Les Cahiers d’Éducation & Devenir - Numéro 37 - 1995

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Ainsi, ont été présentées différentes facettes de la relation École-Entreprise.

Il apparaît bien que la relation entre l'École et l'Entreprise est longue et difficile à établir ; elles

ont suivi leurs voies propres en s'ignorant pendant des décennies, pratiquement jusqu'à la fin de

la seconde guerre mondiale.

Le poids de l'histoire (deux histoires parallèles et étrangères l'une à l'autre) et le poids des

mentalités (chacune ignore l'autre, la méconnaît ou la méprise) ont freiné le rapprochement qui

pouvait conduire à une collaboration.

Les impératifs économiques et technologiques ainsi que l'ouverture vers l'Europe et le Monde

imposent à la relation École-Entreprise de s'affirmer dans des actions communes, lesquelles

doivent conduire à un véritable partenariat.

Le partenariat est l'association de deux institutions, groupes ou organismes, qui unissent leurs

structures (équipes de travail, équipes de conception, équipes de gestion), leurs moyens

(ressources humaines, crédits, équipements) et leurs méthodes (techniques, recherche,

communication) afin d'atteindre un objectif commun.

Pour nous ce partenariat se situe au niveau de la formation : enseignement par alternance,

stages de formation continue ou recyclage, échanges de personnels, transferts, travaux conduits

en commun.

L'École et l'Entreprise, par l'association des formations qu'elles dispensent, permettent à

l'adolescent de se réaliser à l'âge adulte sur le plan de la compétence, de la culture et de la

personnalité.

Un partenariat bien compris devrait rapidement offrir à l'adolescent en difficulté scolaire de

pouvoir quitter l'école pour l'entreprise, puis de pouvoir rejoindre l'École avec une motivation

nouvelle née du passage en Entreprise.

L'enseignement récurrent, sans limite d'âge, est à adopter d'une manière normale.

Le bassin d'emploi - concept nouveau qui n'a reçu que peu d'applications pratiques- privilégie

une telle relation École-Entreprise en rassemblant géographiquement les possibilités de l'École

et les demandes de l'Entreprise et inversement.

Il privilégie cette relation : - en facilitant l'adaptation de la formation générale de l'École à la préparation d'une

profession en Entreprise; - inversement, il pousse l'Entreprise à intégrer des formes nouvelles d'organisation, de

responsabilité, de créativité et de relations humaines ;

- en créant un système souple qui permet de rendre plus facile la conduite vers une compétence associant culture générale, technique, savoir-faire;

- en créant un climat de relations, d'échanges et d'apports entre le monde de l'École et le monde de l'Entreprise;

- en offrant à l'adolescent des possibilités d'emploi sur place, il évite de le déraciner.

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Le bassin d'emploi ne doit pas dériver sur une nouvelle institution, intermédiaire au-dessus de

l'établissement avec un super proviseur ou un super administrateur; dans l'E.N. il y a

suffisamment d'échelons hiérarchiques sans qu'il faille en ajouter d'autres; ce serait aller à

l'encontre de l'esprit de recherche d'emploi qui repose sur la liberté d'initiative et de contact liée

à l'autonomie de l'établissement.

Par le bassin d'emploi la relation Ecole Entreprise trouve son expression la meilleure et la plus

intense.

On me permettra d'associer aux enseignements qui se dégagent des différents articles ceux

d'une expérience de la direction de deux établissements d'enseignement technique (industriel et

économique) où la relation École-Entreprise avait le maximum de développement; ceci me

permettra de présenter un panorama des impératifs du partenariat et des enrichissements qu'il

apporte aussi bien à l'École qu'à l'Entreprise.

On n'oubliera pas que la convivialité permet aux hommes de se connaître et les unit.

Le CDI dans les établissements est le lieu privilégié de toute rencontre d'enseignants et de

formateurs.

L’ECOLE L’ENTREPRISE

Abandonner les préjugés et les idées toutes faites

Les enseignants ignorent tout de l'Entreprise qu'ils considèrent comme un élément de l'économie capitaliste.

Pour eux, c'est un milieu sans culture et sans action éducative sur les jeunes, avec des relations très hiérarchisées; l'Entreprise ne les forme qu'en vue d'une rentabilité et d'un rendement.

Pour le personnel de l'Entreprise, les enseignants ne sont pas de véritables travailleurs; on ignore la lourdeur et les difficultés de l'enseignement; on reproche à l'École de former des adolescents critiques, voire contestataires.

Une évolution très positive est en cours.

Se connaître réciproquement

L'enseignant découvre les Entreprises du bassin d'emploi et entre en relation avec le personnel qui reçoit ses élèves ainsi que d'autres membres du personnel.

il constate leur valeur humaine, leur qualité professionnelle, les exigences qu'ils supportent et l'estime qu'ils méritent.

Le personnel de l'Entreprise doit se rendre compte des difficultés de l'enseignant et des rapports avec les élèves; il doit penser au capital travail accumulé pour obtenir les diplômes nécessaires à l'exercice de l'enseignement. Il peut établir avec tout enseignant une relation plus libre.

La voie de la collaboration entre École et Entreprise passe par une véritable connaissance réciproque.

Privilégier la relation permanente entre les hommes

L'enseignant se rend à l'Entreprise librement et prend contact avec, outre les formateurs, d'autres membres du personnel.

Le personnel de l'entreprise ne doit plus voir l'École comme un milieu clos, mais comme le champ de préparation et de réflexion en vue de l'orientation des élèves vers une formation professionnelle.

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S'engager et affirmer une volonté

Le partenariat n'est pas une institution qui se fige et s'immobilise dans une organisation et un

fonctionnement immuables; c'est une création continue.

Il exige des hommes un travail constant, une aptitude à adapter et à créer, la volonté de réussir

et la conscience d'une responsabilité précise : conduire l'adolescent à une compétence qui

déterminera sa vie d'adulte.

Cette mission est commune à l'École et l'Entreprise.

Remarque : l'apprentissage par l'alternance n'est pas la solution miracle aux difficultés de certains élèves

en fin de Sème. Tout élève doit parcourir la scolarité complète du collège, jusqu'en 3ème. Le problème est

qu'il ait atteint le niveau de 3ème au moins en français et en calcul. Car ce niveau est indispensable pour

acquérir une formation professionnelle en accord avec les technologies actuelles et pour adapter

ultérieurement cette formation à des nouvelles technologies. Un élève qui quitte prématurément le collège

pour aller en apprentissage est un chômeur en puissance. Il y certes des élèves de Sème qui ne supportent

plus la scolarité; si on ne peut créer chez eux une nouvelle motivation, il faut admettre qu'ils aillent en

apprentissage, en alternant si possible, un enseignement récurrent pouvant apporter ultérieurement une

correction à l'insuffisance de l'enseignement général.

Une déontologie de la relation École-Entreprise

doit se dégager de la volonté d'aboutir au partenariat.

A l’ECOLE ET DANS l’ENTREPRISE

On se souviendra que le diplôme, garantie d'une culture générale, et que la compétence issue

de la formation professionnelle sont inséparables; l'un n'est rien sans l'autre; avec une

personnalité affirmée, ils constituent les trois facteurs d'une réussite à peu près certaine,

EN OUTRE,

On considérera chaque jeune comme une personne quel qu'il soit avec les valeurs de sa

génération -même si nous ne les partageons pas- et on lui transmettra celles qui feront de lui un

homme épanoui (amour de son travail, respect des autres, tolérance, ouverture d'esprit) et un

citoyen conscient (responsabilité personnelle et collective, sens de la communication et de

l'équipe, esprit d'engagement) dans une société démocratique,

ENFIN,

On prendra conscience que l'avenir de notre pays dépend de la formation culturelle et

professionnelle dispensée aux jeunes afin qu'ils puissent s'insérer dans une économie adaptée à

l'époque et socialement évolutive.

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Adapter les structures, les programmes et l'organisation

L’autonomie de l’établissement est la condition première : le projet d’établissement intègre la relation avec l’Entreprise et adapte l’enseignement dispensé permettant aux élèves d’acquérir ultérieurement la compétence qu’ils souhaitent.

L’Ecole reçoit de l’Entreprise la Taxe d’Apprentissage qui lui permet de mieux organiser sa formation ; mais la TA n’est pas le partenariat

L'Entreprise doit s'organiser pour accueillir les stagiaires avec une équipe de formateurs formés qui prendront la responsabilité du stage pendant un temps déterminé.

N.B. : ce qui fait la supériorité de l'apprentissage en Allemagne, c'est :

- la mise en place d'une équipe de formateurs formés au préalable,

- une contribution des Entreprises à l'apprentissage 8 à 10 fois supérieure à celle des Entreprises françaises.

Enseignants et formateurs d'Entreprise prévoiront une évaluation périodique des résultats et adopteront les remises en cause nécessaires.

Etablir une concordance entre les enseignements

Si l’Ecole doit établir une relation efficace avec l’Entreprise, il lui faut organiser son enseignement (contenu, programme, déroulement) en rapport avec celui de l’Entreprise.

Le savoir et la formation qu’elle dispense doivent pouvoir être utilisés simultanément par l’Entreprise dans sa propre formation, celle de l’Ecole doit s’adapter peut être la trame et le support de la formation professionnelle.

Cette mise en concordance doit à la fois servir à la formation professionnelle et rester fidèle aux objectifs de l’Ecole : dans la relation Ecole-Entreprise, l’Ecole reste Ecole.

L’Entreprise a besoin de la formation générale pour dispenser sa propre formation. Les mutations et avancées rapides et multiples des technologies reposent nécessairement sur la formation générale.

L’Entreprise doit donc établir une concordance avec celle-ci pour permettre le passage ultérieur d’une spécialité à une autre ou une progression dans une spécialisation.

On s’est rendu compte au cours de ces dernières années de l’importance des formations générales et l’entreprise ne peut refuser cette coordination : sans celle-ci, l’Entreprise ne peut prendre en compte les acquis de la formation professionnelle perd sa solidité, sa logique et sa possibilité d’évolution.

Cette concordance rejoint la similitude des démarches pédagogiques qui peut s’établir entre les deux types de formation : apprendre, comprendre, transmettre, communiquer.

Les apports réciproques

L'École a hérité d'une longue histoire d'enseignement; elle bénéficie en outre d'études, d'expériences et de recherche.

Les différents types de pédagogie et de didactique lui permettent de résoudre totalement ou en partie les difficultés rencontrées par les élèves. L’École représente un capital de savoir-faire qu'elle peut transmettre à l'Entreprise.

En outre, elle associe à l'enseignement l'action éducative et la formation humaine de l'adolescent; cette mission qui prépare l'adolescent à une vie d'homme équilibré par sa vie sociale, sa profession et ses acquis culturels, doit être également remplie par l'Entreprise.

L'Entreprise a organisé son enseignement avec pour objectif la mise à disposition d'une main-d’œuvre formée pour être immédiatement utilisable et rentable. Mais l'évolution des mentalités et des technologies a conduit l'Entreprise à dépasser cet objectif. Désormais la réussite dans la vie professionnelle -et les entreprises en sont d'accord- n'est pas possible sans cette triple formation de l'école (savoir, culture, épanouissement).

Inversement, le contact de l'outil et de la machine dans toute sa complexité et la rencontre avec des problèmes concrets de technologie, de fabrication, d'économie, de gestion apportent à la formation humaine des valeurs nouvelles comme la responsabilité, la communication et la créativité.

C'est en cela que le métier devient une compétence

Jouer loyalement l'alternance

Ne pas exclure sous prétexte d'insuffisance sans envisager une formation professionnelle par alternance en prenant en compte les potentialités non scolaires de l'élève et son projet d'avenir.

L'Entreprise doit se considérer comme une école parallèle avec les mêmes responsabilités quant au devenir de l'élève. On ne confondra pas le jeune en formation avec un "manœuvre léger" affecté aux travaux ingrats.