 6 à 14 ans 75 8

CES de Vittel pour les plus

grands

3 + 1 classe de perfectionnement

mixte avec le village

Maison d'enfants à caractère social : Maison Blanche des

cadets de l'ALEFPA - Chaumot par Villeneuve/Yonne

89 66 6 à 16 ans 34 32 3 allemande

28 élèves (13 en CES et CET, 15 dans

écoles primaires)

2

Ecole départementale - 51 route du Port

Gennevilliers 92 220 4 à 14 ans 110 110 220

algérienne, marocaine, tunisienne

10 classes

Ecole départementale primaire et maternelle pour handicapés sociaux- 7 route du Port -

Gennevilliers

92

180 (dont 80 en

maternelle)

3 à 14 ans 180

algérienne, marocaine, tunisienne, portugaise

9 classes ; "une partie des enfants habitant la cité ne fréquente pas notre école mais dès qu'ils sont socialement et scolairement

"intégrables" des classes des écoles ordinaires des communes voisines.

Ensuite, comme les autres enfants, les établissements de 1re cycle et les CET".

Foyer d'accueil des Hauts de Seine

"Cité de l'enfance" - Plessis-Robinson

92 90 (variable) 5 à 16 ans 60 30 variable

algérienne, yougoslave, espagnole

parfois pour quelques-uns 7

Orphelinat national des chemins de fer -

handicapés sociaux - Avernes 95 70 5 à 15 ans 50 20 non

3 ; CES, CET, lycée

pour les plus grands

centre d'éducation pour enfants et adolescents - établissement à

caractère social Le Renouveau -

Montmorency

95 73 6 à 21 ans 44 29 5 "4 pupilles de la

nation Voltaïque, 1 cambodgien"

oui

1 classe d'adaptation

au centre pour 11 à 18 élèves